Rapports sur la santé
Dépression et idéation suicidaire chez les Canadiens de 15 à 24 ans
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par Leanne Findlay
Selon les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC – SM) de 2012, les jeunes de 15 à 24 ans ont les taux les plus élevés de troubles de l’humeur et de l’anxiété de tous les groupes d’âge. Environ 7 % d’entre eux ont souffert de dépression au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête, comparativement à 5 % des personnes de 25 à 64 ans et à 2 % des personnes de 65 ans et plusNote 1.
La dépression grave est associée à un comportement suicidaireNote 2, qui est souvent conceptualisé le long d’un spectre allant de pensées suicidaires jusqu’à la tentative de suicide et à la mort, en passant par l’élaboration de projets suicidairesNote 3. Jusqu’à un adolescent sur cinq déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année ayant précédé l’enquêteNote 4. Le suicide est la deuxième cause de décès en importance chez les jeunes Canadiens et représente près du quart de tous les décès entre 15 et 24 ansNote 5.
L’adolescence et le début de l’âge adulte constituent des périodes critiques sur le plan de la santé mentaleNote 6Note 7Note 8. Les facteurs de risque et de protection peuvent influer de différentes manières sur le développement des personnes de ce groupe d’âge, et les taux de dépression atteignent des sommets durant cette périodeNote 9.
Une panoplie de facteurs peuvent influer sur la santé mentale. Par exemple, les jeunes femmes ont tendance à présenter un risque de dépression et d’idéation suicidaireNote 9. De solides faits probants montrent qu’il existe des liens entre les conditions socioéconomiquesNote 10, le fonctionnement psychosocialNote 11 et la santé mentale. Les facteurs psychosociaux comme le stressNote 12Note 13 ou des comportements sociaux négatifs (par exemple la critique, la colère, l’intimidation)Note 14 constituent aussi des facteurs de risque de dépression et d’idéation suicidaire. L’usage du tabac est associé de façon bidirectionnelle avec la dépressionNote 8, ce qui est susceptible de créer un risque pour la santé à vie. En revanche, la participation à des activités physiquesNote 15Note 16 et le soutien socialNote 17Note 18 peuvent avoir des effets protecteurs.
Dans le cadre d’une étude antérieure, 12 % des jeunes de 15 à 24 ans ont déclaré avoir eu recours à des services professionnels de santé mentale au cours de la dernière année, et 27 % ont consulté des sources informelles. Parmi les personnes aux prises avec un problème de santé mentale, la moitié ont déclaré avoir eu recours à un soutien professionnel au cours de cette périodeNote 19. Toutefois, selon une autre étude, moins du tiers des personnes ayant eu des pensées suicidaires ou fait un projet ou une tentative de suicide ont eu recours à un soutien professionnelNote 18.
Comme le décrit le modèle d’Anderson sur le recours aux services de soins de santéNote 20, certains facteurs sociodémographiques de prédisposition et d’habilitation, comme le sexe et le statut d’immigrantNote 19, ainsi que certains corrélats psychosociaux comme le soutien socialNote 21, sont associés au recours aux services en santé mentale chez les jeunes. Les facteurs liés au recours aux services par les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou d’idéation suicidaire sont moins connus, tout comme les interactions entre des facteurs comme la dépression et le soutien socialNote 22.
Le présent article traite de la dépression et de l’idéation suicidaire chez les Canadiens de 15 à 24 ans, d’après un examen des données démographiques détaillées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC – SM) de 2012. La cooccurrence de la dépression et de l’idéation suicidaire est explorée. Les associations entre la dépression et les pensées suicidaires et le recours à des sources professionnelles de soutien en santé mentale sont examinées, particulièrement sous l’angle des facteurs psychosociaux comme le soutien émotionnel.
Méthodes
Source des données
L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC – SM) de 2012 est une enquête transversale réalisée par Statistique Canada dans le but de recueillir de l’information concernant l'état de santé mentale et les besoins perçus en matière de services et de soutien formels et informels. L’enquête avait pour cible la population à domicile de 15 ans et plus des 10 provinces, dont étaient exclus les habitants des réserves indiennes et d’autres établissements autochtones, les membres à temps plein des Forces canadiennes et la population vivant en établissement. Les données ont été recueillies par interview téléphonique assistée par ordinateur et par interview sur place; les interviews par personne interposée n’étaient pas permises. Les analyses présentées ici portent sur les participants à l’enquête de 15 à 24 ans (n = 4 031, avec pondération pour représenter une population de plus de 4,4 millions de personnes).
