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Les soins hospitaliers prodigués pour traiter les maladies liées au tabagisme représentent une part appréciable du fardeau des soins de santé. Toutefois, comme les dossiers administratifs des hôpitaux ne contiennent que des renseignements limités, il est difficile de quantifier l’utilisation des services hospitaliers en fonction des caractéristiques personnelles des patients. Par exemple, bien que le tabagisme puisse avoir contribué à la raison pour laquelle une personne est hospitalisée, les données administratives sur les congés des patients ne contiennent aucun renseignement sur les antécédents d’usage du tabac.

Une méthode indirecte d’évaluation de l’incidence du tabagisme sur l’utilisation des services hospitaliers consiste à appliquer la « fraction attribuable » établie pour les maladies dont on sait que l’étiologie est associée à l’usage du tabac. La fraction attribuable au tabac est la proportion dans laquelle serait réduite la prévalence d’une maladie dans la population si l’on éliminait le tabagisme. Le nombre de jours d’hospitalisation attribuables au tabac s’obtient en multipliant chaque fraction établie pour une maladie et un âge donnés (en se basant sur les données publiées dans la littérature) par le nombre total de jours d’hospitalisation dus à la maladie en question. Depuis le début des années 1980, cette approche a été adoptée au Canada et ailleurs dans les études destinées à estimer l’utilisation des soins de santé associée au tabagisme1-6 .

Les estimations calculées suivant l’approche de la fraction attribuable comportent plusieurs limites. En premier lieu, les calculs sont fondés sur des estimations du risque particulier à la maladie tirées de la littérature, de sorte que leur précision dépend de la qualité des données sous‑jacentes. En deuxième lieu, l’approche de la fraction attribuable ne s’applique pas aux problèmes de santé dont l’association réelle au tabagisme n’est pas encore suffisamment bien comprise. En troisième lieu, cette approche ne tient pas compte des risques plus élevés de complications à la suite d’une intervention chirurgicale chez les fumeurs et de leur rétablissement plus lent7-15 .

Une méthode plus exacte pour quantifier l’utilisation des services hospitaliers associée au tabagisme consiste à recueillir des données de base auprès d’une cohorte et à surveiller l’utilisation des services hospitaliers par les membres de cette cohorte au cours d’une période donnée. Peu d’études se sont appuyées sur cette méthode, probablement à cause des ressources considérables que requiert le suivi16,17 . Une méthode semblable, mais moins coûteuse, comprend le couplage de données d’enquête recueillies durant une année de référence à des données administratives couvrant une période de suivi subséquente18-20 . Le couplage récent de données d’enquête sur la santé à des données hospitalières administratives offre une occasion d’étudier l’association entre la situation d’usage du tabac et l’utilisation des services des hôpitaux de soins de courte durée au Canada.

L’étude a pour objectif de quantifier la probabilité d’hospitalisation et d’estimer le temps passé à l’hôpital, selon la situation d’usage du tabac. Elle est fondée sur un échantillon de participants à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2000‑2001 âgés de 45 à 74 ans, dont l’expérience d’hospitalisation a été suivie prospectivement pendant une période de quatre ans en procédant au couplage des données de l’enquête à celles de la Base de données de l’Information‑santé orientée vers la personne.

Méthodes

Source des données

Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes

Les données sur l’usage du tabac et d’autres caractéristiques personnelles proviennent du cycle de 2000‑2001 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC). Conçue en vue de recueillir des données transversales sur la santé des Canadiens de façon continue, l’enquête a pour champ d’observation la population à domicile, c’est‑à‑dire ne résidant pas en établissement, de 12 ans et plus des provinces et des territoires, sauf les membres des Forces canadiennes régulières, ainsi que les habitants des réserves indiennes, des bases des Forces canadiennes (militaires et civils) et de certaines régions éloignées. La méthodologie de l’enquête a été décrite dans un rapport antérieur21 .

