Participation sociale et santé et bien-être des personnes âgées au Canada
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Le troisième âge est une période de transition qui s'accompagne de changements. Ceux-ci s'opèrent non seulement sur le plan de la santé physique, mais également en ce qui a trait aux rôles sociaux (p. ex., retraite, enfants devenus grands) qui peuvent influer sur la participation sociale1. Les études épidémiologiques donnent à penser que les activités sociales prennent peut-être une importance particulière pour les adultes âgés2. Les avantages pour la santé comprennent un risque réduit de mortalité3,4, d'incapacité5-7 et de dépression8,9, ainsi que des effets favorables pour la santé cognitive10-12, l'autoévaluation de l'état de santé13,14 et les comportements liés à la santé2. Ainsi, la participation sociale fait maintenant partie intégrante des cadres stratégique et de recherche sur le vieillissement. À titre d'exemple, l'engagement social, ou le fait de participer à des activités utiles et de maintenir des relations étroites, constitue une composante du vieillissement en santé15.
Les liens entre la participation sociale et la santé ne sont pas bien compris et on estime qu'ils suivent des parcours multiples2,16. Par exemple, d'aucuns pensent que les effets physiologiques de l'isolement social agissent sur les systèmes neuroendocrinien et immunitaire, ou que les liens sociaux incitent les gens à adopter des comportements favorables à la santé, comme faire de l'activité physique ou obtenir des soins médicaux, ou à éviter d'autres comportements lui étant nuisibles, comme la consommation de tabac.
Sur le plan psychologique, la connectivité sociale pourrait engendrer des sentiments d'autoefficacité et de valeur personnelle, donner plus de signification à l'existence et favoriser une bonne santé mentale. Plus particulièrement, les interactions qui génèrent un soutien social sont considérées comme favorables à la santé, auquel cas, le soutien social perçu agirait comme un facteur médiateur entre la participation sociale et la santé et le bien-être9. On considère en outre que la perception qu'a une personne de la disponibilité du soutien social est plus importante que le soutien reçu, lequel se confond avec le besoin17.
La présente étude examine la relation entre le nombre d'activités sociales auxquelles les personnes âgées participent « fréquemment » et trois mesures de la santé et du bien-être, à savoir l'autoévaluation positive de l'état de santé, la solitude et l'insatisfaction à l'égard de la vie. La mesure dans laquelle le soutien social constitue un médiateur de l'effet de la participation sociale sur la santé et le bien-être est prise en compte et, pour la première fois dans le cadre d'une étude canadienne représentative de la population nationale, on examine les obstacles déclarés à une plus grande participation sociale.
Source des données
Les données ont été tirées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Vieillissement en santé menée en 2008-2009. L'ESCC est une enquête transversale qui fournit des données sur les facteurs, les influences et les processus qui jouent un rôle dans le vieillissement en santé. La base de sondage couvrait les personnes de 45 ans et plus des dix provinces vivant dans les logements privés. En étaient exclus les membres à temps plein des Forces canadiennes, les habitants des trois territoires, des réserves indiennes, des terres de la Couronne et de certaines régions éloignées, ainsi que les personnes vivant en établissement. L'enquête a été menée du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2009 inclusivement au moyen d'interviews sur place assistées par ordinateur. Les taux de réponse ont été de 80,8 % (ménages), 92,1 % (personnes) et 74,4 % (global), ce qui a donné un échantillon final de 30 865 personnes. L'échantillon sur lequel repose la présente analyse compte 16 369 personnes âgées (de 65 ans et plus) et est représentatif de 4,4 millions de personnes.
Définitions
Participation sociale fréquente
On a demandé aux participants à l'enquête à quelle fréquence au cours des 12 derniers mois ils avaient participé à huit activités différentes (au moins une fois par jour, au moins une fois par semaine, au moins une fois par mois, au moins une fois par an, jamais). Une participation fréquente s'entendait d'une participation au moins hebdomadaire à l'égard des activités suivantes :
- activités avec des membres de la famille ou des amis, à l'extérieur du foyer;
- activités d'un groupe confessionnel (p. ex. un service religieux, un comité ou un chœur);
- activités sportives ou physiques, avec d'autres personnes;
- autres activités récréatives, avec d'autres personnes, y compris passe-temps, bingos et jeux divers.
