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Portrait des minorités de langue officielle au Canada : les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard
- 89-642-X
- Page principale
- Introduction
- Section 1 – Définitions de la population de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard
- Section 2 – Évolution de la population selon la langue maternelle et la première langue officielle parlée
- Section 3 – Les facteurs d'évolution de la population de langue maternelle française
- Section 4 – Quelques secteurs clés pour la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire
- Section 5 – Vitalité subjective
- Conclusion
- Références
- Tableaux, graphiques et carte
- Annexes
- Renseignements supplémentaires
- Version PDF
- Autres numéros
Section 4 Quelques secteurs clés pour la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire
- 4.1 La santé
- 4.2 La justice
- 4.3 L'éducation
- 4.4 Médias, arts et culture
- 4.5 Vie communautaire
- 4.6 Caractéristiques de l'emploi et du revenu
La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 investit dans des secteurs prioritaires, dont les cinq suivants : la santé, la justice, les arts et la culture, le développement économique et l'immigration. Le dernier des ces secteurs a fait l'objet d'un rapport analytique diffusé par Statistique Canada en avril 2010 (Houle et Corbeil, 2010). Nous présentons dans cette section des statistiques portant sur les quatre autres secteurs prioritaires identifiés dans la Feuille de route. De plus, la Feuille de route comprend un appui financier à l'enseignement dans la langue de la minorité. Ce secteur d'activité a été identifié comme étant d'une grande importance pour l'avenir des minorités de langue officielle au Canada (Lord, 2008); une section y sera donc consacrée.
À partir des données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) et du recensement, nous présentons de l'information générale sur la présence du français et la situation des francophones dans chacun de ces secteurs.
4.1 La santé
Une langue commune entre les patients et les professionnels de la santé constitue un des éléments essentiels à l'accès aux services de soins de santé et à l'efficacité de ceux-ci. Les barrières linguistiques peuvent en effet faire en sorte que certains membres des communautés francophones en situation minoritaire soient moins bien desservis par les services de soins de santé. Dans cette optique, il importe d'examiner l'état de la situation pour les communautés francophones de l'Île-du-Prince-Édouard en ce qui concerne certaines dimensions de l'accès aux services de soins de santé.
Lors du Recensement de 2006, très peu de médecins et d'infirmières1 travaillant à l'Île-du-Prince-Édouard ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en français, alors qu'aucun ne déclarait utiliser le français au moins régulièrement2 dans le cadre de leur travail3.
La proportion de médecins et d'infirmières capables de soutenir une conversation en français est plus élevée que la part relative de la population francophone de l'Île-du-Prince-Édouard. Néanmoins, les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle révèlent que la majorité des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard indiquent utiliser l'anglais lors des consultations avec les différents professionnels de la santé à propos desquels des renseignements ont été recueillis dans le cadre de cette enquête, soit les médecins de famille (96 %), les infirmières (87 %) et les professionnels des autres endroits fréquentés pour obtenir des soins (89 %). La méconnaissance du français par les professionnels de la santé, tel que perçue par les répondants, est la principale raison mentionnée par les francophones pour expliquer l'absence d'obtention de services dans cette langue lors de leurs consultations. Une telle raison influe donc grandement sur la principale langue utilisée lors des échanges.
Dans l'ensemble, les résultats de l'EVMLO et du recensement permettent d'observer que la concentration des francophones au sein de la municipalité de résidence et la disponibilité de professionnels ayant une connaissance du français sont deux facteurs importants qui modulent le degré d'utilisation de l'une ou l'autre des langues avec les professionnels de la santé.
La présence de professionnels de langue française et de professionnels capables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire est susceptible d'augmenter l'accessibilité aux services de soins de santé dans cette langue. À l'Île-du-Prince-Édouard, toutefois, le nombre de professionnels qui sont capables de soutenir une conversation en français est restreint, ce qui ne favorise pas l'utilisation étendue de la langue française dans ce secteur clé de la sphère publique.
