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Méthodes
Définitions
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Discussion

La collecte des données est une tâche particulièrement délicate dans les enquêtes sur la nutrition. La majorité des études fondées sur des données issues de ce genre d'enquête révèlent un problème de sous-déclaration1-6; en d'autres mots, les personnes interrogées ont tendance à déclarer avoir bu et mangé de moins grandes quantités qu'elles ne l'ont fait en réalité.

L'indice de masse corporelle a tout spécialement été associé à la sous-déclaration en ce qui a trait à la consommation d'aliments (apport énergétique)1, 3-6. Et, si l'on ne peut arriver à aucune conclusion catégorique quant à l'influence de l'âge et du sexe, la sous-déclaration a tendance à être plus fréquente chez les femmes et chez les personnes âgées2-4, 6. Les caractéristiques socioéconomiques, psychologiques et de santé ont également été associées à la sous-déclaration1, 3, 5, 6.

L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Nutrition réalisée en 2004 par Statistique Canada était la première enquête nationale sur les habitudes alimentaires des Canadiens menée depuis le début des années 1970. Comme d'autres enquêtes de ce genre, l'ESCC de 2004 était sujette à la sous-déclaration.

Le présent article sert à quantifier la sous-déclaration de l'apport énergétique dans l'ESCC au niveau du groupe, et aussi à comparer la dépense énergétique totale modélisée des participants à l'ESCC à leur apport énergétique déclaré afin de déterminer si les groupes les plus susceptibles de sous-déclarer leur apport énergétique dans la population canadienne sont les mêmes que ceux mentionnés dans la littérature. Pour les chercheurs qui utilisent les données de l'ESCC, il s'agit d'une source de renseignements précieuse dont ils doivent néanmoins connaître les limites éventuelles.

Méthodes

Source des données

L'ESCC de 2004 a été conçue en vue de recueillir des renseignements sur la consommation d'aliments et l'apport en nutriments de la population à domicile, aux niveaux national et provincial. Sont exclus du champ de l'enquête les membres de la force régulière des Forces armées, les habitants des trois territoires, des réserves indiennes et de certaines régions éloignées, les personnes vivant en établissement, ainsi que tous les résidents (militaires et civils) des bases militaires. Une description détaillée du plan d'enquête, de l'échantillon et des méthodes d'interview figure dans un rapport déjà publié7.

Au total, 35 107 personnes ont répondu à un premier rappel alimentaire de 24 heures, puis un sous-échantillon de 10 786 d'entre elles ont participé à un deuxième rappel alimentaire de trois à dix jours plus tard. Les taux de réponse ont été de 76,5 % et de 72,8 %, respectivement. La présente analyse tient compte uniquement du premier rappel alimentaire de 24 heures.

Au départ, on devait mesurer la taille et le poids de tous les participants à l'ESCC âgés de 2 ans et plus, mais pour diverses raisons, dans environ 40 % des cas, ces données n'ont pas été recueillies. Pour tenir compte de cette non-réponse, on a produit un autre poids de sondage en fonction de catégories de personnes ayant des caractéristiques démographiques et socioéconomiques semblables. À cause de la présence d'un biais entre les deux types de données8, 9, les données mesurées de la taille et du poids sont préférables aux données autodéclarées. Par conséquent, ont été retenues aux fins de la présente analyse les personnes pour lesquelles on disposait de données sur la taille et le poids mesurés  (auxquelles on a appliqué le poids de sondage approprié).

L'étude se limite aux personnes de 12 ans et plus qui ont répondu aux questions sur l'activité physique durant les loisirs. Les femmes enceintes ou qui allaitaient, les personnes de poids très faible (indice de masse corporelle inférieur à 18,5 kg/m2) et celles dont l'apport alimentaire était nul ou invalide ont été exclues de l'analyse. En tout, 16 190 personnes faisaient partie de l'étude.

