Rapports sur la santé
La cybervictimisation et la santé mentale chez les jeunes Canadiens

par Mila Kingsbury et Rubab Arim

Date de diffusion : le 20 septembre 2023 Date de correction : le 24 novembre 2023

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202300900001-fra

Avis de correction

Dans l’article « La cybervictimisation et la santé mentale chez les jeunes Canadiens » publié le 20 septembre 2023, des erreurs ont été trouvées dans le texte et dans le tableau 1.

Les corrections suivantes ont été apportées :
Dans le document, le terme « l'identité » a été remplacé par « la diversité ».
Dans le tableau 1, le titre de la ligne de bout a été modifié de « Attirance pour les personnes du même genre » pour « Attirance pour les personnes de genre différent »

Résumé

Contexte

La cybervictimisation est devenue une forme de victimisation potentiellement grave et a été associée à des résultats négatifs en matière de santé mentale, notamment la dépression, l’anxiété, les troubles de l’alimentation et les tendances suicidaires. Cependant, très peu d’études ont permis d’examiner la prévalence et les corrélats de la cybervictimisation parmi diverses sous-populations de jeunes.

Données et méthodologie

Les données de 13 602 adolescents âgés de 12 à 17 ans proviennent de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019. Les adolescents ont fait état de leur expérience de cybervictimisation au cours des 12 derniers mois, de leur santé mentale générale et de leurs symptômes de troubles de l’alimentation; les adolescents âgés de 15 à 17 ans ont fait état de leurs idées suicidaires et de leurs tentatives de suicide; les parents ont fait état des problèmes de dépression et d’anxiété. Une régression logistique a été utilisée pour estimer la probabilité de faire l’objet de cybervictimisation en fonction de caractéristiques comme la diversité de genre, le groupe de population, attirance pour les personnes du même genre, le faible revenu familial et la présence de problèmes de santé chroniques et habitudes en matière de médias numériques. Des modèles de régression logistique ont également été utilisés pour estimer la probabilité de rencontrer chaque problème de santé mentale selon les renseignements sociodémographiques et l’expérience de la cybervictimisation.

Résultats

Les probabilités d’être victime de cybervictimisation étaient plus élevées chez les jeunes transgenres ou non binaires, les filles attirées par les personnes du même genre ou incertaines de leur attirance et les adolescents atteints de problèmes de santé chroniques (en particulier les filles et les personnes vivant dans des ménages à faible revenu). La cybervictimisation a toujours été associée à un plus grand risque de mauvaise santé mentale générale, de dépression ou d’anxiété, de symptômes de troubles de l’alimentation, d’idées suicidaires et de tentatives de suicide. Ces associations ne différaient pas selon les renseignements sociodémographiques évalués. En termes d'habitudes des médias numériques, des fréquences d'utilisation plus faibles étaient généralement associées à une probabilité plus faible d'être victime de cybervictimisation.

Interprétation

Bien que certains groupes de population semblent être plus susceptibles de subir de la cybervictimisation, l’expérience de la cybervictimisation est associée à des indicateurs de santé mentale semblables pour tous les adolescents.

Mots-clés

adolescence, cybervictimisation, intersectionnalité, santé mentale

Auteurs

Mila Kingsbury travaille à la Division de l’analyse de la santé à Statistique Canada et Rubab Arim travaille à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation à Statistique Canada.

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet

  • La cybervictimisation est associée à une moins bonne santé mentale, notamment la dépression, les tendances suicidaires et les troubles de l’alimentation.
  • Peu d’études ont permis d’examiner les différences dans l’expérience de la cybervictimisation et ses corrélats parmi divers groupes de jeunes Canadiens.

Ce qu’apporte l’étude

  • La présente étude repose sur une enquête représentative à l’échelle nationale afin de produire des estimations de l’expérience des adolescents canadiens en matière de cybervictimisation et de plusieurs résultats en matière de santé mentale.
  • La cybervictimisation était plus probable chez certaines sous-populations, y compris les jeunes transgenres ou non binaires, les filles attirées par les personnes du même genre et les jeunes atteints de problèmes de santé chroniques.
  • La cybervictimisation était associée à une moins bonne santé mentale, à des symptômes de troubles de l’alimentation, à de la dépression, à de l’anxiété, à des idées suicidaires et à des tentatives de suicide. Ces associations étaient semblables pour tous les jeunes.

Introduction

La victimisation par les pairs est un facteur de risque bien connu de problèmes de santé mentale chez les adolescents, y compris la dépression, l’anxiété, les idées suicidaires et les tentatives de suicideNote 1, Note 2. Parallèlement à la hausse de la popularité des médias de communication chez les jeunes, y compris les messages texte et les médias sociaux, la cybervictimisation est devenue une forme de victimisation potentiellement graveNote 2. La cybervictimisation est conceptualisée comme un comportement commis par l’entremise de supports de communication électronique dans l’intention de nuire à autruiNote 2. La cybervictimisation peut prendre de nombreuses formes, y compris les menaces, le harcèlement, l’exclusion sociale, la transmission de renseignements personnels en ligne sans consentement, ou d’autres comportements visant à provoquer la peur, le préjudice, l’embarras ou l’exclusionNote 3, Note 4. Lorsque ces actes sont répétés au fil du temps contre des victimes qui ont du mal à se défendre, ils peuvent constituer de la cyberintimidationNote 5. Les estimations de la prévalence varient d’une étude à l’autre, probablement en fonction de définitions particulières et de différences méthodologiques; toutefois, on estime que 1 adolescent sur 5 en moyenne a subi de la cybervictimisationNote 6. Bien que la cybervictimisation ait souvent lieu en dehors des heures de classe, elle est habituellement commise par des pairs qui fréquentent l’école ensemble et peut donc avoir une incidence sur le « monde réel », soit l’environnement social et le climat scolaire des adolescentsNote 7. Comme d’autres formes de victimisation par les pairs, la cybervictimisation a été associée à de nombreux résultats négatifs en matière de santé mentale, y compris la dépressionNote 7, Note 8, l’anxiétéNote 9, les troubles de l’alimentationNote 10, et les tendances suicidairesNote 2, Note 3, Note 4, Note 5. En raison de l’infiltration de la cybervictimisation dans la vie familiale des victimes, c’est-à-dire en dehors des heures de classe et sur les appareils personnels de la victime, certains auteurs ont fait valoir que la cybervictimisation peut être encore plus éprouvante pour les jeunes que la victimisation traditionnelle à l’écoleNote 11. Les habitudes des adolescents par rapport aux médias peuvent influencer leur expérience de cybervictimisation. Par exemple, une utilisation plus fréquente des médias en ligne peut accroître la probabilité, pour un adolescent de subir de la cyberintimidationNote 12, ce qui laisse entendre que la modification des habitudes en matière d’utilisation des écrans est un facteur important à considérer lorsqu’on s’intéresse à la cybervictimisation.

