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Méthodes
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Discussion

Bien que l'on ait étudié divers facteurs associés à la décision d'obtenir des soins de santé1, relativement peu de travaux de recherche ont porté sur l'utilisation des soins de santé et l'accès à ces soins en fonction de l'orientation sexuelle2-4. L'information sur le rôle de l'orientation sexuelle dans l'accès aux soins provient en grande partie d'études américaines qui, dans l'ensemble, laissent entendre que les gais, les lesbiennes et les bisexuels rencontrent des obstacles uniques. Ces études montrent que les lesbiennes sont moins susceptibles que les femmes hétérosexuelles d'avoir une source habituelle de soins, comme un médecin de famille, et qu'elles sont plus susceptibles de faire part de difficultés à obtenir des soins en raison de leur coût2,5-8. Un certain nombre de gais, lesbiennes et bisexuels disent avoir vécu des expériences négatives associées à leur sexualité lors d'interactions avec le système de soins de santé8-10 et, par conséquent, évitent d'obtenir des soins ou en retardent le moment11-13.

Ces résultats, qui sont fondés principalement sur des données américaines, pourraient ne pas refléter la situation au Canada, car les deux pays sont dotés de systèmes de soins de santé différents. Par exemple, alors que de nombreuses études américaines révèlent une association entre le fait de ne pas être couvert par une assurance-maladie et un plus faible taux d'utilisation des services de soins de santé, il ne devrait pas en être ainsi au Canada où le régime d'assurance-maladie est universel14.

En outre, des différences sociétales pourraient limiter la généralisation des résultats américains au contexte canadien.

Le principal objectif de la présente analyse est de déterminer si la consultation des prestateurs de soins de santé, le fait de ne pas avoir de médecin de famille, les besoins de soins non satisfaits et l'obtention de tests de dépistage préventif varient selon l'identité sexuelle. Les données proviennent de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), qui est une enquête probabiliste nationale de grande portée réalisée par Statistique Canada. L'ESCC ne pose pas les problèmes associés aux enquêtes non probabilistes, tels que le biais de participation volontaire, ou ceux des enquêtes portant sur de petites régions géographiques, dont les résultats ne sont pas toujours généralisables. Dans le cadre de l'ESCC, des renseignements sont recueillis sur un grand nombre de variables sociodémographiques et de variables liées à la santé qui peuvent être utilisées pour tenir compte des effets confusionnels éventuels quand on détermine si l'utilisation des soins de santé et l'accès à ces soins varient selon l'identité sexuelle. La grande taille de l'échantillon permet d'analyser séparément les données sur les gais, les lesbiennes et les bisexuels, ce qui est important, car certaines études ont révélé que les profils d'utilisation des soins de santé ne sont pas les mêmes pour les bisexuels que pour les gais, les lesbiennes et les hétérosexuels3,5,15,16.

Méthodes

Source des données

Les estimations sont fondées sur des données regroupées provenant des cycles 2.1 (2003) et 3.1 (2005) de l'ESCC. Celle-ci a pour champ d'observation la population à domicile de 12 ans et plus des provinces et des territoires, sauf les membres de la force régulière des Forces canadiennes, les personnes vivant en établissement et les habitants des réserves indiennes, des bases des Forces canadiennes et de certaines régions éloignées.

Les données du cycle 2.1 ont été recueillies de janvier à décembre 2003 auprès d'un échantillon de 135 573 personnes; le taux de réponse a été de 81 %. Celles du cycle 3.1 ont été recueillies de janvier à décembre 2005 auprès d'un échantillon de 132 947 personnes; le taux de réponse a été de 79 %. Lors de chaque cycle, environ 25 % des entrevues ont été réalisées sur place et 75 %, par téléphone. De plus amples renseignements sur l'ESCC figurent dans un rapport publié17 et dans le site Web de Statistique Canada (/).

L'analyse porte sur les personnes de 18 à 59 ans qui ont révélé leur identité sexuelle. Parmi les hommes, 1 103 ont déclaré être gais, 498, bisexuels et 72 972, hétérosexuels. Chez les femmes, 695 se sont déclarées lesbiennes, 833, bisexuelles et 83 723, hétérosexuelles. Les participants à l'enquête dont l'identité sexuelle était inconnue ont été exclus de l'analyse (3 662 hommes et 3 289 femmes); parmi ces personnes, 767 hommes et 713 femmes ont refusé de répondre à la question sur l'identité sexuelle.

