Bulletin Juristat — En bref
La traite des personnes au Canada, 2016
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par Dyna Ibrahim
La traite des personnes, aussi appelée « trafic de personnes », constitue une infraction criminelle aux termes du Code criminel et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il s’agit d’une violation grave des droits de la personne et d’un fléau qui sévit dans presque tous les pays du monde (ONU, 2014; ONUDC, 2016; Sécurité publique Canada, 2012). Certains assimilent la traite des personnes à une forme d’« esclavage moderne » (Crane, 2013; Sécurité publique Canada, 2012; Kara, 2009; Barrows et Finger, 2008). Au cours des dernières années, le Canada a mis en œuvre divers programmes en vue de lutter contre la traite des personnes au pays et à l’étranger (Sécurité publique Canada, 2012).
De par sa nature même, la traite des personnes est difficile à mesurer. Dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, Statistique Canada recueille des renseignements sur les infractions relatives à la traite de personnes qui viennent à l’attention des services de police canadiens. Il s’agit d’infractions prévues au Code criminel et d’infractions transfrontalières visées par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
À partir des données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, dans le présent Bulletin Juristat — En bref, on analyse la prévalence de la traite des personnes au Canada et on met en évidence les caractéristiques des victimes et des auteurs présumés. De plus, on examine les décisions rendues par les tribunaux à l’égard des infractions de traite de personnes au moyen des données recueillies dans le cadre de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle.
La traite des personnes est interdite en vertu du Code criminel et comprend le fait de recruter, de transporter, de transférer, de recevoir, de détenir, de cacher ou d’héberger une personne, ou d’exercer un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne, en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation. La traite des personnes peut revêtir de nombreuses formes, telles que l’exploitation sexuelle et le travail forcé (ONUDC, 2016; Karam, 2016).
La traite des personnes est souvent confondue avec le passage de clandestins. Celui-ci consiste en la migration illégale d’une personne réalisée avec le consentement de cette personne, en contrepartie d’un gain. De plus, le passage de clandestins est transnational et se termine par l’arrivée du migrant à sa destination (Sécurité publique Canada, 2012).
Le passage de clandestins concerne souvent des migrants qui fuient une situation de conflit ou des conditions difficiles qui augmentent leur risque d’être exploités (ONUDC, 2016). Il peut parfois devenir une affaire de traite de personnes. L’exemple simplifié ci-après illustre un tel scénario.
-
Exemple :
Deux personnes s’entendent sur une opération par laquelle une personne (le passeur) accepte de transporter une personne sans papiers (le migrant) au-delà de la frontière internationale d’un autre pays. À son arrivée à destination, le migrant paie au passeur le service rendu, et les deux partent chacun de leur côté. Il s’agit d’un exemple de passage de clandestins.
Bien que le migrant puisse être assujetti à des circonstances difficiles ou maltraité durant son passage, si, en cours de route ou à son arrivée au pays de destination, il est exploité par des moyens tels que la contrainte au travail forcé, par exemple en paiement du service rendu, ou au commerce du sexe sans possibilité de sortie, cela devient une situation de traite de personnes.
Le nombre d’affaires de traite de personnes déclarées par la police s’accroît
- Les affaires criminelles déclarées par la police peuvent comporter plus d’une infractionNote . En 2016, les services de police canadiens ont déclaré 340 affaires de traite de personnes dans lesquelles la traite des personnes constituait l’infraction la plus graveNote . Il s’agit de 0,02 % de toutes les affaires déclarées par la police en 2016. Il y a eu près de 1 (0,94) affaire de traite de personnes déclarée par la police pour 100 000 habitants, soit le plus haut taux enregistré depuis que des données comparables sont devenues disponibles en 2009.
- De 2009 à 2016, la police a déclaré 1 220 affaires dans lesquelles une infraction de traite de personnes constituait l’infraction la plus graveNote . Le nombre et le taux d’affaires de traite de personnes augmentent de façon constante depuis 2010 (graphique 1).
