Séroprévalence des infections par le virus de l'hépatite B et par le virus de l'hépatite C : résultats de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, 2007 à 2009 et 2009 à 2011

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par Michelle Rotermann, Kellie Langlois, Anton Andonov et Maxim Trubnikov

Les infections chroniques par le virus de l’hépatite B et par le virus de l’hépatite C (VHB et VHC) représentent un défi pour les systèmes de santé publique au Canada et partout dans le mondeNote1. Environ 5 % de la population mondiale présente une infection chronique par le VHBNote1 et environ 3 %, par le VHCNote2.

La probabilité de développer une infection chronique par le VHB varie selon l’âge au moment de l’exposition. Alors que 90 % des personnes exposées à l’âge adulte peuvent s’attendre à guérir complètementNote3, les infections par le VHB acquises durant l’enfance sont nettement plus susceptibles d’évoluer vers un état chronique. Ainsi, quelque 90 % d’enfants non immunisés nés d’une mère infectée par le VHB développent une infection chronique par le VHBNote2.

La transmission du VHB ne se fait pas de la même façon dans les pays où l’infection par ce virus est endémique que dans ceux où elle est moins fréquente. Dans le premier cas, la transmission se produit le plus souvent « verticalement » des mères infectées aux nourrissons durant la période périnataleNote4, ou « horizontalement » par des contacts avec des parents prochesNote5. Dans les pays où l’infection par le VHB est moins fréquente, les modes de transmission qui prédominent sont les rapports sexuels et le partage de matériel d’injection de drogueNote3. Le VHB représente aussi un risque professionnel pour les travailleurs de la santéNote3.

En général, de 75 % à 80 % des personnes infectées par le VHC acquièrent une infection chronique par ce virus, et l’on observe une certaine variabilité selon l’âge au moment de l’infectionNote6, le sexeNote7, la raceNote8, le statut de coinfectionNote9, les comorbiditésNote10,11, et la manifestation clinique de la maladieNote2.

Le VHC est habituellement transmis par le sang, les produits du sang, les greffes d’organes, de tissus et de cellules, et les aiguilles ou d’autres objets tranchants infectés, ainsi que de la mère à l’enfant durant la grossesse et l’accouchementNote12. La transmission sexuelle du VHC est moins fréquente, mais possible, surtout chez les personnes ayant de multiples partenaires sexuelsNote13,14 et chez celles coinfectées par d’autres infections transmises sexuellement, y compris l’infection par le virus de l’immunodéficience humaineNote15,16.

L’infection chronique par le VHB ou par le VHC peut entraîner une cirrhose du foie, un cancer du foie, une hépatopathie décompensée et la mort prématuréeNote17-19. Il existe des traitements efficacesNote19,20, mais l’accès à ceux-ci varie au Canada selon la province ou le territoireNote21 et les populations infectéesNote22.

Au Canada, l’information sur la prévalence des infections par le VHB et par le VHC est généralement limitée aux données de laboratoire et de surveillance nationale ordinaire et accrueNote17,Note23,24, aux constatations faites dans le cadre d’études régionales ou provincialesNote25-28, aux résultats d’études sérologiques sur certaines sous-populations, telles que les donneurs de sangNote29-32, et aux estimations modéliséesNote33. Ces sources de données ont des limites, dont la sous-déclarationNote34 et leur généralisabilité restreinteNote30,31.

La déclaration des infections par le VHB et par le VHC est obligatoire, ce qui signifie que les nouveaux cas diagnostiqués sont signalés aux agences provinciales ou territoriales et nationales de santé publiqueNote34. Cependant, la nature asymptomatique de ces infections rend difficile leur diagnostic exact et leur déclaration. Par conséquent, il n’est pas possible d’estimer directement leur prévalence d’après les cas déclarés.

La présente étude fournit des estimations de la séroprévalence (prévalence fondée sur des échantillons de sang) des infections par le VHB et par le VHC, et de l’immunité contre le VHB acquise par vaccination fondées sur des données représentatives de la population nationale provenant des premier et deuxième cycles de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS). Ces données constituent des valeurs repères pour surveiller les tendances de la répartition des infections, pour faire progresser les politiques de santé publique et pour faire des comparaisons avec d’autres pays.