De nombreuses études ont permis d’analyser les différences entre les sexes en matière de cybervictimisation chez les adolescents; une méta-analyse récente indique que les filles courent un risque légèrement plus élevé que les garçons de subir de la cybervictimisationNote 13. Toutefois, compte tenu de la grande diversité de jeunes Canadiens, la recherche doit adopter de multiples points de vue sur la diversité afin de comprendre de quelle façon et dans quelle mesure la cybervictimisation touche divers groupes de jeunes. On en sait relativement peu sur les différences potentielles en matière de cybervictimisation et ses corrélats, particulièrement parmi les groupes marginalisésNote 14. Un nombre croissant d’études laissent entendre que les adolescents LGBTQ sont disproportionnellement plus susceptibles d’être touchés par la cybervictimisationNote 15, Note 16 et ses effets négatifs sur la santé mentaleNote 17. Alors que plusieurs études ont tenu compte de l’orientation sexuelle des adolescents, beaucoup moins ont tenu compte de la diversité de genre. De plus, une grande partie de ces études ont été effectuées avec de petits échantillons, ce qui souligne la nécessité d’effectuer des recherches fondées sur la population dans ce domaine.

En ce qui concerne les groupes racisés de la population, les résultats ont été en grande partie mitigés, mais un examen des études menées aux États-Unis révèle que les adolescents non blancs peuvent être moins susceptibles de subir de la cybervictimisation que leurs pairs blancsNote 18. D’autres études, toutefois, ont révélé que les expériences de cybervictimisation diffèrent parmi les groupes ethniques non blancs et que le fait de considérer les diverses ethnies comme une seule catégorie est réducteur, limitant les conclusions qui peuvent être tiréesNote 19. Des études récentes semblent indiquer également que les corrélations entre la santé mentale et la cybervictimisation peuvent différer d’un groupe ethnique à l’autreNote 19, Note 20. Il y a une insuffisance notable de la recherche canadienne dans ce domaine. Bien que des études portant sur de plus petits échantillons donnent à penser que les taux de cybervictimisation peuvent être particulièrement élevés chez les adolescents autochtonesNote 21, Note 22, peu d’études ont comparé la fréquence de la cybervictimisation chez les jeunes autochtones et non autochtones de divers groupes de population en utilisant de grands échantillons représentatifs.

Un petit nombre d’études révèlent que les jeunes ayant des problèmes de santé chroniques subissent plus souvent de la cybervictimisation que leurs pairsNote 23. Encore une fois, une grande partie des études sur ce sujet est limitée par la petite taille des échantillons, par l’accent qui est mis sur un seul problème de santé chronique, et par l’utilisation d’échantillons de commodité ayant une généralisabilité limitée à la population.

Les caractéristiques démographiques de la famille, y compris le statut socioéconomique et la région de résidence, peuvent également être importantes à prendre en considération. Par le passé, ces facteurs ont été associés à l’utilisation de la technologie des communications, par exemple, les jeunes de ménages ayant un faible revenu familial ou qui vivent dans des régions rurales peuvent avoir un accès plus limité aux ordinateurs et à InternetNote 24, Note 25. Des données plus récentes montrent des niveaux semblables d’accès à Internet à domicile entre les jeunes des quartiles de revenu supérieur et inférieurNote 26; cependant, les Canadiens vivant dans les zones rurales sont toujours moins susceptibles de disposer d’une connexion Internet à domicile et ils font état d’une vitesse d’accès à Internet inférieure à celle des Canadiens vivant dans les centres urbainsNote 27. Quelles que soient les différences d’accès, une étude canadienne laisse entendre que les adolescents de ménages ayant un faible revenu familial sont peut-être plus susceptibles de faire l’objet de cybervictimisationNote 12. Les résultats des quelques études sur la cybervictimisation qui permettent de comparer les régions rurales et urbaines ont été variables, sans constatations cohérentes concernant les différences dans la prévalence de la cybervictimisationNote 28,Note 29.

En somme, la recherche sur les expériences différentielles de la cybervictimisation en est encore à ses balbutiements. Il y a eu très peu d’études empiriques sur l’expérience de la cybervictimisation et ses corrélations parmi divers groupes de jeunes de la population, en particulier des études utilisant de grands échantillons représentatifs. De plus, certains auteurs ont fait valoir l’importance d’examiner les facteurs sociodémographiques de façon interactive, plutôt qu’individuellement. En effet, une étude menée auprès d’adolescents américains a montré que le fait d’avoir la peau blanche ou non blanche atténuait les associations entre le sexe et la cybervictimisationNote 30. La grande variabilité dans les résultats des études sur les différences sociodémographiques dans l’expérience de la cybervictimisation peut s’expliquer en partie par un manque général de prise en compte de l’intersectionnalité.

