Les différences de limitations fonctionnelles selon le sexe chez les Canadiens atteints d'arthrite : rôle de la durée de la maladie et de la comorbidité
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L'arthrite est l'une des maladies chroniques les plus répandues au Canada1,2. Elle est une cause importante de limitations fonctionnelles, de dépendance et d'utilisation des soins de santé, et joue un rôle dans la diminution de l'activité sur le marché du travail et de la participation à d'autres activités3-6. En 2008, environ 15 % des Canadiens de 12 ans et plus — à peu près quatre millions de personnes — ont déclaré avoir reçu un diagnostic d'arthrite7. Selon les projections, les chiffres passeront à 20 % (6,7 millions) de personnes de 15 ans et plus d'ici à 20318.
La prévalence de l'arthrite varie considérablement selon le sexe9-11 : en 2008, 19,2 % de femmes par opposition à 12,6 % d'hommes en étaient atteints8. En outre, chez les arthritiques, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de connaître des limitations fonctionnelles12-14.
Assez peu de travaux de recherche ont porté sur les différences de limitations fonctionnelles selon le sexe chez les personnes atteintes d'arthrite3,15-19, en particulier sur le rôle éventuel de la comorbidité, de la durée de la maladie, et des facteurs comportementaux et socioéconomiques. En général, les études de population portant sur les effets de l'arthrite ont plutôt visé à comparer les personnes atteintes et non atteintes20-23. En outre, comme il est onéreux, d'une part, et fastidieux pour les répondants, d'autre part, de poser des questions sur des maladies particulières dans les enquêtes générales sur la santé, les études antérieures étaient fondées sur des données provenant d'enquêtes qui englobaient d'autres problèmes de santé chronique et, par conséquent, ne fournissaient pas de renseignements détaillés sur l'arthrite3,12,17,24.
En 2009, Statistique Canada a mené le premier cycle de l'Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada (EPMCC) pour le compte de l'Agence de la santé publique du Canada. Les participants étaient des personnes qui avaient déclaré durant l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2008 que l'on avait diagnostiqué chez elles un problème de santé chronique. L'EPMCC de 2009, qui avait pour thèmes l'arthrite et l'hypertension, portait sur des questions associées aux maladies chroniques, dont le diagnostic, l'utilisation des services de santé, la prise de médicaments et l'autogestion de la maladie. L'EPMCC sera réalisée tous les deux ans.
La présente étude s'appuie sur la composante de l'arthrite de l'EPMCC de 2009 pour examiner les différences de limitations fonctionnelles selon le sexe, en particulier le rôle de la durée de la maladie et de la comorbidité. Elle vise à répondre à quatre questions :
- Existe-t-il des différences globales de limitations fonctionnelles entre les hommes et les femmes? Existe-t-il aussi des différences selon le sexe en ce qui concerne :
- l'influence de la durée de la maladie sur les limitations fonctionnelles?
- l'effet de la comorbidité chronique sur les limitations fonctionnelles?
- l'association des comportements qui influent sur la santé, ainsi que des facteurs sociodémographiques et socioéconomiques avec les limitations fonctionnelles?
Méthodes
Source des données
Les données de l'EPMCC utilisées dans la présente étude ont été recueillies en février et en mars 2009, à titre de suivi à l'ESCC de 2008. L'EPMCC avait pour cible les membres de la population adulte de 20 ans et plus vivant à domicile dans les dix provinces qui avaient déclaré durant l'ESCC de 2008 qu'ils faisaient de l'arthrite ou de l'hypertension qui avait été diagnostiquée par un professionnel de la santé. Étaient exclus du champ d'observation de l'EPMCC les habitants des trois territoires, des réserves indiennes et des terres de la Couronne, les résidents d'établissements, ainsi que les membres à temps plein des Forces canadiennes.
