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Au cours des 25 dernières années, la prévalence de l'obésité a augmenté considérablement chez les personnes de tout âge au Canada1,2. Il est donc essentiel de comprendre les causes de cette tendance afin de mettre sur pied des interventions efficaces à l'échelle de la population.
L'augmentation de l'apport calorique et la diminution de la dépense énergétique paraissent être des déterminants évidents de la prévalence croissante de l'obésité. Cependant, les données empiriques concernant le rôle joué par l'un et l'autre de ces facteurs sont ambiguës. Selon les données d'enquête, la consommation moyenne de calories des Canadiens n'a pas augmenté depuis le début des années 70 et a diminué chez certains groupes de population3. La plupart des données d'enquête sur l'activité physique sont limitées à l'activité physique durant les loisirs, qui a augmenté modestement depuis le milieu des années 804,5. Toutefois, elle ne représente qu'une petite part de l'activité totale durant l'éveil. Les tendances contre-intuitives de l'apport calorique et de l'activité physique durant les loisirs, et celles observées pour l'obésité soulignent à quel point il est important de dégager et d'examiner d'autres corrélats comportementaux de l'obésité.
L'étude des comportements sédentaires constitue un domaine relativement récent de la recherche sur l'obésité. Selon certains chercheurs, les comportements sédentaires devraient être étudiés en tant que construction distincte de l'activité physique6. Jusqu'à présent, le comportement sédentaire qui a été le plus étudié en regard de l'excès de poids a été l'écoute de la télévision. Chez les enfants et les adolescents, la plupart des études révèlent un lien entre le nombre d'heures passées devant un téléviseur et l'embonpoint ou l'obésité7-22, mais certaines d'entre elles ont produits des résultats non cohérents23-25. Les auteurs d'une revue récente de la littérature concluent que, si le temps passé à regarder la télévision est lié systématiquement à l'embonpoint chez les enfants et les adolescents, l'association est faible et probablement peu pertinente d'un point de vue clinique26. Cependant, cette conclusion a été réfutée par d'autres chercheurs17,27.
Nettement moins d'attention a été accordée aux associations entre l'écoute de la télévision et l'obésité chez les adultes, et les relations avec d'autres comportements sédentaires ont rarement été examinées.
Dans le présent article, nous examinons les associations entre les comportements sédentaires durant les loisirs et l'obésité parmi un grand échantillon de Canadiens adultes de 20 à 64 ans. Les comportements sédentaires étudiés sont l'écoute de la télévision, l'utilisation d'un ordinateur et la lecture. Pour les associations dégagées, un deuxième objectif est de déterminer si elles ont pour médiateurs l'activité physique durant les loisirs et la nutrition (mesurée par la consommation de fruits et de légumes).
Méthodes
Source des données
Les données proviennent de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2007, qui est une enquête générale sur la santé réalisée auprès de la population à domicile de 12 ans et plus. Sont exclus du champ d'observation de l'ESCC les habitants des réserves indiennes et de certaines régions éloignées, ainsi que les personnes vivant en établissement, les membres à temps plein des Forces canadiennes et tous les résidents (militaires et civils) des bases militaires. Les entrevues ont eu lieu de janvier à décembre 2007; 62 % d'entre elles ont été réalisées par téléphone et les 38 % restants, sur place. Le taux de réponse global a été de 78 %, ce qui donne un échantillon de 65 946 personnes. D'autres renseignements sur l'ESCC figurent dans un rapport déjà publié28 et sur le site Web de Statistique Canada.
L'étude porte sur la population de 20 à 64 ans. Comme l'indice de masse corporelle ne se calcule pas pour les femmes enceintes, celles-ci ont été exclues de l'étude. Environ 2 % des enregistrements ont été éliminés parce que les réponses aux questions sur les comportements sédentaires manquaient. Le fichier d'analyse final comptait 42 612 personnes : 19 811 hommes et 22 801 femmes.
Techniques d'analyse
Pour décrire les caractéristiques de la population étudiée, nous avons utilisé des estimations de fréquence calculées à l'aide de données pondérées de manière qu'elles soient représentatives de la population canadienne de 20 à 64 ans en 2007. Pour révéler les associations entre les comportements sédentaires et l'obésité, nous nous sommes appuyés sur des totalisations croisées.