L'ESCC s'appuie sur un rappel alimentaire de 24 heures pour estimer l'apport énergétique des Canadiens. Pour aider les participants à l'enquête à se remémorer ce qu'ils avaient mangé et bu le jour précédent et en quelle quantité, on a recouru à l'Automated Multiple Pass Method (AMPM)10, 11, méthode qui comporte les cinq étapes suivantes :

  • une liste rapide (les participants énumèrent tous les aliments et boissons consommés);
  • une série de questions sur des catégories particulières d'aliments et certains aliments fréquemment oubliés;
  • des questions au sujet du moment et de l'occasion de la consommation;
  • une série de questions en vue de recueillir des renseignements plus détaillés sur les aliments et les boissons – ainsi que sur les quantités – consommés;
  • une révision finale.

Les teneurs en énergie et en nutriments des aliments déclarés durant ce rappel sont tirées du Fichier canadien sur les éléments nutritifs (supplément 2001b)12 de Santé Canada.

Dépense énergétique totale

Chez une personne dont le poids est stable, l'apport énergétique habituel (calories consommées) est égal à la dépense énergétique (calories brûlées). Si l'apport excède la dépense, le poids de la personne augmente et s'il lui est inférieur, son poids diminue. Il en va de même pour une population. Dans une population où la masse corporelle est stable, l'apport et la dépense d'énergie sont quasi équivalents. En comparant l'apport énergétique moyen et la dépense énergétique moyenne pour une population étudiée, on obtient une appréciation de l'exactitude de l'estimation quant à l'apport énergétique.

Les données de l'ESCC de 2004 permettent d'estimer l'apport énergétique des participants à l'enquête, mais non leur dépense énergétique. La méthode généralement reconnue pour estimer la dépense énergétique est celle de l'eau doublement marquée. Elle consiste à faire ingérer à une personne de l'eau marquée par deux isotopes distincts et à mesurer le taux de disparition de ces isotopes dans l'urine ou dans le sang pendant une période donnée. Ces taux sont ensuite utilisés pour calculer le taux de production de dioxyde de carbone (CO2) qui, combiné aux données sur le régime alimentaire de la personne, permet de calculer la dépense énergétique13.

Se fondant sur un certain nombre d'études réalisées à partir de la méthode de l'eau doublement marquée, l'Institute of Medicine (IOM) a modélisé la dépense énergétique totale (DET) ou les besoins énergétiques estimatifs (BEE) en fonction de l'âge, du sexe, du poids, de la taille et du niveau d'activité physique (NAP) (tableau 1). Ces équations ont servi à estimer les besoins énergétiques des participants à l'ESCC.

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Tableau 1
Besoins énergétiques estimatifs (BEE) fondés sur les équations de l'Institute of Medicine (IOM), selon l'indice de masse corporelle, l'âge et le sexe

Prédiction des besoins énergétiques

Les équations de l'IOM permettent de prédire les besoins énergétiques si l'on connaît l'âge, le sexe, la taille, le poids et le niveau d'activité physique. Si l'ESCC offre des renseignements facilement accessibles sur l'âge, le sexe, la taille et le poids, les seules données en matière d'activité physique ont trait aux loisirs; on n'a pas recueilli de données sur l'activité physique associée au travail ou au transport dans le cadre de l'enquête. En outre, dans le cas de l'ESCC, la dépense énergétique quotidienne est mesurée en équivalents métaboliques (MET), exprimés en kilocalories par kilogramme par jour, tandis que dans celui de l'IOM, la dépense énergétique est mesurée en fonction du niveau d'activité physique (NAP). La valeur MET décrit l'intensité d'une activité comparativement au taux  métabolique au repos (TMR), tandis que le NAP représente le ratio de la dépense énergétique totale (DET) à la dépense énergétique de base (DEB).

En utilisant la méthode de l'IOM14, chaque activité physique exprimée selon une valeur MET peut aussi être exprimée selon la variation du niveau d'activité physique (ΔPAL), d'après l'accroissement de la DET résultant de la pratique de l'activité.

