Géozones : Méthode fondée sur la région géographique pour l'analyse des résultats pour la santé

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Par Paul A. Peters, Lisa N. Oliver et Gisèle M. Carrière

Les ensembles de données administratives qui comprennent des renseignements concernant l'utilisation des services de santé et des événements comme les naissances ou les décès sont des outils utiles pour la recherche sur la santé des populations. Toutefois, de tels ensembles de données manquent souvent d'information concernant les déterminants de la santé (p. ex. , revenu et niveau de scolarité) et les caractéristiques individuelles (p. ex. , identité autochtone ou pays de naissance), qui peut être importante pour comprendre les disparités en matière de santé à l'intérieur de certains groupes et entre eux. Le présent article décrit la méthode des géozones qui sert à calculer des seuils de caractéristiques de population fondés sur la région géographique à partir des résultats du recensement, qui peut être appliquée aux données administratives en vue de l'analyse des inégalités dans les résultats pour la santé, de l'utilisation des services de santé ou des caractéristiques sociales.

Comparativement aux mesures au niveau individuel, les indicateurs fondés sur la région géographique ont comme avantage qu'ils permettent : de tenir compte de la population totale d'une région géographique; de produire des estimations statistiquement fiables et cohérentes; de déceler les différences entre les groupes et d'assurer un suivi au fil du temps et selon l'emplacement géographique1. Les études fondées sur la région géographique des rapports entre les différences de revenu du quartier et les résultats pour la santé au Canada ont fait ressortir des différences quant aux blessures, à la mortalité, à l'espérance de vie et aux années potentielles de vie perdues2-7. On a appliqué le concept des géozones dans des analyses antérieures de régions géographiques comportant de fortes concentrations d'immigrants8, de membres des Premières nations9-12 et d'Inuits13,14.

Les géozones découlent d'une analyse de ségrégation résidentielle et du calcul de profils de seuils de concentration spatiale15,16. La proportion d'un sous-groupe de population dans une région géographique est comparée avec celle du reste de la population ou d'autres sous-groupes de population de la même région. Les définitions de seuil en résultant peuvent être utilisées pour des analyses comparatives de régions comportant différents niveaux de concentration d'une caractéristique particulière17.

Le présent article décrit la méthode de calcul des géozones, qui repose sur des exemples de concentrations de populations d'identité autochtone et de quintiles de revenu.

Méthodes

Les géozones sont fondées sur des proportions de populations et sur la comparaison de différentes populations à l'intérieur de régions déterminées, dont les résultats servent à créer une typologie de concentration de population pour un niveau donné d'agrégation géographique.

La première étape consiste à calculer des tableaux de seuils pour un sous-groupe particulier et un groupe de comparaison à un niveau donné d'agrégation géographique. Au Canada, on utilise le plus couramment à cette fin les aires de diffusion (AD), les secteurs de recensement (SR) ou les subdivisions de recensement (SDR).

À la deuxième étape, on trace des courbes de concentration pour montrer la répartition du sous-groupe entre des seuils déterminés et pour établir des seuils possibles de concentration faible ou élevée18. Ces courbes fournissent une représentation visuelle des concentrations de population, qui aide à sélectionner un quantile de seuil approprié.

En troisième lieu, à partir de l'examen des tableaux de seuils et des courbes de concentration, on divise la population en quantiles (terciles, quintiles, déciles, etc. ). Cette définition de quantile sert de base aux géozones. Les fourchettes de concentration à l'intérieur du quantile choisi représentent une typologie pour la comparaison de régions comportant des concentrations différentes du sous-groupe d'intérêt.

Quatrièmement, étant donné que certaines analyses visent à comparer des régions géographiques comportant des pourcentages faible ou élevé d'un sous-groupe particulier, des tableaux de classification de quantiles sont créés pour déterminer des seuils appropriés.

Unité géographique d'analyse

La sélection de l'unité géographique d'analyse dépend de la répartition du sous-groupe d'intérêt et de la région globale examinée. Le niveau d'agrégation géographique qui est choisi influence l'interprétation des résultats. Par exemple, les régions plus petites ont comme avantage qu'elles affichent une variation plus grande et qu'elles permettent peut-être de mieux discerner la concentration locale, mais elles sont plus susceptibles de produire des associations factices19. Par ailleurs, les difficultés liées à l'obtention de chiffres de population appropriés peuvent faire en sorte que les unités géographiques plus grandes sont préférables.