Méthodes

Source des données

L’ECMS est une enquête permanente réalisée par Statistique Canada en partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada. Elle a été conçue pour produire des estimations représentatives de la population nationaleNote35. Le premier cycle, qui s’est déroulé de mars 2007 à février 2009, a servi à recueillir des renseignements auprès des membres de 6 à 79 ans des ménages privés à 15 emplacements à travers le Canada. Le deuxième cycle, qui a eu lieu d’août 2009 à novembre 2011, a permis de recueillir des données sur les membres de 3 à 79 ans des ménages privés à 18 emplacements. L’enquête a obtenu l’approbation déontologique du Comité d’éthique de la recherche de Santé CanadaNote36. Le champ d’observation de l’ECMS ne comprend pas les habitants des réserves et d’autres établissements autochtones dans les provinces, les membres à temps plein des Forces canadiennes, les personnes placées en établissement ni les résidents de certaines régions éloignées. Collectivement, ces exclusions représentent moins de 4 % de la population cibleNote37,38. Des renseignements détaillés sur le contenu et sur le plan de sondage de l’ECMS peuvent être consultés dans d’autres documentsNote35,37,38.

En plus d’une interview sur place en vue de recueillir des renseignements sur les caractéristiques sociodémographiques, la santé et le mode de vie, l’ECMS comprend une visite subséquente à un centre d’examen mobile où sont effectuées des mesures physiques directes, y compris le prélèvement d’échantillons de sang. Les participants à l’enquête incapables de se rendre au centre d’examen mobile pouvaient demander que les mesures directes soient faites à leur domicileNote39.

Des ménages sélectionnés pour participer aux premier et deuxième cycles de l’enquête, 72,7 % ont accepté de participer, et 88,5 % des membres sélectionnés des ménages âgés de 14 à 79 ans ont répondu au questionnaire sur le ménage. Un total de 8 665 personnes (82,6 % de celles qui ont répondu au questionnaire sur le ménage) ont participé au volet du centre d’examen mobile. Après correction pour tenir compte de la stratégie d’échantillonnage, le taux de réponse final des personnes de 14 à 79 ans aux deux cycles combinés était de 52,8 %.

Les estimations de la séroprévalence du VHB et du VHC dont traite le présent article sont fondées sur des données recueillies auprès de 8 434 participants de 14 à 79 ans aux premier et deuxième cycles de l’ECMS. Comme les analyses préliminaires fondées sur les données des cycles individuels ont révélé des problèmes de puissance pour certains résultats d’intérêt, les données des deux cycles ont été combinées.

La population totale pour les ensembles de données combinés a été calculée en prenant la moyenne des totaux de population pour chaque période de collecte (cycle 1 : 2007 à 2009 / 23 mois; cycle 2 : 2009 à 2011 / 28 mois). Les données de chaque cycle ont été corrigées en se basant sur le nombre d’emplacements de collecte par cycle et par région. Par conséquent, les estimations combinées reflètent la population canadienne à domicile moyenne durant la période de référence de l’étude (2007 à 2011). Des mesures d’assurance de la qualité ont été appliquées à chaque étape de la collecte et du traitement des données, y compris des tests en vue de déceler la présence de biais et de corriger ceux-ciNote37. D’autres renseignements sur la combinaison des données des premier et deuxième cycles de l’ECMS sont publiés dans d’autres documentsNote38.

Comme les taux de séroprévalence des infections par le VHB et par le VHC peuvent être relativement élevés chez les personnes nées à l’étranger, l’échantillon combiné de l’ECMS a été examiné afin de déterminer si ce groupe était représenté de manière appropriée (tableau A en annexe). Selon les données pour 2007 à 2011 de l’ECMS, 23 % (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 17,8 à 29,2) de la population était née à l’étranger, soit une portion comparable aux estimations de l’ordre de 20 % calculées d’après les données du Recensement de la population canadienne de 2006Note40 et de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011Note40 (données non présentées). En outre, les personnes nées à l’étranger dans des régions où la prévalence des infections par le VHB et par le VHC est élevéeNote41,42, comme la Chine, l’Afrique et certains pays d’Amérique du Sud, sont également représentées dans l’échantillon de l’ECMS de manière comparable aux estimations produites par le Recensement de 2006, ce qui pourrait tenir en partie à l’inclusion de régions à forte concentration de personnes nées à l’étranger (Vancouver, Toronto et Montréal) parmi les emplacements de collecteNote37,38.

