La victimisation avec violence chez les femmes ayant une incapacité, 2014
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par Adam Cotter
Début de l'encadré
Faits saillants
- Selon les résultats de l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation de 2014, les femmes ayant une incapacité étaient deux fois plus susceptibles que celles n’ayant pas d’incapacité d’avoir été victimes d’un crime violent. Une tendance similaire a été observée chez les hommes.
- Les femmes ayant une incapacité étaient près de deux fois plus susceptibles que les femmes sans incapacité d’avoir été victimes d’une agression sexuelle au cours des 12 mois précédant l’enquête.
- Parmi les victimes d’un crime violent, les femmes ayant une incapacité étaient près de deux fois plus susceptibles que les femmes n’ayant aucune incapacité d’avoir été victimes d’un crime violent plus d’une fois au cours des 12 mois précédant l’enquête (36 % par rapport à 20 %).
- Le taux de victimisation avec violence observé chez les femmes et les hommes ayant une incapacité cognitive ou une incapacité liée à la santé mentale était environ quatre fois plus élevé que celui observé chez les personnes qui n’avaient pas d’incapacité. Parmi les femmes et les hommes ayant une incapacité sensorielle ou physique, le taux de victimisation avec violence était à peu près deux fois plus élevé que chez ceux n’ayant pas d’incapacité.
- Les victimes d’un crime violent qui avaient une incapacité étaient plus susceptibles d’avoir recours aux services aux victimes. Parmi les victimes d’un crime violent qui ont eu recours à des services de soutien officiels en 2014, 6 sur 10 (61 %) avaient une incapacité. Les femmes ayant une incapacité étaient plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin d’avoir communiqué avec des services de soutien ou d’avoir eu recours à ces derniers.
- Les Canadiens ayant une incapacité étaient plus susceptibles d’être victimes d’un crime violent dans leur propre maison, près du tiers (30 %) des crimes violents commis contre une personne ayant une incapacité s’étant produits dans la maison de cette personne (comparativement à 17 % des crimes commis contre une personne sans incapacité).
- Parmi les Canadiens ayant une incapacité au moment de l’enquête, 4 sur 10 (40 %) avaient subi de la violence physique ou sexuelle durant leur enfance, comparativement à environ le quart (27 %) de ceux qui n’avaient pas d’incapacité.
- Environ le quart des femmes ayant une incapacité cognitive (24 %) ou une incapacité liée à la santé mentale (26 %) ont subi de la violence sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans.
- Près de la moitié (46 %) des femmes canadiennes qui ont dit avoir déjà vécu une situation d’itinérance avaient une incapacité, comparativement à près de 4 hommes sur 10 (37 %).
- Dans l’ensemble, plus de 1 Canadien sur 5 ayant une incapacité liée à la santé mentale (22 % des femmes et 25 % des hommes) ou une incapacité cognitive (22 % des femmes et 23 % des hommes) a indiqué avoir déjà vécu une situation d’itinérance au cours de sa vie.
- Plus de 1 femme sur 5 (23 %) ayant une incapacité a subi de la violence psychologique, physique ou sexuelle ou de l’exploitation financière de la part d’un partenaire, actuel ou ancien, au cours des cinq années précédant l’enquête, soit une proportion semblable à celle observée chez les hommes ayant une incapacité (22 %). Tant chez les femmes que chez les hommes, cette proportion était environ deux fois plus élevée que celle observée chez leurs homologues n’ayant pas d’incapacité.
- Parmi les personnes ayant une incapacité qui ont été victimes de violence conjugale, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’avoir subi les formes les plus graves de violence conjugale (39 % par rapport à 16 %E), d’avoir subi des blessures corporelles en raison de l’incident violent (46 % par rapport à 29 %E), d’avoir craint pour leur vie (38 % par rapport à 14 %E) et d’avoir communiqué avec des services de soutien officiels ou d’avoir eu recours à ces derniers à la suite d’un incident violent (71 % par rapport à 29 %E).
Fin de l'encadré
À ce jour, les études réalisées sur le sujet ont révélé que les personnes ayant une incapacité — tant les hommes que les femmes — sont plus à risque d’être victimes de violence psychologique, physique et sexuelle que les personnes n’ayant pas d’incapacité (Curry et autres, 2001; Harpur et Douglas, 2014; Hughes et autres, 2012; Jones et autres, 2012; Martin et autres, 2006; Milberger et autres, 2003; Mitra et autres, 2011; Olofsson et autres, 2015; Platt et autres, 2017). À titre de signataire de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, le Canada s’est engagé à prendre les mesures appropriées de sorte à prévenir l’exploitation, la violence et les mauvais traitements à l’endroit des Canadiens ayant une incapacité (gouvernement du Canada, 2014).
De récentes études canadiennes ont révélé que les taux de victimisation avec violence sont plus élevés chez les personnes qui ont une incapacité, peu importe le type d’incapacité (Perreault, 2015; Burczycka, 2016; Burczycka, 2018; Conroy et Cotter, 2017). Le présent rapport s’appuie sur les données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 sur la sécurité des Canadiens (victimisation), et plus particulièrement sur les expériences et les perceptions des membres de la population canadienne ayant une incapacité qui ne vivent pas en établissement (voir l’encadré 1). Dans la mesure du possible, on y analyse aussi la présence d’une incapacité et la cooccurrence de plusieurs incapacités en fonction de quatre catégories : les incapacités sensorielles (ouïe ou vue); les incapacités physiques (mobilité, flexibilité, dextérité et douleur); les incapacités cognitives (apprentissage, développement et mémoire); les incapacités liées à la santé mentale.
Le présent article de Juristat dresse un profil de la victimisation avec violence autodéclarée au cours des 12 mois précédant l’enquête par les Canadiens de 15 ans et plus ayant une incapacité, à partir des données de l’ESG. De plus, diverses expériences de vie associées à la victimisation, y compris la violence et les mauvais traitements durant l’enfance, ainsi que les expériences passées d’itinérance, y sont étudiées. L’analyse présentée dans ce rapport est fondée sur une approche comparative entre les sexes, ce qui signifie que les constatations sont énoncées sous forme de comparaisons entre les femmes et les hommes.
Les femmes et les hommes ayant une incapacité ne sont pas des groupes homogènes; outre les divers types d’incapacités et leur gravité, de nombreuses autres caractéristiques sociodémographiques peuvent avoir des répercussions sur le risque de victimisation avec violence. Il est important de reconnaître les recoupements entre les nombreuses caractéristiques pour mieux comprendre les expériences différentes de victimisation liées au sexe en général, ainsi que dans le cas des personnes ayant une incapacité (Foster et Sandel, 2010; Nosek et autres, 2006). De ce fait, outre le sexe et l’incapacité, d’autres caractéristiques et populations seront examinées dans la mesure du possible.
La production du présent rapport d’analyse a été appuyée par un financement de Condition féminine Canada dans le cadre de la Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe.
Les femmes ayant une incapacité sont surreprésentées parmi les victimes d’un crime violent autodéclaré
Selon les données les plus récentes de l’Enquête canadienne sur l’incapacité (2012), on estime que 3,8 millions de personnes, ou 13,7 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus, sont limités dans leurs activités quotidiennes en raison d’une incapacité liée à l’ouïe, la vue, la douleur, la mobilité, la flexibilité, la dextérité, l’apprentissage, le développement, la mémoire ou la santé mentale ou psychologique. La prévalence des incapacités est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (14,9 % et 12,5 %, respectivement)Note .
En 2014, selon les données de l’Enquête sociale générale (ESG) sur la sécurité des Canadiens (victimisation), 4 incidents violents autodéclarés sur 10 (39 %) — c’est‑à‑dire l’agression sexuelle, le vol qualifié et les voies de fait — mettaient en cause des victimes ayant une incapacité. La surreprésentation des personnes ayant une incapacité parmi les victimes d’un crime violent était plus marquée chez les femmes : parmi les incidents subis par une victime de sexe féminin, la victime avait une incapacité dans 45 % des cas. En revanche, parmi les incidents subis par une victime de sexe masculin, la victime avait une incapacité dans 33 % des cas.
Parmi l’ensemble des Canadiens ayant une incapacité, le taux de victimisation avec violence au cours des 12 mois précédant l’enquête était environ deux fois plus élevé que celui observé chez les Canadiens n’ayant pas déclaré d’incapacité (tableau 1)Note . Plus précisément, le taux d’incidents violents chez les femmes de 15 ans et plus ayant une incapacité se chiffrait à 137 incidents pour 1 000 femmes, comparativement à 65 incidents pour 1 000 femmes n’ayant aucune incapacité. De même, chez les hommes ayant une incapacité, le taux d’incidents violents était près du double de celui observé chez les hommes n’ayant pas d’incapacité (105 par rapport à 58) (graphique 1).
Tableau de données du graphique 1
Type de victimisation | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Femmes | Hommes | |||||||
Agression sexuelle | Vol qualifié | Voies de fait | Total de la victimisation avec violence | Agression sexuelle | Vol qualifié | Voies de fait | Total de la victimisation avec violence | |
taux pour 1 000 personnes | ||||||||
Ayant une incapacité | 56Note * | 8Note E: à utiliser avec prudence | 72Note * | 137Note * | Note F: trop peu fiable pour être publié | 15Note E: à utiliser avec prudence | 80Note * | 105Note * |
N’ayant aucune incapacitéTableau de Note † | 29Note ** | 4Note E: à utiliser avec prudence | 32Note ** | 65 | 4Note E: à utiliser avec prudence | 6Note E: à utiliser avec prudence | 48 | 58 |
E à utiliser avec prudence F trop peu fiable pour être publié
|
Début de l'encadré
Encadré 1
Détermination de l’incapacité au moyen de l’Enquête sociale générale
L’Enquête sociale générale (ESG) permet d’identifier les personnes ayant une incapacité au moyen des questions du module abrégé « Questions d’identification des incapacités » (QII), qui permettent de classer un répondant comme ayant une incapacité en relevant la présence de difficultés associées à l’ouïe, à la vue, à la douleur, à la mobilité, à la flexibilité, à la dextérité, à l’apprentissage, au développement et à la mémoire, ou encore à la santé mentale ou psychologique, qui les limitent parfois, souvent ou toujours dans leurs activités quotidiennes. Les répondants doivent répondre au minimum à cinq questions et en moyenne à huit questions (Grondin, 2016).
