Tendances de la prévalence du cancer au Canada

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Par Larry F. Ellison et Kathryn Wilkins

La mesure de la prévalence, qui sert à étudier le fardeau de la maladie dans une population, est l'une des pierres angulaires de la surveillance du cancer. Des estimations de la prévalence selon la durée, qui intègrent le temps écoulé depuis le diagnostic, peuvent servir de mesure approximative des besoins de soins particuliers. Cela vient du fait que le temps écoulé après le diagnostic de cancer comporte un lien étroit avec l'étape du continuum de soins. Les cas diagnostiqués au cours des dix dernières années constituent l'essentiel de la demande de services de soins de santé. Au cours des deux premières années, les services incluront probablement le traitement principal et les soins de soutien permettant de récupérer de ses effets puis, les trois années suivantes, une évaluation clinique étroite de la récidive et, les cinq années suivantes, un suivi moins intense1,2. Des estimations propres au cancer sont utiles dans la planification des soins de santé, les besoins de services des survivants au cancer variant selon les types particuliers de cancer.

Les tendances des taux de prévalence du cancer font ressortir la dynamique de l'augmentation, de la diminution ou de la stabilité des cas de cancer dans la population et, ainsi, peuvent servir à planifier l'affectation des ressources de diagnostic, de traitement et de soins1,3. Les tendances de la prévalence fournissent aussi des données fondamentales pour faire des projections.

Au Canada, le taux de diagnostic des nouveaux cas de cancer continue d'augmenter4 et le taux de survie est aussi en hausse5-7.  Une étude récente fournit un rapport détaillé de la prévalence du cancer au Canada en date du 1er janvier 20058. Toutefois, les tendances de la prévalence du cancer sont rarement publiées et, jusqu'à maintenant, ne sont pas déclarées pour l'ensemble du Canada.

Le présent article montre les tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans, pour tous les cancers combinés et pour plus d'une vingtaine des cancers les plus fréquents. Afin d'évaluer le rôle que joue le vieillissement de la population à l'égard de l'évolution des taux de prévalence, les données ont été normalisées selon l'âge. Dans le cas des cancers les plus répandus, les données sont examinées par groupe d'âge. 

Méthodes

Sources des données

Les données sur l'incidence du cancer sont tirées de la version de janvier 2011 du Registre canadien du cancer (RCC), une base de données dynamique axée sur la personne et représentative de la population, qui est tenue à jour par Statistique Canada. Le RCC comprend des renseignements sur les cas diagnostiqués depuis 1992, tirés des rapports de tous les registres provinciaux et territoriaux du cancer. Les données sur la mortalité sont tirées de la Base canadienne de données de l'état civil – Décès, qui est aussi tenue à jour par Statistique Canada. Les données sur les décès sont fondées sur les renseignements fournis par les registraires de l'état civil dans chaque province et territoire. Les estimations de la population sont tirées du Compendium des estimations démographiques de 2010 de Statistique Canada9.

Techniques d'analyse

Un fichier comprenant les enregistrements des cas de cancer invasif et des cas de cancer in situ de la vessie (ces derniers sont déclarés par chaque province et territoire, sauf l'Ontario) a été créé selon les règles de codage des tumeurs primaires multiples du Centre international de recherche sur le cancer10. Les cas de cancer ont été classés en se fondant sur la Classification internationale des maladies pour l'oncologie, 3e édition11 et groupés en fonction des définitions du Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER) Program, les mésothéliomes et les sarcomes de Kaposi étant présentés séparément12.

Le suivi de la mortalité jusqu'au 31 décembre 2007 inclusivement a été réalisé par couplage avec la Base canadienne de données de l'état civil – Décès (excluant les décès enregistrés dans la province de Québec) et d'après les renseignements déclarés par les registres provinciaux et territoriaux du cancer. Dans le cas d'un décès déclaré par un registre provincial, mais non confirmé par couplage d'enregistrements, on a supposé que la personne était décédée à la date indiquée par le registre déclarant. Lorsque, dans le cas d'un décès dont on savait qu'il était survenu, la date de décès manquait complètement (0,02 % des décès), on a supposé que le décès avait eu lieu après le 31 décembre 2007.

