De l’arrestation à la déclaration de culpabilité : décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police au Canada, 2009 à 2014

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par Cristine Rotenberg

Date de diffusion : le 26 octobre 2017

Début de l'encadré

Faits saillants

Décisions rendues à l’égard des agressions sexuelles dans le système de justice pénale

  • Au cours de la période de six ans allant de 2009 à 2014, les affaires d’agression sexuelle ont enregistré une attrition à toutes les étapes du système de justice pénale : un auteur présumé a été identifié dans 3 affaires d’agression sexuelle déclarées par la police sur 5 (59 %); moins de la moitié (43 %) des affaires d’agression sexuelle ont donné lieu à une mise en accusation; la moitié (49 %) des affaires ayant donné lieu à une mise en accusation ont été portées devant les tribunaux; un peu plus de la moitié (55 %) des affaires portées devant les tribunaux ont mené à une déclaration de culpabilité; un peu plus de la moitié (56 %) des déclarations de culpabilité ont donné lieu à une peine d’emprisonnementNote .
  • Dans l’ensemble, 1 affaire d’agression sexuelle déclarée par la police sur 5 (21 %) a été réglée par les tribunaux pendant la période de référence de six ans, comparativement à près du double (39 %) pour les voies de fait.
  • Environ 1 agression sexuelle déclarée par la police sur 10 (12 %) a donné lieu à une déclaration de culpabilité et 7 % ont mené à une peine d’emprisonnement, comparativement à 23 % et 8 %, respectivement, pour les voies de fait.
  • Pour 3 accusations d’agression sexuelle recommandées par la police sur 5 (60 %), le type d’infraction a été modifié une fois la cause devant les tribunaux; l’infraction a généralement été modifiée pour un autre type d’infraction sexuelle, des voies de fait ou une infraction contre l’administration de la justice.
  • Comparativement aux affaires de voies de fait, les affaires d’agression sexuelle étaient beaucoup plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice entre la mise en accusation par la police et les tribunaux : les trois quarts (75 %) des affaires de voies de fait ayant donné lieu à une mise en accusation par la police ont été portées devant les tribunaux, mais seulement la moitié (49 %) des affaires d’agression sexuelle.
  • Parmi les causes retenues dans le système de justice, les agressions sexuelles étaient un peu moins susceptibles que les voies de fait de donner lieu à une déclaration de culpabilité (55 % par rapport à 59 %); en cas de déclaration de culpabilité, toutefois, elles étaient beaucoup plus susceptibles de donner lieu à une peine d’emprisonnement (56 % par rapport à 36 %). La faible proportion d’affaires d’agression sexuelle portées devant les tribunaux figurent peut‑être parmi les plus graves ou les plus susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité compte tenu des éléments de preuve disponibles, ce qui pourrait expliquer pourquoi les taux de condamnation sont semblables et les peines plus sévères par rapport aux affaires de voies de fait.

Décisions rendues dans les affaires d’agression sexuelle selon les caractéristiques de l’affaire, de l’auteur présumé et de la victime

  • Plus la période de temps était grande entre l’agression sexuelle et le moment où elle a été signalée à la police, moins il était probable que l’affaire soit portée devant les tribunaux ou qu’elle donne lieu à une déclaration de culpabilité. Alors que plus de la moitié (53 %) des agressions sexuelles signalées à la police le jour même ont donné lieu à une mise en accusation et que les affaires ont été portées devant les tribunaux, seulement 1 affaire sur 5 (19 %) a été portée devant les tribunaux parmi les agressions sexuelles ayant été signalées plus d’une année après le crime. Parmi les causes qui ont été portées devant les tribunaux, les taux de condamnation étaient plus élevés pour les agressions sexuelles signalées à la police le jour même (56 %) que pour celles signalées plus d’une année après le crime (43 %). Des écarts semblables ont été observés pour les voies de fait, ce qui laisse supposer que le signalement tardif peut avoir une incidence sur les décisions rendues, peu importe le type d’infraction.
  • Les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles une arme était présente étaient plus susceptibles, par rapport à celles où aucune arme n’était présente, de donner lieu à une mise en accusation (53 % par rapport à 45 %), d’être portées devant les tribunaux (60 % par rapport à 49 %), de mener à une déclaration de culpabilité (55 % par rapport à 51 %) ou de donner lieu à une peine d’emprisonnement (60 % par rapport à 55 %).
  • Les victimes agressées sexuellement par quelqu’un qu’elles connaissaient étaient beaucoup moins susceptibles que celles victimisées par un étranger de voir leur agresseur être jugé devant les tribunaux après une mise en accusation (47 % par rapport à 64 %). Dans les affaires où l’auteur présumé était un membre de la famille de la victime, le taux d’attrition était nettement plus élevé, seulement 1 affaire ayant donné lieu à une mise en accusation sur 3 (36 %) ayant été portée devant les tribunaux. Cependant, pour la minorité des affaires qui ont été portées devant les tribunaux, les taux de condamnation étaient plus élevés et les peines étaient plus sévères lorsque l’agresseur entretenait un lien avec la victime.
  • Les affaires dans lesquelles les parents étaient accusés d’avoir agressé sexuellement leur enfant figuraient parmi les causes les plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice. Dans l’ensemble, parmi les agressions sexuelles déclarées par la police et mettant en cause des enfants victimisés par un parent, environ 1 sur 10 (13 %) a donné lieu à une déclaration de culpabilité, comparativement à près de trois fois plus (30 %) pour les agressions sexuelles perpétrées à l’endroit d’un enfant par un agresseur qui répondait aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie et qui était un étranger par rapport à la victime. L’écart s’est maintenu même après neutralisation des effets du signalement tardif, qui était plus courant dans les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles un enfant a été victimisé par un membre de la famille.

Fin de l'encadré

L’agression sexuelle est un crime violent sexospécifique et susceptible de donner lieu à des niveaux élevés de sous‑déclaration et de faible rétention dans le système canadien de justice pénaleNote . La majorité des victimes d’agression sexuelle sont de sexe féminin, en particulier des jeunes femmes et des filles (Rotenberg, 2017). Comme l’ont révélé des recherches antérieures, seule une minorité (5 % (à utliser avec prudence)) des agressions sexuelles perpétrées au Canada sont signalées à la police (Conroy et Cotter, 2017), et le faible taux de signalement est semblable à ceux observés dans les autres pays occidentaux (Kaufman, 2008; Welch et Mason, 2007). Près de la moitié des victimes d’agression sexuelle qui n’ont pas signalé le crime à la police ne voulaient pas être embêtées, ne voulaient pas subir de fardeau ou ne pensaient pas que le recours au système de justice donnerait un résultat positifNote  (Conroy et Cotter, 2017).

Parmi les agressions sexuelles signalées à la police, toutefois, combien d’affaires sont portées devant les tribunaux et combien donnent lieu à une déclaration de culpabilité? Selon une analyse des crimes déclarés par la police, de 2009 à 2014, l’agression sexuelle était l’infraction la plus grave dans 117 238 affaires d’agression sexuelle (voir la section « Principaux concepts et définitions »). Une accusation a été déposée par la police dans moins de la moitié (41 %) de ces affaires (Rotenberg, 2017). Pendant la même période, les tribunaux pour adultes et les tribunaux de la jeunesse ont réglé 26 078 causes d’agression sexuelle dans le système canadien de justice pénale, et un peu moins de la moitié (45 %) de ces causes ont donné lieu à un verdict de culpabilitéNote . Ces chiffres des tribunaux ne représentent toutefois pas nécessairement les mêmes personnes contre lesquelles la police a porté une accusation pendant la même période, car les données de la police et celles des tribunaux sont indépendantes les unes des autres, et les affaires peuvent prendre du temps à cheminer au sein du système judiciaire.

Même si les taux de condamnation (pourcentage des causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité devant les tribunaux) et la sévérité des peines sont souvent utilisés comme mesures de la justice pénale, aucune de ces mesures ne tient compte du volume potentiellement important d’affaires jamais portées devant les tribunaux. L’abandon d’affaires avant qu’elles ne soient portées devant les tribunaux peut fournir un contexte essentiel permettant de comprendre comment les affaires d’agression sexuelle sont traitées dans le système de justice pénale. Afin de pallier un tel manque de données, pour la première fois, on utilise dans le présent article de Juristat des données couplées pour déterminer la proportion d’affaires d’agression sexuelle qui sont abandonnées entre la mise en accusation par la police et les tribunaux.

Plus précisément, trois mesures indépendantes, mais reliées, du système de justice sont explorées : la partie 1 porte sur l’attrition des affaires d’agression sexuelle, c’est‑à‑dire l’abandon d’affaires dans le système de justice entre la mise en accusation par la police et les tribunaux; la partie 2 présente les taux de condamnation une fois les affaires portées devant les tribunaux; la partie 3 porte sur la sévérité des peines dans le cas des déclarations de culpabilité, soit le pourcentage des condamnations donnant lieu à une peine d’emprisonnement. Enfin, dans la partie 4, on examine dans quelle mesure certaines caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés peuvent être des facteurs dans les décisions rendues à l’égard des agressions sexuelles. Pour une compilation détaillée des trois mesures selon certaines caractéristiques, se reporter au tableau 1, au tableau 2 et au tableau 3.

Le présent article de Juristat porte sur les décisions rendues dans le système de justice à l’égard des agressions sexuelles, ainsi que des voies de faitNote  lorsque cela est possible, ce qui permet d’établir un point de référence pour l’analyse. Les agressions sexuelles et les voies de fait constituent toutes deux des crimes violents et comprennent chacune trois niveaux de gravité définis dans le Code criminel du Canada et assortis de peines semblables (voir l’encadré 1). Même si les motivations de l’auteur présumé et l’expérience vécue par la victime sont incontestablement distinctes pour ces deux types d’infractions, les voies de fait constituent le type d’infraction le plus pertinent aux fins de comparaison dans le contexte de la présente analyse. Les recherches actuelles sur la justice utilisent les voies de fait comme étalon permettant de comparer les constatations relatives aux agressions sexuelles pour ce qui est du non‑signalement, de l’attrition et des décisions rendues par les tribunaux (Felson et Paré, 2005; Thompson et autres, 2007).

Un article antérieur de Juristat (Rotenberg, 2017) présente la portée des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police au Canada ainsi qu’un profil complet des caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés. Pour l’établissement d’un profil de référence relatif aux affaires d’agression sexuelle déclarées par la police au Canada, la présente étude devrait être examinée en parallèle avec les constatations de l’article antérieur.

Partie 1 : Attrition des affaires d’agression sexuelle dans le système de justice pénale

Partie 2 : Déclarations de culpabilité à l’égard des affaires d’agression sexuelle portées devant les tribunaux

Partie 3 : Peines à l’égard des causes d’agression sexuelle ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité

Partie 4 : Décisions rendues dans les causes d’agression sexuelle selon les caractéristiques de l’affaire, de l’auteur présumé et de la victime

Début de l'encadré

Encadré 1
Définitions des agressions sexuelles selon le niveau

Agression sexuelle (niveau 1) (article 271 du Code criminel du Canada) : Infraction mixte qui criminalise l’agression de nature sexuelle dans laquelle il y a atteinte à l’intégrité sexuelle de la victimeNote . La peine maximale est de 10 ans d’emprisonnement si l’infraction est punissable sur acte d’accusation et de 18 mois d’emprisonnement si l’infraction est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Si la victime est âgée de moins de 16 ans, une peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement s’applique dans les cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation et une peine de 90 jours s’applique dans les cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Les agressions sexuelles de niveau 1 représentaient la grande majorité (98 %) des agressions sexuelles déclarées par la police au Canada de 2009 à 2014 (Rotenberg, 2017).

Agression sexuelle armée ou causant des lésions corporelles (niveau 2) (article 272) : Infraction punissable par mise en accusation qui criminalise l’agression sexuelle dans laquelle il y a usage d’une arme, des menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles. La peine maximale est de 14 ans d’emprisonnement, et des peines minimales obligatoires s’appliquent, dont une peine minimale obligatoire de 5 ans d’emprisonnement dans les cas où la victime est âgée de moins de 16 ans. Les agressions sexuelles de niveau 2 représentaient environ 2 % des agressions sexuelles déclarées par la police au Canada de 2009 à 2014 (Rotenberg, 2017).

Agression sexuelle grave (niveau 3) (article 273) : Infraction punissable par mise en accusation qui criminalise l’agression sexuelle dans laquelle la victime est blessée, mutilée ou défigurée, ou sa vie est mise en danger. La peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité. Des peines minimales obligatoires s’appliquent, dont une peine minimale obligatoire de 5 ans d’emprisonnement dans les cas où la victime est âgée de moins de 16 ans. Les agressions sexuelles de niveau 3 représentaient moins de 1 % des agressions sexuelles déclarées par la police au Canada de 2009 à 2014 (Rotenberg, 2017).

Fin de l'encadré

Partie 1 : Attrition des affaires d’agression sexuelle dans le système de justice pénale

Pour la plupart des crimes commis au Canada, le nombre d’auteurs présumés est généralement beaucoup plus élevé que le nombre de personnes reconnues coupables et condamnées à une peine pour leur crime. Dans le cadre d’un tel phénomène, appelé « attrition », les personnes qui commettent un crime voient leur affaire abandonnée dans le système de justice pénale, à diverses étapes, et pour divers motifs (Fitzgerald, 2006; Johnson, 2012; Lievore, 2003). L’attrition se produit en grande partie dès le début, lorsque le crime n’est pas signalé — c’est‑à‑dire lorsqu’un crime est commis mais qu’il n’est pas signalé à la police — et n’est donc jamais traité dans le système de justice pénale. L’attrition attribuable au non‑signalement est plus élevée pour les agressions sexuelles que pour tout autre crime violent, seulement 5 % (à utiliser avec prudence) d’entre elles étant signalées à la police, selon les estimations (Conroy et Cotter, 2017). Les raisons invoquées pour ne pas avoir signalé une agression sexuelle à la police peuvent aller de la perception selon laquelle le crime n’était pas suffisamment important pour que la victime prenne le temps de le signaler jusqu’au découragement éprouvé envers le processus du système de justice pénale (voir Conroy et Cotter, 2017).

Une fois portées à l’attention de la police, les affaires peuvent être jugées « fondées » si, après enquête, il est déterminé qu’une infraction à la loi a été commise. Ces affaires, considérées comme étant des « crimes déclarés par la police » dans la présente analyse, excluent les affaires que la police juge « non fondées » (voir l’encadré 2).

L’attrition se produit également à l’étape de la mise en accusation; lorsque la police juge qu’un crime est fondé, l’auteur présumé peut être inculpé, l’affaire peut être classée sans mise en accusation ou l’affaire peut ne pas être classée (puisqu’aucun auteur présumé n’a été identifié en lien avec l’affaire). Après le dépôt d’une accusation, l’affaire peut être portée devant les tribunaux aux fins d’une décision sur la culpabilité de l’auteur présumé. La présente étude traite de l’attrition des affaires abandonnées entre la mise en accusation par la police et les tribunaux, car il s’agit d’un domaine où il persistait des lacunes dans les données en matière de justice. Dans ce rapport, les affaires criminelles qui ont donné lieu à une mise en accusation, mais qui n’ont pas été portées devant les tribunaux, sont considérées comme ayant été abandonnées dans le système de justice pénale, bien que leur abandon ne signifie pas nécessairement qu’une décision négative du système de justice ait été rendue à leur égard (voir l’encadré 3).

Dans le présent rapport, l'expression « portées devant les tribunaux » désigne, en termes simples, les affaires criminelles déclarées par la police au cours de la période allant de 2009 à 2014 et ayant donné lieu à une mise en accusation et au règlement de la cause par les tribunaux (c.‑à‑d. qu’un verdict a été rendu) de 2009‑2010 à 2014‑2015. En raison de l’indisponibilité des données, les causes qui ont été portées devant les cours supérieures de certaines provinces ne sont pas comptées dans les causes portées devant les tribunaux. Selon les estimations, ces causes représentent au plus 2 % des agressions sexuelles et moins de 1 % des voies de fait. De plus, les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police pendant les dernières années de l’étude (p. ex. en 2013 et en 2014) doivent avoir été portées devant les tribunaux et avoir été réglées avant la fin de 2014‑2015 pour pouvoir être comptées parmi les causes ayant été portées devant les tribunaux. Les causes qui étaient toujours en cours à la fin de 2014‑2015 ne seraient pas comptées parmi les causes ayant été portées devant les tribunaux, puisqu’elles n’avaient pas encore été réglées. Les critères pour qu’une cause ait « été portée devant les tribunaux » sont assez élevés : le processus judiciaire doit avoir été complété et une décision finale doit avoir été rendue pendant la période de référence. De tels critères excluraient un auteur présumé dont la cause a été portée devant les tribunaux pendant une brève période sans avoir été réglée en bonne et due forme, comme dans le cas d’une décision temporaire rendue à la suite d’une enquête préliminaire. Pour en savoir davantage sur les affaires qui ont été couplées ainsi que sur les limites établies, consulter la section « Méthodologie : Couplage d’enregistrements » à la fin du présent rapport.

Début de l'encadré

Encadré 2
Affaires d’agression sexuelle non fondées

Dans le présent article, les données sur les agressions sexuelles déclarées par la police représentent les affaires criminelles déclarées par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) après que l’enquête policière a permis de déterminer qu’il y a eu violation de la loi. Ces données excluent les incidents signalés à la police pour lesquels l’affaire a été jugée « non fondée ». Une affaire est classée comme étant non fondée s’il est déterminé, après enquête policière, que l’infraction signalée ne s’est pas produite et qu’il n’y a pas eu tentative de commettre l’infraction. Au moment de la rédaction du présent rapport (2017), Statistique Canada ne recueille aucun renseignement sur les affaires non fondées dans le cadre du Programme DUC depuis 2006; par conséquent, les affaires d’agression sexuelle jugées non fondées ne sont pas reflétées dans le présent article. Statistique Canada avait commencé à recueillir des données sur les affaires non fondées en 1962, lors de la mise en œuvre du Programme DUC. Au fil du temps, le manque d’uniformité des déclarations a nui à la qualité des données. Un examen mené en 2006 a révélé que la déclaration des affaires non fondées était incomplète, et Statistique Canada a cessé de publier ces renseignements (Statistique Canada, 2017).

En avril 2017, le Comité des informations et statistiques policières (CISP) de l’Association canadienne des chefs de police a recommandé que Statistique Canada reprenne la collecte, l’analyse et la diffusion de données sur les affaires classées comme étant non fondées, y compris les agressions sexuelles (Association canadienne des chefs de police, 2017; ministère de la Justice du Canada, 2017). Le CISP a également recommandé que les services de police adoptent une méthode commune de classification et de déclaration des affaires non fondées. Par conséquent, Statistique Canada fournira des normes et des lignes directrices aux services de police afin que les affaires non fondées soient déclarées de façon normalisée au Programme DUC. Ces changements seront mis en œuvre graduellement au fil du temps.

En juillet 2018, Statistique Canada publiera le premier ensemble de résultats sur les affaires non fondées, y compris les agressions sexuelles, pour 2017.

Fin de l'encadré

Quatre affaires d’agression sexuelle déclarées par la police sur cinq ne sont pas portées devant les tribunaux

Le taux d’attritionNote , défini en termes généraux comme étant la proportion d’affaires criminelles abandonnées aux diverses étapes du système de justice pénale, demeure plus élevé pour les agressions sexuelles que pour les voies de fait à toutes les étapes du système de justice, sauf pour les peines d’emprisonnement. La plupart (79 %) des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police (qu’un auteur présumé ait été identifié ou non et qu’une accusation ait été portée ou non) n’ont pas été portées devant les tribunaux pendant la période de référence de six ansNote . Ainsi, sur cinq agressions sexuelles déclarées par la police, une seule affaire a été portée devant les tribunaux et quatre ne l’ont pas été. Par comparaison, 2 affaires de voies de fait sur 5 ont été portées devant les tribunaux (taux d’attrition de 61 %). La figure 1 présente, pour chaque tranche de 1 000 affaires, le portrait complet de l’attrition pour les agressions sexuelles et les voies de fait, ce qui illustre plus clairement les différences entre les deux types de crimes au chapitre de l’attritionNote . Les déclarations de culpabilité et les peines sont abordées en détail à la partie 2 et à la partie 3 du présent article.

