Rapports sur la santé
Le risque de surdose de drogues non médicales à la suite d'une prescription d'opioïdes après une blessure : une étude de cohorte rétrospective

par Alex Zheng, Aamir Bharmal, Fahra Rajabali, Kate Turcotte, Larry Thomas, Len Garis et Ian Pike

Date de diffusion : le 20 juillet 2022

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202200700001-fra

Résumé

Contexte

L’ordonnance d’opioïdes après une blessure se retrouve de plus en plus sous la loupe, en raison d’inquiétudes concernant le rôle que pourraient jouer les opioïdes prescrits dans les problèmes de dépendance et de surdoses. La présente étude visait à mieux comprendre la relation entre les blessures, les opioïdes prescrits avant et après une blessure, et l’empoisonnement aux drogues non médicales.

Données et méthodes

Les résidents en âge de travailler (de 15 à 65 ans) de la région sociosanitaire de Fraser en Colombie-Britannique, ayant subi une blessure nécessitant une visite aux urgences, sont compris dans l’étude. Les facteurs examinés comprenaient l’ordonnance de médicaments opioïdes et de traitement par agonistes opioïdes (TAO) avant et après une blessure, l’âge, le sexe, les blessures liées au travail et le statut socioéconomique, ainsi que la manière dont ils étaient associés au risque d’empoisonnement possible aux drogues non médicales et aux ordonnances après une blessure.

Résultats

Les personnes naïves aux opioïdes (celles n’ayant pas eu d’ordonnances d’opioïdes connues avant leur blessure), à qui l’on avait prescrit des médicaments dans le cadre d’un TAO — un indicateur du trouble lié à l’usage des opioïdes — à la suite de leur blessure, avaient un risque plus élevé d’empoisonnement aux drogues non médicales (rapport de risques = 21,4 à 22,4 comparativement aux personnes naïves aux opioïdes n’ayant pas reçu d’ordonnances d’opioïdes ou de TAO). Les ordonnances d’opioïdes après une blessure chez ces personnes ont augmenté le risque d’empoisonnement (rapport de risque = 1,27 comparativement à celles qui n’ont pas reçu d’ordonnance). Le fait d’être de sexe masculin (rapport de risque = 1,80), d’être plus jeune (rapport de risque = 0,76 pour chaque tranche d’âge de 10 ans supplémentaires) et d’habiter dans les quartiers aux revenus les plus faibles (rapport de risque = 1,44 par rapport au quintile médian) augmentait le risque d’empoisonnement. Comparativement aux blessures subies en dehors du travail, les blessures liées au travail réduisaient le niveau de risque (rapport de risque = 0,62).

Interprétation

Parmi une cohorte de Britanno-Colombiens s’étant présentés à l’urgence à la suite d’une blessure, l’ordonnance d’opioïdes chez les patients naïfs aux opioïdes semble être un facteur mineur d’empoisonnement aux drogues non médicales, surtout si on la compare à d’autres facteurs propres au patient, comme le fait d’être de sexe masculin, d’être plus jeune et d’avoir un faible statut socioéconomique.

Auteurs

Alex Zheng (alex.zheng@bcchr.ca), Fahra Rajabali, Kate Turcotte et Ian Pike travaillent au sein de la BC Injury Research and Prevention Unit de la British Columbia Children's Hospital à Vancouver (Colombie-Britannique) et de la faculté de pédiatrie de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver (Colombie-Britannique). Len Garis travaille également au sein de la BC Injury Research and Prevention Unit de la British Columbia Children's Hospital à Vancouver (Colombie-Britannique) de même qu’à l’École de criminologie et de justice pénale de l’Université Fraser Valley à Abbotsford (Colombie-Britannique). Aamir Bharmal travaille au Bureau du médecin-hygiéniste de la Fraser Health Authority à Surrey (Colombie-Britannique) et à l’École de santé publique et des populations de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver (Colombie-Britannique). Larry Thomas travaille au sein du service d’incendie de Surrey, à Surrey (Colombie-Britannique).

Début de l'encadré

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet

  • La crise des surdoses en Colombie-Britannique a été provoquée par l’apparition du fentanyl et de ses substances analogues dans l’approvisionnement en médicaments, ainsi que par des antécédents d’ordonnance excessive d’opioïdes par le système de santé, notamment comme analgésiques administrés à la suite d’une blessure.
  • La présente étude visait à évaluer la relation entre les blessures, l’ordonnance d’opioïdes et l’empoisonnement possible aux drogues afin de quantifier le risque de surdose et de définir les points d’intervention éventuels pour atténuer la crise.

Ce qu’apporte l’étude

  • Il ressort de la présente étude que les personnes qui étaient naïves aux opioïdes et auxquelles on avait prescrit des opioïdes à la suite d’une blessure avaient 27 % plus de risque d’être victimes d’un empoisonnement aux drogues. Cependant, ce risque était inférieur aux facteurs de risque associés au fait d’être de sexe masculin, d’être plus jeune et d’avoir un faible statut socioéconomique.
  • Le risque d’empoisonnement aux drogues chez les personnes à qui un traitement par agonistes opioïdes a été prescrit (TAO) après une blessure était 21 fois plus élevé, ce qui était d’une ampleur supérieure aux autres facteurs de risque, faisant de ce groupe un centre d’intérêt particulier pour les efforts d’intervention.
  • Il a été observé que les blessures liées au travail avaient un effet protecteur sur le risque d’empoisonnement aux drogues; cependant, les limites des données ont restreint la capacité à distinguer les effets observés dans le cadre du statut d’emploi. Une enquête plus approfondie est justifiée pour mieux comprendre ces relations observées.

Fin de l'encadré

Introduction

En 2016, la Colombie-Britannique a déclaré une urgence de santé publique en réponse à une augmentation rapide des décès par surdose de drogues illicites. L’introduction du fentanyl et de ses analogues dans l’approvisionnement en drogues illicites a été un facteur majeur de la crise des surdoses en Colombie-BritanniqueNote 1. La consommation non médicale d’opioïdesNote 2, qui ont été largement prescrits comme analgésiques au début des années 2000, a constitué un autre facteur déterminantNote 3. On pose l’hypothèse que la surveillance accrue de l’ordonnance d’opioïdes et l’intérêt pour la déprescription d’opioïdes par les organismes de professionnels des soins de santé ont entravé l’accès aux opioïdes pharmaceutiques, en particulier chez les personnes vivant avec un trouble lié à l’usage des opioïdesNote 4, forçant les gens à se tourner vers l’approvisionnement en drogues illicites, souvent contaminées, pour combler leurs besoins en opioïdes, ce qui augmente leur risque de surdoseNote 5.