La prévalence fondée sur la tumeur a été déterminée directement par la méthode du comptage13,14. On a compté toutes les premières tumeurs invasives primaires ou les tumeurs invasives primaires subséquentes (y compris les cas de cancer in situ de la vessie) chez les personnes en vie à une date indice donnée, qui avaient été diagnostiquées au cours de la période de référence. Par exemple, on a estimé la prévalence sur deux ans pour 2008 en comptant le nombre de tumeurs diagnostiquées du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 chez les personnes encore en vie le 1er janvier 2008. De même, les estimations de la prévalence sur cinq et dix ans pour 2008 ont été fondées sur les cas diagnostiqués à partir de 2003 et de 1998 respectivement.

Les données pour le Québec ont été exclues de l'analyse, principalement à cause de problèmes liés à la détermination du statut vital des cas diagnostiqués dans cette province.

On a calculé les taux de prévalence bruts (pour 100 000 personnes) en divisant les chiffres sur la prévalence par la population à la date indice et en multipliant par 100 000. Comme les chiffres publiés sur la population représentent des estimations en milieu d'année, les estimations de la population pour chaque date indice ont été calculées en répartissant en moyenne les estimations de la population sur six mois, avant et après la date. Des proportions corrigées pour tenir compte des effets dus à l'âge ont été calculées au moyen de la méthode directe, à partir des estimations postcensitaires finales de la population canadienne au 1er juillet 1991, corrigées pour tenir compte du sous-dénombrement du recensement, comme c'est la norme15.

Les tendances des taux de prévalence au fil du temps ont été déterminées au moyen du Joinpoint Regression Program (version 3.4.3), diffusé par le programme SEER du National Cancer Institute aux États-Unis16.  Un algorithme statistique permet de repérer le nombre optimal de lieux où survient un changement de tendance, ainsi que l'emplacement de ceux-ci. Le point (dans le temps) où une tendance change s'appelle un point de jonction. On considère que les taux (de prévalence) augmentent ou décroissent d'une façon exponentielle (c.-à-d. qu'ils changent selon un taux constant chaque année). Ainsi, la pente de chaque segment peut correspondre à une variation annuelle fixe en pourcentage (VAP).

Dans la présente étude, on a utilisé les options de réglage par défaut de Joinpoint, sauf que le nombre maximal de points de jonction a été fixé à un pour les analyses sur deux et cinq ans, et à zéro pour les analyses sur dix ans. Lorsque le programme a décelé une variation statistiquement significative de la tendance, la variation annuelle moyenne en pourcentage (VAMP) a aussi été indiquée, afin de fournir une mesure sommaire pour l'ensemble de l'intervalle. Celle-ci représente la moyenne pondérée des VAP des points de jonction, les poids équivalant aux longueurs des segments pour l'intervalle fixe prédéterminée.  Lorsque le système ne décèle aucune variation pour une tendance, les valeurs pour la VAP et la VAMP seront les mêmes. Le logiciel indique si une VAMP est significativement différente de zéro au niveau alpha=0,05 uniquement, mais fournit des valeurs p pour le test correspondant utilisant la VAP.

Résultats

Différences selon le type de cancer

Les taux de prévalence des cas de cancer dans la population canadienne ont augmenté de façon significative au cours des périodes observées. Le taux de prévalence sur deux ans pour tous les cancers combinés a augmenté à un taux annuel de 2,0 % de 1997 à 2008, après être demeuré constant de 1994 à 1997 (tableau 1). De même, le taux de prévalence sur cinq ans a augmenté de 2,1 % par année de 1997 à 2008, et le taux sur dix ans, de 2,4 % par année de 2002 à 2008.

