Rapports sur la santé
Ampleur et corrélations socioéconomiques des variations de l’espérance de vie sur de petits domaines au Canada et aux États-Unis

par Michael Wolfson, Derek Chapman, Jong Hyung Lee, Vid Bijelic et Steven Woolf

Date de diffusion : le 21 août 2024

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202400800001-fra

Résumé

Contexte

Une abondante littérature témoigne de fortes variations de l’espérance de vie entre les pays et à différents niveaux géographiques infranationaux. Ces variations de l’espérance de vie sont grandement corrélées à des covariables socioéconomiques, bien qu’aucune analyse n’ait été menée au plus petit niveau de désagrégation géographique possible (secteur de recensement) au Canada ou n’ait été conçue pour comparer le Canada avec les États-Unis.

Données et méthodes

Des tables de mortalité abrégées sont produites pour chaque secteur de recensement (SR) où il était possible de calculer des estimations robustes, aux fins de comparaison avec les données des États-Unis. Des tableaux croisés et des visualisations graphiques sont utilisés pour examiner les tendances de l’espérance de vie dans l’ensemble du Canada, pour les 15 plus grandes villes canadiennes et les 6 plus grandes villes américaines.

Résultats

L’écart de l’espérance de vie entre les différents SR peut atteindre jusqu’à deux décennies dans les grandes villes canadiennes et américaines. Des différences notables dans la force des associations avec les facteurs liés au statut socioéconomique sont observées dans l’ensemble des plus grandes villes du Canada. Par contre, les associations avec les taux de pauvreté économique sont nettement plus faibles pour les plus grandes villes canadiennes par rapport aux plus grandes villes américaines.

Interprétation

Les variations de l’espérance de vie sur les petits domaines montrent d’importantes inégalités en matière de santé. L’association entre l’espérance de vie au niveau des SR et les facteurs liés au statut socioéconomique vient appuyer et approfondir les résultats semblables présentés par de nombreuses études. La variabilité des associations observées au Canada (et la comparaison de ces données avec celles des États-Unis) renforce l’importance, pour la santé de la population, de mieux comprendre les variations dans les structures sociales et les politiques publiques, non seulement à l’échelle du pays, de la province ou de l’État, mais aussi au sein des municipalités, afin de mieux orienter les mesures visant à remédier aux inégalités en matière de santé.

Mots-clés

espérance de vie, Canada - États-Unis, facteurs socio-économiques, estimation sur petits domaines, villes et secteurs de recensement

Auteurs

Michael Wolfson et Vid Bijelic travaillent à l’Université d’Ottawa. Derek Chapman, Jong Hyung Lee et Steven Wolf travaillent à la Virginia Commonwealth University.

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet

  • L’espérance de vie varie grandement entre les petites régions géographiques.
  • Ces variations sont généralement fortement corrélées avec les facteurs liés au statut socioéconomique.
  • On en sait peu sur ces variations à de très petits niveaux géographiques de désagrégation au Canada.

Ce qu’apporte l’étude

  • La présente étude constitue la première analyse au Canada sur l’espérance de vie au niveau des plus petites régions géographiques possibles, soit les secteurs de recensement (SR), qui font partie de plus grandes villes (appelées régions métropolitaines de recensement ou RMR).
  • La force des corrélations entre le statut socioéconomique et l’espérance de vie varie parmi les 15 plus grandes villes du Canada, ce qui laisse supposer que des facteurs municipaux, provinciaux et fédéraux entrent en jeu.
  • Les villes canadiennes et américaines affichent des variations d’une ampleur semblable relativement à l’espérance de vie au niveau des SR. Cependant, même si le Canada est une société plus égalitaire, les corrélations observées au sein des villes entre les facteurs liés au statut socioéconomique et à l’espérance de vie sont plus faibles au Canada qu’aux États-Unis. Certains indices portent à croire que les différences dans la stratification sociale et la gouvernance municipale (répartition plus équitable des biens publics locaux), au lieu de la ségrégation raciale, pourraient être les facteurs les plus importants.
  • Des données inframunicipales comparables pour les villes canadiennes et américaines sont requises afin de comprendre les raisons pour lesquelles les associations entre l’espérance de vie au niveau des SR et le statut économique sont moins marquées au Canada qu’aux États-Unis.
  • Dans la mesure où les résultats de la présente étude sont étayés par de futurs travaux de recherche, il pourrait s’avérer plus important que l’on pense à mettre l’accent sur la sensibilisation équitable du public et sur d’autres services locaux pour améliorer la santé de la population.

Introduction

Une abondante littérature montre de grandes variations de l’espérance de vie entre les diverses régions géographiques infranationalesNote 1, Note 2, Note 3, Note 4, Note 5, Note 6, Note 7, Note 8, Note 9, Note 10, Note 11. Les facteurs liés au statut économique étaient ceux le plus souvent corrélés à de telles variations souvent prononcéesNote 5, Note 7, Note 12, Note 13, Note 14. Toutefois, on en sait peu sur ces variations à de très petits niveaux de désagrégation géographiques au Canada.

La présente étude élargit la portée de ces analyses en mettant l’accent sur les régions métropolitaines, permettant ainsi d’examiner les variations de l’espérance de vie sur de petits domaines qui ne sont pas attribuables aux politiques et programmes en matière de santé et de protection sociales et aux autres politiques et programmes offerts à l’échelle provinciale ou nationale, car plus d’une région métropolitaine par province peut faire l’objet de l’étude.