Afin de produire des estimations nationales fiables, on a stratifié les participants à l'ESCC selon le sexe et le groupe d'âge (20 à 44 ans, 45 à 64 ans, 65 à 74 ans, et 75 ans et plus). Au total, 7 100 personnes qui avaient déclaré faire de l'arthrite ont été sélectionnées par échantillonnage systématique parmi 13 459 participants à l'ESCC. Pour atténuer l'effet des personnes hors du champ de l'enquête et de la non-réponse — estimées à 10 % et 20 %, respectivement — l'échantillon a été majoré de 1,4 %. L'EPMCC comportait l'administration de questionnaires distincts sur l'arthrite et sur l'hypertension; afin de réduire le fardeau de réponse, les personnes sélectionnées pour participer à l'enquête n'ont reçu qu'un questionnaire. Les entrevues ont été menées par la méthode d'interview téléphonique assistée par ordinateur.
Au moment de la collecte des données de l'EPMCC, 17 % des participants à l'ESCC qui avaient été sélectionnés parce qu'ils avaient déclaré être atteints d'arthrite ne satisfaisaient pas à tous les critères d'admissibilité. Selon ces critères, l'arthrite devait avoir été diagnostiquée par un professionnel de la santé, les symptômes devaient être présents au moment de l'EPMCC, et la personne devait résider au Canada. Des 5 820 personnes admissibles à l'enquête, 4 565 (78,4 %) ont été interviewées avec succès et ont satisfait aux critères d'admissibilité de l'étude. Des renseignements détaillés au sujet de l'enquête figurent dans un rapport déjà publié25. L'ESCC de 2008 contenait des renseignements généraux sur les participants, tandis que l'EPMCC a fourni des renseignements détaillés au sujet de l'arthrite.
Variables
Variable dépendante
La présence de la maladie dans l'« échantillon de personnes arthritiques » sélectionné pour l'EPMCC a été vérifiée en posant de nouveau la question de l'ESCC de savoir si leur diagnostic avait été posé par un professionnel de la santé, à quel âge, leur âge au moment de la manifestation des symptômes, le type d'arthrite et s'il existait des antécédents d'arthrite dans leur famille proche. Les limitations fonctionnelles, appelées « limitations » dans la suite de l'exposé, ont été déterminées en se basant sur les limitations d'activités autodéclarées attribuables à l'arthrite. En tant que mesure de résultat, les limitations sont une variable composite dérivée des réponses aux questions sur la mesure dans laquelle, au cours du mois précédent, l'arthrite a limité les activités habituelles, comme prendre un bain ou s'habiller, se déplacer dans la maison, faire des tâches ménagères, faire des courses et du magasinage, et participer à des activités récréatives et sociales. Les catégories de réponse étaient « beaucoup », « un peu » et « pas du tout ». Les personnes qui ont répondu « beaucoup » ont été considérées comme ayant des limitations fonctionnelles.
Variables indépendantes
L'analyse portait sur les effets de certains facteurs dont l'influence sur les résultats en matière de santé est connue, à savoir la durée de la maladie, les problèmes de santé chroniques comorbides, l'IMC, l'usage du tabac, la consommation d'alcool, l'activité physique, les caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, état matrimonial, région de résidence), et les caractéristiques socioéconomiques (revenu du ménage, niveau de scolarité). La durée de la maladie a été définie comme le temps écoulé depuis le diagnostic de l'arthrite. La durée de la maladie ayant une distribution asymétrique, une transformation logarithmique a été effectuée afin de s'approcher de la distribution normale. La durée de la maladie a été modélisée comme une mesure sur une échelle d'intervalles.