Une participation fréquente s'entendait d'une participation au moins mensuelle aux activités suivantes, pratiquées habituellement moins souvent :
- activités éducatives et culturelles avec d'autres personnes (p. ex. suivre un cours, assister à un concert, ou aller au musée);
- activités d'un club philanthropique ou d'une société fraternelle;
- activités d'une association communautaire ou professionnelle;
- activités d'un organisme bénévole ou de bienfaisance.
Santé et bien-être
Dans le cadre de l'ESCC – Vieillissement en santé, on a posé la question suivante aux participants à l'enquête : « En général, diriez-vous que votre santé est... » Les choix de réponse ont été dichotomisés de manière à obtenir une autoévaluation positive(excellente/très bonne/bonne) ou mauvaise (passable/mauvaise) de l'état de santé.
L'instrument nommé Three-Item Loneliness Scale18 sert à mesurer le degré de solitude d'une personne. Les participants à l'enquête ont répondu aux questions sur la solitude en fonction d'une échelle de Likert de trois points (à peu près jamais, parfois, souvent). On leur a demandé « À quelle fréquence vous arrive-t-il :
- de ressentir un manque de compagnie? »
- d'avoir l'impression d'être tenu(e) à l'écart? »
- d'éprouver le sentiment d'être isolé(e)? »
Les cotes étaient d'autant plus élevées que la solitude éprouvée était grande et leur répartition était asymétrique vers les valeurs les plus faibles. Elles ont été dichotomisées, de sorte que les participants se situant dans le quintile supérieur de la distribution des fréquences ont été classés comme éprouvant de la solitude. Ces participants avaient répondu « parfois » à au moins deux questions ou « souvent » à au moins une question.
On a demandé aux participants à l'enquête « ... quel sentiment éprouvez-vous en général à l'égard de votre vie? » Ils ont répondu à l'aide d'une échelle variant de 0 (« très insatisfait(e) ») à 10 (« très satisfait(e) »). Ceux qui se sont classés dans le quintile inférieur de la distribution des fréquences (cote de 6 ou moins) ont été considérés comme éprouvant une insatisfaction à l'égard de la vie.
Dans la présente étude, les trois mesures de la santé et du bien-être étaient légèrement à modérément corrélées. Les coefficients de corrélation de Pearson étaient de -0,17 pour l'autoévaluation de l'état de santé et la solitude, de -0,36 pour l'autoévaluation de l'état de santé et l'insatisfaction à l'égard de la vie, et de 0,23 pour la solitude et l'insatisfaction à l'égard de la vie. Malgré qu'elles se recoupent, chacune des trois variables représente un concept distinct dans la présente analyse.
Covariables
On a défini trois groupes d'âge, à savoir 65 à 74 ans, 75 à 84 ans et 85 ans et plus. Dans les modèles de régression logistique, l'âge a été traitée comme une variable continue et comprenait des valeurs de 65 ans et plus.
Les quintiles de revenu du ménage comprenaient les quintiles inférieur, moyen-inférieur, moyen, moyen-supérieur et supérieur.
Le plus haut niveau de scolarité a été défini de la façon suivante : pas de diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires, études postsecondaires partielles et diplôme d'études postsecondaires.
La situation à l'égard de la retraite, fondée sur la définition normalisée de la retraite de Statistique Canada (http://www.statcan.gc.ca/concepts/definitions/retirement-retraite-fra.htm), comprenait les catégories « pleinement retraité » et « non pleinement retraité ». Pour être considérée comme étant pleinement retraitée, une personne ne devait pas faire partie de la population active et devait avoir reçu un revenu de « sources associées à la retraite » au cours des 12 derniers mois19. Les personnes âgées de 75 ans et plus ont été exclues du module sur la population active de l'ESCC – Vieillissement en santé et, par conséquent, considérées comme étant pleinement retraitées aux fins de la présente analyse. Les sources de revenu associées à la retraite comprennent les dividendes et les intérêts, les prestations du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec, les pensions de retraite et les rentes d'employeurs, les REER ou les FERR, ainsi que la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti.
Le Health Utilities Index (HUI) Mark 3 évalue huit aspects de la santé fonctionnelle, à savoir la vision, l'ouïe, la parole, la mobilité, la dextérité, l'émotion, la cognition, et la douleur et l'inconfort20,21. Les cotes globales ont été réparties en quatre niveaux d'incapacité : aucune (1,00), légère (0,89 à 0,99), modérée (0,70 à 0,88) et grave (moins de 0,70).
