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Ross Finnie, Université d'Ottawa et Statistique Canada
Richard E. Mueller, Université de Lethbridge et Statistique Canada
Arthur Sweetman, Université Queen's
Alex Usher, Higher Education Strategy Associates
Un aperçu plus complet des facteurs déterminants de la participation aux études postsecondaires
Facteurs influençant la participation aux études postsecondaires
Persévérance au niveau postsecondaire
Conclusion
L'accès aux études postsecondaires est une question qui présente un intérêt depuis longtemps au Canada, principalement en raison des écarts persistants observés en ce qui a trait à la participation aux études postsecondaires selon le groupe socioéconomique. Les préoccupations découlent en partie d'un désir d'équité (par exemple, est ce que tous les Canadiens ayant les aptitudes requises ont accès aux études postsecondaires, quelle que soit la situation de leur famille?) et en partie de considérations économiques (p. ex., est ce que le Canada produit un nombre suffisant de travailleurs hautement qualifiés pour assurer sa compétitivité dans le contexte d'une économie mondiale basée sur le savoir?)
Les recherches sur le rôle des frais de scolarité, de l'aide aux étudiants et d'autres aspects financiers connexes montrent que ces facteurs expliquent seulement en partie l'écart en ce qui a trait aux taux de participation aux études postsecondaires selon le groupe socioéconomique. Cela a amené les chercheurs à essayer de trouver des explications plus complètes qui tiennent compte de la situation familiale et des expériences de jeunesse, vécues longtemps avant le moment où les décisions concernant les études postsecondaires sont prises, à la fin de l'adolescence. Ces facteurs influent sur les préférences en matière d'études postsecondaires, ainsi que la préparation connexe. Ces processus sont complexes, interreliés et, par conséquent, ils sont difficiles à déterminer.
Compte tenu du besoin d'obtenir des renseignements plus appropriés sur une vaste gamme de questions associées au parcours en éducation des jeunes Canadiens, Ressources humaines et Développement des compétences Canada et Statistique Canada ont conçu l'Enquête auprès des jeunes en transition (EJET), une enquête longitudinale permettant de suivre deux groupes de jeunes sur plusieurs années. L'un de ces groupes (ou « cohortes »), soit le groupe EJET A, était formé de jeunes âgés de 15 ans le 31 décembre 1999, la date de référence pour la première interview, qui a été réalisée au début de l'an 2000. Le deuxième groupe, soit le groupe EJET B, était formé de jeunes âgés de 18 à 20 ans. Chacun de ces groupes a été interrogé à cinq reprises, tous les deux ans, et les plus récentes données portent sur l'année 2008. Cela signifie qu'il y a maintenant une importante série de données sur des jeunes, du milieu de l'adolescence jusqu'à la fin de la vingtaine, durant leurs années d'adolescence, alors qu'ils prennent des décisions à propos de leurs études postsecondaires et, dans certains cas, alors qu'ils fréquentent un établissement d'enseignement postsecondaire, puis lorsqu'ils décident d'accéder au marché du travail ou de quitter celui ci.
Un groupe de chercheurs ont récemment décidé d'unir leurs efforts pour essayer de comprendre non seulement les facteurs influençant l'accès aux études postsecondaires, mais également les facteurs influençant la persévérance des étudiants jusqu'à la fin de leurs études et d'autres questions connexes, à l'aide des données de l'Enquête auprès des jeunes en transition1.
Comme il est indiqué précédemment, de nombreuses recherches antérieures portant sur les écarts quant à la persévérance et à la participation aux études postsecondaires mettaient l'accent sur l'influence du coût et du caractère abordable en tant qu'obstacles et sur l'utilité de l'aide financière offerte aux étudiants. Cependant, le mot « obstacle » est souvent mal défini et ne constitue peut-être pas le mot le plus utile pour traiter des différents facteurs permettant de déterminer qui décidera de poursuivre ses études au niveau postsecondaire et qui persévérera jusqu'au moment de l'obtention d'un diplôme. En fait, les facteurs qui influent sur les jeunes sont beaucoup plus complexes et plus nuancés (p. ex., il arrive qu'un jeune ne soit pas suffisamment bien préparé pour poursuivre ses études au niveau postsecondaire, qu'il ne soit pas bien informé en ce qui a trait aux coûts et aux avantages des études postsecondaires ou qu'il ne soit tout simplement pas intéressé ou pas suffisamment motivé pour poursuivre ses études). Ces facteurs se manifestent sur une longue période et ils sont le résultat de l'interaction entre le contexte social d'une personne et les choix qu'elle exerce au fil des ans. Autrement dit, la décision de poursuivre ses études au niveau postsecondaire, ainsi que l'obtention de notes appropriées pour poursuivre ses études, est prise graduellement pendant l'enfance et l'adolescence et non pas de façon soudaine, à la fin des études secondaires.