Figure 1 Attrition des affaires criminelles déclarées par la police et portées devant les tribunaux, comparaison entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait, pour chaque tranche de 1 000 affaires, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du figure 1
Tableau de données du figure 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du figure 1 Pour 1 000 affaires d’agression sexuelle déclarées par la police et Pour 1 000 affaires de voies de fait déclarées par la police
(figurant comme en‑tête de colonne).
Pour 1 000 affairesTableau de Note 1 d’agression sexuelle déclarées par la police Pour 1 000 affairesTableau de Note 1 de voies de fait déclarées par la police
Incidents signalés à la police, mais aucune mise en accusationTableau de Note 2 567 489
Mise en accusation, affaires non portées devant les tribunauxTableau de Note 3 221 126
Affaires portées devant les tribunaux, mais aucune déclaration de culpabilitéTableau de Note 4 95 159
Déclaration de culpabilité, mais aucune peine d’emprisonnementTableau de Note 5 52 144
Déclaration de culpabilité, et peine d’emprisonnementTableau de Note 6 65 82

Il convient de noter qu’à l’étape de l’enquête policière, il était moins probable qu’un auteur présumé soit identifié dans les affaires d’agression sexuelle que dans celles des voies de fait (59 % par rapport à 75 %)Note . Toutefois, parmi les affaires où l’on a identifié un auteur présumé contre qui des accusations pourraient être portées, une proportion plus élevée d’agressions sexuelles a donné lieu à une mise en accusation, comparativement aux affaires de voies de fait (74 % par rapport à 68 %).

En ce qui a trait au cheminement des affaires au sein du système de justice, la proportion des affaires ayant donné lieu à une mise en accusation mais n’ayant pas été portées devant les tribunaux représente un écart marqué entre les agressions sexuelles et les voies de fait (graphique 1). La moitié (51 %) des affaires d’agression sexuelle qui ont donné lieu à une mise en accusation n’ont pas été portées devant les tribunaux ni réglées par eux pendant la période de référence de six ans, comparativement à seulement 1 affaire de voies de fait sur 4 (25 %). Cela laisse supposer que, par rapport aux voies de fait, les affaires d’agression sexuelle sont plus susceptibles d’être abandonnées entre la mise en accusation par la police et les tribunaux. Cela dit, un certain nombre de motifs expliquent pourquoi certaines affaires criminelles ne sont peut‑être pas portées devant les tribunaux après qu’une accusation a été portée par la police. Ces motifs sont explorés à l’encadré 3.

Graphique 1 Attrition : écarts entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait, selon l’étape du système de justice pénale, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 1
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1. Les données sont présentées selon Étape du système de justice pénale
(titres de rangée) et Affaires d’agression sexuelle et Affaires de voies de fait, calculées selon taux d’attrition unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Étape du système de justice pénale
Affaires d’agression sexuelle Affaires de voies de fait
taux d’attritionTableau de Note 1
Affaire déclarée par la police, mais aucune mise en accusationTableau de Note 2 57 49
Mise en accusation par la police, mais affaire non portée devant les tribunauxTableau de Note 3 51 25
Affaire portée devant les tribunaux, mais aucune déclaration de culpabilitéTableau de Note 4 45 41
Déclaration de culpabilité, mais peine autre qu’une peine d’emprisonnementTableau de Note 5 44 64

Début de l'encadré

Encadré 3
Motifs expliquant pourquoi certaines affaires criminelles ne sont peut‑être pas portées devant les tribunaux

Comme il a été mentionné précédemment, plusieurs affaires criminelles ne sont pas portées devant les tribunaux, puisqu’aucun auteur présumé n’a été identifié en lien avec l’acte criminel. De plus, dans les cas où un auteur présumé a été identifié, des accusations ne sont pas toujours portées. Cette situation a pu se produire lorsque les preuves n’étaient pas suffisantes pour déposer une accusation, ou lorsque l’auteur présumé était un jeune et qu’on a peut‑être eu recours à des mesures de rechange (voir l’encadré 5).

Lorsque la police porte une accusation, plusieurs autres motifs expliquent pourquoi une affaire criminelle n’est pas portée devant les tribunaux, et il ne s’agit pas nécessairement d’une décision négative ou d’un échec du système de justice. Il arrive que des affaires criminelles ne sont pas portées devant les tribunaux parce que la victime tient à une solution de rechange au processus judiciaire, comme des options en matière de justice réparatrice pour la réconciliation, ou d’autres mesures que les parties peuvent juger plus convenables compte tenu des circonstances (Cormier, 2002; Daly, 2006). Les programmes de déjudiciarisation préalables à l’inculpation peuvent aussi réduire le nombre et les types d’affaires portées devant les tribunaux, particulièrement dans le cas des jeunes contrevenants (voir l’encadré 5). Les victimes peuvent refuser que des accusations soient portées contre l’auteur présumé à l’étape de l’enquête policière ou, si l’affaire est portée devant les tribunaux, les victimes peuvent demander que la Couronne retire les accusations ou décider qu’elles ne désirent plus participer au procès, ce qui peut entraîner l’abandon de l’accusation si le témoignage de la victime est la principale source de preuve (Spohn et autres, 2001).

Une affaire criminelle ayant donné lieu à une mise en accusation peut aussi ne pas être portée devant les tribunaux parce que la Couronne peut décider que les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer si un auteur présumé est coupable. Par exemple, dans les provinces où la Couronne est responsable du dépôt des chefs d’accusation au criminel, la police peut recommander une mise en accusation, mais la Couronne peut refuser en raison de l’absence d’une preuve suffisante permettant d’obtenir une déclaration de culpabilité devant les tribunaux canadiens — c'est‑à‑dire que la preuve doit être suffisante pour que l’auteur présumé soit reconnu coupable hors de tout doute raisonnable. Si la Couronne ne voit pas la possibilité d’une telle condamnation, elle peut choisir de refuser la mise en accusation (Lonsway et Archaumbault, 2012). Pour les affaires présentant de faibles possibilités de déclaration de culpabilité, le même type de filtrage peut se produire au niveau de la police dans les provinces où la police est responsable du dépôt des chefs d’accusationNote . Un tel phénomène n'est pas unique au Canada; à l’échelle internationale, les procureurs ont tendance à limiter le dépôt d’accusations d’agression sexuelle aux affaires qui semblent présenter les meilleures possibilités de déclaration de culpabilité (Hohl et Stanko, 2015; Lievore, 2003; O’Neal et autres, 2015).

Le filtrage avant et après l’inculpation peut aussi permettre, avant que les affaires ne soient portées devant les tribunaux, de filtrer les affaires pour lesquelles la police a recommandé une mise en accusation. Dans le cas d’un examen préalable à l’inculpation, c'est généralement la Couronne qui examine l’accusation recommandée par la police afin de déterminer si elle est susceptible de donner lieu à une condamnation (Service des poursuites pénales du Canada, 2014). La Couronne peut alors modifier le type d’infraction devant faire l’objet de la mise en accusation, souvent pour une infraction moins grave, afin d’augmenter les possibilités d’obtenir une déclaration de culpabilité. L’examen préalable à l’inculpation est effectué à la discrétion de la Couronne en Colombie‑Britannique, au Québec et au Nouveau‑Brunswick. Dans les provinces sans processus d’examen préalable, la police n’a pas besoin de l’approbation de la Couronne pour accuser quelqu’un d’un crime. De plus, l’examen après inculpation est un processus continu dans le cadre duquel de nouveaux renseignements ou de nouveaux éléments de preuve peuvent augmenter, ou réduire, les probabilités pour la Couronne d’obtenir une déclaration de culpabilité. Il peut alors être décidé de ne pas poursuivre une accusation donnée.

Enfin, le fait que certaines accusations ne semblent pas avoir été portées devant les tribunaux peut être attribuable aux données incomplètes des tribunaux, à des problèmes méthodologiques d’ordre général survenus pendant le couplage des enregistrements, ou aux limites de la période de référence imposée qui font en sorte que les affaires réglées après 2014‑2015 ne seraient pas comptées. Pour en savoir davantage sur le couplage des enregistrements et sur ses limites, se reporter à la section « Méthodologie : Couplage d’enregistrements » à la fin du présent rapport.

Fin de l'encadré

Une autre façon d’examiner les décisions rendues dans les affaires d’agression sexuelle est d’étudier les affaires retenues dans le système. La rétention est essentiellement le contraire de l’attrition, et elle représente les affaires qui ont suivi les étapes du processus de justice pénale. La figure 2 présente en cascade les chiffres sur la rétention des affaires d’agression sexuelle et de voies de fait déclarées par la police, à chaque étape du système de justice pénale.

Figure 2 Rétention des affaires criminelles dans le système de justice pénale, comparaison entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du figure 2
Figure 2
Rétention des affaires criminelles dans le système de justice pénale, comparaison entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait, Canada, 2009 à 2014
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Rétention des affaires criminelles dans le système de justice pénale Affaires d’agression sexuelle et Affaires de voies de fait, calculées selon nombre et pourcentage unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Affaires d’agression sexuelle Affaires de voies de fait
nombre pourcentage nombre pourcentage
Affaires déclarée par la police au CanadaFigure 2 Note 1 93 501 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 885 847 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Affaires ayant donné lieu à une mise en accusationFigure 2 Note 2 40 490 43 452 745 51
Affaires portées devant les tribunauxFigure 2 Note 3 19 806 49 341 101 75
Causes réglées par les tribunauxFigure 2 Note 4 15 804 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 310 349 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Verdicts de culpabilitéFigure 2 Note 5 8 742 55 182 056 59
Causes visant des adultes ayant donné lieu à une peine d’emprisonnementFigure 2 Note 6 3 846 56 57 955 36

De 2009 à 2014, la police a déclaré 117 238 affaires d’agression sexuelle au Canada dans lesquelles l’agression sexuelle était l’infraction la plus grave. Après élimination des affaires qui ne pouvaient pas être couplées à des enregistrements des tribunaux pour des raisons d’ordre méthodologique (voir la section « Méthodologie : Couplage d’enregistrements »), il restait 93 501 affaires d’agression sexuelle. Un auteur présumé a été identifié dans un peu plus de 55 000 (59 %) de ces affaires, et 3 affaires sur 4 (74 %) ont donné lieu à une mise en accusation. Autrement dit, un auteur présumé n’a pas été inculpé dans 1 affaire sur 4 (26 %) dans laquelle il avait été identifié par la police. Dans l’ensemble, cela signifie que moins de la moitié (43 %Note ) des affaires d’agression sexuelle ont donné lieu au dépôt d’une accusation au criminel, dont la moitié (49 %) ont été portées devant les tribunaux. Parmi les quelque 15 000 causes portées devant les tribunaux dans lesquelles une accusation d’agression sexuelle a été retenueNote , un peu plus de la moitié (55 %) ont donné lieu à une déclaration de culpabilité, et un peu plus de la moitié (56 %) de ces dernières causes ont donné lieu à une peine d’emprisonnement. Il faut cependant souligner que le fait qu’une affaire soit portée devant les tribunaux après le dépôt d’une accusation d’agression sexuelle par la police ne signifie pas nécessairement que les accusations sur lesquelles les tribunaux se sont penchés étaient précisément des accusations d’agression sexuelle. Les modifications apportées aux accusations au criminel entre la mise en accusation par la police et les tribunaux sont abordées dans la prochaine section.

Trois accusations d’agression sexuelle recommandées par la police sur cinq ont été modifiées pour un autre type d’infraction une fois l’affaire devant les tribunaux

Lors de l’instruction d’une cause par les tribunaux, il est courant que le type d’infraction soit modifié par rapport à l’infraction ayant fait l’objet de la mise en accusation initiale par la police. Une telle modification peut résulter, entre autres raisons d’ordre administratif, judiciaire ou procédural, de la négociation de plaidoyer ou de l’instruction de l’affaire par un tribunal d’une province ou d’un territoire sans processus d’examen préalable à l’inculpation (voir l’encadré 3). Dans la présente étude, les analyses sur l’attrition et les déclarations de culpabilité comprennent les affaires d’agression sexuelle et de voies de fait, peu importe que l’accusation initiale portée par la police ait été modifiée pour un autre type d’infraction une fois l’affaire devant les tribunaux. Un bref aperçu présenté ci‑après permet toutefois de mieux expliquer le contexte des modifications apportées aux chefs d’accusation.

Parmi les affaires d’agression sexuelle qui ont donné lieu à une mise en accusation par la police et qui ont été portées devant les tribunauxNote , 2 accusations d’agression sexuelle traitées par les tribunaux sur 5 (40 %) sont demeurées les mêmes. Les autres accusations d’agression sexuelle portées par la police, 3 sur 5 (60 %), ont été modifiées pour un autre type d’infraction avant que la cause ne soit réglée par les tribunaux. Pour ce qui est des accusations de voies de fait, moins de la moitié ont été modifiées (45 %) une fois l’affaire devant les tribunaux.

Près du tiers (29 %) des accusations d’agression sexuelle qui ont été modifiées une fois l’affaire devant les tribunaux ont été modifiées pour une autre infraction sexuelleNote . La plupart des modifications touchaient précisément des infractions visant des victimes qui n’avaient pas l’âge du consentement à des activités sexuelles, comme les contacts sexuels avec une personne de moins de 16 ans (qui représentaient 60 % des accusations modifiées pour une autre infraction sexuelle), l’incitation à des contacts sexuels avec une personne de moins de 16 ans (15 %) et l’exploitation sexuelle d’une jeune personne lorsque l’auteur présumé se trouvait en situation de confiance ou d’autorité (10 %).

Le quart (25 %) des accusations d’agression sexuelle qui ont été modifiées une fois l’affaire devant les tribunaux sont devenues des accusations de voies de fait, dont la majorité (84 %) portaient sur des voies de fait de niveau 1. La stigmatisation sociale liée aux déclarations de culpabilité dans des affaires d’agression sexuelle ainsi que l’application obligatoire de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (Davies, 2017) peuvent jouer un rôle dans la décision de modifier une accusation d’agression sexuelle au profit d’une accusation de nature non sexuelle une fois l’affaire devant les tribunaux, comme des voies de fait. Enfin, environ 1 accusation d’agression sexuelle sur 5 (19 %) a été modifiée pour une accusation visant une infraction contre l’administration de la justiceNote , généralement des infractions relatives au défaut de se conformer aux conditions d’une ordonnance (52 %) et au manquement aux conditions de la probation (41 %).

Par comparaison, parmi les accusations de voies de fait qui ont été modifiées entre la mise en accusation par la police et les tribunaux, plus du tiers (39 %) ont été modifiées pour des accusations visant une infraction contre l’administration de la justice, 1 sur 5 (20 %) pour des accusations de menaces, de harcèlement criminel ou d’autres crimes contre la personne, et 14 % pour des accusations de méfait ou liées au fait d’avoir troublé la paix. Les accusations portant sur des infractions contre l’administration de la justice donnent généralement lieu à des taux élevés de condamnation, soit 3 verdicts de culpabilité sur 4 causes (Burczycka et Munch, 2015). Par conséquent, cela explique peut‑être en partie pourquoi les accusations d’agression sexuelle ou de voies de fait sont modifiées pour des infractions contre l’administration de la justice lorsque la Couronne cherche un chef d’accusation qui présente la plus forte probabilité de déclaration de culpabilité.

Il est important de souligner que, lorsqu’une affaire criminelle donne lieu à une mise en accusation par la police, les autres infractions qui peuvent être associées à l’affaire n’ont pas nécessairement toutes donné lieu à une mise en accusation (voir « Infraction la plus grave dans une cause » dans la section intitulée « Principaux concepts et définitions »). Dans plus de la moitié (55 %) des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police qui ont été portées devant les tribunaux, au moins une autre infraction figurait au dossier de l’affaire en plus de l’agression sexuelle. Parmi les infractions secondaires les plus fréquentes figuraient les autres infractions sexuelles (43 %) (p. ex. les contacts sexuels, l’exploitation sexuelle), les voies de fait (31 %), les infractions contre l’administration de la justice (19 %), et les autres crimes violents qui étaient considérés moins graves que l’agression sexuelleNote  (17 %). Les renseignements sur les infractions secondaires précisent le contexte d’une affaire et laissent supposer que la plupart des accusations d’agression sexuelle qui ont été modifiées une fois l’affaire devant les tribunaux ont en réalité été modifiées pour une infraction qui figurait déjà au dossier initial de la police comme infraction secondaire. Autrement dit, le nouveau chef d’accusation ne portait pas vraiment sur une infraction criminelle sans lien avec l’affaire, mais plutôt sur une infraction commise parallèlement à l’agression sexuelle mais qui n’était pas l’infraction la plus grave ayant initialement donné lieu à une mise en accusation par la police. Il s’agissait en quelque sorte d’une reclassification.

Une modification du type d’accusation peut aussi résulter d’une négociation de plaidoyer. Au lieu de plaider coupable à l’accusation, l’auteur présumé peut se voir offrir par la Couronne une négociation de plaidoyer — en quelque sorte un compromis judiciaire —, dans le cadre de laquelle il accepte la responsabilité d’une ou de plusieurs infractions précises. La défense et la Couronne ne débattent pas de la culpabilité de l’auteur présumé, mais choisissent plutôt de s’entendre sur les faits admis par l’auteur présumé, qui reçoit alors une peine pour les accusations auxquelles il a plaidé coupable. L’auteur présumé plaide parfois coupable à toutes les accusations déposées, mais il n’est pas rare qu'il enregistre un plaidoyer de culpabilité pour certaines des accusations seulement, ou pour des accusations moins graves, selon les circonstances (p. ex. lorsque des accusations se recoupent). Même dans les causes réglées par négociation de plaidoyer, le juge conserve le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine plus sévère ou moins sévère que celle proposée par la Couronne ou par la défense, ou les deux.

Les chiffres fournis dans la présente section portent sur les modifications apportées aux types d’infractions ayant fait l’objet d’une mise en accusation. Il faut toutefois tenir compte également des décisions rendues par les tribunaux au niveau de la cause. Comme l’auteur présumé peut être accusé de multiples infractions différentes dans le cadre d’une même cause, les décisions judiciaires tiennent généralement compte du portrait complet de toutes les accusations et non pas d’une seule accusation. Les causes d’agression sexuelle portées devant les tribunaux comportaient en moyenne 13 chefs d’accusation au criminel, tandis que les causes de voies de fait en comportaient 9 en moyenne. La plupart (84 %) des affaires portées devant les tribunaux et couplées à des agressions sexuelles comportaient au moins une accusation précise d’agression sexuelle, même s’il ne s’agissait pas de l’infraction qui a donné lieu au verdict de culpabilité. Le chiffre correspondant pour les voies de fait était de 96 %. Dans l’ensemble, les constatations laissent supposer que, même si une accusation d’agression sexuelle initialement déposée par la police est souvent modifiée pour un autre type d’accusation avant que l’affaire ne soit réglée par les tribunaux, dans la majorité des cas, au moins une accusation d’agression sexuelle est retenue dans la cause portée devant les tribunaux, même s’il ne s’agit pas de l’accusation qui a donné lieu au verdict de culpabilité.

Partie 2 : Déclarations de culpabilité à l’égard des affaires d’agression sexuelle portées devant les tribunaux

Une fois qu’une accusation au criminel est acceptée par la Couronne et que l’affaire est entendue par les tribunaux, l’auteur présumé peut être condamné (c.‑à‑d. déclaré coupable), acquitté, ou la cause peut donner lieu à un arrêt des procédures, un retrait, un rejet des accusations ou une absolution. Comme les décisions rendues par les tribunaux ont été dérivées des affaires déclarées par la police dans la présente étude, au moment d’interpréter les résultats, il faut tenir compte des difficultés d’ordre méthodologique liées à l’utilisation de données couplées.

Les données de la police et celles des tribunaux constituent deux sources distinctes d’information, qui comptent les enregistrements de façon différente. Une affaire déclarée par la police ne correspond pas nécessairement à une accusation portée devant les tribunaux ni à une affaire portée devant les tribunaux — il ne s’agit pas d’une correspondance un à un. Par exemple, des affaires multiples déclarées par la police peuvent donner lieu à une même cause devant les tribunaux; une seule cause portée devant les tribunaux peut comporter de nombreuses accusations différentes au criminel (dont certaines ne sont peut‑être pas liées à l’affaire d’agression sexuelle déclarée par la police utilisée dans la présente analyse); une personne peut être visée par plus d’une cause portée devant les tribunaux; la Couronne ou la police peut déposer de nouvelles accusations une fois le jugement de l’affaire commencé; comme il est possible que le type d’infraction soit modifié entre la mise en accusation par la police et l’instruction par les tribunaux, les accusations dont le tribunal est saisi ne visent pas nécessairement toute l’infraction ou toutes les infractions ayant donné lieu à la mise en accusation initiale par la police. Les constatations sur l’attrition présentées jusqu’à maintenant reposent sur les affaires déclarées par la police comme unité de dénombrement; la mesure des déclarations de culpabilité nécessite toutefois l’analyse des données couplées selon les causes portées devant les tribunaux.