Les QII sont fondées sur le modèle social de l’incapacité. Selon ce modèle, une incapacité inclut à la fois les troubles, mais aussi les différentes conditions physiques, sociales et environnementales qui peuvent créer des barrières et entraver le fonctionnement d’une personne relativement à certains aspects de la vie quotidienne, tels que l’accès à certains endroits, services, établissements, emplois et domaines d’études, ou encore, à certaines communications (Goering, 2015; Hollomotz, 2009). Aux termes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, « une personne handicapée n’est limitée que dans sa capacité à participer à la société et [...] le handicap résulte de l’interaction entre la personne présentant des incapacités et les obstacles que tolère la société, qui peuvent être des obstacles physiques, des politiques, de la législation, ou des comportements discriminatoires et des préjugés » (Walker, 2013). Comme ces éléments peuvent varier grandement d’un endroit à l’autre, le milieu de vie d’une personne peut avoir une incidence considérable sur son expérience de vie en tant que personne ayant une incapacité.
Incidence de la population cible
Il convient de souligner que la base de sondage de l’ESG exclut les personnes résidant à temps plein dans des établissements comme des prisons, des établissements de soins pour bénéficiaires internes, des centres d’hébergement et d’autres logements collectifs. Selon les résultats du Recensement de la population de 2016, un peu plus de 509 000 personnes vivaient dans un établissement de soins de santé ou dans un établissement connexe cette année‑làNote . Bien que les personnes vivant dans de tels établissements n’aient pas toutes une incapacité, bon nombre de ces logements collectifs sont équipés pour répondre aux besoins de personnes ayant une incapacité, ou sont destinés à certains groupes de population qui sont plus susceptibles d’avoir une incapacité (p. ex. les personnes âgées). Il importe donc de souligner l’écart qui découle de l’exclusion de ces personnes de la population cible, puisque cela signifie que les constatations pourraient ne pas être représentatives de tous les membres de la population canadienne ayant une incapacité et exclure certaines personnes ayant une incapacité relativement grave, entre autres limitations.
Fin de l'encadré
Les femmes ayant une incapacité sont plus susceptibles d’être victimes d’une agression sexuelle
Les agressions sexuelles constituent un crime où l’inégalité entre les sexes est particulièrement évidente, la grande majorité des victimes étant des femmes, tant selon les données autodéclarées que les données policières (Conroy et Cotter, 2017; Rotenberg, 2017). On observe également cette tendance parmi la population de personnes ayant une incapacité, près de 9 victimes d’agression sexuelle sur 10 (88 %) qui avaient une incapacité étant des femmes. Les femmes ayant une incapacité (56 incidents pour 1 000) étaient près de 2 fois plus susceptibles que les femmes n’ayant pas d’incapacité (29 pour 1 000) et environ 14 fois plus susceptibles que les hommes sans incapacité (4E pour 1 000) d’avoir été victimes d’une agression sexuelle (tableau 1)Note .
Cette prévalence accrue des agressions sexuelles chez les femmes ayant une incapacité est attribuable aux taux considérablement plus élevés d’agressions sexuelles observés chez celles qui ont dit avoir une incapacité liée à la santé mentale (131E pour 1 000) ou une incapacité cognitive (121E pour 1 000). Par ailleurs, le taux d’agressions sexuelles autodéclarées par les femmes ayant une incapacité physique équivalait à celui des femmes n’ayant pas d’incapacité (34E pour 1 000 et 29 pour 1 000, respectivement)Note .
Certaines études indiquent que les femmes qui ont une incapacité sont exposées à des mythes et à des comportements sociaux et juridiques variés, voire contradictoires, en ce qui concerne leur sexualité. Ceux‑ci vont de la perception selon laquelle les femmes ayant une incapacité sont hypersexualisées ou ont une sexualité déviante à une tendance à traiter les femmes ayant une incapacité comme des enfants, ou encore, à voir ces femmes comme des êtres asexués (Benedet et Grant, 2014; Curry et autres, 2001). Ce type de comportement peut accroître chez les femmes qui ont une incapacité le risque d’être victimes d’une agression sexuelle, et contribue à l’atténuation ou à l’ignorance des conséquences ou des répercussions de la victimisation sur ces femmes (Benedet et Grant, 2014; Curry et autres, 2001).
Les Canadiens ayant une incapacité liée à la santé mentale affichent les taux de victimisation avec violence les plus élevés
Les taux de victimisation avec violence étaient plus élevés chez les femmes et les hommes ayant une incapacité que chez leurs homologues n’ayant pas d’incapacité, et ce, peu importe le type d’incapacité. Pour ce qui est des types particuliers d’incapacités, il n’y avait pas de différence statistiquement significative dans le taux de victimisation avec violence entre les hommes et les femmes (tableau 1 et graphique 2).
Tableau de données du graphique 2
Type d’incapacité | Femmes | Hommes |
---|---|---|
taux pour 1 000 personnes | ||
Aucune incapacitéTableau de Note † | 65 | 58 |
N’importe quelle incapacitéTableau de Note 1 | 137Note * | 105Note * |
Incapacité sensorielleTableau de Note 2 | 162Note E: à utiliser avec prudence Note * | 96Note E: à utiliser avec prudence |
Incapacité physique | 108Note * | 102Note E: à utiliser avec prudence Note * |
Incapacité cognitive | 241Note E: à utiliser avec prudence Note * | 259Note E: à utiliser avec prudence Note * |
Incapacité liée à la santé mentale | 261Note * | 193Note E: à utiliser avec prudence Note * |
E à utiliser avec prudence
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
Le taux de victimisation avec violence chez les femmes ayant une incapacité liée à la santé mentale ou une incapacité cognitive était quatre fois plus élevé que chez les femmes sans incapacité (261 pour 1 000 et 241E pour 1 000, respectivement, par rapport à 65 pour 1 000). Autrement dit, au cours des 12 mois précédant l’enquête, 1 femme sur 4 ayant une incapacité psychologique ou cognitive, ou encore une incapacité liée à la santé mentale ou à l’apprentissage, avait été victime d’un incident violent. Les taux de victimisation avec violence étaient aussi considérablement plus élevés chez les hommes qui ont dit avoir ces types d’incapacités : ce taux était 4,5 fois plus élevé chez les hommes ayant une incapacité cognitive (259E) et il était 3 fois plus élevé chez ceux ayant une incapacité liée à la santé mentale (193), comparativement aux hommes qui n’avaient pas d’incapacité (58).
Un écart important entre les femmes et les hommes a été observé parmi la population de personnes ayant une incapacité sensorielle. En effet, le taux plus élevé de victimisation avec violence au sein de cette population est attribuable aux femmes, en raison du taux de victimisation avec violence 2,5 fois plus élevé chez les femmes ayant une incapacité sensorielle que chez celles n’ayant pas d’incapacité (162E par rapport à 65). Par comparaison, aucune différence statistiquement significative n’a été relevée entre les hommes ayant une incapacité sensorielle et les hommes n’ayant aucune incapacité. Autrement dit, bien que le fait d’avoir une incapacité sensorielle ne semble pas avoir d’incidence sur la probabilité d’être victime d’un incident violent chez les hommes, cela est le cas chez les femmes.
La cooccurrence de types d’incapacités est associée à une prévalence plus élevée de victimisation autodéclarée
Même s’il est possible d’examiner les taux de victimisation selon des types particuliers d’incapacités, il est important de noter qu’aucune des catégories d’incapacités analysées dans le présent rapport ne s’exclut mutuellement. Les femmes et les hommes peuvent avoir plusieurs types d’incapacités et, par conséquent, être inclus dans plus d’une catégorie lorsqu’on analyse les données sur la victimisation selon le type d’incapacité. C’est pourquoi il n’est pas recommandé de faire des comparaisons directes entre les types d’incapacités.
Toutefois, on peut examiner les répercussions de la cooccurrence de types d’incapacités. Bien que la présence d’une incapacité avait une incidence sur la victimisation autodéclarée, la cooccurrence de deux types ou plus d’incapacités était associée à des taux considérablement plus élevés de victimisation (graphique 3). Par exemple, le taux de victimisation avec violence chez les femmes qui ont déclaré avoir un type d’incapacité était de 102 pour 1 000, soit environ la moitié du taux observé chez celles qui ont fait état de deux types d’incapacités (202 pour 1 000). Par ailleurs, parmi les femmes qui ont déclaré trois types ou plus d’incapacités, le taux de victimisation avec violence au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête était de 263E pour 1 000.
Tableau de données du graphique 3
Nombre de types d’incapacités | ||||
---|---|---|---|---|
Aucune incapacitéTableau de Note † | Une incapacité sensorielle, physique, cognitive ou liée à la santé mentale | Deux incapacités sensorielles, physiques, cognitives ou liées à la santé mentale | Trois ou quatre incapacités sensorielles, physiques, cognitives ou liées à la santé mentale | |
taux pour 1 000 personnes | ||||
Femmes | 66 | 102Note * | 202Note * | 263Note E: à utiliser avec prudence Note * |
Hommes | 58 | 70 | 191Note E: à utiliser avec prudence Note * | 234Note E: à utiliser avec prudence Note * |
E à utiliser avec prudence
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
De même, les hommes qui ont déclaré un type d’incapacité étaient moins susceptibles d’indiquer avoir fait l’objet de victimisation avec violence au cours des 12 mois précédents (70 pour 1 000), comparativement à ceux qui avaient deux (191E pour 1 000) ou trois ou quatre (234E pour 1 000) incapacités. Toutefois, contrairement aux femmes, il n’y avait pas de différence statistiquement significative dans le taux de victimisation avec violence entre les hommes qui ont déclaré un type d’incapacité et ceux qui n’ont pas déclaré d’incapacité.
La prévalence de la victimisation avec violence est plus élevée chez les jeunes femmes ayant une incapacité
Bon nombre des tendances dégagées quant à la victimisation avec violence pour l’ensemble de la population s’appliquent aussi aux femmes et aux hommes qui ont une incapacité. Par exemple, il a été déterminé que l’âge influe habituellement sur le risque de victimisation, la probabilité d’être victime d’un crime violent diminuant avec l’âge (Perreault, 2015).