La présente étude utilise les AD, qui sont constituées d'un ou de plusieurs îlots urbains ou régions rurales comptant une population de 400 à 700 habitants20. On a choisi l'AD parce qu'elle comporte une couverture complète et qu'il s'agit de l'unité géographique la plus petite pour laquelle des caractéristiques de la population et des logements tirées du recensement sont diffusées.

Dans le présent article, les données du recensement, selon l'auto-identification comme Indien de l'Amérique du Nord, Métis ou Inuit et selon le quintile de revenu, sont examinées au niveau de l'AD. Le terme « membres des Premières nations » sert à désigner les répondants du recensement qui se sont identifiés comme Indiens de l'Amérique du Nord. Les quintiles de revenu sont fondés sur le revenu moyen du ménage au niveau national. Même si les AD totalisaient 54 626 en 2006, la présente analyse est fondée sur un chiffre un peu plus faible, à savoir 52 973 AD pour lesquelles on disposait de la proportion de résidents ayant déclaré une identité autochtone ou d'une population suffisamment importante pour calculer des quintiles de revenu. L'identité autochtone et le quintile de revenu n'ont pu être déterminés pour les AD comptant moins de 40 habitants, celles comportant un niveau global élevé de non-réponse et pour les réserves indiennes partiellement dénombrées.

Tableaux de seuils

La méthode des tableaux de seuils s'est révélée une façon robuste de comparer des concentrations de sous-groupes au niveau régional17,21,22. Elle permet la production de tableaux et de cartes montrant où les sous-groupes constituent une majorité, sont dominants (modal) ou dépassent des niveaux de concentration définis17. Il s'agit aussi de la première étape de la création d'une typologie, selon laquelle les régions sont classées en fonction de la proportion du sous-groupe d'intérêt16. La méthode des géozones décrite ici utilise les profils de seuils pour comparer les résultats pour la santé dans des régions comportant des concentrations différentes du sous-groupe.

Pour chaque sous-groupe d'intérêt, on calcule la proportion qu'il représente de la population totale pour chaque unité géographique (AD). Pour mesurer la concentration de ce sous-groupe, on calcule la proportion vivant dans des régions géographiques comptant un pourcentage donné de personnes du même groupe. En changeant le dénominateur de ce calcul, il est possible de mesurer la proportion d'un sous-groupe qui vit dans des régions géographiques comptant un pourcentage donné de personnes appartenant à un sous-groupe différent, c'est-à-dire l'exposition d'un sous-groupe à un autre.

Courbes de concentration

Les courbes de concentration illustrent la proportion de sous-groupes dans des régions géographiques selon des seuils déterminés21. Les courbes de concentration sont créées en traçant chaque ligne des tableaux de seuils. Ces courbes servent à déterminer si les seuils choisis sont valides et si les régions géographiques représentent le sous-groupe d'intérêt. Même si cette étape n'est pas essentielle, la présentation simultanée de la couverture et de la concentration est utile pour comprendre le sous-groupe examiné.

Définition de quantile

La fourchette de quantiles influence l'interprétation des résultats et dépend du modèle descriptif ou analytique. La définition de quantile catégorise les régions géographiques selon qu'elles ont des pourcentages faible ou élevé du sous-groupe. Par définition, chaque quantile comprend un pourcentage égal du sous-groupe, mais un nombre inégal de régions géographiques (dans ce cas, les AD).

On calcule les quantiles en classant les régions géographiques, de celles ayant le pourcentage le plus faible à celles ayant le pourcentage le plus élevé d'un sous-groupe de population. La première catégorie de région géographique qui comprend le pourcentage souhaité (le tiers, le cinquième, etc.) de personnes du sous-groupe est codée 1, la deuxième est codée 2, etc. , jusqu'à ce que toutes les régions géographiques soient codées selon le nombre de quantiles choisi. On a recours le plus souvent aux quintiles, même si des terciles, quartiles, etc. peuvent aussi être utilisés. La sélection du quantile peut être limitée par la taille du sous-groupe et par la fréquence du résultat évalué (p. ex. , incidence de l'hospitalisation ou du cancer). La sélection du quantile peut aussi être influencée par la caractéristique ou le déterminant à l'étude. Dans le cas des caractéristiques individuelles, comme l'identité autochtone, l'objectif peut être de comparer des régions comportant un faible pourcentage ou un pourcentage élevé, mais pour ce qui est des déterminants de la santé, comme le revenu ou le niveau de scolarité, l'objectif peut être d'examiner les gradients de la concentration.