Mesures
Caractéristiques sociodémographiques
Les participants à l’ESCC – SM ont fourni des renseignements sur leur sexe, leur âge, leur statut d’étudiant, leur statut d’immigrant et leur région géographique (milieu rural par rapport à centre de population). Un centre de population est une zone qui a une concentration démographique d’au moins 1 000 habitants et une densité de population d’au moins 400 habitants au kilomètre carré. Les participants ont indiqué s’ils fumaient tous les jours ou à l’occasion (par rapport aux non-fumeurs) et s’ils avaient fait de l’activité physique d’intensité modérée ou vigoureuse au cours des sept derniers jours (actifs). Des renseignements au niveau du ménage ont été pris en compte à titre d’indicateurs du statut socioéconomique, à savoir le plus haut niveau de scolarité atteint dans le ménage (réponses dichotomisées en diplôme d’études secondaires ou niveau inférieur et études postsecondaires partielles ou niveau supérieur) et le revenu du ménage. Un faible revenu du ménage a été défini comme un revenu se trouvant dans le quintile de revenu inférieur, après prise en compte de la taille du ménage et de la taille de la collectivité.
Dépression
Dans le cadre de l’ESCC – SM, on a administré cinq modules de la World Mental Health Composite International Diagnostic Interview 3.0 (WMH–CIDI), fondés sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Quatrième éditionNote 23, afin de déterminer six troubles mentaux : la dépression, le trouble bipolaire, le trouble d’anxiété généralisée, ainsi que l’abus d’alcool, de cannabis et de drogues ou la dépendance à l’alcool, au cannabis et aux drogues. Les algorithmes de diagnostic ont permis de repérer les participants à l’enquête qui satisfaisaient aux critères relatifs à chaque problème. Toutefois, la présente étude ne porte que sur la dépression (au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête et au cours de la vie).
Les personnes ayant eu des symptômes de dépression au cours des 12 mois précédents ont précisé la durée et la récence du pire épisode, le nombre de jours durant lesquels elles n’ont pas été en mesure de travailler ou d’accomplir leurs activités normales, ainsi que la mesure dans laquelle la dépression a troublé leur vie de tous les jours sur les plans de la vie sociale, des relations proches, de l’école, des tâches ménagères et du travail (0 correspondant à « aucun trouble » et 10, à un « trouble très sévère »).
Les données de la WMH–CIDI ont aussi été utilisées pour examiner l’idéation suicidaire. Les participants devaient répondre à des questions sur les pensées suicidaires au cours de la vie et au cours des 12 mois précédents et dire s’ils avaient « fait un projet de suicide » ou « fait une tentative de suicide » au cours de la vie/au cours des 12 mois précédents. Compte tenu du petit nombre de participants qui ont déclaré avoir fait un projet ou une tentative de suicide, la plupart des analyses reflètent uniquement les pensées suicidaires.
Facteurs psychosociaux
Trois corrélats psychosociaux ont été étudiés : les interactions sociales négatives, le soutien émotionnel et la capacité autodéclarée à faire face au stress.
À partir de l’Échelle d’interactions sociales négativesNote 24, les réponses à quatre questions (par exemple, le « sentiment que les autres se montraient en colère ou fâchés contre vous ») ont été regroupées pour produire une cote d’interactions sociales négatives allant de 0 à 12, les cotes les plus élevées indiquant les interactions sociales les plus négatives.
Les réponses aux questions fondées sur l’Échelle de provisions socialesNote 25 indiquent la mesure dans laquelle la personne ressent un soutien émotionnel. Les cotes vont de 10 à 40, les plus élevées reflétant un meilleur soutien dans cinq domaines : l’attachement, l’orientation, l’aide matérielle, l’intégration sociale et la confirmation de sa valeur.
En ce qui concerne la capacité à faire face au stress, les réponses aux deux questions (« En général, comment évaluez-vous votre capacité à faire face aux exigences quotidiennes de la vie? » et « En général, comment évaluez-vous votre capacité à faire face à des problèmes inattendus et difficiles? »), notées sur une échelle de cinq points allant d’« excellente » à « mauvaise », ont été totalisées. Les participants à l’enquête ont aussi indiqué la plus importante source de leurs sentiments de stress : contraintes de temps, propre(s) problème(s) ou état de santé physique ou mentale, situation financière, situation d’emploi, école, relations interpersonnelles, autre ou aucune.