La présente étude

La présente étude visait trois objectifs : 1) décrire la proportion d’adolescents canadiens qui ont subi de la cybervictimisation et la façon dont cette proportion peut différer entre les sous-populations d’adolescents canadiens (en fonction, par exemple, de la diversité de genre, de l’origine ethnique et de l’attirance sexuelle); 2) examiner la façon dont ces prédicteurs sociodémographiques peuvent interagir pour prédire l’expérience de la cybervictimisation; 3) examiner les liens entre la cybervictimisation et un ensemble d’indicateurs de la santé mentale des adolescents et déterminer si ces liens diffèrent d’une sous-population à l’autre.

Méthode

Source des données

L’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes (ECSEJ) de 2019 est une enquête nationale sur la santé physique et mentale des enfants et des jeunes canadiens âgés de 1 à 17 ans. Elle est généralement considérée comme représentative des enfants et des jeunes vivant dans les 10 provinces et les 3 territoires, mais elle exclut ceux qui vivent dans les réserves de Premières Nations et d’autres établissements autochtones, dans des foyers d’accueil et dans des établissements institutionnels. Pour la présente étude, l’échantillon de l’ECSEJ était limité aux adolescents âgés de 12 à 17 ans (n = 13 602; 50 % de sexe féminin; âge moyen = 15,1 ans). Des détails sur la méthodologie de l’enquête se trouvent dans les documents de l’enquêteNote 31.

Mesures

Cybervictimisation : On a interrogé les adolescents au sujet de leurs expériences de victimisation au cours des 12 derniers mois, ce qui comprenait trois éléments sur la cybervictimisation : « Quelqu’un a affiché de l’information blessante à ton sujet sur Internet »; « Quelqu’un t’a menacé ou insulté par courriel, par messagerie instantanée, par message texte ou dans un jeu en ligne » et « Quelqu’un t’a par exprès exclu d’une communauté en ligne ». Les choix de réponse pour chaque élément variaient de 0 (« jamais ») à 4 (« tous les jours ») et les scores ont été additionnés de manière à créer une note totale variant entre 0 et 12. Pour la présente étude, les adolescents qui ont déclaré une expérience de cybervictimisation (cote de 1 ou plus; 24,9 %) ont été comparés à ceux qui n’ont déclaré aucune expérience de cybervictimisation.

Victimisation traditionnelle : La victimisation traditionnelle (c.-à-d. en personne) a été évaluée à l’aide de sept éléments. On a demandé aux adolescents d’indiquer à quelle fréquence ils avaient été victimes de chaque type de victimisation (p. ex. « Quelqu’un s’est moqué de toi, t’a injurié ou t’a insulté » au cours des 12 derniers mois), avec des options de réponse allant de 0 (« jamais ») à 4 (« tous les jours »).

Indicateurs de la santé mentale : Cinq indicateurs de la santé mentale des adolescents ont été inclus. On a mesuré la santé mentale générale en posant la question suivante : « En général, comment est votre santé mentale »? Une variable binaire a été créée pour comparer la santé mentale optimale (réponses de « bonne », « très bonne », ou « excellente ») à la santé mentale sous-optimale (réponses de « mauvaise » ou « passable »), comme dans les études précédentesNote 32.

Les symptômes des troubles de l’alimentation ont été évalués au moyen de trois questions adaptées du questionnaire de dépistage des troubles alimentaires – 26 éléments (EAT-26) évaluant les symptômes au cours des 12 derniers mois. Conformément au guide d’interprétation du EAT-26Note 33, on a considéré que les répondants présentaient des symptômes élevés de troubles de l’alimentation s’ils déclaraient être préoccupés par leur désir d’être plus minces, modifier leurs habitudes alimentaires pour gérer leur poids « tous les jours » ou « toutes les semaines » ou vomir pour perdre du poids, à n’importe quel moment au cours des 12 derniers mois.

Les difficultés liées à la dépressionet à l’anxiétédéclarées par les parents ont été évaluées dans le cadre du Module sur le fonctionnement de l’enfant du Washington Group/UNICEF. On a demandé à la personne la mieux renseignée sur l’adolescent (ci-après appelée « le parent ») : « À quelle fréquence [votre enfant] semble-t-il très anxieux, nerveux ou préoccupé? » et « À quelle fréquence [votre enfant] semble-t-il très triste ou déprimé? » Les options de réponse allaient de « jamais » à « chaque jour ». On a considéré que les adolescents qui éprouvaient le symptôme « chaque jour » avaient des problèmes d’anxiété ou de dépression, selon les syntaxes du module sur le fonctionnement de l’enfantNote 34. En raison de la petite taille des échantillons et du chevauchement important entre les deux, la dépression et l’anxiété ont été combinées pour les analyses; les adolescents éprouvant des difficultés liées à la dépression ou à l’anxiété ont été comparés à ceux n’éprouvant aucune difficulté.

Des adolescents âgés de 15 à 17 ans ont également fait état de leurs idées suicidaires (« Au cours des 12 derniers mois, t’est-il arrivé de songer sérieusement à te suicider ou à t’enlever la vie? ») et de tentatives de suicide (« As-tu déjà tenté de te suicider ou de t’enlever la vie? »).

Renseignements sociodémographiques : Les adolescents ont déclaré leur sexe assigné à la naissance (« masculin » ou « féminin ») et leur genre (« masculin », « féminin » ou « veuillez préciser »). Les personnes dont le genre autodéclaré ne correspondait pas à leur sexe à la naissance étaient considérées comme transgenres ou non binaires;celles dont le sexe et le genre étaient identiques étaient considérées comme cisgenres. Des adolescents âgés de 15 à 17 ans ont également fait état de leur attirance sexuelle au moyen des options de réponse suivantes : « Attiré seulement par les hommes », « Attiré surtout par les hommes », « Attiré autant par les femmes que par les hommes », « Attiré surtout par les femmes », « Attiré seulement par les femmes » et « Pas certain ». Les personnes qui ont indiqué tout niveau d’attirance pour les personnes du même genre ou qui étaient incertaines (d’être attirées par les personnes du même genre) ont été comparées à des jeunes exclusivement attirés par les personnes de genre différent.