L’étude présente de nouvelles estimations de l’espérance de vie au plus petit niveau de désagrégation géographique possible, soit le secteur de recensement (SR), de façon que ces résultats soient très comparables aux données existantes des États-Unis. L’analyse met l’accent sur les collectes de données sur les SR pour les plus grandes villes canadiennes (toutes définies comme étant une région métropolitaine de recensement, ou RMR) et pour les comtés américains où se trouvent les plus grandes villes aux États-Unis. Les questions clés visent essentiellement à déterminer dans quelle mesure varie l’espérance de vie dans ces régions géographiques plus finement désagrégées en fonction des mesures liées au statut socioéconomique et à déterminer si les tendances observées au Canada sont semblables à celles des États-Unis.

Données et méthodes

La présente étude a permis de réaliser une analyse statistique fondée uniquement sur des données agrégées déjà accessibles au public.

Données et méthodes – Espérance de vie au niveau des secteurs de recensement canadiens

Pour produire des estimations robustes et récentes de l’espérance de vie au niveau des secteurs de recensement du Canada, la somme des décès indiqués dans les dossiers de l’état civil a été calculée sur une période de 11 ans (de 2006 à 2016), l’accent étant mis sur les données recueillies en 2011. Les chiffres de population pour chaque SR sont tirés directement du questionnaire détaillé du Recensement de la population. Pour chaque SR, une table de mortalité abrégée a été créée à l’aide de groupes d’âge répartis en tranches de cinq ans commençant à 20 ans et allant jusqu’au groupe d’âge ouvert de 85 ans et plus.

Dans certains cas, les frontières physiques des SR indiqués sur les certificats de décès ont changé pendant cette période de 11 ans et ne correspondaient pas aux SR indiqués dans le Recensement de 2011. Si un SR actif en 2011 a par la suite été divisé en deux SR ou plus, les SR découlant de cette division ont été refusionnés pour correspondre au SR figurant dans le Recensement de 2011. Quant aux SR créés pendant la période de 2011 à 2016 qui n’existaient donc pas en 2006, les nombres de décès ont été calculés seulement sur une période de six ans allant de 2011 à 2016.

La somme des décès de ces SR, calculée dans un centre de données de recherche de Statistique Canada, a été arrondie aléatoirement, selon la politique de diffusion des données de Statistique Canada, afin de conserver la confidentialité. Les chiffres de population du Recensement de 2011 par groupe d’âge (tranche de cinq ans) et par SR ont été téléchargésNote 15. Les fréquences par cellule dans le tableau publié sur les nombres de décès ont toutes été divisées par 11 (ou par 6 dans les cas où le SR n’existait pas en 2006) pour en arriver à des moyennes annuelles. Ces deux ensembles de chiffres ont été rassemblés de la manière habituelle dans les tables de mortalité abrégées, soit une pour chaque SR, à l’aide de l’outil largement utilisé du South East Public Health Observatory (SEPHO)Note 16, Note 17, d’après ChiangNote 18.

Parmi les 5 438 SR du Recensement de 2011 qui affichaient un certain nombre de décès, certains de ces SR n’avaient pas un nombre suffisant d’habitants ou de décès pour permettre la production d’une table de mortalité abrégée adéquate. Les SR ayant une population nulle dans tout groupe d’âge étaient considérés comme étant non robustes et ont donc été exclus, tout comme les SR dont l’erreur-type pour l’espérance de vie était supérieure ou égale à 1,5 année selon le SEPHO. Cela a laissé 4 429 SR robustes au total, dont 3 348 SR se trouvaient dans les 15 plus grandes villes du Canada.

La présente analyse porte sur l’espérance de vie à 20 ans. Puisque les taux de mortalité augmentent rapidement avec l’âge, la plupart des variations de l’espérance de vie sur les petits domaines sont probablement attribuables aux variations entre les taux de mortalité aux âges plus avancés. La décomposition présentée à la figure 1Note 19 indique que ces espérances de vie reflètent des variations sur petits domaines, quoique moins prononcées, dans les décès pour les groupes de jeunes adultes ainsi que pour les groupes d’âges moyens.

Figure 1
Décomposition (méthode d’Arriaga) de l’espérance de vie à 20 ans pour de grands groupes d’âge dans l'ensemble des secteurs de recensement

Description de la figure 1 

Le titre de la figure 1 est « Décomposition (méthode d’Arriaga) de l’espérance de vie à 20 ans pour de grands groupes d’âge dans l’ensemble des secteurs de recensement ».

La figure montre une forte espérance de vie à 20 ans dans un secteur de recensement (SR), calculée en pourcentage de la population vivante dans chaque SR au début de l’intervalle d’âge qui était toujours vivante à la fin de ce même intervalle d’âge. Trois groupes d’âge ont fait l’objet de l’étude : 20 à 44 ans, 45 à 64 ans et 65 à 84 ans.

L’axe des X indique le nombre moyen annuel d’années de vie vécues à un intervalle d’âge, calculé en pourcentage de la population initiale.

L’axe des Y indique l’espérance de vie à 20 ans.

La figure montre trois nuages de points. Tous ces nuages de points montrent une espérance de vie à 20 ans qui oscille entre 45 et 75 ans. Toutefois, on observe une plus grande variation dans le nombre moyen annuel d’années de vie vécues, calculé en pourcentage de la population initiale, pour le groupe de 65 à 84 ans (variation de 0,5 à 0,95), comparativement au groupe de 45 à 64 ans (variation de 0,8 à 1) et au groupe de 20 à 44 ans (variation de 0,95 à 1).

