Série thématique sur l'ethnicité, la langue et l'immigration
Professionnels de la santé et minorités de langue officielle au Canada, 2001 et 2011

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par Jean-François Lepage et Émilie Lavoie

Date de diffusion : le 6 janvier 2017

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Jean-Pierre Corbeil, responsable du programme de la statistique linguistique à Statistique Canada pour son aide importante et ses suggestions pertinentes tout au long de la réalisation de ce projet de recherche. Ce projet a bénéficié des suggestions et commentaires judicieux de Roger Guillemette et François Rivet de Santé Canada, ainsi que François Nault, directeur de la Division de la Santé de Statistique Canada. Des remerciements vont également à Michael Wendt, Scott McLeish et François Verret pour leurs conseils méthodologiques. Enfin, les auteurs remercient Karine Garneau et Deniz Do pour leur collaboration dans la finalisation du rapport.

Cette étude a été rendue possible grâce à l'appui financier d'un consortium constitué de Patrimoine canadien, d'Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada, de Santé Canada et du ministère de la Justice du Canada.

Introduction

La langue est un facteur important de l’accès aux soins de santé pour les minorités linguistiques, particulièrement lors du premier contact avec un professionnel de la santé (Bowen, 2001). Les omnipraticiens, les infirmiers et les pharmaciens fournissent des soins de santé de première ligne, tout comme c’est le cas pour les ambulanciers paramédicaux. Quant aux psychologues et aux travailleurs sociaux, la communication, et la langue par le fait même, s’avère l’un de leurs principaux outils de travail dans le cadre des consultations avec leurs clients.

Depuis 2003, Santé Canada appuie des activités visant l’amélioration de l’accès aux soins de santé en français à l’extérieur du Québec et en anglais au Québec, y compris la formation et le maintien en poste de professionnels de la santé bilingues, par le biais du Programme de contribution pour les langues officielles en santéNote 1. En quinze ans, des milliers de professionnels de la santé supplémentaires, dont des omnipraticiens, psychologues, physiothérapeutes, infirmiers, pharmaciens et plusieurs techniciens ont reçu de la formation en français dans des universités hors Québec membres du Consortium national de formation en santé. Au Québec, l’Université McGill a coordonné une initiative d’offre de formation linguistique à plus de douze mille membres du personnel du réseau de la santé et des services sociaux. Elle a également mis sur pied un programme de stages et de bourses aux étudiants bilingues pour favoriser un meilleur accès aux soins de santé en anglais.

En 2009, Statistique Canada publiait pour le compte de Santé Canada un rapport intitulé Professionnels de la santé et minorités de langue officielle au Canada : 2001 et 2006. Ce rapport dressait un premier portrait du bassin de certains groupes de professionnels offrant des services de santé ou étant susceptibles d’en offrir aux communautés anglophones et francophones en situation minoritaire. Le présent rapport constitue en quelque sorte une suite à celui publié en 2009 puisqu’il offre un portrait plus détaillé des tendances en matière de langues officielles dans certaines professions de la santé, et ce, en comparant les années 2001 et 2011.

Le premier objectif de ce rapport est de présenter des statistiques détaillées sur le nombre de professionnels de la santé selon différentes caractéristiques linguistiques. Les nombreux tableaux présentés en annexe offrent au lecteur une information riche et exhaustive. Plus encore, ce rapport vise à estimer dans quelle mesure et de quelle manière a évolué la disponibilité des professionnels de la santé de langue officielle minoritaire au Canada, au cours d’une période de dix ans pendant laquelle le gouvernement fédéral est intervenu pour améliorer l’accès aux soins de santé dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

Santé Canada a sollicité l’expertise de Statistique Canada dans le but d’évaluer l’offre de services et la disponibilité des professionnels de la santé qui prodiguent ou qui sont susceptibles d’offrir des soins et services dans la langue officielle minoritaire. La première partie de ce document dresse un portrait du bassin des professionnels de la santé appartenant à la population minoritaire présents en 2011. Ce portrait inclut également une description des professionnels de la santé qui utilisaient la langue de la minorité au travail en 2011 ou qui déclaraient avoir la capacité de soutenir une conversation dans cette langue. Nous examinons par ailleurs l’évolution du nombre de professionnels et de l’offre de services de soins de santé dans la langue de la minorité entre 2001 et 2011. Ce portrait global du bassin des professionnels de la santé qui desservent ou qui sont susceptibles de pouvoir desservir les CLOSM constitue donc la première partie de ce document.

La seconde partie de ce document concerne l’adéquation entre l’offre et la demande de services de santé dans la langue de la minorité. L’offre de services de santé dans la langue minoritaire s’est accrue à peu près partout au Canada.  Est-ce que l’offre de services en santé dans la langue de la minorité a suivi, entre 2001 et 2011, l’évolution démographique de la population minoritaire? L’offre de services s’est-elle accrue davantage dans les régions où la population minoritaire a connu les plus fortes croissances? L’analyse permet de constater que ce n’est généralement pas le cas. En ce sens, l’analyse des données par groupe de professionnels permettra à Santé Canada et aux établissements d’enseignement postsecondaire d’identifier les besoins en matière de ressources humaines en santé et d’établir des politiques et des programmes de formation visant à accroître la main-d’œuvre professionnelle dans les secteurs où ils sont les plus importants.

Les données présentées dans ce document proviennent de trois sources : le formulaire détaillé du recensement de la population de 2001, le formulaire court du recensement de 2011 et l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011. Les analyses sont menées au niveau provincial, et infraprovincial dans le cas de trois provinces où les populations de langue officielle minoritaire sont plus présentes. Les données sur lesquelles repose ce portrait des professionnels de la santé qui desservent les communautés de langue officielle minoritaire ou qui sont susceptibles d’offrir des services de santé dans la langue de la minorité sont présentées par niveau géographique, tant dans la description que dans les tableaux de données détaillées de l’Annexe BNote 2.