Des résultats laissent entendre que certaines personnes qui ont subi une blessure et à qui l’on a prescrit des opioïdes pour calmer la douleur sont ensuite victimes d’événements entraînant un empoisonnement aux drogues non médicales en raison d’un mauvais usage des opioïdes sur ordonnance ou parce qu’elles se sont tournées vers l’approvisionnement en drogues illicites dans le but de gérer leur douleurNote 6. Un examen des dossiers mené en 2017 dans la région sociosanitaire de Fraser, la région sociosanitaire la plus peuplée de la Colombie-Britannique (comptant 38 % de la population de la Colombie-Britannique), a permis d’évaluer tous les hommes admis à l’hôpital à la suite d’un cas de surdose non mortelle ayant eu lieu dans une résidence privée. Il a également permis de constater que le consommateur type des opioïdes illégaux était de sexe masculin, relativement plus âgé, souffrait de douleur chronique incontrôlable à la suite d’une blessure et avait une ordonnance d’opioïdesNote 6 en règle.

Bien que la relation ait été établie entre les blessures, les ordonnances d’opioïdes et l’empoisonnement aux drogues non médicales, à la connaissance des auteurs, elle n’a pas fait l’objet d’une évaluation systématique, en particulier avec une cohorte de personnes naïves aux opioïdes. La présente étude porte sur les résidents en âge de travailler (de 15 à 65 ans) de la région sociosanitaire de Fraser et repose sur un ensemble de données administratives couplées pour mieux comprendre la relation entre les blessures (qu’elles soient liées au travail ou survenues en dehors du lieu de travail), les médicaments pour réduire la douleur sous forme d’ordonnances d’opioïdes et de traitement par agonistes opioïdes (TAO) avant ou après une blessure, et l’empoisonnement possible aux drogues non médicales. Elle vise notamment à déterminer : 1) si le risque d’empoisonnement aux drogues non médicales était associé aux opioïdes prescrits après une blessure chez les personnes naïves aux opioïdes; 2) comment les ordonnances d’opioïdes et de TAO après une blessure étaient liées aux ordonnances avant la blessure chez toutes les personnes; 3) les facteurs associés à une ordonnance de TAO après une blessure par opposition à une simple ordonnance d’opioïdes chez les personnes naïves aux opioïdes. Aux fins du présent article, une personne était réputée comme étant naïve aux opioïdes si elle n’avait pas reçu d’ordonnance d’opioïdes ou de TAO avant sa blessure, comme déterminé au cours de la période à l’étude, soit du 1er avril 2012 au 31 mars 2018. L’empoisonnement aux drogues non médicales comprend l’intoxication par tous les narcotiques et psychodysleptiques — à l’exception de l’alcool — qu’ils soient de sources légales ou illégales.

Méthodologie

Cette étude a permis d’examiner la relation entre les blessures, la consommation d’opioïdes et l’empoisonnement au moyen d’une étude de cohorte rétrospective et grâce à des ensembles de données administratives couplées. Toutes les personnes qui se sont présentées aux services médicaux d’urgence de la région sociosanitaire de Fraser pour une blessure survenue au cours de la période à l’étude, qui avaient une adresse dans la région sociosanitaire de Fraser et qui étaient âgées de 15 à 65 ans au moment de la blessure ont été incluses dans la présente étude. Cela comprenait les personnes qui avaient subi des blessures suffisamment graves nécessitant un traitement au service des urgences. Puisque l’accent était mis sur les ordonnances d’opioïdes et de TAO, ces personnes seraient plus susceptibles d’avoir besoin d’analgésiques pour calmer leurs douleurs comparativement aux personnes ayant subi des blessures moins graves. On a choisi la région sociosanitaire de Fraser parce que tous les services d’urgence de la région sociosanitaire relèvent du Système national d’information sur les soins ambulatoires (SNISA)Note 7. La tranche d’âge des 15 à 65 ans a été choisie de manière qu’elle soit représentative de la cohorte des personnes d’âge actif et afin d’assurer que la comparaison entre celles qui ont subi des blessures liées au travail et celles qui ont subi des blessures en dehors du lieu de travail ne concerne que des personnes qui se ressemblent.

Six ensembles de données, allant du 1er avril 2012 au 31 mars 2018, ont été couplés de façon déterministe à l’aide des numéros d’assurance-maladie et ont été dépersonnalisées par l’organisme Population Data BC. La date du 1er avril 2012 a été choisie comme date de début parce que c’est à cette date que le SNISA a commencé à recueillir des données de tous les niveaux de soins (1, 2 et 3) pour les services médicaux d’urgence déclarés, afin de disposer de codes de diagnostic complets pour être en mesure de reconnaître les blessures et les événements d’intoxication aux médicaments à l’échelle des services d’urgence.

Le SNISA a été utilisé pour recueillir les données sur les visites à l’urgence en raison de blessures et d’événements entraînant un empoisonnement aux drogues non médicales. Les données sur les demandes d’indemnisations en milieu de travail de WorkSafeBC (WSBC)Note 8 ont servi à déterminer si la blessure était liée au travail, car il peut y avoir une différence dans la façon dont la gestion de la douleur est traitée en matière d’ordonnance d’opioïdes, de couverture d’assurance ou même de pression potentielle pour un retour plus rapide au travail. La Base de données sur les congés des patients (BDCP)Note 9 et la Base canadienne de données de l’état civil – DécèsNote 10 ont été utilisées pour consigner les données sur les hospitalisations et les décès, respectivement. Le PharmaNetNote 11 a été utilisé pour consigner les données sur la délivrance d’ordonnances d’opioïdes et de TAO avant et après la blessure. PharmaNet de la Colombie-Britannique est un réseau provincial qui relie toutes les pharmacies de la Colombie-Britannique. Ce système comprend tous les médicaments d’ordonnance délivrés par les pharmacies communautaires en Colombie-Britannique, mais n’englobe pas les ordonnances délivrées en milieu hospitalier ou aux clients assurés par le gouvernement fédéral. Il exclut aussi les médicaments achetés sans ordonnance (c’est-à-dire les médicaments en vente libre). Les données agrégées de Statistique Canada (StatCan)Note 12 sur les tranches de revenu ont été utilisées pour obtenir des renseignements sur le quintile de revenu (figure 1). Les statistiques sur le revenu ont été utilisées pour tenir compte du fait que les personnes vivant dans des quartiers de niveau socioéconomique moins favorable sont associées à des taux plus élevés de surdose liée aux opioïdesNote 13.

