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Au cours des 25 dernières années, les travaux de recherche ont établi l'existence d'une association causale entre les relations sociales et la santé1,2. Les personnes qui sont isolées socialement et n'ont que peu de liens avec autrui sont plus susceptibles que les autres d'être en mauvaise santé physique et mentale et de mourir prématurément.
Dans le domaine de la recherche sur la santé, une attention croissante a été accordée à la notion de « capital social », qui est généralement défini comme englobant des aspects de l'organisation sociale, tels que la participation à la vie civique et la confiance dans les autres, qui facilitent la collaboration entre les membres de la communauté3. Un lien a été dégagé entre un haut niveau de capital social et la réduction des taux de mortalité et de criminalité, ainsi que l'autoévaluation positive de l'état de santé3-7.
Toutefois, certains se posent la question de savoir si le capital social profite globalement à l'ensemble de la communauté ou individuellement à ses membres qui bénéficient directement de leur sentiment d'appartenance à cette communauté. Selon une étude récente, il existe, au niveau individuel, une forte association entre le capital social et une perception positive de la santé7. L'hypothèse est que le sentiment d'« appartenance » d'une personne à sa communauté est bénéfique pour la santé, parce que les liens de ce genre favorisent le respect mutuel et accroissent par conséquent l'estime de soi. Il se pourrait aussi que l'interaction entre les membres de la communauté se concrétise par la transmission de normes sociales concernant les comportements bons pour la santé, comme l'activité physique et le fait de ne pas fumer1,2.
Depuis son lancement en 2000-2001, l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) comprend une question sur l'appartenance à la communauté. Un article antérieur, fondé sur les données provenant de l'ESCC de 2000-2001 a révélé une association entre le sentiment d'appartenance des personnes et l'autoévaluation de leur santé générale8. Le présent article, qui s'appuie sur des données provenant de l'ESCC de 2005, constitue une mise à jour de l'étude antérieure.
Les taux de prévalence du sentiment d'appartenance à la communauté sont comparés aux niveaux provincial ou territorial et de la région sociosanitaire. Comme l'ESCC de 2005 contient des questions sur l'autoévaluation de l'état de santé mentale, l'analyse antérieure peut être prolongée grâce à des mesures de l'association entre le sentiment d'appartenance à la communauté et l'état de santé générale ainsi que mentale.
La majorité éprouve un sentiment d'appartenance
En 2005, près des deux tiers des Canadiens (64 %) éprouvaient un fort sentiment d'appartenance à la communauté, proportion qui regroupe les 17 % qui ont déclaré un fort sentiment d'appartenance et les 47 % qui ont déclaré un sentiment « plutôt fort ». Un peu plus du quart (26 %) ont dit avoir un sentiment d'appartenance à la communauté « plutôt faible » et 10 %, un sentiment « très faible ».
Prévalence plus forte dans les provinces de l'Atlantique et les territoires
La probabilité de déclarer un fort sentiment d'appartenance à la communauté varie d'une région à l'autre du pays (figure 1, tableau A en annexe). Environ les trois quarts des résidents des provinces atlantiques ont fait part d'un fort sentiment d'appartenance, les Terre-Neuviens affichant le taux le plus élevé parmi les dix provinces, soit 79 %. Les taux étaient également élevés pour les résidents des territoires, à savoir 71 % au Yukon, 74 % dans les Territoires du Nord-Ouest et 83 % au Nunavut. Les résidents du Québec étaient les moins susceptibles d'avoir un sentiment d'appartenance, seulement 55 % d'entre eux ayant déclaré que ce sentiment était fort. Une étude antérieure a montré que les Québécois étaient moins susceptibles que les autres Canadiens d'éprouver un fort sentiment d'appartenance au Canada, mais que la prévalence de leur sentiment d'attachement provincial était la même9.
