Rapports sur la santé
Périodes d’activités sédentaires prolongées et condition physique chez les hommes et les femmes canadiens de 60 à 69 ans
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par Shilpa Dogra, Janine M. Clarke et Jennifer L. Copeland
La capacité cardiorespiratoire est un prédicteur de la morbidité et de la mortalité toutes causes confondues chez les adultes d’âge moyen et les personnes âgéesNote 1Note 2. Les aptitudes musculosquelettiques, particulièrement la force de préhension, constituent également un prédicteur de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité toutes causes confondues ― il s’agit d’un prédicteur encore plus fort que la tension artérielle systoliqueNote 3 ― et sont essentielles à l’autonomie fonctionnelle et à la qualité de vieNote 4.
La condition physique est influencée par un ensemble de facteurs que forment l’âge, la génétique et l’activité physique. Le vieillissement est associé à la régression de la capacité cardiorespiratoire et des aptitudes musculosquelettiques, mais certains de ces changements peuvent être attribués à la diminution de l’activité physiqueNote 5. En fait, il a été démontré que des programmes d’exercice à composantes multiples qui comprennent des exercices de renforcement, d’équilibre ou de flexibilité ont une incidence significative sur les fonctions physiques et cognitives des personnes âgéesNote 6. Toutefois, des données mesurées objectivement révèlent que seulement 4,5 % des Canadiens de 60 à 79 ans accumulent 30 minutes d’activité physique quotidienne en séances recommandées de 10 minutesNote 7. Plus de 90 % des hommes et des femmes de plus de 60 ans sont sédentaires pendant au moins 8 heures par jourNote 8.
Même lorsqu’on tient compte des niveaux d’activité physique, le temps consacré à des activités sédentaires peut influer sur la santéNote 9. Chez les personnes âgées, le temps passé en position assise est lié à l’intolérance au glucose, à la dyslipidémie, à la circonférence de la taille à haut risque, à la maladie coronarienne et à une santé perçue comme mauvaiseNote 8Note 10. On en sait moins sur les liens avec les mesures de la condition physique, particulièrement avec la capacité cardiorespiratoire.
En plus du temps total consacré à des activités sédentaires, les habitudes concernant les activités sédentaires peuvent influer sur les résultats en matière de santé. Des périodes prolongées en position assise entrecoupées de peu d’interruptions sont associées à de plus grands risques pour la santé métabolique comparativement à des périodes sédentaires plus fragmentéesNote 11. De fréquentes interruptions peuvent aussi influer de façon positive sur la fonction des membres inférieurs et la composition corporelle chez les personnes âgéesNote 12Note 13. Toutefois, il existe peu de données probantes sur les liens entre les habitudes concernant les activités sédentaires et la capacité cardiorespiratoire et les aptitudes musculosquelettiques chez les femmes et les hommes âgés.
Il est essentiel d’examiner les liens entre le temps consacré à des activités sédentaires et la capacité cardiorespiratoire ainsi que les aptitudes musculosquelettiques, tout en tenant compte des niveaux d’activité physique, pour comprendre les conséquences de périodes prolongées en position assise sur la santé et l’autonomie des personnes âgées. Ces liens sont particulièrement importants pour les personnes dans la soixantaine, puisque des interventions ciblées pourraient ralentir la diminution de la condition physique. À partir de données de 2007 à 2011 provenant de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, la présente étude analyse les liens entre le temps total consacré à des activités sédentaires (autodéclaré et mesuré objectivement) et les interruptions des périodes d’activités sédentaires (mesurées objectivement), d’une part, et la capacité cardiorespiratoire et les aptitudes musculosquelettiques, d’autre part, chez les hommes et les femmes de 60 à 69 ans.