Les formules qui suivent ont servi à déterminer la variation du niveau d'activité physique (ΔPAL) à l'aide des valeurs MET pour chacune des activités physiques auxquelles les participants à l'ESCC ont déclaré avoir participé au cours des trois mois qui ont précédé l'enquête :

    ΔPAL = (MET - 1) * Nfois * Minutes * 1,34 / 1 440 (pour les hommes)
et
    ΔPAL = (MET - 1) * Nfois * Minutes * 1,42 / 1 440 (pour les femmes)

où Nfois représente le nombre de fois qu'une activité a été pratiquée et Minutes représente la durée moyenne (13, 23, 45 ou 60 minutes) de l'activité, selon qu'elle a été pratiquée pendant moins de 15 minutes, de 15 à 30 minutes, de 30 à 60 minutes, ou plus de 60 minutes.

Afin d'évaluer l'effet global d'une activité physique sur la dépense énergétique totale (DET), les dépenses énergétiques supplémentaires associées à l'activité doivent être prises en compte. Premièrement, il faut ajouter 15 % de la demande en énergie d'une activité physique, ce qui permet de tenir compte de l'excès de consommation d'oxygène post-exercice ou EPOC (pour excess post-exercise oxygen consumption).

Deuxièmement, l'accroissement de la dépense énergétique associé à l'activité physique appelle une augmentation de l'apport énergétique (si la personne veut maintenir son poids). Par conséquent, il faut aussi prendre en compte l'effet thermique des aliments (ETA), auquel il faut attribuer la dissipation d'environ 10 % de l'énergie consommée.

Une dernière correction tient compte du fait que l'on utilise la dépense énergétique de base (DEB) au lieu du taux métabolique au repos (TMR). Une valeur MET de 1,0 extrapolé à 24 heures sera 5 % plus élevé que la DEB pour un homme de référence pesant 70 kg et 10 % plus élevé pour une femme de référence de 57 kg. Ces corrections sont représentées par le facteur de 1,34 pour les hommes [1,15 (EPOC) ÷ 0,9 (ETA) ÷ 0,95] et de 1,42 pour les femmes [1,15 (EPOC) ÷ 0,9 (ETA) ÷ 0,91)].

Puisque la valeur MET exprime une mesure par jour, un facteur de 1 440 convertira cette augmentation de la dépense énergétique en une mesure par minute. Par exemple, dans le cas de la natation, la valeur MET est de 3,0 kcal/kg/heure. Pour un homme, nager une heure par jour pendant trois mois équivaut à un accroissement d'activité physique de (3,0 MET - 1) * 90 jours * 60 minutes * 1,34/1 440 = 10,05, soit un surplus quotidien de 0,112, ce qui représente une augmentation de 189 kcal par jour de la dépense énergétique totale.

Une fois que toutes les activités physiques individuelles pratiquées durant les loisirs ont été exprimées en ΔPAL pour trois mois, on additionne les valeurs ensemble et on divise la somme de celles-ci par 90 jours, de manière à obtenir l'augmentation quotidienne de la dépense énergétique résultant de l'activité physique.

Selon la méthode de l'IOM, une personne s'adonnant uniquement à des activités sédentaires aura un niveau d'activité physique de 1,39. Le NAP final d'une personne s'obtient en additionnant la somme des ΔPAL au NAP de base de 1,39.  D'après l'IOM, les niveaux d'activité physique sont répartis en quatre catégories : sédentaire (NAP de 1,0 à moins de 1,4), peu actif (NAP de 1,4 à moins de 1,6), actif (NAP de 1,6 à moins de 1,9) et très actif (NAP de 1,9 à moins de 2,5).

Les participants à l'ESCC de 2004 ont été classés selon trois catégories d'après leur dépense énergétique calculée en MET : personnes inactives, personnes moyennement actives et personnes actives. Le tableau 2 donne une comparaison des classifications NAP et MET des personnes pour lesquelles était disponible l'information requise pour prédire les besoins énergétiques.

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Tableau 2
Niveau d'activité physique (NAP) versus équivalents métaboliques (MET), population à domicile de 12 ans et plus, Canada, territoires non compris, 2004

Grâce à ces variables et aux équations de l'IOM décrites ci-dessus, il est possible de prédire les besoins énergétiques pour ces participants.

