Biais dans les estimations autodéclarées de l'obésité dans les enquêtes canadiennes sur la santé : le point sur les équations de correction applicables aux adultes
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Les répercussions de l'excès de poids sur la santé ont fait de l'obésité un défi pour la santé publique partout dans le monde1. La surveillance attentive de la prévalence de l'obésité est un aspect essentiel de l'évaluation des programmes d'intervention.
Les estimations de la prévalence de l'obésité sont habituellement fondées sur l'indice de masse corporelle (IMC), qui est une mesure du poids par rapport à la taille. Chaque année, Statistique Canada recueille des données autodéclarées sur la taille et le poids auprès des participants à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes afin de pouvoir surveiller les tendances de l'obésité aux niveaux national, provincial et de la région sociosanitaire. Cependant, les données autodéclarées surestiment la taille et sous-estiment le poids2,3. Par conséquent, la prévalence de l'obésité fondée sur ces données est sous-estimée. En outre, l'ampleur du biais a augmenté au fil du temps4.
L'utilisation des données autodéclarées fausse aussi la relation entre l'obésité et les maladies liées à l'obésité. Les erreurs de classification par catégorie d'IMC qui sont attribuables à l'utilisation de données autodéclarées sur le poids et la taille se traduisent par une exagération des associations entre l'obésité et les maladies telles que l'hypertension et le diabète5-7, et une sous-estimation du fardeau que représentent ces maladies pour le système de soins de santé7.
En 2005, des données autodéclarées et des données mesurées sur la taille et le poids ont été recueillies auprès d'un sous-échantillon de participants à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Les données obtenues ont été utilisées pour établir des équations de correction pouvant être appliquées aux données autodéclarées afin de produire des estimations de la prévalence de l'obésité s'approchant de celles calculées d'après les données mesurées8.
Statistique Canada prévoyait recueillir périodiquement des données mesurées et des données autodéclarées sur la taille et le poids auprès d'un sous-échantillon de participants à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, afin de surveiller l'ampleur du biais et d'ajuster les équations de correction. De telles données ont effectivement été recueillies en 2008. Toutefois, à peu près au même moment, en partenariat avec Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada, Statistique Canada a lancé l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé9, conçue pour recueillir des données autodéclarées ainsi que des données mesurées sur la taille et le poids. Comme cette enquête sera réalisée tous les deux ans, on a décidé d'abandonner la composante des mesures directes de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et d'utiliser les données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé pour corriger le biais dans les données autodéclarées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Toutefois, le contexte et les méthodes des deux enquêtes diffèrent. Avant que les participants à l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé déclarent leur poids et leur taille, on leur a dit qu'ils seraient soumis à des mesures de la taille et du poids. Les participants à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes ne savent pas cela. Donc, le biais de taille, de poids, d'IMC et, par conséquent, de prévalence de l'obésité pourrait ne pas être le même dans les deux sources de données et empêcher éventuellement l'utilisation des données tirées de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé pour établir des équations de correction aux fins de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes.
Le but de la présente étude est d'examiner les questions suivantes :
- Le biais de taille, de poids et d'IMC diffère-t-il selon le contexte de l'enquête?
- Le biais varie-t-il au cours du temps (Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 comparativement à celle de 2008)?
- Peut-on appliquer fructueusement aux données autodéclarées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 les équations de correction :
- établies d'après les données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2007 à 2009?
- établies d'après les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005?
Méthodes
Sources des données
Les données analysées proviennent des cycles de 2008 et de 2005 de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2007 à 2009.
L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes est une enquête permanente qui fournit des estimations transversales des déterminants de la santé, de l'état de santé et de l'utilisation du système de santé à un niveau infraprovincial10. Elle a pour champ d'observation la population à domicile de 12 ans et plus des provinces et des territoires, sauf les membres de la force régulière des Forces canadiennes et les habitants des réserves indiennes, des bases des Forces canadiennes (militaires et civils) et de certaines régions éloignées. Elle est représentative de 98 % de la population.