Bien que les infections par le VHB et par le VHC soient des maladies à déclaration obligatoire, les données de l’ECMS, y compris les réponses au questionnaire et les résultats des analyses de sang, sont protégées par les dispositions relatives à la protection des renseignements personnels de la Loi sur la statistique. Dans le but de se conformer à ces exigences contradictoires, on a demandé aux participants à l’ECMS, avant qu’ils subissent les tests, s’ils permettaient que les résultats positifs soient communiqués aux autorités sanitaires.

Les participants à l’enquête ont été exclus de la présente étude si :

  • ils étaient âgés de 6 à 13 ans (pas de test de dépistage de l’hépatite);
  • ils n’avaient pas fourni d’échantillon de sang pour des raisons médicales, comme l’hémophilie (n < 10) ou l’administration d’une chimiothérapie au cours des quatre semaines précédentes (n = 11);
  • ils n’avaient pas consenti à la divulgation des résultats de sorte que le ou les tests n’ont pas été effectués (n = 62); leurs résultats étaient incomplets (VHB : n = 11; VHC : n = 11); ou leurs échantillons n’étaient pas disponibles ou étaient insuffisants pour les tests du VHB ainsi que du VHC (n = 130).

Prélèvement d’échantillons de sang

Au centre d’examen mobile, du sang a été prélevé par ponction veineuse dans des tubes Vacutainers et traité dans les quatre heures après le prélèvement. Des procédures normalisées de prélèvement, de manutention, de traitement, de répartition en aliquotes et d’expédition des échantillons biologiques ont permis de s’assurer de la qualité et de la comparabilité des résultats des testsNote38. Les échantillons de sang ont été traités par le Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg, au Manitoba.

Marqueurs d’infection par les virus des hépatites B et C (VHB/VHC)

Pour cette analyse, l’infection par le VHB et l’immunité acquise par vaccination, ainsi que l’infection par le VHC, ont été définies en fonction des résultats positifs (+) et négatifs (–) des tests de dépistage des marqueurs d’infection (tableau textuel 1). Les définitions de cas établies pour la surveillance nationale ont été appliquées, s’il y avait lieu, pour définir les infections courantes, antérieures et résolues par le VHB et les infections par le VHCNote43.

Les échantillons de sérum prélevés chez les participants à l’enquête de 14 à 79 ans ont été analysés pour déceler les marqueurs de l’infection par le VHB et par le VHC, de l’exposition antérieure au VHB et de l’immunité contre le VHB acquise par vaccination en utilisant le système d’immunodiagnostic à accès aléatoire et entièrement automatisé VITROS ECiQ (ORTHO-Clinical Diagnostics).

Pour le VHB, on s’est servi des tests immunodiagnostiques anti-HBc, HBsAg et anti-HBs VITROS (tableau textuel 1). Si les résultats pour les anticorps contre l’antigène capsidique de l’hépatite B (anti-HBc) étaient positifs, les échantillons ont été analysés pour déceler l’antigène de surface de l’hépatite B (HBsAg) en vue de dépister l’infection courante par le VHB. Les cas d’infection antérieure par le VHB ont été définis comme ceux dont le test anti-HBc était positif, en excluant les cas étant également positifs pour le HBsAg (c.-à-d. infection courante par le VHB). Un total de 67 cas positifs pour les anticorps anti-HBc seulement ont été inclus dans la catégorie de l’« infection antérieure » par le VHB. Tous les échantillons ont été analysés pour déceler les anticorps contre l’antigène de surface du VHB (HBsAg) afin de déterminer les cas d’immunité contre le VHB acquise par vaccination et les cas d’infection résolue par le VHB. Les cas positifs pour les anticorps anti-HBc et les anticorps contre l’antigène de surface du VHB (anti-HBs) ont été classés comme étant des infections résolues, tandis que ceux positifs pour les anticorps anti-HBs seulement ont été définis comme des cas d’immunité acquise par vaccination.

Les cas d’infection par le VHC ont été détectés en utilisant le test immunodiagnostique Anti-VHC VITROS version 3.0; tous les échantillons positifs au dépistage des anticorps anti-VHC ont été confirmés au moyen du test INNO-LIA HCV Score immunoblot assay (Innogenetics, Fugirebio Inc., GA, US).

