La traite des personnes au Canada, 2020
par Shana Conroy et Danielle Sutton, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités
Faits saillants
- De 2010 à 2020, les services de police au Canada ont déclaré 2 977 affaires de traite de personnes; la traite des personnes comprend le fait de recruter, de transporter, de transférer, de détenir ou de cacher une personne, ou d’exercer un contrôle sur une personne, en vue de l’exploiter.
- Pendant cette période, près de 9 affaires de traite de personnes sur 10 (86 %) ont été déclarées dans des régions métropolitaines de recensement, comparativement à environ 6 affaires de violence sur 10 (58 %).
- Plus de la moitié (57 %) des affaires concernaient des infractions de traite de personnes seulement, tandis que 43 % concernaient au moins un autre type d’infraction, le plus souvent liée au commerce du sexe.
- La grande majorité (96 %) des victimes détectées des affaires de traite de personnes étaient des femmes et des filles. Au total, 1 victime sur 4 (25 %) avait moins de 18 ans. Parallèlement, 1 victime sur 5 (20 %) avait entre 25 et 34 ans.
- Dans un peu plus de la moitié (52 %) des affaires de traite de personnes, il n’y avait pas d’auteur présumé associé à l’affaire.
- La grande majorité (81 %) des auteurs présumés de traite de personnes étaient des hommes et des garçons. Le plus souvent, les auteurs présumés avaient entre 18 et 24 ans (41 %); venaient ensuite ceux âgés de 25 à 34 ans (36 %).
- Selon les résultats d’un couplage d’enregistrements, il y a eu 1 793 auteurs présumés uniques d’affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2009 à 2020. Les trois quarts (75 %) de ces auteurs présumés avaient déjà été impliqués dans une autre activité criminelle. À la suite d’un premier contact avec la police pour traite de personnes, 1 auteur présumé sur 9 (11 %) avait été impliqué dans une autre affaire de traite de personnes pendant la période de référence.
- De 2009-2010 à 2019-2020, les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes ont réglé 834 causes comportant au moins une accusation de traite de personnes.
- Le règlement des causes de traite de personnes a pris presque deux fois plus de temps que celui des causes liées à des infractions avec violence portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. Le temps médian nécessaire au règlement d’une cause comportant au moins une accusation d’infraction avec violence portée devant un tribunal de juridiction criminelle pour adultes était de 176 jours. En revanche, le temps médian pour régler une cause comportant au moins une accusation de traite de personnes était de 373 jours.
- Le verdict de culpabilité, soit la décision la plus sévère rendue par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, était moins souvent prononcé dans les causes comportant des accusations de traite de personnes (12 %) que dans les causes comportant des accusations de commerce du sexe (33 %) ou des accusations d’infractions avec violence (48 %).
La traite des personnes, aussi appelée « trafic de personnes », est souvent décrite comme une forme d’esclavage moderne qui semble toucher tous les pays du monde, soit comme point d’origine ou de destination (Ross et autres, 2015; ONUDC, 2021a). La traite des personnes comprend le fait de recruter, de transporter ou d’héberger une personne, ou d’exercer un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne, en vue de l’exploiter (Sécurité publique Canada, 2020a; Sécurité publique Canada, 2019; ONUDC, 2021a). En tenant compte de la nature illicite de la traite des personnes, l’Organisation internationale du Travail a compilé des données qui montrent qu’en 2016, un peu moins de 20 millions de personnes dans le monde ont été victimes de la traite, soit par le travail forcé, soit par l’exploitation sexuelle (Organisation internationale du Travail, 2017). Les données canadiennes révèlent que le nombre d’affaires déclarées par la police augmente depuis 2009 (Cotter, 2020; Ibrahim, 2021; Parlement du Canada, 2018), la grande majorité des enquêtes étant liées à une forme quelconque d’exploitation sexuelle (ministère de la Justice, 2015; ONUDC, 2021a).
Les données officielles ne permettent pas de déterminer si cette augmentation est attribuable à une hausse du nombre d’affaires, à une amélioration de la détection ou à une sensibilisation accrue du public. Comme les données sur la traite des personnes à des fins de travail forcé sont limitées, il n’est pas possible de mesurer l’ampleur de cette forme de traite des personnes, tant au Canada qu’à l’étranger. Toutefois, les recherches effectuées jusqu’à maintenant ont montré que le genre et l’âge des victimes de la traite des personnes à des fins de travail forcé varient selon la région et le secteur économique, et que les répercussions de cette infraction ne sont pas les mêmes d’un genre à l’autre (ONUDC, 2021a). À l’inverse, il existe une forte corrélation entre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et le genre des victimes, les femmes et les filles étant touchées de façon disproportionnée, bien que les hommes et les garçons puissent également en être victimes (Parlement du Canada, 2018; Sécurité publique Canada, 2019; ONUDC, 2021a). Le risque est accru chez des groupes particuliers comme les femmes et les filles autochtones, les jeunes vulnérables ou ceux qui ont déjà eu affaire au système de protection de l’enfance, les personnes LGBTQ2+Note , les migrants et d’autres personnes qui vivent une marginalisation sociale ou économique (Baird et autres, 2020; Parlement du Canada, 2018; Sécurité publique Canada, 2020a; Sécurité publique Canada, 2019; ONUDC, 2021a).
Il ne faut pas confondre la traite des personnes et le passage de clandestins, même s’il y a un chevauchement important entre les deux. Le passage de clandestins est, par définition, un crime transnational qui implique souvent des personnes qui paient pour traverser illégalement des frontières internationales en contrepartie d’une promesse de liberté à leur arrivée dans le pays de destination (ministère de la Justice, 2015; Sécurité publique Canada, 2020a). En revanche, la traite des personnes peut également se produire à l’intérieur des frontières d’un pays, où les victimes sont soumises à des pratiques coercitives et exploitées pour le commerce du sexe ou pour le travail forcé (ministère de la Justice, 2015; Sécurité publique Canada, 2020a). Cela dit, les personnes qui traversent illégalement des frontières internationales peuvent être contraintes et exploitées, devenant ainsi des victimes de la traite des personnes à leur arrivée dans le pays de destination.
Le Canada a adopté des dispositions législatives pour lutter contre la traite des personnes, tant au pays qu’à l’étranger, comme le prévoient le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR; voir l’encadré 1). Le Code criminel interdit toutes les formes de traite des personnes. De plus, en 2019, le gouvernement du Canada a annoncé une stratégie nationale quinquennale de lutte contre la traite des personnes (Sécurité publique Canada, 2019)Note . Par conséquent, les efforts visant à identifier, à protéger et à autonomiser les victimes de la traite des personnes et à traduire les auteurs de ces crimes en justice demeurent une priorité gouvernementale permanente.
Dans le présent article de Juristat, fondé sur les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, on examine les tendances relatives aux affaires de traite de personnes qui ont été signalées à la police et on analyse les caractéristiques des victimes et des auteurs présumés. De plus, cet article fait état des contacts antérieurs avec la police parmi les auteurs présumés de traite de personnes. Les données de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle sont aussi présentées afin d’examiner les décisions rendues par les tribunaux dans les causes liées à la traite des personnes.
Cet article a été produit avec l’aide financière de Sécurité publique Canada.
Mesurer l’ampleur de la traite des personnes représente un défi
Les victimes de la traite des personnes sont souvent isolées et cachées au public (Farrell et autres, 2019; Farrell et autres, 2010; Sécurité publique Canada, 2020a; Sécurité publique Canada, 2019). Certains travailleurs de la santé signalent un manque de formation pour identifier et aider les personnes en situation potentielle de traite (Ross et autres, 2015), et il arrive que les victimes ne veuillent pas ou ne puissent pas signaler les cas pour diverses raisons. Elles peuvent, par exemple, éprouver une méfiance générale à l’égard des autorités, avoir peur ou honte, ne pas connaître leurs droits au Canada, être confrontées à des barrières linguistiques ou avoir le désir de protéger leur trafiquantNote (Casassa et autres, 2021; ministère de la Justice, 2015; Farrell et autres, 2019; Farrell et autres, 2010; Parlement du Canada, 2018; Sécurité publique Canada, 2019; Ward et Fouladvand, 2018).