La mesure dans laquelle les résidents des régions sociosanitaires de chaque province ont le sentiment d'appartenir à leur communauté varie aussi considérablement. Les régions sociosanitaires constituées de grands centres urbains affichent généralement les taux les plus faibles d'appartenance à la communauté. Parmi les personnes vivant dans des régions sociosanitaires à prédominance urbaine (de 80 % à 100 % urbaines), le taux global d'appartenance à la communauté était de 62 %. En Ontario, les taux les plus faibles enregistrés pour les régions sociosanitaires étaient ceux de la ville de Toronto, de York et de la ville d'Ottawa; au Manitoba, le taux le plus faible a été enregistré pour Winnipeg, en Saskatchewan, pour Saskatoon, en Alberta, pour Calgary et la Capital Health Region (Edmonton), et en Colombie-Britannique, pour Vancouver. Inversement, les taux d'appartenance les plus élevés ont été enregistrés dans les régions sociosanitaires rurales. Le chiffre pour les résidents des régions sociosanitaires à prédominance rurale (urbaines à 10 % ou moins) était de 88 % (figure 2). Le taux le plus élevé au Canada, soit 90 %, a été relevé dans la région sociosanitaire de Labrador-Grenfell, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Taux en hausse
La question sur l'appartenance à la communauté a été posée lors de chaque cycle de l'ESCC depuis 2000-2001. Comme certains cycles ne s'adressaient qu'à la population de 15 ans et plus et qu'en outre les territoires étaient exclus du champ d'observation de certains cycles, les tendances des taux sont comparées pour la population de 15 ans et plus vivant dans les dix provinces (figure 3). De 2000-2001 à 2002, la proportion de personnes ayant déclaré un fort sentiment d'appartenance à la communauté a augmenté légèrement, pour passer de 57 % à 58 %. En 2003, le taux avait augmenté de 5 points de pourcentage pour s'établir à 63 % et est demeuré stable depuis.
De 2000-2001 à 2005, le sentiment d'appartenance à la communauté a augmenté de manière significative dans toutes les provinces, sauf à Terre-Neuve-et-Labrador (figure 1). La hausse la plus prononcée a eu lieu au Nouveau-Brunswick, où le taux est passé de 62 % à 73 %. Par contre, dans les territoires, les taux ont diminué au Nunavut et au Yukon, et n'ont pas varié significativement dans les Territoires du Nord-Ouest.
Langue parlée à la maison et groupe culturel
Le sentiment d'appartenance à la communauté est associé à la langue parlée à la maison (tableau 1). Parmi les personnes parlant principalement l'anglais à la maison, 68 % ont dit éprouver un fort sentiment d'appartenance à la communauté. Le chiffre était considérablement plus faible (55 %) chez celles dont la langue parlée à la maison était le français. Parmi les personnes parlant une autre langue à la maison, 60 % ont déclaré avoir un fort sentiment d'appartenance.
La faible prévalence du sentiment d'appartenance à la communauté au niveau national chez les personnes parlant le français à la maison reflète la situation qui règne au Québec. Dans cette province, 61 % des résidents parlant l'anglais à la maison ont déclaré avoir un fort sentiment d'appartenance à la communauté, comparativement à 54 % de ceux dont la langue parlée à la maison était le français (données non présentées). Par contre, dans les autres provinces et les territoires, la probabilité de déclarer avoir un fort sentiment d'appartenance était la même, que la langue parlée à la maison soit l'anglais ou le français (68 % et 67 %, respectivement).
Des associations se dégagent également entre le sentiment d'appartenance à la communauté et le groupe culturel ou racial. Chez les personnes de race blanche, 65 % ont dit avoir un fort sentiment d'appartenance. Le chiffre était plus élevé pour les Asiatiques du Sud (74 %) et plus faible pour les Coréens (50 %), les Chinois (52 %), les Asiatiques du Sud-Est (52 %) et les Latino-Américains (54 %).
Âge, état matrimonial, caracté-ristiques socioéconomiques
Les proportions d'hommes et de femmes ayant déclaré un fort sentiment d'appartenance à la communauté ne diffèrent pas. Par contre, les taux varient selon le groupe d'âge. Plus des trois quarts (77 %) des jeunes de 12 à 17 ans ont dit éprouver un fort sentiment d'appartenance, mais la proportion était nettement plus faible (55 %) chez les jeunes adultes de 18 à 29 ans. Parmi les personnes plus âgées, le taux augmente régulièrement, passant de 62 % chez celles de 30 à 44 ans à 72 % chez les aînés (65 ans et plus).
Le sentiment d'appartenance à la communauté était moins fréquent chez les personnes divorcées ou séparées (57 %) ou jamais mariées (54 %) que chez celles qui étaient mariées ou vivaient en union libre (65 %). Les personnes ayant de jeunes enfants étaient un peu plus susceptibles que celles n'en ayant pas d'avoir un fort sentiment d'appartenance.