Pour chaque SR, la table de mortalité abrégée a été utilisée pour obtenir le nombre moyen annuel d’années de vie vécues pour chacun des trois intervalles d’âge (20 à 44 ans, 45 à 64 ans et 65 à 84 ans), calculé en pourcentage de la population vivante au début de chacun de ces grands groupes d’âge. Ces proportions sont disposées sur l’axe horizontal dans la figure 1, alors que les données sur la pleine espérance de vie pour l’ensemble des 4 249 SR sont situées sur l’axe vertical.

Le tableau 1 montre la taille des populations des SR comprises dans l’analyse, allant d’un peu moins de 1 000 personnes jusqu’à plus de 25 000 personnes. Le tableau 2 présente davantage les populations incluses, par ville, pour les SR robustes. Ces proportions varient de 59,9 % (ville de Québec) à 90,0 % (Oshawa).


Tableau 1
Répartition de la population des secteurs de recensement au Canada, 2011
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Répartition de la population des secteurs de recensement au Canada. Les données sont présentées selon Statistiques (titres de rangée) et Tous les secteurs
de recensement comportant
des données et Secteurs de recensement
des 15 plus grandes RMR(figurant comme en-tête de colonne).
Statistiques Tous les secteurs
de recensement comportant
des données
Secteurs de recensement
des 15 plus grandes RMR
Total 20 311 880 16 573 625
Minimum 780 850
1er centile 1 534 1 617
5e centile 2 275 2 347
1er quartile 3 585 3 669
Médiane 4 680 4 775
3e quartile 5 955 6 028
95e centile 7 727 7 815
99e centile 10 345 10 695
Maximum 26 180 26 180

Tableau 2
Populations des secteurs de recensement inclus, 2011
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Populations des secteurs de recensement inclus. Les données sont présentées selon RMR (titres de rangée) et Population
de la RMR, Population
des SR inclus, Nombre
de SR inclus, Population
des SR inclus (%) et Moyenne de la
population des SR(figurant comme en-tête de colonne).
RMR Population
de la RMR
Population
des SR inclus
Nombre
de SR inclus
Population
des SR inclus (%)
Moyenne de la
population des SR
Toronto 5 582 635 4 994 970 952 89,5 5 269
Montréal 3 824 285 2 572 185 550 67,3 4 711
Vancouver 2 309 515 2 004 465 380 86,8 5 331
Ottawa–Gatineau 1 235 265 994 405 213 80,5 4 758
Calgary 1 214 840 1 001 310 206 82,4 4 957
Edmonton 1 157 230 1 062 555 216 91,8 5 012
Québec 765 705 458 730 104 59,9 4 587
Winnipeg 728 835 644 975 143 88,5 4 640
Hamilton 720 960 658 810 164 91,4 4 118
Kitchener–Cambridge–Waterloo 477 140 430 475 88 90,2 5 125
London 474 795 441 185 99 92,9 4 644
St. Catharines–Niagara 392 210 368 970 87 94,1 4 445
Halifax 390 315 325 565 78 83,4 4 400
Oshawa 356 165 320 515 68 90,0 5 008
Victoria 344 620 294 510 60 85,5 5 259

Données et méthodes – Espérance de vie au niveau des secteurs de recensement américains

Des données parallèles ont été recueillies pour les comtés américains ayant les six plus grandes populations. Ces comtés ont été considérés comme étant des « villes » et, par conséquent, correspondent le plus étroitement possible à la définition de « ville » (ou de région métropolitaine de recensement) pour le Canada. Pour New York City, il a été nécessaire de combiner cinq comtés. Les données sur l’espérance de vie au niveau des SR américains ont été obtenues directement auprès du National Center for Health StatisticsNote 6, Note 20. Toutes ces données avaient des erreurs-types inférieures ou égales à 4,0 années. Puisque les données sous-jacentes étaient liées au groupe d’âge de 15 à 24 ans, il a donc fallu soustraire cinq années pour estimer l’espérance de vie à 20 ans. Cela a permis d’avoir des espérances de vie essentiellement comparables à celles observées au Canada, car les taux de mortalité aux États-Unis pour le groupe d’âge de 15 à 19 ans sont très petits.

Enfin, aux fins de comparaison avec les SR canadiens, les résultats des SR américains ayant des erreurs-types de l’espérance de vie inférieures à 1,5 année et inférieures au seuil de 4,0 établi par le SEPHO ont été pris en considération. Environ les trois quarts des SR des six plus grandes villes américaines comportaient des erreurs-types supérieures à 1,5 année.

Données et méthodes, facteurs liés au statut socioéconomique

Les données probantes omniprésentes laissent soupçonner qu’un large éventail de facteurs liés au statut socioéconomique sont de grands déterminants de la santé de la population, y compris l’espérance de vie. Pour les besoins de la présente analyse, l’accent a été mis sur les données au niveau des SR déjà disponibles pour 2011, tirées des tableaux de l’Enquête nationale auprès des ménagesNote 21. Selon les régressions de l’espérance de vie pour chacune des huit variables sur le statut socioéconomique, celles ayant montré le R au carré le plus élevé et les coefficients de pente les plus prononcés étaient les suivantes : le taux de pauvreté économique (pourcentage de ménages ayant des revenus inférieurs à la mesure de faible revenu après impôt [MFR-ApI]) et le revenu médian des ménages. Ces variables sur le statut socioéconomique ont été suivies, par ordre décroissant d’importance quantitative, des proportions de personnes ayant fait des études postsecondaires et des proportions de personnes qui étaient des locataires. Les proportions des personnes immigrantes, des personnes âgées de 15 ans ou plus occupant un emploi ainsi que des personnes dont la langue parlée à la maison et la langue maternelle n’étaient ni le français ni l’anglais n’étaient pas aussi importantes sur le plan quantitatif (données non présentées). Par conséquent, les variables sur la pauvreté économique (selon la MFR-ApI) et le revenu médian étaient les principaux indicateurs utilisés dans l’analyse.