Cette situation sous-entend que, pour bon nombre des jeunes qui veulent poursuivre leurs études au niveau collégial ou universitaire et qui ont les aptitudes requises pour le faire, le coût a souvent une importance secondaire. Cela ne veut pas dire que le coût n'a aucune importance — en fait, les auteurs citent d'autres recherches démontrant que depuis 40 ans, les étudiants comptent de plus en plus sur le travail à temps partiel pendant l'année scolaire et sur l'aide aux étudiants et, plus précisément les prêts aux étudiants, pour financer leurs études. La contribution des parents a diminué considérablement et les prêts étudiants ont augmenté, tout comme le ratio d'endettement de certains étudiants après l'obtention d'un diplôme, ce qui fait que certains diplômés ont de la difficulté à rembourser leurs prêts. Cependant, les chercheurs prétendent que l'aspect financier constitue un obstacle uniquement dans le cas des étudiants admissibles qui veulent poursuivre leurs études au niveau collégial ou universitaire. Bon nombre d'étudiants du niveau secondaire ne satisfont pas aux conditions préalables nécessaires pour poursuivre leurs études au niveau postsecondaire. De plus, les données obtenues démontrent qu'il y a des écarts non seulement entre les différents groupes socioéconomiques, mais également entre les garçons et les filles pour ce qui est du niveau de préparation aux fins des études postsecondaires et de la motivation.
Les résultats de recherche démontrent également que le revenu familial est un facteur moins important pour ce qui est de la participation aux études postsecondaires que le niveau d'instruction des parents. Par conséquent, on constate que l'influence du milieu familial n'est pas que financière. Les aspirations des étudiants, de leurs parents et de leurs pairs, ainsi que le niveau de préparation en vue des études postsecondaires réfléchi par les notes obtenues au niveau secondaire, par exemple, sont étroitement liées aux écarts sur le plan de la participation selon le groupe. Lorsqu'on tient compte de ce genre de variables ainsi que du revenu familial et du niveau d'instruction des parents, c'est principalement l'influence du niveau d'instruction des parents qui diminue, ce qui signifie que le niveau d'instruction des parents semble avoir une incidence partielle sur la participation aux études postsecondaires, en raison de son incidence sur les aspirations des étudiants, sur les résultats obtenus au niveau secondaire et sur des facteurs connexes.
Ces constatations ont amené les chercheurs à conclure que le revenu familial, le niveau d'instruction des parents et des facteurs tels les aspirations et la préparation en vue des études postsecondaires sont tous des facteurs déterminants pour ce qui est de la participation aux études postsecondaires. Par ailleurs, le niveau d'instruction des parents et le revenu familial influent indirectement sur les aspirations et le niveau de préparation des jeunes en vue des études postsecondaires, mais le niveau d'instruction des parents a une plus grande influence que le revenu familial. Finalement, en tenant compte de l'interaction avec le revenu familial et le niveau d'instruction des parents, on constate que ces facteurs sont traditionnellement associés aux groupes socioéconomiques, mais pas exclusivement.