Mesure de la sous-déclaration de l'apport énergétique

Il existe deux méthodes pour déterminer la mesure dans laquelle l'apport énergétique (c'est-à-dire la consommation alimentaire) est sous-déclaré. La première, qui est celle employée pour l'étude, comprend une macroestimation fondée uniquement sur le ratio de l'apport énergétique mesuré aux besoins énergétiques – prédits à l'aide des équations de l'IOM –, un ratio inférieur à 1 indiquant une sous-déclaration et un rapport supérieur à 1, une surdéclaration. (La deuxième méthode consiste à classer les participants à l'enquête dans l'une de trois catégories, selon que leur apport alimentaire est jugé sous-déclaré, surdéclaré ou plausible. Cette méthode est décrite dans un autre article15.)

Afin d'évaluer l'effet de la sous-déclaration d'énergie sur une moyenne de groupe, on divise l'apport énergétique moyen du groupe par la dépense énergétique moyenne prédite pour ce groupe. Pour déterminer l'effet de la sous-déclaration d'énergie en tenant compte simultanément de plusieurs groupes, les ratios individuels de l'apport énergétique à la dépense énergétique prédite sont modélisés dans une régression linéaire multiple.

Les covariables introduites dans les régressions linéaires multiples ont été choisies en se fondant sur les données publiées et sur les facteurs dont on sait qu'ils influencent la quantité ou la qualité des aliments consommés. Elles sont réparties en trois catégories : les facteurs de risque (indice de masse corporelle, activité physique durant les loisirs, consommation d'alcool, consommation de fruits et légumes et usage du tabac), l'état de santé (état de santé autodéclaré et présence de problèmes de santé chroniques) et les caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, niveau de scolarité et revenu du ménage, situation d'emploi, statut d'immigrant, statut d'autochtone et province de résidence).

Les facteurs de risque sont inclus parce que les choix d'aliments de faible qualité sont associés à la sous-déclaration de l'apport énergétique; plus précisément, les gens ont tendance à sous-déclarer les aliments malsains et à surdéclarer ceux qui sont bons pour la santé.  Dans l'ensemble, les variables sélectionnées reflètent des habitudes de vie saines ou la qualité des choix alimentaires.

Comme une mauvaise santé peut influer sur l'appétit d'une personne, les deux variables se rapportant à l'état de santé sont incluses dans les modèles pour tenir compte de l'effet de facteurs qui pourraient avoir une incidence sur la quantité d'aliments consommés.

Les variables sociodémographiques sont incluses parce qu'une revue de la littérature a montré que certaines d'entre elles sont associées à la sous-déclaration. De plus, comme les sous-groupes de population sont souvent définis en fonction de ces variables (par exemple, personnes âgées, Autochtones, immigrants), il est important de savoir comment la sous-déclaration est associée à ces caractéristiques. Qui plus est, certaines de ces caractéristiques (par exemple, le faible revenu du ménage) sont liées à des régimes alimentaires de qualité inférieure.

La méthode du bootstrap, qui tient compte du plan d'enquête complexe16-18 de l'ESCC, a été utilisée pour estimer les intervalles de confiance des ratios et des coefficients de régression. Le seuil de signification statistique a été établi au niveau de 0,05.

Définitions

L'indice de masse corporelle (IMC) se calcule en divisant le poids exprimé en kilogrammes par le carré de la taille exprimée en mètres. Dans la présente analyse, les catégories d'IMC pour les adultes ont été définies conformément aux lignes directrices de Santé Canada19. Les personnes dont l'IMC est compris entre 18,5 kg/m2 et 24,99 kg/m2 sont considérées comme ayant un poids normal, entre 25 kg/m2 et 29,99 kg/m2, comme ayant de l'embonpoint, et supérieur à 30 kg/m2, comme étant obèses. Pour les adolescents de 12 à 17 ans, nous avons utilisé les catégories définies par Cole et al.20.

Le niveau d'activité physique durant les loisirs fait référence aux quatre catégories de NAP : sédentaire, peu actif, actif et très actif.

La  consommation d'alcool se rapporte aux 12 mois qui ont précédé l'entrevue de l'ESCC.

La consommation de fruits et légumes est fondée sur la fréquence habituelle déclarée de consommation et non sur le rappel alimentaire de 24 heures. Elle représente le nombre de fois par jour que des fruits et légumes ont été consommés et non la quantité d'aliments consommés.