La capacité des services de police de détecter les cas de traite de personnes variera en fonction des ressources, de la formation et des unités spécialisées disponibles. Plus il y aura de ressources et de formation, plus les services de police seront en mesure de catégoriser adéquatement les cas de traite de personnes, d’interroger et d’aider les victimes, et de recommander ou de porter des accusations appropriées contre les auteurs présumés (Farrell et autres, 2019; Farrell et autres, 2014; Farrell et autres, 2010). Toutefois, sans le témoignage des victimes, il se peut que de nombreux services de police aient de la difficulté à détecter de façon proactive les cas de traite de personnes, ce qui entraîne une sous-déclaration de ce crime.
Même lorsque des cas de traite de personnes sont détectés et que des accusations sont portées, d’autres défis se posent lors des poursuites. La réussite d’une poursuite dépend souvent du témoignage de la victime et des éléments de preuve présentés. Cela dit, les victimes de la traite des personnes peuvent être considérées comme moins crédibles en raison de facteurs liés à la vulnérabilité (p. ex. la consommation de substances, l’itinérance et les problèmes de santé mentale), de leur participation souvent forcée à des crimes et de leur difficulté à se rappeler avec exactitude les événements à cause de traumatismes (Farrell et autres, 2019; Farrell et autres, 2014; Farrell et autres, 2010; Ward et Fouladvand, 2018). En plus des préoccupations liées à la crédibilité des victimes, il existe une possibilité qu’elles deviennent introuvables avant le début du procès, ou qu’elles rétractent leur témoignage initial, ce qui fait qu’un nombre important d’accusations de traite de personnes sont suspendues ou retirées par les procureurs (Farrell et autres, 2014; Millar et autres, 2017; Parlement du Canada, 2018).
Les données recueillies au moyen de la Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes peuvent venir s’ajouter aux données officielles, améliorant ainsi les estimations portant sur la nature et l’ampleur de la traite des personnes au Canada (voir l’encadré 3).
Début de l'encadré 1
Encadré 1
Traite des personnes en vertu du Code criminel et de la Loi sur l’immigration
et la protection des réfugiés
En 2005, trois infractions et une définition liées à la traite des personnes ont été ajoutées au Code criminel:
- l’article 279.01 : la traite des personnes;
- l’article 279.02 : le fait de bénéficier d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, provenant de la perpétration ou de la facilitation de la traite des personnes;
- l’article 279.03 : la rétention ou la destruction de documents d’identité (comme un passeport, qu’il soit authentique ou faux) d’une personne en vue de perpétrer ou de faciliter la traite de cette personne;
- l’article 279.04 : définit l’exploitation dans le contexte des infractions de traite de personnes.
En 2008-2009, la première cause comportant une accusation de traite de personnes aux termes de cette nouvelle loi a été réglée par un tribunal de juridiction criminelle pour adultes.
En 2010, l’article 279.011 a été ajouté au Code criminel; il prévoit l’imposition de peines minimales obligatoires aux personnes accusées de traite de personnes âgées de moins de 18 ans.
En 2012, le Code criminel a été modifié afin de permettre la poursuite de Canadiens et de résidents permanents pour des infractions de traite de personnes commises à l’étranger et de fournir aux juges un outil d’interprétation pour les aider à déterminer s’il y a eu exploitation (paragraphe 279.04(2)).
En 2014, des peines minimales obligatoires ont été imposées pour l’infraction principale de traite de personnes (article 279.01), le fait de bénéficier d’un avantage matériel provenant de la traite d’enfants (paragraphe 279.02(2)) et le fait de retenir ou de détruire des documents en vue de faciliter la traite d’enfants (279.03(2)).
L’article 118 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), adoptée en 2002, fait de la traite transfrontalière d’une ou de plusieurs personnes par fraude, tromperie, enlèvement ou menace ou usage de la force ou de toute autre forme de coercition une infraction criminelle (Sécurité publique Canada, 2019). Bien que la traite des personnes et le passage de clandestins soient deux concepts distincts, la LIPR interdit également le passage de clandestins au Canada.
Fin de l’encadré 1
Section 1 : Affaires de traite de personnes déclarées par la police
Dans la présente section, les données déclarées par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) sont utilisées pour examiner les tendances relatives à la traite des personnes au Canada. Dans cette section, les données de 2010 à 2020 sont souvent combinées pour mieux analyser les tendances et les caractéristiques associées à la traite des personnes au Canada. Les caractéristiques des affaires de traite de personnes, des victimes et des auteurs présumés sont présentées à la suite d’une analyse des tendances générales à l’échelle nationale et régionale.
Les affaires de traite de personnes déclarées par la police ont légèrement diminué en 2020
De 2010 à 2020, 2 977 affaires de traite de personnes ont été déclarées par les services de police au CanadaNote , ce qui représente un taux annuel moyen de 0,7 affaire pour 100 000 habitants. Les affaires de traite de personnes ont représenté 0,01 % de toutes les affaires déclarées par la police au cours de cette période.
En ce qui concerne les chiffres d’une année à l’autre, les affaires de traite de personnes déclarées par la police ont légèrement diminué en 2020 par rapport à 2019; elles sont passées de 546 à 515, ce qui s’est traduit par un taux de 1,5 à 1,4 affaire pour 100 000 habitants (graphique 1). Les affaires de traite de personnes ont augmenté de façon constante de 2010 à 2017, ont diminué en 2018 et ont atteint un sommet en 2019. La hausse générale du nombre d’affaires de traite de personnes au cours de cette période peut refléter une augmentation de la fréquence réelle de ce type de crime, mais elle pourrait aussi être le résultat des efforts accrus de la police pour détecter les affaires, enquêter et porter ou recommander des accusations de traite de personnesNote . De plus, la légère baisse en 2020 pourrait être attribuable aux circonstances uniques et difficiles liées à la pandémie de COVID-19; en effet, ce type de crime a peut-être été moins susceptible de se produire et plus susceptible de passer inaperçu lorsqu’il s’est produit. Par exemple, en raison des mesures de confinement et des restrictions généralisées, non seulement y aurait-il eu moins d’occasions de faciliter la traite de personnes (p. ex. bars, boîtes de nuit pour adultes, salons de massage), mais il aurait été plus facile de ne pas détecter les victimes potentielles, étant donné que leurs amis et leurs familles, ainsi que les fournisseurs de services, auraient eu moins de possibilités de soupçonner la traite de personnes et de la signaler (ONUDC, 2021b; voir l’encadré 2).
Graphique 1 début
Tableau de données du graphique 1
Année | Code criminel | Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés | Total |
---|---|---|---|
nombre d'affaires | |||
2010 | 23 | 3 | 26 |
2011 | 60 | 16 | 76 |
2012 | 60 | 32 | 92 |
2013 | 78 | 37 | 115 |
2014 | 143 | 57 | 200 |
2015 | 239 | 91 | 330 |
2016 | 249 | 102 | 351 |
2017 | 268 | 103 | 371 |
2018 | 238 | 117 | 355 |
2019 | 387 | 159 | 546 |
2020 | 342 | 173 | 515 |
Note : En 2011, le Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) a été modifié afin de permettre aux services de police de déclarer les infractions de traite de personnes prévues à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Après l'intégration du nouveau code d’infraction au Programme DUC, un petit nombre d’affaires survenues avant cette date ont été déclarées. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Programme de déclaration uniforme de la criminalité. |
Graphique 1 fin
Les affaires de traite de personnes déclarées par la police comprennent les infractions au Code criminel et les infractions à la LIPR. De 2010 à 2020, 70 % de toutes les affaires de traite de personnes ont été des infractions au Code criminel, tandis que 30 % ont été des infractions à la LIPR, ce qui signifie que 3 affaires sur 10 concernaient le passage de frontières internationales. Bien que les deux types d’infractions de traite de personnes aient généralement augmenté au cours de cette période, les infractions au Code criminel ont diminué de 2019 à 2020 en particulierNote .