Il importe donc d'examiner si les francophones qui déclarent avoir le français comme langue principale ont été plus susceptibles d'utiliser le français lors de leurs interactions avec les professionnels de la santé que ceux dont l'anglais est la langue principale. Il va en effet de soi que l'absence d'utilisation de la langue officielle minoritaire par les francophones dont le français est la langue principale, c'est-à-dire celle dans laquelle ils sont le plus à l'aise, ne dépend pas des mêmes facteurs que dans le cas des francophones qui ont effectué une substitution linguistique de telle sorte que l'anglais soit désormais la langue dans laquelle ils se sentent le plus à l'aise. Les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle rendent compte du fait que quelque soit leur langue principale, la grande majorité des francophones (96 %) utilisent l'anglais lorsqu'ils consultent les différents professionnels de la santé à propos desquels des renseignements ont été recueillis dans le cadre de cette enquête, soit les médecins de famille, les infirmières, les professionnels de la ligne téléphonique d'information et les professionnels des autres endroits fréquentés pour obtenir des soins. En fait, les francophones ayant le français comme langue principale sont pratiquement proportionnellement aussi nombreux (92 %) à utiliser l'anglais que ceux ayant l'anglais (97 %) comme langue principale lors de leurs interactions avec leur médecin de famille.
L'information tirée de l'EVMLO démontre clairement que, chez les francophones, obtenir des services de santé dans la langue de son choix ne signifie pas nécessairement obtenir des services en français. Ainsi, dans la mesure où 40 % des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard ont l'anglais comme langue principale, on ne s'étonnera pas que la « langue de leur choix » pour l'obtention de services de santé ne soit pas le français.
4.2 La justice
L'examen des résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle portant sur le domaine de la justice jette également un éclairage sur l'étendue de la présence du français au sein des institutions qui assurent l'utilisation de cette langue dans la sphère publique par les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard. En ce sens, la mesure de l'accès aux intervenants qui sont en mesure de converser en français permet de documenter un phénomène perçu par les francophones vivant à l'extérieur du Québec comme étant très important pour le statut de cette langue et l'avenir des communautés de langue française en situation minoritaire. À cet égard le gouvernement canadien s'est engagé dans la Feuille de route à ce que les Canadiens aient un meilleur accès à des services de justice dans la langue officielle minoritaire.
En ce qui concerne « […] l'administration de la justice dans la province, l'article 11 de la Loi sur les services en français stipule que le français peut être utilisé dans toute procédure devant la Cour provinciale et la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard. En vertu de l'article 12, les décisions de la cour provinciale et de la Cour suprême devront être rendues simultanément en français et en anglais dans les cas ou le français a été utilisé lors des procédures » (Recherche PGF, 2002). En outre, en ce qui a trait au droit criminel, tel que stipulé par le Code criminel du Canada, les insulaires francophones, comme tous les résidents du Canada, ont le droit à un procès et à une enquête préliminaire en français.
Parce que la barrière linguistique peut entraver l'égalité d'accès à la justice, le gouvernement canadien s'est donné comme priorité de former des professionnels qui peuvent assurer un service dans la langue officielle minoritaire. Selon le Recensement de 2006, l'Île-du-Prince-Édouard comptait peu d'avocats et de policiers capables de soutenir une conversation en français4. Les données du recensement démontrent néanmoins que le nombre de policiers et d'avocats ayant déclaré pouvoir soutenir une conversation en français est légèrement supérieur au nombre d'avocats et de policiers utilisant cette langue au moins régulièrement au travail5.
Les données du Recensement de 2006 démontrent également que le nombre de policiers qui utilisent le français dans le cadre de leur travail à l'Île-du-Prince-Édouard est légèrement inférieur au nombre de policiers francophones. Il en est autrement pour les avocats, dont l'effectif de ceux qui communiquent au moins régulièrement en français dans le cadre de leur travail est supérieur au nombre d'avocats francophones. Un certain nombre de non-francophones ont donc déclaré le français comme langue de travail, ce qui s'ajoute au bassin déjà existant d'avocats susceptibles ou capables de fournir des services en français.
Notons que les interactions avec les instances et les représentants du système judiciaire, notamment les avocats et la police, ne sont pas très répandues dans la population. En effet, sur les quelques 3 830 adultes francophones de l'Île-du-Prince-Édouard, 28 % ont déclaré avoir utilisé les services d'un avocat au cours des deux années précédant l'enquête tandis que 23 % on eu affaire aux services policiers.