Données et méthodes
Des données tirées des cycles 1 et 2 de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) ont été utilisées pour l’analyse. L’ECMS vise les Canadiens de 3 à 79 ans qui vivent dans des logements privés. Environ 96 % de la population est représentée; les habitants des réserves, la population vivant en établissement et dans certaines régions éloignées, et les membres à temps plein des Forces armées canadiennes sont exclus de l’enquête.
Les données ont été recueillies de mars 2007 à février 2009 (cycle 1) et d’août 2009 à novembre 2011 (cycle 2). La collecte des données a été faite en deux étapes : on a fait répondre les participants à domicile à un questionnaire sur les caractéristiques sociodémographiques et les comportements influant sur la santé, puis on leur a fait passer une série de mesures physiques, y compris des tests de condition physique, lors d’une visite subséquente à un centre d’examen mobile.
En tout, 72,7 % des ménages sélectionnés dans les deux cycles d’enquête ont fourni le sexe et la date de naissance de tous les membres du ménage. Dans chacun des ménages répondants, une ou deux personnes ont été sélectionnées pour participer à l’enquête; 89,3 % des personnes sélectionnées ont rempli le questionnaire auprès des ménages, et 83,3 % de celles qui l’ont rempli se sont présentées au centre d’examen mobile. Le taux de réponse final pour les cycles combinés, après correction pour tenir compte de la stratégie d’échantillonnage, était de 53,5 % (53,2 % pour les hommes et 53,8 % pour les femmes)Note 14.
L’approbation déontologique de l’ECMS a été obtenue auprès du Comité d’éthique de la recherche de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada, et le consentement éclairé des participants adultes a été obtenu par écritNote 15.
Après leur visite au centre d’examen mobile, les participants ambulatoires ont reçu un accéléromètre Actical qu’ils devaient porter sur une ceinture élastique à leur hanche droite durant les heures d’éveil, pendant sept joursNote 16Note 17. L’accéléromètre mesure l’accélération du mouvement dans toutes les directions. Le mouvement est saisi et enregistré sous forme de valeur numérisée totalisée sur des intervalles d’une minute, ce qui donne lieu à un nombre de mouvements par minute (mpm). Une réduction des données de l’accéléromètre a été effectuée conformément aux lignes directrices publiées pour déterminer et supprimer les données invalides18. La durée totale du port quotidien de l’accéléromètre a été déterminée en établissant le temps où il n’était pas porté, puis en soustrayant ce temps de la journée de 24 heures. Le temps pendant lequel l’accéléromètre n’a pas été porté a été défini comme une période d’au moins 60 minutes consécutives sans mouvement, en permettant 1 ou 2 minutes de mouvements à une intensité se situant entre 0 et 100 mpmNote 18. Une journée valide a été définie comme comptant au moins 10 heures de port; seules les données des participants ayant au moins quatre jours valides sont incluses dans la présente analyse.
Le temps quotidien total consacré à des activités sédentaires et à une activité physique modérée à vigoureuse (APMV) mesuré (en minutes) a été déterminé à partir des valeurs de 100 mpm ou moins et de plus de 1 535 mpm, respectivement, pour les journées valides seulementNote 19Note 20. Le temps quotidien moyen consacré à des activités sédentaires et le temps consacré à une APMV ont été déterminés en calculant le nombre total de minutes pour tous les jours valides, divisé par le nombre de jours valides. Le temps quotidien moyen consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes et le nombre moyen de séances ont été déterminés : une séance d’activités sédentaires correspond à une période continue d’au moins 20 minutes à une intensité de 100 mpm ou moins (admettant des interruptions possibles d’une durée pouvant aller jusqu’à 2 minutes à une intensité supérieure à 100 mpm)Note 21. Le nombre moyen d’interruptions par jour des périodes d’activités sédentaires a été défini : une interruption correspond à une perturbation (activité d’une intensité supérieure à 100 mpm) de la période consacrée à des activités sédentaires durant au moins une minute. Le pourcentage de temps total consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes a été calculé comme le temps moyen consacré à des activités sédentaires en séances divisé par le temps moyen consacré à des activités sédentairesNote 13.