Les analyses proposées dans ce document portent dans un premier temps sur l’ensemble des professionnels de la santé. Neuf groupes de professionnels sont également abordés spécifiquement. Les premiers groupes de professionnels de la santé sont les mêmes que ceux présentés dans le rapport de 2009, soit les infirmiers autorisés/infirmières autorisées et infirmiers psychiatriques autorisés/infirmières psychiatriques autorisées (appelés « infirmiers » dans le texte), les omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale (appelés « omnipraticiens » dans le texte), les psychologues et les travailleurs sociaux/travailleuses socialesNote 3. Nous avons par ailleurs ajouté quatre groupes supplémentaires et modifié la catégorie résiduelleNote 4. Ces groupes supplémentaires sont : les pharmaciens/pharmaciennes, les infirmiers auxiliaires/infirmières auxiliaires, le personnel ambulancier et paramédical (appelés « ambulanciers » dans le texte) et les aides-infirmiers/aides-infirmières, aides-soignants/aides-soignantes et préposés/préposées aux bénéficiaires (appelés « préposés aux bénéficiaires » dans le texte).

Première partie

Canada à l’extérieur du Québec

Selon l’Enquête nationale auprès des ménages, il y avait 885 375 professionnels de la santé au Canada à l’extérieur du Québec en 2011Note 5. On observe que 11,7 % d’entre eux, soit 103 830 professionnels, étaient capables de soutenir une conversation en français, et que 45 450 professionnels de la santé utilisaient le français au moins régulièrement au travail. Par ailleurs, 38 655 professionnels de la santé appartenaient à la minorité de langue officielleNote 6.

Ces 38 655 professionnels de la santé qui appartiennent à la minorité francophone représentaient 4,4 % de l’ensemble des professionnels, soit un poids relatif légèrement supérieur à celui que représentait la minorité francophone dans l’ensemble de la population (4,0 %).

On observe une surreprésentation des membres de la minorité linguistique dans certaines professions de la santé, notamment chez les psychologues (6,1 %), les ambulanciers (5,6 %), les travailleurs sociaux (5,2 %) et les préposés aux bénéficiaires (5,2 %). En revanche, les membres de la minorité francophones étaient sous représentés chez les pharmaciens (3,2 %).

Le poids démographique relatif de la minorité de langue officielle a diminué entre 2001 et 2011 dans le Canada à l’extérieur du QuébecNote 7. Il en va de même dans la plupart des professions observées. L’exception la plus notable est toutefois celle des omnipraticiens où l’on observe une hausse du poids relatif de la minorité francophone : en 2011, 4,2 % de ces derniers appartenaient à la minorité, comparativement à 3,7 % en 2001.

L’offre de services de santé dans la langue minoritaire n’est pas le seul fait des membres de la minorité qui pratiquent une profession de la santé. La capacité de soutenir une conversation en français par les professionnels de la santé, y compris chez les non-francophones, est un indicateur de l’offre potentielle de services de santé en français pour la minorité de langue officielleNote 8. En 2011, 11,7 % des professionnels de la santé au Canada à l’extérieur du Québec affirmaient pouvoir soutenir une conversation en français, en baisse par rapport à 2001 (12,4 %). La capacité de soutenir une conversation en français est en baisse chez plusieurs groupes de professionnels : infirmiers (10,1 %, comparativement à 10,6 % en 2001), psychologues (20,9 %, comparativement à 23,2 % en 2001), travailleurs sociaux (13,5 %, comparativement à 14,3 % en 2001) et préposés aux bénéficiaires (9,2 %, comparativement à 10,1 % en 2001).

La tendance est la même en ce qui a trait à l’utilisation du français au travail par les professionnels. En effet, une autre façon de définir l’offre de services de santé dans la langue minoritaire est de considérer les professionnels de la santé qui utilisent le français au moins régulièrement au travailNote 9. En 2011, 5,1 % des professionnels de la santé utilisaient la langue minoritaire au moins régulièrement au travail, comparativement à 5,4 % en 2001. L’utilisation du français au travail est en baisse chez plusieurs groupes de professionnels : infirmiers (5,0 %, comparativement à 5,6 % en 2001), psychologues (6,8 %, comparativement à 7,9 % en 2001), ambulanciers (6,6 %, comparativement à 7,7 % en 2001) et préposés aux bénéficiaires (5,5 %, comparativement à 5,9 % en 2001).

Il est toutefois important de noter que toutes ces tendances à la baisse s’inscrivent dans un contexte de croissance des effectifs. Le nombre de professionnels de la santé de langue officielle minoritaire capables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire ou utilisant cette langue au moins régulièrement au travail est à la hausse entre 2001 et 2011, pour l’ensemble du Canada à l’extérieur du Québec, dans pratiquement toutes les professions de la santé observées. Ces baisses relatives jumelées à des hausses d’effectifs s’expliquent par le fait que les effectifs de professionnels de la santé qui n’appartiennent pas à la minorité, qui sont incapables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire ou qui ne l’utilisent pas au moins sur une base régulière croissent également, et de façon plus rapide encore.

Atlantique

Dans les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, le nombre total de professionnels de la santé de langue française a augmenté de 40,3 % entre 2001 et 2011, s’élevant alors à 1 470 en 2011. La majorité des groupes de professionnels ont connu des hausses de plus de 40 % de leurs effectifs pouvant soutenir une conversation en français entre 2001 et 2011. Le nombre de professionnels de la santé de l’Atlantique hors Nouveau-Brunswick qui utilisaient le français au moins régulièrement au travail a augmenté de 29,9 % entre 2001 et 2011, passant ainsi de 1 150 professionnels en 2001 à 1 490 en 2011.

Au Nouveau-Brunswick, le nombre de professionnels de la santé de langue minoritaire a augmenté de près de 40 % en dix ans. De la même façon, le nombre de professionnels qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français ou qui utilisaient cette langue au travail a augmenté de plus de 40 % entre 2001 et 2011. Pour chacun des indicateurs, les omnipraticiens et les préposés aux bénéficiaires du Nouveau-Brunswick ont vu leurs effectifs augmenter de façon importante en dix ans, soit de plus de 50 % dans tous les cas.