Figure 1 Graphique conceptuel des étapes, des variables d’intérêt et des ensembles de données utilisés

Description de la figure 1

Le titre de la figure est « Graphique conceptuel des étapes, des variables d’intérêt et des ensembles de données utilisés ». Cette figure vise à fournir un résumé des différentes étapes temporelles, des variables d’intérêt et de la manière dont elles sont associées à chaque étape, ainsi que des sources de données utilisées pour générer ces variables.

Les étapes sont : « Avant la blessure », « Référence », « Après la blessure » et « Surdose ». Les cases orange indiquent ce que mesure chaque étape. L’étape « Référence » correspond au moment où la blessure s’est produite. L’étape « Avant la blessure » correspond à la période entre le début de l’étude et la blessure de référence et mesure ainsi les opioïdes et le TAO prescrits avant la blessure. L’étape « Après la blessure » correspond à la période entre la blessure de référence et la fin de l’étude et mesure ainsi les opioïdes et le TAO prescrits après la blessure. L’étape « Surdose » correspond soit au moment du surdosage, au moment de la censure ou à la fin de l’étude, qui indiquent tous la fin du suivi du participant. Les flèches orange indiquent l’écoulement du temps entre chaque étape.

La description apparaissant sous les cases oranges indique les variables d’intérêt associées à chaque étape. Tous les niveaux des variables catégorielles sont répertoriés ici. Les sources de données sont indiquées entre parenthèses. Toutes les autres variables d’intérêt (qui ne sont pas associées à une étape temporelle en particulier) sont répertoriées sur le côté droit de la figure, avec les sources de données indiquées entre parenthèses.

Les visites à l’urgence pour blessures ont été désignées par les codes de la 10e édition de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, Canada (CIM-10-CA)Note 14(tous les codes S et T, à l’exception des codes d’empoisonnement aux drogues non médicales) indiqués dans le diagnostic de congé. Les empoisonnements aux drogues non médicales portaient les codes de la CIM-10 pour l’opium, l’héroïne, la cocaïne, les autres opioïdes, les narcotiques synthétiques (y compris le fentanyl), les autres narcotiques, le diéthylamide de l’acide lysergique (ou LSD) et les psychédéliques (T40.0 à 40.6 et T40.8 à 40.9) dans le diagnostic de congé pour les visites à l’urgence, le principal code de blessure pour les hospitalisations et toute cause sous-jacente de décès. Un événement entraînant une blessure était considéré comme une blessure liée au travail si la date de demande d’indemnisation pour blessure auprès de WSBC se situait dans les 15 jours suivant la visite à l’urgence afin de tenir compte des différences administratives entre les différents ensembles de données. La blessure de référence a été définie comme la première blessure saisie dans l’ensemble de données du SNISA au cours de la période d’étude. Une ordonnance a été classée comme étant un opioïde ou un TAO par une liste de numéros d’identification des médicaments et de numéros d’identification de produit comme déterminés par des experts en pharmacologie de la région sociosanitaire de Fraser.

L’année de la blessure correspondait à l’année de la blessure de référence. Les blessures ont été classées comme étant liées au travail ou non. Les variables sociodémographiques étaient l’âge au moment de la blessure (groupes d’âge : de 15 à 25 ans, de 26 à 35 ans, de 36 à 45 ans, de 46 à 55 ans, de 56 à 65 ans) et le sexe (homme ou femme). L’ordonnance après une blessure a été classée comme « aucune », « opioïde », « TAO » ou les deux si elle ne comprenait ni opioïdes ni TAO ou si elle comprenait opioïdes seulement, TAO seulement ou les deux à tout moment après la blessure de référence jusqu’à la fin du suivi. De même, l’ordonnance avant la blessure a été classée comme « aucune », « opioïde », « TAO » ou les deux pour les ordonnances émises entre le début de l’étude et la date de la blessure de référence. Les quintiles de revenu (5 étant le revenu le plus élevé) ont été calculés au niveau de l’aire de diffusion (AD) à l’aide des renseignements issus du Recensement de 2016. La période de référence de la blessure s’étalait du 1er avril 2012 au 31 décembre 2017, avec une période de suivi allant du 1er avril 2012 au 31 mars 2018. Il convient de mentionner que comme les données sur les ordonnances d’opioïdes datant d’avant le 1er avril 2012 n’étaient pas disponibles pour la présente étude, les personnes naïves aux opioïdes peuvent avoir été classées à tort, les personnes dont la blessure est survenue plus tôt dans la période d’étude étant plus susceptibles d’être classées à tort.

Trois modèles de régression multivariés indépendants ont été utilisés pour évaluer chaque objectif. Pour le premier objectif, le modèle de régression à risques proportionnels de Cox a servi à déterminer l’association entre le risque d’empoisonnement aux drogues non médicales et l’ordonnance d’opioïdes après une blessure, le délai avant l’empoisonnement aux drogues ou la censure étant la variable de résultat étudiée. Les variables indépendantes d’intérêt étaient l’année où la blessure est survenue, le sexe, l’âge, la blessure liée au travail, la durée d’exposition aux opioïdes ou au TAO sur ordonnance après la blessure (la catégorie « sans ordonnance » étant la catégorie de référence) et les quintiles de revenu (le quintile médian étant la catégorie de référence). Les variables tronquées étaient les décès non liés aux empoisonnements aux drogues non médicales. Tous les cas d’ordonnances d’opioïdes et de TAO prescrites avant la blessure ont été supprimés, car l’analyse initiale a démontré une forte association entre les ordonnances prescrites avant la blessure et celles prescrites après la blessure. Toutes les personnes ayant subi un empoisonnement aux drogues non médicales avant la date de la blessure de référence ont également été exclues, car les cas prouvés d’empoisonnement aux drogues par le passé indiqueraient qu’elles ont un risque élevé d’empoisonnement aux drogues à l’avenir. L’ordonnance après une blessure a été modélisée comme une variable dépendante du temps pour saisir la durée d’exposition à chaque type d’ordonnance. Ce modèle a permis de déterminer si chaque variable indépendante d’intérêt était associée au risque d’empoisonnement aux drogues non médicales à la suite d’une blessure chez les personnes naïves aux opioïdes, tout en s’adaptant les unes aux autres. Des rapports de risques ajustés, avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %, ont été calculés pour chaque variable indépendante d’intérêt.