Aux fins de comparaison avec les États-Unis, les taux de pauvreté officiels par SR publiés par le Bureau du recensement des États-UnisNote 22 ont été utilisés en tant que facteur principal lié au statut socioéconomique.

Résultats

Selon les résultats généraux obtenus à l’échelle du pays, de la province ou de l’État, l’espérance de vie à 20 ans était considérablement plus élevée dans les 15 plus grandes RMR canadiennes que dans les 6 plus grandes villes américaines, et ce, pour l’ensemble des SR robustes ayant fait l’objet de l’étude. Le tableau 3 montre les moyennes non pondérées, les médianes et les répartitions de l’espérance de vie au niveau des SR. L’espérance de vie médiane à 20 ans au niveau des SR au Canada, selon les villes comparées, était supérieure à celle enregistrée aux États-Unis, écart variant de trois à presque huit ans.


Tableau 3
Répartitions de l’espérance de vie pour les secteurs de recensement, les 15 plus grandes villes au Canada et les 9 plus grandes villes aux États-Unis, 2011
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Répartitions de l’espérance de vie pour les secteurs de recensement. Les données sont présentées selon Villes (titres de rangée) et Nombre de secteurs de recensement et Espérance de vie à 20 ans(figurant comme en-tête de colonne).
Villes Nombre de secteurs de recensement Espérance de vie à 20 ans
Moyenne Médiane 25e centile 75e centile 5e centile 95e centile 75e au 25e
centile
95e au 5e
centile
Canada
Inclus dans les 15 plus grandes RMR 3 348 63,1 63,3 61,1 65,3 57,1 68,3 4,2 11,2
Exclus des 15 plus grandes RMR 829 61,6 62,0 59,5 64,0 55,2 66,4 4,5 11,2
Toronto 948 64,1 64,2 62,6 65,9 59,8 68,2 3,3 8,5
Montréal 546 62,6 63,1 60,1 65,6 55,0 69,1 5,5 14,1
Vancouver 376 64,0 64,0 62,1 66,4 57,5 69,5 4,3 11,9
Ottawa–Gatineau 209 62,8 63,3 61,0 65,1 56,9 67,5 4,2 10,6
Calgary 202 62,8 62,9 60,9 64,9 57,5 67,4 4,0 9,9
Edmonton 212 61,6 61,7 59,8 63,2 56,9 66,5 3,4 9,6
Québec 100 62,8 63,5 60,3 65,6 56,0 69,1 5,3 13,2
Winnipeg 139 61,5 62,2 59,8 64,3 54,2 66,7 4,5 12,6
Hamilton 160 62,6 63,0 61,1 64,5 57,4 66,7 3,4 9,4
Kitchener–Cambridge–Waterloo 84 62,7 62,5 61,0 64,4 58,3 67,5 3,5 9,2
London 95 62,1 62,4 60,0 63,9 57,6 66,5 3,9 9,0
St. Catharines–Niagara 83 61,7 62,2 60,3 63,5 56,0 65,9 3,2 9,9
Halifax 74 61,6 61,5 59,7 64,0 56,0 67,2 4,4 11,2
Oshawa 64 62,2 62,3 60,8 63,6 57,6 65,7 2,7 8,1
Victoria 56 63,9 64,1 60,8 66,8 56,5 70,7 6,0 14,2
États-Unis
New York City 437 59,3 59,3 57,5 61,3 54,6 63,1 3,8 8,5
Los Angeles 541 60,0 60,2 58,1 61,7 56,1 63,8 3,6 7,7
Chicago 399 58,9 59,3 56,8 61,2 53,2 63,3 4,4 10,1
Houston 178 57,5 57,5 55,5 59,9 52,0 62,3 4,4 10,3
Phœnix 175 58,7 58,9 56,9 60,6 54,0 62,2 3,7 8,3
Philadelphie 112 56,0 56,3 53,9 58,0 51,3 60,9 4,1 9,6
San Antonio 119 57,6 57,5 55,7 59,1 54,1 62,1 3,4 8,0
San Diego 188 60,1 60,3 58,7 61,7 55,9 64,0 3,0 8,1
Dallas 133 57,5 57,7 55,8 59,4 52,6 62,1 3,6 9,5

Toutefois, parmi les villes canadiennes et américaines, de très grands écarts sont observés en matière d’espérance de vie entre les SR de chacune de ces villes. En fait, les intervalles interquartiles et ceux du 95e au 5e centile étaient généralement plus larges dans les villes canadiennes que ceux des villes américaines. Victoria, Montréal, et la ville de Québec affichent les plus grands écarts (environ 14 années), alors que Toronto et Oshawa affichent les plus petits écarts (8,5 et 8,1 années). À titre de comparaison, les fourchettes du 95e au 5e centile dans les six villes américaines varient de 7,7 années (Los Angeles) à 10,3 années (Houston) (voir l’exposé ci-dessous portant sur la figure 4).