Techniques d'analyse

Pour compenser le nombre assez faible de gais, de lesbiennes et de bisexuels participant à l'enquête, les données de l'ESCC pour 2003 (cycle 2.1 ) et 2005 (cycle 3.1) ont été regroupées. Ce regroupement est possible parce que la méthodologie est la même pour les deux cycles et que l'énoncé des questions utilisées pour l'analyse est identique, sauf en ce qui concerne la façon dont l'appartenance au groupe des Autochtones a été déterminée (voir Définitions)18.

Pour les besoins de la présente analyse, les cycles ont été combinés au niveau des microdonnées, ce qui a produit un seul ensemble de données. Comme les poids de sondage n'étaient disponibles que pour chaque cycle séparément, la population totale pondérée pour les cycles regroupés représentait environ deux fois la population canadienne. Afin de produire une estimation du nombre de gais, de lesbiennes et de bisexuels, on a divisé l'estimation obtenue par deux. Par contre, dans le cas des pourcentages et des résultats de régression, cette opération n'était pas nécessaire.

De 2003 à 2005, le nombre autodéclaré de gais, de lesbiennes et de bisexuels a crû de 13 % à 20 % (selon le groupe), ce qui donne à penser que les participants à l'enquête pourraient avoir été plus enclins à divulguer une identité non hétérosexuelle en 2005 qu'en 2003. Les résultats de l'ESCC de 2007 (cycle 4.1) permettront de confirmer si cette tendance se poursuit.

Le modèle comportemental d'Andersen pour l'utilisation des soins de santé1 a servi de cadre pour le choix des variables explicatives dans la modélisation de l'utilisation des soins de santé. Selon le modèle d'Andersen, la décision de chercher à obtenir des soins est influencée par des facteurs prédisposants, tels que l'âge, le sexe et les convictions concernant la santé, par des facteurs facilitants, tels que le revenu, le niveau de scolarité et la disponibilité des services et par des facteurs de besoin, tels que l'état de santé et l'existence de problèmes de santé chroniques1. Ainsi, on a choisi les variables à inclure dans l'analyse en s'appuyant sur le modèle, compte tenu de l'information offerte dans l'ESCC.

Des modèles de régression logistique non corrigés ont été exécutés selon le sexe pour chaque variable d'utilisation des soins de santé, c'est-à-dire la consultation au cours des 12 derniers mois d'un médecin de famille ou d'un omnipraticien, d'un spécialiste, d'une infirmière, d'un travailleur social ou d'un conseiller, d'un psychologue, d'un intervenant en médecine douce ou d'un groupe d'entraide, l'absence d'un médecin de famille, l'existence de besoins de soins de santé non satisfaits, l'obtention d'une mammographie au cours des deux dernières années (femmes de 50 à 59 ans) et l'obtention d'un test de Papanicolaou (test Pap) au cours des trois dernières années (toutes les femmes). Afin d'accroître la comparabilité avec les modèles de régression logistique corrigés, les cas pour lesquels des données manquaient pour les variables indépendantes utilisées dans les modèles corrigés (sauf le revenu et le niveau d'études) ont été exclus des modèles non corrigés. De cette façon, le nombre d'observations pour chaque variable dépendante était le même dans les modèles corrigés et non corrigés. Indépendamment de leur signification statistique, les variables qui suivent ont été incluses comme variables de contrôle dans les modèles de régression logistique corrigés : âge (variable continue), état matrimonial, enfant(s) de moins de 12 ans dans le ménage, niveau de scolarité, quintile de revenu du ménage, lieu de résidence, groupe culturel ou racial, le fait d'avoir un médecin de famille (pour tous les modèles de régression, sauf dans les cas où il s'agit de la variable de résultat), nombre de problèmes de santé chroniques, état de santé général autodéclaré, jour d'incapacité physique au cours des deux dernières semaines, état de santé mental autodéclaré, trouble anxieux diagnostiqué, trouble de l'humeur diagnostiqué, jour d'incapacité mentale au cours des deux dernières semaines et cycle de l'enquête.

Afin de tenir compte des effets du plan d'enquête, les erreurs-types et les coefficients de variation ont été estimés par la méthode du bootstrap19,20. Le seuil de signification a été fixé à p < 0,05. Les proportions ont été estimées en utilisant les poids de sondage de l'ESCC.

Définitions

Les auteurs des études épidémiologiques ne s'accordent pas sur la définition de l'orientation sexuelle, celle-ci variant selon la question étudiée et les données disponibles21. L'orientation sexuelle comporte trois éléments distincts : 1) l'attirance et les fantasmes sexuels, 2) le comportement sexuel et 3) l'identification sexuelle21. Bien qu'elles se chevauchent, ces trois mesures de l'orientation sexuelle diffèrent légèrement. L'attirance et les fantasmes sexuels représentent la mesure la plus générale et donnent la prévalence la plus élevée, tandis que l'auto-identification est la plus restreinte et donne la prévalence la plus faible22. L'ESCC comprend la question : « Vous considérez-vous hétérosexuel(le) (relations sexuelles avec les personnes du sexe opposé), homosexuel(le), c'est-à-dire lesbienne ou gai (relations sexuelles avec les personnes du même sexe) ou bisexuel(le) (relations sexuelles avec les personnes des deux sexes)? » Elle a été lue à tous les participants à l'enquête de 18 ans et plus en 2003 et à tous ceux de 18 à 59 ans en 2005.