Tableau 1 Tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans, selon le sexe et le type de cancer, Canada, Québec non compris, 1994 à 2008Tableau 1 Tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans, selon le sexe et le type de cancer, Canada, Québec non compris, 1994 à 2008

Des hausses statistiquement significatives des taux de prévalence ont été observées pour la plupart des tumeurs et des durées. Les valeurs de la VAP et de la VAMP (lorsque les points de jonction étaient considérés comme appropriés) sont allées généralement d'environ 0,5 % à 4 %, même si des taux beaucoup plus élevés ont été observés pour le cancer du foie et de la thyroïde.  

Les augmentations des taux de prévalence des cancers du foie et de la thyroïde étaient plus de deux fois ce qu'elles étaient pour les autres types de cancer (tableau 1, figure 1). Dans le cas du cancer du foie, la hausse a été la plus forte (8,5 %) sur dix ans. Dans le cas du cancer de la thyroïde, les augmentations des taux de prévalence sur deux et cinq ans ont dépassé 9 % par année de 1999-2000 à 2008. Les taux de prévalence sur deux et cinq ans du cancer de l'anus ont aussi augmenté de façon substantielle jusqu'au début des années 2000 (plus de 6 % par année). On a aussi noté récemment des augmentations élevées des taux de prévalence sur deux ans du cancer du pancréas, du rein et du bassinet du rein, de même que des taux de prévalence sur cinq ans des cancers des tissus mous, et du rein et du bassinet du rein.

Figure 1 Taux de prévalence sur cinq ans (pour 100 000 personnes) de certains cancers, Canada, Québec non compris, 1997 à 2008Figure 1 Taux de prévalence sur cinq ans (pour 100 000 personnes) de certains cancers, Canada, Québec non compris, 1997 à 2008

Parmi les cancers compris dans la présente étude, on a noté des baisses annuelles moyennes globales des taux de prévalence uniquement pour les cancers du larynx et du col de l'utérus (tableau 1, figure 1). Les taux de baisse annuels dans le cas du cancer du larynx allaient de 1,6 % (sur dix ans) à 1,9 % (sur deux et cinq ans); toutefois, la baisse de la prévalence sur cinq ans a été beaucoup plus prononcée de 1997 à 2004 (2,6 % par année) que de 2004 à 2008 (0,8 %). Les taux annuels de diminution des taux de prévalence du cancer du col de l'utérus ont été relativement uniformes pour ces trois durées, à environ 1,5 %.

Aucun changement global statistiquement significatif n'a été observé pour la prévalence sur deux ou cinq ans du lymphome de Hodgkin ou pour la prévalence sur deux ans du cancer de l'estomac. En ce qui a trait à la prévalence sur deux et cinq ans du cancer de la cavité buccale et du pharynx, des baisses annuelles d'environ 2 % jusqu'en 1999-2000, suivies par des augmentations d'un peu moins de 1 %, ont donné lieu à une variation moyenne nulle.

Principaux cancers

Les taux de prévalence du cancer de la prostate, le cancer le plus répandu au Canada au 1er janvier 2008 (tableau A en annexe), ont augmenté de façon substantielle (tableau 1, figure 2). Les taux de prévalence sur cinq et dix ans ont augmenté de 3,0 % et de 3,4 % par année respectivement; le taux sur deux ans a augmenté plus lentement, avec une VAMP de 1,6 %, atténuée par une baisse non significative de 3,0 % par année de 1994 à 1997.

Figure 2 Taux de prévalence sur cinq ans (pour 100 000 personnes) des cancers les plus couramment diagnostiqués, Canada, Québec non compris, 1997 à 2008Figure 2 Taux de prévalence sur cinq ans (pour 100 000 personnes) des cancers les plus couramment diagnostiqués, Canada, Québec non compris, 1997 à 2008

Les taux d'augmentation des taux de prévalence du cancer du sein, le deuxième cancer en importance et le plus répandu chez les femmes (tableau A en annexe), ont été plus modérés (tableau 1, figure 2). Les VAMP allaient de 1,0 % (sur deux ans) à 1,5 % (sur dix ans). Les taux annuels d'augmentation des taux de prévalence du cancer du sein sur deux et cinq ans étaient environ trois fois plus élevés avant 2000-2001 que par la suite.