Des modèles de régression logistique nous ont servi à examiner les relations entre les comportements sédentaires et trois résultats, à savoir l'obésité, l'activité physique durant les loisirs et la consommation de fruits et de légumes. Les modèles contenaient des variables de contrôle pour tenir compte des effets de facteurs éventuellement confusionnels (âge, état matrimonial, niveau d'études, revenu du ménage, résidence en région urbaine/rurale et statut d'immigrant). Pour chacun des trois résultats, nous avons ajusté des modèles distincts pour les hommes et pour les femmes, car selon certaines études, les associations entre les comportements sédentaires et ces résultats varient selon le sexe22, 29.
Dans un ensemble final de modèles de régression logistique (un pour chaque sexe), nous avons examiné la relation entre l'obésité et les comportements sédentaires en utilisant l'activité physique durant les loisirs et la consommation de fruits et de légumes comme variables de contrôle. Le but était de voir si ces variables pourraient être des médiateurs des associations entre les comportements sédentaires et l'obésité. L'atténuation de ces associations serait une preuve de médiation.
Toutes les analyses ont été réalisées sur des données pondérées. Pour tenir compte de l'effet du plan de sondage de l'ESCC, les erreurs-types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés par la méthode du bootstrap30, 31. La signification statistique des écarts entre les estimations a été testée au seuil de signification de 5 % (p<0,05).
Définitions
Durant l'ESCC de 2007, on a posé aux Canadiens adultes des questions sur le temps qu'ils consacraient à trois comportements sédentaires. On leur a demandé d'indiquer le nombre d'heures qu'ils avaient passées, durant une semaine typique au cours des trois mois qui ont précédé l'enquête, à écouter la télévision (y compris des bandes vidéo), à utiliser un ordinateur (y compris jouer à des jeux électroniques et utiliser Internet) et à lire. On leur a précisé de déclarer les heures de loisirs seulement et d'exclure le temps consacré à ces activités au travail ou à l'école. Pour chaque comportement, les participants à l'enquête ont déclaré le nombre hebdomadaire d'heures en fonction de huit catégories : aucune, moins de 1, 1 à 2, 3 à 5, 6 à 10, 11 à 14, 15 à 20 et plus de 20. Pour les besoins de la présente analyse, ces catégories de réponse ont été regroupées comme il suit : 5 et moins, 6 à 10, 11 à 14, 15 à 20, ou 21 heures et plus pour l'écoute de la télévision. Étant donné les plus petites fréquences d'échantillon dans les catégories supérieures pour l'utilisation d'un ordinateur et la lecture, la catégorie supérieure pour ces comportements a été définie comme étant 11 heures et plus.
L'indice de masse corporelle (IMC) est une mesure du poids corrigée en fonction de la taille, que l'on calcule en divisant le poids exprimé en kilogrammes par le carré de la taille exprimée en mètres. Les participants à l'ESCC dont l'IMC était égal ou supérieur à 30,0 kg/m2 ont été classés dans la catégorie des personnes obèses, conformément aux lignes directrices canadiennes32, qui sont en harmonie avec celles de l'Organisation mondiale de la santé33. L'IMC a été calculé d'après le poids et la taille autodéclarés par les participants à l'enquête.
La consommation quotidienne de fruits et de légumes a été évaluée dans le cadre de l'ESCC à l'aide de questions provenant du Behavioral Risk Factor Surveillance System établi aux États-Unis34. On a demandé aux participants à l'enquête à quelle fréquence ils consommaient des fruits, des jus de fruit, de la salade verte, des pommes de terre (sans compter les frites et les croustilles), des carottes et d'autres légumes. En fonction des réponses à ces questions, ils ont été classés comme consommant des fruits et des légumes moins de trois fois, de trois fois à moins de cinq fois, ou cinq fois ou plus par jour.