Dans le Nord de la provinceNote 10, le nombre total de professionnels est passé de 5 930 en 2001 à 7 705 en 2011, soit une augmentation de près de 30 %. En comparaison, il y avait 8 055 professionnels dans le Sud-Est en 2011, en hausse de 47,6 % par rapport à 2001. Le nombre de professionnels qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français a augmenté de 28,3 % entre 2001 et 2011 dans le Nord du Nouveau-Brunswick et de 60,3 % dans le Sud-Est. De la même façon, le nombre de professionnels qui utilisaient le français au travail a augmenté de 27,9 % en dix ans dans le Nord, alors qu’il a augmenté de 56,8 % dans le Sud-Est.

Les omnipraticiens ont vu leurs effectifs augmenter de façon importante entre 2001 et 2011 dans ces deux régions du Nouveau-Brunswick. C’est le cas également pour les préposés aux bénéficiaires du Nord de la province. Nous avons vu précédemment que la place du français est importante au sein de certains groupes de professionnels à l’échelle provinciale, et il en va de même à l’échelle régionale. C’est le cas notamment des travailleurs sociaux et des psychologues, mais, à l’inverse, la présence du français est moins importante chez les ambulanciers du Nord du Nouveau-Brunswick, et chez les pharmaciens du Sud-Est.

Ontario

Il y avait 414 990 professionnels de la santé en Ontario en 2011 et parmi ceux-ci, 18 845 étaient de langue française, en hausse de près de 20 % entre 2001 et 2011. Parmi les groupes de professionnels de la santé, les effectifs des infirmiers auxiliaires, d’ambulanciers et des préposés aux bénéficiaires de langue française ont augmenté nettement plus rapidement que l’ensemble des professionnels de langue française de l’Ontario. À l’inverse, l’effectif des infirmiers de langue française a augmenté moins rapidement que l’ensemble des professionnels de langue française de la province.

Il y avait ainsi 53 200 professionnels qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français en 2011 en Ontario, en hausse de 21,8 % par rapport à 2001. De même, le nombre de professionnels qui utilisaient le français au travail a augmenté de 20,8 % entre 2001 et 2011. En 2011, trois groupes de professionnels de la santé se distinguaient de l’ensemble par une utilisation plus fréquente du français au travail. Il s’agit des psychologues, des omnipraticiens et des ambulanciers. Les effectifs d’ambulanciers et de préposés aux bénéficiaires qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français ou qui utilisaient cette langue au moins régulièrement au travail en Ontario ont augmenté plus rapidement que ceux de l’ensemble des professionnels de la santé entre 2001 et 2011.

Entre 2001 et 2011, le nombre de professionnels de langue française a augmenté de 19,4 % dans le Sud-Est de l’OntarioNote 11, menant leurs effectifs à 1 990 professionnels. En 2011, il y avait 3 040 professionnels de la santé qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français dans le Sud-Est, en hausse de 20,5 % par rapport à 2001.

Dans le Nord-Est de la province, il y avait 4 100 professionnels de la santé de langue française en 2011, en hausse de 18,3 % par rapport à 2001. Le nombre de professionnels qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français dans le Nord-Est de la province a augmenté de 26,9 % en dix ans. Ils étaient ainsi 6 785 professionnels pouvant soutenir une conversation en français en 2011. Dans le Nord-Est de la province, le nombre de préposés aux bénéficiaires a ainsi fortement augmenté entre 2001 et 2011 pour tous les indicateurs de la langue française à tel point que le nombre de ces professionnels de langue française ou qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français a plus que doublé au cours de la période. À l’inverse, le nombre d’infirmiers de langue française du Nord-Est de la province a diminué de 12,9 % entre 2001 et 2011.

À Ottawa, le nombre de professionnels de la santé de langue française a augmenté plus rapidement que la population de langue française. Il y avait 7 045 professionnels de langue française à Ottawa en 2011, en hausse de 20,4 % par rapport à 2001. Il y avait 14 895 professionnels de la santé qui déclaraient en 2011 pouvoir soutenir une conversation en français à Ottawa, en hausse de près de 25 % par rapport à 2001. Ces professionnels pouvant converser en français représentaient 41,9 % de tous les professionnels de la santé de la ville.

En 2011, le nombre de professionnels pouvant soutenir une conversation en français s’élevait à 9 330 à Toronto, soit 9,3 % de tous les professionnels de la santé de la région. Les pharmaciens et les ambulanciers qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation en français ou qui utilisaient cette langue au travail ont respectivement augmenté de 89,9 % et de 241,5 % entre 2001 et 2011. Par contre, il y avait moins d’infirmiers auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires capables de soutenir une conversation en français en 2011 qu’en 2001 à Toronto.

Ouest canadien

Le nombre de professionnels de la santé de langue française a diminué entre 2001 et 2011 dans les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan. Il est ainsi passé de 2 280 professionnels en 2001 à 2 155 en 2011, soit une diminution de 5,3 % en dix ans. La population de langue française du Manitoba et de la Saskatchewan a aussi diminué dans la période, passant de 59 930 personnes en 2001 à 55 660 en 2011, soit une diminution de 7,1 %. Le nombre de professionnels de la santé qui déclaraient être capables de soutenir une conversation en français a augmenté de 21,3 % entre 2001 et 2011. Le nombre de professionnels de la santé qui utilisaient le français au moins régulièrement au travail a augmenté d’environ 10 % dans la même période. La majorité des groupes de professionnels de la santé de la région a vu leurs effectifs qui utilisaient le français au travail augmenter entre 2001 et 2011. Le nombre de préposés aux bénéficiaires qui utilisaient le français au moins régulièrement au travail a toutefois diminué de 21,2 % en dix ans.

En Alberta, la population de langue officielle minoritaire de la province a augmenté de plus de 20 % entre 2001 et 2011. De la même façon, le nombre de professionnels de langue française a augmenté entre 2001 et 2011. Il y avait ainsi 2 240 professionnels de langue française en Alberta en 2011, en hausse de 34,3 % par rapport à 2001. Il y avait en 2011 près de 10 000 professionnels qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation dans la langue de la minorité en Alberta, en hausse de 33,8 % par rapport à 2001. Tous les groupes de professionnels de la santé ont également connu une augmentation de leurs effectifs pouvant soutenir une conversation en français, à l’exception des omnipraticiens, chez qui une diminution de 7,8 % est constatée. Le nombre d’infirmiers qui utilisaient le français au moins régulièrement au travail a plus que doublé entre 2001 et 2011 (123,1 %), passant de 185 professionnels en 2001 à 410 en 2011.

