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Les recherches menées sur la santé des infirmières au Canada ont fait ressortir un certain nombre de préoccupations. Les infirmières sont exposées à des risques pour la santé en milieu de travail, liés notamment à l’exposition aux maladies infectieuses, aux matières biologiques dangereuses et aux substances cancérigènes, ainsi qu’aux exigences psychologiques et au travail par poste1-4 . Une enquête commandée par le Bureau de la politique des soins infirmiers de Santé Canada a déterminé que le taux d’absentéisme lié aux maladies et aux blessures chez les infirmières autorisées qui travaillaient à temps plein était 83 % plus élevé que chez les autres groupes professionnels5 . Ce niveau d’absentéisme soulève des questions concernant la santé des infirmières, leur environnement de travail, la nature du travail qu’elles effectuent, l’organisation de leur travail et le coût en temps perdu pour le système, que l’on a estimé à 19,6 millions d’heures (environ 11 000 équivalents temps plein) en 20025 .

En 2005, on a mené l’Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier, qui portait principalement sur leur état de santé et leurs conditions de travail. Des comparaisons entre les résultats de cette enquête et l’état de santé des Canadiens occupés de 21 ans et plus ont révélé chez le personnel infirmier un risque accru de maux de dos et d’arthrite, de douleurs suffisamment graves pour nuire aux activités de la vie quotidienne et de dépression3 .

Par contre, dans une étude menée en 2007 sur les risques de mortalité et de cancer du sein chez le personnel infirmier en Colombie‑Britannique, Dimich‑Ward et coll.4 ont trouvé qu’en comparaison avec l’ensemble des femmes de la province, les infirmières autorisées affichaient un risque plus faible de mortalité, toutes causes confondues, y compris les maladies cardiovasculaires et le cancer. En outre, à l’exception des cas de mélanomes malins, les infirmières affichaient une incidence plus faible de cancer. Les auteurs ont avancé que ces résultats relativement bons en matière de santé pour les infirmières étaient attribuables à l’« effet du travailleur en bonne santé » et peut‑être aussi à une meilleure utilisation des programmes de dépistage du cancer et à des modes de vie plus sains.

Une part importante de la recherche effectuée sur la santé du personnel infirmier comporte des limites analytiques. Les données sur la santé au travail proviennent souvent des demandes d’indemnisation pour heures perdues reçues par les commissions des accidents du travail et sont biaisées en raison du sous‑dénombrement6 . En outre, même si certaines de ces demandes d’indemnisation pour heures perdues se rapportent à des problèmes de santé liés au stress et à des maladies infectieuses, la grande majorité se rapporte à des blessures physiques. Par ailleurs, elles se limitent aux incidents déclarés et considérés comme étant liés au travail, qui ont habituellement un caractère « aigu » ou soudain7 . Lorsqu’on effectue des comparaisons avec des groupes de référence, les analyses des bases de données et des registres administratifs ne comprennent pas de renseignements concernant le statut d’emploi et, par conséquent, sont souvent limitées à des comparaisons avec le « grand public » qui, comme dans l’étude de Dimich‑Ward et coll.4 , sont biaisées par l’« effet du travailleur en bonne santé ». Cela tient au fait que le grand public comprend des personnes qui ne sont pas occupées en raison d’une maladie ou d’une incapacité. Par conséquent, ce groupe de référence a tendance à avoir un état de santé général moins bon que les personnes occupées (dans ce cas, le personnel infirmier)8 . En outre, quand on compare la santé du personnel infirmier avec celle des autres personnes occupées, il est préférable de contrôler les facteurs confusionnels, comme les différences d’âge, de statut socioéconomique, de lieu de résidence et de mode de vie. Dans le rapport découlant de l’Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier de 2005, qui comparait la santé du personnel infirmier avec celle d’autres personnes occupées au moyen de données provenant d’une autre enquête, de tels rajustements n’ont pu être effectués2 .