Afin de faciliter la lecture, on utilise dans le présent rapport les termes « causes d’agression sexuelle » lorsqu’on analyse les déclarations de culpabilité. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’une cause portée devant les tribunaux a donné lieu à une déclaration de culpabilité précisément pour l’accusation d’agression sexuelle; une déclaration de culpabilité correspond plutôt à l’infraction la plus grave que comporte la cause, qui dépend de l’accusation donnant lieu à la décision la plus sévère (p. ex. déclaration de culpabilité). Cela signifie que la déclaration de culpabilité peut avoir été prononcée pour une infraction autre que l’agression sexuelle. Étant donné la complexité liée à l’utilisation de données couplées tirées de deux sources différentes, de telles précisions sont importantes. Toutes les données sur les déclarations de culpabilité présentées d’ici la fin de la présente analyse portent sur l’infraction la plus grave que comporte une cause dans laquelle a été retenue au moins une accusation d’agression sexuelle figurant dans la cause qui avait été couplée avec une affaire d’agression sexuelle déclarée par la police pendant la période de référence de six ans.

Pour en savoir davantage sur la méthodologie utilisée pour l’analyse des données des tribunaux, voir l’encadré 4.

Début de l'encadré

Encadré 4
Considérations sur l’analyse des décisions des tribunaux au moyen de données couplées

De façon générale, les décisions rendues par les tribunaux à l’égard des agressions sexuelles et déclarées dans l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) sont déterminées au moyen de « l’infraction la plus grave dans la cause »Note  lorsque l’agression sexuelle est l’infraction la plus grave dans la cause judiciaire (voir Maxwell, 2017). Les données de l’EITJC sont indépendantes des enregistrements de la police et, contrairement aux données couplées, elles ne permettent pas de démontrer que de nombreuses affaires d’agression sexuelle déclarées par la police deviennent des causes portant sur des infractions autres que des agressions sexuelles une fois devant les tribunaux. Ces affaires d’agression sexuelle sont conservées afin que la présente étude puisse présenter un portrait complet des décisions rendues par les tribunaux couvrant toutes les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police. Cela dit, l’analyse de décisions des tribunaux portant sur des accusations non liées à des agressions sexuelles n’est peut‑être pas entièrement ni véritablement représentative des décisions des tribunaux à l’égard des agressions sexuelles, car les décisions des tribunaux porteraient sur diverses autres infractions, dont certaines sont peut‑être moins graves (p. ex. des infractions contre l’administration de la justice). Un compromis entre les deux options a donc permis d’obtenir l’analyse la plus pertinente et la plus utile sur ce qui arrive aux affaires d’agression sexuelle déclarées par la police une fois devant les tribunaux : l’analyse des décisions des tribunaux à l’égard des affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une accusation et ayant été couplées à une cause judiciaire dans laquelle au moins une accusation d’agression sexuelle a été retenue, peu importe s’il s’agissait ou non de l’infraction la plus grave que comportait la cause. Le couplage touche 84 % des causes judiciaires pour les agressions sexuelles et 96 % pour les voies de fait.

Même si toutes les causes analysées dans la présente analyse comportent une accusation d’agression sexuelle, cela ne veut pas dire que les accusés déclarés coupables l’ont été expressément pour l’accusation d’agression sexuelle. Les déclarations de culpabilité représentent un verdict de culpabilité pour l’infraction la plus grave que comporte la cause, qui est déterminée selon les critères suivants : 1) l’accusation donnant lieu à la décision la plus sévère (p. ex. la déclaration de culpabilité serait la décision la plus sévère possible); ensuite 2) la gravité du type d’infraction déterminée en fonction de la peine imposée et de la durée de la peine (p. ex. la durée des peines d’emprisonnement moyennes). Autrement dit, les causes ne comportaient pas toutes une accusation d’agression sexuelle qui représentait l’infraction la plus grave : dans un peu plus de la moitié (52 %) des causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité, l’accusé a été reconnu coupable expressément d’une agression sexuelle qui était l’infraction la plus grave que comportait la cause. Dans l’autre moitié (48 %), l’accusé a été reconnu coupable d’une autre infraction, même si la cause comportait également une accusation d’agression sexuelle.

Enfin, pour que la présentation et l’interprétation des constatations soient davantage simplifiées, les données sur les décisions rendues par les tribunaux sont présentées comme étant des « déclarations de culpabilité » ou des « causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité » et non pas selon les termes habituels de l’EITJC (« causes se soldant par un verdict de culpabilité » ou « verdicts de culpabilité »). Techniquement, c'est une personne qui peut être condamnée ou déclarée coupable, et une cause devant les tribunaux qui peut donner lieu à un verdict de culpabilité.

Comparabilité avec les données courantes des tribunaux

Comme la présente étude fait appel à de nouvelles données couplées ainsi qu’à une méthode différente de mesure des décisions rendues par les tribunaux, les taux de condamnation présentés dans cet article pour les agressions sexuelles ne correspondent pas aux chiffres de l’EITJC déjà publiés pour la même période. À titre indicatif, de 2009‑2010 à 2014‑2015, selon les données de l’EITJC, les accusés ont été déclarés coupables d’une agression sexuelle qui était l’infraction la plus grave dans un peu moins de la moitié (45 %) des causes (tribunaux pour adultes et tribunaux de la jeunesse), comparativement à la moitié (51 %) des causes de voies de fait. Ces chiffres diffèrent des constatations de la présente étude (55 % et 59 %), mais les écarts entre les agressions sexuelles et les voies de fait sont semblables.

Pour en savoir davantage sur les considérations d’ordre analytique et méthodologique, consulter la section « Approche analytique : Décisions rendues par les tribunaux » à la fin du présent rapport.

Fin de l'encadré

Un peu plus de la moitié des causes d’agression sexuelle ont donné lieu à un verdict de culpabilité

Parmi les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police qui ont été portées devant les tribunaux pour adultes ou les tribunaux de la jeunesse pendant la période de référence de six ans et qui ont été réglées dans le cadre d’une cause comportant au moins une accusation d’agression sexuelle (voir l’encadré 4), un peu plus de la moitié (55 %) ont donné lieu à un verdict de culpabilitéNote . En comparaison, le taux de condamnation était légèrement plus élevé (59 %) pour les affaires de voies de fait. Parmi les causes d’agression sexuelle couplées, 2 sur 5 (39 %) ont donné lieu à un arrêt des procédures, un retrait, un rejet des accusations ou une absolutionNote , 5 % à un acquittement, et 1 % à d’autres décisionsNote  (graphique 2). Les chiffres correspondants pour les voies de fait étaient les mêmes (39 %) pour les causes ayant donné lieu à un arrêt des procédures, un retrait, un rejet des accusations ou une absolutionNote , de 1 % pour les acquittements, et de 1 % pour les autres décisions. Les verdicts d’arrêt des procédures, de retrait, de rejet des accusations ou d’absolution sont différents d’un acquittement — pour qu’un acquittement soit prononcé, le procès doit avoir eu lieu, et un verdict de non‑culpabilité doit avoir été rendu pour chacune des accusations présentées devant les tribunaux. Un verdict d’arrêt des procédures, de retrait, de rejet des accusations ou d’absolution signifie que la poursuite ou le tribunal a choisi d’abandonner les accusations contre l’accusé ou de les mettre en suspens (notamment en raison de délais déraisonnables pour l’audition de la cause) et qu’un procès n’a pas eu lieu ou a eu lieu partiellement.

Graphique 2 Décisions des tribunaux, affaires couplées ayant donné lieu à une mise en accusation par la police, comparaison entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 2
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2. Les données sont présentées selon Type d’agression
(titres de rangée) et Voies de fait et Agression sexuelle, calculées selon pourcentage (répartition)
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Type d’agression
Voies de fait Agression sexuelle
pourcentage (répartition)
CulpabilitéTableau de Note 1 59 55
Arrêt des procédures, retrait, rejet des accusations ou absolutionTableau de Note 2 39 39
AcquittementTableau de Note 3 1 5
AutreTableau de Note 4 1 1

Pour ce qui est de l’attrition, sur 1 000 affaires d’agression sexuelle déclarées par la police, seulement 117 ont donné lieu à une déclaration de culpabilité pour l’infraction la plus grave que comportait la cause (figure 1). Le taux global d’attrition est donc de 88 %; près de 9 affaires d’agression sexuelle déclarées par la police sur 10 n’ont pas donné lieu à une déclaration de culpabilité. Le taux d’attrition correspondant était de 77 % pour les affaires de voies de fait.

Une accusation d’agression sexuelle sur quatre a donné lieu à une déclaration de culpabilité

Les déclarations de culpabilité peuvent aussi être analysées en fonction des accusations individuelles. Bien que de nombreuses affaires d’agression sexuelle déclarées par la police et portées devant les tribunaux ne donnent pas lieu à des accusations d’agression sexuelle, les déclarations de culpabilité prononcées dans les causes donnant lieu à de telles accusations demeurent importantes. En termes simples, il s’agit d’accusations d’agression sexuelle portées par la police qui sont demeurées des accusations d’agression sexuelle une fois l’affaire devant les tribunaux, représentant 40 % de toutes les affaires d’agression sexuelle qui ont été portées devant les tribunauxNote . Le quart (24 %) de ces accusations d’agression sexuelle ont donné lieu à une déclaration de culpabilité. Pour les accusations de voies de fait couplées, le taux de condamnation correspondant était près du double (40 %). Rappelons que ces déclarations de culpabilité ne tiennent pas compte des verdicts de culpabilité rendus pour d’autres accusations dans la même cause, comme il est expliqué à l’encadré 4.

Parmi les causes d’agression sexuelle qui ont donné lieu à un verdict de culpabilité, la grande majorité (81 %) portaient sur des accusations d’agression sexuelle qui correspondaient à l’infraction la plus grave dans la cause, tandis que la proportion restante (19 %) correspondait à des infractions autres qu’une agression sexuelle. Lorsqu’une accusation d’agression sexuelle est retenue devant les tribunaux, le verdict de culpabilité porte donc la plupart du temps sur une agression sexuelle; pour 1 cause d’agression sexuelle sur 5, toutefois, la déclaration de culpabilité porte sur une infraction autre que l’agression sexuelle.

Partie 3 : Peines à l’égard des causes d’agression sexuelle ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité

Comme pour les déclarations de culpabilité, les décisions sur les peines présentées dans le présent rapport correspondent à la peine la plus sévère imposée dans une cause pour une affaire d’agression sexuelle déclarée par la police de 2009 à 2014 et ayant donné lieu au dépôt d’une accusation. Par conséquent, les décisions en matière de peines ne correspondent pas nécessairement à une peine infligée spécifiquement pour l’agression sexuelle, mais plutôt à la peine infligée pour l’infraction la plus grave ayant donné lieu à une accusation dans une cause donnée (voir la section « Principaux concepts et définitions »).

Les causes d’agression sexuelle sont beaucoup plus susceptibles que les causes de voies de fait de donner lieu à une peine d’emprisonnement

La détermination de la peine est l’étape du système de justice pénale où les causes d’agression sexuelle ont été traitées plus sévèrement que les causes de voies de fait. Parmi les causes couplées ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité dans les tribunaux pour adultes, plus de la moitié (56 %) ont donné lieu à une peine d’emprisonnement pour l’infraction la plus grave dans la cause. À titre de comparaison, environ le tiers (36 %) des causes de voies de fait ont donné lieu à une peine d’emprisonnement (graphique 3). La probation (29 %), la condamnation avec sursis (9 %), les amendes (3 %) et les autres types de peines (3 %)Note  constituent les autres peines imposées dans les causes d’agression sexuelle couplées ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité dans les tribunaux pour adultesNote .

Graphique 3 Peines imposées par les tribunaux pour adultes dans les causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité, selon les affaires couplées d’agression sexuelle et les affaires couplées de voies de fait, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 3
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3. Les données sont présentées selon Type d’agression
(titres de rangée) et Voies de
fait et Agression sexuelle, calculées selon pourcentage (répartition)
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Type d’agression
Voies de fait Agression sexuelle
pourcentage (répartition)
Placement sous gardeTableau de Note 1 36 56
Condamnation avec sursisTableau de Note 2 5 9
ProbationTableau de Note 3 47 29
Amende 5 3
AutreTableau de Note 4 6 3

Étant donné que les principes de détermination des peines et les types de peines applicables aux jeunes contrevenants diffèrent de ceux visant les délinquants adultes, les constatations présentées dans le corps du présent rapport ne portent que sur les peines pour adultes. Les causes portées devant les tribunaux pour adultes représentaient 87 % des causes couplées comportant au moins une accusation d’agression sexuelle et 85 % des causes ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité. L’encadré 5 présente des données portant spécifiquement sur les peines imposées par les tribunaux de la jeunesse ainsi que des données sur l’attrition et les peines relatives aux jeunes contrevenants.

Début de l'encadré

Encadré 5
Décisions rendues dans le système de justice à l’égard des jeunes contrevenants accusés d’agression sexuelle

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) s’applique aux jeunes de 12 à 17 ans accusés d’un crime, et elle prévoit des principes de détermination des peines différents de ceux applicables aux tribunaux pour adultes. Voici un bref rappel de ces principes : tenir compte de la maturité du jeune et des circonstances dans lesquelles le crime a été commis; imposer la peine la moins contraignante possible permettant d’atteindre l’objectif visé et d’offrir au jeune les meilleures chances de réadaptation et de réinsertion sociale; diminuer le recours à l’incarcération et envisager d’abord toutes les autres options raisonnables possibles (ministère de la Justice du Canada, 2015).

Les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police dans lesquelles l’auteur présumé était un jeune étaient beaucoup moins susceptibles de donner lieu à une mise en accusation que les affaires impliquant un adulte de 18 ans et plus (60 % par rapport à 78 %)Note . Pour les affaires de voies de fait, les taux d’inculpation observés pour les jeunes et les adultes présentaient un écart encore plus marqué (48 % par rapport à 72 %). Le taux d’attrition entre la mise en accusation par la police et l’instruction par les tribunaux était toutefois presque le même pour les jeunes (49 %) et pour les adultes (51 %) accusés d’agression sexuelle. Pour les jeunes accusés d’agression sexuelle, l’attrition semble se produire principalement à la première étape du système de justice pénale, lorsque la police ou la Couronne décide de ne pas porter d’accusation. Une bonne partie de cette attrition s’explique par le recours à des mesures de rechange ou à des mesures extrajudiciaires, que favorise la LSJPA; la police exerce alors son pouvoir discrétionnaire et peut orienter les jeunes contrevenants vers des programmes de déjudiciarisation au lieu d’avoir recours au système de justice officiel.

Les causes réglées par les tribunaux de la jeunesse au cours de la période allant de 2009‑2010 à 2014‑2015 représentent 13 % de toutes les causes couplées aux fins de la présente étude. Parmi ces causes visant des jeunes, près de 2 sur 3 (62 %) ont donné lieu à un verdict de culpabilité portant sur l’infraction la plus grave dans la cause, ce qui représente une proportion plus élevée que pour les tribunaux pour adultes (54 %)Note . Environ le tiers (32 %) des causes d’agression sexuelle visant des jeunes ont donné lieu à un arrêt des procédures, un retrait, un rejet des accusations ou une absolution, 5 % à un acquittement, et 1 % à d’autres décisions. Comme dans le cas des tribunaux pour adultes, les taux de condamnation dans les tribunaux de la jeunesse étaient légèrement plus faibles pour les causes d’agression sexuelle couplées (62 %) que pour les causes de voies de fait (65 %).

Les tribunaux de la jeunesse ont généralement imposé des peines moins sévères que les tribunaux pour adultes. Compte tenu des principes de détermination des peines différents pour les jeunes contrevenants, il ne faut pas s’en étonner. Parmi les causes d’agression sexuelle couplées ayant donné lieu à un verdict de culpabilité dans un tribunal de la jeunesse et comportant une accusation d’agression sexuelle qui a été retenue, près de 2 sur 3 (64 %) ont donné lieu à une peine de probation comme peine la plus sévère dans la cause. Environ 1 cause visant les jeunes sur 5 (23 %) a donné lieu à une peine de détention (comprend le placement sous garde et la surveillance ou l’ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance), 3 % à une peine d’assistance et de surveillance intensives, 1 % à une peine de surveillance au sein de la collectivité, et 9 % à d’autres types de peinesNote . Une tendance semblable a été observée dans les causes de voies de fait visant les jeunes : plus de la moitié (54 %) ont donné lieu à une peine de probation, et 1 sur 5 (22 %) à une peine de placement sous garde quelconqueNote .

Dans l’ensemble, les constatations montrent que les agressions sexuelles perpétrées par des jeunes étaient beaucoup moins susceptibles de faire l’objet d’une mise en accusation par la police que celles commises par des adultes, ce qui représente la plus grande cause d’attrition pour les jeunes contrevenants accusés d’agression sexuelle. Dans les causes d’agression sexuelle retenues dans le système et portées devant les tribunaux, les jeunes étaient plus susceptibles que les adultes d’être déclarés coupables, mais les peines qui leur ont été imposées étaient plus clémentes. Dans les causes de voies de fait visant des jeunes et celles visant des adultes, les mêmes tendances ont été observées au chapitre de l’attrition, des déclarations de culpabilité et de la détermination des peines.

Fin de l'encadré

Les affaires d’agression sexuelle sont plus susceptibles que les affaires de voies de fait d’être abandonnées dans le système de justice, mais lorsqu’elles sont retenues, elles donnent lieu à des taux de condamnation semblables et à des peines plus sévères

Les analyses présentées dans cette étude au chapitre de l’attrition, des déclarations de culpabilité et des peines imposées font ressortir les points importants suivants : 1) les affaires d’agression sexuelle étaient beaucoup plus susceptibles que les affaires de voies de fait d’être abandonnées dans le système de justice entre la mise en accusation par la police et l’instruction par les tribunaux; 2) lorsque les affaires d’agression sexuelle ont été portées devant les tribunaux, un peu plus de la moitié ont donné lieu à une déclaration de culpabilité, ce qui représente un taux de condamnation semblable à celui observé pour les voies de fait; 3) pour la minorité des affaires d’agression sexuelle qui ont été portées devant les tribunaux et qui ont donné lieu à une déclaration de culpabilité (12 %), les peines étaient particulièrement sévères par rapport aux affaires de voies de fait. Néanmoins, malgré ces importantes constatations et les avantages des données couplées pour le calcul des affaires abandonnées à chaque étape du système de justice, les événements qui se produisent entre la mise en accusation par la police et l’instruction par les tribunaux — y compris l’incidence des mesures parallèles de justice, des négociations de plaidoyer et de la réduction des accusations — représentent une importante lacune en matière d’information qui empêche de répondre entièrement à la question suivante : pourquoi les affaires d’agression sexuelle sont‑elles abandonnées dans le système de justice?

Partie 4 : Décisions rendues dans les causes d’agression sexuelle selon les caractéristiques de l’affaire, de l’auteur présumé et de la victime

Les parties 1 à 3 du présent rapport ont permis d’établir des données globales au chapitre de l’attrition, des déclarations de culpabilité et des peines imposées pour les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police au Canada. Mais les décisions rendues dans le système de justice varient‑elles selon l’endroit où l’agression sexuelle s’est produite, ou selon les caractéristiques de l’auteur présumé ou de la victime? L’abandon des affaires dans le système de justice était‑il plus courant pour les agresseurs qui avaient un lien de parenté avec leur victime? Les agressions sexuelles signalées à la police longtemps après avoir été perpétrées sont‑elles moins susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité? Les peines sont‑elles plus sévères pour les agresseurs qui ont causé des blessures corporelles à leur victime? Dans la présente section, on examine comment diverses caractéristiques des affaires, des auteurs présumés et des victimes peuvent influer sur les décisions rendues par les tribunaux.