Préparation des données

L'élaboration des géozones nécessite une préparation soigneuse des données. D'un point de vue épidémiologique, il est essentiel que l'ensemble de la population à risque soit incluse dans l'analyse. Ainsi, il est important de disposer d'un numérateur et d'un dénominateur appropriés. Les données administratives sur la santé (numérateur) comportant une couverture de population complète, comme les certificats de décès, les hospitalisations en soins de courte durée et les statistiques du registre du cancer, devraient être couplées aux dénominateurs qui comportent aussi une couverture complète de la population, par exemple, les chiffres de population d'une région selon l'âge et le sexe qui comprennent les personnes résidant en établissement.

Résultats

Identité autochtone

Le tableau 1 montre les concentrations de seuil pour la population du même groupe de toutes les identités autochtones combinées, les membres des Premières nations, les Métis, les Inuits et les non-Autochtones. Les en-têtes des colonnes indiquent le pourcentage que représente la population du même groupe dans la population totale de l'AD, par seuil de décile. Les lignes montrent la proportion du groupe résidant dans des AD comptant le pourcentage indiqué de la population du même groupe. Par exemple, en 2006, 38 % des Autochtones vivaient dans des AD où moins de 10 % de la population avait déclaré une identité autochtone. Toutefois, 26 % des Autochtones vivaient dans des AD où plus de 90 % de la population avait déclaré une identité autochtone. En comparaison, 95 % de la population non autochtone vivait dans des AD où plus de 90 % de la population s'identifiait comme non autochtone. Les différences dans les profils de concentration des membres des Premières nations, des Métis et des Inuits au tableau 1 font ressortir l'importance d'étudier chaque groupe séparément.

Tableau 1 Concentration de groupes d'identité autochtone et de population non autochtone, selon le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), zones d'influence métropolitaine et sans influence métropolitaine, Canada, 2006Tableau 1 Concentration de groupes d'identité autochtone et de population non autochtone, selon le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), zones d'influence métropolitaine et sans influence métropolitaine, Canada, 2006

Lorsque l'on tient compte du degré d'influence métropolitaine, la situation diffère. Dans les zones d'influence métropolitaine, seulement 8 % de la population autochtone vivait dans des AD où plus de 90 % de la population avait déclaré une identité autochtone. Par contre, dans les régions sans influence métropolitaine, 60 % de la population autochtone vivait dans des AD dont plus de 90 % de la population avait déclaré une identité autochtone. Les résultats diffèrent entre les trois groupes d'identité autochtone et pour la population non autochtone. Par exemple, les membres des Premières nations étaient beaucoup plus concentrés dans les zones sans influence métropolitaine (70 % vivaient dans des AD où plus de 90 % de la population s'identifiait comme appartenant aux Premières nations) qu'ils ne l'étaient dans les zones d'influence métropolitaine (13 % vivaient dans des AD où plus de 90 % de la population s'identifiait comme appartenant aux Premières nations).

Se déplacer entre les colonnes de pourcentages fait passer l'accent de la concentration à l'exposition, c'est-à-dire la mesure dans laquelle les sous-groupes vivent dans les régions affichant un pourcentage déterminé d'un autre groupe de population. Le tableau 2 montre les proportions de personnes s'identifiant comme appartenant aux groupes d'identité autochtone qui vivent dans des régions comportant des pourcentages variés de non-Autochtones. Par exemple, 56 % des Inuits, mais seulement 3 % des Métis, vivaient dans des AD où moins de 10 % de la population totale n'avait déclaré aucune identité autochtone.