Le nombre de facteurs de risque comportementaux tient compte de la consommation abusive d'alcool (cinq verres ou plus à une occasion au moins une fois par mois), de la situation d'usage du tabac (fumeur quotidien ou a cessé de fumer il y a moins de 15 ans) et de la sédentarité (cote inférieure à la moyenne sur l'échelle d'évaluation de l'activité physique des personnes âgées)22.
Le soutien social a été mesuré à partir de l'enquête sur le soutien social de l'Étude des issues médicales17, qui mesure le soutien social perçu plutôt que le soutien social réellement reçu. Toutes les questions servant à mesurer le soutien social comprennent un préambule standard : « Dans quelle mesure avez-vous accès aux types de soutien suivants quand vous en avez besoin? » Chaque question a reçu une cote correspondant à la fréquence à laquelle le soutien était disponible : jamais (cote de 0), rarement (1), parfois (2), la plupart du temps (3), et tout le temps (4).
- Le soutien social d'interactions sociales positives reflète la disponibilité de personnes avec qui avoir des interactions positives et a été mesuré à partir de quatre questions visant à savoir dans quelle mesure le participant à l'enquête a quelqu'un avec qui partager du bon temps, se détendre, faire des activités pour se distraire ou faire des choses agréables. La cote maximale était de 16.
- Le soutien social concret évalue la mesure dans laquelle le participant à l'enquête a quelqu'un pour lui fournir une aide matérielle ou instrumentale, et ce, à partir de quatre questions. On a demandé au participant s'il avait quelqu'un pour lui venir en aide s'il devait garder le lit, l'accompagner chez le médecin, lui préparer ses repas ou accomplir les tâches ménagères. La cote maximale était de 16.
- Le soutien social émotionnel ou informationnel concerne l'expression d'une affectivité positive, la compréhension empathique, l'encouragement à exprimer ses sentiments, et l'offre de conseils, d'orientation et de rétroaction. Son évaluation reposait sur huit questions visant à déterminer dans quelle mesure le participant à l'enquête a quelqu'un pour l'écouter, le renseigner ou le conseiller en situation de crise, quelqu'un en qui se confier et avec qui parler et quelqu'un qui comprend ses problèmes. La cote maximale était de 32.
- Le soutien social affectif réfère à l'expression d'amour et d'affection et a été évalué à partir de trois questions visant à déterminer dans quelle mesure le participant à l'enquête a quelqu'un pour lui témoigner de l'amour ou de l'affection, le serrer dans ses bras et lui donner le sentiment d'être désiré. La cote maximale était de 12.
Pour chaque composante du soutien social, une variable a été dérivée à partir de la somme des cotes obtenues aux questions individuelles. Chaque composante présentait une distribution de fréquences des réponses asymétrique vers les cotes supérieures. Afin de faciliter l'interprétation des données tirées des analyses unidimensionnelle et bidimensionnelle, chaque variable a été dichotomisée, de sorte que les participants à l'enquête dont les cotes se situaient dans le tercile inférieur de la distribution des fréquences ont été considérés comme recevant un faible soutien social (cote de 12 ou moins pour l'interaction positive, de 12 ou moins pour le soutien concret, de 25 ou moins pour le soutien émotionnel ou informationnel, et de 10 ou moins pour le soutien affectif). On a utilisé la forme continue (la somme) des cotes sur le soutien social dans les modèles de régression logistique multiple.
Techniques d'analyse
On a produit des fréquences et des totalisations croisées – pondérées, de manière qu'elles soient représentatives de la population de 65 ans et plus des provinces en 2008-2009 – afin d'estimer la prévalence de la participation sociale et celle des obstacles à la participation sociale parmi la population à domicile, et d'examiner les caractéristiques associées aux résultats en matière de santé et de bien-être (tableau A en annexe).