Covariables

La prévalence de l’hépatite a été examinée selon le sexe, le groupe d’âge, le revenu du ménage, le niveau de scolarité, l’origine raciale, le statut d’immigrant et la connaissance préalable de la situation d’infection par le VHB ou le VHC.

Étant donné les petites tailles d’échantillon, deux groupes d’âge seulement ont été définis : de 14 à 49 ans et de 50 à 79 ans.

Le revenu du ménage, corrigé en fonction de la taille de ce dernier, a été classé en deux catégories : élevé et faible, ainsi qu’une catégorie « données manquantes » lorsqu’il n’était pas possible d’établir le niveau de revenu (environ 17 % de l’échantillon). On a considéré que le revenu du ménage était faible si le revenu total durant l’année qui a précédé l’enquête était inférieur à 30 000 $ (ménages comptant un ou deux membres), à 40 000 $ (trois ou quatre membres) ou à 60 000 $ (cinq membres et plus) Note38.

Le niveau de scolarité a été classé en deux catégories selon que le participant avait ou non un diplôme d’études postsecondaires. Pour les participants âgés de 14 à 24 ans, on a utilisé le plus haut niveau de scolarité dans le ménage.

Comme la prévalence de l’infection par le VHB et par le VHC varie mondialementNote1,2, l’origine raciale et le lieu de naissance ont été inclus dans l’analyse. On a demandé aux participants à l’ECMS d’indiquer leur origine raciale en se servant d’une liste détaillée; ceux qui ont indiqué qu’ils étaient de race « blanche » ont été classés comme tels; tous les autres ont été regroupés dans la catégorie de race « non blanche ». Le lieu de naissance a été classé en fonction de deux catégories : né à l’étranger ou né au Canada. Le petit nombre (34) de citoyens canadiens nés à l’étranger ont été considérés comme étant nés au Canada.

La quantification de l’exactitude de la situation d’infection en comparant la prévalence des cas autodéclarés à celle des cas confirmés par analyse de laboratoire est utile pour la promotion de la santé publique et la prévention de la maladie. Par exemple, on a constaté que les personnes qui savent qu’elles ont une infection transmise sexuellement et par le sang modifient leurs comportements afin de réduire au minimum les risques de transmission à leurs partenairesNote44. Dans le cas de nombreuses maladies, il arrive que des personnes infectées ne sachent pas qu’elles le sont. On a demandé aux participants à l’ECMS s’ils étaient atteints d’hépatite, et dans l’affirmative, de quel type.

Techniques d’analyse

La séroprévalence du VHB et du VHC a été estimée en se servant des données des premier et deuxième cycles de l’ECMS. Afin de tenir compte des effets du plan de sondage, les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % ont été estimés par la méthode du bootstrapNote45,46. Les différences entre les estimations de la séroprévalence ont été évaluées au moyen de tests t. Toutes les analyses ont été exécutées en se servant du logiciel SUDAAN v.10 (RTI International, Research Triangle Institute, NC, É.-U.), en utilisant des données pondérées et en fixant la valeur de degré de liberté à 24 dans les instructions des procédures pour tenir compte du nombre de degrés de liberté des ensembles de données combinés.

Résultats

Hépatites B et C

La séroprévalence de l’infection courante par le VHB chez les personnes de 14 à 79 ans était de 0,4 % (IC à 95 % : 0,2 à 0,8), ce qui représente 111 800 (IC à 95 % : 42 773 à 180 803) personnes (tableau 1). La séroprévalence de l’infection courante par le VHB était de 1,8 % (IC à 95 % : 0,9 à 3,4) chez les personnes de race non blanche et de 1,6 % (IC à 95 % : 0,9 à 2,9) chez celles nées à l’étranger.

En outre, 4,2 % (IC à 95 % : 2,9 à 6,0) de participants, ce qui représente environ 1,1 million de personnes, présentaient des preuves sérologiques d’une infection antérieure par le VHB; de ces cas, 79 % étaient entièrement résolus et avaient acquis une immunité protectrice (853 400) (tableaux 2 et 3). Des pourcentages statistiquement égaux d’hommes et de femmes présentaient des preuves d’infection antérieure. La séroprévalence des infections antérieures ou résolues par le VHB était presque deux fois plus élevée chez les personnes de 50 ans et plus que chez le groupe plus jeune. Les infections antérieures ou résolues par le VHB étaient également plus fréquentes chez les personnes de race non blanche que chez celles de race blanche, et chez celles nées à l’étranger que chez celles nées au Canada. Des associations statistiquement non significatives entre le niveau de scolarité et l’infection antérieure ou résolue par le VHB se dégageaient. En raison de la forte variabilité d’échantillonnage, les données sur la prévalence de l’infection courante par le VHB selon le niveau de scolarité et d’autres facteurs sociodémographiques n’étaient pas concluantes. Globalement, 4,6 % (IC à 95 % : 3,2 à 6,5) de participants avaient été, ou étaient, infectés par le VHB (données non présentées).