De légères associations se dégagent entre le sentiment d'appartenance à la communauté et la situation socioéconomique. Les personnes faisant partie du groupe de revenu du ménage inférieur étaient moins susceptibles d'éprouver un fort sentiment d'appartenance à la communauté que celles du groupe de revenu moyen, mais aucun écart entre les autres groupes n'a été observé. La seule association avec le niveau de scolarité est celle indiquant que les titulaires d'un diplôme d'études postsecondaires étaient un peu moins susceptibles d'avoir un sentiment d'appartenance que les personnes ne possédant qu'un diplôme d'études secondaires.
En revanche, le fait d'être propriétaire de son logement exerce une influence, 67 % des personnes propriétaires ayant déclaré un fort sentiment d'appartenance à la communauté, comparativement à 55 % de celles qui ne l'étaient pas.
Persistance des associations
Si on les examine au moyen d'un modèle multivarié, ces associations entre le sentiment d'appartenance à la communauté et les caractéristiques culturelles et sociodémographiques persistent généralement (tableau B en annexe ). Comme les taux de prévalence du sentiment d'appartenance à la communauté diffèrent selon le groupe d'âge et que la structure par âge de la population a évolué depuis 2000, les taux chronologiques ont été recalculés afin de les normaliser en prenant pour référence la population de 2005. Les taux bruts et normalisés selon l'âge sont presque identiques (données non présentées), ce qui indique que l'accroissement au cours du temps n'est pas dû à des variations de la répartition de la population selon l'âge. En outre, afin de vérifier que les différences géographiques ne sont pas imputables à des différences de répartition selon l'âge, les taux provinciaux et au niveau de la région sociosanitaire ont été normalisés selon l'âge en prenant pour référence l'ensemble de la population canadienne de 2005. De nouveau, les taux bruts et corrigés sont semblables; les résultats des tests de signification des écarts entre les taux provinciaux et au niveau de la région sociosanitaire et le taux global pour le Canada (tableau B en annexe) ne varient pour ainsi dire pas lorsqu'ils sont fondés sur les taux corrigés.
Appartenance à la communauté et santé
Près des deux tiers des personnes qui éprouvaient un sentiment d'appartenance à la communauté très fort ou plutôt fort ont déclaré que leur état de santé générale était excellent ou très bon (figure 4). Par contre, environ la moitié seulement (51 %) de celles éprouvant un sentiment d'appartenance très faible ont jugé favorablement leur état de santé générale. Ces résultats sont particulièrement pertinents, puisqu'il est démontré que l'autoévaluation de l'état de santé générale est un prédicteur de l'incidence de problèmes de santé chroniques, de l'utilisation des services médicaux, du rétablissement après une maladie, de la diminution des capacités fonctionnelles, ainsi que de la mortalité10-15.
La probabilité de se déclarer en excellent ou en très bon état de santé mentale varie aussi parallèlement à la diminution du sentiment d'appartenance, pour passer de 81 % chez les personnes ayant un fort sentiment d'appartenance à la communauté à 64 % chez celles dont ce sentiment est très faible (figure 4).
Même si l'on tient compte de l'effet d'autres facteurs éventuellement confusionnels, le sentiment d'appartenance à la communauté est fortement associé à l'autoévaluation de l'état de santé générale et mentale (tableau 2). La cote exprimant les chances de déclarer un état de santé générale excellent ou très bon est près de deux fois plus élevée (modèle 1) et celle de déclarer un état de santé mentale excellent ou très bon, plus de deux fois plus élevée (modèle 3) chez les personnes éprouvant un fort sentiment d'appartenance que chez celles pour lesquelles ce sentiment est faible.
Quand une personne évalue son état de santé générale, ses perceptions sont influencées par des facteurs psychologiques19. Par conséquent, on ignore dans quelle mesure les facteurs physiques et mentaux contribuent aux associations entre le sentiment d'appartenance à la communauté et l'autoévaluation de l'état de santé générale. Lorsque la relation entre le sentiment d'appartenance à la communauté et l'autoévaluation de l'état de santé générale est examinée à l'aide d'un modèle contenant des variables de contrôle pour l'autoévaluation de l'état de santé mentale, en plus d'autres variables confusionnelles éventuelles, les rapports de cotes pour le sentiment d'appartenance à la communauté diminuent, mais demeurent significatifs (modèle 2). Il semble donc exister une association entre le sentiment d'appartenance à la communauté et la santé physique ainsi que mentale. Toutefois, la nature transversale de la présente analyse ne permet pas de déterminer si c'est la santé qui influe sur le sentiment d'appartenance ou le contraire.
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