Les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle indiquent que les interactions qu'ont les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard avec la police municipale6 se font généralement en anglais. Ainsi, 9 francophones sur 10 ont uniquement utilisé l'anglais lors de leurs interactions avec la police municipale. Lors de l'utilisation des services d'un avocat, une plus petite proportion de francophones, soit 69 % d'entre eux, ont utilisé seulement l'anglais.
Les résultats de l'EVMLO révèlent également que l'accès à ces services en français ne semble pas très valorisé par une majorité de francophones de l'Île-du-Prince-Édouard dans la mesure où 28 % d'entre eux sont d'avis que, s'ils avaient à utiliser les services d'un avocat, il serait important ou très important que celui-ci puisse parler français. À l'inverse, 51 % d'entre eux déclarent qu'il serait peu ou pas important d'avoir recours aux services d'un avocat en français.
4.3 L'éducation
4.3.1 Chez les enfants
L'accès à l'école de langue française et la gestion des systèmes d'enseignement de la minorité francophone ont été depuis longtemps l'un des principaux chevaux de bataille des francophones à l'extérieur du Québec. Dans de nombreuses provinces, la scolarisation des francophones dans leur propre langue aura été fortement limitée du fait que la plupart des écoles françaises ne recevaient aucune aide financière de l'État, et ce, jusqu'au début des années 1970 (Corbeil, 2003).
Un statut particulier est réservé à l'école française en milieu minoritaire en raison de son rôle de vecteur de socialisation à la culture française, de transmission de la langue aux enfants et du maintien des acquis dans cette langue. L'école est un milieu francophone public qui, de pair avec les familles, peut contribuer au développement et à l'essor d'une vie communautaire francophone.
Au cours de la première moitié du XXe siècle, les francophones avaient accès à des écoles primaires de langue française sur l'ensemble du territoire de l'Île-du-Prince-Édouard. Cependant, la consolidation du système scolaire de la province – débutant dans les années 1950 et se poursuivant jusqu'aux années 1970 – mena à la disparition des écoles primaires francophones homogènes, car ces dernières furent intégrées aux écoles anglophones. Vers la fin des années 1970, l'école secondaire Évangeline était la seule école francophone en existence à l'Île-du-Prince-Édouard (EVCFA, 2007).
En 1980, La Loi sur l'éducation est modifiée : les élèves francophones de l'Île ont pour la première fois le droit à l'instruction en français. Cette même année, une deuxième école francophone voit le jour à Charlottetown. En 1982, à l'échelle fédérale, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés vient accorder aux parents de la minorité le droit de faire instruire leurs enfants dans leur langue. En 1990, la Loi sur l'éducation est de nouveau modifiée de sorte que l'autorité de la Commission scolaire francophone nouvellement créée s'étend à toute la province, ce qui permet désormais aux francophones de gérer leurs écoles (Martel, 1991).
En 2000, la Cour suprême du Canada confirmait le droit des ayants droit de l'Île-du-Prince-Édouard à l'instruction en français. À la suite de cette décision, en septembre de cette même année, la Commission scolaire de langue française inaugure trois nouvelles écoles de langue française. Ultérieurement, d'autres écoles francophones s'établiront sur l'île (EVCFA, 2007).
Il importe d'examiner ici l'ampleur de la fréquentation des écoles de langue française par les enfants admissibles à les fréquenter ainsi que les facteurs qui influencent les décisions concernant la langue de scolarisation des enfants. Les données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle nous procurent notamment cet aperçu de la situation scolaire des enfants de parents francophones à l'Île-du-Prince-Édouard en permettant d'estimer le nombre d'enfants admissibles à l'enseignement en français qui fréquentent une école de langue française ou qui sont inscrits dans un programme d'immersion. De plus, ces données permettent d'examiner le lien entre la fréquentation d'une école de langue française et l'utilisation des langues, notamment, à la maison et avec les amis.