Début de l'encadré 2
Encadré 2
La traite des personnes pendant la pandémie de COVID-19
En raison des mises à pied temporaires entraînées par la pandémie de COVID-19 dans l’ensemble des régions et des secteurs d’activité et des hausses marquées du chômage, on craignait que le nombre potentiel de victimes de la traite des personnes augmente (ONUDC, 2021a). Selon des données empiriques, la pandémie de COVID-19 aurait intensifié la traite des personnes (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021b). Parallèlement, les restrictions imposées en raison de la pandémie ont nui à la capacité des fournisseurs de services à offrir du soutien aux victimes.
En avril 2020, le Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes a mené une enquête auprès de ses fournisseurs de services pour déterminer l’incidence de la pandémie sur la prestation des services aux victimes (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021b). Les fournisseurs de services ont continué d’accepter les personnes qui étaient dirigées vers eux, mais offraient des heures réduites, communiquaient à distance et portaient principalement leur attention sur la gestion des situations de crise. En raison de la mise en œuvre de nouvelles politiques en matière de santé et de sécurité, les refuges ont apporté des modifications importantes à leurs règles d’hébergement et au nombre de lits disponibles (Ibrahim, 2022; Hébergement femmes Canada, 2020). Les services de counselling en personne étaient interdits, ce qui a entraîné des répercussions négatives sur les victimes de la traite des personnes. En effet, pour accéder aux services de counselling, il fallait un ordinateur fonctionnel, un accès à Internet et de l’intimité, ce dont ne disposent peut-être pas les personnes qui en ont le plus besoin.
Des observations similaires ont été consignées à la suite d’une enquête menée auprès des établissements d’hébergement pour les victimes de violence. Plus précisément, près de 8 établissements sur 10 (77 %) ont déclaré que la pandémie de COVID-19 avait eu une incidence modérée ou importante sur leur capacité à servir les victimes (Ibrahim, 2022). Les défis les plus souvent mentionnés avaient trait à la capacité d’hébergement, à la prestation de services aux victimes et à la dotation. Pour pallier la situation, la plupart des établissements ont utilisé de nouvelles technologies pour communiquer avec les victimes, ont adapté leurs services ou en ont ajouté de nouveaux, ont désigné des zones d’isolement volontaire et ont exigé que certains employés et bénévoles travaillent à partir de la maison (Ibrahim, 2022). De nombreux établissements ont constaté une augmentation du nombre d’appels de crise, mais une diminution de la demande d’admission dans les refuges, ce qui a peut-être réduit la capacité des fournisseurs de services à détecter et à signaler les cas de traite de personnes.
Selon les données déclarées par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire, en 2020, il y a eu une baisse de 3 % du nombre d’affaires comportant une infraction de traite de personnes par rapport à 2019. Les diminutions les plus importantes ont été enregistrées en octobre (-33 %), en avril (-19 %) et en novembre (-15 %) 2020, comparativement aux mêmes mois de l’année précédente. Elles coïncident avec le début des première et deuxième vagues de la pandémie au Canada et avec les mesures de confinement correspondantes dans plusieurs provinces et territoires. Par conséquent, au cours de ces mois, les victimes potentielles étaient plus susceptibles d’être séparées des personnes qui auraient pu informer les autorités de soupçons de traite. Parallèlement, comme de nombreuses personnes vivaient en isolement et passaient plus de temps en ligne, il se peut que la traite des personnes ait augmenté en raison des stratégies de recrutement et de manipulation psychologique en ligne, mais la capacité de détecter de telles hausses a été entravée à cause de la pandémie.
Fin de l’encadré 2
Les taux d’affaires de traite de personnes sont supérieurs à la moyenne nationale en Nouvelle-Écosse et en Ontario
À l’instar des tendances observées précédemment au Canada en matière de traite des personnes (Cotter, 2020; Ibrahim, 2021), de 2010 à 2020, les taux annuels moyens les plus élevés de traite des personnes dans les provinces ont été enregistrés en Nouvelle-Écosse et en Ontario (tableau 1)Note . Alors que l’Ontario et la Nouvelle-Écosse représentaient 39 % et 3 % de la population canadienne en 2020 (Statistique Canada, 2022), 65 % et 7 % des affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2010 à 2020 ont été enregistrées dans ces provinces, respectivement. Cette tendance a été observée en 2020, en particulier lorsque la Nouvelle-Écosse a déclaré 6,2 affaires et l’Ontario, 2,3 affaires pour 100 000 habitants, des chiffres supérieurs à la moyenne nationale (1,4 affaire) dans les deux cas.
Bien que les chiffres enregistrés en Ontario puissent être prévisibles étant donné qu’il s’agit de la province la plus populeuse du Canada et que c’est là où se trouvent les postes frontaliers internationaux les plus achalandésNote , le taux de traite des personnes en Nouvelle-Écosse s’explique davantage par l’emplacement géographique. La Nouvelle-Écosse, plus particulièrement Halifax, a été désignée comme une plaque tournante de la traite des personnes fréquemment utilisée pour déplacer des victimes du Canada atlantique vers le reste du pays (Barrett, 2013; Cotter, 2020). Depuis 2010, près de la moitié (45 %) des affaires de traite de personnes en Nouvelle-Écosse étaient liées à la LIPR, soit la plus forte proportion dans l’ensemble des provinces et des territoires.
La grande majorité des affaires de traite de personnes sont déclarées par la police dans les centres urbains
Depuis 2010, la grande majorité (86 %) des affaires de traite de personnes ont été déclarées par les services de police dans les régions métropolitaines de recensement (RMR)Note , et cette proportion est demeurée constante en 2020 (82 %) (tableau 2). À titre de comparaison, environ 6 affaires de violence sur 10 (58 %) ont été déclarées dans l’ensemble des RMR. De 2010 à 2020, un peu moins de la moitié (48 %) des affaires de traite de personnes déclarées par la police l’ont été dans cinq RMR : TorontoNote (610 affaires, représentant 20 % de toutes les affaires au Canada), OttawaNote (305 affaires ou 10 % de toutes les affaires), Montréal (220 affaires ou 7 % de toutes les affaires), Halifax (175 affaires ou 6 % de toutes les affaires) et HamiltonNote (108 affaires ou 4 % de toutes les affaires).
Au cours de la même période (2010 à 2020), les taux de traite de personnes étaient les plus élevés à Halifax (3,7 affaires pour 100 000 habitants); venaient ensuite Thunder Bay (3,0), Ottawa (2,7), Peterborough (2,6) et Windsor (2,3).
Comparativement aux taux annuels moyens de 2010 à 2020, plusieurs RMR affichaient un taux de traite des personnes qui était considérablement plus élevé en 2020, notamment Thunder Bay (15,9 affaires pour 100 000 habitants), Peterborough (14,7), Halifax (8,5), St. Catharines–Niagara (6,4), Saskatoon (4,7), Barrie (4,6) et Windsor (4,2). Les augmentations marquées des taux peuvent être attribuables à la hausse du financement servant à créer ou à agrandir des unités de lutte contre la traite des personnes, à l’amélioration de la connaissance des techniques d’enquête sur les cas de traite des personnes, et au dépôt ou à la recommandation d’accusations de traite des personnes, ou à une combinaison des deux.
Conformément aux tendances décrites ci-dessus, on pense que la traite des personnes au Canada a lieu principalement, mais pas exclusivement, dans les centres urbains (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021a). Les trafiquants déplacent fréquemment leurs victimes pour éviter qu’elles soient repérées. Ainsi, elles sont souvent désorientées, isolées et dépendantes des trafiquants, qui peuvent alors maintenir un contrôle psychologique sur elles (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021a).