Pour déterminer l'utilisation des soins de santé, on a demandé : « Sans compter les séjours dans un établissement de santé, au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez-vous vu ou consulté par téléphone pour des troubles physiques, émotifs ou mentaux : un médecin de famille ou un omnipraticien? un autre médecin ou spécialiste (comme un chirurgien, un allergologue, un orthopédiste, un gynécologue ou un psychiatre)? une infirmière ou un infirmier pour recevoir des soins ou des conseils? une travailleuse sociale ou un conseiller? un psychologue? »

Le recours aux médecines douces a été déterminé à l'aide de la question : « Il arrive que les gens se tournent vers la médecine douce ou non traditionnelle. Au cours des 12 derniers mois, est-ce que vous avez vu ou consulté un intervenant en médecine douce, comme un acupuncteur, un homéopathe ou un massothérapeute pour des troubles physiques, émotifs ou mentaux? »

On a demandé aux participants à l'enquête s'ils avaient assisté à une réunion d'un groupe d'entraide, comme les AA ou un groupe de thérapie pour le cancer (c.-à-d. un groupe de soutien pour les personnes atteintes du cancer) au cours des 12 derniers mois.

On leur a aussi demandé s'ils avaient un médecin de famille. Ceux qui ont répondu « Non » ont été considérés comme n'ayant pas de médecin de famille.

Les personnes qui ont répondu « Oui » à la question qui suit ont été considérées comme ayant des besoins de soins de santé non satisfaits. « Au cours des 12 derniers mois, y a-t-il eu un moment où vous avez cru que vous aviez besoin de soins de santé mais vous ne les avez pas obtenus? »

Aux femmes de 35 ans et plus, on a posé les questions qui suivent au sujet de la mammographie : « Avez-vous déjà passé une mammographie, c'est-à-dire une radiographie du sein? » À celles qui ont répondu « Oui », on a demandé : « À quand remonte la dernière fois? » et on leur a lu cinq catégories de réponses : moins de six mois, de six mois à moins d'un an, d'un an à moins de deux ans, de deux ans à moins de cinq ans, et cinq ans ou plus. Dans la présente analyse, le recours à la mammographie a été déterminé pour les femmes de 50 à 59 ans, qui ont été réparties en deux catégories, selon qu'elles avaient passé une mammographie au cours des deux dernières années ou qu'elles avaient passé une mammographie il y a plus de deux ans ou n'en avaient jamais passée.

L'obtention d'un test Pap a été déterminée en demandant aux femmes participant à l'enquête : « Avez-vous déjà passé un test Pap? » À celles qui ont répondu « Oui », on a demandé : « À quand remonte la dernière fois? » et on leur a lu cinq catégories de réponses : moins de six mois, de six mois à moins d'un an, d'un an à moins de trois ans, de trois ans à moins de cinq ans, et cinq ans ou plus. Pour la présente analyse, le dernier test Pap a été réparti en deux catégories, selon qu'il avait eu lieu au cours des trois dernières années ou qu'il avait été passé il y a plus de trois ans ou n'avait jamais eu lieu.

Quatre groupes d'âge ont été définis : de 18 à 24 ans, de 25 à 34 ans, de 35 à 44 ans et de 45 à 59 ans. Dans l'analyse par régression logistique, l'âge a été introduit dans le modèle sous forme de variable continue.

L'état matrimonial a été classifié en trois catégories : marié(e) ou union libre; marié(e) antérieurement (divorcé(e), séparé(e) ou veuf(ve)) et célibataire (jamais marié(e)).

Le lieu de résidence a été déterminé en regroupant les régions métropolitaines de recensement (RMR). Une RMR est constituée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes entourant un grand noyau urbain comptant au moins 100 000 habitants23. Trois groupes ont été formés : les RMR ayant une population supérieure à 2 000 000 d'habitants (Montréal, Toronto et Vancouver), les RMR dont la population est comprise entre 100 000 et 2 000 000 d'habitants et les régions en dehors des RMR ayant une population de moins de 100 000 habitants.