D’autres renseignements à propos de ces échelles sont présentés dans le Guide de l’utilisateur de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentaleNote 26.
Sources de soutien
On a demandé à tous les participants à l’enquête si, au cours des 12 mois précédents, ils avaient consulté en personne ou par téléphone diverses sources professionnelles et informelles de soutien à propos de problèmes concernant les émotions, la santé mentale ou la consommation d’alcool ou de drogue. Les sources professionnelles comprenaient : les psychiatres, les médecins de famille et omnipraticiens, les psychologues, les infirmières et les travailleurs sociaux/conseillers/psychothérapeutes. Les sources informelles comprenaient : les membres de la famille, les amis, les collègues/superviseurs/patrons, les enseignants/directeurs d’école, les ressources sur Internet (diagnostics en ligne, recherche d’aide, discussions avec d’autres/thérapie en ligne/autre), les groupes d’entraide, les lignes d’aide téléphonique et d’autres services. Dans le cas des sources qui ne relevaient pas de l’entraide, on a demandé aux participants d’indiquer dans quelle mesure la source avait été utile. Les réponses ont été dichotomisées en « beaucoup ou assez » et « un peu ou pas du tout ».
Analyse
Des analyses descriptives (fréquences, moyennes) ont été réalisées pour examiner les caractéristiques sociodémographiques et psychosociales, et la prévalence de la dépression et de l’idéation suicidaire au cours de la vie et au cours des 12 mois précédents chez les personnes de 15 à 24 ans. Les caractéristiques détaillées de l’expérience des personnes qui ont souffert de dépression ont aussi été explorées.
La dépression et les pensées suicidaires au cours de la vie ont été examinées en fonction de variables sociodémographiques et psychosociales. L’analyse a été faite à l’aide d’associations univariées (tests du chi carré) pour comparer les personnes souffrant et ne souffrant pas de dépression et les personnes ayant et n’ayant pas de pensées suicidaires, ainsi qu’à l’aide de deux modèles de régression logistique multivariée. Même si la dépression et les pensées suicidaires étaient généralement prises en compte séparément, l’expérience de la dépression combinée à des pensées suicidaires a été explorée à l’aide de totalisations croisées.
Le recours à un soutien professionnel pour des problèmes de santé mentale par les personnes ayant et n’ayant pas souffert de dépression ou ayant ou n’ayant pas eu de pensées suicidaires a aussi été examiné. On a utilisé des régressions logistiques multivariées pour évaluer les associations entre la dépression ou les pensées suicidaires et la consultation d’un professionnel, en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, géographie, statut d’immigrant, revenu du ménage, statut d’étudiant) et psychosociales (interactions sociales négatives, soutien émotionnel, capacité à faire face aux facteurs de stress). Les interactions entre la dépression et les caractéristiques psychosociales ont été vérifiées. Des effets modérateurs ont été déterminés en fonction d’interactions significatives. Les interactions ont été illustrées à l’aide de simples analyses des pentes, en représentant graphiquement le rapport de cotes corrigé du résultat (dépression ou pensées suicidaires) pour les valeurs minimale et maximale de chaque variable psychosociale.
On a eu recours à SAS 9.3 pour toutes les analyses. Des poids d’échantillonnage ont été appliqués, afin que les résultats soient représentatifs de la population canadienne de 15 à 24 ans. Des poids bootstrap ont été appliqués au moyen de SUDAAN 11.0.1, afin de tenir compte de la sous-estimation des erreurs types attribuable au plan de sondage complexeNote 27.
Résultats
Caractéristiques sociodémographiques et psychosociales
Environ 85 % de l’échantillon des participants de 15 à 24 ans vivaient dans un centre de population; 64 % étaient des étudiants et 16 %, des immigrants. La majorité (84 %) d’entre eux avaient fait de l’activité physique d’intensité modérée ou vigoureuse au cours des sept jours précédents, et 20 % fumaient tous les jours ou à l’occasion. Les trois quarts (74 %) vivaient dans un ménage n’appartenant pas au quintile de revenu inférieur, et 86 % appartenaient à un ménage où un membre avait fait au moins des études postsecondaires partielles.