Le temps consacré à des activités sédentaires autodéclaré a été déterminé à partir du nombre d’heures combinées par semaine que les participants ont dit consacrer habituellement à des activités telles que regarder la télévision, jouer à des jeux vidéo, utiliser l’ordinateur et lire. Dans le cycle 1, les participants choisissaient une réponse dans une liste de durées prédéterminées (zéro, moins d’une heure, de 1 à 2 heures, de 3 à 5 heures, de 6 à 10 heures, de 11 à 14 heures, de 15 à 20 heures, ou plus de 20 heures). La variable dérivée pour le nombre total d’heures consacrées à des activités sédentaires par semaine autodéclaré correspond à la somme du point milieu de la catégorie de réponse pour chaque question. Elle comprend les catégories suivantes (en heures) : moins de 5, de 5 à moins de 10, de 10 à moins de 15, de 15 à moins de 20, de 20 à moins de 25, de 25 à moins de 30, de 30 à moins de 35, de 35 à moins de 40, de 40 à moins de 45, ou plus de 45. Dans le cycle 2, les participants fournissaient la durée exacte (à la demi-heure la plus près) pour chaque question. La variable dérivée pour le nombre total d’heures consacrées à des activités sédentaires par semaine autodéclaré correspond à la somme des quatre réponses. Pour permettre la comparabilité entre les cycles, la variable dérivée du cycle 2 a été groupée selon les catégories du cycle 1. Le point milieu de chaque catégorie a servi à calculer la moyenne du nombre de minutes consacrées à des activités sédentaires par jour autodéclaré.
Des descriptions détaillées des critères d’admissibilité et des procédures de mesure pour chaque physitest de l’ECMS sont présentées ailleursNote 16Note 17Note 22. En bref, au début de la visite à un centre d’examen mobile (CEM), les participants ont répondu à une série de questions de présélection (en plus de répondre au Questionnaire sur l’aptitude à l’activité physique [Q-AAP])Note 22, et leur tension artérielle ainsi que leur fréquence cardiaque au repos ont été mesurées pour évaluer le risque que posait leur participation aux tests.
Le Physitest aérobie canadien modifié (PACm) est un test sous-maximal à plusieurs paliers utilisé pour évaluer la capacité aérobique. Les participants ont effectué les paliers d’exercice progressivement jusqu’à ce que leur fréquence cardiaque atteigne 85 % de la fréquence maximale à la fin du palier (ou jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus continuer). La fréquence cardiaque, la consommation d’oxygène du dernier palier d’exercice atteint et le poids ont été utilisés pour calculer la capacité cardiorespiratoireNote 22.
La flexion du tronc a été mesurée à l’aide d’un flexomètre (Fit Systems Inc., Calgary, Canada). Chaque participant s’est livré à deux essais; le meilleur résultat (en centimètres) a été utiliséNote 22.
La force de préhension a été mesurée à l’aide d’un dynamomètre Smedley III (Takei Scientific Instruments, Japon). Les participants se sont livrés à deux essais pour chaque main; les meilleurs résultats pour chaque main ont été compilés pour calculer la force totale de préhension (en kilogrammes).
Les covariables de l’analyse étaient l’âge, le sexe, le niveau de scolarité (fait de détenir ou non un diplôme d’études postsecondaires), l’indice de masse corporelle et l’usage du tabac (fait de fumer ou non).
L’échantillon total était composé de 1 405 participants de 60 à 69 ans. De ce nombre, 14 ont été exclus de la présente analyse parce qu’ils ont été éliminés au test de force de préhension (en raison d’un problème de santé aigu, d’une réponse positive au Q-AAP ou d’une raison non précisée). De plus, 234 autres participants ont été exclus parce que les données portant sur la force de préhension ou les covariables étaient incomplètes. L’échantillon final de l’étude comptait donc 1 157 participants, dont 1 109 affichaient des données complètes sur la flexion du tronc et 616 affichaient des données complètes pour le PACm. Au total, 48 participants ont été éliminés au test de flexion du tronc et 576, au PACm, principalement parce qu’ils consommaient des médicaments ou qu’ils avaient répondu positivement au Q-AAP.