Lorsqu’une affaire de traite de personnes comporte plusieurs types d’infractions, celles-ci sont pour la plupart liées au commerce du sexe
Parmi toutes les affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2010 à 2020, l’infraction la plus grave dans la grande majorité des cas (95 %) était une infraction de traite de personnes en vertu du Code criminel ou de la LIPRNote .
Plus de la moitié (57 %) des affaires de traite de personnes concernaient des infractions de traite de personnes seulement, tandis que 43 % comportaient au moins un autre type d’infractionNote . Lorsqu’il y avait une infraction connexe, elle était le plus souvent liée au commerce du sexeNote . Plus précisément, depuis 2010, plus de la moitié (58 %) des affaires de traite de personnes mettant en cause de multiples infractions comportaient une infraction liée au commerce du sexe. Venaient ensuite les infractions liées aux voies de fait (36 %), les agressions sexuelles et les autres infractions sexuelles (25 %), et les infractions entraînant la perte de la liberté (12 %)Note .
La grande majorité des victimes détectées de la traite de personnes sont des femmes et des filles, et 1 victime sur 4 a moins de 18 ans
De 2010 à 2020, on a dénombré 2 278 victimes d’affaires de traite de personnes déclarées par la police au Canada. Les femmes et les filles représentaient la grande majorité (96 %) des victimes détectées, tandis que les hommes et les garçons représentaient une proportion relativement faible (4 %) des victimesNote . Près de la moitié (45 %) des victimes de la traite des personnes au cours de cette période avaient entre 18 et 24 ans (graphique 2)Note . De plus, 1 victime sur 4 (25 %) avait moins de 18 ans, tandis que 1 victime sur 5 (20 %) avait entre 25 et 34 ans. Les autres victimes étaient âgées de 35 à 44 ans (6 %) ou de 45 ans et plus (3 %). Au total, 7 victimes sur 10 (69 %) de la traite des personnes étaient des filles et des jeunes femmes de 24 ans ou moinsNote .
Graphique 2 début
Tableau de données du graphique 2
Groupe d'âge | Victimes | Auteurs présumés |
---|---|---|
pourcentage | ||
Moins de 18 ansTableau de données du graphique 2 Note 1 | 25 | 5 |
18 à 24 ans | 45 | 41 |
25 à 34 ans | 20 | 36 |
35 à 44 ans | 6 | 12 |
45 ans et plus | 3 | 6 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, base de données sur les tendances du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire. |
Graphique 2 fin
Des études ont montré que les trafiquants ciblent des groupes de femmes et de filles qui sont particulièrement à risque en raison de facteurs liés à la pauvreté, à l’isolement, à la précarité du logement, à la toxicomanie, aux antécédents de violence, à la violence envers les enfants et aux troubles de santé mentale (Baird et autres, 2020; Parlement du Canada, 2018). Pendant la phase de recrutement, les trafiquants exploitent régulièrement ces vulnérabilités par la tromperie et la manipulation, offrant aux victimes l’affection, les soins et la sécurité dont elles pourraient autrement manquer (ONUDC, 2021a). L’ampleur de la violence et de la coercition augmente souvent au fil du temps, ce qui entraîne des préjudices psychologiques durables pour les victimes de la traite (Altun et autres, 2017; ONUDC, 2021a). Bien que les données déclarées par la police ne rendent pas compte des traumatismes psychologiques, elles rendent compte des blessures corporelles. Lorsque l’information sur les blessures était connue, on a constaté que 3 victimes sur 10 (29 %) avaient subi des blessures corporelles. Parmi ces victimes, la plupart (88 %) avaient subi des blessures corporelles mineures, les blessures graves étant moins fréquentes (12 %)Note .
Près de la moitié des auteurs présumés de traite de personnes ont moins de 25 ans
Alors que la plupart des victimes détectées de la traite des personnes étaient des femmes et des filles, de 2010 à 2020, la grande majorité (81 %) des 2 091 auteurs présumés de ce type de crime étaient des hommes et des garçonsNote . Le plus souvent, les auteurs présumés avaient entre 18 et 24 ans (41 %); venaient ensuite ceux âgés de 25 à 34 ans (36 %). De plus faibles proportions d’auteurs présumés étaient âgés de 35 à 44 ans (12 %), de 45 ans et plus (6 %) ou de 12 à 17 ans (5 %). Dans l’ensemble, près des deux tiers (65 %) des auteurs présumés de traite de personnes étaient des hommes de 18 à 34 ans.
De 2010 à 2020, parmi les auteurs présumés, des différences entre les genres ont été constatées selon le groupe d’âge. Alors que les hommes représentaient la grande majorité des auteurs présumés d’âge adulte, tous les groupes d’âge confondus, la majorité (56 %) des jeunes auteurs présumés étaient des fillesNote . Les recherches limitées sur les trafiquantes en général, et les jeunes filles en particulier, soulignent le rôle des filles dans le recrutement. Les jeunes femmes sont perçues comme étant mieux placées pour inspirer la confiance et sont donc chargées de leurrer d’autres filles (Broad, 2015; Kiensat et autres, 2014). Il convient de souligner que les limites entre les victimes de la traite de genre féminin et les contrevenantes sont de plus en plus floues (ONUDC, 2020). Par conséquent, il se peut qu’une forte proportion de jeunes femmes identifiées comme auteures présumées de traite de personnes aient été ou continuent d’être elles-mêmes victimes de la traite des personnes. Dans ces cas, elles sont souvent poussées à recruter d’autres personnes ou à assurer leur transport, et ne tirent pas personnellement profit de leurs actions (Broad, 2015).
Près du tiers des victimes de la traite des personnes le sont aux mains d’un partenaire intime
De 2010 à 2020, parmi les victimes des affaires de traite de personnes déclarées par la police, 1 personne sur 10 (9 %) ne connaissait pas l’auteur présumé impliqué dans l’affaire, c’est-à-dire qu’elle était victime de traite par un étranger, tandis que la grande majorité (91 %) des victimes connaissaient leur trafiquant. Conformément aux recherches antérieures (Cotter, 2020; Ibrahim, 2021), près du tiers (31 %) des victimes de la traite des personnes l’ont été aux mains d’un partenaire intime actuel ou d’un ex-partenaire intime. Il est important de noter qu’une tactique utilisée par certains trafiquants consiste à cibler des personnes et à les engager dans des relations amoureuses, dans le but ultime d’en faire la traite (ONUDC, 2021a).
Pour le quart (25 %) des victimes, l’auteur présumé était une connaissance. Venait ensuite une personne avec laquelle la victime entretenait une relation criminelleNote (14 %), une relation d’affaires (12 %) ou une relation d’amitié (6 %).
Un auteur présumé est identifié dans un peu moins de la moitié des affaires de traite de personnes, et des accusations sont portées contre la grande majorité des auteurs présumés
Parmi toutes les affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2010 à 2020, un peu plus de la moitié (52 %) n’ont pas été classées, ce qui signifie que la police n’a pas identifié d’auteur présuméNote . Étant donné qu’une proportion notable de victimes de la traite des personnes l’ont été aux mains d’un partenaire intime, il est possible que les victimes n’aient pas voulu identifier l’auteur présumé en raison du lien les unissant ou de leur dépendance à l’égard de l’auteur présumé pour satisfaire leurs besoins fondamentaux (Luz, 2020). Parmi les autres raisons pour lesquelles les victimes pourraient ne pas vouloir incriminer l’auteur présumé figurent les préoccupations en matière de sécurité, la crainte de poursuite pour les crimes qu’elles ont été poussées à commettre, le fardeau émotionnel du processus de poursuite, ou la honte et la stigmatisation associées à la dénonciation (ministère de la Justice, 2015; Luz, 2020).
Des accusations ont été portées ou recommandées contre un auteur présumé dans 44 % des affaires au cours de cette période. Pour la proportion restante de 4 %, un auteur présumé a été identifié, mais l’affaire a été classée d’une autre façon, par exemple : la victime a demandé qu’aucune autre mesure ne soit prise, l’affaire a été classée par un autre organismeNote , ou aucune accusation n’a été portée ou recommandée en raison du pouvoir discrétionnaire du service de police ou de circonstances indépendantes de sa volonté.