Comme il est expliqué dans les parties 2 et 3, les taux de condamnation et les données sur les peines présentés dans l’étude ne correspondent pas spécifiquement à une accusation d’agression sexuelle, mais plutôt à l’infraction la plus grave pour les causes dans lesquelles une accusation d’agression sexuelle a été retenue devant les tribunaux. Les mêmes limites d’ordre méthodologique s’appliquent, y compris la non‑disponibilité des données provenant des cours supérieures de certaines provinces et les limites relatives à la période de référence de six ans imposée (voir la section « Méthodologie : Couplage d’enregistrements »). En plus de ces limites, certaines mises en garde additionnelles s’appliquent pour l’analyse des décisions rendues par les tribunaux selon les caractéristiques des affaires déclarées par la police (pour en savoir davantage, voir la section « Approche analytique : Décisions rendues par les tribunaux »). Comme les principes de détermination des peines applicables aux tribunaux de la jeunesse sont fondamentalement différents (voir l’encadré 5), les renseignements sur les peines fournis ci‑après correspondent, sauf indication contraire, aux peines imposées par les tribunaux pour adultes seulement.

Décisions rendues par les tribunaux et défis posés sur le plan de l’enquête

Le signalement tardif des agressions sexuelles à la police donne lieu à des taux d’attrition élevés et à des taux de condamnation peu élevés

Le signalement tardif à la police — la période de temps qui s’écoule entre la perpétration de l’infraction et son signalement à la police — est beaucoup plus courant pour les agressions sexuelles que pour les voies de fait (Rotenberg, 2017). Le non‑signalement ou le signalement tardif d’une agression sexuelle est attribué au traumatisme émotionnel subi par les victimes (DuMont et autres, 2003), ainsi qu’à la crainte des victimes d’être blâmées ou humiliées pour l’agression et à la honte que cela suscite (Weiss, 2010). De plus, pour certaines victimes, une relation antérieure avec l’agresseur peut constituer un obstacle au signalement rapide de l’agression sexuelle à la police (Felson et Paré, 2005; Jones et autres, 2009); il s’agit d’un facteur important dont il faut tenir compte étant donné que la grande majorité (87 %) des affaires d’agression sexuelle donnant lieu à une mise en accusation par la police sont perpétrées par une personne connue de la victime (Rotenberg, 2017).

Malgré les raisons importantes qui expliquent le signalement tardif par les victimes d’agression sexuelle, la présente étude a permis de constater que, plus la période entre l’agression sexuelle et le signalement à la police est longue, plus l’affaire est susceptible d’être abandonnée avant d’être portée devant les tribunaux (graphique 4, axe secondaire). Plus précisément, parmi les agressions sexuelles ayant donné lieu à une mise en accusation par la police et ayant été signalées à la police le jour de l’agression, un peu plus de la moitié (53 %) des affaires ont été portées devant les tribunaux, comparativement au tiers (34 %) pour les agressions sexuelles signalées plus d’une semaine après le fait, et à seulement 1 sur 5 (19 %) pour celles signalées plus d’un an après. Dans le cas des agressions sexuelles signalées plus de trois ans après le fait, seulement 16 % des affaires ayant donné lieu à une mise en accusation ont été portées devant les tribunaux.

Graphique 4 Taux de condamnation et taux de rétention pour les affaires d’agression sexuelle, selon le temps mis pour signaler l’incident à la police, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 4
Tableau de données du graphique 4
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 4. Les données sont présentées selon Date de signalement de l’incident à la police par rapport à la date de perpétration de l’affaire (titres de rangée) et Taux de condamnation et Taux de rétention de la mise en accusation par la police aux tribunaux, calculées selon taux de condamnation (pourcentage)
et taux de rétention
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Date de signalement de l’incident à la police par rapport à la date de perpétration de l’affaire Taux de condamnation Taux de rétention de la mise en accusation par la police aux tribunaux
taux de condamnation (pourcentage)Tableau de Note 1 taux de rétentionTableau de Note 2
Le jour même 56 53
De 1 jour à 1 semaine plus tard 47 59
Plus de 1 semaine à 1 mois plus tard 43 52
Plus de 1 mois à 3 mois plus tard 43 46
Plus de 3 mois à 1 an plus tard 42 35
Plus de 1 an à 3 ans plus tard 39 26
Plus de 3 ans plus tardTableau de Note 3 45 16

Par ailleurs, plus la période de temps entre l’agression sexuelle et le signalement à la police est longue, plus le taux de condamnation diminue (graphique 4, axe primaire). Parmi les agressions sexuelles ayant été signalées à la police le jour de l’agression, plus de la moitié (56 %) des causes d’agression sexuelle portées devant les tribunaux ont donné lieu à une déclaration de culpabilité, comparativement à environ 2 sur 5 (43 %) pour les agressions sexuelles signalées plus d’une semaine après le fait (données non présentées). Les agressions sexuelles signalées plus de trois ans après le fait constituent une exception : le taux élevé de condamnation (45 %) (graphique 4) est en grande partie attribuable à la surreprésentation des enfants victimes d’agression sexuelle parmi les incidents signalés plus de trois ans après le fait. Les causes d’agression sexuelle concernant des enfants donnent généralement lieu à des taux de condamnation plus élevés (voir la section intitulée « Les enfants victimes d’agression sexuelle sont plus susceptibles de voir leur agresseur déclaré coupable, mais moins susceptibles de voir l’affaire portée devant les tribunaux »).

De telles constatations sont conformes à celles d’autres recherches, qui semblent indiquer que le signalement tardif d’une agression sexuelle à la police nuit à la collecte de preuves médico‑légales, qui peuvent avoir été perdues au fil du temps, ou peut avoir une incidence sur la mémoire et la crédibilité des témoins (Cashmore et autres, 2016; Lievore, 2003). De plus, la cause peut être abandonnée en raison de la perception selon laquelle la légitimité de l’allégation devrait être mise en doute si la victime a tardé à signaler l’agression (Spohn et autres, 2001).

Une fois la déclaration de culpabilité prononcée, le signalement tardif d’une agression sexuelle à la police n’a pas eu d’incidence marquée sur les peines imposées. Parmi les causes ayant mené à un verdict de culpabilité qui ont donné lieu à une peine d’emprisonnement imposée par les tribunaux pour adultes, aucun écart marqué n’a été observé entre les agressions sexuelles signalées à la police le jour même (56 %) et celles signalées plus de trois ans après le fait (59 %). L’absence de disparité peut s’expliquer par l’effet de filtrage du processus judiciaire, étant donné qu’une proportion beaucoup plus faible des causes portant sur des agressions sexuelles ayant été signalées tardivement se sont rendues à l’étape de la détermination de la peine dans le système de justice (p. ex. 3 % des agressions sexuelles signalées plus d’un an après le fait ont donné lieu à une déclaration de culpabilité et pouvaient faire l’objet d’une peine, comparativement à 13 % des agressions sexuelles signalées le jour même).

Le lien entre le signalement tardif ainsi que les taux d’attrition élevés et les taux de condamnation peu élevés n’était pas unique aux agressions sexuelles; une telle tendance a aussi été observée pour les voies de fait. Par exemple, la majorité (76 % des voies de fait ayant donné lieu à une mise en accusation qui ont été signalées à la police le jour même ont été portées devant les tribunaux, comparativement à moins des deux tiers (63 %) des voies de fait signalées plus d’une semaine après l’incident et à près du tiers (38 %) de celles qui ont été signalées plus d’un an après.

En outre, tandis que plus de la moitié (54 %) des voies de fait signalées le même jour ont donné lieu à une déclaration de culpabilité devant les tribunaux, une proportion plus faible (43 %) de celles signalées plus d’une semaine après l’agression ont aussi donné lieu à une déclaration de culpabilité, comme moins du tiers (31 %) des voies de fait signalées plus d’une année après le fait.

Ces constatations semblent indiquer que le signalement tardif peut avoir une incidence sur les décisions prises dans le système de justice, peu importe le type d’agression. Cependant, comme les agressions sexuelles sont beaucoup plus susceptibles d’être signalées tardivement que les voies de fait (Rotenberg, 2017), les affaires d’agression sexuelle sont peut‑être plus susceptibles de donner lieu aux taux d’attrition élevés et aux taux de condamnation peu élevés qui sont associés au signalement tardif. Il est donc important que les comparaisons entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait tiennent compte de ce contexte.

Lorsque les renseignements sont complets, les affaires d’agression sexuelle sont plus susceptibles d’être retenues dans le système de justice

Lorsque les renseignements étaient complets dans le dossier fourni par la policeNote  — y compris le moment ou le type de lieu de l’agression, le lien de l’auteur présumé avec la victime, la présence d’armes ou la gravité des blessures corporelles subies par la victime —, les affaires d’agression sexuelle étaient plus susceptibles de progresser au sein du système de justice que lorsque le dossier était incomplet. Plus de la moitié (53 %) des affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police et pour lesquelles le dossier était complet ont été portées devant les tribunaux, comparativement à 2 sur 5 (42 %) parmi les affaires dont le dossier comportait au moins un élément incomplet ou inconnu. De plus, lorsque les dossiers comportaient au moins deux éléments incomplets, une proportion moins élevée (38 %) des affaires d’agression sexuelle ont été portées devant les tribunaux.

Parmi les affaires qui ont été portées devant les tribunaux, une proportion légèrement plus faible des affaires d’agression sexuelle qui comportaient au moins un élément inconnu dans le dossier ont donné lieu à une déclaration de culpabilité (48 %), comparativement aux affaires dont le dossier était complet (51 %). Parmi les causes ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité, aucune différence significative n’a été observée au chapitre de la sévérité des peines (tableau 3).

Étant donné le lien entre le signalement tardif à la police et l’incidence de renseignements incomplets ou inconnus dans le dossier de la police (Rotenberg, 2017), il faudrait éviter de formuler l’hypothèse selon laquelle les taux de condamnation et de rétention plus faibles dans le système ne sont attribuables qu’à un seul des facteurs. Collectivement, les deux facteurs semblent présenter pour l’enquête des difficultés pouvant expliquer en partie pourquoi certaines causes d’agression sexuelle ne progressent pas dans le système de justice.

Décisions rendues par les tribunaux selon le lieu de l’agression, la présence d’armes et les blessures subies

Les affaires d’agression sexuelle perpétrées dans une propriété privée sont moins susceptibles d’être portées devant les tribunaux

Les affaires d’agression sexuelle qui se sont produites dans une propriété privéeNote  étaient plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice que les affaires d’agression sexuelle qui sont survenues dans une aire ouverteNote . Tandis que 3 affaires d’agression sexuelle sur 5 (60 %) perpétrées dans une aire ouverte et ayant donné lieu à une mise en accusation par la police ont été portées devant les tribunaux, la proportion est de moins de la moitié (46 %) pour les agressions sexuelles perpétrées dans une propriété privée. D’autres recherches ont permis de constater que, en l’absence de témoins ou d’autres éléments de preuve corroborants, les affaires d’agression sexuelle ne sont pas susceptibles d’être portées devant les tribunaux (Spohn et autres, 2001). Bien que les données déclarées par la police ne contiennent actuellement pas de renseignements sur la présence de témoins, le type de lieu du crime peut permettre de trouver des témoins étant donné la plus grande possibilité que des témoins soient présents lorsqu’un crime est commis dans une aire ouverte comparativement à un crime commis dans une propriété privée.

Les agressions sexuelles qui se sont produites dans une propriété privée étaient aussi susceptibles que celles perpétrées dans une aire ouverte de donner lieu à une déclaration de culpabilité une fois l’affaire devant les tribunaux (53 % pour les deux). Il convient de souligner qu’une plus faible proportion des agressions sexuelles qui se sont produites dans un lieu scolaireNote  ou dans un lieu commercialNote  ont donné lieu à une déclaration de culpabilité (44 % pour les deux).

Une peine d’emprisonnement était plus susceptible d’être imposée pour les agressions sexuelles perpétrées dans une propriété privée (60 %) que pour celles commises dans une aire ouverte (53 %).

Les affaires d’agression sexuelle perpétrées dans les grandes villes sont plus susceptibles d’être portées devant les tribunaux, mais moins susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité

Parmi les affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police, celles qui se sont produites dans une région métropolitaine de recensement (RMR) ont été portées devant les tribunaux en plus grande proportion (52 %) que celles qui se sont produites à l’extérieur d’une RMR (46 %) (voir la section « Principaux concepts et définitions »). Cependant, une fois les affaires d’agression sexuelle devant les tribunaux, celles qui se sont produites dans une RMR étaient moins susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité (48 %) que celles s’étant produites à l’extérieur d’une RMR (56 %). Ce phénomène n’est toutefois pas unique aux affaires d’agression sexuelle, car un écart semblable au chapitre des taux de condamnation a aussi été observé parmi les causes de voies de fait (50 % par rapport à 60 %).

Au Canada, certaines pratiques, comme l’examen préalable à l’inculpation effectué avant l’audience officielle devant le tribunal, peuvent varier selon les provinces et les territoiresNote  (Maxwell, 2017). Ainsi, il ne faudrait pas interpréter ni comparer les taux d’attrition par province ou territoire sans tenir compte des diverses pratiques procédurales en vigueur dans les provinces ou territoires.

Les taux d’attrition entre la mise en accusation par la police et la cause réglée par les tribunaux étaient plus élevés au Nunavut (77 %), dans les Territoires du Nord‑Ouest (64 %) et au Nouveau‑Brunswick (59 %) (voir le tableau 1). Dans les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police ayant fait l’objet d’une mise en accusation, les causes étaient plus susceptibles d’être réglées par les tribunaux pendant la période de référence de six ans au Yukon (taux d’attrition le plus faible, à 33 %), à Terre‑Neuve‑et‑Labrador (45 %) et en Alberta (46 %).

Même si les processus applicables à l’examen préalable à l’inculpation sont différents entre les provinces et les territoires, les taux de condamnation étaient plus élevés dans les territoires (69 % au Yukon, 65 % au Nunavut et 61 % dans les Territoires du Nord‑Ouest) ainsi qu’au Nouveau‑Brunswick (69 %). À l’inverse, les taux de condamnation étaient moins élevés en Alberta (47 %) et en Ontario (49 %). Les arrêts de procédure, les retraits, les rejets d’accusations et les absolutions étaient plus courants en Ontario (46 %) et en Alberta (45 %), et les acquittements étaient proportionnellement plus fréquents en Nouvelle‑Écosse (12 %). Les données portant sur les régions pour lesquelles les nombres sont peu élevés, comme les territoires et les petites provinces, devraient être interprétées avec prudence (voir le tableau 2).

Le tableau 3 ne présente pas les données sur les peines par province et territoire en raison des chiffres peu élevés et des préoccupations au sujet de la comparabilité et de la fiabilité des donnéesNote .

Les affaires d’agression sexuelle de longue durée sont plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice

Dans le cas des agressions sexuelles qui, selon la police, ont été perpétrées pendant une période de plus d’une semaine (définies comme étant des agressions sexuelles « de longue durée »), les affaires étaient beaucoup plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice pénale entre la mise en accusation par la police et les tribunaux que dans le cas des affaires d’agression sexuelle isolées (68 % par rapport à 45 %). Un tel écart peut s’expliquer par la surreprésentation des enfants parmi les victimes d’agression sexuelle de longue durée (Rotenberg, 2017), les agressions sexuelles perpétrées contre des enfants faisant partie des affaires les plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice (voir la section intitulée « Les enfants victimes d’agression sexuelle sont plus susceptibles de voir leur agresseur déclaré coupable, mais moins susceptibles de voir l’affaire portée devant les tribunaux »).

Les affaires d’agression sexuelle de longue durée ont donné lieu à un taux de condamnation légèrement plus faible (49 %) que les affaires d’agression sexuelle isolées (52 %). Aucune différence marquée n’a été observée au chapitre de la sévérité des peines.

Les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles une arme était présente étaient plus susceptibles de donner lieu à une mise en accusation par la police, d’être portées devant les tribunaux, de donner lieu à une déclaration de culpabilité et de faire l’objet d’une peine plus sévère

Même si la caractérisation juridique de la gravité d’une agression sexuelle est déterminée par le Code criminel selon trois niveaux (voir l’encadré 1 et l’encadré 6), la gravité de l’agression sexuelle peut aussi être caractérisée par la gravité des blessures corporelles subies par la victime ou par la présence ou l’absence d’armes.

Lorsqu’une arme était présente durant l’agression sexuelle, les causes ont été retenues à toutes les étapes du système de justice à des taux plus élevés que lorsqu’aucune arme n’était présenteNote . Les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles une arme était présente étaient plus susceptibles : de donner lieu à une mise en accusation par la police (53 % par rapport à 45 %), d’être ensuite portées devant les tribunaux (60 % par rapport à 49 %), de donner lieu à une déclaration de culpabilité (55 % par rapport à 51 %), et de faire l’objet d’une peine d’emprisonnement (60 % par rapport à 55 %) (graphique 5). Comme une arme n’est présente que dans une minorité (4 %) des agressions sexuelles (Rotenberg, 2017), les taux de rétention plus élevés observés pour les causes dans lesquelles une arme était présente ne s’appliquent pas à la grande majorité des agressions sexuelles. Il convient de souligner que les affaires d’agression sexuelle pour lesquelles la police n’a pu déterminer la présence d’une arme ou a déclaré que la présence d’une arme était inconnue étaient beaucoup moins susceptibles de faire l’objet d’une mise en accusation par la police (23 %) ou d’être portées devant les tribunaux (42 %) (graphique 5). Cela semble confirmer que les taux d’attrition étaient plus élevés pour les affaires comportant des renseignements incomplets ou inconnus, comme il est mentionné précédemment dans le présent article.

Graphique 5 Taux de rétention des affaires d’agression sexuelle selon l’étape du système de justice pénale et la présence d’une arme, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 5
Tableau de données du graphique 5
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 5. Les données sont présentées selon Étape du système de justice pénale
(titres de rangée) et Présence d’une arme, Force physique et Présence d’une arme inconnue , calculées selon taux de rétention
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Étape du système de justice pénale
Présence d’une arme Force physique Présence d’une arme inconnue
taux de rétentionTableau de Note 1
Affaires avec mise en accusation par la policeTableau de Note 2 53 45 23
Affaires portées devant les tribunauxTableau de Note 3 60 49 42
Affaires ayant donné lieu à une déclaration de culpabilitéTableau de Note 4 55 51 52
Affaires ayant donné lieu à une peine d’emprisonnement (adultes)Tableau de Note 5 60 55 62

Lorsque les victimes ont subi des blessures corporelles, les affaires d’agression sexuelle étaient plus susceptibles d’être retenues dans le système de justice

Les blessures corporelles subies par la victime peuvent constituer un élément de preuve clé présenté devant les tribunaux lorsque l’auteur présumé est jugé pour un crime violent. Malgré l’absence de blessures corporelles à la victime dans la majorité (66 %) des causes d’agression sexuelle (Rotenberg, 2017), certaines recherches ont permis de constater que les blessures corporelles constituent le prédicteur le plus important de la sévérité des décisions et des peines pour les causes d’agression sexuelle (DuMont et White, 2007).

Comme pour la présence d’une arme, les blessures corporelles à la victime semblent aussi être associées à une plus grande rétention des causes d’agression sexuelle dans le système de justiceNote  (graphique 6). Le même phénomène a été observé pour les voies de fait. En ce qui concerne les agressions sexuelles, l’écart au chapitre de la rétention était plus important à l’étape de la mise en accusation par la police; l’analyse permet de constater que les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police dans lesquelles la victime n’a subi aucune blessure ou une blessure dont la gravité était inconnue sont plus susceptibles de ne pas donner lieu à une mise en accusation et, par conséquent, d’être abandonnées au sein du système de justice à la première étape analysée dans la présente étude.

Graphique 6 Taux de rétention des affaires d’agression sexuelle selon l’étape du système de justice pénale et la gravité des blessures corporelles subies par la victime, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 6
Tableau de données du graphique 6
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 6. Les données sont présentées selon Étape du système de justice pénale
(titres de rangée) et Blessures mineures ou graves, Aucune blessure corporelle et Blessures corporelles inconnues, calculées selon taux de rétention
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Étape du système de justice pénale
Blessures mineures ou graves Aucune blessure corporelle Blessures corporelles inconnues
taux de rétentionTableau de Note 1
Affaires avec mise en accusation par la policeTableau de Note 2 52 41 32
Affaires portées devant les tribunauxTableau de Note 3 52 49 42
Affaires ayant donné lieu à une déclaration de culpabilitéTableau de Note 4 53 50 47
Affaires ayant donné lieu à une peine d’emprisonnement (adultes)Tableau de Note 5 59 54 57

Même si de telles constatations sont limitées aux blessures corporelles de la victime déclarées par la police et ne tiennent pas compte des autres preuves médico‑légales qui ont pu être présentées devant les tribunaux (comme les trousses médico‑légales), elles concordent dans l’ensemble avec les recherches sur la valeur des preuves matérielles pour la mise en accusation et les poursuites dans les causes d’agression sexuelle (Campbell et autres, 2009; Gray‑Eurom et autres, 2002; Johnson et Peterson, 2008; McGregor et autres, 1999; Spaulding et Bigbee, 2001; Tasca et autres, 2012).