En se basant sur le plus haut niveau de scolarité, on a regroupé les participants à l'enquête en quatre catégories : diplôme d'études postsecondaires, études postsecondaires partielles, diplôme d'études secondaires et pas de diplôme d'études secondaires. Une catégorie Valeur manquante a été incluse dans les modèles de régression logistique.

Les quintiles de revenu du ménage ont été déterminés par une méthode mise au point à Statistique Canada24. Pour chaque participant à l'enquête, un facteur de pondération du ménage a été calculé en fonction de la taille de ce dernier. Un poids de 1 a été attribué au premier membre du ménage, un poids de 0,4 au deuxième, et un poids de 0,3 au troisième et aux membres subséquents. Puis, on a additionné ces poids pour obtenir le facteur de pondération du ménage. Le revenu du ménage a été divisé par ce facteur pour obtenir le revenu corrigé en fonction de la taille du ménage. Dans les cas où l'on disposait de la tranche de revenu du ménage plutôt que du revenu exact de ce dernier, on a utilisé la valeur médiane de la tranche déclarée pour calculer le revenu total du ménage. Pour les besoins de la présente analyse, on a examiné pour chaque cycle (2003 et 2005) la distribution pondérée de la population de 18 à 59 ans afin d'établir les seuils d'inclusion dans les quintiles de revenu du ménage pour chaque catégorie géographique (RMR comptant plus de 2 000 000 d'habitants, RMR comptant de 100 000 à 2 000 000 d'habitants et non-RMR comptant moins de 100 000 habitants). Les quintiles ont été calculés pour chaque cycle de l'ESCC, puis combinés. Dans l'analyse par régression logistique, les enregistrements pour lesquels des données sur le revenu manquaient (environ 13 % de la population) ont été inclus sous forme de variables muettes.

Pour déterminer le groupe racial ou culturel d'une personne, l'intervieweur a lu l'énoncé suivant : « Les gens qui habitent au Canada ont des origines culturelles ou raciales très variées. » Ensuite, il a demandé à la personne si elle était : Blanche, Noire, Sud-Asiatique, Asiatique du Sud-Est, Philippine, Latino-Américaine, Arabe, Asiatique occidentale, Japonaise, Coréenne, Autochtone ou autre. Pour la présente analyse, le groupe racial ou culturel a été ventilé en deux catégories : Blanc(he) et non Blanc(he). En 2005 et au cours d'une partie de 2003, une question distincte a été posée pour déterminer l'identité autochtone. La question sur le groupe racial ou culturel n'a pas été posée aux personnes qui se sont auto-identifiées comme Autochtones, mais elles ont été incluses dans la catégorie non Blanc(he).

La santé générale autoévaluée a été déterminée à l'aide de la question : « En général, diriez-vous que votre santé est : excellente, très bonne, bonne, passable ou mauvaise? » Trois catégories ont été définies : excellente ou très bonne, bonne et passable ou mauvaise.

La santé mentale autoévaluée a été déterminée à l'aide de la question : « En général, diriez-vous que votre santé mentale est : excellente, très bonne, bonne, passable ou mauvaise? » Trois catégories ont été définies : excellente ou très bonne, bonne et passable ou mauvaise.

Pour déterminer le nombre de problèmes de santé chroniques, on a demandé aux participants à l'enquête s'ils avaient « un problème de santé de longue durée, c'est-à-dire un état qui a duré ou qui devrait durer six mois ou plus et qui a été diagnostiqué par un professionnel de la santé ». L'intervieweur a lu une liste de problèmes de santé; ceux inclus dans l'analyse (26) sont les suivants : allergies alimentaires, autres allergies, asthme, fibromyalgie, arthrite ou rhumatisme, maux de dos, hypertension, migraine, bronchite chronique, diabète, épilepsie, maladie cardiaque, cancer, ulcères à l'estomac ou à l'intestin, troubles dus à un accident vasculaire cérébral, incontinence urinaire, troubles intestinaux, démence, cataracte, glaucome, problème thyroïdien, syndrome de fatigue chronique, sensibilités aux agresseurs chimiques, emphysème ou bronchopneumopathie obstructive chronique, ou tout autre problème de santé physique ou mentale de longue durée.

L'existence d'un trouble de l'humeur a été déterminée à l'aide de la question : « Êtes-vous atteint(e) d'un trouble de l'humeur tel que la dépression, le trouble bipolaire, la manie ou la dysthymie? » en précisant qu'elle portait sur les troubles diagnostiqués par un professionnel de la santé.

L'existence d'un trouble anxieux a été déterminée à l'aide de la question : « Êtes-vous atteint(e) d'un trouble d'anxiété tel qu'une phobie, un trouble obsessionnel-compulsif ou un trouble panique? » en précisant qu'elle portait sur les problèmes diagnostiqués par un professionnel de la santé.