Pour le deuxième objectif, la modélisation par régression multinomiale a servi à déterminer l’association entre une ordonnance d’opioïdes et de TAO prescrite après une blessure et celle prescrite avant une blessure, l’ordonnance prescrite après une blessure étant la variable catégorique de résultats d’intérêt (« sans ordonnance » comme catégorie de référence). Les variables indépendantes d’intérêt étaient l’année où la blessure est survenue, le sexe, l’âge, la blessure liée au travail, l’ordonnance avant la blessure (« sans ordonnance » étant la catégorie de référence) et les quintiles de revenu (le quintile médian étant la catégorie de référence). Toutes les personnes ont été comprises dans le modèle. Ce modèle a permis de déterminer si chaque variable indépendante d’intérêt était associée à la probabilité qu’il y ait une ordonnance d’opioïdes seulement après une blessure, une ordonnance de TAO seulement ou une ordonnance d’opioïdes et de TAO combinés, sans qu’aucune des deux ne soit la catégorie de comparaison, tout en s’adaptant les unes aux autres. Des rapports de cotes corrigés, avec des intervalles de confiance à 95 %, ont été calculés pour chaque variable indépendante d’intérêt.

Pour le troisième objectif, la modélisation par régression logistique a servi à déterminer l’association entre les variables d’intérêt et la probabilité de se voir prescrire un TAO plutôt que seulement des opioïdes après une blessure. Tous les cas d’ordonnances d’opioïdes et de TAO prescrites avant une blessure, de même que tous ceux sans ordonnances d’opioïdes ou de TAO après une blessure ont été exclus. Les variables indépendantes d’intérêt étaient l’année où la blessure est survenue, le sexe, l’âge, la blessure liée au travail et les quintiles de revenu (le quintile médian étant la catégorie de référence). Ce modèle a permis de déterminer si chaque variable indépendante d’intérêt était associée à la probabilité de se voir prescrire un TAO (ordonnance de TAO seulement ou d’opioïdes et de TAO combinés) comparativement à une ordonnance d’opioïdes seulement prescrite à la suite d’une blessure chez les personnes naïves aux opioïdes, tout en s’adaptant les unes aux autres. Des rapports de cotes corrigés, avec des intervalles de confiance à 95 %, ont été calculés pour chaque variable indépendante d’intérêt.

Un niveau alpha de p ≤ 0,05 a été utilisé pour établir la signification de tous les modèles. Toutes les analyses ont été effectuées à l’aide de la version 9.4 du logiciel statistique de SAS (Cary, Caroline du Nord, États-Unis) dans l’environnement de recherche sécurisé de l’organisme Population Data BC. L’étude a été approuvée par l’Université de la Colombie-Britannique et le Children’s and Women’s Research Ethics Board (numéro de certificat H18-02097)

Résultats

Objectif 1 : Risque d’empoisonnement aux drogues

Entre le 1er avril 2012 et le 31 décembre 2017, 209 972 personnes distinctes et naïves aux opioïdes ont subi une blessure nécessitant une visite à l’urgence dans la région sociosanitaire de Fraser. Parmi ces cas, 1 375 (0,7 %) personnes ont été victimes d’un empoisonnement aux drogues au cours de la période de suivi et 2 010 (1,0 %) ont été censurées en raison de décès non liés à un empoisonnement aux drogues. La majorité des blessures concernaient des hommes (57,9 %), touchaient des personnes plus jeunes (47,8 % avaient 35 ans ou moins) et n’étaient généralement pas liées au travail (83,6 %). La majorité des personnes ne se sont pas vu prescrire d’opioïdes ou de TAO (70,1 %). Selon les quintiles de revenu du quartier, ce groupe comptait une proportion plus faible (15,2 %) de personnes se situant dans le quintile de revenu le plus élevé par rapport à la population générale (tableau 1).


Tableau 1
Nombre et proportion d’événements entraînant une blessure et un empoisonement aux drogues, selon les variables d’intérêt, résidents naïfs aux opioïdes, âgés de 15 à 65 ans, ayant subi une blessure nécessitant une visite à l’urgence, région sociosanitaire de Fraser, Colombie-Britannique, Canada, 2012 à 2017
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Nombre et proportion d’événements entraînant une blessure et un empoisonement aux drogues. Les données sont présentées selon Variable d’intérêt (titres de rangée) et Événements entraînant une blessure et Événements entraînant un empoisonnement aux drogues(figurant comme en-tête de colonne).
Variable d’intérêt Événements entraînant une blessure Événements entraînant un empoisonnement aux drogues
nombre % nombre % de blessures
Année de la blessure
2012 25 221 12,0 362 1,4
2013 32 981 15,7 312 0,9
2014 45 941 21,9 323 0,7
2015 39 267 18,7 236 0,6
2016 35 220 16,8 109 0,3
2017 31 342 14,9 33 0,1
Sexe
Femmes 88 497 42,2 398 0,5
Hommes 121 475 57,9 977 0,8
Âge
15 à 25 ans 55 137 26,3 527 0,9
26 à 35 ans 45 120 21,5 371 0,8
36 à 45 ans 38 037 18,1 222 0,6
46 à 55 ans 38 821 18,5 200 0,5
56 à 65 ans 32 857 15,7 55 0,2
Blessure liée au travail
Non 175 482 83,6 1 247 0,7
Oui 34 490 16,4 128 0,4
Ordonnance après la blessure
Aucune 147 269 70,1 524 0,4
Opioïdes 60 679 28,9 421 0,7
TAO 1 033 0,5 200 19,4
Les deux 991 0,5 230 23,2
Quintile de revenu
(1 = quintile de revenu inférieur,
5 = quintile de revenu supérieur)
1 43 484 20,7 400 0,9
2 45 513 21,7 312 0,7
3 44 640 21,3 245 0,5
4 43 651 20,8 240 0,5
5 31 832 15,2 170 0,5
Global
Total 209 972 100,0 1 375 0,7

Le modèle de régression à risques proportionnels de Cox a montré que les personnes plus âgées présentaient un risque réduit d’empoisonnement aux drogues (rapport de risque : 0,76; IC à 95 % : de 0,73 à 0,79 pour chaque tranche d’âge de 10 ans suivant le groupe d’âge de 15 à 25 ans), que les hommes présentaient un risque plus élevé (rapport de risque : 1,80; IC à 95 % : de 1,62 à 2,00), que les blessures liées au travail étaient associées à un risque plus faible (rapport de risque : 0,62; IC à 95 % : de 0,53 à 0,72 comparativement aux blessures subies à l’extérieur du travail), et que le quintile de revenu le plus bas se traduisait par un risque plus élevé (rapport de risque : 1,44; IC à 95 % : de 1,25 à 1,66 comparativement au quintile médian). En revanche, les ordonnances d’opioïdes seulement, prescrites après une blessure (rapport de risque : 1,27; IC à 95 % : de 1,13 à 1,43), les ordonnances de TAO seulement (rapport de risque : 22,36; IC à 95 % : de 18,30 à 27,32) et les ordonnances d’opioïdes et de TAO combinées (rapport de risque : 21,40; IC à 95 % : de 16,75 à 27,33) affichaient tous un risque accru d’empoisonnement aux drogues (tableau 2). Il convient de noter que les personnes ayant reçu des ordonnances de TAO après une blessure avaient un risque accru d’empoisonnement aux drogues non médicales qui était de loin supérieur à celui des autres facteurs.