Début de l'encadré

Encadré 6
Décisions rendues par les tribunaux selon le niveau de l’agression sexuelle

Étant donné le faible nombre d’affaires pour les niveaux les plus graves d’agression sexuelle, il faudrait faire preuve de prudence avant de tirer des conclusions à partir des décisions des tribunaux sur les agressions sexuelles selon le niveau (défini dans le Code criminel). Comme il a été mentionné précédemment, la grande majorité (98 %) des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police de 2009 à 2014 étaient de niveau 1 (Rotenberg, 2017). De plus, comme pour toute autre infraction dont les tribunaux sont saisis, l’infraction au Code criminel dont l’auteur présumé est précisément accusé peut être modifiée entre la mise en accusation par la police ou la Couronne et l’audience du tribunal.

Malgré de telles limites, parmi les affaires ayant initialement donné lieu à une accusation par la police, l’analyse des décisions des tribunaux selon le niveau de gravité des agressions sexuelles semble indiquer que les affaires les plus graves (agressions sexuelles des niveaux 2 et 3) étaient plus susceptibles d’être portées devant les tribunaux, sont légèrement plus susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité et font l’objet de peines plus sévères par rapport aux affaires portant sur les agressions sexuelles de niveau 1.

Dans l’ensemble, la proportion des affaires déclarées par la police qui ont été portées devant les tribunaux était nettement plus élevée pour les agressions sexuelles des niveaux 2 et 3 que pour celles de niveau 1 (36 % par rapport à 21 %). Une fois les affaires devant les tribunaux, la proportion des affaires qui ont donné lieu à une déclaration de culpabilité était semblable pour les agressions sexuelles des niveaux 2 et 3 (53 %) et pour celles de niveau 1 (51 %); il ne faut toutefois pas oublier que ces affaires ne correspondent pas nécessairement aux infractions sur lesquelles a vraiment porté l’audience du tribunal (voir la section intitulée « Trois accusations d’agression sexuelle recommandées par la police sur cinq ont été modifiées pour un autre type d’infraction une fois l’affaire devant les tribunaux »).

Parmi les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police qui ont donné lieu à une déclaration de culpabilité, la proportion des affaires qui ont donné lieu à une peine d’emprisonnement était plus élevée pour les agressions sexuelles des niveaux 2 et 3 (70 %) que pour celles de niveau 1 (55 %).

Fin de l'encadré

Décisions rendues par les tribunaux selon les caractéristiques de l’auteur présumé

Les causes d’agression sexuelle dans lesquelles l’auteur présumé est de sexe féminin sont plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice

Même si les femmes ne représentent qu’une minorité (2 %) des personnes accusées d’agression sexuelle (Rotenberg, 2017), les affaires visant des femmes étaient plus susceptibles que celles visant des hommes d’être abandonnées dans le système de justice. Un tel écart a été observé à l’étape de la mise en accusation; les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police dans lesquelles l’auteur présumé était de sexe féminin étaient en effet beaucoup moins susceptibles de donner lieu à une mise en accusation (51 %) que celles dans lesquelles l’auteur présumé était de sexe masculin (74 %). De plus, parmi les affaires ayant donné lieu à une mise en accusation par la police, les affaires étaient moins susceptibles d’être portées devant les tribunaux lorsque l’auteur présumé était de sexe féminin (39 %, par rapport à 49 % pour les auteurs présumés de sexe masculin).

Parmi les causes qui ont été portées devant les tribunaux, la proportion de celles qui ont donné lieu à une déclaration de culpabilité était moins élevée lorsque l’auteur présumé était de sexe féminin (45 %, par rapport à 52 % pour les auteurs présumés de sexe masculin). Les chiffres de départ sur les peines visant les femmes étaient trop faibles pour qu’une comparaison significative (tableau 3); cependant, si l’on tient compte des infractions criminelles de façon plus générale, les femmes ont tendance à recevoir des peines moins sévères que les hommes (Hotton Mahony et autres, 2017).

Lorsque l’auteur présumé est plus jeune ou plus âgé, l’affaire est plus susceptible d’être abandonnée dans le système de justice

Comme il est expliqué dans l’encadré 5, les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles l’auteur présumé était un jeune étaient plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice à l’étape de la mise en accusation par la police. Cependant, pour l’ensemble des groupes d’âge, les données révèlent que les affaires impliquant des jeunes auteurs présumés (12 à 17 ans) et des auteurs présumés plus âgés (55 ans et plus) étaient plus susceptibles, dans le système de justice, d’être abandonnées entre la mise en accusation par la police et les tribunaux (graphique 7, axe secondaire). Pour les auteurs présumés faisant partie de ces deux groupes d’âge, moins du tiers (31 %) des affaires ont été portées devant les tribunaux, comparativement à 2 affaires sur 5 (40 %) pour les auteurs présumés de 25 à 34 ans.

Graphique 7 Taux de condamnation et taux d’attrition pour les affaires d’agression sexuelle, selon le groupe d’âge de l’auteur présumé, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 7
Tableau de données du graphique 7
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 7. Les données sont présentées selon Âge de l’auteur présumé au moment de l’affaire d’agression sexuelle
(titres de rangée) et Taux de condamnation et Taux d’attrition de la mise en accusation par la police aux tribunaux, calculées selon taux de condamnation (pourcentage)
et taux global d’attrition
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Âge de l’auteur présumé au moment de l’affaire d’agression sexuelle
Taux de condamnation Taux d’attrition de la mise en accusation par la police aux tribunaux
taux de condamnation (pourcentage)Tableau de Note 1 taux global d’attritionTableau de Note 2
12 à 17 ans 59 69
18 à 24 ans 56 61
25 à 34 ans 52 60
35 à 44 ans 48 62
45 à 54 ans 47 62
55 à 89 ans 45 69

Le taux de condamnation semblait aussi être lié à l’âge de la personne accusée d’agression sexuelle : plus l’accusé était âgé, moins il était susceptible d’être déclaré coupable (graphique 7, axe primaire). Plus précisément, parmi les jeunes accusés qui étaient âgés de 12 à 17 ans au moment de l’agression sexuelle et dont la cause a été portée devant les tribunaux, 3 jeunes sur 5 (59 %) ont été déclarés coupables. La proportion de personnes condamnées diminuait pour chaque groupe d’âge subséquent. Le même phénomène, soit la diminution du taux de condamnation en fonction de l’âge de l’accusé, a aussi été observé parmi les causes de voies de fait (données non présentées).

Aucun phénomène en cascade n’a été observé au chapitre de la proportion, selon le groupe d’âge, des accusés condamnés à une peine d’emprisonnement; les accusés de 55 ans et plus étaient toutefois beaucoup moins susceptibles d’être condamnés à une peine d’emprisonnement que tous les autres accusés adultes de 18 à 54 ans (44 % par rapport à 57 %). Pour les décisions relatives aux peines applicables aux jeunes auteurs présumés d’agression sexuelle, se reporter à l’encadré 5.

Décisions rendues par les tribunaux selon les caractéristiques relatives à la relation et à l’âge

Les victimes agressées sexuellement par quelqu’un qu’elles connaissaient étaient beaucoup moins susceptibles que celles victimisées par un étranger de voir leur agresseur être jugé devant les tribunaux

La probabilité que l’agresseur soit jugé devant les tribunaux était beaucoup plus faible lorsque la victime connaissait son agresseur : pour près de 2 agressions sexuelles sur 3 (64 %) perpétrées par un étranger, l’affaire a été portée devant les tribunaux après avoir donné lieu à une mise en accusation par la police, alors que cela a été le cas pour moins de la moitié (47 %) des agressions sexuelles perpétrées par quelqu’un que la victime connaissait (graphique 8). Comme la grande majorité (87 %) des agressions sexuelles sont perpétrées par quelqu’un que la victime connaît (Rotenberg, 2017), de telles constatations sont particulièrement importantes pour permettre de comprendre le cours de la justice pour la plupart des victimes d’agression sexuelle. Il convient de souligner que certaines mesures de rechange ou certains motifs expliquant pourquoi une affaire n’est pas portée devant les tribunaux (voir l’encadré 3) s’appliquent peut‑être davantage aux affaires dans lesquelles la victime connaissait son agresseur.

Graphique 8 Taux de rétention des affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police qui ont été portées devant les tribunaux, selon certains types de liens entre la victime et l’auteur présumé, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 8
Tableau de données du graphique 8
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 8. Les données sont présentées selon Lien de l’auteur présumé avec la victime (titres de rangée) et taux de rétention
(figurant comme en‑tête de colonne).
Lien de l’auteur présumé avec la victime taux de rétentionTableau de Note 1
Étranger 64
Personne connue de la victimeTableau de Note 2 47
Partenaire intimeTableau de Note 3 55
Simple connaissanceTableau de Note 4 52
Autre membre de la familleTableau de Note 5 38
ParentTableau de Note 6 33

Parmi les causes d’agression sexuelle qui ont été portées devant les tribunaux, les taux de condamnation ne présentaient pas de différences importantes pour les personnes victimisées par un étranger par rapport aux victimes agressées sexuellement par quelqu’un qu’elles connaissaient (52 % par rapport à 50 %). Une proportion légèrement moins élevée des causes avec condamnation impliquant un étranger ont donné lieu à une peine d’emprisonnement comparativement aux causes dont l’agresseur était connu de la victime (52 % par rapport à 57 %).

Les enfants victimes d’agression sexuelle sont plus susceptibles de voir leur agresseur déclaré coupable, mais moins susceptibles de voir l’affaire portée devant les tribunaux

Bien que les agressions sexuelles dont la victime était âgée de 13 ans ou moinsNote  étaient un peu plus susceptibles que les agressions sexuelles perpétrées contre des adultes de 18 ans et plus de donner lieu à une mise en accusation par la police (44 % par rapport à 40 %), les affaires étaient beaucoup moins susceptibles d’être portées devant les tribunaux une fois l’accusation déposée (40 % par rapport à 55 %).

Parmi les affaires d’agression sexuelle qui ont été portées devant les tribunaux, les causes dans lesquelles la victime était un enfant étaient beaucoup plus susceptibles que celles dans lesquelles la victime était un adulte de donner lieu à une déclaration de culpabilité (61 % par rapport à 46 %) (graphique 9). À titre de comparaison, parmi les affaires de voies de fait couplées, les taux de condamnation étaient par contre presque identiques lorsque les victimes étaient des enfants et lorsqu’elles étaient des adultes (54 % par rapport à 52 %).

Graphique 9 Taux de condamnation et taux d’attrition pour les affaires d’agression sexuelle, selon les principaux groupes d’âge des victimes, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 9
Tableau de données du graphique 9
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 9. Les données sont présentées selon Groupe d’âge de la victime au moment de l’affaire d’agression sexuelle
(titres de rangée) et Taux de condamnation et Taux d’attrition de la mise en accusation par la police aux tribunaux, calculées selon taux de condamnation (pourcentage)
et taux d’attrition unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Groupe d’âge de la victime au moment de l’affaire d’agression sexuelle
Taux de condamnation Taux d’attrition de la mise en accusation par la police aux tribunaux
taux de condamnation (pourcentage)Tableau de Note 1 taux d’attritionTableau de Note 2
Enfants victimes (13 ans ou moins) 61 60
Victimes de 14 à 17 ans 52 54
Victimes adultes (18 ans et plus) 46 45

Parmi les causes avec condamnation pour agression sexuelle, 3 sur 4 (74 %) ont donné lieu à une peine d’emprisonnement lorsque les victimes étaient des enfants, comparativement à la moitié (49 %) des causes dans lesquelles les victimes étaient des adultes. Puisque certaines infractions sexuelles commises contre les enfants, y compris les agressions sexuelles, sont assujetties à des peines minimales obligatoires (Service des poursuites pénales du Canada, 2014), on s’attend à ce que la proportion de peines d’emprisonnement soit plus élevée chez les contrevenants ayant agressé un enfant sexuellement. De plus, la perpétration d’un crime contre un enfant constitue un facteur aggravant au moment de la détermination de la peine, et les tribunaux sont tenus d’accorder une attention particulière à la dénonciation et à la dissuasion (sous‑al. 718.2(a)(ii.1) et art. 718.01 du Code criminel). Malgré ces observations concernant la détermination de la peine, les constatations correspondent aux résultats d’autres recherches, notamment des études internationales, qui confirment généralement que la minorité des causes d’agression sexuelle contre des enfants qui sont portées devant les tribunaux sont plus susceptibles de donner lieu à des taux de condamnation plus élevés et à des peines plus sévères, en partie parce que le filtrage du processus d’attrition laisse dans le système les causes les plus graves (Bunting, 2008; Fitzgerald, 2006; Parkinson et autres, 2002).

Dans l’ensemble, les constatations laissent supposer que, malgré des taux de condamnation élevés et des peines plus sévères, les affaires d’agression sexuelle contre les enfants sont beaucoup moins susceptibles d’être portées devant les tribunaux lorsque la victime est un enfant. Cependant, la présente étude a aussi permis de constater des taux d’attrition plus élevés pour les agressions sexuelles perpétrées par un membre de la famille; comme les enfants sont surreprésentés parmi les personnes agressées sexuellement par un membre de la famille (graphique 10) (Rotenberg, 2017), les décisions prises dans le système de justice relativement aux enfants victimes d’agression sexuelle ne devraient pas être attribuées à l’âge seulement. Certaines recherches attribuent l’attrition plus élevée des affaires d’agression sexuelle à l’égard d’un enfant à l’insuffisance de preuves lorsque la victime est un enfant et, dans certains cas, à la décision des parents de protéger leur enfant contre le fardeau des procédures judiciaires (Parkinson et autres, 2002).

Graphique 10 Représentation des enfants victimes dans les affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police qui ont été portées devant les tribunaux, selon certains types de liens entre la victime et l’auteur présumé, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 10
Tableau de données du graphique 10
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 10. Les données sont présentées selon Type de lien (titres de rangée) et Victimes adultes (18 ans et plus), Victimes de 14 à 17 ans et Enfants victimes (13 ans ou moins), calculées selon pourcentage (répartition)
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Type de lien Victimes adultes (18 ans et plus) Victimes de 14 à 17 ans Enfants victimes (13 ans ou moins)
pourcentage (répartition)
ParentTableau de Note 1 16 32 52
Autre membre de la familleTableau de Note 2 27 22 51
Simple connaissanceTableau de Note 3 53 29 17
Partenaire intimeTableau de Note 4 84 13 4
Étranger 74 18 8

De plus, une partie de l’attrition parmi les causes d’agression sexuelle à l’égard d’un enfant est attribuable à l’effet cumulatif du signalement tardif : si l’analyse ne tenait compte uniquement que des agressions sexuelles signalées à la police le jour même, le taux de rétention des affaires passerait de 40 % à 45 % pour les agressions sexuelles perpétrées contre un enfant. Cela dit, ce taux demeure bien inférieur au taux de rétention correspondant de 57 % pour les agressions sexuelles perpétrées contre un adulte et signalées le jour même. Ces constatations semblent indiquer que, même lorsque le signalement tardif est pris en compte, les causes d’agression sexuelle contre des enfants présentent tout de même un taux d’attrition plus élevé dans le système de justice comparativement aux causes dans lesquelles les victimes sont des adultes.

Lorsque les agressions sexuelles sont perpétrées par un membre de la famille de la victime, les affaires sont plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice

Lorsque les agressions sexuelles étaient perpétrées par quelqu’un qui avait un lien avec la victime (de tous les groupes d’âge), les affaires étaient moins susceptibles d’être portées devant les tribunaux comparativement aux autres types de relations. Plus précisément, tandis que la moitié (49 %) des affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police ont été portées devant les tribunaux, seulement le tiers (33 %) des affaires d’agression sexuelle dans lesquelles l’agresseur était un parent ou un beau‑père ou une belle‑mère de l’enfant victime ont été portées devant les tribunaux, tout comme un peu plus du tiers (38 %) des causes dans lesquelles l’auteur présumé avait un autre lien avec la victime (graphique 8).

Parmi la minorité (17 %) des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police dans lesquelles l’agresseur était un membre de la famille de la victime, et qui ont été portées devant les tribunaux, les décisions des tribunaux étaient plus sévères que lorsque la victime n’avait pas de lien avec l’agresseur. Deux causes sur trois (67 %) dans lesquelles l’accusé était un membre de la famille immédiate de la victime (le frère ou la sœur) ont donné lieu à une déclaration de culpabilité, comme plus de la moitié (59 %) des causes dans lesquelles l’accusé était un membre de la famille élargie (p. ex. les grands‑parents, les oncles et tantes, les cousins et cousines, les beaux‑frères et belles‑sœurs, les beaux‑parents). Les parents ainsi que les beaux‑pères et les belles‑mères ont été déclarés coupables dans une proportion moindre, soit dans la moitié (50 %) des cas; cependant, ces taux de condamnation plus faibles peuvent s’expliquer en partie par le signalement plus tardif des incidents dans lesquels des enfants ont été agressés sexuellement par un parent (Rotenberg, 2017) et par la plus faible probabilité de déclaration de culpabilité dans l’ensemble des causes caractérisées par un signalement tardif.

Dans environ la moitié (52 %) des agressions sexuelles dans lesquelles l’agresseur était un étranger par rapport à la victime, la cause a donné lieu à une déclaration de culpabilité, tout comme dans la moitié (50 %) des agressions sexuelles dans lesquelles l’agresseur était un partenaire intime, et un peu moins de la moitié (48 %) de celles dans lesquelles l’agresseur était une simple connaissance. Une fois déclarés coupables, les parents ont reçu les peines les plus sévères, 4 causes sur 5 (79 %) ayant donné lieu à une peine d’emprisonnement, tandis que les membres de la famille autres que les parents ont reçu des peines semblables dans 2 causes sur 3 (67 %), comparativement à la moitié (52 %) des causes d’agressions sexuelles commises par des étrangers et à moins de la moitié (46 %) de celles commises par des partenaires intimes (le groupe le moins susceptible d’être condamné à une peine d’emprisonnement) (tableau 3).

Comme il a déjà été établi pour l’ensemble des agressions sexuelles déclarées par la police, les enfants sont surreprésentés parmi les victimes agressées sexuellement par un membre de la famille (Rotenberg, 2017). Ils le sont aussi dans les causes d’agression sexuelle portées devant les tribunaux : plus de la moitié (52 %) des agressions sexuelles perpétrées par un parent l’ont été à l’endroit d’un enfant de 13 ans ou moins, tout comme plus de la moitié (51 %) de celles commises par un membre de la famille autre qu’un parent (graphique 10). En revanche, parmi les causes portées devant les tribunaux dans lesquelles l’agression sexuelle a été perpétrée par un étranger, la victime était un enfant dans une minorité (8 %) des causes seulement. Par conséquent, lorsque les décisions des tribunaux sont interprétées selon la nature de la relation entre la victime et l’agresseur, il est important de vérifier si les victimes sont des enfants, puisque ceux‑ci représentent une proportion beaucoup plus élevée de victimes agressées par un membre de la famille que de victimes agressées par un étranger.

De telles constatations laissent supposer que, bien que les victimes agressées sexuellement par un membre de la famille — la moitié des victimes étaient des enfants — soient vraiment plus susceptibles de voir leur agresseur être déclaré coupable et recevoir une peine sévère par rapport à tous les autres types de relations entre la victime et l’agresseur, ces causes ne représentent qu’une minorité des causes seulement. En effet, la plupart des causes sont abandonnées avant d’être portées devant les tribunaux lorsque les agressions sexuelles sont perpétrées par un membre de la famille à l’endroit d’un enfant. En raison de la plus grande probabilité d’attrition au début du processus, les enfants agressés sexuellement par un parent constituaient en réalité l’un des groupes les moins susceptibles de voir leur agresseur être déclaré coupable si l’ensemble du processus judiciaire (de la police à la déclaration de culpabilité) était pris en compte; seulement 8 % des affaires d’agression sexuelle commises par un parent contre son enfant et déclarées par la police ont donné lieu à une déclaration de culpabilité.