Plusieurs théories (p. ex. le modèle des croyances relatives à la santé, la théorie du comportement axé sur un objectif et le modèle du processus d’adoption d’un comportement de précaution9‑11 ) décrivent les facteurs prédisposants, habilitants et renforçants qui modèlent le comportement en matière de santé et, en fin de compte, l’état de santé12 . Le fait de comprendre les facteurs liés à l’état de santé et au comportement du personnel infirmier – c’est‑à‑dire si oui ou non les déficits en matière de santé dérivent de facteurs professionnels, personnels et environnementaux – est important. Cela est particulièrement pertinent en cette époque où la croissance de l’effectif infirmier ne suit pas celle de la population, où l’âge moyen de l’effectif infirmier est en hausse et où les préoccupations concernant le maintien en poste s’accentuent13 .

La présente étude vise à comparer l’état de santé des infirmières avec celui d’autres diplômées d’un programme postsecondaire qui occupent un poste, en mettant l’accent sur l’état de santé perçu, la prévention de la maladie, les risques comportementaux et les facteurs de protection, ainsi que sur les facteurs de risque psychosociaux. Cette analyse surmonte certaines des limites d’autres études en utilisant un groupe de référence approprié et en rajustant les données pour tenir compte d’importants facteurs confusionnels d’ordre démographique et socioéconomique.

L’analyse présentée dans cet article, fondée sur l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2003, compare la santé des infirmières avec celle d’autres femmes ayant un diplôme postsecondaire, qui étaient occupées à un moment donné durant les 12 derniers mois et dont la profession ne les expose probablement pas à un environnement hospitalier. À un moment ou à un autre de leur carrière, toutes les infirmières sont exposées à un environnement hospitalier. Même si certaines d’entre elles peuvent ne pas travailler actuellement dans un hôpital (p. ex. les infirmières communautaires, les chercheuses, les enseignantes), toutes les infirmières ont été incluses dans l’étude pour éviter un biais de sélection qui se serait produit si l’échantillon s’était limité aux infirmières travaillant actuellement en milieu hospitalier. En fait, certaines infirmières ont peut‑être quitté des postes dans des hôpitaux précisément en raison de l’exposition à cet environnement et des problèmes de santé en découlant. Par ailleurs, le temps écoulé entre l’exposition et l’apparition d’un problème de santé peut être considérable.

Données et méthodes

Source des données

Les analyses sont fondées sur des données transversales du cycle 2.1 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 200314 . Tous les deux ans, cette enquête permet de recueillir des données concernant l’état de santé des Canadiens, leur utilisation des services de santé et les déterminants de la santé. L’enquête porte sur 98 % des membres des ménages âgés de 12 ans et plus dans toutes les provinces et tous les territoires. Elle exclut les pensionnaires d’établissements institutionnels, les membres de la force régulière des Forces armées canadiennes, les habitants des réserves indiennes, des terres de la Couronne, des régions éloignées et des bases des Forces armées canadiennes (militaires et civils).

Trois bases d’échantillonnage ont été utilisées pour la sélection des ménages : une base aréolaire (48 %), une liste de numéros de téléphone (50 %) et une base sélectionnée par composition aléatoire (2 %), laquelle était dérivée d’un plan d’échantillonnage stratifié en grappes. L’échantillon de 2003, qui a été obtenu sur 11 mois, comprenait 135 573 personnes, pour un taux de réponse estimé de 80,7 %. Les entrevues ont été menées en personne et par téléphone. Dans 2,4 % des cas, on a interviewé un répondant substitut (un membre informé du ménage).

Deux échantillons d’étude ont été sélectionnés à partir des 79 910 participants à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2003 à qui on a attribué des codes de profession selon la Classification type des professions de 1991 (ces personnes ayant travaillé à un moment donné au cours des 12 mois précédents)15 .