Malgré le fait que la population des personnes ayant une incapacité est en moyenne plus vieille que celle des personnes n’en ayant pasNote , cette relation était tout de même observable au sein de la première : le taux d’incidents violents s’établissait à 378E pour 1 000 femmes de 15 à 24 ans qui avaient une incapacité, et il diminuait ensuite dans chaque groupe d’âge suivant pour s’établir à 13E incidents pour 1 000 femmes de 65 ans et plus qui avaient une incapacité (tableau 2). Cette relation entre l’âge et le risque de victimisation avec violence était aussi observable lorsque l’on tenait compte des autres variables d’intérêt (modèle 1).
Chez les hommes ayant une incapacité, les taux de victimisation étaient considérablement plus faibles chez ceux de 55 à 64 ans (45E incidents pour 1 000) et de 65 ans et plus (25E), mais il n’y avait pas d’autres différences observées selon l’âge (tableau 2). Cette tendance était aussi observable lorsque les autres facteurs d’intérêt demeuraient constants (modèle 2).
En moyenne, les personnes ayant une incapacité cognitive ou liée à la santé mentale sont plus jeunes que celles qui ont des incapacités sensorielles ou physiquesNote . Les taux de victimisation avec violence étaient particulièrement élevés chez les jeunes femmes qui ont dit avoir une incapacité cognitive ou une incapacité liée à la santé mentale. Le taux d’incidents violents se situait à plus de 400 pour 1 000 chez les femmes ayant une incapacité liée à la santé mentale, soit 445E chez celles de 15 à 24 ans et 406E chez celles de 25 à 34 ans, et était semblable à celui observé chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans ayant une incapacité cognitive (378E) (tableau 3).
Chez les femmes ayant une incapacité cognitive qui ont aussi dit être lesbiennes, gaies ou bisexuelles, le taux de victimisation avec violence était de 680E incidents pour 1 000 femmes, soit un taux bien supérieur à celui observé chez leurs homologues hétérosexuelles (198E pour 1 000). Au sein de la population de femmes ayant une incapacité liée à la santé mentale, le taux de victimisation avec violence était de 514E incidents pour 1 000 parmi celles qui ont dit être lesbiennes, gaies ou bisexuelles, comparativement à 195 pour 1 000 chez les femmes hétérosexuelles.
De plus, le risque de victimisation avec violence des femmes ayant une incapacité qui ont dit être lesbiennes, gaies ou bisexuelles était 2,3 fois plus élevé que celui observé chez leurs homologues hétérosexuelles, et ce, même après la prise en compte des autres facteurs (modèle 1). Chez les hommes ayant une incapacité, l’orientation sexuelle n’avait aucune incidence sur le risque de victimisation avec violence lorsque les autres facteurs étaient pris en compte.
Comme dans la population en général (Ibrahim, à paraître en 2018), le taux de victimisation avec violence chez les personnes ayant une incapacité était plus faible pour les immigrants (80E incidents pour 1 000) que pour les non‑immigrants ayant une incapacité (134 pour 1 000). Toutefois, les immigrants ayant une incapacité étaient plus susceptibles que les immigrants n’ayant pas d’incapacité d’avoir été victimisés au cours des 12 mois précédents (80E incidents par rapport à 35 incidents pour 1 000).
Les Autochtones ayant une incapacité étaient plus susceptibles que les non‑Autochtones ayant une incapacité d’avoir fait l’objet de victimisation avec violence au cours des 12 mois précédant l’enquête (206E incidents pour 1 000 par rapport à 120 pour 1 000). Cela dit, la même tendance est ressortie lorsqu’on a comparé les Autochtones sans incapacité aux non‑Autochtones sans incapacité, et il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les taux de victimisation des Autochtones ayant une incapacité et des Autochtones sans incapacité.
Les femmes ayant une incapacité sont plus susceptibles d’être victimes de plusieurs incidents
Chez les femmes ayant une incapacité, non seulement le taux global de victimisation avec violence était plus élevé comparativement à leurs homologues n’ayant pas d’incapacité, mais les premières ont plus souvent indiqué avoir été victimes de plusieurs incidents distincts au cours des 12 mois précédant l’enquête. En effet, parmi les femmes ayant une incapacité qui ont fait l’objet de victimisation, près de 2 sur 5 (36 %) ont dit avoir été victimes de deux incidents ou plus, soit deux fois la proportion observée chez les femmes n’ayant aucune incapacité (20 %).
Des tendances semblables ont été observées chez les hommes, et aucune différence statistique n’a été notée entre les proportions de femmes et d’hommes qui ont été victimes de plusieurs incidents au cours des 12 mois précédant l’enquête (36 % et 29 %E des victimes, respectivement).
Les mauvais traitements subis durant l’enfance ainsi que les expériences d’itinérance sont plus fréquents chez les personnes ayant une incapacité
Les Canadiens ayant une incapacité étaient plus susceptibles d’avoir subi des mauvais traitements durant leur enfance et d’avoir vécu une situation d’itinérance à un moment donné au cours de leur vie comparativement aux Canadiens n’ayant pas d’incapacité. De plus, une analyse précédente des données de l’ESG a révélé que les personnes qui ont subi des mauvais traitements durant leur enfance et celles qui ont vécu une situation d’itinérance au cours de leur vie sont exposées à un risque accru de victimisation avec violence plus tard au cours de leur vie (Burczycka, 2017; Perreault, 2015).
Dans l’ensemble, près du tiers (30 %) des Canadiens de 15 ans et plus avaient subi un type quelconque de violence physique ou sexuelle aux mains d’un adulte (c.‑à‑d. une personne de 18 ans et plus) avant l’âge de 15 ans (Burczycka, 2017). Les hommes étaient plus susceptibles que les femmes d’avoir subi de la violence physique durant leur enfance, mais les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’avoir subi de la violence sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans.
Il est important de souligner, particulièrement lorsqu’il est question des mauvais traitements subis pendant l’enfance, que l’ESG ne permet pas de déterminer si une incapacité était présente au moment où ces mauvais traitements se sont produits. Cela dit, cette tendance s’applique aussi à l’ensemble des Canadiens ayant une incapacité, chez qui la prévalence globale des mauvais traitements durant l’enfance était considérablement plus élevée.
Parmi les femmes et les hommes ayant une incapacité au moment de l’enquête, environ 4 sur 10 (38 % et 43 %, respectivement) avaient subi de la violence physique ou sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans. Même s’il n’est pas possible de déterminer si une incapacité était présente à ce moment‑là, ces proportions sont bien supérieures à celles enregistrées par les personnes n’ayant pas d’incapacité (23 % chez les femmes et 30 % chez les hommes) (tableau 4).
Bien qu’en général, les Canadiens ayant une incapacité au moment de l’enquête étaient plus susceptibles d’avoir subi de la violence physique ou sexuelle aux mains d’un adulte pendant leur enfance que ceux qui n’en avaient pas, la prévalence était encore plus élevée parmi ceux qui avaient une incapacité mentale ou cognitive. La moitié des Canadiens ayant une incapacité liée à la santé mentale (50 % des femmes et 53 % des hommes) ou une incapacité cognitive (48 % des femmes et 52 % des hommes) avaient été agressés par un adulte avant d’avoir atteint l’âge de 15 ans (tableau 4).
Les femmes qui ont une incapacité sont plus susceptibles d’avoir subi de la violence sexuelle durant leur enfance
Les femmes ayant une incapacité au moment de l’enquête étaient plus susceptibles d’avoir subi de la violence sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans (graphique 4). Plus précisément, 1 femme ayant une incapacité sur 5 (18 %) avait été touchée de manière sexuelle par un adulte avant l’âge de 15 ans, soit le double de la proportion observée chez les femmes n’ayant pas d’incapacité (9 %). De même, 12 % des femmes ayant une incapacité ont dit avoir été forcées à avoir une activité sexuelle non désirée par un adulte avant l’âge de 15 ans, comparativement à 5 % des femmes sans incapacité.
Tableau de données du graphique 4
Ayant une incapacitéTableau de Note 1 | N’ayant aucune incapacitéTableau de Note † | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Violence sexuelle subie durant l’enfance | ||
Femmes | 19Note *** | 9Note ** |
Hommes | 7Note * | 3 |
Violence physique subie durant l’enfance | ||
Femmes | 30Note *** | 19Note ** |
Hommes | 41Note * | 29 |
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
Bien que la prévalence des incidents de violence sexuelle était moindre chez les hommes ayant une incapacité, la même tendance se dégageait des données. Parmi les hommes ayant une incapacité au moment de l’enquête, environ 1 sur 14 (7 %) a dit avoir été touché de manière sexuelle par un adulte pendant son enfance, comparativement à 3 % des hommes n’ayant pas d’incapacité. De même, les hommes ayant une incapacité étaient plus de deux fois plus susceptibles d’avoir été forcés à avoir une activité sexuelle non désirée par un adulte que les hommes sans incapacité (3,9 % par rapport à 1,4 %).
La victimisation avec violence à l’âge adulte est plus répandue chez les personnes ayant fait l’objet de mauvais traitements pendant l’enfance
Les femmes ayant une incapacité qui avaient subi de la violence physique durant leur enfance étaient près de deux fois plus susceptibles que leurs homologues n’ayant pas subi de violence physique avant l’âge de 15 ans d’avoir été victimes d’un incident violent au cours des 12 mois précédant l’enquête (199 incidents pour 1 000 par rapport à 110 pour 1 000). Parmi les hommes ayant une incapacité, ce taux était trois fois plus élevé chez ceux qui avaient subi de la violence physique pendant leur enfance (174 incidents pour 1 000 par rapport à 57 pour 1 000). Plus particulièrement, près de quatre fois plus d’hommes ayant une incapacité physique ou cognitive qui avaient subi de la violence physique durant leur enfance ont dit avoir été victimes d’un incident violent, comparativement à leurs homologues qui n’avaient pas subi de violence physique durant leur enfance (tableau 2 et tableau 3).
Lorsque les autres facteurs étaient pris en compte, le fait d’avoir subi de la violence physique pendant l’enfance n’augmentait pas à lui seul le risque de victimisation avec violence chez les femmes ayant une incapacité (modèle 1). En revanche, le risque de victimisation avec violence chez les hommes ayant une incapacité qui avaient subi de la violence physique avant l’âge de 15 ans était 2,7 fois plus élevé comparativement à celui observé chez les hommes qui n’avaient pas subi cette forme de violence durant leur enfance (modèle 2).