La mesure des interactions sociales négatives chez les jeunes Canadiens était relativement faible (cote moyenne = 3,3; fourchette : 0 à 12), et la mesure du soutien émotionnel, relativement élevée (cote moyenne = 36,5; fourchette : 10 à 40). Environ le tiers (35 %) des participants ont déclaré que l’école était la plus importante source contribuant aux sentiments de stress, suivie de la situation financière ou du travail (26 %), des contraintes de temps (8 %), des relations interpersonnelles (6 %), d’un problème ou état de santé physique ou mentale (4 %) ou d’une autre source (10 %). Environ 10 % ont indiqué qu’il n’y avait aucune source contribuant aux sentiments de stress.
Dépression
Environ 11 % des jeunes de 15 à 24 ans avaient souffert de dépression au cours de leur vie; 7 % en avaient souffert au cours de l’année précédente (tableau 1). Parmi les personnes ayant souffert de dépression, 61 % ont parlé à un professionnel à propos de leurs symptômes au cours de leur vie.
Environ la moitié des personnes ayant souffert de dépression ont dit que leur pire épisode avait duré de un à six mois; pour 18 % d’entre elles, le pire épisode a duré plus d’un an. Près des deux tiers ont déclaré que leur pire épisode avait eu lieu au cours des six mois précédents. La dépression était plus susceptible de troubler la vie sociale, suivie des relations proches et de la capacité d’aller à l’école (tableau 1a). En moyenne, à cause des symptômes, les personnes aux prises avec la dépression avaient manqué 25 jours de leurs activités normales au cours de l’année précédente.
Les jeunes Canadiens souffrant de dépression étaient plus susceptibles d’être de sexe féminin, de compter parmi les aînés de leur groupe d’âge, de fumer et de déclarer avoir eu des pensées suicidaires ou avoir fait un projet ou une tentative de suicide au cours de leur vie, mais ils étaient moins susceptibles d’être des étudiants (tableau 2). Ils avaient aussi généralement tendance à avoir davantage d’interactions sociales négatives et moins de soutien émotionnel, et étaient moins susceptibles de déclarer être capable de faire face aux facteurs de stress (tableau 2a). Une analyse multivariée a dégagé des résultats similaires (à l’exception du caractère non significatif de l’âge et du statut d’étudiant), ce qui donne à penser que même lorsqu’on tient compte d’autres facteurs sociodémographiques, les caractéristiques suivantes étaient associées à la dépression au cours de la vie : le fait d’être une femme, l’usage du tabac, et le fait d’avoir davantage d’interactions sociales négatives, moins de soutien émotionnel ou une capacité moindre à faire face au stress.
Pensées suicidaires
Selon les estimations, 14 % des jeunes de 15 à 24 ans ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de leur vie et 6 % ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année ayant précédé l’enquête (tableau 1). De plus, au cours de leur vie, 5 % avaient fait des projets de suicide (2 % au cours de l’année précédente), et 3,5 % avaient fait une tentative de suicide. La dépression et les pensées suicidaires au cours de la vie étaient modérément corrélées (r = 0,34, p < 0,001).
La majorité des jeunes Canadiens n’ont jamais souffert de dépression ni eu de pensées suicidaires. Toutefois, 5 % (environ 234 000 personnes) avaient souffert de dépression et avaient aussi eu des pensées suicidaires, 5 % avaient souffert de dépression sans avoir de pensées suicidaires, et 9 % avaient eu des pensées suicidaires sans avoir souffert de dépression.
Les personnes déclarant avoir eu des pensées suicidaires au cours de leur vie étaient plus susceptibles d’être des femmes et de fumer et moins susceptibles d’être actives physiquement (tableau 3). Elles avaient davantage d’interactions sociales négatives, moins de soutien émotionnel et une moins grande capacité à faire face aux facteurs de stress (tableau 3a). Les résultats des analyses multivariées portent à croire que même si l’on tient compte des autres facteurs, il y a une association entre les pensées suicidaires au cours de la vie et le fait d’être une femme, de fumer et d’avoir davantage d’interactions sociales négatives, moins de soutien émotionnel et une moins grande capacité à faire face au stress.