En 2008 et en 2005, un sous-échantillon de participants a été sélectionné dans les dix provinces (les territoires étaient exclus) pour fournir des mesures directes. Les sous-échantillons ont été tirés aléatoirement de la base aréolaire de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et les entrevues ont eu lieu sur place, au domicile des personnes sélectionnées. On a demandé à celles-ci d'indiquer leur taille et leur poids, puis, plus tard au cours de l'entrevue, on les a mesurées et pesées. Avant qu'elles déclarent leur taille et leur poids, on ne leur avait pas dit que ces mesures seraient prises. En 2008, le taux de réponse pour le sous-échantillon a été de 85,0 % au niveau du ménage et de 59,7 % pour la composante des mesures directes, ce qui donne un taux de réponse global de 50,7 %. En 2005, le taux de réponse pour le sous-échantillon a été de 87,0 % au niveau du ménage et de 64,2 % pour la composante des mesures directes, ce qui donne un taux de réponse global de 55,9 %.
Les données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé ont été recueillies à 15 emplacements au Canada de mars 2007 à février 2009. L'enquête avait pour champ d'observation la population à domicile de 6 à 79 ans. Étaient exclus les habitants des réserves indiennes et des terres de la Couronne, les résidents d'établissements, les habitants de certaines régions éloignées, ainsi que les membres à temps plein des Forces canadiennes; l'échantillon représente 96,3 % de la population canadienne. Les renseignements techniques sur le plan de sondage figurent dans un article publié antérieurement11. Outre l'administration à domicile d'un questionnaire détaillé aux participants, l'enquête comportait la prise de mesures physiques (dont la taille et le poids) dans un centre d'examen mobile, de un jour à six semaines après l'interview à domicile. Au début de cette interview (avant que soient posées les questions sur la taille et le poids), on a prévenu les participants que des mesures seraient prises (« ... la deuxième partie de l'enquête est une visite à une clinique pour recueillir des mesures physiques directes, comme la pression artérielle, la taille et le poids, et le niveau de condition physique »)12. Le taux de réponse au niveau du ménage a été de 69,6 %; autrement dit, dans 69,6 % des ménages sélectionnés, l'un des membres a fourni le sexe et la date de naissance de tous les membres du ménage. Dans chaque ménage répondant, un ou deux membres ont été choisis pour participer à l'enquête; parmi ceux-ci, 88,3 % ont répondu au questionnaire du ménage et 84,9 % des personnes qui ont répondu au questionnaire ont participé subséquemment à la composante du centre d'examen mobile. Le taux de réponse global a été de 51,7 %. Comme deux personnes ont été sélectionnées dans certains ménages, le taux de réponse global n'est pas égal au produit des taux de réponse au niveau du ménage et au niveau de la personne13.
Mesures et définitions
L'étude porte sur les adultes de 18 à 79 ans pour lesquels on a recueilli des valeurs mesurées ainsi qu'autodéclarées de la taille et du poids. Les femmes enceintes étaient exclues. Pour l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, les tailles d'échantillons étaient de 3 876 en 2008 et de 3 895 en 2005. Pour l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, la taille de l'échantillon était de 3 625.
Durant chaque enquête, les données autodéclarées sur la taille et le poids ont été recueillies au domicile de la personne au moyen des questions suivantes :
- « Combien mesurez-vous sans chaussures? » Les catégories de taille, en pieds et en pouces, étaient énumérées sur le questionnaire, avec les valeurs métriques entre crochets.
- « Combien pesez-vous? » Après qu'elle ait indiqué son poids, on a demandé à la personne si elle l'avait fait en livres ou en kilogrammes; plus de 90 % ont donné leur poids en livres.
L'entrevue de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes a duré environ 50 minutes. Le poids et la taille autodéclarés ont été recueillis au début de l'entrevue et les mesures ont été prises vers la fin. Les intervieweurs avaient reçu une formation sur la façon de mesurer la taille et le poids. La taille (sans chaussures) a été mesurée à 0,5 cm près à l'aide d'un ruban à mesurer fixé au mur. Le poids a été mesuré à 0,1 kg près à l'aide d'un pèse-personne numérique étalonné (ProFit UC-321 fabriqué par Lifesource).
Dans le cas de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, les mesures ont été prises dans un centre d'examen mobile par des spécialistes titulaires d'un diplôme en kinésiologie et d'une certification de la Société canadienne de la physiologie de l'exercice à titre de physiologistes de l'exercice, certifiés ou d'entraîneurs personnels certifiés. La taille a été mesurée à 0,1 cm près en utilisant un stadiomètre numérique ProScale M150 (Accurate Technology Inc., Fletcher, É.-U.) et le poids, à 0,1 kg près à l'aide d'un pèse-personne Mettler Toledo VLC avec terminal Panther Plus (Mettler Toledo Canada, Mississauga, Canada). L'équipement a été étalonné régulièrement.