L’espérance de vie est associée aux facteurs liés au statut socioéconomique au Canada et aux États-Unis, bien que les forces de ces associations soient très différentes entre ces deux pays. Pour commencer, la figure 2 montre l’espérance de vie à 20 ans pour chacune des 15 villes, tracée en fonction du taux de pauvreté économique de chacun de ses SR robustes. Peu ou aucune corrélation n’a été observée pour les trois plus grandes villes au Canada (Toronto, Montréal, et Vancouver), alors que plusieurs plus petites villes (Winnipeg, Hamilton et St. Catharines–Niagara) affichent un gradient évident, où les taux de pauvreté économique plus élevés dans un SR quelconque sont associés à une plus faible espérance de vie.

Figure 2
Espérance de vie à 20 ans dans des secteurs de recensement de 15 régions métropolitaines de recensement, selon la fréquence du revenu sous le seuil de la mesure de faible revenu après impôt, Canada, 2011

Description de la figure 2 

Le titre de la figure 2 est « Espérance de vie à 20 ans dans des secteurs de recensement de 15 régions métropolitaines de recensement, selon la fréquence du revenu sous le seuil de la mesure de faible revenu après impôt, Canada, 2011 ».

La figure montre une forte espérance de vie à 20 ans dans un secteur de recensement (SR), en fonction de la proportion de la population de chaque SR touchant un revenu sous le seuil de la mesure de faible revenu après impôt.

L’axe des X indique le pourcentage des ménages sous le seuil de la MFR-ApI (mesure de faible revenu après impôt).

L’axe des Y indique l’espérance de vie à 20 ans (années).

La figure montre 15 nuages de points, organisés en 3 rangées de 5 régions. Une ligne de régression jaune est tracée sur chaque nuage de points et indique la présence (ou non) d’un gradient entre l’espérance de vie et le revenu. La pente de la ligne est presque nulle pour Montréal, Toronto et Vancouver, ce qui signifie qu’il n’y a aucune corrélation entre l’espérance de vie et le revenu. Des gradients plus prononcés représentant une relation négative entre l’espérance de vie et le revenu sont observés à Winnipeg, à Hamilton, à Victoria et à St. Catharines–Niagara. Calgary, Edmonton, Halifax, Kitchener–Cambridge–Waterloo, London, Oshawa, Ottawa–Gatineau et Québec affichent un plus petit gradient négatif entre l’espérance de vie et le revenu.

La figure 3 montre des associations un peu plus fortes (positives) entre le revenu médian des ménages et l’espérance de vie des SR, quoique les pentes de ces relations varient considérablement d’une ville à l’autre. Pour les figures 2 et 3, Victoria, en Colombie-Britannique, affiche les pentes les plus prononcées.

Figure 3
Espérance de vie à 20 ans dans des secteurs de recensement de 15 régions métropolitaines de recensement, selon le revenu médian des ménages, Canada, 2011

Description de la figure 3 

Le titre de la figure 3 est « Espérance de vie à 20 ans dans des secteurs de recensement de 15 régions métropolitaines de recensement, selon le revenu médian des ménages, Canada, 2011 ».

La figure montre une forte espérance de vie à 20 ans dans un secteur de recensement, selon le revenu médian des ménages, pour les régions métropolitaines de recensement.

L’axe des X indique le revenu médian des ménages (milliers de dollars).

L’axe des Y indique l’espérance de vie à 20 ans (années).

La figure montre 15 nuages de points, organisés en 3 rangées de 5 régions. Une ligne de régression jaune est tracée sur chaque nuage de points et indique la présence (ou l’absence) d’un gradient entre l’espérance de vie et le revenu. La pente de la ligne est presque nulle pour Montréal et Toronto, ce qui signifie une faible corrélation entre l’espérance de vie et le revenu. Partout ailleurs, on constate des gradients plus prononcés, ce qui indique une relation positive entre l’espérance de vie et le revenu. Victoria affiche le gradient le plus abrupt.

Aux fins de comparaison avec les plus grandes villes aux États-Unis, l’exclusion des SR ayant une erreur-type supérieure à 1,5 année élimine la majorité des SR. Voilà la raison pour laquelle la figure 4 juxtapose tout d’abord des nuages de points pour l’espérance de vie et le taux de pauvreté économique au niveau des SR pour les six plus grandes villes canadiennes (colonne de gauche; population supérieure à 1 million), puis des nuages de points pour les six plus grandes villes américaines. Pour ces six villes américaines, deux ensembles de nuages de points sont présentés : un pour tous les SR, comportant des erreurs-types de l’espérance de vie comparables inférieures à 1,5 année (colonne du milieu) et un ensemble pour tous les SR disponibles où les erreurs-types de l’espérance de vie sont inférieures à 4,0 années (colonne de droite).

Figure 4
Espérance de vie à 20 ans et taux de pauvreté économique dans des secteurs de recensement des six plus grandes villes au Canada et aux États-Unis

Description de la figure 4 

Le titre de la figure 4 est « Espérance de vie à 20 ans et taux de pauvreté économique dans des secteurs de recensement pour les six plus grandes villes au Canada et aux États-Unis ».

La figure illustre une forte espérance de vie à 20 ans dans un secteur de recensement en fonction du taux de pauvreté économique pour Toronto, Montréal, Vancouver, Ottawa–Gatineau, Calgary et Edmonton au Canada (erreur-type de l’espérance de vie inférieure à 1,5 année), et pour New York City, Los Angeles, Chicago, Houston, Phoenix et Philadelphie aux États-Unis (erreur-type de l’espérance de vie inférieure à 1,5 année et toutes les espérances de vie).

L’axe des X indique le taux de pauvreté économique (%).

L’axe des Y indique l’espérance de vie à 20 ans (années).