Des modèles de régression logistique ont servi à évaluer les associations entre le nombre d'activités sociales auxquelles les personnes participaient fréquemment et les mesures de la santé et du bien-être. Toutes les analyses regroupaient les hommes et les femmes dans le même échantillon. Une première série de modèles a tenu compte de l'effet du nombre d'activités sociales auxquelles la participation était fréquente, ainsi que de ceux de l'âge et du sexe. À une deuxième série de modèles, on a introduit des covariables sociodémographiques et de santé qui pourraient également être associées à la santé et au bien-être, à savoir le revenu du ménage, le niveau de scolarité, la situation à l'égard de la retraite, l'incapacité et les facteurs de risque comportementaux. Pour évaluer le rôle médiateur du soutien social, les modèles définitifs comprenaient les quatre composantes du soutien social. En raison de la présence éventuelle de multicolinéarité, chaque variable du soutien social a été introduite séparément dans les modèles entièrement corrigés. La présente étude porte uniquement sur les résultats des modèles définitifs.
Afin de tenir compte du plan de sondage complexe de l'ESCC, les erreurs-types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance ont été estimés par la méthode du bootstrap23,24. La signification statistique a été établie au seuil de p < 0,05.
Résultats
Soutien social lié à la santé et au bien-être
Dans l'ensemble, les personnes âgées au Canada avaient tendance à évaluer positivement leur état de santé et leur bien-être, plus des trois quarts d'entre elles ayant perçu leur santé comme bonne, très bonne ou excellente. Moins d'une personne sur cinq a été classée comme éprouvant de la solitude ou de l'insatisfaction à l'égard de la vie (tableau 1). Les aînés plus jeunes, à savoir les 65 à 74 ans, étaient plus susceptibles que les autres d'évaluer positivement leur état de santé et moins susceptibles d'éprouver de la solitude ou de l'insatisfaction à l'égard de la vie. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d'éprouver de la solitude.
Les personnes âgées ayant les niveaux de revenu du ménage et de scolarité les plus élevés qui n'étaient pas pleinement retraitées étaient plus susceptibles d'évaluer positivement leur état de santé et moins susceptibles d'éprouver de la solitude ou de l'insatisfaction à l'égard de la vie que leurs homologues pleinement retraités ayant des niveaux de scolarité et de revenu du ménage moins élevés.
Plus une incapacité était grave et le nombre de facteurs de risque comportementaux élevé chez les personnes âgées, moins leur évaluation de leur état de santé était susceptible d'être positive et plus elles étaient susceptibles de déclarer se sentir seules ou insatisfaites à l'égard de la vie.
De même, les personnes âgées ayant un faible soutien social étaient moins susceptibles d'évaluer positivement leur état de santé et plus susceptibles de se sentir seules et insatisfaites à l'égard de la vie que leurs homologues ayant un niveau élevé de soutien social.
Participation sociale fréquente
La majorité des personnes âgées (80 %) participaient fréquemment à au moins une activité sociale (tableau A en annexe). À mesure que le nombre d'activités auxquelles elles participaient augmentait, la probabilité d'une autoévaluation positive de leur état de santé augmentait et celle de déclarer éprouver de la solitude ou de l'insatisfaction à l'égard de la vie diminuait (tableau 1).
Les activités avec des membres de la famille ou des amis étaient déclarées le plus couramment, un peu plus de la moitié des hommes et des femmes âgés ayant participé fréquemment à ce type d'activité sociale (figure 1). Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de participer fréquemment aux activités avec des membres de la famille ou des amis, aux activités d'un groupe confessionnel, aux activités éducatives et à d'« autres » types d'activités, tandis que les hommes étaient plus susceptibles de participer fréquemment à des activités sportives. La participation à la plupart des types d'activités sociales diminuait aux âges plus avancés, sauf pour les activités d'un groupe confessionnel et les « autres » types d'activités (figure 2).
Les associations avec la santé et le bien-être persistent
Le nombre d'activités sociales auxquelles les personnes participaient fréquemment était fortement et significativement associé à chacun des résultats en matière de santé et de bien-être, peu importe l'âge et le sexe (données non présentées). Même après prise en compte des caractéristiques sociodémographiques et de santé, la relation entre la participation sociale et chacune des mesures de la santé et du bien-être persistait, bien qu'elle était atténuée (données non présentées).
Dans les modèles complets, chacun étant en outre corrigé de l'une des quatre composantes du soutien social, la relation entre la participation sociale et la santé et le bien-être était davantage atténuée, mais demeurait significative dans tous les cas, sauf un (tableau 2). Lorsque les effets de l'interaction sociale positive étaient pris en compte, la participation sociale ne comportait pas d'association significative avec la solitude. Dans tous les autres cas, un gradient était apparent dans les rapports de cotes pour chaque augmentation du nombre d'activités, mais à des degrés divers, selon le résultat. Les liens étaient significatifs entre chacune des composantes du soutien social et les différents résultats en matière de santé et de bien-être, sauf entre l'affection et l'autoévaluation positive de l'état de santé.