L’appartenance d’un adolescent à un groupe de population (p. ex. Blanc, Sud-Asiatique, Noir) a été déclarée par le parent. Une question distincte évaluait l’identité autochtone de l’adolescent (Première Nation, Métis, Inuk [Inuit], ou pas un Autochtone). Les réponses à ces questions ont été utilisées pour créer les catégories suivantes : Premières Nations, Métis, Inuit, Blancs, Sud-Asiatiques, Chinois, Noirs, Philippins, Arabes, Latino-Américains, Asiatiques du Sud-Est, Asiatiques occidentaux, Coréens, Japonais et d’autres groupes de population ou groupes multiples.La résidence dans les régions rurales versus les centres de population et la province de résidence ont été définies en fonction des codes postaux. La situation de faible revenu familial a été déterminée en fonction du revenu familial déclaré par les parents par rapport à la mesure de faible revenu (MFR)Note 35; les personnes dont le revenu brut total était inférieur au seuil de faible revenu selon la taille de leur ménage ont été considérées comme ayant un faible revenu.

Problèmes de santé chroniques : Les parents ont déclaré si leurs enfants avaient reçu le diagnostic d’un des problèmes de santé chroniques suivants : asthme, diabète, épilepsie, trouble anxieux, trouble de l’humeur, trouble de l’alimentation, trouble d’apprentissage, trouble déficitaire de l’attention (TDA), trouble du spectre de l’autisme (TSA), ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale ou tout autre problème de santé chronique. Aux fins de la présente étude, cette variable a été catégorisée dichotomique (oui ou non), excluant le trouble anxieux, le trouble de l’humeur et le trouble alimentaire en raison du chevauchement avec les résultats en matière de santé mentale.

Habitudes en matière de médias numériques : Les adolescents ont fait état de leurs habitudes en matière de médias numériques, notamment en ce qui concerne la fréquence de leur utilisation des médias sociaux, de la vidéo ou de la messagerie instantanée, ainsi que des jeux en ligne. On a demandé aux adolescents à quelle fréquence ils allaient en ligne pour réaliser ces trois activités; les réponses associées aux médias sociaux et aux vidéos ou à la messagerie instantanée ont été regroupées en trois catégories : « une fois par jour ou moins », « plusieurs fois par jour » et « constamment ». Les adolescents étaient moins nombreux à déclarer une utilisation fréquente des jeux vidéo en ligne comparativement aux autres médias numériques. Par conséquent, les réponses ont été regroupées différemment : « jamais », « occasionnellement » et « une fois par jour ou plus. » On a également demandé aux adolescents s’ils étaient autorisés à utiliser des appareils à l’heure des repas (les options de réponse étaient : « oui », « non » et « la famille ne soupe pas ensemble ») et avant le coucher(« Au cours des 7 derniers jours, as-tu utilisé un appareil électronique dans ta chambre avant de t’endormir? »).

Analyse

Les procédures d’enquête SAS 9.4 et SUDAAN ont été utilisées pour fournir des estimations pondérées à l’aide des poids d’enquête et bootstrap.

Pour répondre au premier objectif, les proportions pondérées de l’échantillon dans chaque catégorie sociodémographique ont été calculées, et les proportions de jeunes qui ont subi de la cybervictimisation ont été comparées entre les catégories sociodémographiques au moyen de tests d’indépendance du khi carré. Le choix de tenir compte du sexe à la naissance dans les analyses plutôt que du genre était délibéré, tant pour des raisons conceptuelles (compte tenu des différences entre les sexes relevées dans des recherches antérieures) que méthodologiques (pour réduire la multicolinéarité potentielle avec la variable de la diversité de genre).

Pour répondre au deuxième objectif, une analyse de régression logistique a été effectuée afin d’examiner la probabilité relative de subir de la cybervictimisation à partir des renseignements sociodémographiques et des habitudes en matière de médias numériques. Des paramètres d’interaction entre les caractéristiques (c.-à-d. la résidence rurale et les problèmes de santé chroniques) ont été inclus dans des modèles successifs, et lorsque ceux-ci étaient statistiquement significatifs, des modèles stratifiés ont été ajustés. Une analyse de la sensibilité comprenait l’expérience de la victimisation traditionnelle dans le modèle final.

Enfin, pour répondre au troisième objectif, une série d’analyses de régression logistique multiple a été effectuée afin d’évaluer les liens entre les indicateurs de la cybervictimisation et de la santé mentale, en tenant compte des renseignements sociodémographiques. Des paramètres d’interaction ont été utilisés pour tester le rôle modificateur des renseignements sociodémographiques dans ces associations (p. ex. cybervictimisation et attirance pour les personnes du même genre). Une analyse de sensibilité comprenait l’expérience de la victimisation traditionnelle dans le modèle final.

Les cas pour lesquels il manquait des données (allant de 0 % pour le lieu de résidence à 1,7 % pour la santé mentale en général) ont été supprimés de l’analyse. Lorsque la taille des cellules était insuffisante, certaines catégories ont été regroupées (p. ex. les groupes de population ont été regroupés en « Blanc », « Autochtone » et « Tous les autres groupes de population ») dans des modèles prédisant les résultats en matière de santé mentale.

Résultats

Le tableau 1 présente les renseignements sociodémographiques de l’échantillon. L’échantillon était majoritairement composé d’adolescents blancs (64 %), qui résidaient dans des régions urbaines (82 %). Près de 28 % vivaient sous le seuil de la MFR en fonction de la taille de leur ménage et 27 % vivaient avec un problème de santé chronique (à l’exclusion de la dépression, de l’anxiété et du trouble de l’alimentation).