Le fait d’avoir subi de la violence sexuelle avant l’âge de 15 ans était aussi associé à un risque de victimisation avec violence à l’âge adulte, en particulier lorsque la présence d’une incapacité était prise en compte. Chez les femmes ayant une incapacité qui avaient subi de la violence sexuelle pendant leur enfance, le taux d’incidents violents était de 272E pour 1 000 femmes, soit un taux de près de 2,5 fois plus élevé que celui observé chez les femmes qui avaient subi de la violence sexuelle pendant leur enfance, mais qui n’avaient pas d’incapacité (111E pour 1 000 femmes), ainsi que chez les femmes qui avaient une incapacité, mais qui n’avaient pas subi de violence sexuelle pendant leur enfance (106) (tableau 2). Ce taux était aussi environ cinq fois plus élevé que le taux de victimisation avec violence observé chez les femmes qui n’avaient pas d’incapacité et qui n’avaient pas subi de violence sexuelle durant leur enfance (60 pour 1 000 femmes).
Par comparaison, chez les hommes, ces écarts étaient encore plus prononcés. Le taux de victimisation autodéclarée chez les hommes ayant une incapacité qui avaient subi de la violence sexuelle pendant leur enfance était trois fois supérieur au taux observé chez les hommes qui avaient subi de la violence sexuelle pendant leur enfance, mais qui n’avaient pas d’incapacité, et quatre fois supérieur au taux noté chez ceux qui avaient une incapacité, mais qui n’avaient pas subi de violence sexuelle durant leur enfance (367E pour 1 000 par rapport à 109E et à 86 pour 1 000, respectivement) (tableau 2).
Des résultats semblables ont été observés lorsque les autres facteurs d’intérêt étaient pris en compte (modèles 1 et 2). Le fait d’avoir subi de la violence sexuelle durant l’enfance était associé à un risque accru de victimisation avec violence à l’âge adulte, tant chez les hommes que chez les femmes ayant une incapacité. Toutefois, l’ampleur observée variait dans les cas suivants : le fait d’avoir subi de la violence sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans augmentait le risque de victimisation avec violence de 1,8 fois chez les femmes ayant une incapacité et de 3,5 fois chez les hommes ayant une incapacité.
Les Canadiens qui ont une incapacité sont deux fois plus susceptibles d’avoir été témoins de violence commise par un parent ou un tuteur contre un autre adulte
En plus de contenir des questions sur le fait d’avoir subi de la violence physique ou sexuelle avant l’âge de 15 ans, l’ESG sur la victimisation comporte des questions sur le fait d’avoir été témoin de violence commise par un parent ou un tuteur contre un autre adulte. Le fait d’avoir été témoin de violence à la maison a été associé à des résultats négatifs comparables au fait d’avoir subi de la violence physique ou sexuelle durant l’enfance au chapitre du traumatisme ou du risque de victimisation futur (Wolfe et autres, 2003). De plus, l’analyse des données de l’ESG de 2014 a révélé que 70 % des adultes qui avaient été témoins de violence parentale ont aussi dit avoir subi de la violence physique ou sexuelle durant leur enfance (Burczycka, 2017).
Dans l’ensemble, 16 % des Canadiens ayant une incapacité ont déclaré avoir été témoins de violence commise par un parent ou un tuteur contre un autre adulte à la maison durant leur enfance, soit près du double de la proportion observée chez les Canadiens n’ayant pas d’incapacité (9 %). Ces proportions étaient semblables chez les femmes et les hommes : plus des trois quarts des femmes (76 %) et des hommes (78 %) ayant une incapacité qui avaient été témoins de violence parentale avaient aussi subi de la violence physique ou sexuelle avant l’âge de 15 ans, ce qui est bien supérieur à la proportion de personnes sans incapacité qui ont été témoins de violence commise par un parent et qui ont aussi été agressées physiquement ou sexuellement pendant l’enfance (37 % des femmes et 30 % des hommes).
Début de l'encadré
Encadré 2
Les personnes ayant une incapacité sont deux fois plus susceptibles d’avoir été sous la responsabilité légale de l’État durant leur enfance
Bien qu’une faible proportion de Canadiens de 15 ans et plus aient dit avoir été sous la responsabilité légale de l’État à un moment ou à un autre de leur enfance, cette expérience de vie était deux fois plus courante chez les personnes qui avaient une incapacité comparativement à celles qui n’en avaient pas (4 % par rapport à 2 %). Autrement dit, sur le nombre estimé de 643 000 Canadiens qui ont été sous la responsabilité légale de l’État à un moment ou à un autre de leur enfance, 40 % ont dit avoir une incapacité au moment de l’enquête. Cela dit, qu’ils aient une incapacité ou non, les femmes et les hommes étaient tout aussi susceptibles d’avoir été sous la responsabilité légale de l’État durant leur enfance.
À l’heure actuelle, aucun renseignement détaillé n’est recueilli dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation au sujet de la raison pour laquelle les répondants qui ont dit avoir été sous la responsabilité légale de l’État avant l’âge de 15 ans l’étaient, ou au sujet des expériences qu’ils ont vécues alors qu’ils étaient sous la responsabilité légale de l’État. En outre, comme cela a été souligné par d’autres (p. ex. Hango, 2017), il n’est pas non plus possible de déterminer si les personnes qui ont subi de la violence et qui ont été sous la responsabilité légale de l’État à un moment ou à un autre de leur enfance ont subi cette violence alors qu’elles étaient sous la responsabilité légale de l’État, ou si elles ont été placées sous la responsabilité légale de l’État après avoir été retirées d’un foyer où elles subissaient de la violence. Parmi les personnes ayant une incapacité qui ont été sous la responsabilité légale de l’État à un moment ou à un autre de leur enfance, 74 % des femmes et 63 % des hommes ont dit avoir subi de la violence physique ou sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans. Par comparaison, environ 4 personnes ayant une incapacité sur 10 (37 % des femmes et 42 % des hommes) n’avaient jamais été sous la responsabilité légale de l’État.
Fin de l'encadré
Les femmes ayant une incapacité sont plus susceptibles d’avoir déjà vécu une situation d’itinérance
Dans l’ensemble, les femmes et les hommes ayant une incapacité étaient plus susceptibles d’avoir vécu une situation d’itinérance à un moment ou à un autre de leur vie, que l’on parle de la situation d’itinérance à proprement parler, que l’on appellera dans le cadre du présent article l’« itinérance stricte » (c.‑à‑d. le fait d’avoir vécu dans un centre d’hébergement ou dans la rue), ou du concept plus général d’itinérance, parfois appelée l’« itinérance cachée » (c.‑à‑d. le fait de devoir habiter temporairement chez des membres de la famille ou des amis — couch‑surfing en anglais) (Rodrigue, 2016). La proportion de personnes ayant une incapacité qui avaient déjà vécu une situation d’itinérance, peu importe le type d’itinérance, équivalait à près du double de celle des personnes sans incapacité, et ce, tant chez les hommes que chez les femmes (tableau 5 et graphique 5).
Tableau de données du graphique 5
Type d’incapacité | Femmes | Hommes |
---|---|---|
pourcentage | ||
Aucune incapacitéTableau de Note † | 6Note ** | 7 |
N’importe quelle incapacitéTableau de Note 1 | 13Note *** | 16Note * |
Incapacité sensorielleTableau de Note 2 | 15Note * | 15Note * |
Incapacité physique | 14Note *** | 17Note * |
Incapacité cognitive | 22Note * | 23Note * |
Incapacité liée à la santé mentale | 22Note * | 25Note * |
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
Lorsque l’on tenait compte uniquement de l’itinérance stricte, l’écart était encore plus prononcé. En effet, environ 3 % des femmes ayant une incapacité ont indiqué avoir vécu dans un centre d’hébergement ou dans la rue à un moment ou à un autre de leur vie, soit une proportion quatre fois plus élevée que celle observée chez leurs homologues n’ayant aucune incapacité (0,7 %). Par comparaison, chez les hommes, la proportion d’hommes ayant une incapacité qui ont dit avoir vécu une situation d’itinérance à un moment ou à un autre de leur vie était de 4,1 %, soit environ le triple de celle observée chez leurs homologues n’ayant pas d’incapacité (1,3 %).
Les femmes ayant une incapacité cognitive (5,7 %E) ou une incapacité liée à la santé mentale (5,8 %E) étaient près de huit fois plus susceptibles que les femmes sans incapacité (0,7 %) d’indiquer avoir déjà vécu dans un centre d’hébergement ou dans la rue au cours de leur vie. Chez les hommes, la proportion d’hommes qui ont dit avoir déjà vécu dans un centre d’hébergement ou dans la rue était sept fois plus élevée parmi ceux qui avaient une incapacité cognitive (8,9 %E) et cinq fois plus élevée chez ceux qui avaient une incapacité liée à la santé mentale (6,8 %E), comparativement aux hommes qui n’avaient pas d’incapacité (1,3 %).
Dans l’ensemble, parmi les Canadiens ayant une incapacité liée à la santé mentale ou une incapacité cognitive, plus de 1 sur 5 (22 % des femmes et 25 % des hommes dans le premier cas; 22 % des femmes et 23 % des hommes dans le deuxième) a indiqué avoir déjà vécu une situation d’itinérance au cours de sa vie.
Le taux de victimisation avec violence autodéclarée est trois fois plus élevé chez les femmes ayant une incapacité et qui ont déjà vécu une situation d’itinérance au cours de leur vie
Chez les femmes, le fait d’avoir une incapacité et d’avoir déjà vécu une situation d’itinérance est associé à un taux de victimisation avec violence plus grand. Chez les femmes ayant une incapacité qui avaient déjà vécu une situation d’itinérance, le taux d’incidents violents qui se sont produits au cours des 12 mois précédant l’enquête et qui ont été autodéclarés s’est établi à 326E pour 1 000 femmes, ce qui équivaut à un taux environ trois fois plus élevé que celui observé chez les femmes ayant une incapacité qui n’avaient jamais vécu une telle situation (108 pour 1 000), ou chez les femmes qui avaient déjà vécu une situation d’itinérance, mais qui n’avaient pas d’incapacité (123E pour 1 000) (tableau 2). Le fait d’avoir déjà vécu une situation d’itinérance était aussi associé à un taux de victimisation avec violence plus élevé chez les hommes. Toutefois, il n’y avait pas de différence statistiquement significative à ce chapitre entre les hommes ayant une incapacité et ceux n’en ayant pas.