Analyse statistique
Des statistiques descriptives de base ont été utilisées pour présenter les caractéristiques de l’échantillon, les scores de condition physique, le temps consacré à des activités sédentaires (mesuré et autodéclaré), et les niveaux d’activité physique selon le sexe. Des modèles de régression linéaire ont été utilisés pour évaluer les liens entre les résultats au chapitre de la condition physique et le temps consacré à des activités sédentaires autodéclaré et mesuré. Les estimations bêta, les intervalles de confiance (IC) de 95 %, et les valeurs p ont été calculés. La régression linéaire a aussi servi à évaluer les liens corrigés entre la condition physique et le pourcentage de temps consacré à des activités sédentaires à intervalles d’au moins 20 minutes et le nombre quotidien d’interruptions des périodes d’activités sédentaires. Tous les modèles ont été corrigés pour tenir compte de l’âge, du sexe, du niveau de scolarité, de l’indice de masse corporelle et de l’usage du tabac. Pour évaluer les liens indépendants avec la condition physique, les modèles ont été corrigés de nouveau pour tenir compte de l’APMV totale. La signification statistique a été établie à α < 0,05.
Les analyses ont été effectuées au moyen de SAS v9.2 et SUDAAN v10. Les résultats ont été pondérés à l’aide des poids des sous-échantillons mesurés par les moniteurs d’activité. Les erreurs-types, les coefficients de variation et l’IC de 95 % ont été calculés au moyen de la technique bootstrap. La conception de l’étude combinée des cycles 1 et 2 de l’ECMS requiert une précision de 24 degrés de liberté dans le logicielNote 14.Résultats
Caractéristiques de l’échantillon
L’âge moyen des participants était de 64 ans (tableau 1). Les trois quarts (74 %) des participants étaient mariés ou vivaient en union libre, et 55 % étaient des diplômés de niveau postsecondaire. Selon les données de l’accéléromètre, ils ont cumulé une moyenne quotidienne de 595 minutes (IC de 95 % : de 589 à 601) consacrées à des activités sédentaires, dont la plupart (83 % ou 501 minutes, IC de 95 % : de 491 à 510) correspondaient à des séances d’au moins 20 minutes. On estime à 12 % la proportion des participants de 60 à 69 ans qui satisfont aux Directives canadiennes en matière d’activité physique dans lesquelles on recommande de faire 150 minutes d’APMV par semaine.
Temps consacré à des activités sédentaires et condition physique
Dans les modèles entièrement corrigés, aucune mesure de la condition physique n’a été associée au temps consacré à la télévision, à des jeux vidéo, à l’ordinateur ou à la lecture autodéclaré chez les hommes ou les femmes (tableau 2).
Pour ce qui est du temps total consacré à des activités sédentaires mesuré, une association négative et significative a été observée avec la capacité cardiorespiratoire dans l’échantillon combiné d’hommes et de femmes du modèle b entièrement corrigé (β: -0,1283, p < 0,01). L’association entre la force de préhension et le temps consacré à des activités sédentaires mesuré était aussi significative dans l’échantillon combiné d’hommes et de femmes du modèle entièrement corrigé (β: -0,017, p = 0,03) (tableau 2).
Dans l’échantillon combiné d’hommes et de femmes, la capacité cardiorespiratoire était significativement et négativement associée au pourcentage de temps consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes (β: -0,581, p < 0,01) (tableau 3). Après correction pour tenir compte de l’APMV totale, l’association est demeurée significative (β: -0,529, p = 0,01). Il n’y avait pas d’association significative manifeste entre le temps consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes et la force de préhension ou la flexion du tronc.