Tableau 1
Renseignements sociodémographiques, population à domicile âgée de 12 à 17 ans, Canada, 2019
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Renseignements sociodémographiques % pondération et Intervalle de confiance
à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
% pondération Intervalle de confiance
à 95 %
de à
Échantillon complet âgé de 12 à 17 ansTableau 1 Note 1
Groupe d’âge
12 à 14 ans 51,1 50,0 52,2
15 à 17 ans 48,9 47,8 50,0
Sexe à la naissance
Masculin 51,3 51,2 51,3
Féminin 48,7 48,7 48,8
Diversité de genre
Cisgenre 99,5 99,3 99,6
Transgenre ou non binaire 0,5 0,4 0,7
Lieu de résidence
Centre de population 82,0 81,2 82,8
Région rurale 18,0 17,2 18,8
Province ou territoire
Terre-Neuve-et-Labrador 1,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Île-du-Prince-Édouard 0,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Nouvelle-Écosse 2,4 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Nouveau-Brunswick 2,0 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Québec 21,1 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Ontario 40,2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Manitoba 3,8 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Saskatchewan 3,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Alberta 12,5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Colombie-Britannique 12,6 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Territoires 0,4 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Groupe de population
Autochtones
Premières Nations 2,1 1,8 2,4
Métis 2,4 2,1 2,8
Inuit 0,3 0,2 0,4
Non autochtones
Blancs 64,3 63,2 65,3
Sud-Asiatiques 7,7 7,2 8,2
Chinois 5,9 5,4 6,4
Noirs 5,0 4,5 5,6
Philippins 3,8 3,4 4,3
Arabes 2,5 2,2 3,0
Latino-Américains 1,2 1,0 1,5
Asiatiques du Sud-Est 1,1 0,9 1,3
Asiatiques occidentaux 0,8 0,6 1,1
Coréens 0,7 0,5 0,8
Japonais 0,4 0,3 0,5
Autres ou groupes de population multiples 1,8 1,5 2,1
Revenu familial
Au-dessus de la MFR 72,3 71,3 73,3
Sous la MFR 27,7 26,7 28,7
Problème de santé chronique
Aucun problème de santé chronique 72,8 68,1 70,2
Problème de santé chroniqueTableau 1 Note 2 27,2 29,8 31,9
A subi de la cybervictimisation 24,6 23,7 25,6
Santé mentale générale « passable » ou « mauvaise » 6,6 6,1 7,1
Dépression ou anxiété 6,0 5,5 6,5
Risque de troubles de l'alimentation 22,1 21,2 23,0
Sous-échantillon âgé de 15 à 17 ansTableau 1 Note 3
Attirance sexuelle
Attirance pour les personnes de genre différent 78,5 77,2 79,8
Attirance pour les personnes du même genre ou incertain 21,5 20,2 22,8

Prédire l’expérience de la cybervictimisation

Le tableau 2 présente les proportions d’adolescents de chaque catégorie sociodémographique qui ont subi de la cybervictimisation. Il convient de souligner que les adolescents transgenres et non binaires étaient plus susceptibles de subir de la cybervictimisation que les adolescents cisgenres (47,3 % par rapport à 24,5 %), tout comme les adolescents âgés de 15 à 17 ans qui étaient attirés par les personnes du même genre comparativement aux adolescents attirés par les personnes de genre différent du même âge (31,5 % par rapport à 26,0 %) et les adolescents atteints d’un problème de santé chronique comparativement à ceux sans problème de santé chronique (28,0 % par rapport à 23,4 %).


Tableau 2
Pourcentage de la population à domicile âgée de 12 à 17 ans qui a subi de la cybervictimisation, selon les renseignements sociodémographiques, Canada, 2019
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Pourcentage de la population à domicile âgée de 12 à 17 ans qui a subi de la cybervictimisation Pourcentage de
personnes qui ont subi
de la cybervictimisation et Intervalle de
confiance à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Pourcentage de
personnes qui ont subi
de la cybervictimisation
Intervalle de
confiance à 95 %
de à
Échantillon complet âgé de 12 à 17 ansTableau 2 Note 1
Groupe d’âge
12 à 14 ansTableau 2 Note 2 22,1 20,8 23,5
15 à 17 ans 27,2Note * 25,8 28,6
Sexe à la naissance
MasculinTableau 2 Note 2 23,9 22,6 25,2
Féminin 25,4 24,1 26,8
Diversité de genre
CisgenreTableau 2 Note 2 24,5 23,5 25,5
Transgenre ou non binaire 47,3Note * 32,9 62,2
Lieu de résidence
Centre de population 24,6 23,5 25,7
Région rurale 24,7 22,7 26,8
Province ou territoire
Terre-Neuve-et-Labrador 29,5Note * 25,0 34,3
Île-du-Prince-Édouard 25,7Note * 21,9 29,9
Nouvelle-Écosse 33,7Note * 29,0 38,6
Nouveau-Brunswick 26,2Note * 21,9 31,1
QuébecTableau 2 Note 2 20,0 17,3 23,0
Ontario 24,9Note * 23,6 26,2
Manitoba 21,2 17,4 25,6
Saskatchewan 23,0 19,2 27,3
Alberta 26,3Note * 23,4 29,4
Colombie-Britannique 28,6Note * 25,8 31,6
Territoires 30,3Note * 25,0 36,1
Groupe de population
Autochtones
Premières Nations 33,8 27,2 41,2
Métis 30,1 24,5 36,3
Inuit 34,5 18,6 54,8
Non autochtones
BlancsTableau 2 Note 2 26,2 25,0 27,5
Sud-Asiatiques 16,3Note * 13,7 19,3
Chinois 22,2 18,6 26,2
Noirs 23,6 19,0 28,8
Philippins 18,3Note * 14,4 22,9
Arabes 19,8 14,2 26,9
Latino-Américains 21,6 13,0 33,8
Asiatiques du Sud-Est 24,4 16,9 33,8
Asiatiques occidentaux 21,2 12,2 34,3
Coréens 22,8 13,5 35,9
Japonais 19,6 9,4 36,3
Autres ou groupes de population multiples 16,8Note * 11,8 23,3
Revenu familial
Au-dessus de la MFRTableau 2 Note 2 25,0 23,9 26,2
Sous la MFR 23,5 21,8 25,4
Problèmes de santé chroniques
NonTableau 2 Note 2 23,4 21,6 23,8
OuiTableau 2 Note 3 28Note * 27,2 30,8
Sous-échantillon âgé de 15 à 17 ansTableau 2 Note 4
Attirance sexuelle
Attirance pour les personnes de genre différentTableau 2 Note 2 26,0 24,5 27,6
Attirance pour les personnes du même genre ou incertain 31,5Note * 28,3 34,9