Il convient de souligner que, même lorsque les autres facteurs étaient pris en compte, le fait d’avoir déjà vécu une situation d’itinérance demeurait associé à un risque accru de victimisation avec violence chez les femmes ayant une incapacité (modèle 1). Lorsque les autres facteurs s’équivalaient, la probabilité d’avoir été victime d’un crime violent était plus de deux fois plus élevée chez les femmes ayant une incapacité qui avaient déjà vécu une situation d’itinérance que chez celles qui n’en avaient jamais vécu. Le fait d’avoir déjà vécu une situation d’itinérance n’était toutefois pas un indice important du risque de victimisation avec violence chez les hommes ayant une incapacité lorsque les autres facteurs demeuraient constants (modèle 2).
Début de l'encadré
Encadré 3
Expériences de discrimination parmi les Canadiens ayant une incapacité
Au Canada, la discrimination fondée sur l’incapacité — de même que la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, ou une condamnation pour une infraction pour laquelle un pardon a été accordé ou à l’égard de laquelle une suspension de casier a été ordonnée — est officiellement interdite par la loi (Loi canadienne sur les droits de la personne). La Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) est fondée sur le principe sous‑jacent selon lequel tous les Canadiens ont droit à l’égalité des chances, indépendamment de ces caractéristiques.
Parmi les Canadiens de 15 ans et plus ayant une incapacité, plus de 1 sur 5 (22 %) a indiqué avoir fait l’objet d’un type de discrimination quelconque, ou de tout autre traitement injuste au cours des cinq années précédant l’enquête, soit une proportion deux fois plus élevée que celle observée chez leurs homologues qui n’avaient pas d’incapacité (11 %). Ces proportions étaient les mêmes, peu importe le type d’incapacité. Dans l’ensemble, parmi les personnes ayant une incapacité, les femmes étaient un peu plus susceptibles que les hommes d’indiquer avoir fait l’objet de discrimination au cours des cinq années précédant l’enquête (23 % par rapport à 20 %).
Les femmes ayant une incapacité ont dit avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur leur sexe (8 %) et sur leur apparence physique (7 %) un peu plus souvent que d’une discrimination fondée sur une incapacité physique ou liée à la santé mentale (5 %), ce qui témoigne de l’importance de l’interrelation entre le sexe et la présence d’une incapacité. En revanche, les hommes ayant une incapacité étaient un peu moins susceptibles d’avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur leur sexe (4 %) comparativement à une discrimination fondée sur une incapacité physique ou liée à la santé mentale (6 %), mais plus susceptibles d’indiquer avoir subi de la discrimination fondée sur leur appartenance ethnique ou culturelle (7 %).
Parmi les personnes ayant une incapacité qui avaient subi de la discrimination en raison de leur incapacité, 6 sur 10 (61 % des femmes et 57 % des hommes) ont indiqué avoir aussi été victimes d’une discrimination fondée sur au moins un autre motifNote . Chez les femmes ayant une incapacité qui ont dit avoir subi de la discrimination fondée sur leur incapacité et sur au moins un autre motif, l’apparence physique (33 %), le sexe (30 %) et l’âge (23 %) étaient les motifs coïncidents les plus courants. Chez les hommes, l’apparence physique (29 %E), l’appartenance ethnique ou culturelle (23 %E) et la race ou la couleur de la peau (22 %E) étaient les motifs de discrimination perçue coïncidents les plus couramment invoqués.
En général, les contextes dans lesquels les répondants ont été victimes de discrimination étaient semblables que le répondant ait une incapacité ou non, et ce, sans égard au sexe ou au type d’incapacité. Les situations les plus courantes dans lesquelles les répondants ont dit avoir fait l’objet d’une discrimination ou d’un traitement injuste étaient au travail ou au moment de présenter une demande d’emploiNote , ainsi que dans un magasin, une banque ou un restaurantNote .
Fin de l'encadré
Les caractéristiques des incidents de victimisation avec violence autodéclarés
De façon générale, les caractéristiques des personnes à l’origine des incidents violents subis par les Canadiens ayant une incapacité (à l’exception de la violence conjugaleNote ) étaient semblables à celles à l’origine des incidents subis par les Canadiens n’ayant pas déclaré d’incapacité. Même si ces caractéristiques sont similaires, les expériences de victimisation et leurs conséquences peuvent varier considérablement.
Comme c’était le cas pour les crimes commis contre des personnes qui ont dit ne pas avoir d’incapacité, les crimes violents commis contre des personnes ayant une incapacité avaient tendance à avoir été perpétrés par un agresseur de sexe masculin (85 %), un contrevenant de moins de 35 ans (65 %) ou un contrevenant seul (72 %) (tableau 6). Non seulement les caractéristiques des contrevenants étaient semblables pour l’ensemble des victimes canadiennes n’ayant aucune incapacité, mais parmi celles qui en avaient, elles étaient aussi semblables tant pour les victimes de sexe féminin que de sexe masculin.
Comme c’était le cas chez les femmes qui ont dit ne pas avoir d’incapacité, les femmes ayant une incapacité qui avaient été victimes d’incidents violents ont le plus souvent dit que l’agresseur était un ami, une connaissance ou un voisin (44 %) ou encore un étranger (35 %). En revanche, chez les hommes, il y avait un écart important entre ceux qui avaient une incapacité et ceux qui n’en avaient pas. Les hommes ayant une incapacité étaient considérablement plus susceptibles que ceux n’en ayant pas d’avoir été agressés par un ami, une connaissance ou un voisin (43 % par rapport à 26 %). Ainsi, la proportion d’hommes ayant été agressés par un étranger était inférieure parmi ceux qui avaient une incapacité (49 %) comparativement à ceux qui n’en avaient pas (67 %).
Près de 1 incident violent sur 3 commis contre une personne ayant une incapacité a eu lieu dans sa propre maison
Les Canadiens ayant une incapacité étaient plus susceptibles d’être victimes d’un incident violent dans leur propre maison que les Canadiens n’ayant pas déclaré d’incapacité. Près de 1 incident violent sur 3 (30 %) commis contre une personne ayant une incapacité a eu lieu dans la maison de la victime, soit près de deux fois la proportion observée chez les victimes qui ont dit ne pas avoir d’incapacité (17 %). Les hommes ayant une incapacité étaient plus susceptibles que ceux n’en ayant pas d’indiquer que l’incident violent s’était produit dans leur maison (37 %E par rapport à 16 %). Par comparaison, le quart (26 %) des femmes ayant une incapacité ont été agressées dans leur propre maison, et cette proportion n’était pas statistiquement différente de celle observée chez les femmes sans incapacité (17 %).
Il faut toutefois noter que les personnes vivant en établissement, comme dans les établissements de soins pour bénéficiaires internes et autres logements collectifs, sont exclues de l’Enquête sociale générale et que, par conséquent, leurs expériences ne sont pas mesurées ni incluses dans cette constatation.
Les conséquences physiques et les séquelles psychologiques de la victimisation sont plus graves chez les personnes ayant une incapacité
Parmi les femmes ayant une incapacité qui ont été victimes de voies de fait, d’une agression sexuelle ou d’un vol qualifié, près de 3 sur 10 (28 %E) ont indiqué avoir subi des blessures corporelles lors de l’incident. En revanche, cette proportion s’établissait à environ 1 femme sur 10 parmi les femmes sans incapacité qui ont été victimes d’un crime violent (11 %E). Les femmes ayant une incapacité étaient aussi plus susceptibles que les femmes sans incapacité d’éprouver de la difficulté à mener leurs activités quotidiennes après avoir fait l’objet de victimisation, même si l’écart était un peu moins grand (38 % par rapport à 24 %).
Les hommes ayant une incapacité étaient tout aussi susceptibles que ceux n’ayant pas d’incapacité d’avoir été blessés lors d’un incident violent. Malgré ce risque équivalent de subir des blessures corporelles lors d’un incident violent, les hommes ayant une incapacité étaient plus susceptibles que les hommes sans incapacité d’avoir de la difficulté à reprendre leurs activités quotidiennes à la suite de l’incident. En effet, parmi les hommes ayant une incapacité qui ont subi un incident violent, 3 sur 10 (31 %E) ont indiqué qu’ils avaient éprouvé de la difficulté à reprendre leurs activités quotidiennes à la suite de l’incident, comparativement à 1 sur 10 (12 %E) chez les hommes sans incapacité.
Les victimes d’un crime ayant une incapacité sont plus susceptibles d’avoir recours à des services de soutien officiels
Parmi l’ensemble des incidents dont les victimes ont communiqué avec un type quelconque de service de soutien, 61 % ont été commis contre une personne ayant une incapacité. Autrement dit, les victimes ayant une incapacité ont communiqué avec un service aux victimes ou ont eu recours à un tel service dans environ 1 incident sur 5 (22 %E), alors que cette proportion était de 1 incident sur 10 (9 %E) lorsque la victime n’avait pas d’incapacité. Les femmes ayant une incapacité étaient deux fois plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin d’avoir communiqué avec un service aux victimes ou d’avoir eu recours à un tel service à la suite d’un incident violent (27 %E par rapport à 13 %E).
Ce phénomène met en évidence la nécessité de faciliter l’accès des services aux victimes d’un crime et d’être en mesure de répondre aux besoins variés des victimes ayant une incapacité, et ce, pour tous les types d’incapacités. La majorité des fournisseurs de services aux victimes ont indiqué qu’ils étaient en mesure de répondre aux besoins des victimes d’un crime ayant une incapacité liée à la mobilité (96 %), un trouble du développement ou de santé mentale (85 %), une incapacité d’ordre visuel (73 %) ou une incapacité d’ordre auditif (70 %) (Allen, 2014). Cela dit, même si la plupart des fournisseurs de services ont indiqué pouvoir répondre aux besoins des victimes de crimes ayant un trouble du développement ou de santé mentale, nombre d’entre eux ont eu besoin d’une aide extérieure pour le faire. Un peu moins de la moitié (48 %) des fournisseurs de services aux victimes avaient des employés formés à cette fin; dans la majorité des cas, d’autres organismes (88 %) ou services de soutien informels (74 %) étaient requis (Allen, 2014).
