Consulter la version la plus récente.
L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.
D’importantes variations de la nature, de l’étendue et de la disponibilité des soins de santé d’une région géographique à l’autre1, 2, sans association claire avec les résultats, s’observent depuis longtemps. Il y a 20 ans, de telles variations observées aux États‑Unis ont fait ressortir la nécessité d’établir des lignes directrices pour déterminer le caractère approprié des services fournis. On a investi dans des équipes d’examen des résultats chez les patients3-6 chargées d’élaborer des lignes directrices cliniques qui permettraient de décider quand une intervention chirurgicale donnée ou le recours à l’imagerie diagnostique est ou n’est pas justifié. Selon l’hypothèse sous‑jacente, les grandes variations observées pourraient indiquer que les soins de santé sont fournis selon différents protocoles ou procurent des bienfaits différents aux patients.
Le présent article fournit des données sur les variations géographiques, appelées variations sur petits domaines1, 2, dans les traitements et les résultats des patients ayant fait une crise cardiaque (infarctus aigu du myocarde) au Canada. L’étude ne se limite pas à montrer que les traitements, dans ce cas les taux de revascularisation, varient fortement d’une région sociosanitaire infraprovinciale à l’autre7-10; elle juxtapose les taux de revascularisation et un résultat fondamental, soit la mortalité dans les 30 jours (voir Les données).
Dans l’ensemble, chez les patients ayant fait un infarctus aigu du myocarde dans les 46 régions sociosanitaires examinées, les taux de revascularisation ont augmenté tandis que les taux de mortalité ont baissé entre 1995‑1996 et 2003‑2004. En moyenne, le pourcentage des patients qui ont été revascularisés dans les 30 jours suivant l’admission à l’hôpital a triplé, passant de 12,8 % à 39,8 %, tandis que le taux de mortalité dans les 30 jours a reculé, passant de 13,2 % à 9,4 % (tableau 1).
Même si les taux de revascularisation ont augmenté dans toutes les régions sociosanitaires, celles où le taux était faible en 1995‑1996 avaient également tendance à afficher un taux relativement faible en 2003‑2004. Néanmoins, l’une et l’autre année, les taux variaient considérablement selon la région, allant de 0,9 % à 31,9 % en 1995‑1996 et de 20,8 % à 65,6 % en 2003‑2004 (tableau 1). Dans une même province également, une variabilité considérable s’observe entre régions sociosanitaires; par exemple, dans une province en 2003‑2004, les taux de revascularisation allaient de 22 % à 50 % (données non présentées).
En 2003‑2004, les taux de mortalité dans les 30 jours chez les patients ayant fait un infarctus aigu du myocarde avaient baissé dans 42 des 46 régions sociosanitaires. L’une et l’autre année, toutefois, les taux de mortalité variaient fortement selon la région (tableau 1), allant de 7,5 % à 18,4 % en 1995‑1996 et de 5,5 % à 12,7 % en 2003‑2004. Il en allait également ainsi à l’intérieur d’une même province, d’une région sociosanitaire à l’autre; par exemple, en 2003‑2004, dans une province, la fourchette allait de 5,5 % à 11,3 % (données non présentées).
Tant pour 1995‑1996 que pour 2003‑2004, les régions sociosanitaires ont été classées en quatre groupes (sections) par comparaison de leurs taux de revascularisation et de mortalité aux taux médians pour l’année en cause. La section A comprend les régions où les taux de revascularisation ainsi que de mortalité étaient faibles (inférieurs aux taux médians); la section B, les régions où le taux de revascularisation était élevé (supérieur au taux médian) et le taux de mortalité, faible; la section C, les régions où le taux de revascularisation était faible et le taux de mortalité, élevé; et la section D, les régions où les deux taux étaient élevés.
Malgré la tendance des régions sociosanitaires aux taux de revascularisation élevés à afficher des taux de mortalité plus faibles, ce n’était pas toujours le cas (tableau 1). L’une et l’autre année, environ 20 % des régions sociosanitaires avaient des taux de revascularisation faibles et des taux de mortalité faibles (section A) et un pourcentage semblable avait des taux de revascularisation élevés et des taux de mortalité élevés (section D). En outre, durant la période de huit ans à l’étude, les régions sociosanitaires ne sont pas nécessairement restées dans la même section; en effet, plus de la moitié étaient dans une section différente en 2003‑2004 que celle dans laquelle elles se classaient en 1995‑1996.
La figure 1 rassemble et juxtapose les données sur les taux de revascularisation et de mortalité pour chaque région afin d’illustrer l’association (ou l’absence d’association) entre la revascularisation et la mortalité chez les patients ayant fait un infarctus aigu du myocarde. Chaque point représente une région sociosanitaire; les triangles vides portent sur l’année 1995‑1996 et les losanges ombrés, sur l’année 2003‑2004. L’axe horizontal indique les pourcentages de tous les malades hospitalisés ayant fait un infarctus aigu du myocarde qui ont été traités par revascularisation dans les 30 jours, et l’axe vertical, les pourcentages de ceux qui sont décédés dans les 30 jours.