Le tableau 3 présente un modèle comprenant toutes les variables simultanément, y compris les interactions bidirectionnelles. Les adolescents transgenres et non binaires étaient plus susceptibles de subir de la cybervictimisation que les adolescents cisgenres (rapport de cotes [RC] : 2,57; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,33 à 4,96). Les adolescents résidant au Québec étaient moins à risque que ceux du reste du Canada (RC : 0,67; IC à 95 % : 0,55 à 0,81). Comparativement aux adolescents blancs, les adolescents sud-asiatiques, chinois et philippins étaient moins susceptibles de subir de la cybervictimisation. En ce qui concerne les habitudes en matière de médias numériques, des fréquences d’utilisation moins élevées étaient généralement associées à une plus faible probabilité de subir de la cybervictimisation (voir le tableau 3).


Tableau 3
Résultats de la régression logistique montrant les liens entre l’expérience de la cybervictimisation et les renseignements sociodémographiques, population à domicile âgée de 12 à 17 ans, Canada, 2019
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Résultats de la régression logistique montrant les liens entre l’expérience de la cybervictimisation et les renseignements sociodémographiques. Les données sont présentées selon Variable (titres de rangée) et RC et Intervalle de
confiance à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
VariableTableau 3 Note 1 RC Intervalle de
confiance à 95 %
de à
Âge
15 à 17 ans 1,07 0,96 1,21
12 à 14 ansTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Sexe à la naissance
Féminin 1,10 0,95 1,27
MasculinTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Diversité de genre
Transgenre ou non binaire 2,57Note * 1,33 4,96
CisgenreTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Lieu de résidence
Région rurale 0,95 0,83 1,08
Centre de populationTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Province ou territoire
Québec 0,67Note * 0,55 0,81
Reste du CanadaTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Groupe de population
Autochtones
Premières Nations 1,21 0,85 1,73
Métis 1,11 0,83 1,49
Inuit 2,15 0,75 6,16
Non autochtones
BlancsTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Sud-Asiatiques 0,54Note * 0,43 0,69
Chinois 0,74Note * 0,58 0,94
Noirs 0,81 0,59 1,1
Philippins 0,50Note * 0,37 0,68
Arabes 0,79 0,51 1,21
Latino-Américains 0,75 0,38 1,45
Asiatiques du Sud-Est 0,85 0,52 1,39
Asiatiques occidentaux 0,81 0,4 1,62
Coréens 0,72 0,35 1,45
Japonais 0,59 0,23 1,51
Autres ou groupes de population multiples 0,48Note * 0,31 0,75
Revenu
Sous le seuil de la MFR 0,90 0,77 1,05
Égal ou supérieur à la MFRTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Problème de santé chronique
OuiTableau 3 Note 3 0,98 0,81 1,18
NonTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Fréquence de l’utilisation des médias sociaux
Une fois par jour ou moins 0,72Note * 0,63 0,83
Plusieurs fois par jourTableau 3 Note 2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Constamment 1,16 0,97 1,38
Fréquence de l'utilisation de la messagerie vidéo ou instantanée
Une fois par jour ou moins 0,81Note * 0,71 0,93
Plusieurs fois par jourTableau 3 Note 2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Constamment 1,31Note * 1,10 1,57
Fréquence d'utilisation des jeux en ligne
Jamais 0,76Note * 0,66 0,88
OccasionnellementTableau 3 Note 2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Une fois par jour ou plus 1,29Note * 1,11 1,51
Utilise l’appareil avant le coucher
NonTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Oui 1,17Note * 1,01 1,36
Appareil autorisé au souper
NonTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Oui 1,07 0,94 1,22
Ne soupe pas en famille 1,50Note * 1,22 1,85
Attirance sexuelleTableau 3 Note 4
Attirance pour les personnes du même genre ou incertain 1,28Note * 1,06 1,54
Attirance pour les personnes de genre différentTableau 3 Note 2 1,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Un effet d’interaction entre le sexe à la naissance et un problème de santé chronique a révélé que le lien entre la présence d’un problème de santé chronique et l’expérience de la cybervictimisation était statistiquement significatif chez les filles (RC : 1,52; IC à 95 % : 1,26 à 1,82), mais pas chez les garçons (RC : 1,08; IC à 95 % : 1,00 à 1,33). La stratification selon la situation de faible revenu a révélé que la présence d’un problème de santé chronique était plus fortement associée à la cybervictimisation chez les adolescents des ménages à faible revenu (RC : 1,51; IC à 95 % : 1,17 à 1,95) que chez ceux dont le revenu du ménage dépasse la MFR (RC : 1,15; IC à 95 % : 1,00 à 1,33). Une analyse de sensibilité comprenait les problèmes de TDA et de TSA séparément des autres problèmes de santé chronique en raison des comorbidités possibles de ces problèmes avec les corrélations relatives à la santé mentale examinées. Le TDA était une variable explicative indépendante importante de la cybervictimisation (RC : 1,40; IC à 95 % : 1,13 à 1,74). Les tendances de l’association entre d’autres problèmes de santé chroniques et la cybervictimisation étaient semblables à celles du modèle principal, y compris les effets d’interaction (p. ex. l’interaction entre le sexe à la naissance et un problème de santé chronique). Ces constatations laissent entendre que le fait d’inclure le TDA et le TSA dans la mesure composite des problèmes de santé chroniques n’a pas modifié la tendance des résultats.