Soutien en santé mentale
Chez les participants à l’enquête de 15 à 24 ans ayant souffert de dépression au cours de leur vie, 42 % ont consulté un professionnel et 61 % ont consulté une source informelle au cours des 12 mois précédents (tableau 4). Chez les personnes ayant souffert de dépression, les sources informelles les plus souvent consultées étaient les amis (48 %) et les membres de la famille (33 %). Plus de la moitié des personnes ayant souffert de dépression au cours de leur vie considéraient que la source consultée les avaient « beaucoup » ou « assez » aidées. D’autres, toutefois, n’ont pas eu l’impression d’avoir reçu de l’aide des sources précises consultées (par exemple, 47 % de celles ayant consulté un psychologue).
Environ le tiers (36 %) des personnes qui ont dit avoir eu des pensées suicidaires au cours de leur vie ont consulté un professionnel au cours des 12 mois précédents, et 58 % ont consulté une source informelle. Plus de 50 % des jeunes Canadiens ont déclaré que cette source avait été utile, toutes sources confondues.
Lorsque les autres variables sociodémographiques et psychosociales étaient prises en compte, les femmes affichaient une cote exprimant la possibilité de consulter des sources professionnelles significativement élevée, tandis que les immigrants présentaient une cote significativement faible (tableau 5). Comparativement à ceux qui n’avaient pas souffert de dépression au cours de leur vie, les jeunes Canadiens qui avaient connu la dépression présentaient une cote exprimant la possibilité d’avoir consulté un professionnel au cours des 12 mois précédents plus de quatre fois plus élevée. Chez les jeunes qui avaient eu des pensées suicidaires au cours de leur vie, cette cote était plus de trois fois plus élevée que chez les jeunes qui n’avaient jamais eu de pensées suicidaires. Les personnes ayant davantage d’interactions sociales négatives étaient plus susceptibles de consulter des sources professionnelles, et celles qui avaient une meilleure capacité à faire face aux facteurs stressants l’étaient moins.
À lui seul, le fait d’avoir souffert de dépression ou eu des pensées suicidaires n’est pas suffisant pour comprendre le recours aux sources professionnelles. Certains facteurs psychosociaux interagissaient de façon significative avec la dépression et les pensées suicidaires. En outre, ces associations étaient différentes pour les sujets masculins et les sujets féminins.
Qu’elles aient ou non souffert de dépression, les femmes ayant une moins grande capacité à faire face au stress présentaient une cote exprimant la possibilité de consulter des sources professionnelles élevée (figure 1; les résultats pour les pensées suicidaires étaient comparables). Les femmes ayant une plus grande capacité à faire face au stress avaient tendance à consulter des sources professionnelles uniquement si elles souffraient de dépression ou avaient des pensées suicidaires. De même, les femmes ayant davantage d’interactions sociales négatives affichaient une cote exprimant la possibilité de consulter des sources professionnelles élevée, qu’elles aient ou non souffert de dépression (données non présentées).
Dans le cas des sujets masculins ayant eu des pensées suicidaires, le fait d’avoir des interactions sociales négatives n’était pas associé avec la consultation de sources professionnelles (figure 2). Toutefois, les jeunes hommes qui n’avaient pas eu de pensées suicidaires présentaient une cote exprimant la possibilité de consulter des sources professionnelles élevée s’ils avaient davantage d’interactions sociales négatives (cote plus élevée même que chez les jeunes hommes ayant eu des pensées suicidaires).
Discussion
La maladie mentale s’installe souvent tôt dans la vie et est une cause principale d’incapacité chez les jeunesNote 28. Parmi les jeunes de 15 à 24 ans, 1 sur 10 a déclaré avoir éprouvé des symptômes de dépression au cours de leur vie, et 1 sur 7 a déclaré avoir eu des pensées suicidaires. Un petit pourcentage a déclaré avoir fait une tentative de suicide, mais ce groupe représente tout de même 150 000 personnes.
L’un des buts de l’étude était de fournir des renseignements détaillés à propos des jeunes aux prises avec la dépression. La dépression était plus susceptible de troubler la vie sociale, suivie des relations proches et de la capacité d’aller à l’école. Pour 18 % des personnes ayant souffert de dépression, le pire épisode a duré plus d’un an, et à cause des symptômes de la dépression, ces personnes ont manqué, en moyenne, près d’un mois de leurs activités normales.