Tableau de données du graphique 1
Année | Nombre d'affaires | Taux pour 100 000 habitants |
---|---|---|
2009 | 41 | 0,12 |
2010 | 26 | 0,08 |
2011 | 76 | 0,22 |
2012 | 92 | 0,26 |
2013 | 115 | 0,33 |
2014 | 200 | 0,56 |
2015 | 330 | 0,92 |
2016 | 340 | 0,94 |
Note : La catégorie de la traite des personnes du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) comprend les infractions suivantes au Code criminel du Canada : la traite des personnes (art. 279.01 du Code criminel), la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (art. 279.011 du Code criminel), l’avantage matériel (art. 279.02 du Code criminel), l’avantage matériel tiré de la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.02(2) du Code criminel), la rétention ou la destruction de documents (art. 279.03 du Code criminel) et la rétention ou la destruction de documents en vue de faciliter la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.03(2) du Code criminel). Elle comprend aussi une infraction à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui cible la traite transfrontalière internationale (art. 118). La présente analyse repose sur des données agrégées, et les chiffres sont fondés sur l’infraction la plus grave dans l’affaire. Les taux sont calculés pour 100 000 habitants. Les chiffres de population sont fondés sur des estimations au 1er juillet fournies par la Division de la démographie de Statistique Canada. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité. |
L’ampleur de la traite des personnes est difficile à mesurer, en partie en raison de la nature clandestine de cette infraction. Bien que le nombre d’affaires de traite de personnes déclarées par la police ait augmenté ces dernières années, la traite des personnes demeure fortement sous-déclarée pour des raisons comme les suivantes :
- La situation de vulnérabilité physique, sociale ou économique dans laquelle se trouvent habituellement les victimes fait en sorte qu’elles ne veulent pas ou ne peuvent pas signaler leur victimisation à la police.
- Les trafiquants impliquent parfois délibérément les victimes dans des activités humiliantes ou illégales afin de les empêcher de signaler leur victimisation (p. ex. des actes sexuels humiliants, la consommation de substances illicites et la crainte de se voir dénoncer aux membres de leur famille ou aux autorités).
- La force physique ou des techniques psychologiques sont utilisées comme moyens d’intimider les victimes (p. ex. accroître leur sentiment d’isolement et de dépendance en enlevant leurs pièces d’identité, ou menacer les membres de leur famille).
- Certaines victimes se méfient de la police; il se peut que, dans le pays d’origine de certaines victimes, la police les ait rendues aux trafiquants, ce qui pourrait avoir entraîné de graves représailles de la part de ceux-ci. Les victimes qui ont vécu de telles expériences ou qui entretiennent de telles croyances peuvent aussi se méfier des autorités canadiennes.
- Les victimes peuvent faire face à des barrières linguistiques ou ne pas être au courant de leurs droits légaux.
(ONUDC, 2017; Hodge, 2014; Winterdyk et Reichel, 2010; ONU, 2008)
Selon les recherches, la hausse du nombre d’affaires de traite de personnes déclarées peut être une indication des ressources et des efforts consacrés aux enquêtes sur ces infractions (ONU, 2008). Par conséquent, il n’est pas clair si l’augmentation du nombre d’affaires déclarées représente une hausse réelle de la criminalité ou si elle découle plutôt du fait que les services de police sont mieux outillés pour détecter la traite des personnes, déclarer ces affaires et enquêter sur ces dernières.
Une affaire de traite de personnes déclarée par la police sur trois constitue une infraction transfrontalière
- Afin de faciliter les comparaisons des caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés au fil du temps, l’analyse présentée dans le reste de ce rapport repose, sauf indication contraire, sur la base de données sur les tendances du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) fondé sur l’affaire, qui renferme les données provenant d’un sous-ensemble de répondants au Programme DUC. Cette base de données contient les données de tous les services de police qui ont participé au Programme DUC pendant la période visée par le fichier. Depuis 2009, le fichier sur les tendances du Programme DUC comprend les données déclarées par les services de police desservant 99 % de la population du Canada, alors que la couverture était moins élevée les années antérieures. L’analyse des tendances commence en 2009, l’objectif étant de maintenir le plus haut niveau de couverture uniforme au fil du temps.