Le premier échantillon d’étude était constitué d’infirmières. Pour le cycle 2.1 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, le Bureau de la politique des soins infirmiers de Santé Canada a obtenu sous contrat que soient posées neuf questions supplémentaires aux participantes ayant indiqué qu’elles étaient des directrices des soins de santé ou des infirmières en chef ou superviseures; des infirmières autorisées; des infirmières auxiliaires autorisées; ou des professeures en soins infirmiers dans un collège ou un autre établissement professionnel. On leur a posé la question suivante : « Êtes‑vous autorisé(e) à titre... d’infirmier/infirmière autorisé(e)? d’infirmier/d’infirmière psychiatrique autorisé(e)? d’infirmier/d’infirmière auxiliaire autorisé(e)? » On a posé des questions sur leurs conditions de travail aux personnes qui ont répondu par l’affirmative. Au total, 1 945 personnes (1,4 %) ont été codées comme infirmiers/infirmières, 91,0 % (1 769) d’entre elles étant des femmes. L’analyse a été limitée aux infirmières parce que des estimations fondées sur le nombre limité d’infirmiers n’auraient pas été fiables. Selon leurs codes de profession, 65,2 % étaient des infirmières autorisées; 19,2 %, des infirmières auxiliaires autorisées; 8,2 %, des directrices des soins de santé, des infirmières en chef ou des infirmières superviseures; et 7,4 %, des professeures en soins infirmiers dans un collège ou un autre établissement professionnel.

Le deuxième échantillon d’étude (groupe de référence) était constitué de diplômées d’un programme postsecondaire (titulaires d’un diplôme d’une école de métiers ou d’un collège, ou d’un certificat ou grade universitaire), dont 29 315 n’étaient pas classées comme infirmières. De ce nombre, 9 335 n’ont pas reçu de code de profession (parce qu’elles n’avaient pas travaillé au cours de la dernière année, qu’elles ont refusé de fournir les renseignements ou que les renseignements fournis ne pouvaient être codés) et ont été exclues de l’étude. Afin de limiter le risque possible que les infirmières aient travaillé en milieu hospitalier, on a exclu du groupe de référence 4 233 autres femmes qui occupaient des professions pouvant les exposer au milieu hospitalier ou à qui on avait attribué des codes de professions du secteur de la santé (tableaux A et B en annexe). Ainsi, 1 769 infirmières et 15 747 femmes titulaires d’un diplôme postsecondaire, représentant 329 020 et 3 411 108 femmes respectivement, ont été incluses dans l’analyse (figure 1).

Figure 1
Échantillons d'étude

Tableau A
Professions des autres diplômées d’un programme postsecondaire

Tableau B
Professions non comprises chez les autres diplômées d'un programme postsecondaire

Techniques d’analyse

On a produit des totalisations croisées pour examiner les associations entre les indicateurs de la santé et l’appartenance aux deux groupes d’étude. Des rapports de cotes comportant des intervalles de confiance de 95 % ont été calculés pour estimer l’ampleur des associations. Des analyses par régression logistique multiple ont été menées pour estimer les mêmes associations, avec l’ajout de toutes les covariables nécessaires pour rajuster les rapports de cotes en fonction des facteurs confusionnels possibles. Du fait que certaines données étaient absentes pour certains éléments (de 0 % à 7,7 % de données manquantes pour le revenu total du ménage), on a eu recours à l’imputation multiple, selon la méthode de Rubin, pour créer cinq ensembles de données comportant des valeurs imputées16,17 . Les cinq ensembles de données ont été analysés selon les méthodes décrites précédemment, et les résultats ont été combinés selon les lignes directrices de Rubin; cette approche donne lieu à des inférences statistiquement valides, qui rendent compte de façon appropriée de l’incertitude liée aux valeurs manquantes18 .

Tous les intervalles de confiance ont été calculés grâce au programme Bootvar 3.1, élaboré par Statistique Canada, au moyen de la technique de rééchantillonnage bootstrap et de 500 poids bootstrap, pour tenir compte des effets du plan de sondage complexe stratifié et en grappes19 . Toutes les analyses statistiques ont été effectuées au moyen du logiciel statistique SAS (v. 8.2)20 . La signification a été établie comme correspondant à un intervalle de confiance de 95 % n’englobant pas l’unité. Avec des groupes de la taille de celui étudié dans ce cas, un niveau de confiance de 95 % et la puissance de 80 % souhaitée, il est possible de déceler une différence dans les taux de prévalence aussi faible que 3,5 % (qui correspond à un rapport de cote de 1,15). Dans les analyses multivariées, sur la base d’un coefficient de corrélation multiple ne dépassant pas 0,25 entre l’exposition d’intérêt (infirmières par rapport aux autres diplômées d’un programme postsecondaire) et les covariables, la puissance de détection d’un rapport de cotes d’au moins 1,20 est supérieure à 80 %21 .