Le taux global de réponse à l’ESCC de 2000‑2001 était de 85 %, et la taille totale de l’échantillon, de 131 535. Comme les données hospitalières ne contenaient pas suffisamment d’information pour permettre le couplage des enregistrements obtenus pour les résidents du Québec (voir Données sur les hospitalisations), les 22 667 personnes ayant participé à l’ESCC dans cette province (17 %) ont été écartées de l’étude. Parmi les 108 868 personnes retenues, 90 450 avaient autorisé que les données à leur sujet recueillies durant l’enquête soient couplées à des données administratives. Des algorithmes de vérification de chiffres ont été utilisés pour confirmer la plausibilité du numéro d’assurance‑maladie qu’elles avaient fourni; 72 363 personnes ont donné un numéro plausible. Les participants à l’enquête âgés de 45 à 74 ans étaient au nombre de 28 288, mais pour 33  d’entre eux, on ne disposait pas de données sur la situation d’usage du tabac (figure 1). Environ la moitié d’entre eux avaient été interviewés par téléphone, et l’autre moitié, sur place (données non présentées).

figure 1
Création du fichier d’analyse

Des poids de sondage ont été produits par Statistique Canada pour corriger les données de la non‑réponse à l’ESCC, ainsi que pour exclure les personnes n’ayant pas donné un numéro d’assurance‑maladie plausible ou n’ayant pas autorisé le couplage de leurs renseignements aux données administratives sur la santé. Ces poids ont été appliqués au fichier d’analyse; les données pondérées étaient représentatives de la population canadienne à domicile résidant en dehors du Québec.

Données sur les hospitalisations

La Base de données sur l’Information‑santé orientée vers la personne (ISOP) de Statistique Canada est un ensemble de données axées sur la personne établi d’après les données sur les congés des patients que transmettent la plupart des hôpitaux de soins de courte durée et certains établissements psychiatriques, de soins de longue durée et de soins de réadaptation au Canada22 . Les données sur les congés des patients, qui contiennent des renseignements démographiques (par exemple, date de naissance, code postal), administratifs (numéro d’assurance‑maladie, dates d’hospitalisation et de sortie de l’hôpital) et cliniques23 , sont recueillies dans la Base de données sur la morbidité hospitalière de l’Institut canadien d’information sur la santé24 . Durant le traitement à Statistique Canada, environ 3 % des enregistrements de la Base de données sur la morbidité hospitalière concernant des patients de 12 ans et plus ont été exclus parce que le numéro d’assurance‑maladie manquait ou n’était pas valide22 . Comme la présente analyse a été limitée aux enregistrements relatifs aux hospitalisations dans les hôpitaux de soins de courte durée, une tranche de 2 % d’enregistrements transmis par d’autres établissements que ceux de soins de courte durée a également été exclue.

Après un traitement destiné à confirmer la cohérence des données démographiques figurant dans les enregistrements que l’on supposait se rapporter à une même personne, le couplage des enregistrements a été effectué en deux étapes. Premièrement, pour produire les enregistrements de la Base de données ISOP, les enregistrements concernant une même personne ont été appariés en se basant sur le numéro d’assurance‑maladie, le code postal et la date de naissance. Ensuite, des routines de couplage probabiliste ont été utilisées pour apparier les enregistrements de l’ESCC à ceux de la Base de données ISOP.

Selon une évaluation du couplage des données de l’ESCC à celles de la base ISOP publiée récemment, le taux de couverture était élevé pour la population de moins de 75 ans. Le nombre de personnes de 12 à 74 ans qui avaient été hospitalisées estimé sur la base du nombre d’enregistrements de l’ESCC qui ont été appariés aux enregistrements ISOP correspondait à 96,4 % du nombre de personnes hospitalisées estimé sur la base des enregistrements ISOP uniquement25 . L’évaluation de la comparabilité du fichier de données couplées au fichier original de l’ESCC (excluant les participants à l’enquête résidant au Québec, mais incluant ceux qui n’avaient pas autorisé le couplage des données) s’est poursuivie par une comparaison des répartitions de la population selon la situation d’usage du tabac (pourcentage de personnes qui fumaient au moment de l’enquête, de personnes qui n’avaient jamais fumé, d’anciens fumeurs qui avaient arrêté au cours des cinq dernières années et d’anciens fumeurs qui avaient arrêté depuis plus de cinq ans) obtenues d’après les deux fichiers, comparaison qui a révélé que ces répartitions étaient presque identiques (données non présentées).