- Selon la base de données sur les tendances, la police a déclaré 1 099 affaires de 2009 à 2016 comprenant une infraction de traite de personnesNote Note . Plus de la moitié (55 %) de ces affaires se sont produites de 2015 à 2016.
- Environ 1 affaire de traite de personnes sur 3 (32 %) survenue de 2009 à 2016 était une infraction transfrontalière visée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui cible la traite des personnes franchissant les frontières internationales du CanadaNote .
Trois infractions liées à la traite des personnes ont été ajoutées au Code criminel en 2005 : les articles 279.01 (traite des personnes), 279.02 (bénéficier d’un avantage matériel provenant de la traite des personnes) et 279.03 (rétention ou destruction de documents en vue de faciliter la traite des personnes) (Code criminel, 1985; Parlement du Canada, 2005). De plus, les modifications adoptées en 2005 prévoyaient une définition précise du terme « exploitation » pour l’application des infractions liées à la traite des personnes.
En 2010, l’article 279.011 (traite de personnes âgées de moins de 18 ans) a été ajouté et, en 2012, le Code criminel a été modifié de façon à permettre aux autorités canadiennes de poursuivre les Canadiens et les résidents permanents du Canada qui commettent à l’étranger des infractions liées à la traite des personnes (Code criminel, 1985; Parlement du Canada, 2010; Parlement du Canada, 2012).
En 2014, de nouvelles infractions sont entrées en vigueur, lesquelles interdisent l’obtention d’un avantage matériel de la traite de personnes de moins de 18 ans (paragraphe 279.02(2)) ainsi que la rétention ou la destruction de documents en vue de faciliter la traite de personnes de moins de 18 ans (paragraphe 279.03(2)), et une peine minimale obligatoire a été imposée pour toutes les infractions de traite d’enfants, ainsi que pour l’infraction principale de traite de personnes (article 279.01) (Code criminel, 1985; Parlement du Canada, 2014).
Outre ces infractions au Code criminel, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit une infraction liée à la traite des personnes qui s’applique à la traite des personnes franchissant les frontières canadiennes (article 118) (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001). Il s’agit d’une infraction punissable par une peine d’emprisonnement maximale à perpétuité et une amende maximale d’un million de dollars.
Plus de la moitié des affaires de traite de personnes comportent une autre infraction, habituellement liée à la prostitution
- Parmi les affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2009 à 2016, plus de la moitié (51 %) comportaient au moins une autre infractionNote . Parmi la grande majorité (89 %) de ces affaires, la traite des personnes constituait l’infraction la plus grave.
- Dans les affaires mettant en cause plusieurs infractions parmi lesquelles la traite des personnes était la plus grave, les infractions secondaires étaient souvent des infractions relatives à la prostitution (58 %). Parmi les autres infractions secondaires courantes figuraient les voies de fait de tous les niveaux (39 %) et les infractions sexuelles (20 %).
Les victimes de la traite des personnes sont le plus souvent des jeunes femmes
- Selon les données déclarées par la police, il y a eu au total 865 victimes de la traite des personnes de 2009 à 2016Note Note . La grande majorité (95 %) de ces victimes étaient des femmes.
- La plupart (72 %) des victimes de la traite des personnes avaient moins de 25 ans (graphique 2). Les femmes de moins de 25 ans représentaient 70 % des victimes des affaires de traite de personnes déclarées par la police (26 % étaient âgées de moins de 18 ans, tandis que 44 % avaient de 18 à 24 ans).
- Près de 3 victimes sur 10 (27 %) des affaires de traite de personnes déclarées par la police ont subi des blessures corporelles, dont la plupart étaient légères (c.‑à‑d. qu’elles n’ont pas nécessité de soins médicaux professionnels)Note . Outre les blessures corporelles, les victimes de la traite des personnes peuvent subir des conséquences telles qu’un traumatisme affectif ou psychologique (Hodge, 2014; Sécurité publique Canada, 2012; ONUDC, 2008); toutefois, les données déclarées par la police ne fournissent pas de renseignements sur ces types de répercussions.