Les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles la victime était de sexe masculin étaient plus susceptibles que celles dans lesquelles la victime était de sexe féminin d’être abandonnées au sein du système de justice, que la victime soit un enfant ou un adulte

Malgré le fait que les hommes représentent une minorité (13 %) des victimes d’agression sexuelle (Rotenberg, 2017), les affaires d’agression sexuelle concernant des victimes de sexe masculin étaient plus susceptibles que celles mettant en cause des victimes de sexe féminin d’être abandonnées au sein du système de justice entre la mise en accusation par la police et les tribunaux (59 % par rapport à 50 %). Cependant, les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles la victime était de sexe masculin étaient un peu plus susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité (54 % par rapport à 50 %) et à une peine d’emprisonnement (58 % par rapport à 56 %). De tels écarts s’expliquent en partie par la surreprésentation des victimes de sexe masculin dans les agressions sexuelles perpétrées contre des enfants; tandis que les victimes de sexe masculin représentaient 11 % des victimes dans l’ensemble des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police (affaires visées par le couplage d’enregistrements), elles représentaient 23 % des enfants victimes d’agression sexuelle. Ainsi, le taux d’attrition plus élevé observé pour les agressions sexuelles perpétrées contre des victimes de sexe masculin est peut‑être attribuable en partie au fait que les victimes de sexe masculin sont plus susceptibles d’être des enfants, et l’ensemble des affaires d’agression sexuelle dans lesquelles la victime est un enfant font l’objet d’un taux d’attrition plus élevé, en plus de donner lieu à des taux de condamnation plus élevés et à une plus grande probabilité de peine d’emprisonnement.

Pour que l’effet soit neutralisé, si les agressions sexuelles sont limitées à celles dans lesquelles la victime est un adulte âgé de 18 ans et plus, le taux de condamnation change radicalement et est légèrement inférieur pour les causes dans lesquelles les victimes sont de sexe masculin (42 % par rapport à 46 % pour les victimes de sexe féminin). Les taux d’attrition sont toutefois demeurés plus élevés pour les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles la victime était de sexe masculin, 51 % des affaires étant abandonnées entre la mise en accusation par la police et les tribunaux, comparativement à 45 % pour les agressions sexuelles perpétrées contre une femme. Un tel phénomène peut être attribué en partie à la tendance des victimes d’agression sexuelle de sexe masculin (y compris les adultes) à signaler à la police les incidents plus tardivement que les victimes de sexe féminin (Rotenberg, 2017), et à l’incidence subséquente du signalement tardif sur l’attrition des causes. Dans l’ensemble, les constatations semblent indiquer que, bien que les affaires d’agression sexuelle perpétrées contre des victimes de sexe masculin soient beaucoup moins fréquentes que celles commises contre des victimes de sexe féminin, elles sont plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice, que la victime soit un enfant ou un adulte.

Le taux de rétention était plus élevé pour les auteurs présumés qui étaient beaucoup plus jeunes que leur victime et moins élevé pour les auteurs présumés qui étaient beaucoup plus âgés que leur victime

Il semble exister une corrélation entre la rétention des infractions d’agression sexuelle au sein du système de justice et la différence d’âge entre l’auteur présumé et la victime (graphique 11, axe secondaire). Plus l’auteur présumé était jeune par rapport à la victime, plus l’affaire était susceptible de demeurer dans le système : parmi les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles l’auteur présumé était plus jeune que la victime d’au moins 16 ans, 2 affaires sur 3 (66 %) ont été portées devant les tribunaux après avoir donné lieu à une mise en accusation par la police, comparativement à moins de la moitié (43 %) des affaires dans lesquelles l’auteur présumé était plus âgé que la victime d’au moins 16 ans. Dans ce dernier cas, le faible taux de rétention était attribuable en grande partie aux agressions sexuelles perpétrées par un membre de la famille beaucoup plus âgé que la victime, particulièrement un des parents ou un des beaux‑parents.

Graphique 11 Taux de condamnation et de rétention pour les affaires d’agression sexuelle, selon la différence d’âge entre la victime et l’auteur présumé, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du Graphique 11
Tableau de données du graphique 11
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 11. Les données sont présentées selon Différence d’âge
(titres de rangée) et Taux de condamnation et Taux de rétention de la mise en accusation par la police aux tribunaux, calculées selon taux de condamnation (pourcentage) et taux de rétention
unités de mesure (figurant comme en‑tête de colonne).
Différence d’âge
Taux de condamnation Taux de rétention de la mise en accusation par la police aux tribunaux
taux de condamnation (pourcentage)Tableau de Note 1 taux de rétentionTableau de Note 2
Auteur présumé plus jeune que la victime 16 ans et plus 61 66
11 à 15 ans 54 61
6 à 10 ans 53 57
1 à 5 ans 46 57
Même âge 46 55
Auteur présumé plus âgé que la victime 1 à 5 ans 50 53
6 à 10 ans 55 49
11 à 15 ans 51 48
16 ans et plus 48 43

Même si la plupart des agressions sexuelles sont perpétrées par un auteur présumé plus âgé que la victime de plusieurs années (Rotenberg, 2017), les affaires dans lesquelles l’auteur présumé était beaucoup plus jeune que la victime étaient les plus susceptibles de donner lieu à une déclaration de culpabilité : 3 causes sur 5 (61 %) dans lesquelles l’auteur présumé avait au moins 16 ans de moins que la victime ont donné lieu à une déclaration de culpabilité, comparativement à moins de la moitié (46 %) des causes dans lesquelles l’auteur présumé avait le même âge que la victime ou était plus jeune d’un à cinq ans (graphique 11, axe primaire).

Au moment de la détermination de la peine, plus la différence d’âge entre la victime et l’auteur présumé était grande, plus la cause était susceptible de donner lieu à une peine d’emprisonnement (tableau 3). La constatation était la même dans les deux sens, que l’auteur présumé était beaucoup plus âgé que la victime ou beaucoup plus jeune, autant dans les tribunaux pour adultes que dans les tribunaux de la jeunesse.

Pour simplifier et contextualiser les constatations, nous pourrions dire que les femmes d’âge moyen et les femmes âgées qui ont été agressées sexuellement par un jeune homme étaient plus susceptibles de voir leur agresseur se présenter devant les tribunaux et être déclaré coupable, tandis que les jeunes victimes de sexe féminin et les victimes de sexe masculin (y compris les enfants) qui ont été agressées sexuellement par un homme d’âge moyen ou un homme âgé beaucoup plus vieux qu’elles étaient moins susceptibles de voir les mêmes résultats dans le système de justice.

Lorsque l’auteur présumé répondait à certains des critères de la définition de pédophilie, les affaires d’agression sexuelle étaient plus susceptibles d’être abandonnées dans le système de justice avant d’être portées devant les tribunaux

La pédophilie est définie, sur le plan clinique, comme étant la présence d’impulsions sexuelles répétées et intenses (auxquelles la personne a cédé ou non) à l’endroit d’enfants prépubères, lorsque la personne diagnostiquée est âgée d’au moins 16 ans et a au moins cinq ans de plus que la victime âgée de 13 ans ou moins (American Psychiatric Association, 2013). Bien que le Code criminel ne traite pas précisément d’infractions propres au diagnostic clinique de la pédophilie et que les données déclarées par la police ne contiennent pas de renseignements sur les pédophiles en tant que groupe distinct d’auteurs présumés, le critère relatif à l’âge que comporte la définition clinique de la pédophilie est appliqué dans la présente étude afin de déterminer les causes d’agression sexuelle dans lesquelles l’auteur présumé pourrait répondre à certains des critères de la définition de pédophilie (voir la section « Principaux concepts et définitions »). Parmi les affaires d’agression sexuelle qui ont donné lieu à une mise en accusation par la police pendant la période de six ans, environ 1 affaire sur 5 (19 %) a été perpétrée par un auteur présumé qui répondait aux critères relatifs à l’âge prévus dans la définition de la pédophilie contenue dans la présente étude (voir aussi Rotenberg, 2017).

Les auteurs présumés répondant aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie ont connu dans le système de justice une attrition plus grande que tout autre groupe fondé sur l’âge : tandis que plus de la moitié (54 %) des affaires d’agression sexuelle dans lesquelles la victime et l’agresseur faisaient partie du même groupe d’âge (écart de moins de cinq ans) ont été portées devant les tribunaux après la mise en accusation par la police, cela a été le cas de moins de 2 affaires sur 5 (37 %) lorsque l’agression sexuelle était perpétrée par un pédophile. Cette attrition s’explique en grande partie par les agressions sexuelles perpétrées particulièrement par un membre de la famille : les agressions sexuelles commises par un membre de la famille représentaient la moitié (49 %) de toutes les affaires d’agression sexuelle perpétrées par un pédophile qui ont été portées devant les tribunaux, mais seulement 18 % de l’ensemble des affaires d’agression sexuelle portées devant les tribunaux. Par conséquent, les affaires d’agression sexuelle dans lesquelles le pédophile était un étranger par rapport à la victime ont connu un taux de rétention beaucoup plus élevé entre la mise en accusation par la police et les tribunaux (59 %) que les affaires d’agression sexuelle commises par un pédophile qui était apparenté à la victime (33 %) (tableau 1).

Ces constatations sur l’attrition plus élevée dans le cas des agressions sexuelles perpétrées par un pédophile qui a été accusé ne devraient pas être interprétées de façon indépendante; d’autres facteurs, comme des liens familiaux et le signalement tardif, semblent avoir un effet cumulatif sur l’attrition. Par exemple, après neutralisation du signalement tardif par la limitation des incidents à ceux signalés à la police le jour même de l’agression, le taux d’attrition est passé de 63 % à 57 % pour les agressions sexuelles perpétrées par un pédophile, et de 46 % à 43 % pour les agressions sexuelles commises par un pair du même groupe d’âge que la victime (écart de moins de cinq ans). Cela laisse supposer que les difficultés sur le plan de l’enquête qui résultent du signalement tardif à la police peuvent expliquer une partie des taux d’attrition plus élevés observés pour les agressions sexuelles perpétrées par un pédophile; toutefois, même lorsque le signalement tardif est neutralisé, l’attrition demeure plus élevée parmi les causes d’agressions sexuelles perpétrées par une personne qui répondait aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie.

En termes simples, dans le cas des agressions sexuelles perpétrées par un possible pédophile, si l’auteur présumé était un étranger par rapport à l’enfant victime, la plupart des causes étaient alors retenues dans le système de justice. Cependant, dans le cas des agressions sexuelles perpétrées par un possible pédophile qui est un membre de la famille — y compris par un parent de la victime —, les affaires étaient plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice. Le signalement tardif à la police des agressions sexuelles contre un enfant accentuait le risque d’attrition.

Les enfants agressés sexuellement par un parent sont moins susceptibles de voir leur agresseur être jugé devant les tribunaux ou être déclaré coupable

Si l’âge de la victime, l’âge de l’auteur présumé et le lien de l’auteur présumé avec la victime sont tous pris en compte en même temps, les parents ou les beaux‑parents accusés d’avoir agressé sexuellement leur enfant de 13 ans ou moins représentaient le groupe le moins susceptible d’être jugé devant les tribunaux ou d’être déclaré coupable.

Dans la présente étude, une agression sexuelle perpétrée par un parent à l’endroit de son enfant de 13 ans ou moins est considérée comme étant un crime de pédophilie par défautNote . Deux agressions sexuelles de cette nature sur trois (67 %) ont été abandonnées au sein du système de justice entre la mise en accusation par la police et les tribunaux (tableau 1). Comparativement au taux d’attrition observé pour les agressions sexuelles perpétrées par un pédophile qui était un étranger par rapport à la victime (41 %), cet écart de 26 points de pourcentage représente l’un des écarts les plus importants en matière d’attrition pour l’ensemble des caractéristiques relatives aux affaires, aux auteurs présumés et aux victimes analysées dans la présente étude.

Même si la neutralisation du signalement tardif a permis de réduire le taux d’attrition pour les agressions sexuelles perpétrées par un parent à l’endroit de son enfant (de 67 % à 61 %) et pour celles commises par un possible pédophile qui était un étranger par rapport à la victime (de 41 % à 36 %), il est clair que le signalement tardif n’explique pas l’important écart qui demeure, au chapitre de l’attrition, entre ces deux types d’agressions sexuelles perpétrées par un pédophile.

Pour les affaires qui ont été portées devant les tribunaux, les taux de condamnation pour les parents accusés d’agression sexuelle à l’endroit de leur enfant étaient parmi les plus faibles (49 %) parmi tous les autres groupes analysés (tableau 2). Dans l’ensemble, selon les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police, environ 1 enfant sur 3 (30 %), parmi ceux qui ont été victimisés par un auteur présumé qui leur était étranger et qui répondait aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie, a vu son agresseur être déclaré coupable devant les tribunaux, tandis que cela n’a été le cas que pour 1 enfant sur 10 (13 %) environ parmi les enfants qui ont été agressés sexuellement par un de leurs parents.

Parmi les causes ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité dans les tribunaux pour adultes, 4 causes sur 5 (81 %) dans lesquelles un parent était accusé d’avoir agressé sexuellement son enfant ont donné lieu à une peine d’emprisonnement. Cette proportion est beaucoup plus élevée que celles observées dans le cas des causes d’agressions sexuelles perpétrées par un pédophile qui était un étranger par rapport à la victime et ayant donné lieu à une peine d’emprisonnement (68 %) et de l’ensemble des causes d’agression sexuelle ayant donné lieu à une peine d’emprisonnement (56 %) (tableau 3).

La figure 3 représente visuellement les taux d’attrition et les taux de condamnation pour les groupes pertinents de victimes et d’auteurs présumés selon la nature des relations entre les deux, ce qui permet de bien résumer les décisions rendues en matière de justice pour les divers types de relations complexes entre la victime et l’auteur présumé mentionnés jusqu’à maintenant. La matrice permet de visualiser simultanément les deux mesures du système de justice. Les points de données présentés aux extrémités de chaque quadrant représentent les types de relations qui s’éloignent le plus des chiffres de base correspondants à l’ensemble des affaires d’agression sexuelle (l’intersection des lignes rouges pointillées). Il est à noter que les catégories peuvent se chevaucher.

Figure 3 Matrice des taux d’attrition et des taux de condamnation pour certaines caractéristiques fondées sur le lien de l’auteur présumé avec la victime, affaires d’agression sexuelle couplées, Canada, 2009 à 2014

Tableau de données du figure 3
Tableau de données du figure 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du figure 3 taux d’attrition et taux de condamnation(figurant comme en‑tête de colonne).
taux d’attritionTableau de Note 1 taux de condamnationTableau de Note 2
Ensemble des agressions sexuelles 51 55
Enfants victimes (13 ans ou moins) 60 61
Jeunes victimes (12 à 17 ans) 55 54
Victimes adultes (18 ans et plus) 45 46
Auteur présumé étranger 36 52
Auteur présumé connu de la victime 53 50
Partenaire intime 45 50
Parent ou beau‑parent 67 50
Autre membre de la famille 62 61
Simple connaissance 48 48
Groupe des pédophiles 63 58
Pairs du même groupe d’âge 46 48
Pédophile ‑ Étranger 41 59
Pédophile ‑ Parent ou beau‑parent 67 49
Pédophile ‑ Autre membre de la famille 67 63
Pédophile ‑ Simple connaissance 57 62
Pair ‑ Étranger 37 49
Pair ‑ Partenaire intime 44 51
Pair ‑ Autre membre de la famille 58 58
Pair ‑ Simple connaissance 45 46

Dans l’ensemble, la rétention était plus élevée et les décisions des tribunaux étaient plus sévères pour les agressions sexuelles perpétrées par un auteur présumé qui répondait aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie et qui était étranger par rapport à la victime, mais l’inverse était vrai lorsque des enfants ont été victimisés par un de leurs parents. Les affaires dans lesquelles des parents ont été accusés d’avoir agressé sexuellement leur enfant figuraient parmi celles présentant les taux d’attrition les plus élevés et les taux de condamnation les plus faibles, même une fois neutralisé l’effet du signalement tardif, ce qui rendait ces affaires plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice.

Les affaires d’agression sexuelle perpétrées à l’endroit d’un adulte par un pair du même groupe d’âge que la victime étaient relativement plus susceptibles d’être portées devant les tribunaux, mais les taux de condamnation étaient parmi les plus faibles (figure 3). C’était particulièrement le cas pour les agressions sexuelles perpétrées par quelqu’un qui était un étranger ou une connaissance de la victime et qui avait moins de cinq ans de différence avec la victime.

Résumé

Dans la présente étude, les affaires d'agression sexuelle ont été suivies de la police aux tribunaux, et trois mesures clés du système de justice ont été analysées : l’attrition des causes d’agression sexuelle entre la mise en accusation par la police et les tribunaux, les taux de condamnation dans les causes qui ont été portées devant les tribunaux, et les peines imposées dans les causes ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité. L’utilisation de données couplées sur les agressions sexuelles a permis, pour la première fois, de mesurer l’attrition au sein du système de justice au lieu d’analyser les données sur les décisions prises par la police et les tribunaux indépendamment les unes des autres.

Selon les constatations, la majorité (79 %) des affaires d’agression sexuelle déclarées par la police n’ont pas donné lieu à une cause réglée par les tribunaux pendant la période de référence de six ans visée par l’étude. Le taux d’attrition est nettement plus élevé pour les affaires d’agression sexuelle que pour les affaires de voies de fait (61 %). La principale source de l’attrition des affaires d’agression sexuelle se situait à la première étape du système de justice pénale, moins de la moitié (43 %) des affaires déclarées par la police ayant donné lieu à une mise en accusation par la police. Cependant, par rapport aux voies de fait, les affaires d’agression sexuelle étaient beaucoup plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice entre la mise en accusation par la police et les tribunaux; la moitié (49 %) des affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police ont en effet été portées devant les tribunaux, comparativement à une proportion beaucoup plus importante (75 %) pour les voies de fait. La minorité des affaires d’agression sexuelle qui ont été portées devant les tribunaux ont donné lieu à un taux de condamnation légèrement plus faible que pour les voies de fait (55 % par rapport à 59 %); une fois la déclaration de culpabilité prononcée, toutefois, les affaires d’agression sexuelle étaient beaucoup plus susceptibles de donner lieu à une peine d’emprisonnement (56 % par rapport à 36 %).

Si l’attrition est prise en compte pour l’ensemble du système de justice pénale, en termes simples, un peu plus de 1 affaire sur 10 (12 %) d’agression sexuelle signalée à la police et corroborée par celle‑ci a donné lieu à une déclaration de culpabilité et seulement 7 % ont donné lieu à une peine d’emprisonnement. Dans l’ensemble, les constatations de la présente étude correspondent à celles des recherches antérieures, qui avaient soulevé il y a quelques décennies une préoccupation au sujet de l’attrition élevée des affaires d’agression sexuelle dans le système de justice (Gregory et Lees, 1996; Gunn et Linden, 1997; McNickle et autres, 1978; Roberts, 1994; Roberts, 1996; Tang, 1998).

Les décisions prises dans le système de justice ont également été analysées selon les caractéristiques disponibles relatives aux affaires, aux victimes et aux auteurs présumés afin de déterminer les facteurs qui peuvent contribuer à des taux d’attrition élevés ou à de faibles taux de condamnation (voir l’encadré 7 pour un sommaire de haut niveau). Des taux d’attrition plus élevés ont été observés parmi les agressions sexuelles qui présentaient les caractéristiques suivantes : elles ont été signalées à la police longtemps après l’agression; la police a déclaré dans le dossier que des éléments étaient incomplets ou inconnus; aucune arme n’était présente; la victime n’a subi aucune blessure corporelle; l’agression s’est produite dans une propriété privée; l’agresseur était un jeune contrevenant; la victime était un enfant; la victime était un jeune de sexe masculin; un parent a agressé sexuellement son enfant; les victimes avaient un autre lien avec leur agresseur (à l’exclusion des conjoints et des conjointes). Parmi les affaires qui ont été portées devant les tribunaux, des taux de condamnation plus faibles ont été observés dans le cas des agressions sexuelles qui présentaient les caractéristiques suivantes : signalement tardif à la police; auteur présumé de sexe féminin; auteur présumé de 55 ans et plus; un parent a agressé sexuellement son enfant; un adulte a été agressé sexuellement par un pair du même groupe d’âge, particulièrement par une simple connaissance. Dans les causes ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité, des peines plus clémentes (c.‑à‑d. une plus faible proportion de peines d’emprisonnement) ont été imposées dans le cas des agressions sexuelles qui présentaient les caractéristiques suivantes : aucune arme n’était présente; un adulte a été victimisé par un pair du même groupe d’âge; et les causes où la victime entretenait ou avait déjà entretenu une relation intime avec l’agresseur.

