100 ans bien comptés
Cent ans et plus de recensements au Canada

Warning Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

par Eric Rancourt et Lysanne Brazeau

Date de diffusion : le 17 juillet 2019

Passer au texte

Début du texte

Introduction

Faisant appel à la participation de chaque ménage au pays tous les cinq ans, le Recensement de la population est certainement l’enquête de Statistique Canada la plus connue des Canadiens. Le dernier recensement, effectué en 2016, a d’ailleurs obtenu un taux de réponse global de 98,4 % et un taux de réponse au questionnaire détaillé de 97,8 %. Cela a permis de dresser un portrait précis de la population. Depuis très longtemps, les recensements permettent aux citoyens et aux organisations de mettre en place des services et de prendre des décisions en se basant sur les données recueillies au moyen de cette activité statistique d’envergure. Bien que Statistique Canada célèbre son 100e anniversaire cette année, des recensements ont été menés au pays bien avant que l’organisme statistique national ne soit créé. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les recensements de la population existent depuis des millénaires, et que leur utilité a évolué au fil des ans, tout comme le type de données recueillies. Le présent article offre un bref survol historique des recensements dans le monde, puis met l’accent sur leur évolution au Canada.

Les recensements dans l’histoire

C’est en Babylonie que l’on aurait effectué les premiers recensements connus, notamment en dénombrant les personnes, mais également les animaux et certains vivres. Ces statistiques, recueillies sur des tablettes d’argile il y a près de 6 000 ans, auraient permis aux dirigeants de mieux déterminer la quantité de nourriture nécessaire pour subvenir aux besoins de la population. Le plus ancien recensement conservé a été mené en Chine en l’an 2 de cette ère, sous la dynastie Han. Lors de ce recensement, on a dénombré plus de 57 millions d’habitants en Chine. Des recensements ont également été réalisés dans d’autres civilisations anciennes, dont l’Égypte, la Grèce, la Perse, l’Inde et l’Empire romain. La plupart du temps, les données servaient à mettre sur pied des armées et à collecter des impôts. Cependant, celles-ci pouvaient également être utilisées pour d’autres motifs, par exemple déterminer la main-d’œuvre disponible ou même surveiller les mœurs. Au 3e siècle, le recensement mené par Dioclétien à la suite de la création de la tétrarchie dans l’Empire romain aurait servi à mieux connaître l’état de la population, alors qu’il était auparavant synonyme de levée des impôts. Au Moyen Âge, des recensements étaient encore effectués en Orient, mais ils semblaient disparaître en Occident. On retrouve néanmoins en Occident l’enquête de Guillaume le Conquérant, menée en l’an 1086 en Angleterre et consignée dans le Domesday Book. Cependant, certains considèrent cette enquête comme un cadastre plutôt qu’un recensement. Il faudra ensuite attendre l’époque moderne (18e siècle) pour voir apparaître les recensements tels qu’on les connaît aujourd’hui, y compris ceux menés au Canada.

Les recensements au Canada avant la création du Bureau fédéral de la statistique

C’est en 1666 qu’a été mené le premier recensement en Nouvelle-France, qui allait par la suite devenir le Canada. Jean Talon, intendant de la colonie, a alors dénombré 3 215 colons européens à Québec, à Trois-Rivières et à Montréal, sans compter les populations autochtones et les troupes du Roi. Le recensement a permis de consigner leur âge, leur sexe, leur état matrimonial et leur profession. On dénombre 35 autres recensements effectués par la suite dans la colonie française, le dernier ayant été réalisé en 1739. Après le passage de la Nouvelle-France à l’Empire britannique en 1763, il faudra attendre le 19e siècle pour voir réapparaître des recensements de façon fréquente en territoire canadien. Peu après la création de la province du Canada en 1840, la Loi du recensement et des statistiques de 1847 a permis la tenue d’un recensement et la collecte de renseignements statistiques grâce à la fondation du Bureau de l’enregistrement de la statistique. Le Bureau de l’enregistrement de la statistique a réalisé un recensement de la province du Canada en 1851-1852 à la suite des pressions exercées par le gouvernement britannique, qui souhaitait qu’un recensement de ses colonies soit effectué au même moment que le sien. Des recensements ont également été réalisés au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, mais ces derniers ont été publiés dans des rapports différents. Lors de ces recensements, on a dénombré 1 842 265 personnes dans la province du Canada, 193 800 personnes au Nouveau-Brunswick et 276 854 personnes en Nouvelle-Écosse.

image 1

Description

Cette image représente une page du Recensement de 1666 mené par Jean Talon.

En 1867, dans le cadre de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, oncrée le Dominion du Canada et on mentionne qu’un recensement devra être effectué en 1871, puis tous les 10 ans par la suite. Ce premier recensement officiel au pays a permis de dénombrer 3 485 761 personnes dans les quatre provinces originales de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Il a été réalisé au moyen de la méthode de jure, aussi utilisée par Jean Talon en 1666. Cette méthode consiste à dénombrer les personnes selon leur lieu de résidence plutôt que selon l’endroit où elles se trouvent le jour du recensement. S’ensuit alors une série de recensements auxquels seront rajoutées les nouvelles provinces du Canada et au cours desquels la population connaîtra une croissance. Parallèlement, les recensements feront l’objet de modifications au chapitre du contenu et des techniques employées. Au nombre des changements observés, on note, entre autres, l’utilisation de tabulatrices électriques en 1891, la population canadienne atteindre plus de 5 millions de personnes au moment du Recensement de 1901 ainsi que les recensements des provinces des Prairies menés tous les 10 ans à partir de 1906, tel que stipulé dans l’Acte du Recensement et des Statistiques de 1905. À la suite de la participation du Canada à la guerre des Boers en tant que nation souveraine et dans le contexte de la Première Guerre mondiale au pays, on prend conscience de la nécessité d’avoir des renseignements de qualité sur la population et l’économie canadiennes.