Tableau de données du graphique 2
Groupe d’âge | Pourcentage |
---|---|
Moins de 18 ans | 27 |
18 à 24 ans | 45 |
25 à 34 ans | 18 |
35 à 44 ans | 6 |
45 à 54 ans | 3 |
55 ans et plus | 1 |
Note : La catégorie de la traite des personnes du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) comprend les infractions suivantes au Code criminel du Canada : la traite des personnes (art. 279.01 du Code criminel), la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (art. 279.011 du Code criminel), l’avantage matériel (art. 279.02 du Code criminel), l’avantage matériel tiré de la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.02(2) du Code criminel), la rétention ou la destruction de documents (art. 279.03 du Code criminel) et la rétention ou la destruction de documents en vue de faciliter la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.03(2) du Code criminel). Aucun renseignement sur la victime n’est saisi par la police à l’égard de l’infraction de traite de personnes visée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cette analyse repose sur les données du fichier des victimes de la base de données sur les tendances (2009 à 2016) du Programme DUC fondé sur l’affaire, qui contient les données recueillies auprès de 99 % de la population du Canada. Les données pour la période allant de 2009 à 2016 ont été regroupées, ce qui permet une analyse plus détaillée des victimes de la traite des personnes. Comprend les victimes de 89 ans ou moins. Les victimes de 90 ans et plus ont été exclues de l’analyse en raison de la possibilité que les affaires pour lesquelles l’âge de la victime était inconnu aient été classées incorrectement dans cette catégorie d’âge. Exclut les victimes dont le sexe ou l’âge était inconnu. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité (base de données sur les tendances). |
La grande majorité des auteurs présumés de la traite des personnes sont des hommes, et sont le plus souvent jeunes
- Des hommes ont été les auteurs présumés de plus de 4 affaires de traite de personnes sur 5 (81 %) déclarées par la police au cours de la période allant de 2009 à 2016Note .
- Les auteurs présumés de 80 % des affaires de traite de personnes avaient de 18 à 34 ans. Les hommes de ce groupe d’âge représentaient les deux tiers (66 %) de tous les auteurs présumés (35 % étaient âgés de 18 à 24 ans et 31 % avaient de 25 à 34 ans) (graphique 3).
Tableau de données du graphique 3
Groupe d’âge | Pourcentage |
---|---|
Moins de 18 ans | 5 |
18 à 24 ans | 44 |
25 à 34 ans | 36 |
35 à 44 ans | 11 |
45 à 54 ans | 3 |
55 ans et plus | 1 |
Note : La catégorie de la traite des personnes du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) comprend les infractions suivantes au Code criminel du Canada : la traite des personnes (art. 279.01 du Code criminel), la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (art. 279.011 du Code criminel), l’avantage matériel (art. 279.02 du Code criminel), l’avantage matériel tiré de la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.02(2) du Code criminel), la rétention ou la destruction de documents (art. 279.03 du Code criminel) et la rétention ou la destruction de documents en vue de faciliter la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.03(2) du Code criminel). Elle comprend aussi une infraction à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui cible la traite transfrontalière internationale (art. 118). Cette analyse repose sur les données du fichier des auteurs présumés de la base de données sur les tendances (2009 à 2016) du Programme DUC fondé sur l’affaire, qui contient les données recueillies auprès de 99 % de la population du Canada. Les données pour la période allant de 2009 à 2016 ont été regroupées, ce qui permet une analyse plus détaillée des auteurs présumés de la traite des personnes. Cette analyse est fondée sur les affaires dans lesquelles une personne était l’auteur présumé d’une infraction de traite de personnes, laquelle n’était toutefois pas nécessairement l’infraction la plus grave. Comprend les auteurs présumés de 89 ans ou moins. Les auteurs présumés de 90 ans et plus ont été exclus de l’analyse en raison de la possibilité que les affaires pour lesquelles l’âge de l’auteur présumé était inconnu aient été classées incorrectement dans cette catégorie d’âge. Exclut les auteurs présumés dont le sexe ou l’âge était inconnu. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité (base de données sur les tendances). |
L’Ontario enregistre les deux tiers des infractions de traite de personnes sur une période de huit ans
- Les deux tiers (66 %) des infractions de traite de personnes déclarées par la police de 2009 à 2016 ont été commises en Ontario, plus de 1 affaire de traite de personnes sur 10 (14 %) a été déclarée au Québec et un peu moins de 1 affaire sur 10 (8 %) a été enregistrée en Alberta (tableau 1)Note .