Les fumeurs sont les personnes qui ont déclaré fumer tous les jours ou à l'occasion.

Les variables sociodémographiques sont le  sexe et l'âge pour les adultes, basés sur les groupes âge-sexe de l'IOM pour les apports nutritionnels de référence, le niveau de scolarité le plus élevé dans le ménage (études secondaires partielles, diplôme d'études secondaires, études postsecondaires partielles, diplôme d'études postsecondaires), le groupe de revenu du ménage en provenance de toutes les sources et propre à la taille du ménage (inférieur, moyen-inférieur, moyen, moyen-supérieur et supérieur), la situation d'emploi la semaine qui a précédé l'entrevue, ainsi que le statut d'immigrant et le statut d'Autochtone.

Les variables associées à l'état de santé sont l'état de santé autodéclaré (excellent, très bon, bon, passable et mauvais) et l'existence d'au moins un problème de santé chronique.

Résultats

Dans l'ensemble, le ratio entre l'apport énergétique (AE) déclaré par les participants à l'ESCC et leurs besoins énergétiques estimatifs (BEE) obtenus grâce aux équations de l'IOM était de 0,904 (tableau 3). Autrement dit, les Canadiens de 12 ans et plus ont déclaré qu'ils consommaient environ 10 % moins de calories qu'ils n'en avaient effectivement besoin, compte tenu de leur taille, de leur poids et de leur niveau d'activité physique. Les ratios ont tendance à être plus faibles pour les femmes que pour les hommes. Toutefois, le différence n'était significative que pour les 19 à 30 ans. En outre, les ratios diminuent avec l'âge, ce qui indique que la sous-déclaration devient progressivement plus importante à mesure que l'âge augmente.

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Tableau 3
Ratio de l'apport énergétique estimé aux besoins énergétiques estimatifs prédits, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 12 ans et plus, Canada, territoires non compris, 2004

Un modèle de régression permet d'examiner simultanément l'effet de plusieurs variables.  On a élaboré des modèles distincts pour les adolescents (12 à 17 ans) et pour les adultes (18 ans et plus). Les coefficients de régression représentent la variation du ratio qui est associée à la variation d'une caractéristique par rapport à celles de la « personne de référence ».  Dans le cas des adultes, la personne de référence avait un IMC dans la fourchette normale, était peu active, vivait en Ontario dans un ménage qui appartenait à la catégorie supérieure de revenu et dont au moins un membre possédait un diplôme d'études postsecondaires, consommait de cinq à dix portions de fruits et légumes par jour, était en excellente santé, avait travaillé la semaine précédant l'entrevue, n'était ni immigrante ni autochtone, ne fumait pas et avait de 18 à 30 ans. Pour les adolescents, la personne de référence avait les mêmes caractéristiques, sauf pour l'âge et la situation d'emploi la semaine précédant l'entrevue.

Sans égard au groupe d'âge et au sexe, la catégorie d'IMC avait un effet significatif et persistant sur le ratio de l'apport énergétique aux besoins énergétiques estimatifs (BEE)  (tableaux 4 et 5). Les personnes ayant de l'embonpoint ou étant obèses sous-déclarent leur apport énergétique comparativement à la personne de référence (de poids normal).

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Tableau 4
Coefficients de régression linéaire du ratio de l'apport énergétique déclaré aux besoins énergétiques estimatifs prédits, selon le sexe, population à domicile de 18 ans et plus, Canada, territoires non compris, 2004

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Tableau 5
Coefficients de régression linéaire du ratio de l'apport énergétique déclaré aux besoins énergétiques estimatifs prédits, selon le sexe, population à domicile de 12 à 17 ans, Canada, territoires non compris, 2004

L'activité physique durant les loisirs est également associée significativement à la déclaration de l'apport énergétique, mais la direction de l'estimation dépend du niveau d'activité. Chez les personnes sédentaires, les adultes des deux sexes et les filles de 12 à 17 ans ont en fait surdéclaré la quantité d'aliments  consommés. Par contre, les adolescents actifs des deux sexes  l'ont sous-déclarée, tout comme les femmes et les adolescentes très actives.