Tableau 2
Résultats du modèle à risques proportionnels de Cox montrant les rapports de risques, avec des intervalles de confiance à 95 %, entre le délai avant l’empoisonnement aux drogues et les variables d’intérêt (N = 209 972), résidents naïfs aux opioïdes, âgés de 15 à 65 ans, ayant subi une blessure nécessitant une visite aux urgences, région sociosanitaire de Fraser, Colombie-Britannique, Canada, 2012 à 2017
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Résultats du modèle à risques proportionnels de Cox montrant les rapports de risques. Les données sont présentées selon Variable d’intérêt (titres de rangée) et Rapport de risques et Intervalle
de confiance à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Variable d’intérêt Rapport de risques Intervalle
de confiance à 95 %
Limite
inférieure
Limite
supérieure
Âge
par tranche de 10 ans 0,759 0,730 0,788
Sexe
Plus d’hommes que de femmes 1,797 1,615 2,000
Blessure liée au travail
Plus de personnes ayant répondu « Oui » que « Non » 0,619 0,530 0,722
Ordonnance après une blessure
Plus de personnes avec une ordonnance d’opioïdes que de personnes sans ordonnance 1,270 1,128 1,430
Plus de personnes avec une ordonnance de TAO que de personnes sans ordonnance 22,358 18,297 27,320
Plus de personnes avec une ordonnance d’opioïdes et de TAO que de personnes sans ordonnance 21,397 16,752 27,329
Année de la blessure
par année 1,202 1,146 1,261
Quintile de revenu
Plus de personnes appartenant au 1er quintile qu’au 3e quintile 1,438 1,247 1,658
Plus de personnes appartenant au 2e quintile qu’au 3e quintile 1,152 0,993 1,337
Plus de personnes appartenant au 4e quintile qu’au 3e quintile 1,060 0,907 1,240
Plus de personnes appartenant au 5e quintile qu’au 3e quintile 0,992 0,835 1,180

Objectif 2 : Ordonnance subséquente à une blessure

Entre le 1er avril 2012 et le 31 décembre 2017, 281 284 personnes distinctes ont dû se rendre à l’urgence dans la région sociosanitaire de Fraser. La majorité des blessures concernaient des hommes (56,1 %), touchaient les groupes d’âge plus jeunes (43,9 % des personnes étaient âgées de 35 ans ou moins), étaient peu susceptibles d’être liées au travail (83,6 %) et n’ont pas nécessité d’ordonnance d’opioïde ou de TAO (51,8 %) au cours de la période de suivi, bien que certaines personnes (26,3 %) aient déjà été exposées à des opioïdes prescrits avant la blessure (tableau 3). Il convient de mentionner que les personnes à qui l’on avait prescrit des opioïdes ou un TAO avant la blessure ont reçu, respectivement, une ordonnance d’opioïdes ou de TAO après une blessure.


Tableau 3
Nombre et proportion d’événements entraînant une blessure et nombre et proportion d'ordonnances d’opioïdes seulement, de TAO seulement, et d’opioïdes et de TAO combinés, en conséquence des événements, par variables d’intérêt, tous les résidents âgés de 15 à 65 ans ayant subi une blessure nécessitant une visite à l’urgence, région sociosanitaire de Fraser, Colombie-Britannique, Canada, 2012 à 2017
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Nombre et proportion d’événements entraînant une blessure et nombre et proportion d'ordonnances d’opioïdes seulement. Les données sont présentées selon Variable d’intérêt (titres de rangée) et Événements
entraînant
une blessure, Ordonnance
d’opioïdes seulement
après la blessure, Ordonnance de
TAO seulement
après la blessure et Ordonnance d’opioïdes et de
TAO combinés après la
blessure(figurant comme en-tête de colonne).
Variable d’intérêt Événements
entraînant
une blessure
Ordonnance
d’opioïdes seulement
après la blessure
Ordonnance de
TAO seulement
après la blessure
Ordonnance d’opioïdes et de
TAO combinés après la
blessure
nombre % nombre % de blessures nombre % de blessures nombre % de blessures
Année de la blessure
2012 27 334 9,7 13 892 50,8 269 1,0 814 3,0
2013 40 494 14,4 19 969 49,3 441 1,1 954 2,4
2014 60 792 21,6 29 215 48,1 589 1,0 1 053 1,7
2015 55 261 19,6 25 128 45,5 545 1,0 746 1,3
2016 51 362 18,2 22 096 43,0 470 0,9 509 1,0
2017 46 471 16,5 18 422 39,6 420 0,9 290 0,6
Sexe
Femmes 123 671 43,9 59 898 48,4 722 0,6 1 349 1,1
Hommes 158 043 56,1 68 824 43,5 2 012 1,3 3 017 1,9
Âge
15 à 25 ans 65 030 23,1 23 292 35,8 648 1,0 743 1,1
26 à 35 ans 58 599 20,8 23 898 40,7 963 1,6 1 400 2,4
36 à 45 ans 52 566 18,7 24 657 46,9 635 1,2 1 060 2,0
46 à 55 ans 55 877 19,8 28 956 51,8 332 0,6 803 1,4
56 à 65 ans 49 542 17,6 27 919 56,4 156 0,3 360 0,7
Blessure liée au travail
Non 235 636 83,6 107 395 45,6 2 512 1,1 3 923 1,7
Oui 46 078 16,4 21 327 46,3 222 0,5 443 1,0
Ordonnance avant la blessure
Aucune 204 726 76,7 57 025 27,9 967 0,5 842 0,4
Opioïdes 72 826 25,9 71 506 98,2 0 0,0 1 320 1,8
TAO 2 071 0,7 0 0,0 1 231 59,4 840 40,6
Les deux 2 091 0,7 191 9,1 536 25,6 1 364 65,2
Quintile de revenu
1 58 911 20,9 26 549 45,1 902 1,5 1 452 2,5
2 61 030 21,7 28 173 46,2 635 1,0 951 1,6
3 60 136 21,4 27 667 46,0 514 0,9 813 1,4
4 58 272 20,7 26 839 46,1 373 0,6 637 1,1
5 42 229 15,0 19 084 45,2 290 0,7 464 1,1
Global
Total 281 714 100,0 128 722 45,7 2 734 1,0 4 366 1,5