Comme d’autres études antérieuresNote 11Note 29, la présente étude n’a trouvé que peu de corrélats sociodémographiques associés à la dépression chez les jeunes Canadiens, outre le fait d’être une femme et de fumer. Pour ce groupe d’âge, des caractéristiques qui ne peuvent pas être examinées dans une étude axée sur la population pourraient être liées à la dépression (par exemple, la disponibilité des services, ou le revenu personnel plutôt que le revenu du ménage).
La présente analyse renforce les constatations antérieuresNote 19 à propos des perceptions qu’ont les jeunes Canadiens de l’utilité de l’aide qu’ils peuvent obtenir auprès de sources professionnelles de soutien en santé mentale. Les résultats confirment une probabilité accrue de consultation d’un professionnel par les jeunes de 15 à 24 ans ayant souffert de dépression ou ayant eu des pensées suicidaires, ou ayant à la fois souffert de dépression et eu des pensées suicidaires, bien que moins de la moitié d’entre eux aient effectivement demandé l’aide d’un professionnel. Ils étaient plus susceptibles de se tourner vers un ami ou un membre de la famille et, lorsqu’ils le faisaient, estimaient généralement avoir reçu une aide « beaucoup » ou « assez » utile. Les obstacles au recours à des sources professionnelles pourraient comprendre l’absence de perception d’un besoin, la préférence pour l’autogestion, la proximité géographique des services et les croyances à propos de l’efficacité de ce genre d’aideNote 30.
Les corrélats sociodémographiques et psychosociaux du recours aux services par les jeunes Canadiens aux prises avec la dépression et des pensées suicidaires qui ressortent de la présente analyse sont comparables à ceux d’études antérieuresNote 30Note 31. Toutefois, les résultats relatifs à l’interaction indiquent que les facteurs psychosociaux sont plus susceptibles d’influer sur le recours à un soutien que la dépression ou les idées suicidaires elles-mêmes. Autrement dit, les femmes ayant une faible capacité perçue à faire face au stress et ayant davantage d’interactions sociales négatives étaient plus susceptibles de consulter des sources professionnelles, qu’elles aient ou non souffert de dépression. Les hommes ayant des pensées suicidaires étaient tout aussi susceptibles d’avoir recours à des sources professionnelles, indépendamment des interactions sociales négatives. Toutefois, ceux qui n’avaient pas de pensées suicidaires étaient plus susceptibles de consulter des sources professionnelles s’ils avaient davantage d’interactions sociales négatives. Il est possible que les hommes et les femmes cherchent à obtenir un soutien professionnel lorsqu’ils constatent que leur fonctionnement est inadéquat (difficultés d’adaptation), plutôt que lorsqu’ils ont des symptômes de dépression ou des pensées suicidaires.
Limites
L’analyse comporte quelques limites. Comme les autres étudesNote 32Note 33, l’analyse examinait la dépression et l’idéation suicidaire au cours de la vie au sein d’une cohorte jeune, dans laquelle on peut s’attendre à ce que de telles expériences soient relativement récentes, si elles ne se sont pas produites au cours des 12 mois précédents. Malgré cela, comme l’examen des associations avec la consultation d’un professionnel ne porte que sur l’année ayant précédé l’enquête, il est possible que le recours aux services soit sous-estimé. L’analyse est aussi limitée par les données recueillies dans le cadre de l’ESCC – SM, desquelles sont absents plusieurs prédicteurs du recours aux services, comme la gravité de la maladieNote 34. Les personnes éprouvant les symptômes de dépression les plus graves sont peut-être les plus susceptibles de consulter une source professionnelle de soutienNote 35.
Mot de la fin
L’information à propos de la dépression et de l’idéation suicidaire durant les années de transition au début de la vie adulte est importante, compte tenu du fait que l’accès aux services en santé mentale peut changer lorsque l’on passe du système de santé des enfants à celui des adultes. L’étude donne à penser que beaucoup de jeunes Canadiens ont souffert de dépression, eu des pensées suicidaires, ou les deux. Des facteurs psychosociaux de risque et de protection sont liés à la dépression et aux pensées suicidaires, notamment les interactions sociales négatives et la capacité perçue à faire face au stress. Ces facteurs étaient aussi associés au soutien professionnel. La connaissance de ces facteurs de risque et de protection peut faciliter une intervention rapide. Plus particulièrement, l’association entre les facteurs psychosociaux et le recours à un soutien professionnel fait ressortir l’importance de discerner le fonctionnement psychologique global, plutôt que des symptômes spécifiques de dépression ou de pensées suicidaires.
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