L'indice de masse corporelle (IMC) est une mesure du poids ajustée en fonction de la taille. On calcule l'IMC en divisant le poids exprimé en kilogrammes par le carré de la taille exprimée en mètres. Par « IMC mesuré », on entend l'IMC calculé d'après le poids et la taille mesurés, et par « IMC autodéclaré », l'IMC calculé d'après le poids et la taille autodéclarés. Les valeurs corrigées de l'IMC ont été obtenues en appliquant des équations de correction aux valeurs autodéclarées. En fonction des lignes directrices canadiennes14, qui sont en harmonie avec celles de l'Organisation mondiale de la Santé15, les participants aux enquêtes ont été classés dans les catégories de poids insuffisant (IMC inférieur à 18,5 kg/m2 ), de poids normal (IMC variant de 18,5 à 24,9 kg/m2 ), d'excès de poids (IMC variant de 25,0 à 29,9 kg/m2 ) ou d'obésité (IMC égal ou supérieur à 30,0 kg/m2 ).
Techniques d'analyse
Pour estimer le biais associé à l'utilisation de données autodéclarées sur le poids, la taille et l'IMC, on a calculé la différence entre les valeurs autodéclarées et mesurées (autodéclarées moins mesurées). Une différence négative indique une sous-estimation et une différence positive, une surestimation.
Pour évaluer l'importance de l'erreur de classification due à l'utilisation de valeurs autodéclarées pour classer les participants dans une catégorie d'IMC, on a produit des mesures de sensibilité et de spécificité. La sensibilité est le pourcentage de vrais positifs (pourcentage des cas d'obésité, d'excès de poids, de poids normal ou de poids insuffisant déterminés en se basant sur les valeurs mesurées qui ont été classés comme tels d'après les valeurs autodéclarées). La spécificité est le pourcentage de vrais négatifs (pourcentage de personnes n'étant pas obèses, n'ayant pas un excès de poids, n'ayant pas un poids normal ou n'ayant pas un poids insuffisant qui ont été classées comme telles selon les valeurs autodéclarées).
Des équations de correction établies antérieurement d'après les résultats de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 20058 ont été appliquées aux valeurs autodéclarées provenant de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008. Dans l'étude originale, quatre modèles ont été mis à l'essai :
- Modèle 1 (complet - taille et poids) : La taille et le poids mesurés ont été prédits en se basant sur les valeurs autodéclarées, ainsi que sur des facteurs significativement associés aux biais de taille et de poids. L'IMC a été calculé en utilisant ces valeurs de taille et de poids corrigées.
- Modèle 2 (complet - IMC) : L'IMC mesuré a été prédit en se basant sur l'IMC autodéclaré, ainsi que sur des facteurs significativement associés au biais d'IMC.
- Modèle 3 (réduit - taille et poids) : La taille et le poids mesurés ont été prédits en se basant uniquement sur les valeurs autodéclarées, et l'IMC a été calculé d'après ces valeurs corrigées de la taille et du poids.
- Modèle 4 (réduit - IMC) : L'IMC mesuré a été prédit uniquement à partir de l'IMC autodéclaré.
Les variables liées au biais de taille, de poids et d'IMC prises en considération dans les modèles complets ont été sélectionnées d'après une revue de la littérature et les variables dans les enquêtes : le groupe d'âge, le niveau de scolarité, la situation d'emploi, le statut d'immigrant, la race/ethnicité, le revenu du ménage, la santé générale autodéclarée, la santé mentale autodéclarée, les problèmes de santé chroniques (arthrite, hypertension, diabète, maladie cardiaque, cancer et troubles de l'humeur), le stress perçu, la satisfaction à l'égard de la vie, la situation d'usage du tabac, la perception du poids, le niveau d'activité physique durant les loisirs et la préférence quant au dernier chiffre.
Toutes les analyses ont été exécutées séparément pour les hommes et pour les femmes. Des termes d'interaction et des termes quadratiques (y compris un terme quadratique pour l'IMC) ont été testés. Les quatre modèles ont été évalués en comparant les moyennes corrigées pour l'IMC, les taux de prévalence par catégorie d'IMC, ainsi que les valeurs de sensibilité et de spécificité. Comme aucun modèle n'était systématiquement supérieur aux autres, celui fondé uniquement sur l'IMC autodéclaré (modèle réduit - IMC) a été recommandé, parce qu'il était le plus efficace8.