Près du tiers des personnes de 14 à 79 ans avaient acquis par vaccination une immunité contre le VHB. L’immunité acquise par vaccination était associée négativement à l’âge, passant de 72,6 % (IC à 95 % : 69,6 à 75,4) chez le groupe des 14 à 19 ans à 6,5 % (IC à 95 % : 4,5 à 9,4) chez celui des 70 à 79 ans (figure 1).

Environ 0,5 % (IC à 95 % : 0,3 à 0,9) de participants, ce qui représente 138 600 (IC à 95 % : 55 800 à 221 300) personnes, avaient une infection par le VHC confirmée par analyse de laboratoire, c’est-à-dire un résultat positif pour les anticorps contre le VHC (anti-VHC) (tableau 4). L’infection par le VHC était plus fréquente chez le groupe plus âgé, ainsi que chez les personnes appartenant à un ménage à faible revenu. En raison de la forte variabilité d’échantillonnage, les résultats de séroprévalence du VHC en fonction d’autres covariables n’étaient pas concluants.

Savoir que l’on est infecté
Durant l’interview sur le ménage, on a demandé aux participants à l’ECMS s’ils avaient une infection par le VHB ou le VHC. Ces résultats ont été comparés à ceux des analyses de laboratoire. Un peu moins de la moitié (46 %) des participants dont l’analyse était positive pour une infection active par le VHB et 30 % de ceux dont l’infection par le VHC a été confirmée par analyse sérologique ont déclaré que l’on avait diagnostiqué chez eux ces infections (tableau 5).

Discussion

Au moyen de données provenant des premier et deuxième cycles combinés de l’ECMS, le présent article examine la séroprévalence de l’infection par le VHB (infection courante, antérieure ou résolue et immunité acquise par vaccination) et de l’infection par le VHC chez les Canadiens de 14 à 79 ans. L’étude est la première à examiner la prévalence de ces infections au moyen de mesures directes auprès d’un échantillon représentatif de la population canadienne à domicile.

Les estimations fondées sur les données combinées de l’ECMS pour la période de 2007 à 2011 pour l’infection par le VHB (0,4 % courante; 4,2 % antérieure) sont comparables aux résultats de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) réalisée aux États-Unis. Par exemple, selon les données de la NHANES pour 1999 à 2006, 0,28 % (IC à 95 % : 0,21 à 0,36) de personnes ont eu un résultat de test positif pour l’infection par le VHB, et 4,8 % (IC à 95 % : 4,3 à 5,3), pour une infection antérieure ou couranteNote47.

Les facteurs de risque d’infection par le VHB qui se dégagent des données de l’ECMS étaient également similaires à ceux relevés dans le cas de la NHANES. Ainsi, selon la NHANES, la prévalence des infections chroniques ou antérieures par le VHB était plus élevée chez les groupes d’âge avancés que chez les groupes plus jeunes et plus faibles chez les personnes nées aux États-Unis que chez celles nées à l’étrangerNote47.

La prévalence des infections a tendance à être plus élevée en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-EstNote18,Note48. Comme d’autres étudesNote17,Note29,Note47,48, la présente analyse indique des taux relativement élevés d’infection courante par le VHB chez les personnes de race non blanche et chez les personnes nées à l’étranger.

Les personnes infectées par le VHB durant l’enfance courent un plus grand risque de conséquences graves pour la santéNote17. Du début au milieu des années 1990, le Canada a mis en œuvre des programmes de vaccination universelle contre l’hépatite B ayant pour cible les nourrissons et les enfants d’âge scolaireNote49-51. Les données de l’ECMS donnent des preuves de la séroprévalence de l’immunité acquise par vaccination, particulièrement chez les jeunes (le groupe le plus susceptible d’avoir été vacciné). Cette constatation concorde avec les réductions observées antérieurement d’après les données canadiennes de surveillance du nombre d’infections par le virus de l’hépatite B déclaréesNote17, et avec la diminution selon l’âge de la prévalence de l’immunité acquise par vaccination aux États-UnisNote47.