Mesure

On a évalué l’état de santé général autodéclaré au moyen de la question suivante : « En général, diriez‑vous que votre santé est... ». Les réponses ont été regroupées de la façon suivante : « excellente ou très bonne » = 0 et « bonne, passable ou mauvaise » = 1. Pour déterminer l’état de santé mentale autodéclaré, on a utilisé la question suivante : « En général, diriez‑vous que votre santé mentale est... ». Les réponses ont été regroupées de la façon suivante : « excellente ou très bonne » = 0 et « bonne, passable ou mauvaise » = 1. Pour déterminer la présence de problèmes de santé chroniques, on a utilisé l’énoncé suivant : « Les questions qui suivent portent sur certains problèmes de santé de longue durée que vous pouvez avoir. Par « problème de santé de longue durée », on entend un état qui dure ou qui devrait durer six mois ou plus et qui a été diagnostiqué par un professionnel de la santé ». On a posé des questions au sujet de 30 problèmes de santé particuliers, ainsi qu’une question sommaire : « Êtes‑vous atteint de tout autre problème de santé physique ou mentale de longue durée diagnostiqué par un professionnel de la santé? ». Les problèmes examinés dans cette analyse sont les suivants : « au moins un problème de santé de longue durée », « asthme », « arthrite ou rhumatisme (sauf fibromyalgie) », « maux de dos (sauf fibromyalgie et arthrite) » et « hypertension ». Il s’agit des problèmes de santé les plus répandus, tous les autres touchant moins de 5 % de l’un des groupes d’étude ou des deux.

Le comportement de prévention des maladies a été évalué au moyen de trois questions : « Avez‑vous déjà reçu un vaccin contre la grippe? »; « Avez‑vous déjà passé un test de Pap? »; et « Avez‑vous déjà subi une mammographie, c’est‑à‑dire une radiographie du sein? » La dernière question a été posée à 62,2 % des participantes (on n’a pas posé la question aux femmes de moins de 35 ans). Les réponses ont été codées ainsi : « non » = 0 et « oui » = 1.

Les facteurs de risque comportementaux comprenaient le poids, l’inactivité physique, la consommation quotidienne insuffisante de fruits et légumes, la forte consommation d’alcool et l’usage du tabac au moment de l’enquête. Sur la base de la taille et du poids autodéclarés, on a calculé l’indice de masse corporelle des participantes à l’enquête (le poids, en kilogrammes, divisé par le carré de la taille, en mètres) et on a classé ces dernières comme « faisant de l’embonpoint ou étant obèses » = 1, si l’indice était de 25,0 ou plus. Les participantes ont été classées comme physiquement inactives, d’après la dépense énergétique quotidienne moyenne pour les activités de loisir au cours des trois mois précédents. On a demandé aux participantes si elles avaient pratiqué l’une quelconque des activités prises en compte (parmi plus d’une vingtaine). Statistique Canada a attribué une valeur MET (dépense d’énergie métabolique exprimée sous forme de multiples du taux de métabolisme au repos) à chaque activité. Chaque activité comportait une fourchette de dépenses énergétiques; Statistique Canada a appliqué la plus faible intensité à chacune. Par exemple, la marche en guise d’exercice a reçu une valeur MET de 3 kilocalories par kilogramme par heure, ce qui signifie que l’activité nécessite trois fois la quantité d’énergie brûlée par l’organisme au repos. La dépense énergétique quotidienne a été calculée comme correspondant au nombre de fois où une activité donnée a été pratiquée au cours de la période de trois mois, multiplié par la durée moyenne de l’activité (en heures), multipliée par la valeur MET de l’activité. Les scores ont été divisés par 365 pour obtenir les valeurs quotidiennes. Une dépense énergétique quotidienne de 1,5, par exemple, correspondrait à une marche de 30 minutes chaque jour22 . Les participantes dont la dépense énergétique était inférieure à 1,5 kcal/kg /jour ont été classées comme « inactives » = 114 . La consommation quotidienne insuffisante de fruits et légumes a été calculée à partir d’une série de questions concernant la fréquence de consommation de jus de fruits, de fruits, de salade verte, de pommes de terre, de carottes et d’autres légumes. Les personnes ayant déclaré consommer des légumes et fruits moins de cinq fois par jour ont été classées comme ayant une consommation insuffisante, selon la recommandation du Guide alimentaire canadien pour manger sainement de 199223 , qui était en vigueur au moment de l’enquête. Ont été designées des « fumeuses » les personnes qui fumaient des cigarettes quotidiennement ou à l’occasion. La forte consommation d’alcool a été calculée à partir de la question suivante : « Au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez‑vous bu 5 verres ou plus d’alcool à une même occasion? ». Les personnes qui ont répondu « une fois par mois » ou plus souvent ont été classées comme ayant une forte consommation d’alcool.