Les victimes d’un crime violent ayant une incapacité sont tout aussi susceptibles de recourir à la police que celles n’ayant pas d’incapacité
Dans l’ensemble, il n’y avait pas d’écart entre les victimes d’un crime violent ayant une incapacité et celles qui n’en avaient pas au chapitre de la probabilité que l’incident soit porté à l’attention de la police. Sans égard à la présence d’une incapacité chez les victimes, le tiers des incidents violents ont été portés à l’attention de la police. Parmi ceux‑ci, la majorité ont été signalés directement par le répondant. Les hommes et les femmes ayant une incapacité étaient tout aussi susceptibles de signaler l’incident à la police; par contre, chez les victimes d’actes criminels n’ayant pas d’incapacité, les hommes étaient près de deux fois plus susceptibles de signaler l’incident à la police (39 % par rapport à 21 %) (tableau 7).
De plus, parmi les victimes qui n’ont pas signalé l’incident à la police, les motifs les plus couramment invoqués pour justifier le fait de ne pas avoir signalé l’incident étaient relativement constants lorsque les victimes d’un crime violent ayant une incapacité étaient comparées avec celles qui n’en avaient pas. Cela dit, quelques écarts dignes de mention ont été relevés en ce qui a trait au classement (tableau 7 et graphique 6).
Tableau de données du graphique 6
Raison de ne pas signaler l’incident | Ayant une incapacité | N’ayant aucune incapacitéTableau de Note † |
---|---|---|
pourcentage | ||
L’incident était une affaire privée ou personnelle qui a été réglée de façon informelle | 71Note * | 58 |
Le délit était anodin et ne valait pas la peine d’être signalé | 63 | 71 |
Le fait de communiquer avec la police était embêtant | 59Note * | 42 |
Personne n’a été blessé ou il n’y a eu aucune perte financière | 50 | 53 |
La police aurait jugé que l’incident n’était pas assez important | 50Note * | 38 |
Le contrevenant ne serait pas reconnu coupable ni puni de façon adéquate | 48Note * | 28 |
Manque de preuves | 41Note * | 27 |
Avait peur du processus judiciaire ou ne voulait pas être embêté par celui-ci | 41Note * | 26 |
Le service reçu de la police dans le passé n’était pas satisfaisant | 27Note E: à utiliser avec prudenceNote * | 10Note E: à utiliser avec prudence |
Peur de représailles de la part du contrevenant | 25Note E: à utiliser avec prudenceNote * | 14Note E: à utiliser avec prudence |
L’incident a été signalé à une autre instance officielle | 19Note E: à utiliser avec prudenceNote * | 10Note E: à utiliser avec prudence |
E à utiliser avec prudence
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
Parmi les victimes d’un crime ayant une incapacité, la raison la plus souvent invoquée pour ne pas avoir signalé l’incident à la police était que l’incident était une affaire privée ou personnelle qui avait été réglée de façon informelle (71 %), suivie de la perception que le délit était anodin et ne valait pas la peine d’être signalé (63 %), du fait que le fait de communiquer avec la police les embêtait (59 %), du fait que personne n’avait été blessé (50 %) et de la croyance selon laquelle la police aurait jugé que l’incident n’était pas assez important (50 %). Parmi les raisons les plus couramment invoquées, les victimes d’un crime ayant une incapacité étaient plus susceptibles que celles n’en ayant pas de déclarer qu’elles n’avaient pas signalé l’incident parce qu’il s’agissait d’une affaire privée ou personnelle, parce que le fait de communiquer avec la police les embêtait et parce qu’elles étaient d’avis que la police aurait jugé que l’incident n’était pas assez important.
Les victimes d’un crime violent ayant une incapacité étaient aussi près de deux fois plus susceptibles que leurs homologues n’en ayant pas d’invoquer la peur de représailles de la part du contrevenant (25 %E par rapport à 14 %E), le sentiment que le contrevenant ne serait pas reconnu coupable ni puni de façon adéquate (48 % par rapport à 28 %) et la peur du processus judiciaire ou le fait de ne pas vouloir être embêté par ce processus (41 % par rapport à 26 %) comme raisons de ne pas avoir signalé l’incident à la police.
En majorité, parmi les personnes ayant une incapacité, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les hommes et les femmes au chapitre des raisons indiquées pour ne pas avoir signalé l’incident violent à la police. La seule exception était que les femmes ayant une incapacité étaient trois fois plus susceptibles de déclarer qu’elles n’avaient pas signalé l’incident à la police parce qu’elles ne voulaient pas que d’autres personnes soient au courant de l’incident, comparativement aux hommes ayant une incapacité (30E par rapport à 10E).
L’insatisfaction quant au service reçu de la police dans le passé est beaucoup plus courante chez les victimes d’incidents de sexe féminin ayant une incapacité
Plus du quart (27 %E) des victimes d’incidents ayant une incapacité ont dit ne pas avoir signalé l’incident à la police parce que le service qu’elles avaient reçu de la police dans le passé n’était pas satisfaisant, soit une proportion près de trois fois supérieure à celle observée chez les victimes n’ayant aucune incapacité (10 %E). Plus particulièrement, les femmes ayant une incapacité ont invoqué cette raison environ cinq fois plus souvent que celles n’ayant pas d’incapacité (27 %E par rapport à 5 %E). Par comparaison, les hommes ayant une incapacité étaient aussi susceptibles que ceux n’en ayant pas de donner cette raison.
Les victimes d’un crime ayant une incapacité étaient aussi plus susceptibles de dire ne pas avoir signalé l’incident à la police parce que celui‑ci avait été signalé à une autre instance officielleNote (19 %E par rapport à 10 %E chez les victimes n’ayant aucune incapacité); cela pourrait être attribuable à l’augmentation de la probabilité que les personnes ayant une incapacité consultent des services aux victimes et qu’elles aient reçu un service insatisfaisant de la police dans le passé.
Début de l'encadré
Encadré 4
De façon générale, les femmes ayant une incapacité se sentent moins en sécurité
En plus de recueillir des données sur les expériences de victimisation criminelle, l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation recueille d’importants renseignements sur les perceptions des Canadiens à l’égard de la criminalité ainsi que sur leur sentiment quant à leur sécurité personnelle (voir Perreault, 2017 pour une analyse détaillée).
Ainsi, entre autres constatations, il a été déterminé que les femmes ayant une incapacité sont moins susceptibles de se sentir en sécurité lorsqu’elles sont seules dehors dans leur voisinage une fois la nuit tombée, et ce, même en tenant compte d’autres facteurs principaux associés à la peur de la criminalité, tels que l’âge, le fait d’avoir déjà été victime d’un crime, la confiance envers la police et les niveaux de criminalité perçus dans le voisinage (Perreault, 2017). En général, les personnes ayant une incapacité étaient aussi moins satisfaites de leur sécurité personnelle par rapport à la criminalité.
Fin de l'encadré
La violence conjugale à l’endroit des personnes ayant une incapacité
En plus de la violence en général, les études ont révélé que les personnes ayant une incapacité, en particulier les femmes, sont aussi plus à risque d’être victimes de violence conjugale (Barranti et Yuen, 2008; Brownridge, 2006; Cohen et autres, 2006; Platt et autres, 2017). À ce jour, les études ont fait ressortir plusieurs caractéristiques associées à la violence conjugale perpétrée à l’endroit de victimes ayant une incapacité, comme un degré plus élevé de soins fournis par un partenaire, ou encore les obstacles à la recherche d’aide ou à l’éloignement d’une situation de violence, et la peur de l’isolement (Harpur et Douglas, 2014; Nosek et autres, 2006).
Bien que les personnes ayant une incapacité soient exposées aux mêmes formes de violence que celles qui n’ont pas d’incapacité, certains types de violence sont particulièrement commis contre des personnes ayant une incapacité (Curry et autres, 2001; Platt et autres, 2017). Dans le contexte d’une relation conjugale ou avec un ex‑conjoint, la violence peut aussi inclure des comportements qui sont uniquement commis contre des personnes ayant une incapacité, tels que le fait de cacher des médicaments, des aides à la mobilité ou d’autres technologies médicales, ou de restreindre l’accès de la victime à ceux‑ci (Harpur et Douglas, 2014; Healey et autres, 2013). Bien que l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation ne tienne pas compte de ces comportements particuliers et qu’elle puisse par conséquent exclure certaines des formes de violence uniquement commises contre des personnes ayant une incapacité, elle permet de recueillir tout de même des données sur une vaste gamme d’incidents de violence physique, sexuelle et psychologique et d’exploitation financière.
La violence conjugale peut aller au‑delà des voies de fait et des agressions sexuelles. D’autres formes de violence, comme la violence psychologique et l’exploitation financière, peuvent aussi se produire dans le contexte des relations et avoir des répercussions négatives considérables, en particulier pour les femmes (Estefan et autres, 2016; Mihorean, 2005; Rogers et Follingstad, 2011). Parmi les personnes ayant une incapacité, 1 sur 5 (22 % des femmes et 21 % des hommes) a dit avoir subi de la violence psychologique ou de l’exploitation financièreNote de la part d’un partenaire actuel ou ancien avec qui elle avait été en contact au cours des cinq années précédant l’enquête, soit environ le double de la proportion observée chez les personnes sans incapacité (11 % de femmes et 13 % d’hommes) (tableau 8).
La violence physique ou sexuelleNote commise par un conjoint ou un conjoint de fait, actuel ou ancien, était plus fréquente parmi les personnes ayant une incapacité que parmi celles n’en ayant pas (tableau 8). Les femmes qui avaient une incapacité étaient plus de deux fois plus susceptibles d’avoir été victimes de violence aux mains de leur conjoint au cours des cinq années précédant l’enquête que celles qui n’en avaient pas (6,2 % par rapport à 2,7 %). Les hommes ayant une incapacité étaient aussi plus souvent victimes de violence aux mains d’un conjoint ou d’un partenaire : 5,6 % avaient été victimes de violence physique ou sexuelle aux mains d’un conjoint ou d’un partenaire actuel ou ancien, comparativement à 3,8 % des hommes n’ayant pas d’incapacité.