En Colombie-Britannique, le nombre de professionnels de langue française a augmenté de 20,4 %. De même, le nombre de professionnels qui déclaraient être capables de soutenir une conversation dans la langue de la minorité a augmenté de 30,4 % entre 2001 et 2011, passant ainsi de 9 455 professionnels en 2001 à 12 325 en 2011. L’utilisation du français au travail était aussi à la hausse entre 2001 et 2011. Le nombre de professionnels qui utilisaient cette langue au travail s’élevait ainsi à 1 415 en 2011, en hausse de 42,2 % comparativement à 2001.

Québec

En 2011, il y avait 289 845 professionnels de la santé au Québec selon les données de l’Enquête nationale auprès des ménages. Plus de la moitié d’entre eux (53,6 %) ont déclaré être capables de soutenir une conversation en anglais, ce qui équivaut à 155 265 professionnels. Plus du tiers des professionnels de la santé au Québec ont déclaré utiliser l’anglais au travail au moins sur une base régulière.

Il y avait 29 640 professionnels de la santé de langue anglaise au Québec, soit 10,2 % des professionnels de la province. À titre comparatif, le poids relatif de la population de langue anglaise au Québec était de 13,5 % en 2011. La proportion de professionnels de langue anglaise est inférieure à ce seuil dans toutes les professions observées, sauf chez les omnipraticiens où elle s’élève à 16,1 %.

La capacité de soutenir une conversation dans la langue de la minorité a peu varié chez les professionnels de la santé du Québec entre 2001 et 2011, passant de 52,8 % à 53,6 %. Les variations sont également faibles dans chacun des groupes de professionnels observés. Toutefois, cette capacité varie considérablement d’un groupe de professionnels à l’autre. Elle est plus faible chez les infirmiers auxiliaires (32,1 %) et chez les préposés aux bénéficiaires (34,2 %), alors qu’elle s’élève à 77,7 % chez les pharmaciens et à 89,3 % chez les omnipraticiens.

De même, l’utilisation de l’anglais au travail sur une base régulière a peu varié entre 2001 (34,5 %) et 2011 (35,5 %). En 2011, 28,4 % des infirmiers auxiliaires utilisaient l’anglais au travail, en hausse par rapport à 2001 (22,0 %). Dans les autres groupes de professionnels, on observe soit de légères hausses (infirmiers, psychologues, pharmaciens), soit de légères baisses (omnipraticiens, travailleurs sociaux, ambulanciers).

Ces variations s’inscrivent toutefois dans une hausse générale des effectifs. En nombre, on observe des hausses dans tous les groupes de professionnels et en fonction de tous les indicateurs linguistiques, exception faite de rares cas où les effectifs sont plutôt stables.

Régions de la province de QuébecNote 12

Il y avait 25 460 professionnels de langue anglaise dans la RMR de Montréal en 2011, en hausse de 30,6 % par rapport à 2001. On y dénombrait également 74 370 professionnels utilisaient l’anglais au moins régulièrement au travail en 2011, en hausse de 30,9 % par rapport à 2001. Ces professionnels qui utilisaient l’anglais au travail en 2011 représentaient un peu plus d’un professionnel sur deux (52,3 %) dans la RMR de Montréal. Les préposés aux bénéficiaires sont moins susceptibles d’utiliser l’anglais au travail (41,2 %), alors que les omnipraticiens le sont davantage (68,7 %). Le nombre de professionnels de la RMR de Montréal capables de soutenir une conversation en anglais est passé de 73 750 en 2001 à 95 340 en 2011, et ces derniers représentaient près des deux tiers de tous les professionnels de la région.

Le nombre de professionnels de langue anglaise a augmenté de 32,1 % dans l’Estrie et le Sud du Québec (passant de 970 professionnels de la santé en 2001 à 1 280 en 2011), et il a augmenté de 84,2 % dans l’Ouest (passant de 585 professionnels de la santé en 2001 à 1 075 en 2011).

Il y avait 11 875 professionnels capables de soutenir une conversation en anglais en 2011 en Estrie et dans le Sud du Québec, en hausse de 32,5 % par rapport à 2001, et 8 920 dans l’Ouest de la province, en hausse de 41,9 % au cours de la période. Ces professionnels capables de soutenir une conversation en anglais représentaient plus de la moitié de tous les professionnels dans ces deux régions : 51,8 % en Estrie et dans le Sud du Québec et 58,8 % dans l’Ouest. La proportion de professionnels capables de soutenir une conversation en anglais y est particulièrement élevée chez les omnipraticiens (90,5 % en Estrie et Sud du Québec et 92,6 % dans l’Ouest).

Il y avait 260 professionnels de langue anglaise dans l’Est du Québec en 2011. Le nombre de professionnels de la santé, tout comme la population de langue anglaise de la région, est resté à peu près stable en nombre entre 2001 et 2011. Le nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en anglais est passé de 3 760 en 2001 à 4 110 en 2011, une augmentation de 350 professionnels. La proportion de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en anglais a toutefois décliné au cours de cette même période dans l’Est du Québec, passant de 29,5 % en 2001 à 28,2 % en 2011. L’utilisation de l’anglais au travail a également connu une légère croissance.

Dans la ville de Québec et ses environs, il y avait 570 professionnels de langue anglaise en 2011, en croissance par rapport à 2001 (385 professionnels). La population de langue anglaise y a augmenté de 22,4 % sur la même période, atteignant 18 965 personnes en 2011.  

Les professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en anglais ont augmenté dans la région de la ville de Québec et ses environs, tant en nombre qu’en proportion, passant de 14 945 en 2001 (33,8 %) à 21 080 en 2011 (36,6 %). On observe des augmentations dans presque tous les groupes de professionnels observés, sauf chez les omnipraticiens où il n’y a pas de variation. Les tendances sont similaires en ce qui a trait à l’utilisation de la langue minoritaire au travail.