Les entrevues de l’ESCC ont eu lieu du 1er septembre 2000 au 3 novembre 2001. Une recherche prospective sur une période de quatre ans (1 462 jours) à partir de la date de l’entrevue de l’ESCC a été effectuée pour chaque répondant dans les enregistrements ISOP. Donc, théoriquement, la période d’admissibilité des cas d’hospitalisation était la même pour chaque répondant. La censure avant la fin de la période de quatre ans à cause d’événements tels que le décès ou le déménagement hors de la province n’a pas pu être prise en compte parce que l’information au sujet de ce genre d’événements n’était pas disponible ou était incomplète. Cependant, on a supposé que ce genre d’événements sont relativement rares parmi le groupe d’âge étudié et qu’ils ont donc un effet minime sur les résultats de l’analyse. Le couplage probabiliste des 28 288 enregistrements de l’ESCC aux enregistrements de la Base ISOP a produit 7 229 appariements, ce qui indique que 26 % des participants à l’ESCC en dehors du Québec ont été hospitalisés au moins une fois durant la période de suivi de quatre ans. Aucun appariement avec les enregistrements de la Base ISOP au cours de la période de suivi de quatre ans n’a été découvert pour les 21 059 autres participants à l’enquête, qui ont, par conséquent, été considérés comme n’ayant pas été hospitalisés. Aucun renseignement sur la situation d’usage du tabac n’était disponible pour 13 des personnes qui avaient été hospitalisées et pour 20 de celles qui ne l’avaient pas été. Ces enregistrements ont été supprimés, ce qui a produit des échantillons finaux de 7 216 et 21 039 personnes, respectivement.

Techniques d’analyse

Nous nous sommes servis de fréquences, de totalisations croisées et de moyennes pour estimer la prévalence du tabagisme, les proportions de personnes hospitalisées et le nombre de jours d’hospitalisation. Toutes les totalisations ont été produites par groupe d’âge, et tous les calculs ont été effectués sur des données pondérées. La variance des estimations a été calculée par la méthode du bootstrap pour tenir compte du plan de sondage complexe de l’enquête26,27 .

Une analyse préliminaire a révélé qu’assez peu (7 %) de participants à l’ESCC de 75 ans et plus fumaient tous les jours. En outre, pour la population de 75 ans et plus, la correspondance entre l’ESCC et l’ISOP est nettement moins bonne que pour les personnes plus jeunes, en grande partie parce que le champ d’observation de l’ESCC n’inclut pas les personnes vivant en établissement25 . Par conséquent, les personnes de 75 ans et plus ont été exclues de l’analyse.

Quatre modèles de régression logistique multiple ont été ajustés pour évaluer l’association entre la situation d’usage du tabac (telle qu’elle est déterminée durant l’entrevue de l’ESCC) et la cote exprimant le risque d’une hospitalisation, en tenant compte de l’effet de variables confusionnelles éventuelles. Le premier modèle contenait des variables de contrôle pour l’âge et le sexe; à ce modèle ont été ajoutées des variables reflétant le statut socioéconomique (modèle 2), la résidence en région urbaine ou rurale (modèle 3), ainsi que les visites chez le médecin, l’activité physique durant les loisirs, l’indice de masse corporelle et le niveau de consommation d’alcool (modèle 4). Afin de maximiser la taille de l’échantillon, des variables ont également été incluses pour les données manquantes sur le revenu du ménage, l’activité physique durant les loisirs et l’indice de masse corporelle. La régression à risques proportionnels de Cox, utile pour évaluer le temps écoulé jusqu’au premier événement, a également été envisagée comme moyen d’étudier cette association. Cependant, comme le temps écoulé jusqu’à l’hospitalisation n’était pas lié au but de la régression (évaluer l’influence éventuelle du statut socioéconomique et d’autres facteurs de risque sur l’association entre le tabagisme et l’hospitalisation), la régression logistique a été considérée comme une approche appropriée.