Le niveau d'instruction des parents et le revenu familial semblent constituer les deux principaux facteurs déterminants, mais d'autres facteurs influent sur la participation aux études postsecondaires. C'est le cas, notamment, de la réussite scolaire au niveau secondaire. Les recherches antérieures montraient que les notes en mathématiques obtenues au niveau secondaire revêtent une importance capitale, mais les résultats de recherche résumés dans le présent document montrent que les notes obtenues au niveau secondaire dans leur ensemble sont encore plus importantes. Les données canadiennes relatives au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) montrent que la note obtenue par un étudiant de 15 ans en lecture constitue également un facteur important pour prédire la fréquentation de l'université2. Les notes obtenues au chapitre de l'« engagement au secondaire » et des « connaissances de ses propres capacités » sur le plan scolaire, ainsi que les caractéristiques et attitudes personnelles sont également importantes. Le niveau d'instruction des parents a moins d'importance lorsque ces autres facteurs sont pris en considération, ce qui nous amène à conclure que l'influence globale du niveau d'instruction des parents est exercée, du moins en partie, lorsque les parents prônent, par exemple, un meilleur rendement scolaire, des méthodes de travail plus appropriées et une attitude plus positive envers l'école. Ces facteurs, que les chercheurs appellent des facteurs « culturels », peuvent en réalité l'emporter sur les considérations financières pour ce qui est du niveau de préparation d'un étudiant et de sa décision de poursuivre ou non des études postsecondaires.
L'écart entre les garçons et les filles pour ce qui est de la participation aux études postsecondaires (surtout au niveau universitaire) présente énormément d'intérêt puisque le taux de participation est beaucoup plus élevé chez les filles que chez les garçons. Les facteurs associés au rendement scolaire, y compris les notes au niveau secondaire et les notes obtenues dans le cadre du PISA, ainsi que les méthodes de travail plus appropriées adoptées par les jeunes filles, constituent les principaux facteurs expliquant cet écart. Cependant, comme indiqué par les auteurs, il y a lieu de se demander pourquoi les jeunes filles adoptent des méthodes de travail plus appropriées que les garçons.
La recherche a également permis de constater un écart entre les garçons et les filles sur le plan des aspirations. Les aspirations influent sur la décision de poursuivre des études au niveau postsecondaire, et ce, quelles que soient les notes obtenues au niveau secondaire et les autres influences (p. ex., le niveau d'instruction des parents). Les écarts entre les garçons et les filles pour ce qui est des aspirations jouent donc un rôle important en ce qui a trait à l'écart sur le plan de la participation aux études postsecondaires. Cet écart sur le plan des aspirations se manifeste dès l'âge de 15 ans et il ne fait qu'augmenter par la suite.
D'autres recherches ont examiné l'influence du travail rémunéré sur les résultats obtenus au niveau secondaire et elles ont permis de constater que quelques heures de travail rémunéré semblent avoir une incidence bénéfique sur le rendement scolaire, alors que les nombreuses heures de travail ont une incidence néfaste. Cependant, la présente recherche a permis de constater que, lorsqu'on tient compte des caractéristiques individuelles, le travail pendant les études de niveau secondaire a une incidence négative, et ce, quelle que soit la quantité d'heures travaillées.
L'accès n'est qu'un facteur. L'autre est la persévérance, c'est à-dire la poursuite des études jusqu'à l'obtention d'un diplôme.
Les parcours au niveau postsecondaire, c'est à-dire la persévérance, la mobilité et, en fin de compte, l'obtention d'un diplôme, sont un processus dynamique nécessitant des données longitudinales pour assurer un suivi et une évaluation, et ce, parce que bon nombre d'étudiants changent de programme ou d'établissement d'enseignement en cours de route ou interrompent leurs études à un moment donné. Les données concernant les établissements individuels ne permettent pas de tenir compte de ces facteurs, ce qui entraîne une surestimation du taux d'abandon des études postsecondaires.
Les chercheurs ont adopté la technique longitudinale de l'Enquête auprès des jeunes en transition et constaté que le taux d'abandon des études est en fait beaucoup moins élevé que ne le laissent croire les données concernant les établissements d'enseignement. Ils ont également constaté qu'il y a énormément de « tâtonnement » au niveau postsecondaire, alors que les étudiants essaient de trouver le domaine qui leur convient le mieux selon leurs compétences et leurs intérêts.
D'après les résultats de recherche, environ 50 % de tous les étudiants ont abandonné leur programme d'études initial dans un délai de cinq ans, mais seulement 10 % à 15 % d'entre eux environ peuvent réellement être considérés comme des décrocheurs puisque bon nombre d'étudiants changent de programme sans changer d'établissement ou changent d'établissement (et changent même parfois de niveau, c'est à-dire qu'ils passent du niveau collégial au niveau universitaire ou vice-versa). Pour ce qui est des étudiants qui ont interrompu leurs études à un moment donné, 40 % des étudiants de niveau collégial et 54 % des étudiants de niveau universitaire ont repris leurs études dans un délai de trois ans.