Deuxième partie

Adéquation entre l’offre et la demande de services en santé dans la langue de la minorité

Au Canada à l’extérieur du Québec, la population de langue française a connu une croissance de 2,0 % entre 2001 et 2011Note 13. Au Québec, la croissance de la population de langue anglaise a été de 15,2 % pour la même période. Ces croissances démographiques ont toutefois varié d’une région à l’autre, tant pour les anglophones du Québec que pour les francophones des autres provinces et territoires. Des facteurs tels que la migration intra ou interprovinciale, et une capacité différentielle à attirer des immigrants font en sorte que les minorités de langue officielle connaissent une croissance démographique importante dans certaines régions et très faible, voire négative, dans d’autres. Dans ce contexte, est-ce que l’offre de services de santé dans la langue de la minorité a suivi, entre 2001 et 2011, l’évolution démographique de la population de langue officielle minoritaire?

Comparer l’offre et la demande

La population francophone minoritaire a diminué dans plusieurs régions du Canada au cours de cette période. Il en va ainsi dans les provinces de l’Atlantique (à l’exception du Sud-Est du Nouveau-Brunswick), dans le Nord-Est de l’Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan. En supposant que l’offre de services de santé dans la langue minoritaire ait suivi la demandeNote 14 au cours de cette période, nous aurions pu nous attendre à voir le nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en français diminuer dans ces régions, ou du moins connaître une croissance plus faible que dans les régions en croissance démographiqueNote 15.

À l’inverse, nous devrions observer une augmentation plus importante du nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français dans les régions qui ont connu une croissance de la population francophone minoritaire, soit dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick, en Ontario (à l’exception du Nord-Est de la province), en Alberta et en Colombie-Britannique. Il en va de même au Québec, où la population anglophone a connu une croissance à peu près nulle dans les régions de l’Est, de l’Estrie et du Sud de la province, alors que la croissance a été très forte dans les régions de la Ville de Québec et ses alentours, de l’Ouest et du reste de la province.

Or, les données présentées jusqu’à maintenant montrent que le nombre de professionnels qui déclaraient être capables de soutenir une conversation dans la langue de la minorité a augmenté partout au Canada entre 2001 et 2011. Ainsi, observer les variations simples du nombre de professionnels capables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire ne permet pas de vérifier si l’offre suit effectivement la demande d’un point de vue provincial ou régional. L’augmentation du nombre de professionnels de la santé dans une province ou une région donnée est-elle plus rapide ou plus lente que ce que l’on observe ailleurs? De toute évidence, la croissance démographique n’est pas le seul facteur qui agit sur l’offre de services en matière de santé dans la langue officielle minoritaire. D’autres facteurs tels que le nombre de personnes appartenant aux minorités de langue officielle s’orientant vers les professions de la santé ou l’augmentation du bilinguisme chez les professionnels qui, à l’origine, ne connaissaient que la langue de la majorité, peuvent également contribuer à une hausse de l’offre de services de santé dans la langue minoritaire. Au-delà de ces critères linguistiques, on observe une augmentation générale de l’offre de services de santé au Canada : en 2011, on comptait 35,5 professionnels de la santé pour 1000 habitants dans l’ensemble du Canada, alors que cette proportion était de 29,7 professionnels dix ans auparavantNote 16.

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Ratio de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation dans la langue de la minorité pour 1000 habitants

L’utilisation d’un ratio du nombre de professionnels de la santé pour 1 000 habitants est largement répandue lorsqu’il s’agit d’étudier l’offre de service en santé. Toutefois, ce ratio s’adapte mal à l’évaluation de l’offre de service dans la langue minoritaire. La première raison est que le numérateur et le dénominateur utilisés pour calculer le ratio proviennent de deux variables différentes, à savoir la connaissance des langues officielles pour le numérateur, et la première langue officielle parlée pour le dénominateur. Ainsi, le numérateur n’est pas nécessairement un sous-ensemble du dénominateur, contrairement aux ratios généralement utilisés.

Dans cette circonstance particulière, le ratio devient très sensible aux variations du dénominateur. En d’autres termes, les variations dans la population minoritaire ont beaucoup plus d’incidence sur le ratio observé que la variation du nombre de professionnels. Ainsi, le ratio du nombre de professionnels capables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire pour 1 000 habitants (de la minorité de langue officielle) est généralement beaucoup plus élevé dans les endroits où la population minoritaire est peu nombreuse, et vice versa. Par exemple, dans la présente étude, le ratio de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation dans la langue de la minorité pour 1 000 habitants de langue minoritaire varie, en 2011, de 38,6 dans le Sud-Est de l’Ontario à 1 111,5 dans la ville de Québec et ses environs. De la même façon, ce ratio s’élève à 135,0 en Alberta et à 65,9 au Nouveau-Brunswick.

De même, si on compare une même géographie à deux moments donnés (par exemple en 2001 et 2011), le ratio risque de varier beaucoup plus fortement si on observe des variations importantes dans la population minoritaire, alors que la mesure est beaucoup moins sensible aux variations du nombre de professionnels de la santé. Pour ces raisons, le ratio de professionnels pour 1 000 habitants, très efficace par ailleurs, s’adapte très mal à l’étude de l’offre de service aux populations de langue officielle minoritaire. Il ne permet pas une évaluation adéquate de l’accès aux soins de santé dans la langue minoritaire pour les populations concernées.

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Pour bien évaluer l’adéquation entre l’offre et la demande de services en santé, il faut distinguer l’effet de la croissance démographique de celui des autres facteursNote 17. On peut ainsi calculer le nombre de professionnels capables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire que les changements démographiques permettraient de prédireNote 18 pour chaque géographie d’intérêt si l’effet de tous les autres facteurs était partout le mêmeNote 19, et le comparer avec le nombre réel observé en 2011.

Les francophones à l’extérieur du Québec

L’offre de services de santé en français n’a pas suivi la demande pour les francophones à l’extérieur du Québec. De façon générale, les régions qui ont connu un déclin démographique de leur population minoritaire ont vu s’accroître le nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en français de façon plus importante que prévu, alors que c’est le contraire pour les régions qui ont connu une forte croissance démographique. Il existe toutefois quelques exceptions à ce constat général.