Le modèle de régression multinomiale a montré que l’ordonnance après une blessure était fortement associée à l’ordonnance avant la blessure, où le fait d’avoir reçu à la fois une ordonnance d’opioïdes et de TAO avant une blessure augmentait la probabilité de se voir prescrire à la fois une ordonnance d’opioïdes et de TAO après une blessure (rapport de cotes : 879,16; IC à 95 % : 771,73 à 1 000,00), que le fait de se voir prescrire uniquement un TAO avant leur blessure augmentait la probabilité de se voir prescrire, après une blessure, une ordonnance pour un TAO seulement (rapport de cotes : 319,13; IC à 95 % : 284,63 à 357,93), et que le fait de se voir prescrire uniquement des opioïdes avant une blessure augmentait la probabilité de se voir prescrire, après une blessure, une ordonnance d’opioïdes seulement (rapport de cotes : 185,20; IC à 95 % : 175,08 à 195,92). De plus, le fait d’être plus jeune (rapport de cotes : 0,85; IC à 95 % : 0,84 à 0,86 pour chaque groupe d’âge de 10 ans après le groupe d’âge de 15 à 24 ans), d’être de sexe masculin (rapport de cotes : 1,08 à 1,78) et de vivre dans les quartiers aux revenus les plus faibles (rapport de cotes : 1,07 à 1,41 par rapport au quintile médian) ont augmenté la probabilité de se voir prescrire une ordonnance d’opioïdes ou un TAO, tandis que les blessures liées au travail (rapport de cotes : 0,50 à 0,82 par rapport aux blessures survenant en dehors du lieu de travail) ont réduit le risque (tableau 4).


Tableau 4
Résultats du modèle de régression multinomial montrant les rapports de cotes, avec des intervalles de confiance à 95 %, entre la probabilité de se voir prescrire des opioïdes seulement, un TAO seulement, ou les deux, et les variables d’intérêt (N = 281 714), tous les résidents âgés de 15 à 65 ans ayant subi une blessure nécessitant une visite à l’urgence, région sociosanitaire de Fraser, Colombie-Britannique, Canada, 2012 à 2017
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Résultats du modèle de régression multinomial montrant les rapports de cotes. Les données sont présentées selon Variable d’intérêt (titres de rangée) et Plus de personnes avec une ordonnance d’opioïdes que de personnes sans ordonnance, Plus de personnes avec une ordonnance de TAO que de personnes sans ordonnance, Plus de personnes avec une ordonnance d’opioïdes et de TAO que de personnes sans ordonnance et Intervalle
de confiance
à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Variable d’intérêt Plus de personnes avec une ordonnance d’opioïdes que de personnes sans ordonnance Plus de personnes avec une ordonnance de TAO que de personnes sans ordonnance Plus de personnes avec une ordonnance d’opioïdes et de TAO que de personnes sans ordonnance
Intervalle
de confiance
à 95 %
Intervalle
de confiance
à 95 %
Intervalle
de confiance
à 95 %
Rapport
de cotes
Limite
inférieure
Limite
supérieure
Rapport
de cotes
Limite
inférieure
Limite
supérieure
Rapport
de cotes
Limite
inférieure
Limite
supérieure
Âge
par tranche de 10 ans 0,85 0,84 0,86 0,70 0,67 0,73 0,78 0,76 0,80
Sexe
Plus d’hommes que de femmes 1,08 1,06 1,10 1,78 1,61 1,98 1,62 1,50 1,75
Blessure liée au travail
Plus de personnes ayant répondu « Oui » que « Non » 0,82 0,79 0,85 0,50 0,43 0,59 0,70 0,62 0,78
Ordonnance avant la blessure
Plus de personnes avec une ordonnance
d’opioïdes et de TAO que de personnes sans ordonnance
1,72 1,67 1,76 76,72 67,82 86,79 879,16 771,73 1000,00
Plus de personnes avec une ordonnance
de TAO que de personnes sans ordonnance
S.O. S.O. S.O. 319,13 284,63 357,83 174,21 154,62 196,28
Plus de personnes avec une ordonnance
d’opioïdes que de personnes sans ordonnance
185,20 175,08 195,92 S.O. S.O. S.O. 7,04 6,43 7,70
Année de la bessure
par année 1,29 1,28 1,30 1,07 1,04 1,10 0,60 0,58 0,62
Quintile de revenu
Plus de personnes appartenant au 1er quintile qu’au 3e quintile 1,07 1,04 1,10 1,23 1,08 1,41 1,35 1,22 1,50
Plus de personnes appartenant au 2e quintile qu’au 3e quintile 0,99 0,96 1,02 1,13 0,98 1,30 1,05 0,94 1,17
Plus de personnes appartenant au 4e quintile qu’au 3e quintile 0,96 0,93 0,99 0,79 0,67 0,92 0,88 0,78 0,99
Plus de personnes appartenant au 5e quintile qu’au 3e quintile 1,00 0,97 1,04 0,84 0,71 1,00 0,87 0,76 1,00

Objectif 3 : Comparaison de cohortes – Opioïdes seulement par rapport à un TAO

Entre le 1er avril 2012 et le 31 décembre 2017, 57 025 personnes naïves aux opioïdes ont subi une blessure et ont reçu une ordonnance d’opioïdes ou de TAO par la suite. La grande majorité (96,9 %) a reçu une ordonnance d’opioïdes seulement. Dans la cohorte à qui l’on a prescrit un TAO, comparativement à la cohorte à qui l’on a prescrit uniquement des opioïdes, les hommes étaient plus nombreux (75,5 % contre 56,9 %), ceux âgés de 35 ans ou moins étaient plus nombreux (75,4 % contre 42,5 %), les blessures non liées au travail étaient prédominantes (90,5 % contre 81,7 %) et les personnes qui vivaient dans les quartiers du quintile de revenu le plus bas (29,2 % contre 20,4 %) étaient plus nombreuses (tableau 5).