Tableau 2 Exposition des groupes d'identité autochtone à la population non autochtone, selon le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), zones d'influence métropolitaine et sans influence métropolitaine, Canada, 2006Tableau 2 Exposition des groupes d'identité autochtone à la population non autochtone, selon le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), zones d'influence métropolitaine et sans influence métropolitaine, Canada, 2006

Quintiles de revenu

Les tableaux de seuils ont aussi été élaborés en fonction de la concentration et de l'exposition de la population par quintile de revenu du ménage.

Le tableau 3 montre que les concentrations de personnes appartenant aux quintiles de revenu le plus élevé (Q5) et le plus faible (Q1) étaient les plus fortes. Par exemple, 10 % des personnes du quintile de revenu du ménage le plus faible et 9 % de celles du quintile le plus élevé vivaient dans des AD où plus de 60 % de la population appartenait au même quintile (la somme des quatre colonnes allant de >60 % à 100 %). Moins de 1 % de la population des trois autres quintiles de revenu du ménage vivait dans des AD où plus de 60 % de la population appartenait au même quintile.

Tableau 3 Concentration de la population, selon le quintile de revenu du ménage et le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006Tableau 3 Concentration de la population, selon le quintile de revenu du ménage et le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006

Le tableau 4 montre l'exposition des personnes se situant dans les quatre premiers quintiles de revenu du ménage (Q1 à Q4) aux personnes réparties dans le quintile le plus élevé (Q5). Seulement 1 % des personnes du quintile de revenu du ménage le plus faible (Q1) vivaient dans des AD où au moins 50 % de la population appartenait au quintile le plus élevé (Q5). En fait, plus de la moitié (55 %) des personnes du quintile de revenu le plus faible (Q1) vivaient dans des AD où un faible pourcentage (moins de 10 %) de la population appartenait au quintile de revenu le plus élevé (Q5). Par comparaison, 43 %, 34 %, et 25 %, respectivement, des personnes se situant dans les quintiles 2, 3 et 4 (Q2, Q3 et Q4) vivaient dans des AD où moins de 10 % de la population appartenait au quintile de revenu le plus élevé.

Tableau 4 Exposition des quintiles de revenu du ménage plus faibles au quintile de revenu du ménage le plus élevé, selon le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006Tableau 4 Exposition des quintiles de revenu du ménage plus faibles au quintile de revenu du ménage le plus élevé, selon le seuil de décile de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006

Tracé de la concentration et de l'exposition

À partir des quatre tableaux de seuils (tableaux 1 à 4), on peut tracer des courbes de concentration pour les divers groupes d'identité autochtone et de revenu du ménage.

La partie supérieure de la figure 1 montre la courbe de concentration de la population pour les groupes d'identité autochtone, selon les seuils de même groupe, au niveau de l'AD (cinq premières lignes du tableau 1). Une forme en U distincte ressort dans la répartition des membres des Premières nations et des Inuits, des proportions importantes affichant une faible concentration (vivant dans des AD comptant de faibles pourcentages de personnes du même groupe) ou une forte concentration (vivant dans des AD comptant des pourcentages élevés de personnes du même groupe). Ce degré de concentration n'a pas été noté pour les Métis, dont la majorité vivait dans des AD comptant un faible pourcentage de Métis. La population non autochtone, en revanche, montrait une très forte concentration – 95 % vivant dans des AD où plus de 90 % de la population n'était pas autochtone. La partie du bas de la figure 1 montre l'exposition des groupes d'identité autochtone à la population non autochtone (quatre premières lignes du tableau 2).

Figure 1 Concentration et exposition des groupes d'identité autochtone et de la population non autochtone, selon le seuil de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006Figure 1 Concentration et exposition des groupes d'identité autochtone et de la population non autochtone, selon le seuil de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006

Dans la figure 2, la concentration et l'exposition de la population selon le quintile du revenu du ménage sont fournies selon les seuils de revenu de l'AD. La partie du haut montre les profils de concentration de chaque groupe de quintile de revenu du ménage (lignes du tableau 3), la concentration des personnes appartenant aux quintiles de revenu le plus élevé et le plus faible étant plus forte que celle des personnes se situant dans les autres quintiles. La partie du bas (lignes du tableau 4) montre que les personnes du quintile de revenu du ménage le plus faible étaient moins exposées à la population du quintile de revenu le plus élevé que les personnes des quintiles 2, 3 ou 4 (Q2, Q3 ou Q4).