Pour mesurer l'activité physique durant les loisirs, on a demandé aux participants à l'enquête d'indiquer la fréquence et la durée de leur participation à diverses activités au cours des trois mois précédents. Le niveau d'activité physique durant les loisirs a été déterminé d'après la dépense énergétique (DE) totale durant les loisirs. La DE a été calculée d'après la fréquence et la durée déclarées de toutes les activités physiques d'une personne durant les loisirs et la demande d'énergie métabolique (valeurs de l'équivalent métabolique ou MET) de chaque activité, laquelle a été calculée indépendamment35. Le temps consacré à marcher ou à rouler à bicyclette pour se rendre au travail ou à l'école a été inclus dans le calcul. Le nombre de fois qu'une personne a participé à une activité particulière au cours des trois mois qui ont précédé l'enquête a été multiplié par quatre pour obtenir une estimation du nombre annuel, puis la DE moyenne par jour a été calculée de la façon suivante :
DE = ∑(Ni*Di*METi/365 jours) où
Ni = le nombre d'occurrences de l'activité i durant une année,
Di = durée moyenne en heures de l'activité i,
METi = valeur constante représentant la dépense d'énergie métabolique de l'activité i.
Nous nous sommes fondés sur la somme des dépenses quotidiennes moyennes d'énergie pour toutes les activités d'une personne pour classer les participants à l'enquête dans l'une des catégories suivantes :
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Personne active – dépense d'au moins 3 kilocalories par kilogramme de poids corporel par jour; par exemple, marcher une heure par jour ou courir 20 minutes par jour.
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Personne moyennement active – dépense de 1,5 à moins de 3 kilocalories par kilogramme de poids corporel par jour; par exemple, marcher de 30 à 60 minutes par jour ou suivre un cours d'exercices d'une heure trois fois par semaine.
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Personne inactive – dépense de moins de 1,5 kilocalories par kilogramme de poids corporel par jour; par exemple, marcher moins d'une demi-heure par jour.
En fonction de leur niveau d'études le plus élevé, les personnes de 25 à 64 ans ont été groupées en quatre catégories : diplôme d'études postsecondaires, études postsecondaires partielles, diplôme d'études secondaires et études secondaires partielles. Les mêmes catégories ont été utilisées pour le groupe des 20 à 24 ans, mais elles étaient fondées sur le niveau d'études le plus élevé dans le ménage.
Les groupes de revenu du ménage ont été déterminés en calculant le rapport du revenu total du ménage en provenance de toutes les sources au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête au seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada établi en fonction du nombre de personnes dans le ménage, de la taille de la collectivité et de l'année de référence de l'enquête. Ces rapports corrigés de revenu ont été regroupés en quintiles (cinq groupes, contenant chacun un cinquième de la population canadienne).
Les immigrants ont été définis comme étant des personnes nées à l'extérieur du Canada et ne possédant pas la citoyenneté canadienne à la naissance. Les immigrants ont été répartis en trois groupes, en fonction du nombre d'années de résidence au Canada, à savoir de 0 à 9 ans, de 10 à 19 ans, et 20 ans et plus.
Pour déterminer les limitations des activités liées à la santé, on a demandé aux participants à l'enquête : Avez-vous de la difficulté à entendre, à voir, à communiquer, à marcher, à monter un escalier, à vous pencher, à apprendre ou à faire d'autres activités semblables? En outre, on leur a posé une série de questions sur les limitations dans diverses circonstances : « Est-ce qu'un état physique ou un état mental ou un problème de santé de longue durée réduit la quantité ou le genre d'activités que vous pouvez faire : à la maison, au travail, à l'école, dans d'autres activités (p. ex., déplacements ou loisirs)? » Les catégories de réponse étaient « souvent », « parfois » ou « jamais ». Les personnes qui ont répondu « souvent » ou « parfois » à au moins l'une des questions ont été considérées comme présentant une limitation des activités liée à la santé.
Résultats
Caractéristiques de la population étudiée
L'échantillon total de 42 612 personnes (19 811 hommes et 22 801 femmes) a été pondéré de manière qu'il soit représentatif de 19,6 millions de Canadiens (9,8 millions d'hommes et 9,8 millions de femmes) de 20 à 64 ans. Des trois comportements sédentaires étudiés, le plus répandu était l'écoute de la télévision. Environ le quart des membres de chacun des deux sexes (27 % d'hommes et 24 % de femmes) ont déclaré écouter la télévision pendant 15 heures ou plus par semaine (soit, en moyenne, plus de 2 heures par jour) et 16 % d'hommes et 15 % de femmes ont dit le faire 21 heures ou plus par semaine (soit, en moyenne, au moins 3 heures par jour) (tableau 1). En tout, 18 % d'hommes et 14 % de femmes utilisaient fréquemment un ordinateur (11 heures ou plus par semaine). À peine 9 % d'hommes ont déclaré lire 11 heures ou plus par semaine. La lecture était plus fréquente chez les femmes, dont 15 % ont dit y consacrer 11 heures ou plus par semaine.