Les facteurs de risque psychosociaux comprenaient le stress perçu dans la vie et le stress perçu au travail et ont été déterminés à partir des questions suivantes : « En pensant à la quantité de stress dans votre vie, diriez‑vous que la plupart de vos journées sont... » et « Diriez‑vous que la plupart de vos journées [au travail] étaient... ». Les options de réponse étaient les suivantes : « pas du tout stressantes », « pas tellement stressantes », « un peu stressantes », « assez stressantes », et « extrêmement stressantes ». Les personnes qui ont répondu « assez stressantes » ou « extrêmement stressantes » ont été comparées avec celles qui ont choisi l’une des autres options.

Plusieurs facteurs démographiques et socioéconomiques ont été traités comme des facteurs confusionnels possibles. Les variables considérées comme continues étaient les suivantes : âge en années; nombre total d’heures habituellement travaillées par semaine; revenu personnel total provenant de toutes les sources au cours des 12 derniers mois, avant impôt et autres déductions, revenu total du ménage en provenance de toutes les sources au cours des 12 derniers mois, et taille du ménage. D’autres facteurs ont été entrés comme variables catégoriques. Trois catégories d’état matrimonial ont été utilisées : marié(e) ou en union de fait; veuf(ve), divorcé(e) et séparé(e); et célibataire. Pour la caractéristique vit en région urbaine, on a attribué le code oui (région urbaine) ou non (région rurale). L’horaire habituel de travail décrivait les heures habituellement travaillées par les participantes : horaire ou quart normal de jour; horaire ou quart normal de soirée ou de nuit; quart rotatif (alternance jours/soirées/nuits); horaire irrégulier; quart brisé, sur appel et autre. Le statut d’immigrant a été codé « oui » ou « non ».

Résultats

Caractéristiques démographiques et socioéconomiques

Les infirmières avaient en moyenne presque quatre ans de plus que les autres diplômées d’un programme postsecondaire occupées (42,9 ans [IC de 95 % : 42,2‑43,7] comparativement à 39,0 ans [IC de 95 % : 38,8‑39,2; Z = 9,3, p < 0,001]), et travaillaient habituellement une heure de moins par semaine (36,3 heures [IC de 95 % : 35,5‑37,2] comparativement à 37,4 heures [IC de 95 % : 37,0‑37,7; Z = ­-2,2; p = 0,029]). En comparaison avec les autres diplômées occupées, les infirmières étaient plus susceptibles d’être mariées ou en union de fait, de vivre en région rurale, de travailler par poste et d’être nées au Canada (non‑immigrantes) et avaient un revenu personnel et un revenu du ménage plus élevés (tableau 1).