À l'Île-du-Prince-Édouard, 1 170 enfants de parents francophones étaient inscrits à l'école prématernelle, maternelle, primaire ou secondaire au moment de cette enquête. Parmi ces enfants, près des deux tiers recevaient un enseignement en français au sein d'une école française ou dans un programme d'immersion dans une école anglaise, alors que 35 % recevaient un enseignement en anglais au sein d'une école anglaise. Des 950 enfants dont au moins un des deux parents est francophone, la majorité (66 %) étaient issus de familles exogames français-anglais. Parmi ceux-ci, environ 62 % recevaient un enseignement en français dans une école française ou étaient inscrits dans un programme d'immersion dans une école anglaise.
L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle met également en lumière le fait que la fréquentation de l'école de langue française et l'inscription dans un programme d'immersion française dans une école anglaise semble être un choix pratiquement aussi populaire chez les parents des plus jeunes enfants que ceux d'enfants plus âgés. Les résultats de l'EVMLO révèlent ainsi qu'environ deux enfants sur trois étaient inscrits dans une école de langue française ou dans un programme d'immersion française aussi bien à l'école primaire qu'à l'école secondaire.
Plusieurs facteurs viennent influencer le choix de la langue de l'école fréquentée par l'enfant. En particulier, la trajectoire linguistique des parents dans leur cheminement scolaire aurait une influence importante sur le choix de la langue d'enseignement ou du système scolaire de leurs enfants. Ainsi, parmi les 810 enfants dont au moins un des parents a fait ses études primaires et secondaires en français, environ 74 % fréquentaient une école de langue française ou un programme d'immersion en français et environ 70 % parlaient le plus souvent (44 %) ou régulièrement (24 %) français à la maison.
Les données de l'EVMLO ne permettent pas de tirer des résultats statistiquement significatifs quant au lien entre la fréquentation scolaire en français des enfants et l'utilisation unique ou prédominante du français à la maison ou avec les amis, ni quant au lien entre la fréquentation scolaire en français et la capacité d'utiliser cette langue pour soutenir une conversation. On peut cependant établir un lien entre la fréquentation scolaire en français et l'utilisation du français dans divers contextes. Ainsi, la majorité des enfants qui fréquentent une école de langue française utilisent le français, seul ou avec l'anglais, le plus souvent à la maison (76 %), lorsqu'ils parlent avec leurs amis (90 %), et sont donc en mesure d'utiliser le français pour soutenir une conversation dans la quasi-totalité des cas (97 %).
4.3.2 Chez les adultes
4.3.2.1 Plus haut niveau de scolarité atteint
Le plus haut niveau de scolarité atteint par les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard en 2006 est un indicateur important des progrès réalisés depuis le Recensement de 1971, recensement mené peu après la fin des travaux de la Commission Laurendeau-Dunton. Se fondant sur les statistiques du Recensement de 1961, les travaux de cette Commission ont fait état des écarts très importants observés entre francophones et anglophones au Canada, tant en matière de scolarisation qu'en matière de situation sur le marché de l'emploi et dans diverses sphères de l'activité économique. En raison notamment de la scolarisation obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans et de l'importance grandissante accordée à l'éducation par les gouvernements, les employeurs et la population dans son ensemble, les écarts entre francophones et anglophones au Canada ont fortement diminué au fil du temps.
Afin d'illustrer le phénomène, examinons d'abord les résultats présentés au graphique 4.1 qui portent sur la situation observée en 2006. On y constate que les francophones (35 %) sont proportionnellement plus nombreux à ne pas détenir aucun certificat, diplôme ou grade que les anglophones (23 %) alors que les anglophones (23 %) sont proportionnellement plus nombreux à détenir un diplôme d'études secondaires ou l'équivalent que les francophones (17 %). Les écarts concernant les autres niveaux de scolarité atteints sont faibles ou très faibles, soit de moins de 4 %.
4.3.2.2 Langue d'enseignement chez les adultes
Nous avons vu précédemment que, dans l'ensemble de l'Île-du-Prince-Édouard, près de la moitié des enfants dont au moins un parent est de langue française sont inscrits dans le programme régulier d'une école primaire de langue française. Qu'en est-il de la langue de scolarisation des adultes ayant répondu à l'EVMLO? Aux diverses questions de l'enquête portant sur la langue dans laquelle les répondants ont effectué entièrement ou partiellement leurs études, on décèle que la présence du français varie d'un groupe d'âge à l'autre et d'un niveau de scolarité à l'autre.