Les corrélations entre les comportements sédentaires sont faibles. Chez les hommes, la corrélation entre l'écoute de la télévision et l'utilisation d'un ordinateur était de 0,00, celle entre l'écoute de la télévision et la lecture, de 0,07 et celle entre l'utilisation d'un ordinateur et la lecture, de 0,13. Chez les femmes, les valeurs de corrélation correspondantes étaient 0,08, 0,12 et 0,12.
La prévalence de l'obésité, calculée d'après les mesures autodéclarées de taille et de poids, était de 18 % chez les hommes et de 16 % chez les femmes. Environ la moitié des hommes (47 %) et des femmes (50 %) entraient dans la catégorie des personnes inactives durant les loisirs. Une consommation peu fréquente de fruits et de légumes (moins de trois fois par jour) a été déclarée par 29 % d'hommes et 18 % de femmes.
Associations avec l'obésité
L'écoute de la télévision est associée à l'obésité chez les deux sexes. Chez les hommes, la prévalence de l'obésité passe de 14 % chez ceux qui écoutent la télévision en moyenne cinq heures ou moins par semaine à 25 % chez ceux qui le font pendant 21 heures ou plus par semaine (tableau 2). Des résultats comparables se dégagent pour les femmes, chez lesquelles la prévalence de l'obésité passe de 11 % pour celles écoutant la télévision cinq heures ou moins par semaine à 24 % pour celles déclarant 21 heures ou plus par semaine. Les associations persistent quand elles sont étudiées dans des modèles multivariés contenant des variables de contrôle pour les effets éventuellement confusionnels de l'âge, de l'état matrimonial, du niveau d'études, du revenu du ménage, de la résidence en région urbaine ou rurale et du statut d'immigrant (tableau 3).
L'analyse bivariée n'a révélé aucune association significative entre l'utilisation d'un ordinateur durant les loisirs et l'obésité chez les hommes. Parmi les femmes, celles utilisant un ordinateur 11 heures ou plus par semaine étaient un peu plus susceptibles d'être obèses que celles ne consacrant en moyenne que cinq heures ou moins à cette activité (18 % contre 15 %). Cependant, l'utilisation d'un ordinateur est plus fréquente chez les personnes jeunes36, lesquelles sont également moins susceptibles d'être obèses. Par conséquent, les modèles multivariés dans lesquels étaient neutralisés les effets de l'âge et d'autres caractéristiques sociodémographiques ont dévoilé des associations plus fortes entre l'utilisation d'un ordinateur et l'obésité. Chez l'un et l'autre sexes, la cote exprimant le risque d'être obèse était plus élevée pour les personnes utilisant un ordinateur au moins six heures par semaine (20 % plus élevée pour les hommes et 30 % plus élevée pour les femmes) que pour celles ne le faisant que cinq heures ou moins.
La lecture n'est pas associée à l'obésité chez les hommes. Chez les femmes, celles ayant déclaré y consacrer 11 heures ou plus par semaine étaient un peu plus susceptibles d'être obèses que celles qui ne lisaient en moyenne que cinq heures ou moins par semaine (18 % contre 15 %). Toutefois, la lecture est plus répandue chez les femmes plus âgées, qui sont également plus susceptibles d'être obèses. Par conséquent, dans le modèle multivarié, l'association entre l'obésité et le nombre d'heures consacrées à la lecture n'a pas persisté chez les femmes. Puisqu'elle n'était associée à l'obésité ni chez les hommes ni chez les femmes dans l'analyse multivariée, la lecture n'a pas été retenue dans les analyses subséquentes.
Une mauvaise alimentation et un faible niveau d'activité physique sont généralement considérés comme jouant le rôle de médiateurs dans la relation entre l'écoute de la télévision et l'obésité. La présente étude a permis de dégager des associations positives entre le nombre d'heures passées devant un téléviseur et devant un ordinateur, d'une part, et l'activité physique peu fréquente durant les loisirs ainsi que la faible consommation de fruits et de légumes, d'autres part (tableaux B et C en annexe). Néanmoins, les associations entre l'obésité et l'écoute de la télévision demeurent significatives dans les modèles tenant compte des effets de ces variables médiatrices éventuelles, et la diminution des rapports de cotes est minime (tableau 4). L'association entre l'obésité et l'utilisation fréquente d'un ordinateur persiste également pour les membres des deux sexes.