Dans la présente étude, les équations de correction ont été établies selon les mêmes méthodes que dans l'étude antérieure, mais en se servant des données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé recueillies de 2007 à 2009. Puis, elles ont été appliquées aux valeurs autodéclarées provenant de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008. Comme dans le cas de l'étude antérieure, les résultats des quatre modèles étaient similaires et, par conséquent, seuls ceux des modèles réduits d'IMC sont présentés ici. Donc, la présente étude tente de déterminer s'il est possible de corriger les valeurs autodéclarées de l'IMC provenant de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 en utilisant deux modèles réduits d'IMC, l'un consistant à appliquer les équations fondées sur le modèle réduit d'IMC issu des données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 et l'autre, à appliquer les équations fondées sur le modèle réduit d'IMC issu des données de 2007 à 2009 de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (tableau A en annexe).
Les estimations corrigées de la prévalence des catégories d'IMC pour l'Enquête sur la santé dans les collectivités candiennes de 2008 ont été produites en s'appuyant sur les deux modèles pour voir à quel point elles s'approchaient des estimations fondées sur les valeurs mesurées. Des estimations de la sensibilité et de la spécificité basées sur les valeurs corrigées ont été produites pour chaque modèle.
Des équations de correction ont également été établies en se fondant sur la moitié de l'échantillon de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, puis appliquées à l'autre moitié (approche semblable à celle adoptée dans l'étude antérieure). Les résultats étaient similaires à ceux observés quand les équations de correction de 2005 ont été appliquées aux données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 (données non présentées).
Les données de toutes les enquêtes ont été pondérées et toutes les mesures de la variance ont été estimées par la méthode du bootstrap16,17 afin de tenir compte des plans de sondage complexes. Pour l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, le nombre de degrés de liberté a été fixé à 11. Les logiciels SAS (version 9.1) et SUDAAN (version 10) ont été utilisés pour toutes les analyses.
Résultats
Lors de chaque enquête, tant pour les hommes que pour les femmes, la taille a été surestimée et le poids, sous-estimé (tableau 1). Par conséquent, l'IMC moyen et la prévalence de l'obésité étaient plus élevés lorsque fondés sur des données mesurées plutôt que sur des données autodéclarées.
L'ampleur du biais de taille est comparable d'une enquête à l'autre, contrairement au biais de poids. Dans l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, en moyenne, le poids des hommes a été sous-estimé de 2,2 kg et celui des femmes, de 2,7 kg. Les résultats étaient comparables en 2005, quand, en moyenne, les hommes avaient sous-estimé leur poids de 1,9 kg et les femmes, de 2,8 kg. Dans le cas de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, menée de 2007 à 2009, le poids a été sous-estimé moins fortement – de 0,6 kg chez les hommes et de 1,6 kg chez les femmes. Ainsi, le biais dans la prévalence de l'obésité était environ deux fois plus élevé dans le cas de l'un et l'autre cycle de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadienne que dans celui de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (tableau 1).
Les valeurs de sensibilité et de spécificité étaient comparables pour les deux cycles de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (tableau 2). Les valeurs de sensibilité étaient plus élevées pour les hommes ayant un excès de poids, les hommes obèses et les femmes obèses dans le cas de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé que dans celui de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008. Les valeurs de spécificité pour les hommes et les femmes ayant un poids normal étaient plus élevées d'après l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé que d'après les cycles de 2005 et de 2008 de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes.
Des corrections ont été apportées aux valeurs de l'IMC autodéclaré provenant de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 en se fondant sur deux ensembles d'équations de régression (l'un généré à partir de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 et l'autre, à partir de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé) (voir Méthodes et le tableau A en annexe).
Dans le cas de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, en se fondant sur la taille et le poids autodéclarés, l'IMC était sous-estimé de 1,2 kg/m2 pour les hommes et de 1,5 kg/m2 pour les femmes (tableau 3). L'application des corrections basées sur le modèle de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé a réduit le biais à 0,6 kg/m2 pour les hommes et à 0,7 kg/m2 pour les femmes. L'utilisation des équations de correction fondées sur l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 l'a réduit davantage, soit à 0,2 kg/m2 pour les hommes et à 0,3 kg/m2 pour les femmes (tableau 3). Bien que les deux modèles aient permis de réduire le biais d'IMC, les moyennes fondées sur les valeurs corrigées sont demeurées significativement plus faibles que celles fondées sur les valeurs mesurées.