Des accusations ont été portées ou recommandées contre la grande majorité (91 %) des auteurs présumés de traite de personnes. Ce pourcentage était semblable chez les hommes et chez les femmes (91 % par rapport à 92 %), et légèrement plus élevé chez les adultes que chez les jeunes (91 % par rapport à 88 %).
Les affaires de traite de personnes entraînent plus souvent des accusations pour des infractions au Code criminel que pour des infractions à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
De 2010 à 2020, il y a eu des différences marquées dans les taux de classement des affaires de traite de personnes déclarées par la police : la majorité (57 %) des affaires comportant des infractions au Code criminel ont été classées par le dépôt ou la recommandation d’accusations, tandis que cette situation était moins fréquente dans les affaires comportant des infractions à la LIPR (21 %). Parallèlement, des proportions semblables d’affaires ont été classées par d’autres moyensNote (4 % et 5 %, respectivement).
Les affaires de traite de personnes comportant des infractions à la LIPR ont également moins souvent donné lieu à des accusations. Parmi l’ensemble des auteurs présumés de traite de personnes depuis 2010, des accusations ont été portées ou recommandées contre 82 % des auteurs présumés dans les affaires comportant des infractions à la LIPR, comparativement à 92 % des auteurs présumés dans les affaires comportant des infractions au Code criminel.
Début de l'encadré 3
Encadré 3
Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes
La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes, qui est gérée par le Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, a été créée en mai 2019 afin d’offrir un soutien local à quiconque est touché par la traite des personnes. La ligne d’urgence est un service confidentiel et multilingue et repose sur une approche axée sur les victimes qui tient compte des traumatismes subis pour transmettre de l’information aux Canadiens, les aider à planifier leur sécurité, signaler les cas aux organismes d’application de la loi dans certaines circonstances, et mettre les appelants en contact avec des centaines de fournisseurs de services sociaux et juridiques au pays.
La ligne d’urgence permet également au centre de recueillir et de stocker des données anonymes sur les cas de traite de personnes qui sont signalés par l’intermédiaire de la ligne d’urgence. Au cours de la première année d’activité, la ligne d’urgence a permis de dénombrer 415 cas de traite de personnes concernant 593 victimes. Un « cas » s’entend d’une situation ou d’un événement unique ou d’une série d’événements ayant incité une personne à communiquer avec la ligne d’urgence. Un rapport publié récemment par le centre fait ressortir plusieurs constatations importantes fondées sur les données de la ligne d’urgence pour 2019-2020 :
- Près des trois quarts (71 %) des cas de traite de personnes signalés par l’intermédiaire de la ligne d’urgence comportaient une infraction d’exploitation sexuelle.
- Le tiers (32 %) des personnes qui ont communiqué avec la ligne d’urgence étaient des victimes, tandis que 26 % étaient des membres de la famille ou des amis d’une victimeNote .
- La plupart (90 %) des victimes étaient de genre féminin.
- Plus de 4 victimes sur 10 (44 %) qui ont communiqué avec la ligne d’urgence étaient toujours victimes de la traite, tandis qu’une proportion un peu plus faible (39 %) de victimes ne se trouvaient plus dans cette situationNote .
- Plus de 1 victime sur 10 (14 %) était née à l’extérieur du Canada.
- Le quart (26 %) des aiguillages vers des services concernaient un refuge ou une aide au logement, dont 69 % un refuge d’urgence ou à court terme.
Les données recueillies par la ligne d’urgence s’ajoutent à celles saisies par la police et les tribunaux et permettront de mieux comprendre la traite des personnes au Canada.
La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes offre des services dans plus de 200 langues différentes, dont 27 langues autochtones, et est accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 par téléphone au 1-833-900-1010 ou en ligne à l’adresse https://www.canadianhumantraffickinghotline.ca/fr/.
Fin de l’encadré 3
Section 2 : Couplage des données sur les affaires déclarées par la police et sur les auteurs présumés
Pour mieux comprendre la nature de la traite des personnes au Canada, il est essentiel de tenir compte des tendances criminelles de ceux qui commettent de tels crimes. Le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités de Statistique Canada a effectué un couplage d’enregistrements interne au moyen des fichiers de données sur les affaires déclarées par la police et sur les auteurs présumés, pour une période de 12 ans (2009 à 2020), afin de déterminer les contacts antérieurs et répétés avec la police parmi les auteurs présumés de traite de personnesNote .
Dans la présente section, on examine le nombre de fois que des trafiquants sont entrés en contact avec la police — en tant qu’auteurs présumés d’un crime — avant et après avoir été accusés de traite de personnes, les types de crimes qu’ils ont commis et le fait qu’ils ont agi seuls ou avec quelqu’un d’autreNote . Pour de plus amples renseignements sur le couplage d’enregistrements sur la traite des personnes, voir la section « Description de l’enquête ».
La grande majorité des auteurs présumés d’affaires de traite de personnes déclarées par la police sont impliqués dans plusieurs affaires criminelles
De 2009 à 2020, on a dénombré 1 793 auteurs présumés uniques d’affaires de traite de personnes déclarées par la police comprenant des infractions au Code criminel et à la LIPR. Parmi ces auteurs présumés, 8 sur 10 (81 %) étaient des hommes, tandis que 2 sur 10 (19 %) étaient des femmesNote .
La grande majorité (87 %) des auteurs présumés de traite de personnes ont été identifiés par la police dans plusieurs affaires criminelles (pas seulement la traite de personnes) de 2009 à 2020, plus fréquemment les hommes que les femmes (90 % par rapport à 78 %). En moyenne, les auteurs présumés de traite de personnes avaient été impliqués dans 11 affaires criminelles uniques de 2009 à 2020. Les hommes étaient les auteurs présumés d’une moyenne de 12 affaires, et les femmes, d’une moyenne de 7 affaires.
Les trois quarts des auteurs présumés de traite de personnes avaient déjà eu un contact avec la police
Selon les résultats du couplage d’enregistrements sur la traite des personnes, il est clair que les auteurs présumés de traite de personnes avaient été impliqués dans une autre activité criminelle. Les auteurs présumés avaient souvent eu un contact antérieur avec la police avant leur premier contact lié à la traite des personnes, et au moins un autre contact (c.-à-d. un nouveau contact) après l’affaire de traite de personnesNote . Les trois quarts (75 %) avaient été identifiés comme auteurs présumés par la police dans une affaire autre que la traite de personnes avant d’être les auteurs présumés d’une affaire de traite de personnes (graphique 3). Par conséquent, de nombreux auteurs présumés de traite de personnes étaient déjà connus de la police. Après un contact avec la police pour traite de personnes, les deux tiers (66 %) des auteurs présumés avaient eu un nouveau contact avec la police pendant la période de référence (pour la traite de personnes ou non). Des différences sont apparues selon le genre; en effet, une plus grande proportion d’hommes que de femmes avaient eu un contact antérieur et un nouveau contact avec la police.
Graphique 3 début
Tableau de données du graphique 3
Genre | Contact antérieur avec la police | Nouveau contact avec la police |
---|---|---|
pourcentage | ||
Femmes | 60 | 56 |
Hommes | 78 | 68 |
TotalTableau de données du graphique 3 Note 1 | 75 | 66 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, fichier de couplage d'enregistrements sur la traite de personnes. |
Graphique 3 fin
Dans l’ensemble, 1 auteur présumé de traite de personnes sur 9 avait été impliqué dans une autre affaire de traite de personnes
Parmi ceux qui avaient identifiés comme les auteurs présumés d’un crime avant la traite de personnes, la grande majorité (91 %) avaient été impliqués dans des affaires sans violenceNote . Par ailleurs, 7 auteurs présumés sur 10 (71 %) avaient été impliqués dans des affaires de violence, et près des deux tiers (65 %), dans des affaires liées aux infractions contre l’administration de la justiceNote .