De telles constatations donnent un aperçu des types d’agressions sexuelles qui sont plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice, et elles correspondent aux autres recherches, qui attribuent l’attrition des affaires d’agression sexuelle à des facteurs à la fois juridiques et extrajuridiques (Spears et Spohn, 1997; Tasca et autres, 2012). Les décideurs politiques peuvent utiliser les constatations de la présente étude pour alimenter les discussions sur le traitement des diverses affaires d’agression sexuelle dans le système de justice, particulièrement sur le signalement tardif des agressions sexuelles, et les affaires dans lesquelles de jeunes victimes sont agressées sexuellement par un membre de la famille. De plus, ces constatations peuvent être utiles aux responsables de l’établissement de pratiques exemplaires pour les services qui permettent d’aider les victimes d’agression sexuelle à cheminer dans le système de justice.

En raison de la nature de l’agression sexuelle, il peut s’avérer plus difficile de porter des accusations et de condamner l’auteur présumé que dans les affaires de voies de fait, et ce, pour de nombreuses raisons, notamment : l’absence de témoins (Felson et Paré, 2007) et le fait que l’agression s’est produite dans une propriété privée (présente étude), l’absence de preuves médico‑légales ou de blessures corporelles (McGregor et autres, 1999; Tasca et autres, 2012; présente étude), des défis sur le plan de l’enquête comme le signalement tardif et les renseignements incomplets sur l’affaire (Johnson et Peterson, 2008; Spaulding et Bigbee, 2001; Lievore, 2003; présente étude), des liens préexistants entre la victime et l’agresseur dans le cadre de relations intimes ou de liens familiaux (Felson et Paré, 2005; Jones et autres, 2009; présente étude), des incohérences dans les déclarations des victimes (Alderden et Ullman, 2012), l’application de stéréotypes fondés sur le sexe et de mythes sur le viol préjudiciables (Grubb et Turner, 2012; Sampert, 2010; Weiss, 2009) et le fardeau imposé à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement (Randall, 2010). Enfin, même si la corroboration d’une tierce partie n’est pas nécessaire pour déclarer une personne accusée coupable d’agression sexuelle (art. 274, Code criminel), la production d’éléments prouvant qu’une agression sexuelle s’est produite et que le consentement n’a pas été donné par la victime peut être particulièrement difficile étant donné la nature souvent privée de l’agression elle‑même.

Recherches futures

À l’aide de la méthodologie établie dans la présente étude pour suivre les affaires d’agression sexuelle jusqu’au règlement par les tribunaux, les futures recherches pourraient appliquer le même modèle à d’autres types d’infractions. Il serait particulièrement utile de refaire une analyse semblable de l’attrition pour toutes les infractions sexuelles perpétrées à l’endroit d’enfants. Outre les agressions sexuelles, de nombreuses autres infractions de nature sexuelle contre les enfants sont énoncées dans le Code criminel, telles que l’exploitation sexuelle et les contacts sexuels. Comme les affaires portant sur des agressions sexuelles perpétrées par un agresseur qui répondait aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie ont donné lieu à certains des taux d’attrition les plus élevés dans la présente étude, il est justifié de mettre l’accent sur les enfants victimes d’infraction sexuelle et d’examiner les types de caractéristiques relatives aux affaires, aux victimes et aux auteurs présumés qui pourraient représenter un obstacle au traitement de l’affaire à toutes les étapes du système de justice pénale.

Dans la présente étude, l’attrition attribuable au manque d’accusations au criminel déposées par la police ou la Couronne a été analysée dans une certaine mesure lorsque les constatations étaient les plus pertinentes, car l’analyse de l’attrition a surtout porté sur l’abandon d’affaires entre la mise en accusation par la police et les tribunaux. Ainsi, l’abandon d’affaires d’agression sexuelle pourrait faire l’objet d’analyses additionnelles selon les caractéristiques de la victime, de l’auteur présumé et de l’étape de la mise en accusation afin de déterminer quels types d’affaires d’agression sexuelle sont les plus susceptibles d’être abandonnées au sein du système de justice à une étape antérieure du processus.

La présente étude a permis d’analyser l’ensemble de l’attrition et des décisions des tribunaux pour les jeunes qui avaient été accusés d’agression sexuelle, mais elle ne prévoyait pas l’analyse des caractéristiques relatives aux affaires, aux auteurs présumés et aux victimes particulièrement pour les causes d’agression sexuelle perpétrée par un jeune à l’endroit d’un autre jeune. Comme le tiers des infractions sexuelles à l’endroit d’un enfant ou d’un jeune ont été perpétrées par un autre jeune (Cotter et Beaupré, 2014), d’autres recherches sur l’attrition entre la mise en accusation par la police et les tribunaux profiteraient aussi d’analyses sur les agressions sexuelles dans lesquelles l’auteur présumé et la victime sont tous les deux des jeunes, car ces analyses permettraient d’examiner comment ces affaires sont traitées dans le système de justice. De plus, puisque la présente étude a surtout porté sur l’attrition entre la mise en accusation par la police et les tribunaux, un nombre disproportionné de jeunes auteurs présumés ont été omis de l’analyse, car les jeunes contrevenants sont moins susceptibles d’être inculpés. En outre, les peines pour les jeunes déclarés coupables d’agression sexuelle ou d’une autre infraction sexuelle représentent un autre domaine qui pourrait être exploré davantage.

Enfin, des recherches additionnelles sur le signalement tardif à la police permettraient de mieux comprendre dans quelle mesure le signalement tardif des crimes peut influer sur les décisions des tribunaux pour diverses infractions criminelles. Même si le signalement tardif des voies de fait semblait aussi nuire aux taux de rétention et aux déclarations de culpabilité, le fait d’examiner si d’autres infractions avec ou sans violence sont également touchées par le signalement tardif permettrait d’étoffer ce nouveau domaine de recherche.

Début de l'encadré

Encadré 7
Sommaire des caractéristiques qui peuvent influer sur les décisions relatives aux affaires d'agression sexuelle dans le système de justice

Caractéristiques observées parmi les causes présentant des taux d’attrition élevés et/ou de faibles taux de condamnation :

  • Signalement tardif de l’agression sexuelle à la police
  • Renseignements incomplets ou inconnus dans le dossier
  • L’agression s’est produite dans une propriété privée
  • La victime n’a subi aucune blessure corporelle
  • Agresseur de sexe féminin
  • Auteur présumé âgé de 17 ans ou moins (attrition plus élevée, mais taux de condamnation plus élevés)
  • Enfants victimes
  • Victimes de sexe masculin
  • La victime connaissait l’auteur présumé, particulièrement s’il s’agissait d’un membre de la famille ou d’une simple connaissance
  • La victime était un enfant agressé sexuellement par un parent
  • Grande différence d’âge, lorsque la victime était beaucoup plus jeune que l’agresseur

Caractéristiques observées parmi les causes présentant de faibles taux d’attrition et/ou des taux de condamnation élevés :

  • Agressions sexuelles de niveau 2 ou de niveau 3 selon la police
  • Signalement à la police le même jour que l’agression sexuelle a eu lieu
  • Renseignements complets dans le dossier
  • Présence d’une arme pendant l’agression sexuelle
  • La victime a subi des blessures corporelles
  • La victime était un enfant agressé sexuellement par une personne qui répondait aux critères relatifs à l’âge de la définition de pédophilie et qui était un étranger ou une simple connaissance
  • La victime est plus âgée et a été agressée sexuellement par quelqu’un de beaucoup plus jeune
  • La victime a été agressée sexuellement par un étranger ou par un partenaire intime ou un ex partenaire intime du même groupe d’âge (écart de moins de cinq ans)

Note : Certaines de ces caractéristiques peuvent être concomitantes ou avoir un effet cumulatif sur les taux d’attrition ou les taux de condamnation lorsque deux facteurs ou plus s’appliquent à la même cause. Pour en savoir davantage, se reporter au corps de l’article.

Fin de l'encadré

Description de l’enquête

Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire

Le Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire (Programme DUC) permet de recueillir des renseignements détaillés sur les affaires criminelles signalées aux services de police canadiens dont le bien‑fondé a été établi par ceux‑ci. Ces renseignements comprennent les caractéristiques liées aux affaires (telles que la présence ou l’utilisation d’une arme, le lieu et le temps mis pour signaler l’incident à la police), aux victimes (telles que l’âge, le sexe, le lien de l’auteur présumé avec la victime, et la présence de blessures corporelles) et aux auteurs présumés (telles que l’âge, le sexe et les accusations portées). De 2009 à 2014, les données déclarées par les services de police portaient sur 99 % de la population du Canada. Les affaires sont fondées sur des microdonnées du Programme DUC regroupées pour chacune des années visées et, par conséquent, ne correspondent pas aux données des tableaux CANSIM, puisque ceux‑ci font état de données agrégées.

Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle

L’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) a pour objet d’élaborer et de tenir à jour une base de données nationale contenant des renseignements statistiques sur les comparutions, les accusations et les causes traitées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse. L’enquête se veut un recensement des accusations en instance et réglées qui ont été portées en vertu de lois fédérales et entendues par les tribunaux provinciaux et territoriaux et les cours supérieures du Canada. Les cours d’appel, les cours fédérales (p. ex. la Cour canadienne de l’impôt) et la Cour suprême du Canada ne sont pas visées par l’enquête. Pour savoir comment les données de l’EITJC ont été interprétées aux fins de la présente étude, consulter la section « Approche analytique : Décisions rendues par les tribunaux ».

Méthodologie : Couplage d’enregistrements

Afin que les affaires d’agression sexuelle puissent être suivies dans le système de justice entre la mise en accusation par la police et les tribunaux, un couplage d’enregistrements déterministe a permis de coupler les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) sur les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police de 2009 à 2014 aux données de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) sur les décisions rendues dans les causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle de 2009‑2010 à 2014‑2015. Les affaires de voies de fait ont elles aussi été couplées aux décisions des tribunaux, ce qui donne un point de comparaison pour les décisions relatives aux agressions sexuelles.

Le couplage portait sur les affaires déclarées par la police dans lesquelles une agression sexuelle de niveau 1, 2 ou 3 constituait l’infraction la plus grave, et dans lesquelles l’auteur présumé n’était pas une entreprise. En raison de l’absence d’identificateurs personnels permettant d’identifier les contrevenants uniques pour les tribunaux du Québec et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, ces deux provinces ont été exclues du couplage. Ces exclusions représentent 19 % des affaires d’agression sexuelle et 19 % des affaires de voies de fait. Les affaires impliquant plus d’un auteur présumé ont été exclues dès le début en raison des difficultés que présentait l’analyse des caractéristiques relatives aux affaires dans lesquelles il y avait de multiples auteurs présumés pour la même infraction criminelle (ces exclusions représentent 5 % des agressions sexuelles et 14 % des voies de fait). Dans l’ensemble, après les exclusions dans les données de la police, les affaires d’agression sexuelle couplées représentaient 80 % (93 501) des 117 238 agressions sexuelles déclarées par la police au Canada de 2009 à 2014. Le chiffre correspondant était de 76 % pour les voies de fait (885 847 sur 1 167 777).

Afin de déterminer le taux de couplage avec les enregistrements des tribunaux (le contraire du taux d’attrition), les affaires déclarées par la police qui ont été couplées ont ensuite été limitées à celles pour lesquelles un auteur présumé a été identifié, puis aux affaires ayant mené à une mise en accusation. Parmi les 93 501 affaires d’agression sexuelle qui ont été couplées aux enregistrements des tribunaux, 59 % (55 077) impliquaient un auteur présumé qui avait été identifié par la police. Une accusation au criminel a été portée pour les trois quarts (74 %) de ces affaires. Dans l’ensemble, cela signifie que 43 % (40 490 sur 93 501) des affaires d’agression sexuelle ont donné lieu à une mise en accusation, tandis que 41 % n’ont pas été classées (aucun auteur présumé n’ayant été identifié), et les autres affaires (16 %) impliquaient un auteur présumé identifié, mais l’affaire a été classée sans mise en accusation. Les chiffres correspondants pour les voies de fait étaient de 75 % (663 552 sur 885 847) pour les affaires ayant un auteur présumé identifié; une accusation au criminel a été portée dans 68 % de ces affaires et, ultérieurement, 51 % (452 745 sur 885 847) ont donné lieu, dans l’ensemble, à une mise en accusation.

Pour que les affaires ayant donné lieu à une mise en accusation par la police qui ont été déclarées dans le cadre du Programme DUC puissent être couplées aux enregistrements des tribunaux provenant de l’EITJC, les auteurs présumés ont été appariés en fonction de l’identificateur personnel et de l’identificateur de l’affaire, y compris le soundex de l’auteur présumé (un algorithme qui code les noms pour des raisons de confidentialité), de la date de naissance de l’auteur présumé, du sexe de l’auteur présumé, de la province dans laquelle l’incident a été signalé à la police, et de la date de l’infraction. Autant les décisions des tribunaux pour adultes que celles des tribunaux de la jeunesse ont fait l’objet du couplage. Les données des tribunaux excluent les renseignements provenant des cours supérieures de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan ainsi que des cours municipales du Québec. Ces données ne peuvent être extraites des systèmes de déclaration électronique des provinces, et elles ne sont actuellement pas déclarées à l’EITJC — cela est le cas pour toutes les publications portant sur les tribunaux de juridiction criminelle et utilisant les données de cette enquête. Selon les estimations, les données exclues représentent au plus 2 % des affaires d’agression sexuelle qui auraient pu être couplées et 0,1 % des affaires de voies de fait. La proportion des affaires portées devant la cour supérieure des provinces qui déclarent des renseignements sur les cours supérieures a été appliquée aux provinces qui n’en déclarent pas, ce qui a permis d’établir ces estimations. Le Nunavut a été exclu des estimations, car ce territoire ne compte qu’un tribunal à palier unique (tribunal de première instance unifié). Dans l’ensemble, si les données des cours supérieures étaient disponibles pour toutes les provinces qui étaient dans le champ du couplage, le taux de couplage entre les affaires ayant donné lieu à une mise en accusation par la police et les enregistrements des tribunaux passerait de 49 % à 51 % (au plus) pour les affaires d’agression sexuelle, et il augmenterait de moins de 1 % et demeurerait à 75 % pour les affaires de voies de fait.

Dans la présente étude, le terme « portées devant les tribunaux » vise à faciliter la compréhension et représente les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police de 2009 à 2014 qui ont été couplées à au moins une accusation figurant dans une cause des tribunaux réglée au cours de la période allant de 2009‑2010 à 2014‑2015. Comme la durée médiane des causes d’agression sexuelle devant les tribunaux est environ le double de celle des causes de voies de fait (Maxwell, 2017; Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, 2017), il est possible, si ces causes sont plus longues à régler que les causes de voies de fait, que le taux de couplage soit faussé pour les causes d’agression sexuelle dont les tribunaux ont été saisis vers l’exercice 2014‑2015. C’est pourquoi le taux de couplage a été analysé par année. Comme on pouvait s’y attendre, les affaires déclarées par la police dans la dernière année visée par l’étude (2014) présentent un taux de couplage nettement inférieur (21 % pour les agressions sexuelles; 52 % pour les voies de fait) à celui observé pour toutes les autres années, étant donné la courte période pendant laquelle une cause pouvait être réglée par les tribunaux afin d’être incluse dans l’étude. Si les affaires déclarées par la police en 2014 et les causes réglées par les tribunaux en 2014‑2015 sont exclues, le taux de couplage augmente, passant de 49 % à 54 % pour les agressions sexuelles et de 75 % à 80 % pour les voies de fait. Même si ces chiffres révèlent une hausse du taux de couplage de quelques points de pourcentage, l’écart entre les affaires d’agression sexuelle et les affaires de voies de fait demeure le même. Cela semble indiquer que, même si les affaires déclarées en 2014 présentent un taux de couplage moins élevé, aucun biais marqué n’a été observé pour la dernière année visée par l’étude relativement aux affaires d’agression sexuelle par rapport aux affaires de voies de fait. Pour cette raison, et pour que les analyses plus détaillées au niveau des caractéristiques puissent reposer sur un nombre maximal de causes couplées, les six années de données provenant de la police et des tribunaux ont toutes été conservées pour le couplage aux fins de la présente étude.

Après élimination des affaires qui étaient hors du champ d’observation ainsi que des enregistrements en double et des mises en correspondance susceptibles d’être erronées, les taux de couplage définitifs entre les affaires ayant donné lieu à une mise en accusation par la police et les causes réglées par les tribunaux étaient de 49 % (19 806 sur 40 490) pour les affaires d’agression sexuelle et de 75 % (341 101 sur 452 745) pour les affaires de voies de fait.

Comme pour tout couplage d’enregistrements, le couplage est susceptible de comporter des erreurs de couplage de faux négatifs, c’est‑à‑dire que certaines affaires peuvent ne pas avoir été couplées en raison de problèmes liés à la qualité des données administratives (p. ex. des dates de naissance erronées ou des identificateurs personnels différents utilisés pour un même auteur présumé). Par conséquent, combiné à d’autres considérations d’ordre méthodologique comme il a été expliqué ci‑dessus, le taux de couplage entre les affaires déclarées par la police et les enregistrements des tribunaux est peut‑être sous‑estimé et, en revanche, le taux d’attrition est peut‑être surestimé.

Approche analytique : Décisions rendues par les tribunaux

Les causes criminelles entendues par un tribunal canadien de juridiction criminelle peuvent comporter de nombreuses accusations différentes au sein de la même cause. Une cause regroupe toutes les accusations portées contre la même personne en une seule cause dont une ou plusieurs dates clés se chevauchent (date de l’infraction, date de l’introduction, date de la première comparution ou date de la décision). Le fait qu’une cause comporte de multiples accusations différentes présente un défi pour l’analyse des enregistrements des tribunaux couplés aux affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police, car il ne s’agit pas d’un lien unique un à un. Par exemple, parmi les causes réglées par les tribunaux couplées à une seule affaire d’agression sexuelle déclarée par la police, chaque cause devant les tribunaux comportait en moyenne 13 accusations. Il ne s’agissait généralement pas toutes d’accusations visant des infractions relatives à une agression sexuelle; il s’agissait souvent d’accusations liées à d’autres affaires dans lesquelles l’auteur présumé était impliqué qui n’étaient pas visées par le couplage au niveau de la police, ou encore d’autres accusations déposées par la Couronne.

Afin que les décisions couplées des tribunaux soient présentées de façon exacte et que l’analyse des données de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) respecte les pratiques exemplaires, toute la séquence des accusations dans une cause — pas seulement les accusations qui étaient couplées à l'affaire d'agression sexuelle déclarée par la police — devait être prise en compte. Une fois que le couplage a permis de déterminer les causes qui comportaient au moins une accusation qui avait été couplée directement à une affaire d’agression sexuelle déclarée par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC), un couplage subséquent entre les causes de l’EITJC et les mises en accusation a été effectué pour extraire toutes les accusations dans la séquence pour les causes couplées des tribunaux. Cela a produit un dédoublement de certains renseignements relatifs à des accusations portées devant les tribunaux : dans de tels cas, la même accusation portée devant les tribunaux avait été couplée de nouveau non seulement à l’agression sexuelle, mais à une autre affaire déclarée dans le cadre du Programme DUC qui n’était pas liée à l’agression sexuelle (fréquence de 11 % pour le couplage des affaires d’agression sexuelle et de 3 % pour le couplage des affaires de voies de fait). Un exercice d’élimination des doubles a ensuite permis d’établir une correspondance biunivoque entre chaque affaire déclarée dans le cadre du Programme DUC (que l’affaire soit liée ou non à une agression sexuelle) et chaque accusation portée devant les tribunaux et déclarée dans l’EITJC. Les affaires ont été classées par ordre de priorité en fonction notamment de l’infraction cible (agression sexuelle ou voies de fait pour chaque fichier de couplage respectif en premier), suivie de la complexité des infractions (multiples infractions pour une même affaire), de la gravité de l’infraction, et ensuite de la date de l’infraction; ces règles d’établissement des priorités ont permis de conserver les affaires les plus pertinentes par rapport à l’agression sexuelle.