Pour les deux sexes, la distribution en pourcentage par catégorie d'IMC tirée des valeurs autodéclarées différait significativement de celle provenant des valeurs mesurées (tableau 4). Les équations de correction ont produit des distributions plus proches de celles données par les valeurs mesurées. Toutefois, pour les distributions résultant des équations de correction de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, des écarts significatifs persistaient.
Chez les hommes, la prévalence de l'obésité selon l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 était de 26,1 % d'après les valeurs mesurées et de 18,5 % d'après les valeurs autodéclarées. Après correction des valeurs autodéclarées à l'aide des équations de correction de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, la prévalence de l'obésité était de 22,0 % (tableau 4), taux significativement inférieur à la valeur fondée sur des données mesurées. En revanche, la prévalence de l'obésité obtenue en appliquant les équations de correction de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 était de 24,9 %, ce qui ne différait pas statistiquement de l'estimation pour les données mesurées.
Les résultats étaient comparables pour les femmes. Selon l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, la prévalence de l'obésité chez les femmes était de 23,3 % en se fondant sur les valeurs mesurées et de 16,1 % en utilisant les valeurs autodéclarées; après application de l'équation de correction de 2005, l'estimation de la prévalence corrigée pour les données autodéclarées était de 22,8 %, taux non statistiquement différent de l'estimation pour les données mesurées. Même si l'équation de correction de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé améliore l'estimation résultant des valeurs autodéclarées, celle-ci demeure significativement inférieure à l'estimation pour les valeurs mesurées.
Selon les données autodéclarées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, la sensibilité pour la catégorie de l'obésité était de 67 % pour les hommes et de 65 % pour les femmes, ce qui signifie que les valeurs autodéclarées permettaient de classer correctement environ les deux tiers des hommes et des femmes obèses (tableau 5). Après correction au moyen des équations de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, la sensibilité s'est améliorée, pour passer à 77 % pour les hommes et à 75 % pour les femmes. Toutefois, les équations de correction de 2005 produisent des valeurs de sensibilité encore plus élevées, soit 84 % pour les hommes et 82 % pour les femmes.
L'utilisation d'équations de correction améliore aussi les estimations de la sensibilité pour la catégorie de l'excès de poids. Toutefois, pour la catégorie du poids normal, les estimations de la sensibilité fondées sur des valeurs corrigées sont plus faibles que celles provenant de valeurs autodéclarées : dans certains cas, les participants à l'enquête classés correctement comme ayant un poids normal d'après les données autodéclarées ont été classés incorrectement comme ayant un excès de poids par suite de l'application des équations de correction.
Les équations de correction, surtout celles fondées sur l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005, améliorent la spécificité des estimations pour la catégorie du poids normal. Pour la catégorie de l'obésité, ces équations réduisent légèrement la spécificité.
Le but ultime de l'établissement d'équations de correction pour l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes est de pouvoir les appliquer à l'échantillon complet afin d'estimer la prévalence de l'obésité au niveau de la province et de la région sociosanitaire. À cette fin, les deux ensembles d'équations de correction ont été appliqués à l'échantillon complet du cycle de 2007 à 2008 de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes composé de 107 141 personnes de 18 à 79 ans, dont 38 % avaient été interviewées sur place et les 62 % restants, par téléphone. Pour les hommes et pour les femmes, les estimations de la prévalence de l'obésité pour l'échantillon complet que l'on a corrigées à l'aide des équations de 2005 étaient comparables aux estimations de la prévalence de l'obésité fondées sur les données mesurées recueillies auprès du sous-échantillon pour 2008 (tableau 6). En fait, pour toutes les catégories d'IMC, les estimations corrigées à partir des équations de correction de 2005 étaient comparables aux estimations fondées sur les données mesurées, sauf pour les femmes ayant un poids normal, pour lesquelles les estimations corrigées étaient un peu plus élevées. Encore une fois, les équations de correction de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé ont donné certaines améliorations, mais elles ont été moins efficaces que les équations de correction de 2005.
À l'instar de travaux de recherche antérieurs2, la présente étude montre que les valeurs autodéclarées de la taille et du poids sont entachées d'un biais. Comme les participants aux enquêtes ont tendance à surestimer leur taille et à sous-estimer leur poids, les données autodéclarées entraînent une sous-estimation de la prévalence de l'obésité.