Atlantique

Dans les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, la population de langue officielle minoritaire a décru de 9,5 % entre 2001 et 2011. Dans ces circonstances, on aurait quand même pu s’attendre à une légère hausse du nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en françaisNote 20. Or, en 2011, 5 830 professionnels capables de soutenir une conversation en français ont été observés à Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse, une croissance beaucoup plus importante que ce que l’évolution démographique de la population minoritaire aurait pu permettre d’espérer. En détaillant selon le groupe de professionnels, on constate qu’il en va de même pour une majorité de catégories, à l’exception des préposés aux bénéficiaires capables de soutenir une conversation en français qui sont moins nombreux que ce qui était attendu.

De même, dans l’ensemble de la province du Nouveau-Brunswick, malgré une diminution de 1,2 % de la population francophone entre 2001 et 2011, le nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français observé en 2011 est nettement supérieur au nombre attendu.

Dans le Sud-Est de la province, plus spécifiquement, le nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français a connu une forte croissance (hausse de 60,3 %), dans un contexte de croissance généralisée de la population minoritaire (hausse de 9,1 %). La hausse du nombre de professionnels potentiellement capables de fournir des services dans la langue de la minorité en 2011 est supérieure à ce qui était attendu (890 professionnels de plus qu’attendu). De la même façon, un nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français supérieur à ce que les changements démographiques auraient permis de prédire est constaté dans le Nord de la province (surplus de 505 professionnels).

Le nombre de professionnels observé est supérieur à ce qui était attendu dans la plupart des groupes professionnels. On observe toutefois que certaines professions accusent un manque à gagner. Tel est le cas des ambulanciers : à l’échelle de la province, on attendait 435 professionnels pouvant potentiellement offrir un service en français en 2011 alors que seulement 305 professionnels ont été dénombrés.

Ainsi, dans l’ensemble, on peut affirmer que les provinces de l’Atlantique ont connu des hausses plus importantes que prévu du nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en français. Toutefois, il est important de mentionner que ce n’est pas nécessairement le cas pour chacun des groupes de professionnels observés.

Ontario

En Ontario, toutes les régions ayant connu une croissance démographique ont connu une hausse du nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français inférieure à ce qui était attenduNote 21. Les écarts sont particulièrement importants à Ottawa et à Toronto. Dans chacune de ces deux villes, ce sont plus de 1 400 professionnels capables de soutenir une conversation en français de moins que prévu qui sont observés en 2011. Les écarts sont importants surtout chez les infirmiers, les omnipraticiens et les travailleurs sociaux. On observe également moins de professionnels capables de soutenir une conversation en français dans le Sud-Est de l’Ontario, quoique dans une moindre mesure (240 professionnels dans la région).

Une seule région de l’Ontario a connu une diminution de sa population minoritaire entre 2001 et 2011 : le Nord-Est de la province. Le nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français y est supérieur à ce qui a été anticipé (550 professionnels de plus qu’attendu). On y observe un nombre moindre que prévu d’infirmiers capables de soutenir une conversation en français et davantage de préposés aux bénéficiaires.

Ainsi, dans l’ensemble, l’Ontario a obtenu moins de professionnels capables de soutenir une conversation en français en 2011 qu’anticipé par la croissance démographique de la population minoritaire et la variation moyenne des facteurs autres que l’évolution démographique pour l’ensemble du Canada hors du Québec.

Ouest du Canada

On observe deux cas de figure différents dans les prairies. Tout d’abord, les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan connaissent une diminution de leur population de langue française couplée à une augmentation du nombre de professionnels qui déclarent pouvoir soutenir une conversation en français entre 2001 et 2011. Cette augmentation est plus importante que prévu : il y a 6 785 professionnels capables de soutenir une conversation en français en 2011, alors qu’on aurait pu en attendre 6 630 en fonction des changements démographiques touchant le groupe de langue officielle minoritaireNote 22.

À l’inverse, la population de langue française de l’Alberta a connu une forte augmentation démographique (21,3 %) entre 2001 et 2011. Malgré une hausse du nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en français de près de 34 %, il manquait près de 1 000 professionnels par rapport aux 10 590 professionnels attendus en 2011Note 23. Les manques à gagner s’observent entre autres chez les préposés aux bénéficiaires (155 professionnels), les omnipraticiens (255 professionnels) et chez les autres professionnels de la santé (895 professionnels). À l’inverse, il y avait 435 infirmiers capables de soutenir une conversation en français de plus qu’attendu.

Enfin, on observe en Colombie-Britannique une augmentation du nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en français pratiquement égale à celle qui était anticipée en fonction des changements démographiques. Ainsi, avec une hausse de 4,7 % de la population francophone entre 2001 et 2011, la Colombie-Britannique est la seule province où la variation de l’offre de services de santé dans la langue de la minorité correspond à la variation de la demande.

Malgré ce constat de parité, trois groupes de professionnels affichent un effectif moindre de professionnels capables de soutenir une conversation en français : les préposés aux bénéficiaires, travailleurs sociaux et infirmiers auxiliaires. À l’inverse, les infirmiers et autres professionnels de la santé ont obtenu plus de professionnels susceptibles d’offrir des services de santé en français qu’attendu.

En somme, pour les francophones à l’extérieur du Québec, les changements démographiques dans la population francophone minoritaire ne permettent pas de prédire les variations du nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en français. C’est donc dire que, dans les limites de l’analyse proposée, les changements dans l’offre de services de santé en français observés entre 2001 et 2011 n’ont pas suivi l’évolution de la demande, c’est-à-dire qu’ils ont été plus importants ou, dans certains cas, moins importants.