La figure montre 18 nuages de points, organisés en 6 rangées de 3 régions. Une ligne de régression rouge est tracée sur chaque nuage de points et indique la présence ou non d’un gradient entre l’espérance de vie et le taux de pauvreté économique. La pente est plus prononcée et négative dans les villes américaines ayant montré une relation négative plus forte entre l’espérance de vie et le taux de pauvreté économique aux États-Unis. Que la pente pour les villes américaines soit limitée ou non aux estimations ayant une erreur-type de 1,5 année, cela a peu d’incidence; les pentes montrent une relation semblable.

La figure 5 contraste avec les coefficients de pente et les forces des associations (R2) entre l’espérance de vie au niveau des SR et les taux de pauvreté économique pour les six villes canadiennes et les six villes américaines. Ces deux éléments sont considérablement plus faibles au Canada.

Figure 5
Régressions de l'espérance de vie dans des secteurs de recensement (années) en fonction des taux de pauvreté (%) pour les six plus grandes villes au Canada et aux États-Unis, 2011

Description de la figure 5 

Le titre de la figure 5 est « Régressions de l’espérance de vie dans des secteurs de recensement (années) en fonction des taux de pauvreté (%) pour les six plus grandes villes au Canada et aux États-Unis, 2011 ».

Ville Coefficients de régression (pente) R au carré pour les régressions
Edmonton -0,15 0.115
Calgary -0,15 0.075
Ottawa–Gatineau -0,13 0,145
Vancouver -0,02 0,002
Montréal -0,08 0,047
Toronto -0,04 0,016
Philadelphie -0,15 0,401
Phoenix -0,13 0,449
Houston -0,18 0,512
Chicago -0,19 0,448
Los Angeles -0,15 0,397
New York City -0,13 0,350

L’axe horizontal à la gauche du graphique correspond au coefficient de régression (pente) pour l’espérance de vie en fonction du taux de pauvreté. L’axe horizontal à la droite du graphique est la valeur de R au carré pour les régressions correspondantes. Les lignes pointillées verticales représentent des moyennes non pondérées. Pour les coefficients de régression, les moyennes non pondérées sont de -0,0154 pour les villes américaines et de -0,096 pour les villes canadiennes; quant à la valeur de R au carré, les moyennes non pondérées sont de 0,426 pour les villes américaines et de 0,067 pour les villes canadiennes.

Étant donné que ces observations sont faites à l’échelle infraprovinciale ou infraétatique, cela laisse supposer que des facteurs importants pourraient avoir des répercussions importantes sur l’espérance de vie à des niveaux géographiques plus détaillés. Au Canada, les facteurs pertinents ne peuvent pas être à l’échelle nationale (p. ex. les structures des programmes de l’assurance-emploi et de la sécurité de la vieillesse) ou provinciale (comme l’accès aux structures de soins de santé et de prestations d’aide sociale). De plus, il est possible que, au Canada, ces facteurs ne soient pas autant liés au revenu ou à la pauvreté qu’ils le sont aux États-Unis.

Divers points sont dignes de mention dans cette juxtaposition, tenant compte du fait que « ville » au Canada désigne une RMR, alors qu’une « ville » aux États-Unis est désignée par son comté (à l’exception de New York City, qui est en fait une combinaison de cinq comtés) :

  • Comme prévu, lorsque les données de tous les SR américains disponibles sont utilisées au lieu de seulement celles des SR ayant des erreurs-types inférieures à 1,5 année pour les six villes aux États-Unis, beaucoup plus de SR (points) s’affichent dans les nuages de points de la colonne de droite par rapport à la colonne du milieu dans la figure 4.
  • D’après cette comparaison qui montre les répercussions de l’exclusion des SR non robustes aux États-Unis, il est probable que les intervalles interquartiles et les fourchettes du 95e au 5e centile pour l’espérance de vie des villes américaines figurant dans le tableau 3 ci-dessous soient biaisés à la baisse.
  • Les pentes de régression tracées dans les colonnes du milieu et de droite sont très semblables; les restrictions appliquées aux villes américaines pour inclure uniquement les SR ayant des erreurs-types de l’espérance de vie inférieures à 1,5 année ne semblent pas avoir eu un effet appréciable.
  • Les pentes des lignes de régression pour les six villes américaines sont, dans l’ensemble, plus accentuées que celles des six plus grandes villes canadiennes.
  • Les villes américaines ont sensiblement plus de SR aux taux de pauvreté économique élevés par rapport aux villes canadiennes.
  • Les nuages de points de l’espérance de vie au niveau des SR des villes canadiennes ont une plus grande étendue autour des lignes de régression, surtout lorsqu’on compare les SR ayant des erreurs-types de l’espérance de vie inférieures à 1,5 année (deux premières colonnes). Pour les États-Unis, les points de l’espérance de vie au niveau des SR se concentrent plus étroitement autour des lignes de régression et ont une valeur de R au carré plus élevée, ce qui indique que la mesure dans laquelle le taux de pauvreté économique influe sur chaque ville est considérablement plus faible au Canada, comme le montre la figure 5.

Analyse

La présente analyse montre de grandes variations géographiques dans l’espérance de vie au plus petit niveau de désagrégation géographique possible, soit le secteur de recensement (SR). Les variations de l’espérance de vie au niveau des SR ont été examinées pour chacune des 15 plus grandes villes au Canada. Ces variations ont ensuite été comparées à des données correspondantes et très comparables de comtés des États-Unis où se trouvent les six plus grandes villes américaines. Pour les villes canadiennes, même dans ces régions géographiques infraprovinciales au niveau de la ville, on a tout de même constaté de fortes variations de l’espérance de vie entre les SR de la ville en question; l’espérance de vie variait de plus d’une décennie (tableau 3).