Une faible consommation de fruits et légumes (moins de cinq portions par jour) est associée à la sous-déclaration chez tous les groupes, sauf celui des femmes adultes. De même, les adolescents de sexe masculin qui avaient consommé de l'alcool au cours de l'année qui a précédé l'enquête ont sous-déclaré leur apport énergétique. En revanche, les hommes et les adolescents qui fumaient avaient tendance à surestimer la quantité d'aliments consommés.

La sous-déclaration de l'apport alimentaire est plus prononcée chez les femmes en bonne santé et chez les garçons adolescents en mauvaise santé que parmi les autres groupes. Quant à lui, le fait d'avoir un problème de santé chronique n'est pas associé à la déclaration de l'apport énergétique.

Il n'y a pour ainsi dire aucune association entre le revenu du ménage et la déclaration de l'apport énergétique; toutefois, des différences se dégagent selon le niveau de scolarité du ménage. Chez les femmes, tous les niveaux de scolarité du ménage inférieurs au diplôme d'études postsecondaires sont associés à une sous-déclaration. Celle-ci est également statistiquement significative chez les garçons adolescents vivant dans des ménages dont un membre avait obtenu un diplôme d'études secondaires ou fait des études postsecondaires partielles.

Le statut d'immigrant et le statut d'Autochtone n'ont aucune influence sur la déclaration de l'apport énergétique. Le groupe d'âge n'est pas un facteur significatif non plus chez les adultes, l'écart le plus important étant celui observé entre les adolescents et les adultes.

Enfin, les adultes au Québec et en Colombie-Britannique ont surdéclaré la quantité d'aliments qu'ils avaient consommée; en revanche, les femmes du Nouveau-Brunswick l'ont sous-déclarée. Parmi les adolescents, on observe une surdéclaration chez les garçons du Québec et de la Saskatchewan et une sous-déclaration chez les filles de l'Alberta.

Discussion

Les données provenant de la composante « Nutrition » de l'ESCC de 2004 révèlent une sous-déclaration d'environ 10 % par rapport à l'apport énergétique total pour la population de 12 ans et plus. Cependant, la sous-déclaration variait en importance selon plusieurs facteurs, dont l'indice de masse corporelle, l'activité physique, les facteurs liés au mode de vie et le niveau de scolarité du ménage.

Les résultats de la présente analyse confirment ceux d'autres études. Selon un article de synthèse portant sur 25 études6, les catégories d'IMC sont étroitement liées à la sous-déclaration de l'apport énergétique. D'autres études montrent en outre qu'en général, les femmes et les personnes plus âgées sont plus susceptibles que les autres de faire une sous-déclaration. Par ailleurs, il se dégage de la présente étude que les femmes tendent davantage que les hommes à sous-déclarer leur apport énergétique, mais les différences selon l'âge sont plus prononcées entre les adolescents et les adultes qu'entre adultes de groupes d'âge différents.

L'activité physique est liée à la déclaration de l'apport énergétique dans la présente étude. Les analyses précédentes ne tenaient pas compte de l'activité physique dans le calcul des besoins énergétiques.

Les données de l'ESCC révèlent que l'usage du tabac est associé à la surdéclaration de l'apport énergétique chez les hommes de tous les âges. Il semble donc exister un lien entre l'usage du tabac et un régime alimentaire de qualité inférieure, conclusion qui ressort fréquemment d'autres études21, 25.

Pour ce qui est des facteurs sociodémographiques, les résultats sont moins cohérents d'une étude à l'autre, bien qu'un faible niveau de scolarité ait été associé à la sous-déclaration de l'apport énergétique. Les résultats de l'ESCC montrent que le niveau de scolarité du ménage est associé significativement à la sous-déclaration chez les femmes adultes et les garçons adolescents.

Limites

La principale limite de l'étude tient au fait que la mesure de la sous-déclaration de l'apport énergétique repose en grande partie sur la qualité de l'estimation de la dépense énergétique. Or, l'information sur la dépense énergétique provenant de l'ESCC de 2004 est incomplète, car les données recueillies sur l'activité physique ont trait uniquement à l'activité durant les loisirs.