Puisque l'écoute de la télévision et l'utilisation d'un ordinateur peuvent varier au cours de l'année, la saison durant laquelle l'entrevue de l'ESCC a eu lieu a été ajoutée comme variable de contrôle dans les modèles, mais les rapports de cotes reliant l'écoute de la télévision et l'utilisation d'un ordinateur à l'obésité sont restés virtuellement les mêmes que ceux figurant au tableau 4 (données non présentées).
Dans un dernier ensemble de modèles, une variable de contrôle a été ajoutée pour la limitation des activités liée à la santé. De nouveau, les rapports de cotes reliant l'écoute de la télévision et l'utilisation d'un ordinateur à l'obésité sont demeurés essentiellement les mêmes que dans le tableau 4 (données non présentées).
Discussion
Autant que nous sachions, cette étude est la première dont le but est d'examiner les associations entre les comportements sédentaires et l'obésité chez les Canadiens adultes en se fondant sur un ensemble de données représentatives de la population nationale. Les résultats fournissent des preuves convaincantes d'une association positive entre le temps passé à écouter la télévision et l'obésité chez les hommes ainsi que les femmes. L'analyse à l'aide des modèles multivariés révèle de modestes associations entre l'utilisation d'un ordinateur et l'obésité chez les membres des deux sexes, mais ne permet de dégager une association entre la lecture et l'obésité ni chez l'homme ni chez la femme.
La plupart des études antérieures de la relation entre les comportements sédentaires et l'obésité portaient sur les associations entre l'écoute de la télévision et l'excès de poids chez les enfants et les adolescents. Les auteurs de diverses revues de la littérature arrivent à la conclusion que les données d'études transversales ainsi que prospectives réalisées chez les enfants et les jeunes appuient la thèse d'une association positive entre le nombre d'heures d'écoute de la télévision et l'excès de poids, mais que les effets sont généralement faibles26, 37, 38. Les études des associations entre l'écoute de la télévision et l'obésité chez les adultes sont plutôt rares et habituellement fondées sur des enquêtes à petite échelle ou sur des professions ou des sous-groupes de population particuliers. Néanmoins, les constatations des auteurs de ces études9, 39-50 concordent généralement avec celles présentées ici.
Les mécanismes avancés le plus fréquemment pour expliquer le lien entre l'écoute de la télévision et l'obésité sont la réduction de l'activité physique durant les loisirs et l'augmentation de l'apport énergétique51. L'hypothèse est que l'écoute de la télévision supplante l'activité physique et/ou accroît l'apport calorique à cause de la consommation de collations en réponse aux nombreux signaux transmis par les publicités pour des aliments riches en calories, mais pauvres en contenu nutritionnel52-54. La présente étude étaye dans une certaine mesure les deux mécanismes. Les hommes et les femmes qui écoutent fréquemment la télévision sont plus susceptibles d'être inactifs durant leurs loisirs. La faible consommation de fruits et de légumes, qui est corrélée à un régime alimentaire riche en gras55, est également associée à des niveaux élevés d'écoute de la télévision. Cependant, si l'obésité est examinée dans des modèles contenant des variables de contrôle pour ces facteurs médiateurs éventuels, l'atténuation des associations entre l'obésité et l'écoute de la télévision est minime. D'autres études réalisées chez les adultes ont abouti à la conclusion que l'écoute de la télévision est associée à l'obésité, indépendamment de l'activité physique et de l'apport alimentaire9, 40, 44, 48.