Figure 2 Concentration et exposition des groupes de quintile de revenu du ménage, selon le seuil de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006Figure 2 Concentration et exposition des groupes de quintile de revenu du ménage, selon le seuil de l'aire de diffusion (AD), Canada, 2006

Les figures 1 et 2 illustrent comment les répartitions des caractéristiques individuelles, comme l'identité autochtone (la concentration et l'exposition ont une répartition en forme de U), diffèrent des répartitions des déterminants de la santé, comme les quintiles de revenu (la concentration et l'exposition figurent comme gradient).

Sélection des seuils

Le tableau 5 montre une autre étape du calcul de statistiques de classification de quantiles – les seuils, la couverture et la concentration de la population déclarant une identité autochtone. Chaque ligne successive fait augmenter le seuil de population, diminuer la couverture et augmenter la concentration de la population autochtone. Par exemple, un seuil de 0,10 (1er décile) comprend 20 114 AD où, collectivement, 2 % de la population a déclaré une identité autochtone (98 % de la population a déclaré une identité non autochtone). Par comparaison, un seuil de 0,90 (10e décile) comprend seulement 363 AD où, collectivement, 98 % de la population a déclaré une identité autochtone.

Tableau 5 Statistiques de classification des quintiles (vingtiles), population d'identité autochtone, Canada, 2006Tableau 5 Statistiques de classification des quintiles (vingtiles), population d'identité autochtone, Canada, 2006

Les données de ce tableau peuvent servir à sélectionner un seuil approprié pour les quantiles, dans les cas où les catégories supérieures comprennent des proportions plus grandes du sous-groupe. Par exemple, au seuil de 0,80, 94 % de la population a déclaré une identité autochtone. En comparaison, au seuil de 0,75, 82 % de la population a déclaré une identité autochtone, et au seuil de 0,70, 50 % l'a fait.

La définition donnée aux géozones autochtones dans le présent document repose sur des quintiles, le seuil de 0,80 correspondant au quintile le plus élevé (94 % de la population de ces AD ont déclaré une identité autochtone). Sur la base de ces résultats, on peut se représenter la carte des quintiles d'identité autochtone (figure 3). Au niveau national, les AD du 5e quintile (plus de 80 % de la population a déclaré une identité autochtone) étaient principalement situées dans des régions rurales, dans le nord des grands centres urbains et principalement dans le centre et l'ouest du pays. Les AD du 4e quintile, qui comptaient aussi un pourcentage important de résidents ayant déclaré une identité autochtone (>60 % à 80 % de la population), étaient plus nombreuses dans les régions urbaines. Par exemple, la répartition des quintiles d'AD autochtones dans la région urbaine de Winnipeg (figure 4) montre une forte concentration, une grappe d'AD dans le nord de la ville étant classée dans le 4e quintile.

Figure 3 Aires de diffusion dans le quintile autochtone supérieur (5e), Canada, 2006Figure 3 Aires de diffusion dans le quintile autochtone supérieur (5e), Canada, 2006

Figure 4 Quintiles autochtones, selon l'aire de diffusion, région urbaine de Winnipeg, 2006Figure 4 Quintiles autochtones, selon l'aire de diffusion, région urbaine de Winnipeg, 2006

Limites

Le concept des géozones traite chaque unité géographique comme une entité distincte et laisse de côté la composition de la population des unités adjacentes. Toutefois, la définition administrative des unités peut ne pas rendre compte des différences dans la composition de la population, une AD comptant un pourcentage élevé d'un sous-groupe pouvant être située à côté d'une autre AD comportant un pourcentage aussi élevé du même groupe. Par exemple, la carte de Winnipeg (figure 4) montre un regroupement considérable d'AD comptant un pourcentage élevé d'Autochtones. Par conséquent, le niveau de concentration relatif à certains groupes peut être plus ou moins élevé que ne le laisse supposer la méthode des géozones, puisque l'agrégation d'AD voisines utilisant des configurations spatiales différentes pourraient modifier le niveau de concentration.

L'inclusion de seuils dans les modèles linéaires doit se faire avec précaution, étant donné que toute erreur spatiale non précisée peut biaiser les résultats23. On peut en tenir compte en vérifiant le degré d'autocorrélation spatiale aux niveaux local et global et en incluant un rajustement spatial dans le calcul24.