La comorbidité a été déterminée en se basant sur les questions au sujet des problèmes de santé chroniques. Les participants à l'enquête ont été informés que l'on entendait par problème de santé chronique (y compris l'arthrite) un état qui dure ou qui devrait durer six mois ou plus et qui a été diagnostiqué par un professionnel de la santé. Conformément aux données de la littérature26, les problèmes de santé chroniques ont été classés comme étant non incapacitants (asthme, hypertension, migraine, ulcère à l'estomac ou à l'intestin, incontinence urinaire), incapacitants (maux de dos autres que ceux dus à la fibromyalgie ou à l'arthrite, troubles intestinaux/maladie de Crohn ou colite, bronchite chronique ou emphysème, et maladie d'Alzheimer et autres démences), ou mettant la vie en danger (diabète, maladie cardiaque, cancer et troubles dus à un accident vasculaire cérébral). Pour chaque catégorie, on a créé une variable de comptage indiquant le nombre d'états comorbides déclarés par le répondant.
La situation d'usage du tabac a été déterminée d'après le comportement d'usage du tabac passé et courant, à savoir personne n'ayant jamais fumé, fumeur ou ancien fumeur. Les personnes n'ayant jamais fumé sont celles qui ont déclaré n'avoir jamais fumé une cigarette entière ainsi que les anciens fumeurs occasionnels ou quotidiens qui ont dit avoir fumé moins de 100 cigarettes au cours de leur vie. Les fumeurs sont les personnes qui ont déclaré avoir fumé au moins 100 cigarettes et qui fumaient quotidiennement ou à l'occasion au moment de l'enquête. Les anciens fumeurs sont les fumeurs quotidiens ou occasionnels qui avaient fumé au moins 100 cigarettes au cours de leur vie, mais qui avaient cessé de fumer.
En fonction de la consommation déclarée d'alcool au cours des 12 mois qui ont précédé l'ESCC de 2008, les participants à l'enquête ont été classés comme étant des non-buveurs, des buveurs habituels ou des buveurs occasionnels. Les non-buveurs sont les personnes qui ont déclaré ne pas avoir bu d'alcool l'année qui a précédé l'enquête. Les buveurs habituels sont ceux qui ont déclaré avoir consommé de l'alcool au moins une fois par semaine, tandis que les buveurs occasionnels sont ceux qui ont déclaré boire de l'alcool moins d'une fois par semaine.
Le niveau d'activité physique a été déterminé d'après les renseignements déclarés au sujet des activités durant les loisirs au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête et d'après la dépense d'énergie (DE) associée à ces activités (kilocalories dépensées par kilogramme de poids corporel par heure d'activité). Pour calculer la DE quotidienne moyenne d'une activité, l'estimation a été divisée par 365. Les participants à l'enquête ont été regroupés en trois catégories en fonction de leur DE quotidienne moyenne totalisée sur l'ensemble de leurs activités, à savoir les personnes actives (DE égale ou supérieure à 3 kcal/kg/jour), moyennement actives (DE de 1,5 à 2,9 kcal/kg/jour) ou inactives (DE inférieure à 1,5 kcal/kg/jour).
L'IMC a été calculé d'après le poids et la taille autodéclarés (poids en kilogrammes/carré de la taille en mètres). Selon leur IMC, les participants à l'enquête ont été classés dans la catégorie de poids normal (24,9 kg/m2 ou moins), d'embonpoint (de 25 à 29,9 kg/m2) ou d'obésité (30 kg/m2 ou plus).
L'âge a été réparti en trois groupes, soit 20 à 54 ans, 55 à 74 ans, et 75 ans et plus.
Les catégories d'état matrimonial qui ont été définies sont marié(e)/union libre, veuf(ve)/divorcé(e)/séparé(e) et jamais marié(e).
Comme la petite taille des échantillons empêchait l'analyse au niveau provincial, cinq régions géographiques ont été définies : Atlantique (Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick), Québec, Ontario, Prairies (Alberta, Manitoba, Saskatchewan) et Colombie-Britannique.
Trois catégories de niveau de scolarité ont été créées en se basant sur le niveau le plus élevé atteint, à savoir études secondaires partielles, diplôme d'études secondaires ou études postsecondaires partielles et diplôme d'études postsecondaires.