Tableau 5
Nombre et proportion de personnes ayant une ordonnance d’opioïdes seulement (cohorte d’utilsateurs d’opioïdes) et de TAO (cohorte d’utilsateurs ayant recours à un TAO) après une blessure, selon les variables d’intérêt, résidents naïfs aux opioïdes âgés de 15 à 65 ans avec une blessure ayant nécéssité une visite à l’urgence, région sociosanitaire de Fraser, Colombie-Britannique, Canada, 2012 à 2017
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Nombre et proportion de personnes ayant une ordonnance d’opioïdes seulement (cohorte d’utilsateurs d’opioïdes) et de TAO (cohorte d’utilsateurs ayant recours à un TAO) après une blessure. Les données sont présentées selon Variable d’intérêt (titres de rangée) et Cohorte d’utilsateurs
d’opioïdes et Cohorte d’utilsateurs ayant recours à un TAO(figurant comme en-tête de colonne).
Variable d’intérêt Cohorte d’utilsateurs
d’opioïdes
Cohorte d’utilsateurs ayant recours à un TAO
nombre % nombre %
Année de la blessure
2012 10 956 19,2 493 27,3
2013 12 166 21,3 418 23,1
2014 14 372 25,2 438 24,2
2015 9 505 16,7 267 14,8
2016 6 333 11,1 132 7,3
2017 3 693 6,5 61 3,4
Sexe
Femmes 24 578 43,1 444 24,5
Hommes 32 447 56,9 1 365 75,5
Âge
15 à 25 ans 12 915 22,7 750 41,5
26 à 35 ans 11 284 19,8 614 33,9
36 à 45 ans 10 696 18,8 281 15,5
46 à 55 ans 11 775 20,7 131 7,2
56 à 65 ans 10 355 18,2 33 1,8
Blessure au travail
Non 46 594 81,7 1 637 90,5
Oui 10 431 18,3 172 9,5
Quintile de revenu
1 11 606 20,4 528 29,2
2 12 591 22,1 431 23,8
3 12 211 21,4 359 19,9
4 11 909 20,9 269 14,9
5 8 435 15,0 212 11,7
Global
Total 57 025 96,9 1 809 3,1

La modélisation par régression logistique a révélé que chaque augmentation de l’âge de 10 ans réduit la probabilité de se voir prescrire un TAO (rapport de cotes : 0,59; IC à 95 % : de 0,56 à 0,61), que le fait d’être de sexe masculin augmentait la probabilité (rapport de cotes : 2,32; IC à 95 % : de 2,08 à 2,59), qu’une blessure liée au travail réduisait la probabilité (rapport de cote : 0,45; IC à 95 % : de 0,39 à 0,53) et que le fait de vivre dans un quartier du quintile inférieur de revenu augmentait la probabilité (rapport de cotes : 1,59; IC à 95 % : de 1,38 à 1,82) par rapport au quintile médian (tableau 6).


Tableau 6
Résultats du modèle de régression logistique montrant les rapports de cotes, avec des intervalles de confiance à 95 %, entre la probabilité de se voir prescrire un TAO au lieu d’opioïdes seulement et les variables d’intérêt (N = 58 834), chez les résidents naïfs aux opioïdes, âgés de 15 à 65 ans, ayant subi une blessure nécessitant une visite aux urgences, région sociosanitaire de Fraser, Colombie-Britannique, Canada, 2012 à 2017 
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Résultats du modèle de régression logistique montrant les rapports de cotes. Les données sont présentées selon Variable d’intérêt (titres de rangée) et Rapport
de cotes et Intervalle de
confiance à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Variable d’intérêt Rapport
de cotes
Intervalle de
confiance à 95 %
Limite inférieure Limite supérieure
Âge
par tranche de 10 ans 0,586 0,562 0,610
Sexe
Plus d’hommes que de femmes 2,316 2,075 2,585
Blessure liée au travail
Plus de « Oui » que de « Non » 0,452 0,385 0,531
Année de la blessure
par année 0,872 0,843 0,903
Quintile de revenu
Plus de personnes appartenant au 1er quintile qu’au 3e quintile 1,585 1,380 1,820
Plus de personnes appartenant au 2e quintile qu’au 3e quintile 1,169 1,012 1,350
Plus de personnes appartenant au 4e quintile qu’au 3e quintile 0,761 0,647 0,894
Plus de personnes appartenant au 5e quintile qu’au 3e quintile 0,837 0,703 0,996

Discussion

La présente étude a démontré que parmi les personnes qui n’ont pas été exposées à des opioïdes ou à un TAO avant leur blessure, la plupart (70 %) ne se sont pas fait prescrire des opioïdes ou un TAO après avoir subi une blessure assez grave pour nécessiter une visite à l’urgence. Le prédicteur le plus important d’une ordonnance d’opioïdes ou de TAO après une blessure était le fait de s’être déjà fait prescrire des opioïdes ou un TAO avant la blessure. Cela n’est pas étonnant, puisque les cliniciens continueraient probablement à prescrire des traitements analogues et les patients demanderaient probablement les mêmes médicaments pour la gestion de la douleur si ces médicaments se sont avérés efficaces dans le passé.

Parmi les personnes naïves aux opioïdes à qui l’on a prescrit des opioïdes à la suite d’une blessure, le risque d’empoisonnement aux drogues non médicales était de 27 % plus élevé que le risque observé chez celles n’ayant pas reçu une ordonnance d’opioïdes ou de TAO, une fois la prise en compte d’autres facteurs. Les personnes qui se sont fait prescrire un TAO après une blessure présentaient de loin le risque le plus élevé d’empoisonnement aux drogues après une blessure (risque supérieur de 2,136 % à celui observé chez les personnes qui ne se sont pas fait prescrire des opioïdes ou un TAO). Étant donné que le TAO est la référence en matière de traitement pour le trouble lié à l’usage des opioïdes et que ces médicaments agissent en aidant à atténuer les symptômes de sevrage d’opioïdes et à réduire l’état de manqueNote 15, on peut s’attendre à ce que de nombreuses personnes à qui l’on a prescrit un TAO satisfassent aux critères relatifs au trouble lié à l’usage des opioïdesNote 16. Et comme le trouble lié à l’usage des opioïdes est un facteur de risque majeur pour l’empoisonnement aux drogues, il n’est pas non plus surprenant que les personnes qui se sont fait prescrire un TAO dans le cadre de la présente étude présentaient le risque le plus élevé d’empoisonnement aux drogues. Dans ce cas, l’ordonnance de TAO visée par la présente étude peut être une variable de substitution pour le trouble lié à l’usage des opioïdes.