Il est bon de noter que parmi les Canadiens n’ayant aucune incapacité, les femmes étaient un peu moins susceptibles que les hommes d’avoir été victimes de toute forme de violence conjugale (11 % et 14 %, respectivement), bien qu’au sein de la population canadienne en général, les femmes soient plus susceptibles d’être victimes des formes de violence conjugale les plus graves, comme le fait d’avoir été agressées sexuellement, battues, étranglées ou menacées au moyen d’une arme (Burczycka, 2016). Parmi les Canadiens qui avaient une incapacité, l’écart entre les sexes au chapitre de la prévalence de ces formes de violence disparaissait : les femmes et les hommes étaient autant susceptibles de dire avoir subi toute forme de violence (23 % et 22 %, respectivement). Toutefois, parmi ceux qui avaient subi une forme quelconque de violence conjugale, près de 4 femmes ayant une incapacité sur 10 (39 %) avaient subi les formes de violence les plus graves (fait d’avoir été agressées sexuellement, battues, étranglées ou menacées au moyen d’une arme), soit plus du double de la proportion observée chez leurs homologues de sexe masculin (16 %E).
Les femmes ayant une incapacité cognitive sont plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale
En général, parmi les Canadiens ayant une incapacité, les femmes et les hommes étaient autant susceptibles d’avoir subi de la violence conjugale, et ce, peu importe leur type d’incapacité. Faisait exception à cette règle les personnes ayant une incapacité cognitive, parmi lesquelles les femmes étaient considérablement plus susceptibles que les hommes d’avoir été victimes de violence aux mains d’un conjoint ou d’un conjoint de fait actuel ou ancien. En effet, plus de 4 femmes sur 10 (43 %) ayant une incapacité cognitive avaient été victimes d’un type quelconque de violence conjugale, comparativement à environ le quart (27 %) de leurs homologues de sexe masculin (tableau 8 et graphique 7).
Tableau de données du graphique 7
Type d’incapacité | Femmes | Hommes |
---|---|---|
pourcentage | ||
Aucune incapacitéTableau de Note † | 11Note ** | 14 |
N’importe quelle incapacitéTableau de Note 1 | 23Note * | 22Note * |
Incapacité sensorielleTableau de Note 2 | 25Note * | 21Note * |
Incapacité physique | 24Note * | 22Note * |
Incapacité cognitive | 43Note *** | 27Note * |
Incapacité liée à la santé mentale | 37Note * | 33Note * |
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
Cette tendance ressortait aussi lorsqu’on s’attardait à la violence physique ou sexuelle en particulier : près de 1 femme ayant une incapacité cognitive sur 5 (16 %) avait été victime de voies de fait ou d’agression sexuelle aux mains d’un partenaire actuel ou ancien au cours des cinq années précédant l’enquête, soit près du double de la proportion observée chez leurs homologues de sexe masculin (9 %E).
La fréquence des incidents violents est plus élevée chez les victimes de violence conjugale qui ont une incapacité
On a enregistré non seulement une plus forte prévalence de la violence conjugale chez les personnes ayant une incapacité, mais également une fréquence accrue des incidents violents. En effet, plus du tiers (35 %) des femmes victimes de violence conjugale ayant une incapacité ont indiqué qu’elles avaient été victimes de violence aux mains de leur conjoint ou de leur partenaire à au moins six occasions différentes au cours des cinq années précédant l’enquête, comparativement à une proportion de 1 sur 5 (22 %) chez leurs homologues qui n’avaient pas d’incapacité. De même, environ le quart (26 %E) des hommes victimes de violence conjugale qui avaient une incapacité ont indiqué avoir été victimes de violence conjugale à au moins six occasions différentes, soit près du double de la proportion observée chez leurs homologues n’ayant pas d’incapacité (14 %E) (graphique 8)Note .
Tableau de données du graphique 8
Femmes | Hommes | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Fréquence des incidents | ||||||
1 incident | 2 à 5 incidents | 6 incidents ou plus | 1 incident | 2 à 5 incidents | 6 incidents ou plus | |
pourcentage | ||||||
Ayant une incapacité | 35Note * | 26 | 35Note * | 32Note E: à utiliser avec prudence Note * | 40 | 26Note E: à utiliser avec prudence Note * |
N’ayant aucune incapacitéTableau de Note † | 54 | 21 | 22 | 55 | 28 | 14Note E: à utiliser avec prudence |
E à utiliser avec prudence
|
Les femmes ayant une incapacité sont plus susceptibles de craindre pour leur vie en raison du comportement d’un partenaire
Le fait de craindre pour sa vie constitue un important facteur qui permet de mesurer la gravité de la violence conjugale. Ce facteur peut contribuer à différencier la violence qui est commise entre partenaires, laquelle peut être attribuable à une situation précise ou mutuelle, et la violence qui est davantage susceptible de témoigner d’une tendance de contrainte et de violence commise de façon prédominante par l’un des deux partenaires (Johnson et Leone, 2005). Chez les femmes ayant une incapacité qui ont été victimes de violence conjugale, près de 4 sur 10 (38 %) ont indiqué qu’il leur était déjà arrivé de craindre pour leur vie en raison du comportement de leur partenaire ou de leur ex‑partenaire. Cette proportion est supérieure à la proportion de 26 % observée chez les femmes qui n’avaient pas d’incapacité, et se situe bien au‑delà de la proportion de 14 %E chez les hommes ayant une incapacité (tableau 9).
Des écarts ont aussi été constatés en fonction du type d’incapacité. Plus particulièrement, chez les victimes de violence conjugale, plus de la moitié (53 %E) des femmes qui avaient une incapacité cognitive avaient déjà craint pour leur vie en raison du comportement de leur partenaire ou ex‑partenaire, soit le double de la proportion observée chez leurs homologues qui n’avaient pas d’incapacité (26 %). Les femmes qui avaient une incapacité physique étaient également plus susceptibles que les femmes sans incapacité d’avoir déjà craint pour leur vie en raison d’une situation de violence conjugale (43 %), alors que celles qui avaient une incapacité liée à la santé mentale ou une incapacité sensorielle n’étaient généralement pas plus susceptibles d’avoir déjà craint pour leur vie en raison d’une situation de violence conjugale (tableau 9)Note .
Cette crainte peut aussi être associée à certaines des formes de violence précises commises contre des personnes ayant une incapacité, lesquelles ont été mentionnées précédemment (Harpur et Douglas, 2014; Healey et autres, 2013; Nosek et autres, 2006). Lorsqu’un conjoint ou un partenaire violent à l’endroit de son conjoint ou de sa partenaire est aussi l’aidant de ce dernier, ces comportements peuvent faire partie de la violence psychologique et physique perpétrée, ou encore, être commis en représailles (Nosek et autres, 2006). Bien qu’ils ne soient pas mesurés dans le cadre de l’ESG, ces types de craintes précis peuvent contribuer à expliquer les niveaux de crainte plus élevés déclarés par les femmes victimes de violence conjugale qui ont une incapacité.
En plus d’être plus susceptibles d’avoir déjà craint pour leur vie, les femmes ayant une incapacité qui ont été victimes de violence conjugale ont indiqué avoir subi au moins trois séquelles psychologiques à long terme dans une proportion de 3 femmes sur 10 (31 %), ce qui peut témoigner de la possible présence d’un trouble de stress post‑traumatique (TSPT) chez celles‑ci (tableau 9 et graphique 9). Cette proportion était environ trois fois plus élevée que celle observée chez les femmes victimes de violence conjugale qui n’avaient pas d’incapacité (11 %E)Note . Parmi les victimes de violence conjugale, la moitié des femmes ayant une incapacité sensorielle ou cognitive (49 %E chaque groupe) ont répondu « oui » à au moins trois questions sur les séquelles psychologiques à long terme utilisées pour évaluer la présence possible d’un TSPT chez les répondants.
Tableau de données du graphique 9
Type d’incapacité | Pourcentage |
---|---|
Aucune incapacitéTableau de Note † | 11Note E: à utiliser avec prudence |
N’importe quelle incapacitéTableau de Note 1 | 31Note * |
Incapacité sensorielleTableau de Note 2 | 49Note E: à utiliser avec prudence Note * |
Incapacité physique | 34Note * |
Incapacité cognitive | 49Note E: à utiliser avec prudence Note * |
Incapacité liée à la santé mentale | 42Note * |
E à utiliser avec prudence
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale. |
Parmi les femmes ayant une incapacité, 7 sur 10 ont communiqué avec des services de soutien officiels à la suite d’un incident de violence conjugale
Comme c’était le cas pour les victimes de violence non conjugale, les victimes de violence conjugale ayant une incapacité étaient plus susceptibles que celles n’ayant pas d’incapacité d’avoir communiqué avec des services de soutien officiels ou de les avoir utilisés à la suite de l’incident. Plus particulièrement, 71 % des femmes ayant une incapacité ont communiqué avec un service d’aide aux victimes quelconque, ou l’ont utilisé, à la suite d’un incident de violence conjugale, soit une proportion bien supérieure à celle observée chez les femmes qui n’avaient pas d’incapacité (44 %) et chez les hommes, qu’ils aient une incapacité ou non (29 %E et 17 %E, respectivement) (tableau 9)Note .
Par contre, le sexe de la victime et la présence d’une incapacité avaient une incidence restreinte sur la probabilité que l’incident de violence soit porté à l’attention de la police. Alors que les femmes ayant une incapacité étaient plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin d’indiquer que la police avait été mise au courant d’au moins un incident violent (38 % par rapport à 23 %E), aucun autre écart attribuable au sexe ou à la présence d’une forme quelconque d’incapacité n’a été relevé à ce chapitre.
Début de l'encadré
Encadré 5
La violence commise par les aidants contre les personnes âgées ayant une incapacité
L’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 sur la victimisation comportait des questions qui visaient à estimer la prévalence de la violence psychologique et de l’exploitation financièreNote à l’égard des Canadiens de 65 ans et plus commises par un enfant, un proche, un ami ou un aidant. Comme la probabilité d’avoir une incapacité s’accroît avec l’âge, de nombreuses personnes âgées peuvent dépendre d’aidants en raison d’une incapacité associée à leur âge ou s’y ajoutant.