Les résultats montrent également, du moins si on en croit les étudiants, que les facteurs d'ordre financier sont rarement à l'origine de la décision d'abandonner les études et le milieu familial n'a généralement qu'une petite influence à ce chapitre (contrairement à l'accès). Les facteurs les plus importants qui amènent un étudiant à abandonner ses études au niveau postsecondaire sont attribuables essentiellement au fait que l'étudiant n'a pas trouvé le programme d'étude qui lui convient. Cela étant dit, le milieu familial exerce une influence restreinte — les étudiants dont les parents ont un niveau d'instruction plus élevé sont plus susceptibles de changer de programme ou d'établissement d'enseignement que d'abandonner leurs études, mais ne semblent pas plus susceptibles de reprendre leurs études dans un autre programme.
Les raisons de l'écart sur le plan de la participation aux études postsecondaires dans le cas des jeunes provenant de milieux socioéconomiques différents présentent un intérêt sur le plan de la recherche et des politiques depuis longtemps au Canada. Plus récemment, l'écart entre les garçons et les filles a également soulevé des questions quant à savoir pourquoi il y a plus de filles que de garçons qui obtiennent un diplôme, plus particulièrement au niveau universitaire.
L'écart entre les jeunes de familles à revenu élevé et les jeunes de familles à revenu modeste a donné lieu à de nombreuses recherches portant sur le coût et le caractère abordable des études postsecondaires. Cependant, la présente recherche indique la nécessité d'adopter un point de vue plus vaste en ce qui a trait aux écarts observés et de tenir compte de l'influence de facteurs tels les aspirations, la motivation, l'engagement académique, les méthodes d'étude et les résultats obtenus au niveau secondaire, ainsi que les aptitudes connexes mesurées. En fait, ces facteurs jouent un rôle clé. De plus, la recherche montre que l'acquisition de telles caractéristiques est plus étroitement liée au niveau d'instruction des parents qu'au revenu familial et qu'elle s'étale sur un certain nombre d'années.
Mais ce qui est peut-être plus surprenant, c'est que les écarts sur le plan de la participation aux études postsecondaires associés à ces caractéristiques personnelles et comportementales s'appliquent à tous les groupes socioéconomiques, de la même façon aux garçons et aux filles. Et même si le niveau d'instruction des parents peut expliquer une bonne partie de l'écart entre les différents groupes socioéconomiques, ce facteur ne peut pas expliquer l'écart entre les garçons et les filles pour ce qui est du rendement scolaire — un écart qui est évident, bien avant la fin des études secondaires.
En bref, les facteurs expliquant l'écart sur le plan de la participation aux études postsecondaires sont complexes et visent non seulement le coût, mais également des attitudes et des comportements plus subtils bien ancrés au sein de la famille et qui remontent à très loin. Cependant, la question fondamentale quant à savoir pourquoi il y a de tels écarts et d'où ils viennent exactement reste essentiellement sans réponse, d'où la nécessité de poursuivre les recherches.
Enfin, il est important de tenir compte du fait que les conclusions contenues dans le présent document sont fondées sur une analyse des données pour un seul groupe d'étudiants dont le comportement est axé sur les frais de scolarité actuels, l'aide financière offerte aux étudiants et d'autres facteurs financiers. Ainsi, les résultats pourraient être extrêmement différents advenant une forte hausse des frais de scolarité ou une diminution de l'aide financière.
Ross Finnie, Richard E. Mueller, Arthur Sweetman et Alex Usher, éd. 2008. Who Goes? Who Stays? What Matters? Accessing and Persisting in Post-Secondary Education in Canada. Montreal et Kingston : McGill-Queen's University Press, Queen's University, Queen's Policy Studies Series.
Voir aussi Patrick Bussière, Roland Hébert and Tamara Knighton. 2009. « Liens entre les résultats scolaires à 21 ans et la capacité de lecture à l'âge de 15 ans », Questions d'éducation, produit no 81-004-X au catalogue de Statistique Canada, vol. 6 no 2.
www.statcan.gc.ca/pub/81-004-x/2009002/article/10896-fra.htm
(site consulté le 30 mars 2010).