La présente analyse applique un niveau d'activité physique de base de 1,39 à tous les participants à l'enquête, mais on aurait pu établir d'autres hypothèses. Ainsi, en supposant que toutes les personnes étaient « peu actives » (la catégorie d'activité physique la plus souvent déclarée), le ratio AE/BEE serait de 0,895 pour la population de 12 ans et plus. Il reste que cela ne modifierait en rien la relation entre la sous-déclaration et les caractéristiques lui étant associées, surtout l'embonpoint et l'obésité.

En se fondant sur un niveau d'activité physique « sédentaire » pour tous les participants à l'enquête, l'estimation du ratio AE/BEE est de 1,003 pour la population de 12 ans et plus. Cependant, on peut supposer que d'après leur activité physique durant les loisirs un nombre considérable de personnes ont des besoins énergétiques plus élevés. Et contrairement à supposer un faible niveau d'activité physique pour tous les participants à l'enquête, ce qui peut entraîner des erreurs de classification dans les deux sens, supposer un niveau d'activité physique sédentaire peut donner lieu à des erreurs de classification dans un sens seulement, ce qui veut dire que le rapport AE/BEE réel serait nécessairement inférieur à 1.

Il aurait été possible d'utiliser également le ratio entre l'apport énergétique et soit le taux métabolique au repos (TMR), soit la dépense énergétique de base (DEB). Ces ratios représenteraient un niveau moyen d'activité physique pour une population. L'estimation de la sous-déclaration requerrait toujours l'estimation de l'activité physique. Mais, le cas échéant, il faudrait remplacer les catégories par une variable continue, laquelle serait plus sensible aux erreurs de déclaration qu'une variable catégorique.

Même si les équations de l'IOM sont les meilleures dont on dispose à l'heure actuelle, la base de données n'est représentative ni de la population canadienne ni de la population américaine. En outre, le modèle utilisé pour calculer les BEE donne lieu à une prédiction assortie d'un intervalle de confiance, tandis que dans la présente étude, la valeur des BEE prédits a été utilisée en tant que constante dans le calcul des ratios.

Comme la présente analyse se fonde uniquement sur les déclarations de l'apport énergétique du premier rappel de 24 heures, les variations quotidiennes ne sont pas prises en compte. Toutefois, l'apport énergétique habituel pour une population est généralement déterminée à partir de la moyenne associée au premier rappel alimentaire de 24 heures pour cette population. Par conséquent, l'apport quotidien peut être utilisé dans l'évaluation de la sous-déclaration de l'apport énergétique, mais seulement dans le cas de moyennes de groupe ou d'ensembles de groupes.

Les résultats des régressions représentent des comparaisons entre plusieurs groupes et sont utilisés pour cerner les caractéristiques associées à la sous-déclaration; ces régressions ne sont pas destinées à être utilisées en tant qu'équations prédictives de la sous-déclaration individuelle.

Une autre limite de l'étude tient au fait qu'il n'a pas été possible de tenir compte des facteurs psychologiques associés aux habitudes alimentaires, comme la désirabilité sociale, l'image de soi et le poids, ainsi que la crainte d'une évaluation négative, qui ont tous été liés à la sous-déclaration de l'apport énergétique5, 6. On ne sait pas non plus si les participants à l'ESCC suivaient un régime ou limitaient leur apport alimentaire au moment de l'entrevue. Les déclarations quant à l'apport alimentaire sont toujours sujettes au risque d'une consommation d'aliments insuffisante ou excessive pour une journée donnée.

Conclusion

Les résultats de la présente étude sont importants pour les utilisateurs des données sur la nutrition de l'ESCC qui, avant d'entreprendre une analyse, doivent savoir que le degré de sous-déclaration de l'apport énergétique varie selon le sous-groupe. Il est utile non seulement de déterminer l'importance de la sous-déclaration, mais de cerner également les groupes pour lesquels l'apport énergétique est sous-déclaré, surdéclaré ou plausible. L'identification de ces personnes fait l'objet d'un autre article15.