- En 2016, le taux d’affaires de traite de personnes en Ontario (1,6 affaire pour 100 000 habitants) était plus d’une fois et demie supérieur au taux national (0,9 affaire pour 100 000 habitants) et plus du double du taux enregistré en Alberta et au Québec (0,7 affaire et 0,6 affaire pour 100 000 habitants, respectivement)Note .
- Alors que les affaires de traite de personnes en Nouvelle-Écosse représentaient 6 % des affaires déclarées à l’échelle nationale au cours de la période de huit ans, le taux inscrit en 2016 par cette province (2,1 affaires pour 100 000 habitants) était le plus élevé qui a été enregistré parmi les provinces et territoires.
- Environ le tiers (34 %) des affaires de traite de personnes déclarées en Ontario de 2009 à 2016 étaient des affaires de traite transfrontalière, la traite transfrontalière étant une infraction de traite de personnes prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et ciblant le franchissement des frontières internationales; il s’agit d’une proportion semblable à celle observée à l’échelle nationale. Les affaires de traite transfrontalière de personnes de l’Ontario représentaient plus du cinquième (22 %) des affaires de traite de personnes et la majorité (70 %) des affaires de traite transfrontalière perpétrées au Canada au cours de la période de huit ans.
- Des affaires de traite de personnes sont plus souvent déclarées dans les régions métropolitaines de recensement (RMR)Note . De 2009 à 2016, près de la moitié des infractions de traite de personnes déclarées par la police ont été commises dans les RMR de Toronto (25 %)Note , d’Ottawa (11 %)Note et de Montréal (9 %) (tableau 2).
- En 2016, les taux d’affaires de traite de personnes déclarées par la police étaient les plus élevés à Ottawa et à Halifax, s’établissant respectivement à 4,7 affaires pour 100 000 habitants, soit près de cinq fois le taux national. D’autres RMR ontariennes, soit Hamilton, Barrie et London, ainsi que la RMR québécoise de Gatineau, ont fait état de taux d’affaires de traite de personnes plus de deux fois supérieurs au taux national (2,6; 2,3; 2,1; et 2,1 affaires pour 100 000 habitants, respectivement). Le taux d’affaires de traite de personnes dans les régions autres que les RMR en 2016 était de 0,5 pour 100 000 habitants, comparativement au taux global de 1,1 pour 100 000 habitants dans les RMR.
- Halifax a enregistré le plus haut taux d’affaires de traite transfrontalière de personnes (3,8 affaires pour 100 000 habitants) en 2016, et ces affaires représentaient la majorité (80 %) des affaires de traite de personnes de la ville. De même, les RMR ontariennes de Barrie (1,8 pour 100 000), de Windsor (1,5 pour 100 000) et de Brantford (1,4 pour 100 000) ont affiché des taux plus élevés d’affaires de traite transfrontalière de personnes, lesquelles représentaient dans chaque cas la majorité des affaires de traite de personnes déclarées dans ces villes.
Il importe de souligner que de nombreux facteurs peuvent influer sur les différences régionales quant à la prévalence des affaires de traite de personnes déclarées par la police. Par exemple, il peut y avoir des différences d’une région à l’autre en ce qui a trait à la présence ou à l’absence de programmes de formation ou d’expertise en détection de la traite des personnes. De même, la présence ou l’absence de campagnes locales de sensibilisation du public, de politiques provinciales et de programmes d’aide aux victimes peuvent avoir une incidence sur la volonté des victimes de se manifester.