Tableau A Taux de prévalence (pour 100 000 personnes), selon la prévalence-durée, le type de cancer et le sexe, Canada, Québec non compris, 1er janvier 2008Tableau A Taux de prévalence (pour 100 000 personnes), selon la prévalence-durée, le type de cancer et le sexe, Canada, Québec non compris, 1er janvier 2008

Le cancer colorectal et le cancer du poumon et des bronches venaient au troisième et au quatrième rangs parmi les cancers les plus répandus au début de 2008. Les VAMP des taux de prévalence du cancer colorectal allaient de 1,7 % (sur deux ans) à 2,4 % (sur dix ans) (tableau 1, figure 2). Dans le cas du cancer du poumon et des bronches, la prévalence sur deux et cinq ans a augmenté à un taux annuel beaucoup plus élevé (environ 2,5 %) à partir de 2004-2005 que précédemment (moins de 1 % par année); le taux de prévalence sur dix ans a augmenté de 1,6 % par année de 2002 à 2008 (tableau 1, figure 2).

Différences selon le sexe

Les tendances des taux de prévalence différaient entre les hommes et les femmes pour un certain nombre de cancers (tableau 1). La plus grande disparité a été notée pour le cancer du poumon et des bronches; par exemple, le taux de prévalence sur cinq ans a augmenté selon une moyenne annuelle de 3,0 % chez les femmes, mais a diminué de 0,3 % chez les hommes. Les tendances différaient aussi selon le sexe pour le cancer de l'œsophage, même si les écarts étaient plus faibles (un peu moins de trois points de pourcentage). Toutefois, dans le cas du cancer de l'œsophage, les taux d'augmentation ont été plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Pour ce qui est du cancer du foie, le taux annuel d'augmentation a été relativement élevé chez les femmes (6,1 % sur cinq ans), mais encore plus chez les hommes (9,1 % sur cinq ans). Par contre, les augmentations des taux de prévalence du cancer de la thyroïde ont été plus fortes pour les femmes que pour les hommes (8,2 % comparativement à 6,8 % sur cinq ans). 

Différences selon l'âge

Pour tous les cancers combinés, les taux annuels moyens d'augmentation des taux de prévalence selon l'âge se situaient généralement à environ 1 % par année chez les personnes de moins de 80 ans (tableau 2). On a noté peu de variations, voire aucune, dans les taux de prévalence chez les personnes de 80 ans et plus.

Tableau 2 Tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans, selon l'âge, tous les cancers combinés et les quatre principaux cancers, Canada, Québec non compris, 1994 à 2008Tableau 2 Tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans, selon l'âge, tous les cancers combinés et les quatre principaux cancers, Canada, Québec non compris, 1994 à 2008

Des hausses substantielles des taux de prévalence du cancer de la prostate ont été notées chez les hommes de tous les groupes d'âge de moins de 70 ans. Les augmentations du taux annuel moyen ont été les plus fortes de 40 à 49 ans – allant de 9,4 % (sur dix ans) à 13,7 % (sur cinq ans); l'ampleur de la hausse a diminué dans chacun des groupes successivement plus âgés. Chez les hommes de 70 à 79 ans, des hausses relativement faibles du cancer de la prostate ont été notées sur cinq et dix ans, et aucune tendance significative n'a été observée sur deux ans. À partir de 80 ans, les tendances diminuaient de façon significative.