L’association entre le nombre d’interruptions des périodes d’activités sédentaires et la capacité cardiorespiratoire était positive et significative dans l’échantillon combiné d’hommes et de femmes, même après correction pour tenir compte de l’APMV (β: 0,468, p = 0,02) (tableau 4). Toutefois, l’association reflétait la situation parmi les femmes; le nombre d’interruptions des périodes d’activités sédentaires n’était pas associé de façon significative à la capacité respiratoire des hommes. Le nombre d’interruptions des périodes d’activités sédentaires était positivement et significativement associé à la flexion du tronc chez les hommes (β: 0,145, p = 0,02). Les interruptions des périodes d’activités sédentaires n’étaient pas liées à la force de préhension chez les femmes ou les hommes.
Discussion
La présente étude examine les liens entre le temps consacré à des activités sédentaires et la condition physique chez les Canadiens dans la soixante. Voici les principales constatations, après correction pour tenir compte de l’APMV : 1) le temps consacré à des activités sédentaires mesuré objectivement est inversement associé à la capacité cardiorespiratoire et à la force de préhension; 2) le nombre d’interruptions des périodes d’activités sédentaires est positivement associé à la capacité cardiorespiratoire; 3) le pourcentage de temps consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes est inversement associé à la capacité cardiorespiratoire; 4) les liens entre le temps consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes, les interruptions des périodes d’activités sédentaires et la capacité cardiorespiratoire n’étaient pas les mêmes chez les hommes et les femmes, pas plus que les liens entre le temps consacré à des activités sédentaires et la force de préhension; 5) le temps consacré à des activités sédentaires autodéclaré n’était associé à aucune variable de condition physique. Cette dernière constatation est conforme aux travaux antérieurs qui avaient montré que le temps consacré à des activités sédentaires mesuré est plus invariablement lié aux résultats en matière de santé que le sont les mesures autodéclaréesNote 8. Ensemble, ces résultats indiquent qu’une période prolongée d’activités sédentaires peut influer sur les pertes liées au vieillissement en matière de capacité cardiorespiratoire et d’aptitudes musculosquelettiques et que l’interruption de ces périodes d’activités sédentaires par une activité de faible intensité pourrait influer positivement sur les niveaux de condition physique des personnes âgées, indépendamment des niveaux d’activités physiques d’intensité modérée à vigoureuse.
Des recherches antérieures indiquent qu’il existe un lien entre le temps consacré à des activités sédentaires ainsi que les habitudes concernant les activités sédentaires et la santé et la condition physique fonctionnelle des personnes âgéesNote 8Note 10Note 23. La présente étude a permis de déterminer que le pourcentage de temps total consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes est inversement associé à la capacité cardiorespiratoire, et qu’un nombre accru d’interruptions des périodes d’activités sédentaires est associé à une meilleure capacité cardiorespiratoire. Ces constatations sont importantes parce que la capacité cardiorespiratoire est un important prédicteur de la morbidité et de la mortalité toutes causes confonduesNote 2. En 2015, Oudegeest-Sander et coll. ont démontré que les personnes âgées qui ne font pas d’exercice et qui ont une plus grande capacité cardiorespiratoire ont une meilleure fonction vasculaire et un plus faible risque cardiovasculaireNote 24. Ils ont suggéré qu’une plus grande quantité d’activités autres que l’exercice, comme les activités de la vie quotidienne, pourrait expliquer en partie la condition physique et la santé vasculaire de certaines personnes âgées qui ne s’adonnent pas à une activité physique délibéréeNote 24. Il est possible que les adaptations dans le système vasculaire, et probablement d’autres composantes comme la capacité d’oxydation des muscles, soient stimulées par des activités d’intensité légère. Bien que des études mécanistes soient requises, les résultats présents appuient l’importance potentielle de l’activité autre que l’exercice en montrant que les interruptions de la position assise prolongée peuvent influer sur la capacité cardiorespiratoire des personnes âgées. De fréquentes interruptions des périodes d’activités sédentaires peuvent être particulièrement importantes pour les personnes âgées qui ont tendance à accumuler du temps quotidien considérable d’activités sédentairesNote 7Note 8. Toutefois, les données de l’ECMS sont transversales; par conséquent, il est possible que les personnes âgées ayant une plus faible capacité cardiorespiratoire éprouvent plus de difficultés à interrompre leurs périodes d’activités sédentaires. Une démarche de recherche interventionnelle est nécessaire pour déterminer l’incidence de l’interruption des périodes d’activités sédentaires sur la capacité cardiorespiratoire.