L'incapacité (physique et mentale) au cours des deux dernières semaines a été évaluée en fonction du nombre de jours d'alitement et de jours de « limitation des activités habituelles » au cours des deux dernières semaines. On a demandé aux participants à l'enquête le nombre de jours où ils avaient dû garder le lit (y compris les nuits passées à l'hôpital) et le nombre de jours où ils avaient dû se limiter dans leurs activités habituelles à cause d'une maladie ou d'une blessure. À ceux qui ont déclaré au moins une journée d'incapacité, on a demandé si elle était due à leur santé émotionnelle ou mentale ou à la consommation d'alcool ou de drogues. Les participants à l'enquête ont été répartis en deux catégories : ceux qui ont répondu « Oui » (au moins une journée d'incapacité) et ceux qui ont répondu « Non ».

Résultats

Caractéristiques de la population

Environ 346 000 adultes se sont dits gais, lesbiennes ou bisexuels, ce qui représente en tout 1,9 % de la population canadienne de 18 à 59 ans (2,1 % d'hommes et 1,7 % de femmes). Leur répartition était la suivante : 130 000 gays (1,4 % d'hommes de 18 à 59 ans), 59 000 hommes bisexuels (0,7 %), 71 000 lesbiennes (0,8 % de femmes de 18 à 59 ans) et 85 000 femmes bisexuelles (0,9 %).

Comparativement à la population hétérosexuelle, une plus forte proportion de gais et de lesbiennes appartenaient au groupe des 35 à 44 ans, tandis que les personnes bisexuelles, surtout les femmes, étaient nettement plus jeunes (tableau 1).

Évidemment, l'état matrimonial varie selon l'identité sexuelle. Les gais, les lesbiennes et les bisexuels étaient plus susceptibles que les hétérosexuels d'être célibataires (jamais mariés) et moins susceptibles d'être mariés ou d'avoir un conjoint de fait.

Environ 3 hétérosexuels sur 10 avaient un enfant de moins de 12 ans à la maison. Les proportions étaient beaucoup plus faibles pour les gais (2,6 %) et les lesbiennes (8,4 %). Elles étaient faibles également pour les bisexuels (18,5 % d'hommes et 26,1 % de femmes), mais si l'on exclut les personnes n'ayant jamais été mariées, l'écart entre les hétérosexuels et les bisexuels disparaît (données non présentées).

Comparativement aux hétérosexuels, le niveau de scolarité des gais et des lesbiennes était élevé, tandis que celui des hommes bisexuels était plus faible. Des proportions relativement élevées de gais et de lesbiennes se trouvaient dans le quintile de revenu du ménage le plus élevé, comparativement à la population hétérosexuelle; par contre, les femmes et les hommes bisexuels étaient sous-représentés dans le quintile inférieur.

Le contexte culturel et racial et le lieu de résidence diffèrent également selon l'identité sexuelle. La proportion de personnes de race blanche était plus élevée chez les gais et les lesbiennes que chez les hétérosexuels et les bisexuels. En outre, des proportions comparativement élevées de gais, de lesbiennes et de bisexuels vivaient à Montréal, à Toronto ou à Vancouver.

Santé physique et mentale

L'état de santé général autoévalué des gais et des lesbiennes était comparable à celui des hétérosexuels (tableau 2). Par contre, les bisexuels étaient plus susceptibles que les hétérosexuels de juger leur santé passable ou mauvaise.

Les hommes gais et les femmes bisexuelles avaient tendance à déclarer un plus grand nombre de problèmes de santé chroniques que la population hétérosexuelle. Ils étaient également plus susceptibles d'avoir eu au moins une journée d'incapacité due à une maladie physique au cours des deux semaines qui ont précédé l'enquête.

Une proportion assez élevée de bisexuels ont déclaré des problèmes de santé mentale. Les hommes bisexuels étaient plus de deux fois plus susceptibles que leurs homologues hétérosexuels de juger leur état de santé mentale passable ou mauvais; chez les femmes bisexuelles, la proportion considérant leur santé mentale passable ou mauvaise était trois fois plus élevée que celle des femmes hétérosexuelles.

À la question de savoir si l'on avait diagnostiqué chez eux un trouble de l'humeur ou un trouble anxieux, les membres de tous les groupes sexuels minoritaires ont fait état de niveaux supérieurs à ceux observés pour la population hétérosexuelle. Les troubles de ce genre étaient particulièrement fréquents chez les femmes bisexuelles, dont une sur quatre a déclaré un trouble de l'humeur. La prévalence relativement élevée des troubles de l'humeur et des troubles anxieux chez les gais, les lesbiennes et les bisexuels est reflétée par les proportions élevées de ces personnes ayant déclaré au moins une journée d'incapacité au cours des deux semaines qui ont précédé l'enquête à cause de problèmes mentaux ou émotionnels.