Cent ans de progrès en matière de recensements

En 1918, le Bureau fédéral de la statistique est créé grâce à la Loi sur la statistique, ce qui a permis de centraliser la production de statistiques au pays. Le recensement, qui relève alors du nouvel organisme sous la gouverne de Robert H. Coats, est modernisé de manière importante et de nouvelles techniques sont adoptées. Tout d’abord, en 1931, on utilise trois classicompteurs créés par Fernand Bélisle, un employé du Bureau. Ces classicompteurs permettent de compiler les données 50 fois plus rapidement qu’en 1921. Le Recensement de 1941 comporte lui aussi son lot d’innovations, dont l’échantillonnage utilisé pour la toute première fois au moyen d’un questionnaire sur le logement remis à un dixième des ménages. Par la suite, dans le cadre du Recensement de 1951, on adopte la technologie « à repères optiques » pour les questionnaires sur la population et les logements, où un lecteur génère des cartes perforées, soit une tâche qui était auparavant effectuée de façon manuelle. En raison de la croissance rapide de la population, l’année 1956 marque le début des recensements quinquennaux menés au pays. Dans le cadre du Recensement de 1961, la technologie informatique permet alors de traiter les données recueillies au moyen de documents électrographiques. Trois cents ans après le recensement de Jean Talon, le Recensement de 1966 permet de dénombrer plus de 20 millions de personnes au Canada.

image 2

Description

Cette image représente un pantographe utilisé lors du Recensement de 1931 pour perforer les cartes.

En 1971, le Bureau fédéral de la statistique devient Statistique Canada, et la Loi sur la statistique est révisée. Dans le cadre du Recensement de 1971, soit l’année du 100e anniversaire du premier recensement du Canada, on apporte un grand changement à la méthode de collecte des données : l’autodénombrement. Ce recensement comporte également un questionnaire abrégé distribué aux deux tiers de la population, et un questionnaire détaillé distribué au reste de la population. Le Recensement de 1981 comporte également deux questionnaires différents, mais le questionnaire détaillé est destiné au cinquième de la population seulement. En 1986, le recensement prend la même ampleur que celui mené tous les 10 ans, alors que, jusqu’à ce jour, seuls les questionnaires abrégés étaient distribués tous les cinq ans. Le Recensement de 1991 permet ensuite à la majorité de la population de retourner le questionnaire par la poste après s’être autodénombrée. Puis, en 1996, on traduit les résultats du recensement en 12 langues autochtones et 37 autres langues non officielles. En 2001, le recensement a révélé que la population canadienne se chiffre à plus de 30 millions. Au moment du Recensement de 2006, une nouvelle méthode de collecte des données voit le jour; cette année-là, plus de 18,5 % des ménages remplissent leur questionnaire en ligne. Il s’agit également du dernier recensement pour lequel on publie les résultats en format imprimé. En 2011, le questionnaire détaillé est remplacé par l’Enquête nationale auprès des ménages, dont la participation est volontaire. Pour le Recensement de 2016, le questionnaire détaillé est rétabli et envoyé à 1 ménage sur 4. On peut donc observer qu’au fil des ans, les recensements au Canada ont grandement évolué, de l’époque de Jean Talon à aujourd’hui.

image 3

Description

Cette image illustre un homme qui appose une enseigne faisant la promotion du Recensement de 1986. Les mots suivants sont écrits sur l’enseigne : « Le 3 juin, recensement. Soyez du nombre! »

Conclusion

Bien que les recensements existent depuis fort longtemps, ils font maintenant partie des outils d’organisation démocratique au Canada. Ayant d’abord servi au développement de la colonie, ils ont plus tard, et encore à ce jour, permis de déterminer le nombre de sièges au Parlement. Depuis leurs débuts au Canada, les recensements ont évolué en reflétant les changements sociaux, économiques et culturels du pays. Les données qu’ils permettent de recueillir contribuent à la prise de décisions éclairées fondées sur des renseignements de qualité. De plus, ils servent de fondement au système statistique pour la tenue d’enquêtes et la déduplication de renseignements provenant d’autres sources. Pendant toute l’histoire de Statistique Canada, le recensement a été un catalyseur d’innovation et continuera de l’être pour les années à venir.

Bibliographie

Curtis, B. 2001. The politics of population: State formation, statistics, and the census of Canada, 1840-1875, Toronto, University of Toronto Press.

Grajalez, Gomez G., E. Magnello, R. Woods et J. Champkin. 2013. « Great moments in statistics », Significance, vol. 10, p. 21 à 28.

Statistique Canada. 2017. Guide du Recensement de la population, 2016, produit no 98-304-X au catalogue, Ottawa, Ontario, version mise à jour le 30 janvier 2018 https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/ref/98-304/index-fra.cfm (site consulté le 22 novembre 2018).

Thorvaldsen, G. 2018. Census and census takers: A global history, New York, Routledge.

Twichett, D., et M. Loewe. 1986. The Ch’in and Han Empires: 221 B.C.-A.D. 220, London, Cambridge University Press.

Worton, D.A. 1998. Le Bureau fédéral de la statistique : les origines et l’évolution du bureau central de la statistique au Canada, 1841-1972, Montréal, McGill-Queen’s University Press.

Date de modification :