Le revenu total du ménage en 2007, corrigé pour tenir compte de la taille du ménage, a été utilisé pour déterminer deux niveaux de revenu. Le faible revenu a été défini comme étant un revenu inférieur à 30 000 $ pour les ménages de deux personnes, inférieur à 40 000 $ pour les ménages de trois ou de quatre personnes, et inférieur à 60 000 $ pour les ménages de cinq personnes et plus. Un revenu élevé a été défini comme étant un revenu supérieur à ces seuils pour une taille de ménage donnée. Une troisième catégorie comprenait les personnes qui n'avaient pas déclaré leur revenu, c'est-à-dire environ 13 % de l'échantillon.
Techniques d'analyse
En se servant du logiciel SAS (version 9.1), des analyses univariées ont été effectuées pour estimer les caractéristiques associées aux limitations. Les différences entre les caractéristiques des personnes arthritiques selon le sexe ont été évaluées au moyen de tests t ou du X2 , selon le cas. Comme la variable dépendante comprend deux catégories, on a procédé à une régression logistique binaire pondérée. Les personnes sans limitations formaient le groupe de référence. Deux modèles stratifiés selon le sexe ont été estimés. Le premier comprenait comme variables indépendantes la durée de l'arthrite et le nombre de problèmes de santé chroniques, examinés séparément. Les autres variables indépendantes ont été ajoutées dans le deuxième modèle. La régression logistique binaire a été exécutée en se servant du logiciel Sudaan appelable en SAS (version 10). Toutes les variables indépendantes étudiées ont été testées pour la présence de multicolinéarité et aucune ne violait les hypothèses de colinéarité.
En partant des poids produits pour le fichier de partage de l'ESCC de 2008, Statistique Canada a élaboré pour l'EPMCC de 2009 des poids tenant compte du fait qu'un participant avait reçu un questionnaire sur l'arthrite ou sur l'hypertension, ainsi que du plan d'échantillonnage, des unités hors du champ d'observation et des non-répondants, y compris les personnes qui n'avaient pas consenti au partage et au couplage des données les concernant. La variance des estimations a été calculée par la méthode du bootstrap25.
Résultats
Caractéristiques des personnes atteintes d'arthrite
Un pourcentage plus élevé de femmes (63 %) que d'hommes (37 %) ont déclaré avoir fait l'objet d'un diagnostic d'arthrite (tableau 1). Alors qu'environ la moitié des hommes et des femmes arthritiques étaient âgés de 55 à 74 ans, un pourcentage significativement plus élevé de femmes que d'hommes appartenaient au groupe des 75 ans et plus (22 % contre 16 %). Comparativement aux hommes, les femmes atteintes d'arthrite étaient significativement plus susceptibles de déclarer au moins une limitation (36 % contre 27 %). Les femmes atteintes d'arthrite souffraient de la maladie depuis une période significativement plus longue que leurs homologues masculins : environ 13 ans comparativement à 11 ans. En outre, le nombre moyen de problèmes de santé chroniques non incapacitants était significativement plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Pour les problèmes de santé chroniques incapacitants ou mettant la vie en danger, aucun écart significatif ne se dégageait entre les hommes et les femmes.
Des différences étaient également évidentes pour les autres caractéristiques étudiées. Par exemple, un pourcentage plus élevé de femmes que d'hommes étaient physiquement inactives (60 % contre 52 %). Les hommes (57 %) étaient plus susceptibles que les femmes (29 %) de consommer de l'alcool régulièrement. Un peu plus du quart (27 %) des hommes et des femmes étaient obèses, mais les hommes étaient plus susceptibles que les femmes de faire de l'embonpoint (46 % contre 35 %). Une proportion plus élevée d'hommes que de femmes étaient mariés ou vivaient en union libre (77 % contre 62 %) et avaient achevé des études postsecondaires (60 % contre 47 %).
Analyse bivariée : durée de la maladie et comorbidité
Les résultats non corrigés de la régression logistique binaire révèlent une forte association positive entre la durée de l'arthrite et les limitations chez les hommes (rapport de cotes [RC]=1,27) et chez les femmes (RC=1,30) (tableaux 2 et 3; modèle 1).