Le fait d’être de sexe masculin augmentait le risque d’empoisonnement aux drogues non médicales de 80 % et l’âge avait un effet protecteur en réduisant le risque de 24 % pour chaque tranche d’augmentation de 10 ans. Cette constatation va de pair avec les données probantes indiquant que les hommes courent un risque beaucoup plus élevé de décès par surdose, les taux les plus élevés étant observés chez les hommes âgés de 30 à 39 ans en Colombie-Britannique, avec des taux en baisse pour les groupes d’âge plus âgésNote 1. Ceux vivant dans les quartiers ayant les revenus les plus faibles présentaient un risque 44 % plus élevé d’empoisonnement aux drogues après une blessure que ceux vivant dans les quartiers du quintile médian, ce qui est également cohérent avec le fait qu’un faible statut socioéconomique est un facteur de risque de surdoseNote 13. Il convient également de souligner que ces facteurs de risque — le fait d’être de sexe masculin, d’être plus jeune et de vivre dans les quartiers ayant le quintile de revenu le plus bas — étaient les mêmes pour les ordonnances de TAO dans le cadre de notre analyse et, par conséquent, constituent des facteurs de risque probable du trouble lié à l’usage des opioïdes

Il convient de mentionner que les blessures liées au travail avaient un effet protecteur, avec une réduction de 38 % du risque d’empoisonnement aux drogues non médicales. Bien que certaines études laissent entendre que les personnes blessées au travail courent un risque plus élevé de surdose que leurs homologues non blessésNote 17Note 18, ces données montrent que les blessures survenant hors du milieu de travail représentent un risque plus élevé d’empoisonnement aux drogues. Plusieurs facteurs pourraient expliquer cet écart. Premièrement, ceux qui se sont blessés au travail avaient, par définition, un emploi — ils étaient peut-être en meilleure santé que la cohorte de patients ayant des blessures non liées au travail et qui avaient un emploi ou nonNote 19. Deuxièmement, ceux qui ont eu un accident du travail avaient 45 % moins de chances de se voir prescrire une ordonnance de TAO. Étant donné qu’une ordonnance de TAO est souvent un indicateur probable d’un trouble lié à l’usage des opioïdes, cette constatation peut refléter le fait que les personnes employées étaient moins susceptibles d’être atteintes d’un trouble lié à l’usage des opioïdes et étaient donc moins susceptibles d’être victimes d’un empoisonnement aux drogues. Troisièmement, alors que les personnes ayant subi des blessures liées au travail étaient 18 % moins susceptibles de se voir prescrire une ordonnance d’opioïdes, il est possible que les protocoles utilisés par le WSBC à la suite d’une blessure supposent un suivi plus fréquent des travailleurs ainsi qu’un accès accru à des méthodes non pharmaceutiques pour la gestion de la douleur, ce qui permet d’améliorer le rétablissement et de réduire le risque d’empoisonnement aux drogues.

Certaines limites de la présente étude comprennent les blessures, les ordonnances et les événements d’empoisonnement aux drogues qui sont survenus en dehors de la période visée par l’étude et à l’extérieur de la province et qui n’ont pas pu être pris en compte. Ainsi, les personnes naïves aux opioïdes peuvent avoir été classées par erreur, tous les décomptes ont pu être sous-estimés et les premiers événements peuvent ne pas représenter les vrais premiers événements. Tous les cas d’empoisonnement aux drogues sont également susceptibles d’être sous-déclarés, car les événements qui n’ont pas été pris en charge ou les cas de personnes qui ne se sont pas rendues à l’urgence ou à l’hôpital ne seraient pas compris dans les ensembles de données. La période de grâce de 15 jours a été utilisée pour déterminer si une blessure était liée au travail; ainsi, certaines blessures peuvent avoir été classées à tort. La délivrance des ordonnances d’opioïdes et de TAO peut ne pas avoir été effectuée aux fins de gestion de la douleur résultant de la blessure. Étant donné que l’étude ne portait que sur les résidents de la région sociosanitaire de Fraser, des études complémentaires devraient être menées dans d’autres régions pour voir si les associations constatées dans le cadre de la présente étude visent l’ensemble de la population. Les renseignements sur le genre n’étaient pas disponibles dans les ensembles de données administratives; par conséquent, certaines composantes de l’analyse comparative fondée sur le sexe et le genre plus n’ont pas pu être évaluées. Enfin, les données administratives sont limitées quant à l’évaluation détaillée des facteurs de risque et des facteurs de protection (p. ex. déterminer le statut d’emploi en fonction des demandes d’indemnisation en milieu de travail et l’ordonnance de TAO comme indicateur de substitution pour le trouble lié à l’usage des opioïdes). Par conséquent, une étude plus approfondie des tendances observées est justifiée.

Malgré ces limites, la présente étude combine de nombreux grands ensembles de données administratives et détermine que l’ordonnance d’opioïdes après une blessure ne constitue pas un prédicteur aussi important de l’empoisonnement aux drogues à la suite d’une blessure que d’autres facteurs de risque, comme le fait d’être de sexe masculin, d’être plus jeune et de vivre dans les quartiers ayant les revenus les plus faibles. Les données laissent entendre que le portrait global de l’ordonnance d’opioïdes à la suite d’une blessure peut être plus nuancé, mais que la pratique doit toujours être effectuée avec prudence aux fins de la gestion de la douleurNote 20, en particulier pour les personnes appartenant à des groupes à risque plus élevé (de sexe masculin, jeune, de faible statut socioéconomique). Compte tenu du risque plus faible d’empoisonnement aux opioïdes chez les personnes naïves aux opioïdes n’appartenant pas à des groupes à risque élevé, ainsi que du risque que les personnes se tournent vers l’offre de drogues illicites en raison des obstacles liés à l’accès aux opioïdes prescrits, les lignes directrices sur les ordonnances d’opioïdes pourraient tirer parti d’une réévaluation afin de déterminer si les directives fournies tiennent compte des besoins réels des patients en matière de douleur.

Compte tenu de l’ampleur de la différence du risque d’empoisonnement aux drogues chez les personnes ayant reçu une ordonnance de TAO après une blessure, un indicateur probable du trouble lié à l’usage des opioïdes, des mesures de soutien accrues pour cette cohorte pourraient être nécessaires afin de réduire le risque d’empoisonnement aux drogues non médicales. Étant donné que les événements stressants de la vie et les comorbidités psychiatriques sont reconnus pour exacerber les rechutes en toxicomanieNote 21Note 22, la surveillance active et l’accès à des services de counseling peuvent s’avérer des facteurs thérapeutiques importants pour ce groupe, d’autant plus que l’arrêt du TAO augmente de beaucoup le risque de surdoseNote 23Note 24.

Avis de non-responsabilité

Toutes les inférences, opinions et conclusions formulées dans le présent article sont celles des auteurs et ne reflètent pas les opinions ou les politiques des intendants des données de Population Data BC.

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