Définitions

Les participants à l’enquête ont été répartis en quatre catégories d’usage quotidien du tabac, à savoir les fumeurs quotidiens au moment de l’enquête, les anciens fumeurs quotidiens ayant arrêté durant les cinq années qui ont précédé la date de l’entrevue de l’ESCC (anciens fumeurs récents), les anciens fumeurs quotidiens ayant cessé de fumer plus de cinq ans avant la date de l’entrevue (anciens fumeurs de longue date) et les personnes n’ayant jamais fumé quotidiennement.

Par souci de conformité aux lignes directrices sur la consommation d’alcool à faible risque28 , sept catégories de consommation d’alcool ont été spécifiées, à savoir l’excès d’alcool hebdomadaire (au moins cinq verres en une même occasion, au moins une fois par semaine au cours de l’année précédente); forte (dix verres d’alcool ou plus la semaine précédente chez les femmes; quinze verres ou plus chez les hommes); moyenne (de deux à neuf verres la semaine précédente chez les femmes; de deux à quatorze verres chez les hommes); faible (un verre la semaine précédente); occasionnelle (au moins un verre l’année précédente, mais aucun la semaine précédente); ancien(ne) buveur(euse) (au moins un verre au cours de la vie, mais aucun l’année précédente) et abstinence à vie.

Les groupes de revenu du ménage ont été établis en calculant le ratio entre le revenu total du ménage en provenance de toutes les sources au cours des 12 mois précédents et le seuil de faible revenu de Statistique Canada propre au nombre de personnes dans le ménage, à la taille de la collectivité et à l’année de l’enquête. Ces ratios corrigés de revenu ont été triés et groupés en quintiles par province (cinq groupes, chacun contenant un cinquième de la population, dans chaque province).

Le nombre de jours d’hospitalisation a été calculé en additionnant les durées d’hospitalisation obtenues pour chaque participant à l’ESCC hospitalisé; puis, les totaux ont été ventilés selon le groupe d’âge et la situation d’usage du tabac. Les personnes considérées comme n’ayant pas été hospitalisées ont été incluses dans l’analyse, et leur contribution au nombre de jours d’hospitalisation a été fixée à zéro.

Le nombre moyen de jours d’hospitalisation a été calculé en divisant le nombre total pondéré de jours pour chaque groupe d’âge et catégorie d’usage du tabac par le chiffre de population pondéré correspondant. Pour chaque groupe d’âge et catégorie d’usage du tabac, le nombre moyen de jours d’hospitalisation excédentaires a été obtenu en soustrayant le nombre moyen de jours pour les personnes n’ayant jamais fumé du nombre moyen correspondant de jours pour chaque catégorie d’usage du tabac. Ensuite, le nombre total de jours excédentaires d’hospitalisation a été calculé en multipliant le nombre moyen de jours excédentaires dans chaque groupe d’âge et catégorie d’usage du tabac par le chiffre de population dans chacun de ces groupes. Enfin, le pourcentage de jours d’hospitalisation qui correspondait à des jours excédentaires a été calculé en divisant le nombre de jours excédentaires par le nombre total de jours. Toutes les estimations ont été produites pour chaque groupe d’âge et catégorie d’usage du tabac.