Les résultats appuient également les constatations sur les associations entre l’espérance de vie et les facteurs liés au statut socioéconomique. Plus précisément, la pauvreté économique (calculée par la MFR-ApI de Statistique Canada) et le revenu médian des ménages ont les plus fortes associations parmi les huit facteurs différents liés au statut socioéconomique examinés (résultats non montrés).

Pour mettre en contexte les résultats au niveau des villes canadiennes, des comparaisons pour les six plus grandes villes canadiennes (ou RMR) et les six plus grandes villes américaines (ou comtés) ont été présentées. Toute d’abord, les variations de l’espérance de vie entre les secteurs de recensement sont parfois plus grandes dans les villes canadiennes que dans les plus grandes villes américaines (tableau 3), même si le Canada est une société nettement plus égalitaire, non seulement sur le plan des revenusNote 23, Note 24, mais aussi dans d’autres domaines comme l’éducationNote 25. Ces écarts entre le Canada et les États-Unis rappellent les constatations présentées par Ross et coll.Note 26, qui ont fait état d’une corrélation très claire entre l’inégalité des revenus et la mortalité chez les personnes en âge de travailler aux États-Unis, mais cette association est presque inexistante dans les villes canadiennes. Cette étude plus ancienne, combinée aux tendances très distinctes observées ici entre le Canada et les États-Unis (figures 4 et 5), laisse supposer qu’un éventail de facteurs au Canada affaiblissent considérablement les associations entre l’espérance de vie et les facteurs liés au statut socioéconomique, comparativement aux États-Unis.

Une analyse plus récente menée par Wolfson et coll.Note 27 cherche à expliquer les constatations antérieures d’une différence considérable entre le Canada et les États-Unis en ce qui a trait à la relation entre l’inégalité des revenus et la mortalitéNote 26. Cependant, cette analyse n’a pas étayé l’hypothèse selon laquelle la variation serait liée à la ségrégation en quartiers, surtout la ségrégation raciale, qui est nettement plus visible aux États-Unis. Les auteurs ont plutôt fait état de la plus large étendue de stratification sociale aux États-Unis. Selon la « courbe de Gatsby le Magnifique » de CorakNote 28, le taux de mobilité intergénérationnelle du revenu au Canada est presque deux fois plus élevé au Canada qu’aux États-Unis, malgré le fait que les États-Unis se disent depuis longtemps être le pays de toutes les possibilités. Cette plus forte stratification ressort aussi des comparaisons des gradients dans le cadre de l’étude du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’Organisation de coopération et de développement économiquesNote 25. Les gradients liés aux mesures des scores en mathématiques des enfants en fonction du statut économique des parents et du quartier sont un autre indicateur de cette plus forte stratification sociale aux États-Unis qu’au Canada. Ce gradient est nettement plus accentué (et plus faible) aux États-Unis qu’au CanadaNote 25. Ensuite, Wolfson et coll.Note 27 ont fait état d’un facteur souvent négligé, soit la distribution de biens publics locaux, comme l’indiquent les fragmentations relativement plus petites des administrations locales (administrations publiques municipales et conseils scolaires) au Canada par rapport aux États-Unis. Les régions métropolitaines américaines (appelées « villes » dans la présente étude) comptent plus de conseils scolaires et d’administrations publiques municipales que leurs équivalents canadiens. En effet, au Canada, il est possible que les avantages des fusions de municipalités en ce qui a trait à la santé publique soient considérablement sous-estimés.

Pour mener des analyses plus définitives sur ces facteurs possibles, il faut cependant attendre l’élaboration d’un ensemble de données adéquat comparable au niveau inframunicipal entre le Canada et les États-Unis.

Limites et points forts

Bien que les associations entre les facteurs liés au statut socioéconomique et l’espérance de vie au niveau des SR soient évidentes et omniprésentes, on s’interroge depuis longtemps sur les « véritables » facteurs de causalité, y compris la question à savoir si ces associations ne sont pas tout simplement des artéfacts statistiques. Les données utilisées peuvent mener à un sophisme écologique, car elles proviennent toutes de groupes de population des SR partiellement agrégés. Comme l’a fait observer GravelleNote 29 dans le cas de l’inégalité du revenu à titre de facteur lié au statut socioéconomique, ces associations pourraient n’être en soi rien d’autre qu’une agrégation des associations non linéaires au niveau individuel. Cependant, il existe des preuves solides qui indiquent que les facteurs à divers niveaux agrégés géographiquement ne sont pas simplement des artéfacts statistiques découlant de sophismes écologiques, y compris des données probantes qui tiennent compte de facteurs individuels et de facteurs agrégésNote 30, Note 31.

La proportion nettement plus élevée des SR américains ayant des erreurs-types de l’espérance de vie supérieures à 1,5 année constitue une source de préoccupation importante à l’égard des données américaines. Ces SR ont été exclus du volet canadien de l’analyse. Toutefois, comme le montre la figure 4, la prise en compte de tous les SR disponibles des villes américaines indique que l’exclusion n’a pas beaucoup influé sur les résultats. Il y a aussi une différence remarquable dans les mesures de pauvreté économique utilisées. Le seuil de pauvreté aux États-Unis exprimé en dollars (y compris l’ajustement en fonction de la parité des pouvoirs d’achat) est considérablement plus bas que celui utilisé au Canada. Une autre limite concernant les données américaines est le fait qu’on estime l’espérance de vie à 20 ans en soustrayant cinq ans de l’espérance de vie à 15 ans.