Le tableau 4.1 rend compte du fait que quatre insulaires francophones sur cinq ont fait entièrement ou partiellement leurs études en français au niveau primaire. Cette proportion fléchit au fur et à mesure qu'on avance dans le parcours scolaire, pour ensuite remonter dans les programmes d'études universitaires. Ainsi, alors que 62 % des francophones ont poursuivi entièrement ou partiellement leurs études secondaires en français, cette proportion est de 32 % pour ceux qui ont poursuivi des études postsecondaires non universitaires alors qu'elle est de 67 % pour ceux qui détiennent un diplôme d'études universitaires.
Les résultats de l'EVMLO révèlent un écart important entre les adultes âgés de moins 45 ans et ceux de 45 ans et plus en ce qui a trait à la fréquentation d'une école primaire et secondaire en français (voir le tableau 4.1). Ainsi, alors qu'au moins 94 % des francophones de moins de 45 ans ont fréquenté l'école française au niveau primaire et qu'environ 75 % l'ont fait au niveau secondaire, ces proportions sont moindres chez les francophones plus âgés. Cette différence est notamment attribuable au fait que les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard ont de plus en plus accès à des écoles en français.
4.4 Médias, arts et culture
Le soutien aux arts et à la culture est l'un des éléments clés ciblés par la Feuille de route. On y reconnaît notamment leur rôle essentiel à l'épanouissement des communautés de langue officielle en milieu minoritaire.
L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle cible six médias pour mesurer l'accès aux éléments culturels dans la langue de la minorité, soit la télévision, l'Internet, la radio, les journaux, les livres et les spectacles ou les événements artistiques. De nos jours, l'Internet et la câblodistribution facilitent l'accès à ces médias dans plusieurs langues et en provenance de nombreux pays, ce qui permet d'accroître la disponibilité des divers produits culturels de langue française à travers le pays.
Les résultats de l'EVMLO révèlent que les insulaires francophones, tout comme leurs homologues anglophones, sont de grands consommateurs de médias, dont le plus important est la télévision (96 %) (voir le tableau 4.2).
Les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard ont majoritairement déclaré que la lecture des journaux (82 %), l'écoute de la télévision (78 %), l'accès à l'Internet (78 %), la lecture de livres (75 %) et l'écoute de la radio (69 %) se font surtout ou seulement en anglais. L'accessibilité aux médias de langue française n'est donc pas le seul facteur qui influence la consommation dans la langue de la minorité : les résultats de l'EVMLO révèlent en effet que malgré les avancées technologiques facilitant l'accès à divers médias de langue française, l'anglais prédomine lors de l'utilisation des médias.
4.5 Vie communautaire
L'implication des individus au sein de leur communauté et la participation à des activités communautaires sont généralement reconnues comme des dimensions de la vie en société qui contribuent à la création et au maintien de réseaux de soutien social. En outre, « [le] capital social (défini en termes généraux comme la participation aux réseaux sociaux) est de plus en plus considéré comme une composante clé du développement communautaire ou comme un aspect essentiel de la « capacité » d'une collectivité de se développer » (Rothwell et Turcotte, 2006 : p.1).
Les données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle permettent de mesurer certaines dimensions de la participation des francophones à la vie communautaire. Les statistiques concernant la participation à des activités de bénévolat, le fait d'être membre d'organismes communautaires ou de prodiguer des soins dans un contexte informel permettent en effet d'examiner dans quelle mesure les francophones s'impliquent dans la vie associative et communautaire de leur milieu de vie7.
Les résultats de l'EVMLO révèlent qu'au moins 3 francophones de l'Île-du-Prince-Édouard sur 10 participent à l'une ou l'autre des activités pour lesquelles des données ont été recueillies dans cette enquête. Ainsi, ce sont 31 % des adultes francophones qui ont déclaré avoir été membres d'un organisme, d'un réseau ou d'une association au cours des 12 derniers mois ayant précédé l'enquête, alors que 35 % ont fourni du soutien non rémunéré pour les activités de tous les jours à quelqu'un qui n'habitait pas dans leur ménage, et 44 % ont déclaré faire du bénévolat.