Tableau 1
Caractéristiques démographiques et socioéconomiques des infirmières et des personnes du groupe de référence, population à domicile de sexe féminin, Canada, territoires non compris, 2003

État de santé

L’autoévaluation de leur état de santé par les infirmières et les autres diplômées d’un programme postsecondaire occupées était similaire (tableau 2). Chez les infirmières, 28,9 % ont évalué leur santé générale comme bonne, passable ou mauvaise, plutôt qu’excellente ou très bonne; le chiffre correspondant pour les femmes du groupe de référence était de 31,1 %. Le pourcentage d’infirmières et d’autres diplômées ayant évalué leur santé mentale comme bonne, passable ou mauvaise était de 18,1 % et de 20,4 % respectivement. En outre, même si les infirmières étaient plus susceptibles de déclarer un problème de santé de longue durée (74,4 % contre 69,6 %), ce risque accru disparaissait lorsque les effets confusionnels de l’âge, de l’horaire de travail, du revenu, de la taille du ménage et du statut d’immigrant étaient pris en compte. Toutefois, les infirmières étaient plus susceptibles de déclarer des maux de dos (sauf la fibromyalgie et l’arthrite), une différence qui est restée statistiquement significative une fois l’influence des facteurs confusionnels prise en compte.

Tableau 2
État de santé des infirmières et des personnes du groupe de référence, population à domicile de sexe féminin, Canada, territoires non compris, 2003

Prévention de la maladie

La profession d’infirmière était liée à l’adoption d’un comportement préventif. Un pourcentage beaucoup plus élevé d’infirmières que d’autres diplômées postsecondaires occupées avaient reçu des vaccins contre la grippe (68,2 % contre 38,8 %) (tableau 2), une association qui a persisté dans l’analyse multivariée (tableau 3). De même, les infirmières étaient plus susceptibles d’avoir déjà passé un test de Pap (97,4 % contre 91,0 %), même lorsque les facteurs confusionnels éventuels étaient pris en compte. Une infirmière sur deux (49,8 %) avait subi une mammographie, comparativement à 36,0 % des femmes du groupe de référence, mais l’association n’était pas significative dans l’analyse multivariée.

Tableau 3
Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant l'état de santé des infirmières à celui des personnes du groupe de référence, population à domicile de sexe féminin, Canada, territoires non compris, 2003

Facteurs de risque comportementaux

Les infirmières étaient plus susceptibles que les participantes du groupe de référence d’être classées comme faisant de l’embonpoint ou étant obèses (43,9 % contre 34,4 %), risque qui toutefois n’était plus statistiquement significatif après correction pour tenir  compte des effets de l’âge, du lieu de résidence, de l’horaire de travail, du revenu, de la taille du ménage et du statut d’immigrant (tableau 3). Environ la moitié des femmes dans l’un et l’autre groupe étaient physiquement inactives (47,2 % des infirmières contre 47,3 % des autres participantes). Les infirmières étaient moins susceptibles de déclarer une consommation insuffisante de légumes et fruits (40,1 % contre 50,2 %) ou une forte consommation d’alcool (6,9 % contre 11,0 %), même en tenant compte de l’influence des covariables. La prévalence de l’usage du tabac était presque identique d’un groupe à l’autre (environ 19 %).

Facteurs de risque psychosociaux

Aucune différence entre les groupes n’a été notée quant aux pourcentages de femmes ayant déclaré que la plupart de leurs journées étaient « assez » ou « extrêmement » stressantes (environ 31 %). Toutefois, lorsque la question concernait le stress au travail, les infirmières étaient plus susceptibles (55,8 % contre 34,9 %) d’affirmer que la plupart de leurs journées étaient « assez » ou « extrêmement » stressantes. Les différences démographiques dans les populations représentaient ici des facteurs confusionnels insignifiants (tableau 3).