Soins de santé

L'utilisation des services de soins de santé varie selon l'identité sexuelle (tableau 3). Comparativement aux hommes hétérosexuels, les hommes gais étaient plus susceptibles d'avoir consulté un médecin de famille, un spécialiste ou une infirmière au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête. Les taux d'utilisation étaient également plus élevés en ce qui concerne les travailleurs sociaux ou les conseillers, les psychologues, les intervenants en médecine douce et les groupes d'entraide.

Les taux de consultation avec des médecins et des infirmières ne différaient pas chez les hommes bisexuels et hétérosexuels, mais les premiers avaient des contacts plus fréquents avec des travailleurs sociaux ou des conseillers et avec des psychologues, et ils étaient plus susceptibles de déclarer avoir assisté à des réunions de groupe d'entraide.

Des modèles de régression logistique multivariée avec variables de contrôle pour les facteurs prédisposants, facilitants et de besoin ont été utilisés afin de déterminer si l'identité sexuelle était associée de manière indépendante à la consultation de professionnels de la santé. Même si l'on tient compte des facteurs éventuellement confusionnels (notamment, la prévalence élevée de problèmes de santé chroniques et de troubles de l'humeur), la cote exprimant les chances d'avoir consulté un médecin spécialiste, une infirmière, un travailleur social ou un conseiller, un psychologue ou un intervenant en médecine douce était plus élevée pour les hommes gais que pour les hommes hétérosexuels; dans le cas des hommes bisexuels, la cote était plus élevée en ce qui concerne la consultation d'un travailleur social ou d'un conseiller et d'un intervenant en médecine douce (tableau 4).

Parmi les femmes, les lesbiennes étaient un peu moins susceptibles d'avoir consulté un médecin de famille au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête que les femmes hétérosexuelles, mais plus susceptibles d'avoir consulté un psychologue et un intervenant en médecine douce, ainsi que d'avoir assisté à une réunion de groupe d'entraide (tableau 3). Les femmes bisexuelles, quant à elles, étaient, toutes proportions gardées, plus nombreuses à avoir consulté une infirmière, un travailleur social ou un conseiller, un psychologue et un intervenant en médecine douce et à avoir assisté à des réunions de groupe d'entraide que les femmes hétérosexuelles. Dans les modèles de régression multivariée, les rapports de cotes sont quelque peu atténués, mais les résultats restent essentiellement les mêmes (tableau 5).

Pas de médecin de famille/besoins de soins de santé non satisfaits

Les proportions d'hommes gais, bisexuels et hétérosexuels qui ont déclaré ne pas avoir de médecin de famille sont statistiquement semblables. Chez les femmes, la proportion n'ayant pas de médecin de famille est plus élevée pour les lesbiennes et les bisexuelles que pour les hétérosexuelles. Tant pour les hommes que pour les femmes, les résultats demeurent les mêmes si l'on tient compte de l'effet des variables sociodémographiques et d'état de santé dans les modèles de régression multivariée.

Les gais, les lesbiennes et les bisexuels étaient plus susceptibles que les hétérosexuels de déclarer des besoins de soins de santé non satisfaits au cours de l'année qui a précédé l'enquête. Toutefois, dans les modèles de régression multivariée, la cote exprimant le risque de déclarer des besoins de soins de santé non satisfaits n'était plus élevée que pour les femmes et les hommes bisexuels.

Mammographie et test Pap

La probabilité qu'une femme ait passé une mammographie au cours des deux années qui ont précédé l'enquête diffère dans une certaine mesure selon l'identité sexuelle. Chez les femmes de 50 à 59 ans, la prévalence était la même pour les lesbiennes et les hétérosexuelles, mais la proportion était un peu plus faible pour les bisexuelles, et cet écart persistait dans les modèles de régression multivariée.

L'obtention d'un test Pap varie aussi selon l'identité sexuelle. Moins des deux tiers des lesbiennes ont déclaré avoir subi un test Pap au cours des trois années qui ont précédé l'enquête, proportion nettement inférieure aux chiffres relevés pour les femmes hétérosexuelles (77,1 %) et bisexuelles (76,2 %). Les résultats changent un peu dans les modèles de régression multivariée qui tiennent compte des différences sociodé-mographiques et d'état de santé. Ainsi, la cote exprimant les chances d'avoir obtenu un test Pap était plus faible pour les lesbiennes que pour les femmes hétérosexuelles, mais elle était, en fait, plus élevée pour les femmes bisexuelles.