La langue dans laquelle se déroulent les activités communautaires des insulaires francophones varie selon le type d'activité. Le français est la langue privilégiée (surtout ou seulement) par 54 % des francophones lors de leur implication au sein d'organismes alors que 38 % privilégient cette langue lorsqu'ils donnent du soutien social pour les activités de tous les jours à des personnes qui n'habitent pas dans le ménage. Lorsqu'ils font du bénévolat, 36 % des francophones utilisent surtout ou seulement le français, alors que 36 % utilisent l'anglais et 28 % privilégient autant le français que l'anglais.
Soulignons que les membres de la famille (41 %), en excluant les enfants, sont plus souvent bénéficiaires du soutien pour les activités quotidiennes. Par conséquent, la famille semble compter pour beaucoup dans les réseaux des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard. Ainsi, en cas de maladie, 55 % déclarent qu'ils se tourneraient vers d'autres membres de leur famille et 20 % vers leurs enfants pour du soutien tandis que 11 % se tourneraient vers leurs amis.
L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle révèle que plus de 79 % des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard déclarent qu'il est important ou très important pour eux que des personnes ou des organismes travaillent au développement de la communauté francophone. De plus, on constate que 50 % de ceux qui sont membres d'organismes, de réseaux ou d'associations le sont dans le but de promouvoir la communauté francophone, ce qui explique sans doute pourquoi l'utilisation du français y est plus répandue.
4.6 Caractéristiques de l'emploi et du revenu
Les données du Recensement de 2006 permettent d'examiner dans quelle mesure les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard œuvrent dans des secteurs d'industrie différents ou non de ceux des anglophones. On peut y identifier les similitudes et les différences dans la répartition des groupes linguistiques entre les divers secteurs d'industrie.
L'analyse sommaire des données révèle que 44 % des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard œuvrent principalement dans 4 secteurs d'industrie au sein desquels ils sont proportionnellement plus nombreux que les anglophones : administrations publiques (14,8 % pour les francophones comparativement à 10,5 % pour les anglophones), fabrication (11,9 % comparativement à 8,7%), construction (8,6 % comparativement à 6,5 %) et services d'enseignement (8,4 % comparativement à 6,3 %) (voir le graphique 4.3). Les anglophones sont pour leur part proportionnellement plus nombreux à occuper des emplois dans le secteur du commerce de détail (11,2 % des anglophones comparativement à 8,4 % des francophones), de l'agriculture, de la foresterie, de la pêche et de la chasse (11,7 % comparativement à 7,8 %) et des soins de santé et de l'assistance sociale (9,6 % comparativement à 7,4 %).
4.6.1 Utilisation de la langue française au travail
Parmi l'ensemble des travailleurs de l'Île-du-Prince-Édouard âgés de 15 ans ou plus, 5,5 % utilisent le français le plus souvent ou régulièrement dans le cadre de leur travail. Chez les personnes ayant seulement le français comme première langue officielle parlée, cette proportion atteint 63 %, soit 29 % qui utilisent le français le plus souvent et 34 % qui l'utilise régulièrement (c'est-à-dire moins souvent que la langue prédominante).
4.6.2 Écarts différentiels de revenu
Historiquement, les francophones au Canada ont été désavantagés sur le plan économique. Les insulaires francophones ne faisaient pas exception. Dans la mesure où le niveau de revenu des individus est fortement tributaire de leur niveau de scolarité, de leur profession et du secteur d'industrie dans lequel ils œuvrent (pour ne nommer que ces facteurs), on peut croire que les mutations importantes qu'ont connues les communautés francophones de l'Île-du-Prince-Édouard au cours des dernières décennies ont eu des répercussions majeures sur leur niveau de revenu.
L'analyse des facteurs ayant influencé l'évolution des écarts différentiels de revenu entre les groupes linguistiques dépasse l'objet et la portée du présent rapport. Toutefois, les statistiques du Recensement de 2006 nous portent à croire que la situation des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard s'est beaucoup améliorée au fil du temps.