Le temps total consacré à des activités sédentaires est inversement associé à la force de préhension des hommes et des femmes, même après correction pour tenir compte de l’APMV. Par ailleurs, les interruptions des périodes sédentaires sont associées positivement aux scores de flexion du tronc chez les hommes. Par conséquent, le temps consacré à des activités sédentaires peut aussi influer sur les aptitudes musculosquelettiques, lesquelles sont essentielles à un mode de vie indépendant et à l’autonomie.
Une étude de Santos et coll. a permis de constater que le temps consacré à des activités sédentaires était associé de façon significative à la capacité physique fonctionnelle chez les personnes âgéesNote 23. De la même façon, Davis et coll. ont déclaré qu’un plus grand nombre d’interruptions des périodes d’activités sédentaires était lié à une meilleure fonction physiqueNote 12. Ces deux études s’appuient sur des tests de performance fonctionnelle pour mesurer la condition physique, à la différence des tests de condition physique plus traditionnels employés dans le cadre de l’ECMS. Il est possible que, comme pour la capacité cardiorespiratoire, l’interruption des périodes d’activités sédentaires par des exercices de résistance de faible intensité stimule l’adaptation du muscle au travail. Toutefois, l’ECMS ne comprend pas de mesure de la force musculaire ou de l’endurance du bas du corps. Des recherches sont nécessaires pour évaluer les liens entre les interruptions des périodes d’activités sédentaires et les mesures de la force du bas du corps chez les personnes âgées.
Les deux études mentionnées précédemmentNote 12Note 23 ont fait l’examen de participants qui étaient sensiblement plus âgés et qui présentaient une moins bonne condition physique que ceux de l’échantillon de l’ECMS. Cette précision rend les présentes constatations dignes de mention, puisque même dans l’échantillon, qui regroupait des personnes plus jeunes et en meilleure santé, une association inverse a été mise en évidence entre la capacité cardiorespiratoire et les aptitudes musculosquelettiques, d’une part, et le temps consacré aux activités sédentaires, d’autre part.
Les liens entre les variables des activités sédentaires, d’une part, et la capacité cardiorespiratoire et les aptitudes musculosquelettiques, d’autre part, n’étaient pas les mêmes chez les deux sexes. Chez les femmes, le pourcentage de temps consacré à des activités sédentaires en séances d’au moins 20 minutes et les interruptions des périodes d’activités sédentaires étaient associés à la capacité cardiorespiratoire, alors qu’aucune association significative n’a été observée chez les hommes. En revanche, chez les hommes, des liens ont été observés entre le temps consacré à des activités sédentaires mesuré et la force de préhension, et entre les interruptions des périodes d’activités sédentaires et la flexion du tronc, tandis qu’aucun lien semblable n’a été observé chez les femmes.