Discussion

La présente étude établit le profil de l’état de santé des infirmières canadiennes et le compare avec celui d’autres femmes titulaires de diplômes postsecondaires et occupant des professions à l’extérieur du milieu hospitalier. Les deux groupes étaient similaires en ce qui a trait à l’état de santé physique et mental global autodéclaré et au risque d’avoir reçu un diagnostic d’asthme, d’arthrite ou de rhumatisme, ainsi que d’hypertension. Toutefois, même lorsque les différences dans les caractéristiques démographiques et socioéconomiques étaient prises en compte, le fait d’être une infirmière était associé à un risque plus grand de déclarer des maux de dos. Les infirmières étaient aussi plus susceptibles d’avoir déjà reçu un vaccin contre la grippe ou passé un test de Pap.

La prévalence de l’usage du tabac et de l’inactivité physique était similaire dans les deux groupes. Les infirmières, toutefois, étaient significativement moins susceptibles de déclarer une consommation insuffisante de légumes et fruits ou une forte consommation d’alcool. En outre, même si un pourcentage similaire de femmes dans les deux groupes ont déclaré que leurs journées étaient « assez » ou « extrêmement » stressantes, les infirmières étaient significativement plus susceptibles de qualifier leurs journées au travail de stressantes.

Du fait des différences dans les variables étudiées et dans les approches adoptées pour la mesure, peu de comparaisons peuvent être établies avec les résultats de l’Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier de 20053 . Néanmoins, les estimations de la prévalence de l’asthme, de l’arthrite, des maux de dos, de l’hypertension et de l’embonpoint/obésité concordent de façon remarquable. Une exception digne de mention est la prévalence de l’usage du tabac chez les infirmières : 18,9 % dans la présente analyse, comparativement à 15,8 % dans le cadre de l’Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier.

L’enquête de 2005, qui établissait des comparaisons pour les « Canadiens occupés en général » a conclu que les infirmières étaient plus susceptibles d’avoir des maux de dos, ce qui est en harmonie avec les résultats de la présente étude. Toutefois, cette enquête-là a montré que les infirmières étaient plus susceptibles de souffrir d’arthrite, quoique moins susceptibles de fumer, différences non relevées dans la comparaison avec les titulaires occupées d’un diplôme postsecondaire. Et, si l’analyse des données de l’Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier a permis de déterminer que les infirmières étaient plus susceptibles que les Canadiens occupés en général de souffrir d’hypertension, la présente étude a trouvé que les infirmières et les autres personnes occupées possédant un diplôme postsecondaire affichaient un risque similaire d’hypertension une fois les effets de l’âge et du revenu pris en compte.

Limites

La présente étude comporte certaines limites. Étant donné le faible nombre d’infirmiers compris dans l’échantillon de l’enquête, l’analyse a porté uniquement sur les infirmières. Il est possible que l’état de santé des infirmiers diffère. Le recours aux données autodéclarées est généralement considéré comme sujet à l’erreur. En outre, l’erreur associée aux données autodéclarées peut comporter un biais différentiel, parce que les profils de déclaration des infirmières pourraient être influencés par leurs connaissances spécialisées des problèmes de santé et des risques pour la santé.

Afin de faciliter les comparaisons, certains indicateurs de la santé ont été regroupés en variables binaires. Cela peut avoir entraîné la perte d’information.

On ne devrait pas faire d’inférences causales, parce que le caractère temporel des prédicteurs et des variables de résultat n’est pas connu et que les facteurs confusionnels éventuels non examinés ici pourraient expliquer les associations entre la profession et le comportement en matière de santé ou l’état de santé.

Conclusion

Même si la profession n’est pas associée à plusieurs des indicateurs de la santé examinés ici, certains problèmes de santé et risques pour la santé sont relativement plus répandus chez les infirmières, notamment les maux de dos et l’impression que le travail est « assez » ou « extrêmement » stressant. À l’instar des autres diplômées d’un programme postsecondaire occupées, les infirmières étaient à risque de maladie due à l’embonpoint/l’obésité, à l’inactivité physique pendant les loisirs, à la consommation insuffisante de fruits et légumes et à l’usage de la cigarette.

Comme pour la plupart des gens, le profil de santé des infirmières canadiennes est complexe et parfois contradictoire. Certains aspects de leur comportement favorisent la santé, tandis que d’autres sont susceptibles d’inquiéter.