Discussion

La prévalence de la consultation des professionnels de la santé varie selon l'identité sexuelle, indépendamment des différences sociodé-mographiques et d'état de santé. Des écarts sont également évidents en ce qui concerne l'absence de médecin de famille et la déclaration de besoins de soins de santé non satisfaits, ainsi que, dans le cas des femmes, l'obtention de deux procédures de dépistage préventif du cancer (mammographie et test Pap).

Alors que la cote exprimant les chances d'avoir consulté un médecin de famille au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête était la même pour tous les hommes, quelle que soit leur identité sexuelle, les lesbiennes étaient moins susceptibles que les femmes hétérosexuelles d'avoir consulté un médecin. Une explication possible serait que certaines lesbiennes ne sont pas disposées à divulguer leur orientation sexuelle aux prestateurs de soins de santé11,25. En fait, selon certaines études, les lesbiennes qui ont informé leur médecin de leur orientation sexuelle utilisent davantage le système de soins de santé12,26.

Des études américaines ont également démontré que certaines lesbiennes retardent le moment d'obtenir des soins ou évitent de les obtenir à cause de facteurs associés à leur orientation sexuelle, tels que la crainte de divulguer à leur médecin qu'elles sont lesbiennes ou des expériences passées négatives911,13,25. Des différences concernant la maternité6 pourraient aussi expliquer certains de ces écarts, quoique les résultats de l'ESCC ne changent pas si l'on exclut du modèle de régression les femmes enceintes et celles qui avaient eu un enfant au cours des deux années qui ont précédé l'enquête (données non présentées).

Le fait que la prévalence de la consultation des médecins de famille est la même chez les hommes gais, bisexuels et hétérosexuels n'est pas inattendu. Selon une étude américaine, la cote exprimant les chances d'avoir rendu visite à un professionnel de la santé au cours des 12 derniers mois est supérieure à la moyenne chez les hommes qui vivent avec un partenaire de même sexe2. Les auteurs supposent que l'épidémie d'infection par le VIH pourrait avoir rendu les hommes gais plus enclins à obtenir des soins préventifs, à discuter de préoccupations relatives à l'infection par le VIH et à indiquer plus ouvertement leur orientation sexuelle aux prestateurs de soins de santé.

Les taux d'utilisation des services des professionnels de la santé qui offrent un soutien émotionnel ou mental sont généralement plus élevés chez les gais, les lesbiennes et les bisexuels, résultats qui confirment ceux d'autres études3,16,27-30. Certains soutiennent que les lesbiennes et les femmes bisexuelles considèrent le counselling psychologique comme important31 et que les collectivités gaies, lesbiennes et bisexuelles pourraient avoir fait de l'utilisation des services de santé mentale une norme positive28,32. De même, les problèmes de stress liés à l'état de minorité (stress auquel font face les personnes qui appartiennent à une catégorie sociale stigmatisée) pourraient être l'élément qui déclenche la recherche de ce type de soins29,33.

La cote exprimant le risque de ne pas avoir de médecin de famille est plus élevée pour les lesbiennes et les femmes bisexuelles, et celle exprimant le risque de déclarer des besoins de soins de santé non satisfaits est élevée pour les personnes bisexuelles des deux sexes. Certaines données laissent entendre que, comparativement aux hommes gais, les lesbiennes et les personnes bisexuelles considèrent l'attitude des prestateurs de soins de santé à l'égard des questions liées à la non-hétérosexualité comme un facteur plus important lorsqu'il s'agit de choisir un médecin34.

L'utilisation des services de dépistage préventif du cancer par les femmes varie selon l'identité sexuelle. Alors que les taux de prévalence de la mammographie chez les lesbiennes et les femmes hétérosexuelles de 50 à 59 ans ne variaient pas significativement, les femmes bisexuelles étaient moins susceptibles d'avoir passé une mammographie. Les résultats d'autres études sont contradictoires, certaines indiquant que les lesbiennes sont moins susceptibles de passer une mammographie6,35,36, d'autres ne révélant aucune différence5,7,37 et une faisant état de taux plus élevés38. La raison de la prévalence plus faible de la mammographie chez les femmes bisexuelles n'est pas connue, mais elle mérite d'être soulignée, car selon une grande étude non probabiliste réalisée aux États-Unis, les femmes bisexuelles de 50 à 79 ans sont plus susceptibles que les autres femmes d'avoir un cancer du sein36.