Les estimations de la séroprévalence de l’infection par le VHC fondées sur les données de l’ECMS (0,5 %) pour 2007 à 2011 sont plus faibles que l’estimation de 1,6 % (IC à 95 % : 1,3 à 1,9) fondée sur les données de 1999 à 2002 de la NHANESNote52, et concordent largement avec les estimations de 0,5 % découlant de l’étude fondée sur les données administratives appariées du Manitoba pour la période de 1991 à 2002Note27, de 0,7 % donnée par une étude sérologique réalisée en Angleterre et au Pays de Galles en 1996Note53, et de 0,78 % produite par un modèle canadienNote33. Étant donné que certaines populations présentant un taux élevé d’infection par le VHC sont exclues de l’ECMS, on ne s’attendait pas à une concordance exacte.

Comme les données de la NHANES pour 1999 à 2006, les données de l’ECMS donnent à penser que le faible revenu et l’âge avancé sont associés à l’infection par le VHCNote52.

Le Système de surveillance accrue des souches de l’hépatite du CanadaNote54,55, la NHANES de 1999 à 2006Note47, la NHANES de 1999 à 2002Note52, le Système national des maladies à déclaration obligatoire du CanadaNote23, et une étude sérologique menée en Australie de 1996 à 1998Note56 ont tous mené à la constatation que les hommes sont plus susceptibles que les femmes d’être infectés par le VHB ou par le VHC. Les échantillons de l’ECMS n’étaient pas suffisamment grands pour tester la signification statistique des écarts entre les sexes, mais à mesure que les données de cycles supplémentaires de l’enquête seront disponibles, les tailles d’échantillons et la puissance statistique pour le dépistage de l’infection par le VHB ou le VHC s’amélioreront.

De nombreuses infections transmises sexuellement et par le sang sont asymptomatiques, ce qui pourrait expliquer pourquoi des pourcentages importants de personnes infectées ne savent pas qu’elles le sont et, par conséquent, ne déclarent pas correctement leur situation d’infectionNote42. Selon des études canadiennes auprès des adultes donneurs de sangNote57, des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommesNote58, des détenusNote59 et des utilisateurs de drogues injectablesNote60, la prévalence des personnes sachant qu’elles sont infectées par le VHC varie de 40 % à 60 %. Une prévalence nettement plus faible — inférieure à 10 % — a été observée chez les jeunes de la rueNote61. La prévalence relativement faible des personnes sachant qu’elles sont infectées par le VHC parmi les participants à l’ECMS pourrait résulter de l’exclusion des groupes à haut risque et de l’inclusion de personnes plus jeunes n’ayant pas reçu de diagnostic chez lesquelles les antécédents d’infection par le VHC remontent à moins longtemps.

Limites

Des contraintes logistiques et budgétaires ont limité le nombre d’emplacements de collecte des données et la taille globale de l’échantillon de l’ECMSNote37,38. Par conséquent, la présente analyse s’appuie parfois sur des définitions de variable plus générales qu’il n’aurait été souhaitable. En outre, l’ECMS a été conçue pour produire des estimations nationales et les analyses de niveau infranational ne sont pas recommandées (à l’exception peut-être d’analyses à l’échelle de l’Ontario et du Québec en se servant des données provenant d’au moins deux cycles) Note38.

Bien que la combinaison des deux cycles de l’ECMS ait permis d’accroître la taille de l’échantillon, le problème de la petite taille d’échantillon n’a pas été éliminé pour les infections par le VHB et par le VHC, dont la prévalence est faible. La taille d’échantillon empêche aussi d’examiner les covariables possibles telles que l’identité autochtone, l’orientation sexuelle, l’exposition à du sang contaminé et l’utilisation de drogues injectables. La petite taille des échantillons pourrait aussi avoir réduit la capacité de déterminer la signification statistique.

En raison de la nature transversale de l’ECMS et des algorithmes de laboratoire utilisés pour déceler les infections par le VHB et par le VHC, il n’a pas été possible de déterminer si elles étaient chroniques. Néanmoins, la plupart des infections actives décelées dans le cadre de l’ECMS le sont vraisemblablementNote3.