Résultats

Parmi les Canadiens (excluant les résidents du Québec) âgés de 45 à 74 ans en 2000‑2001, environ 19 % étaient des fumeurs quotidiens, 6 % étaient d’anciens fumeurs quotidiens qui avaient arrêté de fumer au cours des cinq dernières années (anciens fumeurs récents), 30 % étaient d’anciens fumeurs quotidiens qui avaient cessé de fumer depuis plus de cinq ans (anciens fumeurs de longue date) et 44 % n’avaient jamais fumé quotidiennement (tableau 1). Le pourcentage de fumeurs quotidiens dans le groupe des 45 à 54 ans était plus élevé que dans les groupes d’âge plus avancé.

tableau 1
Situation d’usage du tabac, selon le groupe d’âge, population à domicile de 45 à 74 ans, Canada, Québec non compris, 2000-2001

Au cours de la période de quatre ans qui a suivi, 14 % des personnes de 45 à 54 ans ont été hospitalisées et la proportion augmentait pour les groupes d’âge plus avancé successifs, pour atteindre 35 % chez les 65 à 74 ans (tableau 2). Après avoir tenu compte de la situation d’usage du tabac, la probabilité d’une hospitalisation au cours de la période de quatre années variait d’un creux de 12 % pour les personnes de 45 à 54 ans n’ayant jamais fumé à un sommet de 43 % pour celles de 65 à 74 ans qui fumaient quotidiennement ou qui avaient cessé de fumer récemment.

tableau 2
Pourcentage d’hospitalisés au cours des quatre années suivantes, selon le groupe d’âge et la situation d’usage du tabac, population à domicile de 45 à 74 ans en 2000-2001, Canada, Québec non compris

Dans chaque groupe d’âge, le pourcentage de fumeurs quotidiens ayant été hospitalisés dépassait appréciablement celui enregistré pour les personnes n’ayant jamais fumé quotidiennement. Dans tous les groupes d’âge, les anciens fumeurs récents étaient également significativement plus susceptibles d’avoir été hospitalisés que les personnes qui n’avaient jamais fumé quotidiennement. Cette tendance s’observait aussi pour les anciens fumeurs de longue date, sauf dans le groupe des 55 à 64 ans, pour lequel le pourcentage d’hospitalisés ne différait pas de manière significative de celui observé chez les personnes qui n’avaient jamais fumé quotidiennement.

Corrigée pour tenir compte de l’âge et du sexe, la cote exprimant le risque d’une hospitalisation chez les personnes qui fumaient quotidiennement au moment de l’enquête était supérieure de 80 % à celle calculée pour les personnes n’ayant jamais fumé quotidiennement (tableau 3, modèle 1). Les rapports de cotes pour les anciens fumeurs quotidiens, c’est‑à‑dire 1,6 pour les anciens fumeurs récents et 1,3 pour les anciens fumeurs de longue date, étaient significativement élevés également. Même après l’ajout d’autres variables de contrôle (niveau de scolarité et niveau de revenu [modèle 2], résidence en région urbaine ou rurale [modèle 3] et consultation d’un médecin de famille, niveau d’activité physique durant les loisirs, indice de masse corporelle et niveau de consommation d’alcool [modèle 4]), les rapports de cotes demeuraient à peu près au même niveau pour toutes les catégories d’usage du tabac.

tableau 3
Rapports corrigés de cotes reliant la situation d’usage du tabac à l’hospitalisation au cours des quatre années suivantes, avec contrôles pour certaines caractéristiques, population à domicile de 45 à 74 ans en 2000-2001, Canada, Québec non compris