Une tendance semblable au chapitre des résultats a été observée dans l’échantillon restreint comprenant uniquement des adolescents âgés de 15 à 17 ans (modèle complet non présenté). Un effet d’interaction était significatif : les filles attirées par les personnes du même genre présentaient un risque élevé de cybervictimisation (RC : 1,57; IC à 95 % : 1,22 à 2,01), mais les garçons attirés par les personnes du même genre ne l’étaient pas (RC : 0,98; IC à 95 % : 0,71 à 1,36).

Prédire les corrélations en matière de santé mentale

Le tableau 4 présente les résultats de la régression logistique permettant de prédire chaque indicateur de santé mentale à partir de l’expérience des adolescents en matière de cybervictimisation avant et après correction pour toutes les covariables sociodémographiques.


Tableau 4
Résultats des modèles de régression montrant le lien entre l’expérience de la cybervictimisation et les indicateurs de santé mentale, population à domicile âgée de 12 à 17 ans, Canada, 2019
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Résultats des modèles de régression montrant le lien entre l’expérience de la cybervictimisation et les indicateurs de santé mentale. Les données sont présentées selon Résultat (titres de rangée) et Modèle brut, Modèle ajusté, RC et Intervalle de
confiance
à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Résultat Modèle brut Modèle ajusté
RC Intervalle de
confiance
à 95 %
RC Intervalle de
confiance
à 95 %
de à de à
Santé mentale générale « passable » ou « mauvaise »Tableau 4 Note 1 2,78Note * 2,31 3,36 2,33Note * 1,90 2,9
Difficultés fonctionnelles : dépression ou anxiétéTableau 4 Note 1 2,13Note * 1,75 2,59 1,78Note * 1,5 2,2
Symptômes élevés de troubles de l'alimentationTableau 4 Note 1 2,12Note * 1,88 2,38 1,95Note * 1,7 2,2
Idées suicidairesTableau 4 Note 2 3,29Note * 2,74 3,96 3,10Note * 2,5 3,8
Tentatives de suicideTableau 4 Note 2 3,74Note * 2,88 4,86 3,17Note * 2,4 4,2

Des liens solides ont été notés entre la cybervictimisation et la santé mentale. Même après correction pour tenir compte de toutes les covariables sociodémographiques, les adolescents de l’échantillon complet qui avaient subi de la cybervictimisation présentaient un risque accru d’avoir une santé mentale générale moins bonne et des difficultés liées à la dépression ou à l’anxiété, ainsi que de présenter des symptômes élevés de trouble de l’alimentation, alors que les adolescents de l’échantillon de 15 à 17 ans qui avaient subi de la cybervictimisation présentaient un risque accru d’idées suicidaires et de tentatives de suicide (tableau 4).

Des modèles comprenant des interactions avec la cybervictimisation (p. ex. problèmes de santé chroniques et cybervictimisation) ont été mis à l’essai; toutefois, comme aucune constatation significative cohérente n’a été relevée, les résultats des modèles sans ces interactions sont présentés. Une analyse de sensibilité a porté sur l’expérience des adolescents en matière de victimisation traditionnelle en personne. La victimisation en personne (dichotomisée à la tranche supérieure de 25 % des scores) a permis de prédire de façon significative la cybervictimisation (RC : 8,56; IC à 95 % : 7,51 à 9,76); les tendances des résultats pour tous les autres prédicteurs étaient semblables à celles du modèle sans l’intimidation traditionnelle. Dans les modèles prédisant les résultats en matière de santé mentale, les liens avec la cybervictimisation ont été quelque peu atténués en présence de victimisation traditionnelle en personne, mais ils sont demeurés importants (données non présentées).

Discussion

Au sein de ce vaste échantillon représentatif d’adolescents canadiens, près de 1 adolescent sur 4 âgé de 12 à 17 ans (24,6 %) avait subi au moins un incident de cybervictimisation au cours des 12 derniers mois. Conformément à des études antérieures soulignant les corrélations psychologiques négatives de la cybervictimisation8, ces adolescents étaient beaucoup plus susceptibles de connaître de multiples problèmes de santé mentale, notamment une santé mentale générale moins bonne, la dépression ou l’anxiété, des symptômes élevés de troubles de l’alimentation, des idées suicidaires et des tentatives de suicide.

Les filles attirées par les personnes du même genre et les jeunes transgenres et non binaires étaient plus susceptibles de subir de la cybervictimisation. Ces constatations viennent appuyer des publications antérieures qui indiquent que les jeunes LGBTQ courent un risque disproportionné de subir de la cybervictimisationNote 15. La victimisation ciblée, particulièrement liée à l’orientation sexuelle et à la diversité de genre des adolescents, est courante et peut être particulièrement néfaste pour la santé mentale des adolescents LGBTQNote 36, Note 37. Certaines études antérieures ont laissé entendre que les filles attirées par les personnes du même genre peuvent être particulièrement susceptibles de subir de la cybervictimisationNote 38. Par exemple, une étude canadienne a révélé que les filles bisexuelles étaient plus susceptibles de subir de la cyberintimidation que les garçons bisexuelsNote 39.