Les résultats fondés sur les données de l’ECMS pourraient sous-estimer la séroprévalence du VHB et du VHC. Contrairement aux activités de surveillance axées sur les populations à risqueNote31,Note58,Note62, qui ciblent délibérément les groupes pouvant être atteints d’hépatite, la stratégie d’échantillonnage de l’ECMS repose sur la sélection aléatoire. En outre, l’ECMS s’appuie sur un échantillon de ménages, ce qui exclut par conséquent certaines populations à haut risque de contracter ces infections, c’est-à-dire les sans-abriNote31, les membres des Premières Nations qui vivent dans les réservesNote54, les détenusNote30,Note59, et les personnes qui vivent dans des établissements de soins de santé de longue durée ou de santé mentaleNote63 La prévalence des comportements liés à un risque d’hépatite virale, comme l’utilisation de drogues injectablesNote64, tend à être relativement élevée chez certaines de ces populations. Toutefois, malgré la stratégie d’échantillonnage et ces exclusions, les résultats qui s’appuient sur les données de l’ECMS sont généralisables à l’ensemble de la population âgée de 14 à 79 ansNote37,38.

Le taux de réponse combiné de 52,8 % pour le groupe des 14 à 79 ans signifie que, pour près de la moitié des ménages contactés, des dispositions n’ont pas pu être prises pour qu’un membre participe à l’enquête. Les poids de sondage sont calculés de manière à s’assurer qu’en ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, l’échantillon soit représentatif de la population cible, mais il n’a pas été possible de tenir compte des différences d’état de santé (en particulier l’infection hépatique). Par conséquent, il pourrait exister un biais si la situation d’infection hépatique des non-répondants différait systématiquement de celle des répondants.

Une combinaison de données autodéclarées, de données cliniques et de données de laboratoire sont recueillies dans le cadre de l’ECMS. Les données autodéclarées sont sujettes à des biais dus à la désirabilité sociale et à la remémoration. Les données de laboratoire peuvent aussi être de qualité imparfaite, parce que, dans le cas de la plupart des tests de laboratoire, un certain pourcentage de vrais positifs et de vrais négatifs ne sont pas décelés correctementNote65. Le test de dépistage des anticorps anti-VHC pourrait ne pas repérer l’infection par le VHC chez certaines personnes dont le système immunitaire est compromisNote66. Dans la population générale, environ 20 % des personnes infectées par le VHC peuvent éliminer spontanément le virus et perdre leurs anticorps anti-VHCNote67. Comme on n’a pas procédé à l’analyse de l’acide ribonucléique (ARN) du VHC, il n’est pas possible de faire la distinction entre les infections courantes et passées par le VHCNote68.

En l’absence d’analyse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) du VHB, certains cas positifs seulement pour les anticorps anti-HBc, dont le nombre était de 67, ont été inclus dans la catégorie de l’« infection antérieure par le VHB », quoiqu’un faible pourcentage d’entre eux pourraient avoir été des cas d’« infection occulte par le VHB » chronique. À partir du troisième cycle de l’ECMS, de nouvelles définitions nécessitant l’analyse supplémentaire de l’ADN seront utilisées pour classer plus exactement les cas positifs pour les anticorps anti-HBc seulementNote34.

Conclusion

Les résultats de la présente analyse portent à croire que la séroprévalence du VHB et du VHC au Canada est comparable à celle observée dans d’autres pays occidentaux. Comme prévu, les marqueurs de l’immunité contre le VHB acquise par vaccination étaient fréquents chez les jeunes. Savoir que l’on est infecté est important en ce qui concerne les démarches en vue d’obtenir des soins de santé, l’obtention du traitement, les taux de vaccination et la prévention de la maladie, mais plus de la moitié des participants à l’enquête dont le dépistage du VHB ou du VHC était positif ne savaient pas qu’ils étaient infectés. Ces résultats concernant l’infection par le VHB ou par le VHC servent de données de référence pour la surveillance des tendances de la prévalence. À mesure que les données de cycles supplémentaires de l’ECMS seront disponibles, il pourrait être possible de combiner les cycles successifs afin d’étudier plus en profondeur les facteurs de risque associés aux infections par le VHB ou par le VHC confirmées en laboratoire.

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