Dans une analyse multidimensionnelle corrigée de l'âge, du sexe et des caractéristiques sociodémographiques et de santé (mais non du soutien social), certains facteurs qui étaient significatifs dans l'analyse bidimensionnelle, comme le revenu, l'incapacité et les comportements influant sur la santé (tableau 1), sont demeurés associés de façon significative à chacun des résultats pour la santé et le bien-être; toutefois, le niveau de scolarité et la situation à l'égard de la retraite comportaient une association significative uniquement avec l'autoévaluation de l'état de santé (données non présentées). Après introduction dans le modèle des composantes du soutien social, les résultats pour les covariables sociodémographiques et de santé étaient similaires, mais l'association entre le revenu du ménage et la solitude ne demeurait significative que pour la catégorie de revenu supérieur.
Obstacles à la participation sociale
Près d'une personne âgée sur quatre (24 %) a déclaré qu'elle aurait aimé participer à un plus grand nombre d'activités sociales, récréatives, ou de groupe au cours de la dernière année. Les personnes âgées les plus jeunes et les femmes étaient plus susceptibles que les autres d'éprouver ce sentiment (tableau 3).
L'obstacle le plus couramment mentionné à la participation à un plus grand nombre d'activités était une limitation attribuable à l'état de santé (hommes 33 %, femmes 35 %). Le fait d'être trop occupé représentait une autre raison principale, mais davantage parmi les hommes (28 %) que les femmes (16 %). Les responsabilités personnelles ou familiales empêchaient environ une personne âgée sur dix de participer à un plus grand nombre d'activités. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de déclarer ne pas vouloir participer seules à une activité (17 % par rapport à 9 %) ou de mentionner des problèmes liés au transport (11 % par rapport à 4 %).
La participation sociale n'est peut-être pas simplement une question de choix, d'autres facteurs pouvant intervenir. Par exemple, les coûts, s'il y en a, le lieu et l'heure d'une activité et la distance à parcourir pour s'y rendre sont autant de facteurs qui peuvent influer sur la participation aux activités sociales. Des obstacles semblables à ceux-ci ont été mentionnés par 4 % à 9 % des Canadiens âgés.
Discussion
Les résultats de la présente étude appuient ceux d'autres études2-14 ayant montré que les relations sociales comportent une association significative avec la santé et le bien-être, sans égard aux facteurs sociodémographiques et de santé. Dans des recherches antérieures, chacune des mesures examinées dans la présente étude, à savoir l'autoévaluation de l'état de santé25, la solitude26, et l'insatisfaction à l'égard de la vie27, a été liée à un mauvais état de santé et à la mortalité.
Même si le niveau optimal de participation sociale varie en fonction de la personne, il semble exister un gradient ou une relation dose-réponse. Plus le nombre d'activités sociales pratiquées fréquemment est important, plus la cote exprimant la possibilité d'une autoévaluation positive de l'état de santé est élevée et plus la cote exprimant le risque d'éprouver de la solitude et de l'insatisfaction à l'égard de la vie est faible. Cette observation est cohérente avec les recherches qui ont déterminé que les personnes âgées ayant les réseaux sociaux les plus étendus jouissent d'un grand bien-être28.
Bien qu'elles s'atténuaient, les associations entre la participation sociale et la santé et le bien-être persistaient lorsque les effets des facteurs sociodémographiques et de santé étaient pris en compte. Celles-ci s'atténuaient davantage lorsqu'on introduisait le soutien social dans les modèles, mais en général, elles se maintenaient. Toutefois, après prise en compte de l'interaction sociale positive, la relation entre la participation sociale fréquente et la solitude n'était plus significative.
Les éléments de l'interaction sociale positive, l'une des composantes du soutien social (avoir quelqu'un avec qui partager du bon temps, se détendre, faire des activités pour se distraire ou faire des choses agréables), semblent étroitement liés à la participation sociale. Toutefois, la participation sociale et l'interaction sociale positive étaient seulement faiblement corrélées (corrélation de Pearson de 0,20), ce qui montre qu'on ne peut attribuer la relation entre les éléments de cette dernière et la participation sociale à la multicolinéarité. Ainsi, la mesure de l'interaction utilisée ici (le nombre d'activités pratiquées fréquemment) et la disponibilité perçue d'interactions sociales positives ne sont pas des concepts interchangeables.