La dispersion des valeurs à la figure 1 montre que les taux de revascularisation élevés n’étaient pas invariablement associés à des taux de mortalité faibles. Par exemple, en 2003‑2004, 11 régions sociosanitaires avaient des taux de revascularisation élevés, soit de 50 % ou plus, mais les taux de mortalité dans ces régions allaient d’environ 5 % à plus de 11 %. En revanche, dans 14 régions sociosanitaires, les taux de revascularisation pour la même année étaient relativement faibles, soit d’au plus 30 %, mais les taux de mortalité allaient de 7 % à 13 %.
Entre 1995‑1996 et 2003‑2004, dans l’ensemble, le taux de revascularisation dans les 30 jours chez les patients ayant fait un infarctus aigu du myocarde dans 46 des plus grandes régions sociosanitaires au Canada a triplé, tandis que le taux global de mortalité dans les 30 jours a diminué.
En principe, si la revascularisation était efficace et bénéfique, les taux de revascularisation plus élevés seraient clairement et étroitement corrélés à des taux de mortalité inférieurs. Cependant, la corrélation au cours d’une seule année était, au mieux, faible. En fait, les données de 2003‑2004, plus récentes, montrent une corrélation plus faible entre les taux de revascularisation et les taux de mortalité que les données de 1995‑1996. La corrélation plus faible observée en 2003‑2004 peut être attribuable à un rendement décroissant, étant donné la possibilité d’une limite supérieure du pourcentage de patients qui bénéficieraient d’une revascularisation.
Les fortes variations des taux d’intervention ainsi que des taux de survie d’une région sociosanitaire à l’autre peuvent être associées à des facteurs qui n’ont pu être pris en compte dans l’analyse parce que les données pertinentes n’étaient pas disponibles. Il est évident que le traitement des crises cardiaques ne se limite pas à la revascularisation. Les différences géographiques entre les taux d’interventions chirurgicales données peuvent refléter des variations systématiques en ce qui concerne la prise de décisions professionnelles, les méthodes diagnostiques et la façon d’exercer, ainsi que la formation et l’expérience des médecins et leur conviction quant à l’efficacité de l’intervention. En outre, les politiques, pratiques et installations hospitalières peuvent varier d’une région à l’autre, de même que la gravité des crises cardiaques. Des différences peuvent également s’observer au niveau de variables cliniques comme l’heure d’arrivée à l’hôpital, l’administration de médicaments préventifs secondaires15, 16 et les services de réadaptation cardiologique17. En outre, les facteurs liés au mode de vie peuvent jouer un rôle important; par exemple, les patients ayant fait une crise cardiaque dans certaines régions sont‑ils plus susceptibles que ceux dans d’autres régions d’être des fumeurs, d’être obèses ou d’avoir un mode de vie sédentaire?
Aucun consensus ne se dégage de la littérature quant au taux optimal de revascularisation pour les patients ayant fait un infarctus aigu du myocarde. Le recours plus fréquent à cette intervention aux États‑Unis18-20 ne semble pas faire baisser systématiquement le taux de mortalité18, 19, même si un chercheur est arrivé à la conclusion que la durée de survie des patients américains est plus longue que celle des patients canadiens21. En outre, des essais randomisés tels que TACTICS, FRISC et CADILLAC ont démontré les avantages d’une revascularisation précoce22-26, et le nombre de cas d’angine de poitrine avec diminution subséquente de la qualité de vie déclarés au Canada, où les taux d’intervention chirurgicale chez les patients ayant fait un infarctus aigu du myocarde sont plus faibles, est beaucoup plus élevé qu’aux États‑Unis19, 20.
Les résultats de cette analyse donnent à penser que les recherches sur la prestation des soins de santé au Canada pourraient utilement porter sur la question de savoir pourquoi d’importantes variations géographiques persistent en matière de traitement et de survie des patients ayant fait une crise cardiaque. Il faut recueillir plus de données pour prolonger le suivi de la mortalité au‑delà de la période de 30 jours, afin de déterminer dans quelle mesure les patients sont en meilleure santé après l’intervention, de cerner d’autres aspects des caractéristiques du traitement et de l’hôpital pouvant influer sur les résultats et d’examiner les facteurs de risque pour les patients, comme l’obésité, la condition physique, le tabagisme, l’hypertension et les taux de lipides sanguins. La connaissance des facteurs associés aux différences géographiques pourrait être utile aux fins de l’élaboration de lignes directrices pour aider les cliniciens à déterminer si une intervention donnée, dans ce cas la revascularisation, est susceptible d’être bénéfique. Il faut élargir l’analyse pour nous permettre de montrer quels facteurs, au niveau du patient, de l’équipe de soins, de l’hôpital ou de la collectivité, sont les plus importants pour les résultats en matière de santé.