Les résultats indiquent également que les adolescents atteints d’une maladie chronique, en particulier ceux vivant dans des ménages à faible revenu, étaient plus susceptibles de faire l’objet de cybervictimisation. Bien que peu d’études aient examiné les taux et les corrélations de la cybervictimisation chez les personnes souffrant de problèmes de santé chroniques, ces résultats correspondent aux quelques études qui laissent entendre que les jeunes atteints d’une maladie chronique ou d’une incapacité présentent un risque élevé par rapport à leurs pairsNote 23. Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette vulnérabilité. La gestion quotidienne requise par de nombreuses conditions, ainsi que les limitations d’activités pour certains jeunes, peuvent, par exemple, les distinguer de leurs pairs et leur conférer un désavantage socialNote 40. Ces résultats donnent à penser que les personnes vivant dans des ménages à faible revenu peuvent être particulièrement à risque. En plus des conséquences psychologiques, l’expérience de la cybervictimisation peut exacerber les symptômes chez les jeunes atteints de certaines maladies, comme le syndrome de la TouretteNote 41 et l’asthmeNote 42, soulignant l’importance des efforts visant à prévenir l’expérience de la cybervictimisation chez ce groupe de jeunes.

Dans la présente étude, les membres de certains groupes de population (Sud-Asiatique, Chinois et Philippin) étaient moins susceptibles d’être victimes de cybervictimisation que les adolescents blancs. On a émis l’hypothèse selon laquelle des taux réduits de cybervictimisation parmi les membres des groupes racisés reflètent des taux plus faibles de possession technologique parmi les familles de ces groupes et des différences dans les préférences en matière de plateformes de médias sociaux entre les groupesNote 18. Certaines études canadiennes donnent à penser que les adolescents originaires de l’Asie de l’Est (y compris les personnes d’origine chinoise et philippine) sont moins susceptibles de commettre de la cybervictimisation que leurs pairs blancs; il s’agit d’une constatation attribuée aux différences culturelles en ce qui concerne l’importance de la responsabilité socialeNote 43. De futures recherches avec des échantillons plus importants provenant de divers groupes de population d’enfants et de jeunes sont nécessaires pour clarifier la façon dont ces différences dans la perpétration peuvent être liées aux différences de victimisation observées dans la présente étude.

Notamment, alors que la probabilité de subir de la cybervictimisation différait selon les renseignements sociodémographiques, les corrélations entre la santé mentale et la cybervictimisation semblaient similaires pour tous les jeunes, quels que soient leurs renseignements sociodémographiques. Compte tenu des liens solides entre la cybervictimisation et plusieurs indicateurs de problèmes de santé mentale dans de multiples domaines, la réduction de l’expérience de la cybervictimisation pourrait s’avérer une cible intéressante pour les interventions visant à améliorer la santé mentale des jeunes Canadiens. D’autres auteurs ont souligné l’importance de la prévention de la cyberintimidation dans les écoles, proposant que les discussions sur la cybervictimisation soient intégrées aux programmes de lutte contre l’intimidation qui existent déjàNote 44. Les résultats des études d’intervention soulignent l’efficacité à court terme des programmes en milieu scolaire pour réduire la cybervictimisationNote 45,Note 46. Certains de ces programmes comprennent des modules destinés aux enseignants et aux étudiants, notamment des modules pour les enseignants axés sur la reconnaissance et l’intervention en matière de cybervictimisation et des modules pour les étudiants qui visent à réduire le risque de subir et de commettre de la cybervictimisation grâce à une formation en aptitudes sociales et à la promotion d’un sentiment de collaboration au sein de la classeNote 45, Note 46. Un de ces programmes comprenait également un module pour les parents qui mettait l’accent sur l’établissement de limites quant aux activités en ligne des adolescents et sur la surveillance de ces activitésNote 46. D’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les résultats à long terme de ces programmes parmi divers groupes de jeunes.

Limites et orientations futures

L’un des principaux objectifs de la présente étude était d’évaluer les différences entre les groupes quant à l’expérience de la cybervictimisation. Bien que plusieurs effets d’interaction aient pu être testés, permettant d’examiner les répercussions des multiples croisements entre domaines de marginalisation, la petite taille des cellules pour certaines combinaisons de catégories (p. ex. les adolescents transgenres et non binaires dans différents groupes de population) a réduit la capacité à détecter des différences potentielles et a entraîné de grands IC autour de certaines estimations (p. ex. pour l’interaction entre le sexe à la naissance et l’attirance pour les personnes du même genre). Des recherches intersectionnelles futures utilisant un suréchantillonnage ciblé des populations d’intérêt pourraient être justifiées.

Bien que l’ECSEJ soit considérée comme représentative de la population canadienne, elle peut ne pas être une représentation nationale de tous les sous-échantillons pris en considération. Par exemple, l’analyse des adolescents vivant avec des problèmes de santé chroniques se limitait aux problèmes diagnostiqués par un professionnel de la santé; les adolescents éprouvant des problèmes de santé chroniques non diagnostiqués n’étaient pas pris en compte par la présente analyse.

Bien que de solides liens entre la cybervictimisation et la santé mentale aient été observés, la nature transversale des données ne permet pas d’examiner l’orientation de cet effet. Les adolescents dont la santé mentale est moins bonne, par exemple, peuvent être plus susceptibles de devenir des victimes de la cybervictimisation. En effet, certaines recherches longitudinales montrent des liens bidirectionnels entre la cybervictimisation et les problèmes de santé mentaleNote 47,Note 48 .

Conclusion

Vécue par 1 jeune Canadien sur 4, la cybervictimisation est associée à de multiples indicateurs de problèmes de santé mentale, y compris les idées suicidaires et les tentatives de suicide. Alors que certains groupes de population (les jeunes transgenres et non binaires, les filles attirées par les personnes du même genre et les personnes vivant avec des problèmes de santé chroniques) semblent plus susceptibles de subir de la cybervictimisation, les résultats révèlent que la cybervictimisation est associée à des indicateurs de santé mentale semblables pour tous les adolescents. Les recherches à venir devraient continuer d’examiner la cybervictimisation par rapport à la santé mentale des adolescents d’un point de vue intersectionnel.

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