Pour les autres types importants de cancer, aucune tendance uniforme selon l'âge n'a été notée dans le taux de variation. Les taux annuels moyens d'augmentation des taux de prévalence du cancer colorectal étaient les plus élevés (environ 2,5 %) dans le groupe des 20 à 39 ans, pour chacune des trois durées. Dans cette fourchette d'âge, les taux d'augmentation étaient même plus élevés ces dernières années pour les taux de prévalence sur deux ans (6,6 %) et sur cinq ans (3,8 %). Dans le cas du cancer du poumon et des bronches, les taux de prévalence ont diminué dans les groupes d'âge de moins de 70 ans, mais ont augmenté dans les groupes plus âgés. Les taux annuels de diminution ont été les plus élevés dans le groupe des 20 à 39 ans, à un peu plus de 2 %. Les taux les plus élevés d'augmentation (environ 2 % par année) ont été notés chez les personnes de 80 ans et plus.

Dans le cas du cancer du sein, les variations selon l'âge au fil du temps du taux de prévalence étaient modestes. Chez les femmes de 50 à 59 ans, toutefois, les taux de prévalence sur deux et cinq ans ont augmenté de presque 2 % par année jusqu'au début des années 2000, puis ont diminué d'environ 1,5 % par année jusqu'en 2008. Une tendance similaire, mais légèrement atténuée, a été observée dans le groupe des 60 à 69 ans, 2003 représentant l'année charnière.

Effets de la structure par âge

Pour tous les cancers combinés, les augmentations annuelles moyennes des taux de prévalence diminuaient de plus de la moitié lorsque les effets du vieillissement de la population au cours de la période à l'étude étaient pris en compte. Par exemple, une fois corrigée pour tenir compte des effets dus à l'âge, l'augmentation du taux de prévalence sur cinq ans est passée de 2,1 % à 1,0 % par année (tableau 1, tableau 3).

Tableau 3 Tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans normalisés selon l'âge, selon le type de cancer, Canada, Québec non compris, 1994 à 2008Tableau 3 Tendances des taux de prévalence du cancer sur deux, cinq et dix ans normalisés selon l'âge, selon le type de cancer, Canada, Québec non compris, 1994 à 2008

Pour tous les cancers étudiés, sauf un, les augmentations des taux de prévalence étaient plus faibles (ou les diminutions plus importantes) selon les taux corrigés pour tenir compte des effets dus à l'âge que selon les taux bruts. Le cancer du testicule faisait exception, avec un taux d'augmentation annuel du taux de prévalence brut sur cinq ans de 0,6 %, mais de 1,2 %, une fois les effets dus à l'âge pris en compte.

La correction pour tenir compte des effets dus à l'âge a aplati les tendances pour certains cancers comportant des taux de prévalence bruts significativement en hausse (p. ex., le cancer du sein et le cancer du poumon et des bronches) et a mené à une diminution significative des tendances pour d'autres (vessie et estomac).

Discussion

La présente analyse montre des augmentations significatives des taux de prévalence pour la plupart des cancers et la majorité des durées étudiées. Les hausses ont été relativement importantes pour les cancers du foie et de la thyroïde, tandis que les taux de prévalence ont diminué pour les cancers du larynx et du col de l'utérus. La disparité selon le sexe la plus grande a été notée pour le cancer du poumon et des bronches, qui a commencé à diminuer chez les hommes, mais continué à augmenter chez les femmes. Les hausses des taux de prévalence du cancer de la prostate comportaient une relation inverse avec l'âge.

La prévalence du cancer est fonction de l'incidence de la maladie et du taux de survie. L'un des facteurs les plus importants contribuant à l'augmentation du taux de cas de cancer au Canada est simplement le vieillissement de la population, l'incidence de la majeure partie des cancers augmentant avec l'âge. Pour tous les cancers combinés, environ la moitié du taux annuel moyen déclaré d'augmentation de la prévalence sur cinq et dix ans, et presque les trois quarts pour la prévalence sur deux ans, étaient attribuables au vieillissement de la population pendant la période étudiée. Toutefois, pour les divers cancers pris individuellement, le rôle que joue le vieillissement de la population à l'égard des tendances de la prévalence varie considérablement.