Les statistiques de 2006 révèlent que les personnes ayant le français comme première langue officielle parlée ont des revenus moyen et médian supérieurs à ceux des anglophones (voir le tableau 4.5). Ainsi, les hommes ayant le français comme seule première langue officielle parlée (PLOP) ont des revenus moyen et médian supérieur d'environ 800 $ à celui des hommes du groupe PLOP anglais. Chez les femmes, les revenus moyen et médian des francophones sont supérieurs à ceux des anglophones de près de 2 300 $ et de 1 800 $ respectivement (voir le tableau 4.5).
À la lumière du contexte historique décrit plus haut, on sait que le revenu médian des deux groupes linguistiques est fonction de l'âge. Les statistiques présentées aux graphiques 4.3-a et 4.3-b rendent compte du fait que chez les personnes âgées de 25 à 44 ans et de 45 à 64 ans, les francophones ont un revenu médian supérieur à celui des anglophones, tant chez les hommes que chez les femmes8. En revanche, chez les 65 ans et plus, le revenu médian des hommes et des femmes anglophones sont supérieurs à celui des francophones, soit de 5 000 $ et de 1 800 $ respectivement.
Plusieurs facteurs permettent d'expliquer l'écart différentiel de revenus entre francophones et anglophones. Bien que les résultats portant sur l'ensemble de la population révèlent que, tant chez les hommes que chez les femmes, les revenus moyens des francophones sont supérieurs à ceux des anglophones, la source de ces écarts réside en partie dans un certain nombre de caractéristiques qui distinguent ces deux populations.
En approfondissant l'analyse des résultats du recensement, notamment en utilisant la technique de l'analyse statistique multivariée, on constate que l'âge, la scolarité, le type de lieu de résidence, le secteur d'industrie et le statut d'immigrant y jouent un rôle important et permettent d'expliquer une partie de ces écarts. Ainsi, si les francophones et les anglophones avaient exactement le même profil en ce qui a trait à ces caractéristiques – ce qui n'est pas le cas –, on observerait que les femmes anglophones de l'Île-du-Prince-Édouard ont un revenu moyen inférieur à celui des francophones, d'environ 1 600 $. Chez les hommes, les analyses révèlent qu'il n'y a aucune différence statistiquement significative entre le revenu moyen des anglophones et celui des francophones.
Notes
- Les très petits effectifs de médecins et d'infirmières observés à l'Île-du-Prince-Édouard rendent difficile la présentation d'une estimation fiable du nombre et de la proportion de médecins et d'infirmières qui pratiquent dans cette province. Compte tenu de l'erreur d'échantillonnage et de l'arrondissement aléatoire dont ces nombres font l'objet, il est difficile d'estimer avec précision le nombre de médecins et d'infirmières de langue française, ceux qui utilisent le français au travail, ou encore d'estimer le nombre de locuteurs de cette langue chez ces professionnels de la santé.
- C'est-à-dire soit le plus souvent soit régulièrement.
- Voir à ce propos le tableau 2.1 du document Professionnels de la santé et minorités de langue officielle au Canada : 2001 et 2006 (Blaser, 2009 : p.23).
- À l'instar de ce qu'on observe pour les médecins et les infirmières (voir note 19), les très petits effectifs d'avocats et de policiers observés à l'Île-du-Prince-Édouard rendent difficile la présentation des estimations.
- Tout comme dans le cas des professionnels de la santé, l'utilisation du français par les avocats et les policiers dépend de plusieurs facteurs, dont la proportion de francophones dans un milieu donné. L'analyse de ces facteurs dépasse toutefois le cadre du présent portrait statistique.
- En raison du très petit nombre des membres de la minorité de langue officielle qui ont eu des contacts avec des membres de la police provinciale et la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), les données obtenues dans le cadre de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle ne permettent pas de tirer des conclusions à leur égard.
- Plusieurs facteurs sociodémographiques et économiques influent sur la participation communautaire, notamment l'âge, la scolarité, le milieu de résidence, le statut socio-économique, etc. Toutefois, l'analyse de ces facteurs dépasse l'objectif du présent document.
- En raison du très petit nombre de travailleurs francophones âgés de 15 à 24 ans, les données obtenues dans le cadre du Recensement de 2006 ne permettent pas de tirer des conclusions à leur égard.
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