Certaines recherches laissent supposer que c'est la qualité et non la quantité des réseaux sociaux qui fait une différence dans la relation avec la santé et le bien-être2,9,29-32. Dans la présente étude, les composantes du soutien social perçu ont servi à évaluer la qualité des interactions sociales. On a observé que les associations sont partiellement ou entièrement attribuables au soutien social, et que les composantes individuelles du soutien social comportent elles-mêmes une association indépendante avec les mesures de la santé et du bien-être. Ainsi, les résultats de l'étude vont dans le sens de cette hypothèse.
Les associations étroites entre la participation sociale et la santé et le bien-être font ressortir l'importance d'examiner les obstacles rencontrés par près du quart des personnes âgées, qui ont déclaré souhaiter participer à un plus grand nombre d'activités sociales.
Limites
La présente étude étant transversale, la possibilité d'un rapport de causalité inverse ne peut être écartée. En d'autres mots, les personnes en mauvaise santé sont peut-être incapables de maintenir une participation sociale, et celles qui ont des échanges sociaux fréquents jouissent peut-être d'une meilleure santé. Peu importe, le lien entre la participation sociale et la santé et le bien-être persistait, même une fois l'état de santé fonctionnel pris en compte. Certaines études longitudinales ont abouti à des résultats similaires33,34.
Il se peut que les personnes en mauvaise santé bénéficient quand même d'une participation sociale, davantage peut-être que les autres. Toutefois, les résultats des tests utilisés pour vérifier les effets de l'interaction entre le niveau d'incapacité et la participation sociale dans les modèles sur les résultats en matière de santé et de bien-être n'étaient pas significatifs dans la présente analyse (données non présentées). Par ailleurs, il est probable qu'il existe des effets réciproques entre la participation sociale et la santé et le bien-être2, selon lesquels une meilleure santé permet une plus grande participation sociale, laquelle contribue à son tour à améliorer ou à maintenir la santé, ce qui permet de maintenir ou d'accroître le niveau de participation sociale.
Les personnes âgées vivant dans les établissements de soins ont été exclues de l'enquête. Toutefois, une étude des personnes âgées vivant en établissement a donné des résultats similaires35. Plus précisément, elle a conclu que les personnes âgées qui participaient à des activités sociales et récréatives étaient plus susceptibles que celles qui ne le faisaient pas d'évaluer positivement leur état de santé.
Les participants à l'enquête n'ont pas été interrogés au sujet des activités sociales pratiquées grâce à Internet ou aux médias sociaux. Chez les personnes âgées, l'Internet a tendance à servir à la communication36 et la recherche a établi un lien entre son utilisation et des niveaux de solitude plus faibles37. L'exclusion des activités en ligne de la présente étude peut avoir entraîné une sous-estimation chez les personnes âgées tant de la participation sociale que de l'ampleur des associations entre celle-ci et la santé et le bien-être.
Conclusion
Selon l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Vieillissement en santé menée en 2008-2009, le cinquième des personnes âgées ne participent pas à des activités sociales de façon fréquente. Les résultats de la présente analyse font ressortir l'importance d'une participation sociale fréquente pour le maintien de la qualité de vie. Les obstacles à la participation sociale déclarés par les personnes âgées, en particulier, sont pertinents pour l'élaboration de politiques et de programmes. À l'avenir, les recherches pourraient être axées sur la fréquence de la participation sociale, mais aussi sur la satisfaction des personnes âgées à l'égard de cette participation et ses associations longitudinales avec la santé et le bien-être.
Remerciements
Statistique Canada remercie tous les participants de l'aide et des conseils fournis lors de l'élaboration de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Vieillissement en santé. Le contenu de l'enquête a été élaboré par la Division de la statistique de la santé de Statistique Canada, de concert avec Santé Canada, l'Agence de la santé publique du Canada et des experts de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ELCV), une initiative stratégique importante des Instituts de recherche en santé du Canada. Ont pris part aux consultations des partenaires de Ressources humaines et Développement social Canada et des ministères provinciaux et territoriaux de la Santé. L'ajout de 5 000 participants de 45 à 54 ans a été financé par l'ELCV.
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