Dans le cas du cancer du foie, tant l'incidence que le taux de survie observé ont augmenté de façon marquée au cours de la période étudiée5,17; seulement 20 % environ de l'augmentation de la prévalence était attribuable au vieillissement de la population. Plusieurs explications ont été proposées pour expliquer l'augmentation de l'incidence du cancer du foie au Canada, y compris l'augmentation du nombre d'immigrants de pays où les infections par le virus de l'hépatite B ou C et l'exposition à l'aflatoxine sont plus répandues18; l'augmentation de l'incidence de l'infection par le virus de l'hépatite C liée à l'utilisation de drogues intraveineuses et au partage de seringues; et les taux croissants d'obésité et de diabète19. La survie à cinq ans au cancer du foie au Canada a presque doublé depuis le début des années 1990, mais demeure inférieure à 20 %5,6. Aux États-Unis, le dépistage des groupes à risque et le traitement des tumeurs localisées peuvent avoir contribué à augmenter le taux de survie20.

Des augmentations des taux d'incidence du cancer de la thyroïde, particulièrement chez les femmes jeunes et d'âge moyen, ont été signalées partout dans le monde et ont été attribuées aux progrès des techniques de diagnostic21,22. Toutefois, une étude récente menée aux États-Unis laisse penser qu'un niveau plus élevé de dépistage n'explique pas complètement les augmentations notées dans ce pays23.

L'augmentation des taux de prévalence du cancer anal pourrait être attribuée à une incidence plus élevée, la survie ne s'étant pas améliorée au cours de la période étudiée. Seulement 20 % environ des hausses substantielles de la prévalence sur deux et cinq ans notées jusqu'au début des années 2000 étaient attribuables au vieillissement de la population, alors que la presque totalité de la petite hausse enregistrée par la suite peut être attribuée à ce facteur. Les personnes infectées au VIH (virus de l'immunodéficience humaine) sont plus sujettes au cancer anal24. Des augmentations de l'incidence coïncidant avec l'utilisation d'un traitement antirétrovirus très actif pour le VIH, qui mène à une plus longue période de survie et, par conséquent, à une plus grande possibilité d'exposition des personnes particulièrement à risque, ont été observées tant au Canada qu'aux États-Unis17,25.

Certains cancers dont les taux de prévalence ont augmenté le plus rapidement sont relativement peu répandus et, par conséquent, même un taux d'augmentation annuel élevé n'a pas beaucoup d'incidence sur leur prévalence absolue. Le cancer du foie, par exemple, était le cancer étudié ayant le plus faible taux de prévalence, soit un taux de prévalence sur cinq ans de 6,2 cas pour 100 000 personnes au 1er janvier 2008. En comparaison, le chiffre correspondant pour le cancer de la prostate était près de 100 fois plus élevé (tableau A en annexe).

Dans le cas des cancers les plus couramment diagnostiqués, les répercussions du vieillissement de la population varient. Le rapport étroit entre le vieillissement de la population et la prévalence du cancer de la prostate est démontré par l'atténuation marquée de l'augmentation des taux de prévalence lorsque l'analyse est menée au moyen de valeurs corrigées pour tenir compte des effets dus à l'âge. Néanmoins, les tendances à la hausse des taux de prévalence sur cinq et dix ans corrigées pour tenir compte des effets dus à l'âge sont demeurées significatives. Ces hausses rendent compte de l'augmentation des taux d'incidence au cours de la dernière décennie, ainsi que des taux de survie grandement améliorés qui ont été observés5,17. Parmi les facteurs autres que le vieillissement de la population qui contribuent à l'augmentation de l'incidence figure l'abaissement des seuils d'antigène prostatique conduisant à une biopsie, un dépistage plus exhaustif et une plus grande sensibilité des biopsies de la prostate26,27.