Nombre plus élevé de jours d’hospitalisation

Le temps passé à l’hôpital par les fumeurs quotidiens au moment de l’enquête et les anciens fumeurs quotidiens n’était pas proportionnel à la part de la population qu’ils représentaient. En 2000‑2001, les fumeurs quotidiens de 45 à 74 ans formaient 19 % de la population de ce groupe d’âge, mais ils étaient à l’origine de 29 % des jours d’hospitalisation de ce groupe d’âge (tableau 4). Les anciens fumeurs récents constituaient 6 % de la population, mais représentaient 10 % des jours d’hospitalisation. Les anciens fumeurs de longue date étaient à l’origine d’un pourcentage de jours d’hospitalisation (32 %) qui reflétait mieux leur part de la population (30 %). Enfin, les personnes qui n’avaient jamais fumé quotidiennement représentaient 44 % de la population, mais étaient à l’origine de 30 % des jours d’hospitalisation.

tableau 4
Nombre et répartition en pourcentage des jours d’hospitalisation au cours des quatre années subséquentes, selon le groupe d’âge et la situation d’usage du tabac, population à domicile de 45 à 74 ans en 2000-2001, Canada, Québec non compris

Le nombre moyen de jours d’hospitalisation par personne (y compris les personnes qui n’avaient pas été hospitalisées durant la période de référence de l’étude) était significativement plus élevé pour les fumeurs quotidiens que pour les personnes qui n’avaient jamais fumé quotidiennement. Dans chaque groupe d’âge, la moyenne pour les fumeurs quotidiens était égale à plus du double de celle pour les personnes n’ayant jamais fumé quotidiennement (tableau 5). Les anciens fumeurs récents comptaient aussi un nombre moyen de jours d’hospitalisation significativement plus élevé que les personnes n’ayant jamais fumé quotidiennement.

tableau 5
Nombre moyen de jours d’hospitalisation et de jours excédentaires d’hospitalisation au cours des quatre années subséquentes, selon le groupe d’âge et la situation d’usage du tabac, population à domicile de 45 à 74 ans en 2000-2001, Canada, Québec non compris

Chez les anciens fumeurs de longue date âgés de 45 à 64 ans, le nombre moyen de jours d’hospitalisation n’était pas statistiquement supérieur à celui calculé pour les personnes n’ayant jamais fumé quotidiennement. Cependant, chez ceux de 65 à 74 ans, il était significativement supérieur (6,8 jours) à la moyenne pour les personnes de ce groupe d’âge n’ayant jamais fumé quotidiennement (4,3 jours).

Chez les fumeurs quotidiens au moment de l’enquête, le nombre moyen de jours d’hospitalisation excédentaires variait de 1,5 jour pour le groupe des 45 à 54 ans à 6,0 jours pour celui des 65 à 74 ans. Chez les anciens fumeurs récents, le nombre de jours excédentaires était, en moyenne, de 0,9 chez les 45 à 54 ans, de 2,6 chez les 55 à 64 ans et de 8,4 chez les 65 à 74 ans. Dans le cas des anciens fumeurs de longue date, le nombre moyen de jours excédentaires parmi le groupe des 45 à 64 ans ne différait pas significativement de zéro; chez les personnes de 65 à 74 ans, il était de 2,6, chiffre significativement plus faible que celui de 8,4 observé pour les anciens fumeurs récents.

En tout, les fumeurs quotidiens et les anciens fumeurs quotidiens de 45 à 74 ans comportaient 7,1 millions de jours excédentaires d’hospitalisation sur la période de suivi de quatre ans, soit près du tiers (32 %) de tous les jours passés à l’hôpital par les personnes de ce groupe d’âge (tableau 6). La proportion était uniforme chez les trois groupes d’âge. Quand l’analyse a été répétée séparément pour les hommes et pour les femmes, la proportion de jours excédentaires était de 36 % du nombre total de jours d’hospitalisation pour les hommes et de 28 % du nombre total de jours d’hospitalisation pour les femmes (données non présentées).

tableau 6
Nombre de jours excédentaires† d’hospitalisation au cours des quatre années subséquentes, selon le groupe d’âge et la situation d’usage du tabac, population à domicile de 45 à 74 ans en 2000-2001, Canada, Québec non compris