Les méthodes spatiales de détection de grappes locales, comme les « points chauds » de Getis et Ord ou l'indice I de Moran, pourraient aussi servir à déterminer des concentrations de groupes de population. Toutefois, ces techniques sont axées sur la répartition d'une population dans une région locale plutôt que sur la détermination de régions géographiques particulières de concentration. Ainsi, les résultats seraient complémentaires et pourraient être utilisés en combinaison avec la méthode des géozones pour mieux comprendre la répartition spatiale d'une population.

Le plus souvent, on peut se servir des répartitions nationales de la population  aux fins du calcul des géozones pour créer des courbes de concentration et des seuils8. Toutefois, les seuils calculés au niveau national peuvent favoriser certaines parties du pays par rapport à d'autres. Par exemple, les seuils d'immigrants fondés sur des répartitions nationales excluraient une part importante de la région de l'Atlantique, malgré quelques concentrations d'immigrants ça et là. Une modification de la méthode pour qu'elle repose sur les répartitions de la population propres à une région paticulière donnerait des seuils différents pour chaque région plus petite. Même si cela pouvait profiter à la recherche axée sur une région géographique infranationale particulière (p. ex. , le Manitoba ou Winnipeg), les résultats ne seraient pas comparables au niveau national.

Les résultats des analyses qui utilisent des seuils de populations d'identité de Premières nations, de Métis ou d'Inuits ou de groupes de minorité ethnique ne peuvent pas nécessairement être généralisés à l'ensemble de la population d'intérêt. De façon plus particulière, les caractéristiques de la population des AD où un pourcentage élevé de la population s'identifie comme appartenant aux Premières nations, aux Métis ou aux Inuits peuvent différer des caractéristiques de la population des AD où le pourcentage de la population locale ayant une identité autochtone est faible. Par ailleurs, les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits ont des profils différents de concentration géographique et l'agrégation dans une seule catégorie autochtone doit être interprétée en conséquence. De façon plus particulière, la concentration géographique des Métis a tendance à être faible, ce qui fait que cette approche produira probablement une concentration insuffisante de régions à pourcentage élevé de Métis. Par contre, 78 % des Inuits vivent dans l'une des 53 collectivités de la zone de règlement des revendications territoriales de l'Inuit Nunangat25.

L'intégration de données administratives sur la santé à des seuils calculés au niveau de l'AD nécessite un codage précis selon les codes géographiques du recensement. Grâce à des outils comme le Fichier de conversion des codes postaux (FCCP+), les dossiers administratifs comprenant des codes postaux peuvent faire l'objet d'un géocodage automatique à partir des identificateurs du recensement ou d'autres identificateurs administratifs26.

Même si cela ne figure pas ici, il est possible de calculer des seuils pour plusieurs années de recensement et de suivre les changements au fil du temps dans la concentration des sous-groupes. Comme la concentration géographique peut changer de façon significative, les analyses doivent utiliser l'année de seuil appropriée et tenir compte des changements possibles dans la population sous-jacente.

Conclusion

La plupart des bases de données administratives sur la santé au Canada ne comprennent pas de données socioéconomiques ou de données sur l'identité ethnique. Par conséquent, il n'est pas possible de rendre compte de l'utilisation des services de santé, de la morbidité ou de la mortalité pour des sous-groupes de population. Toutefois, des méthodes géographiques peuvent servir à obtenir ces données et à analyser les rapports entre les résultats pour la santé, l'utilisation des services de santé et les caractéristiques socioéconomiques pour les régions où il existe des concentrations élevées de ces sous-groupes. La technique des géozones est une méthode d'identification des régions comportant des concentrations faible ou élevée de caractéristiques de population particulières et de gradients de déterminants socioéconomiques.

Remerciements

Nous sommes reconnaissants à Russell Wilkins pour son aide, ainsi que pour ses conseils et sa révision du manuscrit. La méthode des géozones a été utilisée précédemment à Statistique Canada pour mesurer l'espérance de vie et les indicateurs de la santé dans les régions peuplées par les Inuits au Canada, en partenariat avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et Santé Canada.