Corroborant d'autres travaux de recherche5,7,31,35-39, les résultats de l'ESCC montrent que les taux de prévalence du dépistage par le test Pap sont plus faibles chez les lesbiennes que chez les femmes hétérosexuelles et bisexuelles. On ignore toutefois l'effet de cette différence, car les données sur les taux de cancer du col de l'utérus chez les lesbiennes sont rares, voire inexistantes6,40,41. Néanmoins, nombre de facteurs de risque pourraient être les mêmes chez ces dernières que chez les femmes hétérosexuelles, y compris des relations sexuelles sans protection avec des hommes à un moment de leur vie42-45. Qui plus est, l'infection par le VPH (virus du papillome humain génital), qui est un précurseur de certains cancers du col de l'utérus, peut être transmise entre femmes par des contacts sexuels intimes43,45. Les taux de dépistage plus faibles chez les lesbiennes pourraient refléter une réaction à d'anciennes expériences négatives avec les prestateurs de soins de santé8-10,41, la conviction que le test n'est pas nécessaire41 ou le fait de ne généralement pas prendre la pilule contraceptive, dont le renouvellement de l'ordonnance peut être une occasion pour les médecins de discuter du test Pap et de l'administrer6.

La présente étude a plusieurs limites. Bien que la spécificité des questions de l'enquête qui s'appuient sur le concept d'identité sexuelle soit considérée comme excellente (des personnes hétérosexuelles ne pourraient pas être classées dans la catégorie des gais, des lesbiennes ou des bisexuels), leur sensibilité a été critiquée (certaines personnes gaies, lesbiennes ou bisexuelles participant à l'enquête pourraient être classées dans la catégorie des hétérosexuels)22. Par conséquent, les résultats de l'ESCC ne sont représentatifs que des personnes disposées à s'identifier comme étant gaies, lesbiennes ou bisexuelles lors d'une entrevue dans le contexte d'une enquête nationale. Le degré de non-divulgation de l'orientation sexuelle est inconnu. En outre, certaines études ont montré que le « degré d'affirmation de son identité sexuelle » manifesté par le patient permet de prédire la divulgation de son orientation sexuelle aux prestateurs de soins de santé, divulgation qui a été associée à l'utilisation régulière des services de santé26. Les participants à l'ESCC qui ont divulgué leur identité sexuelle à l'intervieweur pourraient être plus francs au sujet de leur sexualité avec d'autres personnes et, par conséquent, être plus enclins à utiliser le système de soins de santé que d'autres membres des collectivités gaies, lesbiennes et bisexuelles12.

La présente analyse est fondée sur des données autodéclarées et aucune vérification indépendante des renseignements recueillis n'a eu lieu. La mesure dans laquelle les données sont biaisées à cause d'une erreur de déclaration est inconnue.

Pour certaines caractéristiques des populations gaies, lesbiennes et bisexuelles, la taille de l'échantillon est faible, ce qui limite la puissance statistique de détection des différences.

L'effet de l'état de santé n'a pas été neutralisé entièrement dans les modèles de régression logistique multivariée, car la gravité des problèmes de santé chroniques n'a pas été déterminée. En outre, la situation concernant l'infection par le VIH ou le sida était inconnue.

Les questions sur les troubles de l'humeur et les troubles anxieux ne sont pas des instruments de mesure normalisés et ne devraient pas être considérées comme des mesures de la prévalence de ces troubles.

Conclusion

La présente analyse fournit des preuves, fondées sur un échantillon probabiliste national, que l'utilisation des soins de santé au Canada varie selon l'identité sexuelle, indépendamment des facteurs prédisposants, facilitants et de besoin.

Dans l'ensemble, comparativement à la population hétérosexuelle, les gais, les lesbiennes et les bisexuels sont plus enclins à consulter des prestateurs de soins de santé mentale. Les lesbiennes sont moins susceptibles d'avoir un médecin de famille et, évidemment, sont proportionnellement moins nombreuses à utiliser les services d'un médecin de famille et à obtenir un test Pap. Comparativement aux hétérosexuels, les personnes bisexuelles font état d'un niveau plus élevé de besoins non satisfaits de soins de santé.

Les raisons du comportement différent des populations gaie, lesbienne et bisexuelle en ce qui concerne l'obtention de soins de santé n'ont pu être déterminées à l'aide des données de l'ESCC et devront être étudiées plus en détail. Néanmoins, l'analyse permet de constater que les gais, les lesbiennes et les bisexuels ne devraient pas être considérés comme un groupe homogène quand il s'agit de l'utilisation des soins de santé et devraient faire l'objet d'analyses distinctes lors de futures études.

Ces résultats sont un premier pas vers la description des profils d'utilisation des soins de santé par les adultes canadiens qui se déclarent gais, lesbiennes ou bisexuels. Les travaux devraient se poursuivre afin de déterminer si des écarts existent entre divers segments de ces groupes (jeunes et vieux, régions urbaines et rurales), ainsi que les raisons de ces écarts.