En outre, le volume d’activité transfrontalière peut se répercuter sur le nombre d’affaires déclarées par la police et relatives à la traite de personnes franchissant des frontières internationales. Par exemple, l’Ontario a les points de passage internationaux les plus achalandés au Canada, ce qui peut expliquer la plus forte proportion d’affaires de traite transfrontalière de personnes déclarées en Ontario.
La majorité des causes de traite de personnes portées devant les tribunaux se soldent par un arrêt ou un retrait
- Statistique Canada recueille, dans le cadre de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC), des renseignements sur les causes portées devant les tribunauxNote . Selon les résultats de l’EITJC, au cours de la période allant de 2008-2009 à 2015-2016, les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes ont réglé 306 causes comportant au moins une accusation de traite de personnesNote Note .
- Parmi les causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle qui comportaient des infractions de traite de personnes, la traite des personnes constituait l’infraction la plus grave dans environ 3 causes sur 10 (27 %), soit 84 causesNote .
- Les 222 autres causes réglées par les tribunaux avaient un lien avec la traite des personnes, mais il ne s’agissait pas de l’infraction la plus grave dans la cause. Parmi ces causes, l’infraction la plus grave était le plus souvent liée à la prostitution (57 %), tandis qu’environ 1 cause sur 10 (12 %) impliquait d’autres infractions de privation de liberté (12 %) comme infraction la plus grave dans la cause. Étant donné que l’infraction la plus grave dans une cause est représentée par la décision la plus sévère, ces résultats pourraient être attribuables aux défis qui existent sur le plan de l’établissement de la preuve de la culpabilité de l’auteur présumé et de l’obtention d’un verdict de culpabilité à l’endroit de celui-ci dans les causes de traite de personnes (Farrell et autres, 2016).
- Les deux tiers (66 %) des causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes relativement à la traite des personnes comportaient plus d’une accusation de traite de personnes.
- Parmi les causes de traite de personnes réglées par les tribunaux pour adultes dans lesquelles la traite des personnes constituait l’infraction la plus grave (84), la majorité (60 %) se sont soldées par un arrêt ou un retraitNote , alors que près du tiers (30 %) ont donné lieu à un verdict de culpabilitéNote . L’accusé a été acquitté dans cinq des causes de traite de personnes (6 %), tandis que les quatre causes restantes (5 %) ont donné lieu à d’autres décisionsNote .
- Alors que les tendances relatives aux décisions rendues par les tribunaux dans les causes de traite de personnes au cours de la période de huit ans concordaient avec celles relatives aux décisions rendues dans les causes liées à la prostitution, elles différaient des tendances globales relatives aux décisions des tribunaux. En général, les décisions d’arrêt ou de retrait représentaient une plus faible proportion des causes réglées de 2008-2009 à 2015-2016 (31 % de l’ensemble des causes et 40 % des causes liées à un crime violent), tandis que les verdicts de culpabilité étaient plus courants (65 % de l’ensemble des causes et 51 % des causes liées à un crime violent) (graphique 4).
- Des études récentes révèlent qu’en raison de la difficulté à poursuivre des contrevenants pour des infractions de traite de personnes, les procureurs choisissent souvent de porter des chefs d’accusation pour des infractions connexes ou moins graves (Leary, 2016; McCrae, 2016; Kaye et Hastie, 2015; Farrell et autres, 2016). Par exemple, lorsqu’il est difficile de prouver qu’il y a eu infraction de traite de personnes, une accusation en lien avec le commerce du sexe peut être portée. Cela pourrait expliquer la forte proportion de causes de trafic de personnes qui se soldent par un arrêt ou un retrait.
- Dans environ les deux tiers (64 %) des causes de traite de personnes où un verdict de culpabilité a été rendu, l’auteur a été condamné à la détention et, dans environ le tiers (32 %), l’auteur a été condamné à la probationNote .