Les affaires sans violence dans lesquelles ces auteurs présumés étaient impliqués étaient le plus souvent liées à des crimes contre les biens (67 %) ou à des infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (58 %). En ce qui concerne les affaires de violence, les auteurs présumés étaient le plus souvent impliqués dans des infractions liées aux voies de fait (57 %) ou d’autres infractions avec violence ou menace de violenceNote (47 %), tandis que les infractions entraînant la perte de la liberté (9 %), les infractions sexuelles (9 %) et les infractions liées au commerce du sexe (4 %) étaient relativement moins courantes. Enfin, dans les affaires liées aux infractions contre l’administration de la justice, les personnes étaient le plus souvent accusées d’omission de se conformer (56 %), de bris de probation (34 %) et d’omission de comparaître (20 %), avant d’être impliquées dans la traite de personnes.
Environ 1 auteur présumé sur 9 (11 %) avait été accusé de traite des personnes de nouveau pendant la période de référence à la suite de son premier contact avec la police lié à la traite de personnes. La proportion était semblable chez les hommes et chez les femmes (11 % par rapport à 10 %).
Début de l'encadré 4
Encadré 4
Examen des nouveaux contacts chez les auteurs présumés
Les données sur la criminalité sont souvent présentées comme un simple dénombrement des affaires criminelles et des auteurs présumés qui y sont associés, ce qui ne donne pas un aperçu du nombre de crimes commis par la même personne (Brennan et Matarazzo, 2016). Les couplages d’enregistrements, comme celui effectué pour le présent article, permettent d’analyser les contacts multiples avec la police parmi des auteurs présumés uniques, afin de déterminer les tendances du comportement délictueuxNote .
Parmi les auteurs présumés de traite de personnes de 2009 à 2020, les nouveaux contacts avec la police — c’est-à-dire les contacts subséquents avec la police après le contact initial lié à la traite de personnes — étaient courants. Parmi les auteurs présumés de traite de personnes pendant la période de référence, plus de la moitié (56 %) étaient des multirécidivistes, ce qui signifie qu’ils avaient été accusés dans 6 affaires criminelles ou plus (de traite de personnes ou non) de 2009 à 2020 (graphique de l’encadré 4). Les multirécidivistes étaient plus souvent des hommes (61 %) que des femmes (36 %).
Graphique de l’encadré début
Tableau de données du graphique de l’encadré
Genre | Contrevenants non récidivistesGraphique de l'encadré 4 Note 1 | RécidivistesGraphique de l'encadré 4 Note 2 | MultirécidivistesGraphique de l'encadré 4 Note 3 |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
Femmes | 22 | 42 | 36 |
Hommes | 10 | 29 | 61 |
TotalGraphique de l'encadré 4 Note 4 | 13 | 31 | 56 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, fichier de couplage d'enregistrements sur la traite de personnes. |
Graphique 4 fin
Au total, près de 1 auteur présumé de traite de personnes sur 3 (31 %) était un récidiviste, ayant été accusé de 2 à 5 affaires criminelles au cours de la période de référence. Contrairement aux multirécidivistes, les récidivistes étaient plus souvent des femmes (42 %) que des hommes (29 %).
Les infractions commises par un contrevenant non récidiviste étaient relativement moins fréquentes. Environ 1 auteur présumé de traite de personnes sur 8 (13 %) avait été accusé de cette seule affaire criminelle au cours de la période allant de 2009 à 2020. Une plus grande proportion de femmes (22 %) que d’hommes (10 %) étaient des contrevenants non récidivistes.
Fin de l’encadré 4
Un peu plus de 6 auteurs présumés de traite de personnes sur 10 avaient agi avec quelqu’un d’autre
Les auteurs présumés de traite de personnes ont souvent agi avec d’autres personnes dans l’affaire. Dans l’ensemble, plus de 6 auteurs présumés sur 10 (63 %) ont été impliqués dans des affaires de traite de personnes mettant en cause plusieurs auteursNote . Parallèlement, 4 auteurs présumés sur 10 (41 %) avaient agi seulsNote . Ces constatations concordent avec une analyse des causes portées devant les tribunaux entreprise par l’ONUDC (2021a), selon laquelle les trois quarts (74 %) des affaires de traite de personnes examinées impliquaient au moins deux trafiquants. Il convient de souligner que 6 affaires sur 10 (61 %) impliquant plusieurs trafiquants étaient liées au crime organisé, que ce soit au sein d’entreprises ou de structures de gouvernance. Les trafiquants impliqués dans ces affaires faisaient la traite d’un plus grand nombre de victimes, sur une plus longue période et de façon plus violente que les trafiquants qui agissaient seuls (ONUDC, 2021a).
La présence de coauteurs présumés était plus répandue parmi les femmes accusées dans des affaires de traite de personnes. La grande majorité (86 %) des femmes avaient des coauteurs, tandis que moins de 1 femme sur 5 (16 %) avait agi seule. Cette constatation appuie les recherches antérieures indiquant que les trafiquantes commettent souvent des infractions avec leur partenaire intime (Broad, 2015). Par ailleurs, comparativement aux femmes, une plus faible proportion d’hommes avaient des coauteurs dans des affaires de traite de personnes, et une plus grande proportion avaient agi seuls (57 % et 47 %, respectivement).
Les accusations de traite de personnes sont plus courantes chez les personnes qui ont eu un contact antérieur avec la police
Comme il a été mentionné précédemment, les accusations antérieures parmi les auteurs présumés de traite de personnes étaient courantes : les trois quarts (75 %) des auteurs présumés avaient eu un contact antérieur avec la police avant l’affaire initiale de traite de personnes. Parmi ces personnes, plus de 9 sur 10 (93 %) avaient fait l’objet d’accusations ou de recommandations d’accusations dans des affaires autres que la traite de personnes. Parmi les auteurs présumés de traite de personnes, les accusations antérieures étaient plus courantes chez les hommes (95 %) que chez les femmes (84 %).
Les auteurs présumés de traite de personnes qui avaient déjà été accusés d’un crime avant d’être impliqués dans la traite de personnes étaient un peu plus susceptibles de faire l’objet d’accusations relativement à leur première affaire de traite de personnes. Parmi les personnes qui avaient eu des contacts antérieurs avec la police avant d’être impliquées dans la traite de personnes, la grande majorité (93 %) d’entre elles avaient fait l’objet d’accusations ou d’une recommandation d’accusations relativement à leur première affaire de traite de personnes, tant chez les hommes que chez les femmes (93 % pour chacun des groupes). Parmi les personnes qui n’avaient pas eu de contact antérieur avec la police, la grande majorité (85 %) ont été inculpées de leur première affaire de traite de personnes. Cette situation était plus fréquente chez les femmes (89 %) que chez les hommes (83 %).
Section 3 : La traite des personnes devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes
En plus des données déclarées par la police, l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) fournit des données officielles sur les causes de traite de personnes déclarées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse au Canada. Au-delà de l’accusation initiale portée, l’EITJC fournit des renseignements sur le temps de traitement des causes par les tribunaux, les décisions relatives aux accusations et aux causes, et les peines prononcées. La présente section contient des renseignements sur le jugement des causes de traite de personnes portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, qui comportent des infractions au Code criminel au Canada et qui ont été réglées de 2009-2010 à 2019-2020 (pour obtenir des renseignements sur les tribunaux de la jeunesse, voir l’encadré 5)Note . Il est à noter que les données déclarées par la police et les données des tribunaux ne concordent pas parfaitement, car certaines affaires de traite de personnes déclarées par la police sont traitées au moyen d’autres accusations à l’étape du tribunal de juridiction criminelle suivant les directives de la CouronneNote . De plus, les délais associés aux affaires déclarées par la police et ceux associés aux causes portées devant les tribunaux peuvent différer, car les causes portées devant les tribunaux ne sont incluses dans la base de données de l’EITJC que lorsque toutes les accusations dans la cause sont réglées ou considérées comme réglées.