Dans l’ensemble, 4 %E des femmes âgées ayant une incapacité et 3 %E des hommes âgés ayant une incapacité ont indiqué avoir fait l’objet d’un incident de violence aux mains d’un aidant, comparativement à 0,9 %E et 0,4 %E de leurs homologues n’ayant pas d’incapacité, respectivement. Cependant, les données de l’ESG ne permettent pas de déterminer le nombre de Canadiens de 65 ans et plus qui dépendaient d’un aidant au moment de l’enquête, que ceux‑ci aient une incapacité ou non.
Les personnes âgées qui ont indiqué avoir une incapacité cognitive ou liée à la santé mentale étaient plus à risque d’être victimes de violence aux mains d’un enfant, d’un proche, d’un ami ou d’un aidant. Parmi les femmes âgées ayant une incapacité cognitive ou liée à la santé mentale, environ 1 sur 10 (9,7 %E et 9,5 %E, respectivement) ont indiqué avoir subi de la violence psychologique ou de l’exploitation financière de la part d’un aidant au cours des cinq années précédant l’enquêteNote .
Fin de l'encadré
Résumé
Le présent article donne un aperçu des expériences de victimisation vécues par les femmes et les hommes du Canada qui ont une incapacité au cours de leur vie, à partir des données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 sur la victimisation.
Bien que l’information saisie par l’ESG constitue un aperçu obtenu à un moment précis et que certaines expériences analysées, comme les mauvais traitements subis pendant l’enfance et l’itinérance, peuvent avoir eu lieu des années ou des décennies auparavant, il importe de souligner que les incidents violents subis par les personnes ayant une incapacité au cours des 12 mois précédant l’enquête équivalaient à près du double de ceux subis par les personnes n’ayant pas d’incapacité. Les taux étaient considérablement plus élevés chez les femmes et les hommes ayant une incapacité cognitive ou une incapacité liée à la santé mentale, ainsi que chez les personnes qui ont dit avoir au moins deux types d’incapacités.
Plus particulièrement, les taux d’agressions sexuelles étaient deux fois plus élevés chez les femmes qui avaient une incapacité, comparativement aux femmes qui n’avaient pas d’incapacité. Par ailleurs, le taux de femmes qui ont dit avoir été agressées sexuellement était plus de quatre fois plus élevé chez celles qui avaient une incapacité liée à la santé mentale ou une incapacité cognitive que chez les femmes sans incapacité.
Les femmes ayant une incapacité au moment de l’enquête étaient considérablement plus susceptibles d’avoir été agressées sexuellement avant l’âge de 15 ans que leurs homologues de sexe masculin, alors que le contraire était vrai dans le cas de la violence physique. Bien que cette tendance soit similaire à celle observée au sein de la population canadienne dans son ensemble, la prévalence des mauvais traitements subis durant l’enfance était beaucoup plus élevée chez les personnes ayant une incapacité : 4 Canadiens ayant une incapacité sur 10 avaient subi de la violence physique ou sexuelle aux mains d’un adulte avant l’âge de 15 ans.
De même, les femmes et les hommes ayant une incapacité étaient deux fois plus susceptibles que leurs homologues n’ayant aucune incapacité d’avoir vécu une situation d’itinérance à un moment ou à un autre de leur vie, et ce, peu importe le type d’itinérance. Lorsqu’on examinait les expériences d’itinérance du point de vue de la définition la plus stricte du concept — le fait d’avoir vécu dans un centre d’hébergement, dans la rue ou dans un immeuble abandonné —, les femmes ayant une incapacité étaient quatre fois plus susceptibles que les femmes sans incapacité d’avoir vécu une situation d’itinérance au cours de leur vie.
Parmi les Canadiens ayant une incapacité, un peu plus de 1 sur 5 a subi de la violence psychologique, physique ou sexuelle ou de l’exploitation financière de la part d’un conjoint ou d’un conjoint de fait actuel ou ancien, et les proportions étaient semblables tant chez les femmes que chez les hommes. Dans les deux cas, la prévalence était de beaucoup supérieure à celle observée chez les femmes et les hommes qui n’avaient pas d’incapacité.
Alors que la prévalence globale de la violence conjugale était comparable entre les femmes et les hommes ayant une incapacité, la gravité et l’incidence de cette forme de violence ne l’étaient pas. En effet, les femmes ayant une incapacité étaient plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin d’avoir subi les formes les plus graves de violence conjugale, soit le fait d’être battu, étranglé, menacé au moyen d’une arme à feu ou d’un couteau ou agressé sexuellement, d’avoir subi des blessures corporelles en raison de l’incident violent, d’avoir craint pour leur vie et d’avoir communiqué avec des services de soutien officiels ou d’avoir eu recours à ces derniers à la suite d’un incident violent.
Étant donné qu’il s’agit d’une enquête transversale, les données de l’ESG n’ont pas permis de déterminer l’ordre temporel ou les répercussions des incapacités et leur interaction avec les mauvais traitements pendant l’enfance, l’itinérance, la victimisation avec violence ou la violence conjugale. Toutefois, les rapports qui existent entre l’incapacité et les expériences de victimisation fournissent des renseignements importants sur la nature et la portée de la victimisation chez les Canadiens ayant une incapacité.
Tableaux de données détaillés
Description de l’enquête
Enquête sociale générale sur la sécurité des Canadiens (victimisation)
En 2014, Statistique Canada a réalisé le sixième cycle de l’Enquête sociale générale (ESG) sur la sécurité des Canadiens (victimisation). Les cycles précédents ont été menés en 1988, 1993, 1999, 2004 et 2009. L’enquête vise à fournir des données sur les expériences personnelles qu’ont les Canadiens relativement à huit types de crimes, à examiner les facteurs de risque liés à la victimisation, à examiner les taux de signalement à la police, à évaluer la nature et l’étendue de la violence conjugale, à mesurer la crainte par rapport à la criminalité et à examiner les perceptions du public à l’égard de la criminalité et du système de justice pénale.
La population cible de l’ESG sur la victimisation est la population canadienne de 15 ans et plus résidant dans les provinces et les territoires. Les Canadiens vivant en établissement ou dans d’autres logements collectifs ne sont pas inclus. Une fois qu’un ménage était choisi et contacté, une personne de 15 ans et plus était sélectionnée au hasard pour participer à l’enquête.
En 2014, la taille de l’échantillon dans les 10 provinces s’établissait à 33 127 répondants, alors que celle des 3 territoires était de 2 040 répondants.
Collecte des données
La collecte des données dans les provinces s’est déroulée de janvier à décembre 2014 inclusivement. Les réponses ont été obtenues par interview téléphonique assistée par ordinateur (ITAO). Dans les territoires, la collecte de données a été menée d’août 2014 à janvier 2015 inclusivement, par ITAO et par interview sur place assistée par ordinateur (IPAO). Les répondants ont pu répondre dans la langue officielle de leur choix.
Taux de réponse
Le taux de réponse global au cycle de 2014 s’est établi à 52,9 % dans les provinces (en baisse par rapport à celui de 61,6 % en 2009) et à 58,7 % dans les territoires (en hausse par rapport à celui de 50,7 % en 2009). Parmi les non‑répondants, certains ont refusé de participer à l’enquête et d’autres ne pouvaient pas être joints ou ne pouvaient parler ni le français ni l’anglais. Les chiffres des répondants de l’échantillon ont été pondérés afin que leurs réponses représentent la population canadienne de 15 ans et plus ne vivant pas en établissement.
Limites des données
Comme c’est le cas pour toutes les enquêtes auprès des ménages, les données comportent des limites. Les résultats reposent sur un échantillon et sont donc sujets à des erreurs d’échantillonnage. Des résultats légèrement différents auraient pu être obtenus si la population entière avait été visée par l’enquête. Dans le présent article, le coefficient de variation (c.v.) est utilisé comme mesure de l’erreur d’échantillonnage. Toute estimation ayant un c.v. élevé (plus de 33,3 %) n’a pas été publiée parce qu’elle était trop peu fiable. Dans ces cas, le symbole « F » est utilisé au lieu d’une estimation dans les graphiques et les tableaux de données. Lorsque le c.v. d’une estimation se situe entre 16,6 et 33,3, il faut se servir de cette dernière avec prudence et le symbole « E » est utilisé. Dans le cas des statistiques descriptives et des analyses par recoupement, des intervalles de confiance de 95 % ont été utilisés pour déterminer si la différence entre les valeurs était statistiquement significative.
La définition d’incapacité utilisée dans les cycles précédents de l’ESG sur la victimisation était conforme à celle utilisée dans le cadre de l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) de 2006, laquelle a été remplacée par l’Enquête canadienne sur l’incapacité. Il n’est pas possible, pour de nombreuses raisons, de comparer les données sur l’incapacité provenant de ces deux sources (veuillez vous reporter à la section 8 du document intitulé Enquête canadienne sur l’incapacité, 2012 : Guide des concepts et méthodes pour de plus amples renseignements). Par conséquent, aucune donnée n’est disponible au sujet des tendances de la victimisation avec violence chez les personnes ayant une incapacité.
Méthodes d’analyse multidimensionnelle
L’influence d’un facteur est indiquée par le rapport de cotes, qui doit être appliqué en fonction de la catégorie de référence. Pour que les résultats soient plus faciles à interpréter, ces régressions modélisent la probabilité d’être victime d’un crime violent. Un rapport de cotes supérieur à 1 indique que la caractéristique augmente la probabilité pour la variable d’intérêt (dans ce cas, être victime d’un crime violent) et un rapport de cotes inférieur à 1 indique que la probabilité diminue. Par exemple, les femmes ayant une incapacité au moment de l’enquête qui ont été agressées sexuellement pendant leur enfance sont 1,8 fois plus susceptibles d’avoir fait l’objet de victimisation avec violence que celles qui n’ont pas été agressées sexuellement pendant leur enfance.
Deux modèles distincts ont été créés pour examiner les caractéristiques importantes qui influent sur la probabilité de victimisation avec violence chez les femmes et les hommes ayant une incapacité. Toutes les variables du tableau 2 ont été prises en compte, sauf l’orientation sexuelle (étant donné que la question à ce sujet n’a pas été posée à tous les répondants). Seules les variables considérées comme significatives dans l’analyse multidimensionnelle ont été conservées dans les modèles finaux figurant dans le présent rapport.
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