Après l’ajout de toutes les accusations de la séquence et le nettoyage des données, la méthode de l’infraction la plus grave dans la cause a été utilisée comme principale méthode permettant de mesurer les décisions des tribunaux. Dans l’EITJC, une cause comportant plus d’une accusation est représentée par l’infraction la plus grave, qui est choisie selon les règles ci‑après. On tient d’abord compte des décisions rendues par les tribunaux, et l’accusation ayant abouti à la décision la plus sévère est choisie. Les décisions sont classées de la plus sévère à la moins sévère, comme suit : 1) accusé reconnu coupable; 2) accusé reconnu coupable d’une infraction moindre; 3) accusé acquitté; 4) procédure suspendue; 5) procédure retirée ou rejetée, ou accusé absous; 6) accusé non criminellement responsable; 7) autre; 8) cause renvoyée à un autre palier de juridiction.

Ensuite, dans les causes où deux accusations au criminel ou plus ont donné lieu à la même décision la plus sévère (p. ex. les deux accusés reconnus coupables), les peines imposées en vertu du Code criminel étaient prises en compte. Les accusations étaient classées selon une échelle de gravité des infractions, qui est fondée sur les peines qui ont effectivement été imposées par les tribunaux au Canada. Chaque infraction est classée en fonction de 1) la proportion des accusations avec verdict de culpabilité qui ont donné lieu à une peine d’emprisonnement et de 2) la durée moyenne des peines d’emprisonnement infligées pour le type précis d’infraction. Ces valeurs étaient ensuite multipliées, ce qui a permis d’obtenir le classement final de la gravité de chaque type d’infraction. Si deux accusations demeuraient classées également selon ce critère, il fallait alors tenir compte des renseignements sur le type de peine et la durée de la peine (p. ex. l’emprisonnement et la durée de l’emprisonnement, la probation et la durée de la probation).

Afin que la méthode de l’infraction la plus grave dans la cause soit davantage pertinente pour les affaires d’agression sexuelle en particulier, on a extrait un sous‑ensemble de causes comportant au moins une accusation d’agression sexuelle de niveau 1, 2 ou 3. Ces causes représentaient 84 % des affaires couplées d’agression sexuelle et 96 % des affaires couplées de voies de fait.

Pour l’analyse des décisions des tribunaux selon les caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés, un sous‑ensemble distinct a été constitué afin que la méthode de l’infraction la plus grave dans la cause permette d’obtenir une accusation devant les tribunaux qui puisse être couplée de nouveau à une affaire d’agression sexuelle déclarée dans le cadre du Programme DUC. Il convient de rappeler qu'après l'extraction de toutes les accusations faisant partie de la séquence, certaines accusations ont été associées à des affaires déclarées par la police qui n’étaient pas liées à une agression sexuelle. Évidemment, l’analyse des décisions des tribunaux en fonction des caractéristiques de l’affaire, comme le type de lieu et le signalement tardif, pourrait être confondue avec l’analyse d’autres types d’affaires si l’affaire couplée n’était pas une affaire d’agression sexuelle. L’analyse de l’infraction la plus grave correspondant à l’accusation portée dans une cause (peu importe l’infraction visée par l’accusation portée devant les tribunaux), selon les caractéristiques de l’affaire, de la victime et de l’auteur présumé, a donc été limitée aux accusations qui pouvaient être couplées de nouveau à une affaire d’agression sexuelle déclarée par la police. Ces exclusions représentaient 15 % des affaires couplées d’agression sexuelle et 16 % des affaires couplées de voies de fait.

Au besoin, des sous‑ensembles types ont été créés pour l’analyse des caractéristiques des victimes, comme le filtrage des affaires comptant une seule victime pour laquelle il existe un enregistrement complet. Il a été nécessaire de limiter les affaires à celles mettant en cause une seule victime afin d’éviter de confondre les caractéristiques portant sur deux victimes ou plus. Le sous‑ensemble des affaires comptant une seule victime était aussi appliqué à l’analyse des variables relatives à la victime comparativement à celles de l’auteur présumé, comme la nature du lien de l’auteur présumé avec la victime, ainsi que la différence d’âge entre les deux. Des sous‑ensembles analytiques fondés sur l’âge ont aussi été constitués pour des analyses relatives à la victime ou à l’auteur présumé au besoin, et il a fallu pour cela exclure les affaires dans lesquelles l’âge était invalide, que ce soit celui de la victime (données manquantes ou de 90 ans et plus pour des raisons de qualité des données) ou celui de l’auteur présumé (données manquantes, moins de 12 ans, ou 90 ans et plus).

Principaux concepts et définitions

Acquittement (au niveau des tribunaux) : Pour qu’un acquittement soit prononcé, le procès doit avoir eu lieu, et un verdict de non‑culpabilité doit avoir été rendu pour toutes les accusations présentées devant les tribunaux.

Affaire d’agression sexuelle de longue durée : Aux fins du présent rapport, les affaires d’agression sexuelle de longue durée désignent les agressions sexuelles déclarées par la police pour lesquelles une date de début a été déterminée (date de la première infraction) et qui se sont poursuivies pendant plus d’une semaine (c.‑à‑d. que la dernière infraction doit avoir eu lieu au moins huit jours après la première). Ces affaires de longue durée s’opposent aux affaires isolées, pour lesquelles une seule occurrence a été déclarée par la police. Les affaires d’agression sexuelle de longue durée ne constituent pas nécessairement une mesure de la victimisation répétée ou des récidives, puisque la police peut toujours déclarer une nouvelle affaire pour une même victime ou un auteur présumé si les circonstances ou la nature de l’affaire changent.

Affaire comptant une seule victime : Affaire criminelle déclarée par la police comptant une seule victime. Les affaires comptant plus d’une victime sont exclues des analyses sur les caractéristiques des victimes afin d’éviter le risque de confusion sur le plan de la méthodologie en ce qui concerne les caractéristiques des victimes dans les affaires comptant plus d’une victime.

Affaire mettant en cause un seul auteur présumé : Affaire criminelle déclarée par la police dans laquelle un seul auteur présumé a été identifié. Les affaires mettant en cause plus d’un auteur présumé sont exclues des analyses sur les caractéristiques des auteurs présumés afin d’éviter le risque de confusion sur le plan de la méthodologie en ce qui concerne les caractéristiques des auteurs présumés dans les affaires comptant plus d’un auteur présumé.

Affaire non fondée : Incident signalé à la police pour lequel l’enquête policière a permis de déterminer qu’il n’y a eu aucune violation de la loi. Ces affaires ne sont pas prises en compte dans les crimes déclarés par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité. Se reporter à l’encadré 2 pour en savoir plus.

Agression sexuelle : Renvoie à des comportements allant des attouchements sexuels non désirés à la violence sexuelle qui entraîne des blessures physiques graves pour la victime ou défigure cette dernière, ces comportements correspondant aux catégories suivantes énoncées dans le Code criminel (voir aussi l’encadré 1) :

Attrition : Proportion d’affaires criminelles « abandonnées » à une étape quelconque du système judiciaire; elle est généralement définie dans la présente étude comme étant le pourcentage des affaires avec mise en accusation par la police qui n’ont pas donné lieu à une cause réglée par les tribunaux pendant la période de référence. Le taux d’attrition peut aussi être défini comme le contraire du « taux de couplage », ou le contraire du « taux de rétention » des affaires au sein du système de justice pénale. L’attrition peut aussi être mesurée de façon plus générale, comme au moyen de l’attrition globale (le pourcentage des affaires déclarées par la police, peu importe qu’elles aient été classées ou qu’un auteur présumé ait été identifié ou inculpé, qui n’ont pas donné lieu à une cause réglée par les tribunaux pendant la période de référence).

Blessures corporelles graves : Blessures infligées à la victime au moment du crime ou déterminées d’après l’enquête policière qui ne sont ni mineures, ni passagères et qui nécessitent des soins médicaux professionnels sur les lieux de l’affaire ou le transport vers un établissement médical. Il s’agit de renseignements déclarés par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, et ceux‑ci ne constituent pas nécessairement des preuves de lésions corporelles qui ont pu être présentées devant les tribunaux.

Blessures corporelles mineures : Blessures infligées à la victime au moment du crime ou déterminées d’après l’enquête policière qui ne nécessitent pas de soins médicaux professionnels ou nécessitent uniquement des premiers soins (p. ex. des pansements adhésifs, de la glace). Il s’agit de renseignements déclarés par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, et ceux‑ci ne constituent pas nécessairement des preuves de lésions corporelles qui ont pu être présentées devant les tribunaux.

Cause ayant fait l’objet d’un arrêt, d’un retrait, d’un rejet ou d’une absolution (au niveau des tribunaux) : Ces décisions signifient que le tribunal a demandé de mettre en suspens les accusations contre l’auteur présumé ou de mettre fin à une procédure criminelle contre l’auteur présumé (notamment en raison de délais déraisonnables pour l’audition de la cause). Par conséquent, un procès n’a pas eu lieu ou a eu lieu partiellement. Comprend les arrêts, les renvois par le tribunal à des programmes de mesures de rechange ou de mesures extrajudiciaires et à des programmes de justice réparatrice, les retraits, les rejets et les absolutions à l’enquête préliminaire.

Coupable (au niveau des tribunaux) : Verdicts de culpabilité rendus pour les causes réglées par les tribunaux, y compris les décisions où l’accusé est reconnu coupable de l’infraction portée, d’une infraction incluse, d’une tentative d’infraction ou d’une tentative d’infraction incluse. Comprend également les plaidoyers de culpabilité ainsi que les causes ayant donné lieu à une absolution inconditionnelle ou à une absolution sous conditions.

Décision la plus sévère dans la cause (au niveau des tribunaux) : Décision la plus sévère rendue dans une cause donnée et correspondant à l’accusation portée devant les tribunaux. Pour chaque accusation, les décisions sont classées de la plus sévère à la moins sévère, de la façon suivante : 1) accusé reconnu coupable; 2) accusé reconnu coupable d’une infraction moindre; 3) accusé acquitté; 4) procédure suspendue; 5) procédure retirée ou rejetée, ou accusé absous; 6) accusé non criminellement responsable; 7) autre; 8) cause renvoyée à un autre palier de juridiction. Par exemple, dans le cas où six accusations au criminel sont portées dans une même cause et qu’au moins une de ces accusations donne lieu à un verdict de culpabilité, la décision la plus sévère dans la cause serait le verdict de culpabilité.

Différence d’âge : Différence d’âge (en années) entre la victime et son agresseur au moment de l’affaire d’agression sexuelle ou de voies de fait. Comprend les affaires dans lesquelles l’auteur présumé a été inculpé.

Enfant victime : Contrairement à d’autres articles de Juristat, le présent article définit les enfants victimes comme les victimes qui étaient âgées de 13 ans ou moins au moment du crime, et ce, aux fins d’harmonisation avec la définition de pédophilie utilisée pour caractériser certaines agressions sexuelles commises contre des enfants de 13 ans ou moins aussi analysées dans le présent article.

Infraction la plus grave dans l’affaire (au niveau de la police) : Déterminée par la police en fonction d’un certain nombre de règles de classement de la gravité de l’infraction. Puisqu’une affaire peut comprendre plusieurs infractions criminelles (jusqu’à quatre), l’infraction la plus grave est souvent celle qui représente l’affaire. Le classement de l’infraction tient compte des facteurs suivants : le fait que l’infraction a été violente ou non, la peine maximale imposée par le Code criminel, le fait que l’affaire comportait une infraction relative à un homicide (qui aurait toujours préséance sur les autres infractions passibles de la même peine maximale) et le pouvoir discrétionnaire du service de police. L’infraction la plus grave dans l’affaire n’est pas la même chose que l’infraction la plus grave contre la victime, qui correspond à l’infraction la plus grave perpétrée contre une seule personne.

Infraction la plus grave dans une cause (au niveau des tribunaux) : Correspond à une cause portée devant les tribunaux dans laquelle plus d’une accusation a été déposée. L’infraction la plus grave dans une cause est déterminée selon les critères suivants : 1) l’accusation ayant donné lieu à la décision la plus sévère dans la cause (voir précédemment); 2) l’accusation correspondant au type d’infraction la plus grave déterminé en fonction d’une échelle de gravité des infractions, qui est fondée sur les renseignements relatifs aux peines, particulièrement la proportion de peines d’emprisonnement imposées et la durée moyenne des peines d’emprisonnement. Si au moins deux accusations obtiennent toujours le même classement à la suite de cet exercice, il faut alors tenir compte des renseignements sur le type de peine et la durée de la peine (p. ex. l’emprisonnement et la durée de l’emprisonnement, et ensuite la probation et la durée de la probation).

Infraction mixte (hybride) : Crime pouvant être traité soit comme infraction punissable par procédure sommaire, soit comme acte criminel. Ces infractions comprennent les agressions sexuelles de niveau 1, la pornographie juvénile, les infractions sexuelles contre des enfants et certaines infractions relatives aux armes à feu, lesquelles « sont réputées punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation à moins que le ministère public ait choisi la procédure sommaire et jusqu’à ce qu’il fasse ce choix » (R. c. Dudley, 2009).

Infraction punissable par mise en accusation : Comprend généralement les crimes les plus graves (comme les agressions sexuelles des niveaux 2 et 3) qui sont passibles d’une peine maximale plus sévère et nécessitent des procédures judiciaires plus complexes (comme une audience préliminaire et un jury).

Infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire : Comprend généralement les crimes les moins graves comme les méfaits et les menus larcins. Ces infractions peuvent toutefois comprendre des agressions sexuelles de niveau 1 dans certaines circonstances. Les infractions punissables par procédure sommaire sont jugées par des juges des tribunaux provinciaux et sont passibles de peines maximales moins sévères.

Membre de la famille : Comprend les parents (père ou mère biologique, tuteur légal et beau‑père et belle‑mère de la victime), les autres membres de la famille immédiate (frères et sœurs biologiques, demi‑frères et demi‑sœurs, et frères et sœurs de la victime par alliance, par adoption ou de famille d’accueil), ainsi que les membres de la famille élargie ayant un lien avec la victime par le sang ou le mariage (p. ex. grands‑parents, oncles et tantes, cousins et cousines, beaux‑frères et belles‑sœurs, et beaux‑parents). Aux fins du présent article de Juristat, le conjoint ou la conjointe de la victime est exclu des membres de la famille et classé dans la catégorie « relation intime ».

Pair du même groupe d’âge : Correspond aux affaires d’agression sexuelle ou de voies de fait déclarées par la police dans lesquelles l’auteur présumé avait moins de cinq ans d’écart avec la victime (qu’il soit plus jeune ou plus âgé) et ne répondait pas aux critères de la définition de pédophile.

Pédophilie : Affaires d’agression sexuelle déclarées par la police et ayant mené à une mise en accusation par la police dans lesquelles l’auteur présumé pourrait répondre à certains des critères cliniques associés à la définition de pédophilie, tels qu’ils sont définis dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM‑5) en fonction de l’âge de l’auteur présumé, de l’âge de la victime et de la nature sexuelle de l’infraction criminelle. Les critères diagnostiques de la pédophilie sont : 1) la présence de fantaisies imaginatives sexuellement excitantes ou d’impulsions sexuelles répétées et intenses impliquant une activité sexuelle avec des enfants prépubères, auxquelles la personne a cédé, ou qui sont à l’origine d’un désarroi prononcé ou de difficultés interpersonnelles; 2) le sujet est âgé d’au moins 16 ans et a au moins cinq ans de plus que l’enfant âgé de 13 ans ou moins (American Psychiatric Association, 2013). Les données déclarées par la police ne contiennent pas de renseignements sur de tels diagnostics cliniques, mais le fait que l’infraction ait été déclarée comme une agression sexuelle par la police permet de conclure qu’un acte de nature sexuelle a eu lieu. Cela ne veut toutefois pas dire que l’auteur présumé répondrait avec certitude aux critères cliniques de la pédophilie, car il n’aurait peut‑être pas eu, par exemple, d’impulsions sexuelles répétées et intenses à l’endroit d’enfants prépubères. Aux fins du présent article de Juristat, les pédophiles sont définis comme étant les personnes inculpées d’agression sexuelle qui étaient âgées de 16 ans et plus au moment de l’infraction, la victime étant alors âgée de 13 ans ou moins et la différence d’âge étant d’au moins cinq ans. Les affaires de pédophilie ne reposent pas sur un diagnostic de pédophilie posé par un professionnel de la santé, mais plutôt sur un regroupement fondé sur l’âge et des renseignements sur l’auteur présumé et la victime, qui portent à croire, compte tenu de la nature sexuelle de l’infraction, que l’auteur présumé peut répondre à certains des critères de la définition de pédophilie.

Peine la plus sévère dans une cause (au niveau des tribunaux) : Correspond à la peine imposée par les tribunaux dans le cas d’un verdict de culpabilité. Dans les causes où plusieurs accusations donnent lieu à un verdict de culpabilité, des critères additionnels permettent de choisir une seule accusation qui représente la cause. Si l’infraction la plus grave est associée à plusieurs peines, un classement des types de peines permet de déterminer la peine la plus sévère, la peine d’emprisonnement venant en tête du classement.

Qui a donné lieu à une mise en accusation par la police : Affaire criminelle qui a donné lieu à une mise en accusation par la police ou dans laquelle une mise en accusation a été recommandée par la police telle que déclarée dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, ou qui a donné lieu à une mise en accusation par la Couronne dans les provinces où cette dernière est responsable du dépôt des chefs d’accusation (en Colombie‑Britannique, au Québec et au Nouveau‑Brunswick). Une affaire ayant donné lieu à une « mise en accusation par la police » dans la présente étude correspond au code de classement attribué à l’affaire par la police; une fois les renseignements relatifs à l’affaire communiqués aux tribunaux, toutefois, la Couronne se réserve le droit de rejeter l’accusation, ce qui signifie que l’affaire n’a pas donné lieu à une mise en accusation officielle. Les renseignements sur l’acceptation ou le rejet des accusations par la Couronne recommandées par la police ne sont pas disponibles dans les données déclarées par la police.

Région métropolitaine de recensement (RMR) : Territoire formé d’une ou de plusieurs municipalités voisines les unes des autres qui sont situées autour d’un important noyau urbain. Une RMR doit compter au moins 100 000 habitants, dont au moins 50 000 vivent dans le noyau urbain. Pour faire partie de la RMR, les municipalités adjacentes doivent être fortement intégrées à la région urbaine centrale, le degré d’intégration étant mesuré par le débit de la migration quotidienne calculé à partir des données du recensement. Une RMR est normalement desservie par plus d’un service de police.

Relation intime : Relation intime actuelle ou ancienne entre la victime et l’auteur présumé caractérisée par l’existence de relations sexuelles ou d’une attraction sexuelle mutuelle. Les partenaires intimes comprennent le conjoint ou la conjointe (marié ou vivant en union libre) ou un ex‑conjoint ou une ex‑conjointe (à la suite d’une séparation ou d’un divorce) de la victime, le petit ami ou la petite amie (actuel ou ancien) de la victime, ou tout autre partenaire avec qui la victime a ou a eu une relation intime, y compris une relation sans lendemain ou une relation d’ordre sexuel brève. Cela s’applique aux personnes de toute orientation sexuelle.

Simple connaissance : Relation sociale entre la victime et l’auteur présumé qui n’est ni durable, ni intime. Peut comprendre les personnes connues de vue seulement.

Temps mis pour signaler l’incident à la police : Temps (en jours) s’écoulant entre le moment où une infraction criminelle a eu lieu ou a vraisemblablement eu lieu et la date à laquelle l’incident est signalé officiellement à la police, que ce soit par la victime, par un ami ou par un membre de la famille de la victime, ou encore par un tiers. Dans le cadre de la présente étude, un « signalement tardif » comprend tout incident ayant été signalé à la police au moins un jour après sa perpétration (et qui a été corroboré et déclaré par la police comme étant une « affaire fondée »).

Voies de fait : Renvoient aux trois niveaux de voies de fait suivants décrits dans le Code criminel :

Tableaux de données détaillés

Tableau 1 Taux d’attrition et taux de rétention des affaires d’agression sexuelle, entre la mise en accusation par la police et le règlement de la cause par les tribunaux, selon certaines caractéristiques de l’affaire, Canada, 2009 à 2014

Tableau 2 Décisions rendues dans les affaires d’agression sexuelle ayant donné lieu à une mise en accusation par la police qui ont été portées devant les tribunaux pour adultes ou les tribunaux de la jeunesse, selon certaines caractéristiques de l’affaire, Canada, 2009 à 2014

Tableau 3 Peines imposées dans les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, selon certaines caractéristiques de l’affaire, Canada, 2009 à 2014

Annexe

Graphiques du Quotidien

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