Les problèmes de santé incapacitants ou mettant la vie en danger étaient également associés de manière significative aux limitations chez les hommes et chez les femmes (tableaux 2 et 3; modèle 1). En revanche, les problèmes de santé non incapacitants n'étaient associés aux limitations que chez les femmes (tableau 3, modèle 1). Chez les hommes, le risque de limitations augmentait de 91 % avec chaque problème de santé chronique incapacitant supplémentaire; chez les femmes, l'accroissement était de 86 %.
Analyse multivariée
Dans les analyses multivariées qui tenaient compte des effets de toutes les variables sélectionnées, l'association entre la durée de l'arthrite et les limitations cessait d'être significative chez les hommes, mais le demeurait chez les femmes (tableaux 2 et 3; modèle 2). Chez les hommes, les problèmes de santé incapacitants ou mettant la vie en danger étaient encore associés aux limitations, mais les rapports de cotes pour les problèmes de santé incapacitants diminuaient légèrement. Chez les femmes, l'effet des problèmes de santé incapacitants ou mettant la vie en danger demeurait significatif, mais pas celui des problèmes de santé non incapacitants.
Plusieurs autres facteurs étaient associés aux limitations. La cote exprimant le risque d'avoir des limitations était significativement plus élevée chez les hommes obèses et ceux vivant dans un ménage à faible revenu que chez les autres. En outre, la cote exprimant le risque de limitations était plus faible chez les hommes de la Colombie-Britannique que chez leurs homologues de la région de l'Atlantique.
Chez les femmes arthritiques, l'usage du tabac, l'inactivité physique, l'embonpoint et le fait de résider en dehors de la région de l'Atlantique étaient associés à une augmentation de la cote exprimant le risque d'avoir des limitations. Par exemple, comparativement à celles dont le poids était normal, les femmes faisant de l'embonpoint et les femmes obèses étaient, les unes et les autres, 61 % plus susceptibles d'avoir des limitations. La cote exprimant le risque d'avoir des limitations était significativement plus élevée chez les femmes de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et des Prairies que chez celles de la région de l'Atlantique. Par ailleurs, la consommation occasionnelle ou régulière d'alcool était associée à une plus faible cote exprimant le risque d'avoir des limitations.
Discussion
La présente étude révèle des différences manifestes entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'association de la durée de la maladie et de la comorbidité au risque de présenter des limitations fonctionnelles liées à l'arthrite. Chez les femmes, mais non chez les hommes, le nombre d'années que durait l'arthrite demeurait significativement associé au risque de limitations fonctionnelles, même après neutralisation de l'effet des caractéristiques comportementales, sociodémographiques et socioéconomiques. En outre, l'effet de l'arthrite sur les limitations fonctionnelles se manifeste parfois dès la première année de la maladie. Selon certaines études, la durée d'existence de l'arthrite est associée à la gravité de la maladie, à la destruction des articulations et à la capacité fonctionnelle; sans intervention, l'issue a tendance à empirer au cours du temps27,28.
Dans les modèles entièrement ajustés, les problèmes de santé chroniques incapacitants ou mettant la vie en danger étaient associés de manière significative aux limitations chez les hommes et chez les femmes, et la force de l'association était la même. Ces résultats semblent différer de ceux d'autres études sur les différences selon le sexe de la prévalence des problèmes de santé chroniques et de leurs effets13,15,24,29,30. Selon ces études-là, la prévalence des problèmes de santé chroniques, tant incapacitants que non incapacitants, est plus élevée chez les femmes, qui, par conséquent, sont plus susceptibles de connaître des limitations. Par exemple, une étude prospective de personnes souffrant d'arthrite a montré que le déclin fonctionnel est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Ces différences selon le sexe sont en grande partie attribuables aux états comorbides, y compris le diabète, les antécédents d'accident vasculaire cérébral, les syndromes dépressifs et les déficiences cognitives et visuelles13. Murtagh et Hubert ont noté que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de déclarer des limitations, principalement en raison de différences en ce qui a trait aux problèmes de santé liés à l'incapacité24. Quoi qu'il en soit, les résultats de la présente étude corroborent la recherche qui donne à penser que les personnes arthritiques requièrent une gestion globale de la maladie qui tient compte du fardeau supplémentaire des autres problèmes de santé chroniques31,32.