À tous âges, la capacité cardiorespiratoire des hommes surpassait celle des femmes. À titre d’exemple, dans le présent échantillon et selon le score obtenu au PACm, lequel a servi à estimer la capacité cardiorespiratoire en millilitres par kilogramme de poids corporel par minute (ml/kg/min), la capacité cardiorespiratoire des hommes se chiffrait à 27,1, comparativement à 24,1 pour les femmes (tableau 1). Par surcroît, de 60 à 70 ans, les femmes tombent dans une zone critique (de 15 à 20 ml/kg/min), où l’autonomie fonctionnelle peut se trouver compromiseNote 25. Il est possible que le temps consacré à des activités sédentaires influe sur la capacité cardiorespiratoire s’il descend sous un certain niveau. En raison de restrictions de sélection imposées pour l’exécution du test d’aérobie, les personnes comprises dans l’échantillon de l’ECMS étaient aussi en meilleure forme et en meilleure santé que la population générale. Par conséquent, le lien entre les habitudes concernant les activités sédentaires et la capacité cardiorespiratoire peut être plus étroit chez les femmes en moins bonne forme. De la même façon, en ce qui concerne les écarts entre les liens avec la flexion du tronc, il est possible que, étant donné que les femmes ont tendance à être plus flexibles que les hommesNote 26Note 27, les hommes soient plus vulnérables aux effets du temps consacré à des activités sédentaires sur la flexibilité, puisque la position assise prolongée est liée à la raideur musculaireNote 28.
Les résultats au chapitre des habitudes concernant les activités sédentaires présentent un intérêt particulier puisqu’ils laissent entendre que l’interruption des périodes d’activités sédentaires peut influer positivement sur la capacité cardiorespiratoire des femmes, mais pas sur celles des hommes, tandis qu’elle influe sur la flexibilité des hommes, mais pas sur celle des femmes. Cela peut indiquer qu’au chapitre des activités à la maison, des loisirs, du transport et de la profession, les hommes et les femmes interrompent leurs périodes d’activités sédentaires en se livrant à des types différents d’activité. Il est évident qu’il faut tenir compte du sexe lorsqu’on évalue les liens entre le temps consacré à des activités sédentaires et la condition physique chez les personnes âgées, puisqu’ils indiquent un besoin possible de stratégies d’intervention différentes.
Points forts et limites
Les points forts de l’analyse actuelle sont l’utilisation d’un grand échantillon représentatif à l’échelle nationale et le recours à des mesures normalisées et objectives du temps consacré à des activités sédentaires, de la capacité cardiorespiratoire et des aptitudes musculosquelettiques. Toutefois, les résultats doivent être interprétés en tenant compte de plusieurs limites. Premièrement, en raison d’une sélection rigoureuse pour l’évaluation de la condition physique dans le cadre de l’ECMS, les personnes de l’échantillon définitif étaient en meilleure condition physique et en meilleure santé que l’ensemble de la population. Par conséquent, les constatations ne sont peut-être pas généralisables à toutes les personnes dans la soixantaine. En fait, les liens entre le temps consacré aux activités sédentaires et la condition physique peuvent être encore plus étroits chez les personnes qui ont des restrictions fonctionnelles ou des problèmes de santé chroniques. Deuxièmement, la conception transversale de l’enquête ne permet pas de tirer des conclusions sur l’orientation des liens observés. Les personnes en moins bonne forme consacrent peut-être plus de temps à des activités sédentaires, une possibilité qui pourrait être examinée dans des études ultérieures.
Mot de la fin
Les données de la présente étude montrent un lien significatif entre le temps consacré à des activités sédentaires mesuré directement, les interruptions des périodes d’activités sédentaires et la condition physique chez les Canadiens dans la soixantaine. Étant donné les liens établis depuis longtemps entre la condition physique des personnes âgées et leur santé et leur autonomie fonctionnelle, la présente étude souligne l’importance de réduire au minimum le temps total consacré à des activités sédentaires et d’interrompre les périodes d’activités sédentaires, en plus d’accroître l’activité physique. Les écarts entre les résultats constatés chez les hommes et chez les femmes laissent entendre que le sexe est un facteur dont il faut tenir compte lors de l’élaboration et de l’évaluation d’études interventionnelles visant les personnes âgées.
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