L’absence de prise en compte de la mobilité géographique (où le SR du domicile habituel pourrait ne pas être le SR indiqué dans le certificat de décès d’une personne) est une limite importante de la présente analyse et de presque toutes les autres analyses sur les variations de l’espérance de vie sur de petits domaines. Les tables de mortalité abrégées sur lesquelles repose la présente analyse sont basées sur l’absence de migration entre les SR, c’est-à-dire que les nombres de décès dans les numérateurs des taux de mortalité sont géocodés en fonction du lieu de résidence des personnes au moment de leur décès et non en fonction du lieu où elles auraient habité auparavant.

Un autre type de migration possible pouvant porter à confusion est lié aux établissements de soins infirmiers, où les taux de mortalité par groupe d’âge sont nettement plus élevés que ceux pour la population à domicile. On constate une telle confusion lorsqu’une personne s’installe dans un établissement de soins infirmiers situé dans un autre SR.

Il y a seulement eu quelques tentatives pour évaluer cette hypothèse d’« absence de mobilité »; la conclusion générale pour les États américainsNote 32, les comtés américainsNote 4 et VancouverNote 9 est qu’il est improbable qu’une telle migration ait un effet significatif. Néanmoins, cette question mérite un examen empirique.

Un autre point faible possible est l’utilisation de données de recensement sans tenir compte des sous-dénombrements du recensement. Si les sous-dénombrements au niveau des SR sont corrélés à la mortalité ou aux facteurs liés au statut socioéconomique, ces résultats seront biaisés. De plus, lors de l’analyse, les SR n’ont pas été pondérés selon la taille de leur population.

Le principal point fort de la présente analyse est le calcul d’estimations robustes au niveau des SR pour déterminer l’espérance de vie au Canada, données qui sont ensuite utilisées pour quantifier l’ampleur des variations entre les petites régions géographiques, puis pour étudier les corrélations non examinées auparavant avec des facteurs liés au statut socioéconomique qui ont fait l’objet de nombreuses études. Un autre point fort est que les estimations de l’espérance de vie au niveau des SR canadiens ont été produites pour être très comparables sur le plan méthodologique avec les estimations produites pour les États-Unis.

Conclusion

Le Canada est une société plus égalitaire que les États-Unis. Toutefois, de façon générale, les fourchettes de variation de l’espérance de vie dans les grandes villes sont aussi vastes au Canada qu’aux États-Unis. L’espérance de vie au niveau des SR dans certaines des 15 plus grandes villes au Canada varie de plus d’une décennie. Parmi ces 15 villes, cependant, il y a des différences considérables dans l’ampleur de cette variation de l’espérance de vie (p. ex. l’écart des espérances de vie à Victoria et à Montréal était presque le double de l’écart découlant de la comparaison entre les SR de Toronto et d’Oshawa [tableau 3]).

Au Canada et aux États-Unis, ces variations étaient associées de façon significative aux taux de pauvreté économique, mais ces associations n’étaient pas seulement variables entre les 15 villes du Canada (figure 2 et figure 3 [revenus médians]), mais aussi nettement plus fortes dans les plus grandes villes américaines que dans les plus grandes villes canadiennes (figures 4 et 5). Puisque ces variations sont observées au niveau des villes et que, dans certains cas, plus d’une ville par province ou État est examinée, des facteurs explicatifs à l’échelon national ou provincial ou étatique sont peu probables.

Les associations entre l’espérance de vie et les facteurs liés au statut socioéconomique sont généralement plus faibles au Canada qu’aux États-Unis, ce qui donne à penser qu’il existe des facteurs atténuants nettement plus forts au Canada. Toutefois, même si les facteurs liés au statut socioéconomique ne sont pas aussi corrélés à l’espérance de vie des SR des villes canadiennes, par rapport aux villes américaines, les fourchettes de variation de l’espérance de vie étaient, dans certains cas, encore plus grandes entre les villes canadiennes qu’entre celles américaines. Dans les deux cas, à savoir lorsque de plus faibles associations entre le statut socioéconomique et l’espérance de vie au niveau des SR sont observées au Canada comparativement aux États-Unis et qu’en même temps, les variations de l’espérance de vie au niveau des SR sont plus fortes au sein de certaines villes canadiennes, les facteurs sous-jacents ne sont pas connus.

Certaines données probantes indiquent que les facteurs les plus importants seraient les écarts observés entre le Canada et les États-Unis sur le plan de la stratification sociale (nettement plus de mobilité intergénérationnelle au Canada qu’aux États-Unis) et la gouvernance municipale (distribution plus équitable des biens publics locaux étant donné que les administrations locales sont moins fragmentées) au lieu de la ségrégation raciale. Dans la mesure où les résultats de la présente étude sont étayés par de futurs travaux de recherche, il pourrait s’avérer plus important que l’on pense de mettre l’accent sur l’éducation équitable du public et sur d’autres services locaux pour améliorer la santé de la population. Ces tendances systématiques de longévité différentielle nécessitent un examen plus poussé, car il pourrait y avoir des occasions de modifier les facteurs sous-jacents ayant mené aux écarts, surtout pour améliorer la santé globale de la population et pour réduire les iniquités en santé. Pour réaliser une analyse plus approfondie, il faudra attendre de disposer de données inframunicipales plus détaillées et comparables pour les deux pays.

Date de modification :