Les anglophones du Québec

Une analyse similaire peut être effectuée pour la minorité anglophone du Québec pour évaluer dans quelle mesure, à l’échelle de la province, l’offre de services de santé en anglais a suivi la demande. La population de langue minoritaire a fait des gains dans la majorité des régions du Québec entre 2001 et 2011, les hausses de population anglophone allant jusqu’à 53 % dans la ville de Laval. Aucune région du Québec n’accuse une baisse de leur population minoritaire, mais dans certains cas (Est de la province, Estrie et Sud), il n’y a que très peu, voire aucune hausse de la population anglophone. Les effectifs de professionnels capables de soutenir une conversation en anglais ont augmenté dans toutes les régions, mais les hausses ont été moins importantes à Montréal (région métropolitaine et île), Laval et dans l’Est du Québec. Dans ces régions, on constate d’importants manques à gagner de professionnels susceptibles d’offrir des services de santé en anglais, allant jusqu’à 1 640 professionnels dans la région de MontréalNote 24.

Montréal et Laval sont deux régions du Québec où la population anglophone est la plus nombreuse, et où la croissance de cette population a été la plus importante de 2001 à 2011. À Laval, on observe une hausse du nombre de professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en anglais inférieure à ce qu’on aurait pu attendreNote 25, et ce dans la plupart des groupes de professionnelsNote 26. La situation est semblable sur l’île de Montréal. Toutefois, plusieurs groupes présentent plus de professionnels que prévu (infirmiers, omnipraticiens, psychologues et infirmiers auxiliaires). Dans l’Est du Québec, les infirmiers et autres professionnels comptent un nombre moindre que prévu de professionnels capables de soutenir une conversation en anglais. Dans les autres groupes de professionnels, les différences entre les nombres attendus et observés sont trop faibles pour en tirer une conclusion.

À l’inverse, l’Ouest du Québec, l’Estrie et le Sud de la province et la Ville de Québec et ses alentours présentent un portrait différent : le nombre de professionnels capables de soutenir une conversation en anglais y a cru plus rapidement que ce que les changements démographiques du groupe minoritaire auraient pu permettre de prévoir. Il y avait ainsi 265 professionnels capables de soutenir une conversation en anglais de plus qu’attendu dans l’Ouest du Québec, 1 460 en Estrie et Sud de la province et 375 dans la ville de Québec et ses alentours. À cet égard, alors que la majorité des groupes de professionnels ont plus de professionnels susceptibles d’offrir des services de santé en anglais qu’attendu ou ont des différences trop faibles pour conclure à un surplus ou à un déficit de services, il n’y a que les infirmiers, omnipraticiens et infirmiers auxiliaires de la ville de Québec et de ses alentours qui présentent des effectifs de professionnels moindres qu’attendu.

En somme, comme on l’a observé pour les francophones à l’extérieur du Québec, rien ne permet de conclure que les hausses de l’offre de services de santé dans la langue de la minorité ont été conséquentes avec les changements démographiques de la population de langue anglaise de la province de Québec.

Conclusion

Cette étude a été réalisée dans le contexte du Programme de contribution pour les langues officielles en santé de Santé Canada. L’objectif de ce programme étant l’amélioration de l’accès aux services de santé dans la langue de la minorité dans les communautés, Santé Canada désirait par cette étude statistique connaître l’état des lieux concernant les ressources humaines du domaine de la santé offrant ou susceptibles d’offrir des services de santé dans la langue de la minorité.

Ce portrait des professionnels qui desservent ou qui peuvent potentiellement offrir des services à la population de langue minoritaire avait pour but de recenser les professionnels de langue officielle minoritaire, ceux qui utilisaient la langue de la minorité au travail et ceux qui avaient une connaissance de cette langue, ainsi qu’à constater l’adéquation ou non de l’offre de services de santé dans la langue de la minorité à la demande de ces services.

La première partie du présent rapport dresse un portrait des professionnels de la santé en 2011 et examine l’évolution de leurs effectifs entre 2001 et 2011. On y observe une augmentation générale des effectifs de professionnels entre 2001 et 2011. De la même façon, nous constatons une augmentation largement répandue du nombre total de professionnels de langue officielle minoritaire, ainsi que de ceux qui déclaraient pouvoir soutenir une conversation dans la langue de la minorité et de ceux qui utilisaient cette langue au moins régulièrement au travail.

Dans la seconde partie du rapport, nous observons que l’offre de services de santé dans la langue de la minorité n’a généralement pas suivi l’évolution démographique de la population minoritaire. Sauf exceptionNote 27, on observe une hausse de l’offre de services dans pratiquement toutes les géographies observées. Toutefois, il s’agissait d’estimer dans quelle mesure une hausse observée à l’échelle provinciale ou régionale était plus rapide ou plus lente qu’ailleurs. Nous constatons en ce sens qu’un certain nombre de régions présentent un manque à gagner de professionnels étant susceptibles d’offrir des services de santé dans la langue de la minorité, alors que d’autres en ont davantage que prévu. Seuls les effectifs des professionnels de la Colombie-Britannique pouvant potentiellement offrir des services en français ont évolué de façon similaire à l’évolution démographique de leur population minoritaire.

L’évolution du nombre de professionnels susceptibles d’offrir des services dans la langue de la minorité ne peut ainsi être expliquée exclusivement par les changements démographiques de la population de langue officielle minoritaire, autant chez les anglophones du Québec que chez les francophones du reste du pays. D’autres facteurs explicatifs tels que l’attrait et la rétention de migrants internationaux, inter et infraprovinciaux, l’offre et la valorisation de la formation linguistique dans la seconde langue officielle et la promotion des services de santé dans la langue de la minorité viennent certainement influencer les effectifs totaux de professionnels de la santé, tout comme ceux de langue officielle minoritaire, ceux pouvant soutenir une conversation dans cette langue ou encore ceux qui l’utilisent au moins régulièrement au travail.

Il faut toutefois noter qu’il n’existe pas de définition statistique reconnue et consensuelle de l’« offre » et de la « demande » de services de santé dans la langue minoritaire. Dans le cas présent, nous définissons l’offre essentiellement par un dénombrement des professionnels qui possèdent les caractéristiques linguistiques recherchées. Ceci nous amène à distinguer l’offre potentielle de services de santé dans la langue de la minorité (ou « estimation maximale de l’offre », obtenue à l’aide de l’indicateur de la connaissance de la langue officielle minoritaire) de l’offre effective (soit « estimation minimale de l’offre », obtenue par l’indicateur de l’utilisation de la langue minoritaire au travail). Les définitions retenues comportent cependant de nombreuses limites. Au-delà des considérations linguistiques, le nombre de professionnels n’est pas le seul indicateur de l’offre de services de santé dans la langue de la minorité, et cet indicateur seul ne révèle pas nécessairement toutes les nuances que l’on cherche à mettre en lumière.