Une troisième explication possible du lien entre le temps passé devant un téléviseur et l'obésité est le faible taux métabolique associé à cette activité51. La demande d'énergie métabolique (valeur MET) requise pour écouter la télévision est de 1,0, c'est-à-dire une demande à peine supérieure à celle du sommeil (0,9)35. Des tâches domestiques, telles que passer l'aspirateur (3,5 METS), peindre ou tapisser les murs (3,0 METS) et ranger l'épicerie (2,5 METS), ainsi que des comportements sédentaires comme jouer du piano (2,5 METS), écrire en étant assis (1,8 METS), taper à la machine (1,8 METS), jouer aux cartes ou à des jeux de société (1,5 METS) et lire en étant assis (1,3 METS) sont des activités qui ont toutes une valeur MET plus élevée que celle de l'écoute de la télévision. Cela montre à quel point il est important de mesurer avec précision l'activité physique56 dans tous les domaines de la vie (y compris les activités structurées et non structurées durant les loisirs et en dehors de ceux-ci) pour comprendre le rôle médiateur éventuellement joué par d'autres activités dans l'association entre l'écoute de la télévision et l'obésité.
Limites
La nature autodéclarée des données est une limite importante de l'analyse. Les mesures des comportements sédentaires, de l'obésité, de l'activité physique durant les loisirs et de la consommation de fruits et de légumes sont toutes fondées sur des autodéclarations, qui sont vraisemblablement sujettes à des biais de désirabilité sociale et de remémoration. En particulier, il est bien établi que l'utilisation de données autodéclarées sur la taille et le poids produit des estimations plus faibles de la prévalence de l'obésité que celles obtenues en utilisant des données mesurées57, 58. Nous ne savons pas dans quelle mesure l'utilisation de données autodéclarées affecte les associations relevées dans le cadre de l'étude entre les comportements sédentaires et l'obésité. Cependant, d'autres études des associations entre l'écoute de la télévision et certains indicateurs mesurés de l'obésité chez les adultes ont donné des résultats comparables à ceux présentés ici29, 39, 44-46, 49.
Les mesures des comportements sédentaires fondées sur un seul item manquent de validité du contenu et ne produisent vraisemblablement que des estimations brutes de ces comportements59. En fait, une comparaison avec une autre source de données donne à penser que les estimations de la prévalence de l'écoute fréquente de la télévision obtenues dans le cadre de la présente étude sont faibles36.
Les résultats de l'analyse auraient peut-être été différents s'il avait été possible d'utiliser de meilleures mesures des habitudes alimentaires, comme la quantité totale de calories consommées ou le pourcentage de calories provenant des matières grasses.
La nature transversale de l'ESCC empêche de faire des inférences quant à la séquence temporelle des événements ou à la causalité. Il se pourrait que les limitations des activités liées à la santé souvent associées à l'obésité poussent les personnes obèses à passer plus de temps à écouter la télévision. Néanmoins, l'ajout de la limitation des activités comme variable de contrôle dans l'analyse de régression n'a pas modifié les associations entre l'écoute de la télévision et l'obésité. De surcroît, les données d'études prospectives réalisées chez des adultes montrent que l'écoute de la télévision est associée à de nouveaux cas d'obésité et de gains de poids40, 48, 49, et qu'une diminution de l'écoute de la télévision est associée à une perte de poids41. Le test de signification du rôle médiateur de l'activité physique et du régime alimentaire doit être considéré comme exploratoire dans la présente analyse; une évaluation appropriée de la médiation nécessiterait des données longitudinales.
Conclusion
Selon les projections, l'accroissement régulier de l'espérance de vie constaté au cours du XXe siècle va commencer à ralentir, à moins que soient lancées des interventions efficaces de lutte contre l'obésité à l'échelle de la population60. Des études portant sur des interventions conçues spécialement pour réduire l'écoute de la télévision ont produit des résultats encourageants en ce qui concerne la réduction des niveaux d'obésité chez les enfants et les adolescents51, 61. De plus, certaines données indiquent que les recommandations visant à réduire les comportements sédentaires pourraient être plus efficaces que celles destinées à promouvoir l'activité physique62. D'après certaines études, les comportements sédentaires adoptés durant l'enfance, particulièrement l'écoute de la télévision, se poursuivent à l'âge adulte et d'aucuns soutiennent même que le prolongement de ces comportements sédentaires est plus prononcé que celui de l'activité physique18, 23, 63, 64. Puisqu'il existe des preuves d'une association positive entre l'obésité à l'âge adulte et le temps consacré à l'écoute de la télévision, les programmes d'intervention visant à réduire cette écoute tant chez les enfants que chez les adultes pourraient aider à réduire la prévalence de l'obésité chez les adultes dans l'avenir.
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