Discussion

Pour la première fois, des estimations représentatives de la population de l’utilisation des hôpitaux de soins de courte durée au Canada (non compris le Québec) en fonction de la situation d’usage du tabac des patients ont été produites prospectivement en recourant au couplage de données d’enquête et de données administratives. Les résultats indiquent que le nombre de jours d’hospitalisation excédentaires chez les fumeurs quotidiens et les anciens fumeurs quotidiens de 45 à 74 ans représentent près du tiers du nombre total de jours passés à l’hôpital par les personnes de ce groupe d’âge. En outre, la probabilité plus élevée d’hospitalisation des fumeurs et des anciens fumeurs n’est pas expliquée par d’autres caractéristiques, y compris le statut socioéconomique.

Les nombres moyens relativement plus faibles de jours d’hospitalisation excédentaires relevés pour les anciens fumeurs quotidiens qui avaient cessé de fumer plus de cinq ans avant l’entrevue de l’ESCC mettent en relief les bienfaits du renoncement au tabac de longue durée. Ces résultats corroborent ceux d’études publiées par le Surgeon General des États‑Unis indiquant une diminution du risque de mortalité à mesure qu’augmente le temps écoulé depuis l’arrêt du tabagisme29 .

Une étude antérieure révélant que le nombre d’admissions à l’hôpital augmente chez les anciens fumeurs durant l’année au cours de laquelle ils cessent de fumer avait mené les chercheurs à conjecturer que la manifestation de la maladie était peut‑être le facteur qui les avait motivés à renoncer au tabac30 . Ce genre de situation pourrait expliquer le nombre moyen élevé de jours d’hospitalisation excédentaires chez les anciens fumeurs ayant cessé de fumer depuis cinq ans ou moins observé pour le groupe des 65 à 74 ans dans la présente étude.

Les études de divers résultats associés au tabagisme (par exemple, l’utilisation des soins de santé, les coûts directs et indirects et la mortalité) menées antérieurement au Canada se fondaient sur la méthode de la fraction attribuable, ce qui rend les comparaisons avec la présente étude problématiques2,3,6 . Le but de la présente étude était de quantifier l’utilisation des services hospitaliers selon la situation d’usage du tabac du patient, indépendamment de la fraction attribuable au tabac du problème de santé diagnostiqué chez le patient en fonction de l’âge.

Les comparaisons aux résultats d’études réalisées dans d’autres pays en se basant sur une méthode semblable à celle de la présente étude sont également limitées par des différences de points d’arrêt de l’étude, de prévalence du tabagisme et de durée du suivi. Par exemple, un suivi de 16 ans d’une cohorte représentative de la population nationale de la Finlande a révélé que les hommes qui fumaient comptaient 70 % de jours d’hospitalisation de plus, et les femmes qui fumaient, 49 % de plus, que les personnes n’ayant jamais fumé17 . Selon une étude prospective sur 30 mois réalisée au Japon, le coût par personne des soins hospitaliers prodigués aux personnes hospitalisées était 33 % plus élevé pour les hommes qui fumaient que pour ceux qui ne fumaient pas, mais ne différait pas chez les femmes16 . En Écosse, chez une cohorte suivie pendant 7,5 ans, la cote exprimant le risque d’hospitalisation était significativement plus élevée pour les fumeurs et les anciens fumeurs19 . Malgré la diversité des approches méthodologiques de ces études, la constatation systématique est que l’usage du tabac est un facteur qui détermine dans une proportion appréciable les soins hospitaliers.

Limites

Une limite importante de l’étude est due à l’exclusion des résidents du Québec, où la prévalence de l' usage du tabac était relativement forte en 2000 / 200131 . L’exclusion des personnes placées en établissement et des habitants des réserves accroît encore le sous‑dénombrement des jours d’hospitalisation utilisés. Bien que les participants à l’ESCC n’ayant pas donné un numéro d’assurance‑maladie valide et ceux qui n’ont pas autorisé le couplage des données qu’ils ont fournies à des données administratives aient été exclus de l’étude, Statistique Canada a produit des poids de sondage spéciaux pour tenir compte de ces exclusions.