Confirmant les constatations de travaux de recherche antérieurs14,16,17, l'étude montre que l'influence des autres facteurs sélectionnés sur les limitations fonctionnelles diffère également selon le sexe. L'effet du faible revenu du ménage n'était significatif que chez les hommes. L'inactivité physique, l'usage du tabac, la consommation régulière d'alcool et l'embonpoint n'avaient un effet significatif que chez les femmes. L'effet de l'obésité était significatif chez les membres des deux sexes. L'association avec la région de résidence différait chez les hommes et chez les femmes.
Le meilleur état de santé des personnes buvant à l'occasion ou habituellement comparativement aux personnes ne buvant jamais mérite un commentaire. Seule la fréquence de la consommation d'alcool, et non la quantité consommée, a été évaluée dans la présente étude. Alors que la consommation de grandes quantités d'alcool a des effets néfastes pour la santé33,34, la consommation modérée est associée à de meilleurs résultats en matière de santé, y compris une augmentation de la densité osseuse qui pourrait retarder la manifestation des limitations physiques35.
Limites
La présente étude possède plusieurs limites. Premièrement, les données sont transversales, ce qui ne permet pas d'inférer les relations de causalité. Deuxièmement, les données sont autodéclarées; aucune autre source n'était disponible pour leur validation. Troisièmement, l'EPMCC étant une enquête de suivi, les réponses pourraient avoir été affectées par des effets d'apprentissage et par la période de collecte. L'évaluation du biais de réponse éventuel dépasse le cadre de la présente étude, mais est justifiée pour des enquêtes de suivi, telles que l'EPMCC.
Quatrièmement, la présente étude ne portait que sur l'une des composantes de l'incapacité liée à l'arthrite, à savoir les limitations fonctionnelles. Une autre composante importante est la dépendance à l'égard d'autrui pour vaquer aux activités de la vie quotidienne, c'est-à-dire la dépendance fonctionnelle. Les limitations et la dépendance ne s'excluent pas mutuellement; elles font plutôt partie du continuum de la santé d'une personne. Cependant, on n'a pas demandé aux participants à l'EPMCC si leur dépendance à l'égard d'autrui était imputable à l'arthrite. Afin de brosser un tableau plus complet de l'incidence des problèmes de santé chroniques, on pourrait explorer la possibilité d'inclure des questions sur la dépendance directement attribuable à un problème de santé particulier dans les prochains cycles de l'EPMCC.
Conclusion
Les données de l'EPMCC conviennent bien pour étudier la qualité de la vie, les limitations, les comportements ayant une incidence sur la santé et les résultats en matière de santé chez les personnes atteintes d'arthrite. L'examen de l'association entre l'arthrite et les limitations d'activité indique les genres d'intervention dont les personnes arthritiques pourraient avoir besoin pour demeurer fonctionnellement indépendantes. La compréhension de l'effet de la durée de la maladie pourrait permettre de déterminer plus facilement le meilleur moment pour introduire des interventions destinées à atténuer les effets de la maladie. De même, des éclaircissements quant au rôle de la comorbidité pourraient aider à concevoir des programmes qui tiennent compte du fardeau supplémentaire dû à d'autres problèmes de santé chroniques. Les enquêtes portant sur des problèmes de santé chroniques particuliers fournissent des renseignements essentiels sur l'effet de ces problèmes, les stratégies d'adaptation adoptées par les patients et l'utilisation des soins de santé, renseignements qui sont tous nécessaires à la formulation d'interventions axées sur la maladie.
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