Le nombre de causes de traite de personnes a augmenté, mais pas autant que le nombre d’accusations
De 2009-2010 à 2019-2020, 834 causes comportant 2 572 accusations de traite de personnesNote ont été réglées devant des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au CanadaNote . Au cours de cette période, le nombre d’accusations et de causes de traite de personnes a généralement augmenté d’une année à l’autre, atteignant un sommet en 2017-2018, avant de diminuer et d’augmenter de nouveau en 2019-2020 (graphique 4). Plus précisément, en 2009-2010, 13 causes comportant au moins une accusation de traite de personnes ont été réglées, pour un total de 24 accusations de traite de personnes. En 2019-2020, 128 causes de traite de personnes ont été réglées pour un total de 396 accusations, soit environ 10 fois plus de causes et près de 17 fois plus d’accusations qu’en 2009-2010. Fait intéressant, le nombre d’accusations de traite de personnes par cause a connu une hausse, étant passé d’une moyenne de 2 accusations par cause à 3 accusations par cause au cours de cette période.
Graphique 4 début
Tableau de données du graphique 4
Année | Accusations de traite de personnes | Causes comportant au moins une accusation de traite de personnes |
---|---|---|
nombre | ||
2009-2010 | 24 | 13 |
2010-2011 | 81 | 30 |
2011-2012 | 36 | 21 |
2012-2013 | 65 | 28 |
2013-2014 | 141 | 45 |
2014-2015 | 210 | 82 |
2015-2016 | 315 | 103 |
2016-2017 | 452 | 129 |
2017-2018 | 466 | 140 |
2018-2019 | 386 | 115 |
2019-2020 | 396 | 128 |
Note : Les données sont fondées sur la partie de l'enquête concernant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, dans les cas où les accusés avaient 18 ans et plus au moment de l'infraction. Sont incluses uniquement les accusations et les causes visées par le Code criminel, en excluant les infractions à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l’objet d’une décision finale. Les données excluent les renseignements provenant des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que des cours municipales du Québec, en raison de l’indisponibilité des données. Les données de la Cour supérieure de l'Île-du-Prince-Édouard ont été incluses à partir de 2018-2019. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle. |
Graphique 4 fin
Les causes de traite de personnes comportent en moyenne quatre fois plus d’accusations et prennent deux fois plus de temps à régler que les autres causes liées à des infractions avec violence
De 2009-2010 à 2019-2020, les causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes qui comptaient au moins une accusation de traite de personnes comportaient en moyenne 17 accusations (de traite de personnes ou autres) chacune. En comparaison, au cours de la même période, les causes concernant au moins une infraction avec violence comportaient en moyenne 4 accusations par causeNote . Parmi les 819 causes à accusations multiples liées à la traite des personnes, les trois quarts (76 %) comprenaient également une accusation d’infraction liée au commerce du sexe, 31 % comprenaient une accusation d’enlèvement ou de séquestration, et 28 % comprenaient une accusation d’infraction sexuelleNote .
Les causes à accusations multiples sont plus complexes et, en général, prennent plus de temps à régler que les causes à accusation simple. Cette situation a été observée dans les causes de traite de personnes, dont le règlement prenait près de deux fois plus de temps que celui des autres causes liées à des infractions avec violence portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. De 2009-2010 à 2019-2020, le temps médian nécessaire au règlement d’une cause comportant au moins une accusation d’infraction avec violence portée devant un tribunal de juridiction criminelle pour adultes était de 176 jours. En revanche, le temps médian était de 373 jours pour le règlement d’une cause comportant au moins une accusation de traite de personnes.
La majorité des causes de traite de personnes se soldent par un arrêt, un retrait, un rejet ou une absolution
De 2009-2010 à 2019-2020, les causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes comportant au moins une accusation de traite de personnes se sont soldées par divers types de décisions. Dans 8 de ces causes sur 10 (81 %), la décision la plus sévère rendue relativement à une accusation de traite de personnes était un arrêt, un retrait, un rejet ou une absolution (graphique 5)Note . À titre de comparaison, 12 % des causes de traite de personnes ont donné lieu à un verdict de culpabilitéNote , 5 % à un acquittement et 1 % à un autre type de décision, comme la déclaration de l’accusé comme étant inapte à subir son procès ou non criminellement responsable. De même, les causes réglées qui comportaient au moins une accusation de commerce du sexe et celles qui comportaient des accusations d’infractions avec violence se sont moins souvent soldées par un verdict de culpabilité (33 % et 48 %, respectivement).
Graphique 5 début
Tableau de données du graphique 5
Type de décision | Causes comportant au moins une accusation de traite de personnes | Causes comportant au moins une accusation liée au commerce du sexe | Causes comportant au moins une accusation d’infraction avec violenceTableau de données du graphique 5 Note 1 |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
Verdict de culpabilité | 12 | 33 | 48 |
Acquittement | 5 | 2 | 7 |
Arrêt, retrait, rejet ou absolution | 81 | 64 | 44 |
Autre décisionTableau de données du graphique 5 Note 2 | 1 | 1 | 2 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle. |
Graphique 5 fin
Les accusations peuvent faire l’objet d’un retrait, d’un rejet ou d’une absolution pour de nombreuses raisons. Certaines recherches ont révélé que la mise en œuvre de lois nouvelles ou modifiées fait en sorte que les procureurs doivent naviguer dans un environnement juridique incertain, souvent sans l’aide de la jurisprudence, et peuvent devoir faire face à des malentendus, à des préjugés ou à de l’ignorance au sujet de la traite des personnes de la part des juges et des jurys (Farrell et autres, 2016; Farrell et autres, 2014). De plus, les victimes de la traite des personnes peuvent coopérer au départ, mais ne pas consentir à des interrogatoires subséquents, rétracter leur témoignage initial ou devenir introuvables avant le début du procès, ce qui augmente la probabilité que les procureurs retirent ou suspendent les accusations (Farrell et autres, 2019; Farrell et autres, 2016; Farrell et autres, 2014; Farrell et autres, 2010)Note . Dans un environnement juridique incertain et sans le témoignage de la victime ou preuves, la probabilité d’une poursuite réussie diminue. De plus, les accusations peuvent être suspendues ou retirées dans le cadre du processus de négociation de plaidoyer lorsque l’accusé accepte de participer à des mesures de déjudiciarisation ou de rechange, par exemple, en échange de la suspension ou du retrait des accusations (Service des poursuites pénales du Canada, 2017).
Les renseignements sur la détermination de la peine dont il est question ici représentent la peine la plus sévère dans la cause pour le type d’infraction sélectionné qui a donné lieu à un verdict de culpabilitéNote . Parmi les causes comportant au moins une accusation de traite de personnes qui se sont soldées par un verdict de culpabilité, la peine la plus courante était le placement sous garde (86 %). De plus, 13 % de ces causes se sont soldées par une peine de probation et 1 % par un autre type de peine, comme une absolution inconditionnelle, une absolution sous conditions ou une ordonnance de travaux communautaires. En revanche, parmi les causes comportant une infraction avec violence s’étant soldées par un verdict de culpabilité, 48 % ont donné lieu à une ordonnance de probation, tandis que 38 % ont donné lieu à une ordonnance de garde. Les autres peines comprenaient des condamnations avec sursis (5 %), des amendes (3 %) ou un autre type de peine (6 %).
Début de l'encadré 5
Encadré 5
Les causes de traite de personnes réglées par les tribunaux de la jeunesse au
Canada
De 2009-2010 à 2019-2020, 6 % des causes de traite de personnes réglées concernaient un jeune accusé, c’est-à-dire une personne de 12 à 17 ans. Au cours de cette période, 53 causes comportant au moins une accusation de traite de personnes ont été réglées par les tribunaux de la jeunesse au Canada, pour un total de 107 accusations.