Les soins hospitaliers reçus par les fumeurs sont sous‑estimés dans la présente analyse. Les données sur l’utilisation des services d’urgence et des services de consultations externes n’étaient pas disponibles. En outre, comme les données n’étaient disponibles que pour les hôpitaux de soins de courte durée, les établissements spécialisés, tels que les hôpitaux psychiatriques et les centres de réadaptation, ont été exclus. Enfin, la mesure dans laquelle l’exposition à la fumée des autres pourrait avoir été associée au nombre de jours d’hospitalisation n’a pas été estimée.

La catégorie de réponse maximale à la question de l’ESCC de 2000‑2001 visant à demander aux anciens fumeurs quotidiens depuis combien de temps ils avaient cessé de fumer était « il y a plus de cinq ans ». Une ventilation plus détaillée (par exemple, de 5 à 10 ans, 10 ans et plus) aurait permis d’étudier la durée du renoncement au tabac qui est nécessaire pour que l’utilisation des services hospitaliers par les anciens fumeurs retombe éventuellement au même niveau que celui des personnes qui n’ont jamais fumé. En outre, l’information sur l’intensité de l’exposition au tabagisme (nombre de paquets‑années) n’était pas disponible.

La situation d’usage du tabac n’a été évaluée qu’au début de la période et pourrait avoir changé au cours des quatre années suivantes. Les fumeurs pourraient avoir cessé de fumer et les anciens fumeurs pourraient avoir recommencé. Selon une étude antérieure fondée sur des données longitudinales, dans un intervalle de deux ans, 13 % des fumeurs quotidiens avaient renoncé au tabac32 . Cependant, parmi les anciens fumeurs, la rechute était particulièrement élevée au cours des deux premières années, environ 20 % ayant recommencé à fumer. Bien qu’il ne soit pas possible de quantifier pleinement la mesure dans laquelle de tels changements pourraient avoir atténué ou biaisé les associations observées, il est probable que l’association avec l’hospitalisation observée chez les personnes considérées comme des anciens fumeurs récents (ayant arrêté de fumer au cours des cinq dernières années) soit plus forte qu’elle ne l’aurait été si les récidivistes avaient été exclus.

D’autres facteurs que le tabagisme, qui n’ont pas pu être intégrés dans l’analyse, pourraient expliquer une partie de l’hospitalisation excédentaire chez les fumeurs. Ces facteurs pourraient inclure la propension à prendre des risques, un moins bon état nutritionnel et l’obtention moins fréquente de soins primaires et de soins préventifs.

Les données de l’ESCC ont été autodéclarées par les participants à l’enquête. Aucune vérification indépendante de l’information n’a été effectuée. La mesure dans laquelle les données pourraient être biaisées à cause d’erreurs de déclaration est inconnue. Par exemple, toute tendance à nier ou à sous‑déclarer l’usage du tabac contribuerait à une erreur de classification qui réduirait la force de l’association entre l’utilisation des services hospitaliers et le tabagisme.

Les enregistrements d’hospitalisation ont été appariés aux enregistrements de l’enquête par une méthode de couplage probabiliste qui auraient pu produire certains appariements faux ou manqués.

Conclusion

La présente étude, qui est la première réalisée au Canada en vue de quantifier directement le temps passé à l’hôpital en fonction de la situation d’usage du tabac, illustre la valeur du couplage de données administratives à des données d’enquête. La précision de l’association entre l’hospitalisation et la situation d’usage du tabac a été améliorée en tenant compte de l’effet d’autres variables éventuellement influentes, telles que l’obésité et le statut socioéconomique. Les résultats indiquent que les fumeurs sont à l’origine d’un nombre important de jours d’hospitalisation excédentaires dans les hôpitaux de soins de courte durée.