L'ampleur du biais de taille est similaire dans les trois enquêtes, mais celle du biais de poids est plus faible dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé que dans les deux cycles de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Par conséquent, le biais de prévalence de l'obésité est environ deux fois plus élevé dans le second cas que dans le premier. Pour la catégorie de l'obésité, la sensibilité est considérablement plus élevée dans le cas de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, ce qui signifie que les personnes obèses participant à cette enquête étaient nettement plus susceptibles d'être classées correctement comme étant obèses en se basant sur les valeurs autodéclarées. Le contexte des enquêtes a vraisemblablement joué un rôle dans ces différences. Avant qu'ils déclarent leur taille et leur poids, les participants à l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé ont été informés qu'ils seraient mesurés et pesés plus tard dans l'entrevue. En revanche, le sous-échantillon de personnes sélectionnées pour participer à la composante des mesures directes de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes n'ont pas été informées que des mesures directes seraient prises. Comme le laissent entendre d'autres travaux de recherche18, les valeurs autodéclarées sont peut-être plus exactes si les personnes savent qu'elles seront pesées et mesurées.
La méthodologie et le contexte de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé sont semblables à ceux de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) menée aux États-Unis19. Le biais de taille observé dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé et dans les deux cycles de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes est semblable à celui relevé dans le cas de la NHANES de 2003-2004 (1,2 cm pour les hommes et 0,5 cm pour les femmes de 18 à 74 ans)4. Chez les femmes de 18 à 74 ans, le biais de poids relevé dans la NHANES (-1,3 kg) est similaire à celui observé dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (-1,6 kg) et considérablement plus faible que celui observé dans l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 (-2,7 kg). Dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, les hommes ont également sous-estimé leur poids, mais pas autant que dans l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes; dans la NHANES, les hommes n'ont pas sous-estimé leur poids.
La présente étude n'a décelé aucune variation du biais entre les cycles de 2005 et de 2008 de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, bien qu'un intervalle de trois ans soit court pour évaluer le changement. Néanmoins, une étude sur la population suisse a montré que le biais est demeuré relativement constant chez cette population au cours de trois décennies20. Une étude ayant pour but de comparer les variations dans le biais d'IMC entre plusieurs cycles de la NHANES (1976 à 1980, 1988 à 1994, 2003-2004) avec les variations du biais entre l'Enquête canadienne sur la santé cardiovasculaire (menée de 1986 à 1992) et l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 a abouti à la conclusion que le biais demeurait relativement stable aux États-Unis, mais augmentait au Canada4. Toutefois, le contexte de l'Enquête canadienne sur la santé cardiovasculaire était comparable à ceux de la NHANES et de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé parce que les participants savaient qu'ils devraient se rendre à une clinique pour y subir des mesures physiques. Dans le cas de l'Enquête canadienne sur la santé cardiovasculaire, le poids a été sous-estimé de 1,8 kg chez les hommes et de 2,3 kg chez les femmes (population de 18 à 74 ans, normalisée selon l'âge en fonction des données du Recensement du Canada de 2001). Ce biais est inférieur à celui observé dans les cycles de 2005 et de 2008 de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, mais il est considérablement plus élevé que dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (où le poids à été sous-estimé de 0,6 kg chez les hommes et de 1,6 kg chez les femmes de 18 à 74 ans). Dans le cas de l'Enquête canadienne sur la santé cardiovasculaire, la taille a été surestimée de 0,6 cm chez les hommes et de 0,2 cm chez les femmes. Ce biais de taille est plus faible que celui relevé dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (1,2 cm pour les hommes et 0,7 cm pour les femmes de 18 à 74 ans) ou dans l'un ou l'autre cycle de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Au Canada, le manque de données ponctuelles provenant d'enquêtes réalisées de la même façon empêche de suivre les tendances du biais au cours du temps.