Toutes les causes de traite de personnes, sauf une, traitées par un tribunal de la jeunesse comportaient des accusations multiples. Parmi les 52 causes à accusations multiples, 71 % comprenaient une accusation d’infraction liée au commerce du sexe, 35 % comprenaient une accusation d’infraction sexuelle et 35 % comprenaient une accusation d’enlèvement ou de séquestrationNote .
Parmi les causes dont la peine la plus sévère était liée à un verdict de culpabilité pour l’accusation de traite de personnes, 42 % se sont soldées par une ordonnance de placement sous garde et de surveillance, 17 % par une ordonnance différée de placement sous garde et de surveillanceNote , 33 % par une probation et 8 % par un autre type de peine.
Fin de l’encadré 5
Résumé
De 2010 à 2020, 2 977 affaires de traite de personnes ont été déclarées par les services de police au Canada; au moins 3 affaires sur 10 (30 %) concernaient le passage d’une frontière internationale. Le nombre d’affaires a augmenté au fil du temps, avant de diminuer en 2018, d’atteindre un sommet en 2019 et de diminuer à nouveau en 2020. Les taux provinciaux les plus élevés d’affaires de traite de personnes déclarées par la police en 2020 ont été enregistrés en Nouvelle-Écosse et en Ontario, une constatation qui est généralement demeurée constante au fil du temps.
Les affaires de traite de personnes déclarées par la police au Canada ont touché de façon disproportionnée les femmes et les filles, et celles‑ci représentaient la grande majorité des victimes détectées. La grande majorité des auteurs présumés étaient des hommes et des garçons, et la plupart des victimes connaissaient leur trafiquant.
Un peu moins de la moitié des affaires de traite de personnes déclarées par la police ont été classées par mise en accusation (44 %) ou par un autre moyen (4 %). Aucun auteur présumé n’a été identifié par la police dans les autres affaires.
De 2009 à 2020, il y a eu 1 793 auteurs présumés uniques d’affaires de traite de personnes déclarées par la police comprenant des infractions au Code criminel et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Environ 8 de ces auteurs présumés sur 10 étaient de genre masculin. La grande majorité (87 %) des auteurs présumés ont été identifiés par la police dans plusieurs affaires criminelles, liées ou non à la traite des personnes.
Selon un couplage de données pour la période allant de 2009 à 2020, la plupart des auteurs présumés avaient été en contact avec la police avant (75 %) ou après (66 %) avoir été accusés d’une infraction de traite de personnes. Parmi les contacts antérieurs, les auteurs présumés étaient le plus souvent impliqués dans des crimes contre les biens (67 %), des infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (58 %), des infractions liées aux voies de fait (57 %) et des infractions contre l’administration de la justice en omettant de se conformer (56 %). À la suite de son premier contact avec la police au sujet de la traite des personnes, environ 1 personne sur 9 a de nouveau été accusée de traite des personnes pendant la période de référence.
De 2009-2010 à 2019-2020, 834 causes de traite de personnes ont été réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada. Le verdict de culpabilité, soit la décision la plus sévère rendue par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, était moins souvent prononcé dans les causes comportant des accusations de traite des personnes (12 %) que dans les causes comportant des accusations de commerce du sexe (33 %) ou des accusations d’infractions avec violence (48 %). Le règlement des causes de traite de personnes par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes prenait deux fois plus de temps que les causes d’infractions avec violence (temps de règlement médian de 373 jours par rapport à 176 jours).
Tableaux de données détaillés
Description de l’enquête
Programme de déclaration uniforme de la criminalité
Le Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) sert à recueillir des renseignements détaillés sur les affaires criminelles qui ont été portées à l’attention des services de police canadiens. Les renseignements recueillis comprennent les caractéristiques liées aux affaires, aux victimes et aux auteurs présumés. En 2020, les données représentaient les services de police desservant 99 % de la population du Canada. Le dénombrement pour une année donnée comprend toutes les affaires déclarées au cours de cette année, peu importe à quel moment l’affaire est réellement survenue.
Une affaire peut comprendre plusieurs infractions. Par souci de comparabilité, les chiffres agrégés sont présentés en fonction de l’infraction la plus grave dans l’affaire, qui est déterminée d’après une règle de classification normalisée utilisée par tous les services de police. Parmi les affaires de traite de personnes, les affaires comportant des infractions au Code criminel sont fondées sur l’infraction la plus grave contre la victime, tandis que les affaires comportant des infractions à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont fondées sur l’infraction la plus grave dans l’affaire. Lorsque d’autres détails sont fournis, comme les caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés, les microdonnées utilisées sont celles du Programme DUC fondé sur l’affaire, dans le cadre duquel les services de police peuvent déclarer jusqu’à quatre infractions par affaire. Par conséquent, l’infraction de traite de personnes n’est pas nécessairement l’infraction la plus grave déclarée par la police pour l’affaire.
Compte tenu de l’existence possible d’un petit nombre de victimes identifiées comme étant « de diverses identités de genre », les données du Programme DUC accessibles au public ont été recodées de sorte à attribuer à ces victimes la valeur « genre féminin » ou « genre masculin », afin d’assurer la protection de la confidentialité et de la vie privée. La valeur « genre masculin » ou « genre féminin » a été attribuée aux victimes et aux auteurs présumés de diverses identités de genre en fonction de la répartition régionale du genre des victimes et des auteurs présumés.
Couplage des enregistrements sur la traite des personnes
Afin d’explorer les contacts antérieurs et les contacts répétés (c.-à-d. les nouveaux contacts) avec la police parmi les auteurs présumés de traite de personnes, un couplage d’enregistrements déterministe a été effectué. Le couplage est fondé sur les données déclarées par la police sur les affaires et les auteurs présumés de traite de personnes de 2009 à 2020, qui sont tirées de la base de données sur les tendances du Programme de déclaration uniforme de la criminalité. Certains types de crimes, comme la traite des personnes, peuvent se produire sur une certaine période, parfois des années. Les données de couplage reflètent la date du rapport d’une affaire (c.-à-d. la date à laquelle elle a été portée à l’attention de la police); par conséquent, un petit nombre d’affaires de traite de personnes qui se sont produites avant 2009, mais qui ont été déclarées pendant la période de référence de 2009 à 2020, sont incluses dans le couplage.
Le couplage d’enregistrements a permis d’apparier les affaires déclarées par la police comprises dans le champ d’enquête avec les auteurs présumés déclarés par la police compris dans le champ d’enquête. Tous les auteurs présumés (c.-à-d. pas les sociétés) étaient considérés comme faisant partie du champ d’enquête s’ils étaient liés à une affaire déclarée par la police pendant la période de référence. Ensuite, les auteurs présumés de traite de personnes — en vertu du Code criminel ou de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — ont été liés à toutes les affaires déclarées par la police selon la province ou le territoire, le code Soundex, la date de naissance et le genre.
Au total, le couplage d’enregistrements a permis d’identifier 1 793 auteurs présumés uniques dans des affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2009 à 2020, et il a permis d’établir un lien avec 18 312 affaires criminelles (liées ou non à la traite de personnes). Le taux de couplage final des auteurs présumés, après élimination des enregistrements en double et un examen manuel des couplages susceptibles d’être erronés, a été de 100 %.
Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle
L’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle sert à recueillir des renseignements statistiques sur les causes portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse qui comportent des infractions au Code criminel et aux autres lois fédérales.
Tous les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes déclarent des données à la composante de l’enquête sur les adultes depuis l’exercice 2005-2006, à l’exception des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que des cours municipales du Québec. Les données de ces tribunaux n’ont pas pu être extraites des systèmes de déclaration électronique de ces provinces et, par conséquent, ne figurent pas dans l’enquête. Les données de la Cour supérieure de l’Île-du-Prince-Édouard ont été incluses à partir de 2018-2019.
L’unité d’analyse de base est la cause. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l’objet d’une décision finale. Elle regroupe toutes les accusations portées contre la même personne et dont une ou plusieurs dates clés se chevauchent (date de l’infraction, date de l’introduction, date de la première comparution, date de la décision ou date de la détermination de la peine) en une seule cause.
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