Une forte hausse du nombre de professionnels de la santé au Canada est due à l’action combinée de trois facteurs principaux : l’augmentation de la population qui entraîne une hausse du nombre de professionnels, mais pas nécessairement du ratio de professionnels disponibles par habitant; une hausse du travail à temps partiel qui lui aussi engendre une hausse du nombre de professionnels, mais pas forcément du nombre d’actes médicaux effectués; et les investissements en santéNote 28. Ces facteurs peuvent toutefois agir différemment sur l’offre de services en santé dans la langue minoritaire : l’offre de services dans la langue minoritaire peut s’accroître en raison de la croissance du nombre de professionnels même si la population minoritaire décroît, le travail à temps partiel peut favoriser une offre de services de santé bilingues et les investissements fédéraux peuvent cibler les minorités. En somme, le nombre de professionnels de la santé est un indicateur imparfait, mais il propose néanmoins une information pertinente dans la mesure où une offre de services dans la langue de la minorité repose toujours sur un professionnel capable de desservir la clientèle de langue officielle minoritaire.

Une autre limite importante concerne la géographie : la présence de professionnels à l’échelle provinciale ou régionale ne témoigne pas nécessairement d’une offre suffisante à l’échelon local. Alors que le portrait présenté dans ce document semble suggérer que le nombre de professionnels de la santé susceptibles d’offrir des services dans la langue de la minorité est adéquat dans certaines régions, la réalité est beaucoup plus complexe. Pour que les services de santé soient réellement disponibles pour la population de langue officielle minoritaire, plusieurs facteurs doivent être réunis, la disponibilité des professionnels, telle qu’étudiée dans ce rapport, n’étant que l’un de ces facteurs. Les autres facteurs régulièrement identifiés en matière de services de santé dans la langue de la minorité regroupent : l’organisation des services, des plans de services adaptés à chaque collectivité, la valorisation de l’utilisation de la langue seconde auprès des professionnels, la reconnaissance professionnelle du bilinguisme, la promotion des services offerts, la visibilité des services disponibles et le cadre juridique ou réglementaire au niveau provincial ou territorial entourant l’offre de services dans la langue de la minoritéNote 29.

L’adéquation entre l’offre et la demande de services de santé dans la langue de la minorité dépend de plusieurs facteurs qui ne peuvent se mesurer directement avec les données du recensement. Alors que le recensement est une source d’informations abondantes sur les professions, les pratiques et les connaissances linguistiques, les déclarations des répondants n’informent que peu sur le potentiel réel d’offre de services dans la langue de la minorité, ainsi que sur la demande effective. Seule une analyse détaillée des interactions linguistiques entre professionnels de la santé et bénéficiaires peut renseigner sur la véritable offre et demande de services dans la langue minoritaire. Ce type d’analyse ne peut être réalisé qu’à l’aide de données dédiées à ce sujet obtenues par l’entremise d’une enquête cibléeNote 30.

Enfin, malgré les limites inhérentes à l’utilisation des données du recensement, qui ne peuvent fournir de renseignements précis sur les services offerts dans la langue officielle minoritaire et sur la demande réelle de services dans cette langue, ce rapport constitue une source d’information en vue du renouvellement du Programme de contribution pour les langues officielles en santé de Santé Canada en 2018, dans le cadre de la stratégie fédérale en matière de langues officielles. En plus de permettre de cibler certaines professions en particulier pour l’augmentation des effectifs bilingues, l’analyse permet d’identifier des besoins qui pourraient être comblés par le biais d’autres stratégies, y compris l’utilisation d’interprètes spécialisés dans le domaine de la santé ou le recours aux télésoins dans les secteurs où les communautés de langue officielle sont isolées ou dispersées.

Annexes

Annexe A.1 : Régions infraprovinciales

Annexe A.2 : Groupes de professionnels de la santé

Annexe A.3 : Remarques méthodologiques

Annexe A.3 : Note relative aux données de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM)

Annexe A.4 : Méthodologie utilisée pour le calcul des professionnels attendus en 2011

Annexe B : Tableaux de données

Références

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CORBEIL, Jean-Pierre, Claude GRENIER et Sylvie lafreniÈre (2007), Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, Statistique Canada, Ministère de l’Industrie, Gouvernement du Canada, Ottawa, No 91-548-XWF au catalogue.

SANTÉ CANADA, Programme de contribution pour les langues officielles en santé, dans Rapport ministériel sur le rendement de Santé Canada 2014-2015, Santé Canada, Gouvernement du Canada, Ottawa. http://canadiensensante.gc.ca/publications/department-ministere/hc-performance-supplementary-information-2014-2015-rendement-renseignements-supplementaires-sc/index-fra.php?page=3#s2_13 (site consulté : 14 juin 2016)

Statistique Canada et SantÉ Canada (2009), Professionnels de la santé et minorités de langue officielle au Canada : 2001 et 2006, Ministère de l’Industrie, Gouvernement du Canada, Ottawa, No 91-550-X au catalogue.

STATISTIQUE CANADA (2013), Portrait de la population active canadienne, Enquête nationale auprès des ménages, 2011, Ministère de l’Industrie, Gouvernement du Canada, Ottawa, No 99-012-X2011002 au catalogue.

STATISTIQUE CANADA (2012), Classification nationale des professions (CNP) 2011, Ministère de l’Industrie, Gouvernement du Canada, Ottawa, No 12-583-X au catalogue.

STATISTIQUE CANADA, Tableau  282-0007 -  Enquête sur la population active (EPA), estimations selon le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), le sexe et le groupe d’âge, non désaisonnalisées, mensuel (personnes sauf indication contraire),  CANSIM (base de données), Ministère de l’Industrie, Gouvernement du Canada, Ottawa. (site consulté : 26 juin 2016)


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