Dans le cas du cancer colorectal, le vieillissement de la population a été à l'origine d'environ les deux tiers de l'augmentation des taux de prévalence. La plus longue durée de survie5, attribuée à un diagnostic plus précoce, par suite d'un dépistage et d'un traitement améliorés28, est probablement à l'origine du reste de la hausse, les taux d'incidence du cancer colorectal corrigés pour tenir compte des effets dus à l'âge ayant diminué légèrement au cours de la période visée17.

Les augmentations des taux de prévalence du cancer du sein étaient presque toutes attribuables au vieillissement de la population; les tendances des taux corrigés pour tenir compte des effets dus à l'âge pour toutes les durées étudiées n'étaient pas significatives.

Les variations des taux de prévalence du cancer du poumon diffèrent parmi les hommes et les femmes. Cette divergence est attribuable à une baisse plus marquée des taux de prévalence de l'usage du tabac chez les hommes que chez les femmes depuis le milieu des années 196029.

Les baisses significatives des taux de prévalence du cancer du larynx rendent probablement compte de la diminution des taux d'incidence de ce cancer17, du fait de la diminution des taux d'usage du tabac29. De même, dans le cas du cancer du col de l'utérus, la diminution des taux d'incidence du carcinome épidermoïde – le principal type de cancer du col de l'utérus – par suite du dépistage et du traitement des lésions prémalignes, grâce au programme de dépistage au moyen du test Pap, peut être à l'origine des baisses de la prévalence30. Des baisses plus marquées de l'incidence du cancer du col de l'utérus pourraient découler de l'adoption d'un vaccin préventif contre certains types de virus du papillome humain, le plus important facteur de risque.

Limites

Les tendances des taux de prévalence présentées ont été calculées sans les données du Québec (voir Techniques d'analyse), où réside presque le quart de la population canadienne. La mesure dans laquelle les résultats rendent compte des tendances au Canada globalement est influencée par la similitude des tendances de la prévalence au Québec par rapport au reste du pays, une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Même s'il n'est pas possible de calculer actuellement des estimations précises du taux de survie pour le Québec à partir des données du RCC, les tendances brutes de l'incidence fournissent à tout le moins une piste. Au cours de la période étudiée, les taux d'augmentation de l'incidence de certains des cancers les plus couramment diagnostiqués (colorectal, sein, et poumon et bronches) étaient plus élevés au Québec que dans l'ensemble du Canada4. Les tendances de l'incidence du cancer de la prostate ne peuvent être comparées parce que la complétude des cas pour ce cancer pose un problème au Québec31.

Conclusion

La présente étude comprend les premières estimations des tendances de la prévalence du cancer au Canada. Les tendances de la prévalence pour une liste exhaustive de cancers, selon le temps écoulé depuis le diagnostic, le sexe et le groupe d'âge, montrent des changements dans la portée de la maladie dans la population canadienne. Les taux de prévalence du cancer à la hausse sont attribuables à l'augmentation des taux d'incidence de la maladie, due en partie au vieillissement de la population, et à un taux de survie amélioré.  Des données concernant la mesure dans laquelle les taux de prévalence évoluent, et pour quels cancers en particulier, sont utiles pour la planification des ressources

L'étude n'a pas tenu compte du fait que certains cas de cancer reflétés dans les taux de prévalence ont peut-être été guéris. Il existe des méthodes statistiques pour modéliser la « prévalence de la guérison »32,33 et ainsi estimer la proportion des cas pris en compte dans les taux de prévalence qui n'ont pas été guéris, mais de telles analyses dépassent le cadre de la présente étude. Cela dit, même chez les personnes guéries, le traitement du cancer peut entraîner des séquelles physiques et phsychologiques à long terme ou de façon permanente.

Remerciements

Le Registre canadien du cancer est tenu à jour par Statistique Canada. Il est constitué de données fournies par les registres provinciaux et territoriaux du cancer, dont la collaboration est grandement appréciée.