Avec un certain succès, des équations de correction ont été employées dans d'autres études pour corriger les valeurs de l'IMC autodéclaré8,21-25. Cependant, l'applicabilité externe de ces équations de correction dépend de facteurs tels que le contexte de l'enquête, les variations du biais au fil du temps et le groupe de population étudié. Comme le biais observé dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé diffère de manière significative de ceux observés dans les deux cycles de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, la correction des estimations fondées sur les données autodéclarées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 en se servant des équations de régression établies d'après l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé n'a eu qu'un succès limité. Cela était surtout vrai pour la prévalence de l'obésité, pour laquelle un écart de 3 à 4 points de pourcentage persistait entre les estimations pour les données corrigées et les estimations pour les données mesurées. Une étude américaine dans laquelle des équations de régression fondées sur la NHANES ont été appliquées aux données du Behavioural Risk Factor Surveillance System — qui ne recueille que des valeurs autodéclarées de la taille et du poids — a donné des résultats comparables18. Une étude antérieure sur la population des Pays-Bas a également montré que les équations de correction ne sont pas nécessairement applicables à d'autres ensembles de données26.
Dans le cas de la présente étude, quand les équations de régression basées sur l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 ont été appliquées aux données autodéclarées tirées du cycle de 2008, les estimations de la prévalence de l'obésité corrigées ressemblaient aux estimations pour les données mesurées. Bien que la sensibilité pour la catégorie du poids normal ait diminué légèrement, des améliorations considérables de la sensibilité ont été réalisées pour les femmes et pour les hommes dans la catégorie de l'obésité. L'utilisation des équations de correction de 2005 serait particulièrement efficace pour des études fondées sur l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 où l'IMC serait dichotomisé en deux catégories, à savoir obésité et non-obésité.
Lorsque les équations de correction de 2005 ont été appliquées à l'échantillon complet de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2007 à 2008, les estimations de la prévalence de l'obésité sont devenues statistiquement semblables à celles tirées des valeurs mesurées pour le sous-échantillon de 2008. Ces améliorations sont survenues même si 62 % des entrevues menées auprès de l'échantillon complet ont été réalisées par téléphone. Bien que d'autres études soient nécessaires pour évaluer l'applicabilité des équations aux niveaux provincial et infraprovincial, l'utilisation d'équations de correction est recommandée pour toutes les analyses qui s'appuient sur des données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes.
Limites
Le taux de réponse a été de 51,7 % pour l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, de 50,7 % pour l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, et de 55,9 % pour l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005. Les poids de sondage ont été ajustés pour tenir compte des divers niveaux de non-réponse, mais les estimations pourraient être biaisées si les répondants et les non-répondants avaient des caractéristiques significativement différentes.
Une non-réponse différentielle pourrait avoir donné lieu au biais plus important dans les données autodéclarées provenant de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes que dans celles provenant de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Cependant, aucune différence n'a été observée entre les estimations de la prévalence des catégories d'IMC fondées sur la taille et le poids mesurés dans l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 et dans l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2007 à 2009, ce qui laisse entendre que les différences de biais entre les données autodéclarées provenant des deux enquêtes sont attribuables au contexte de l'enquête plutôt qu'à une non-réponse différentielle.
Selon une étude américaine27 ainsi qu'une étude fondée sur les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes28, comparativement aux interviews sur place, les interviews téléphoniques donnent lieu à un biais plus important dans les estimations de la prévalence de l'obésité autodéclarée. Cependant, dans la présente étude, les estimations de la prévalence de l'obésité autodéclarée tirées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008 sont comparables pour le sous-échantillon, pour lequel toutes les entrevues ont eu lieu sur place, et pour l'échantillon complet de 2007 à 2008, pour lequel 62 % des entrevues ont été menées par téléphone. Quand les équations de régression de 2005 ont été appliquées à l'échantillon complet de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes pour 2007 à 2008, les estimations de la prévalence de l'obésité corrigées ressemblaient à celles fondées sur les données mesurées. La différence de biais entre les entrevues menées par téléphone et celles effectuées sur place pourrait évoluer au cours du temps.
Conclusion
Bien que les mesures directes de la taille et du poids fournissent les estimations les plus exactes qui soient de la prévalence de l'obésité, des considérations d'ordre financier et logistique obligent le programme de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes à poursuivre la collecte de données autodéclarées. L'utilisation des données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé aux fins de l'établissement d'équations pour corriger le biais dans les données autodéclarées est moins efficace que la production d'équations de correction à partir de données mesurées sur le poids et la taille pour un sous-échantillon de participants à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Néanmoins, il est important de surveiller au cours du temps les écarts entre les estimations de la prévalence de l'obésité mesurée provenant de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé et les estimations corrigées à partir des données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. L'existence d'écarts indiquerait que le biais dans les valeurs autodéclarées évolue, ce qui obligerait à produire de nouvelles équations permettant de le réduire et d'approximer les valeurs mesurées.
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