Tableau de données du graphique 4
Arrêt ou retrait | Verdict de culpabilité | Acquittement | AutreTableau de Note 2 | |
---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||
Traite des personnes | 60 | 30 | 6 | 5 |
Prostitution | 68 | 30 | 2 | 0 |
Crime violentTableau de Note 1 | 40 | 51 | 7 | 2 |
Tous les crimes | 31 | 65 | 3 | 1 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle. |
Sources des données
Les données sont extraites du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle.
Tableaux de données détaillés
Province ou territoire | Infractions relatives à la traite de personnes | |
---|---|---|
nombre | pourcentage | |
Terre-Neuve-et-Labrador | 2 | 0,2 |
Île-du-Prince-Édouard | 0 | 0,0 |
Nouvelle-Écosse | 63 | 5,7 |
Nouveau-Brunswick | 3 | 0,3 |
Québec | 149 | 13,6 |
Ontario | 723 | 65,8 |
Manitoba | 21 | 1,9 |
Saskatchewan | 11 | 1,0 |
Alberta | 90 | 8,2 |
Colombie-Britannique | 35 | 3,2 |
Yukon | 0 | 0,0 |
Territoires du Nord-Ouest | 1 | 0,1 |
Nunavut | 1 | 0,1 |
Canada | 1 099 | 100,0 |
Note : La catégorie de la traite des personnes du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) comprend les infractions suivantes au Code criminel du Canada : la traite des personnes (art. 279.01 du Code criminel), la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (art. 279.011 du Code criminel), l’avantage matériel (art. 279.02 du Code criminel), l’avantage matériel tiré de la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.02(2) du Code criminel), la rétention ou la destruction de documents (art. 279.03 du Code criminel) et la rétention ou la destruction de documents en vue de faciliter la traite de personnes âgées de moins de 18 ans (par. 279.03(2) du Code criminel). Elle comprend aussi une infraction à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui cible la traite transfrontalière internationale (art. 118). Cette analyse repose sur la base de données sur les tendances (2009 à 2016) du Programme DUC fondé sur l’affaire, qui contient les données recueillies auprès de 99 % de la population du Canada. Les données pour la période allant de 2009 à 2016 ont été regroupées, ce qui permet une analyse plus détaillée de la traite des personnes. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité (base de données sur les tendances). |
Région métropolitaine de recensement (RMR)Tableau 2 Note 1 | Infractions relatives à la traite de personnes | |
---|---|---|
nombre | pourcentage | |
Abbotsford–Mission | 1 | 0,1 |
Barrie | 13 | 1,2 |
Brantford | 6 | 0,5 |
Calgary | 31 | 2,8 |
Edmonton | 36 | 3,3 |
Grand Sudbury | 8 | 0,7 |
Guelph | 5 | 0,5 |
Halifax | 58 | 5,3 |
HamiltonTableau 2 Note 2 | 48 | 4,4 |
Kelowna | 1 | 0,1 |
Kingston | 2 | 0,2 |
Kitchener–Cambridge–Waterloo | 17 | 1,5 |
London | 46 | 4,2 |
Moncton | 1 | 0,1 |
Montréal | 99 | 9,0 |
Ottawa–Gatineau (partie ontarienne) | 122 | 11,1 |
Ottawa–Gatineau (partie québécoise) | 13 | 1,2 |
Peterborough | 3 | 0,3 |
Québec | 14 | 1,3 |
Regina | 4 | 0,4 |
Saguenay | 0 | 0,0 |
Saint John | 0 | 0,0 |
Saskatoon | 3 | 0,3 |
Sherbrooke | 2 | 0,2 |
St. John’s | 2 | 0,2 |
St. Catharines–Niagara | 21 | 1,9 |
Thunder Bay | 0 | 0,0 |
TorontoTableau 2 Note 3 | 272 | 24,7 |
Trois-Rivières | 0 | 0,0 |
Vancouver | 20 | 1,8 |
Victoria | 1 | 0,1 |
Windsor | 48 | 4,4 |
Winnipeg | 16 | 1,5 |
Total des RMRTableau 2 Note 4 | 983 | 89,4 |
Total des régions autres que les RMR | 116 | 10,6 |
Canada | 1 099 | 100,0 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité (base de données sur les tendances). |
Références
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