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Série de documents de recherché – Revenu
Que pouvons-nous apprendre au sujet de la dynamique du faible revenu au Canada à partir de la Banque de données administratives longitudinales?
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Résumé
Les statistiques qui décrivent les mouvements à l’extrémité inférieure de la distribution du revenu, par exemple, la proportion de personnes à faible revenu qui passent au-dessus du seuil de faible revenu d’une année à l’autre, fournissent des renseignements importants pour l’élaboration de politiques sur la pauvreté et l’inégalité du revenu. Depuis le milieu des années 1990, ces statistiques ont été produites au moyen de données de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR). La composante longitudinale de l’EDTR a été abolie en 2010. Le présent document examine les nouvelles séries chronologiques et les séries chronologiques de rechange sur la dynamique du faible revenu qui peuvent être créées à partir de la Banque de données administratives longitudinales (DAL).
Les résultats suggèrent qu’il est faisable d’élaborer plusieurs statistiques dynamiques du faible revenu, afin de suivre les mouvements des personnes à faible revenu, à partir des données de la DAL. Au moyen d’une méthode de mesure de faible revenu (MFR) fixe, les estimations de la persistance du faible revenu fondées sur la DAL, ainsi que les taux d’entrée, de sortie, de risque et de survie, comportaient des données similaires sur la dynamique du faible revenu que les estimations découlant de l’EDTR.
- 1. Introduction
- 2. Données et méthodologie
- 3. Données probantes de la dynamique de faible revenu à partir de la DAL
- 4. Retour en situation de faible revenu – durée des périodes non à faible revenu
- 5. Attrition de panel et statistiques dynamiques du faible revenu
- 6. Conclusion
- Références
- Annexe
- Notes
Introduction
Depuis le milieu des années 1990, Statistique Canada produit plusieurs séries chronologiques pour évaluer la dynamique du faible revenu à partir de données de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR). Ces séries chronologiques comprennent des renseignements sur le passage en dessous et au-dessus du seuil de faible revenu, ainsi que sur la persistance du faible revenu pour plusieurs groupes de personnes, à différents niveaux géographiques, en vue d’éclairer les débats concernant les politiques visant à atténuer la pauvreté.
Par suite de l’interruption de la partie longitudinale de l’EDTR, on ne disposera plus de statistiques sur la dynamique du faible revenu après l’année de référence 2010. Le principal objectif du présent document est de déterminer s’il est faisable de combler ces lacunes dans les données en élaborant des statistiques sur la dynamique du faible revenu à partir de données de la Banque de données administratives longitudinales (DAL). De façon plus particulière, nous tentons de voir si on peut obtenir les mêmes statistiques sur la dynamique du faible revenu en appliquant la même méthode de mesure du faible revenu à la DAL et à l’EDTR.
L’utilisation de données fiscales pour examiner la dynamique du faible revenu au Canada n’est pas nouvelle. L’étude de 1992 du Conseil économique du Canada (Conseil économique du Canada, 1992) a représenté l’une des premières tentatives en vue d’explorer l’alternance en dessous et au-dessus du seuil de faible revenu chez les familles, à partir de données fondées sur les dossiers fiscaux et les dossiers de l’aide sociale. La première étude sur la dynamique du faible revenu fondée sur la DAL est celle de Laroche (1998), qui examinait la persistance des périodes de faible revenu de 1982 à 1993. Cette étude a été suivie par plusieurs études de Finnie et ses coauteurs (par exemple, voir Finnie et Sweetman, 2003) évaluant la dynamique de la pauvreté au Canada pour la période de 1992 à 1996, à partir des données de la DAL. D’autres auteurs ont utilisé la DAL pour examiner la dynamique du faible revenu à Toronto, Montréal et Vancouver (Frenette, Picot et Sceviour, 2004) ou pour les immigrants (Picot, Hou et Coulombe, 2007).
Nous tenterons de tirer parti des travaux qui précèdent et de les prolonger. Toutefois, notre étude diffère des autres de plusieurs façons. Tout d’abord, nous suivons la pratique internationale actuelle pour élaborer les seuils de faible revenu (Murphy, Zhang et Dionne, 2010). Ces seuils nous permettront notamment de déterminer les personnes à faible revenu par rapport à une population plus large. En deuxième lieu, nos travaux relient l’incidence transversale du faible revenu et les taux d’entrée et de sortie. Cela nous permet de fournir un aperçu plus complet de la dynamique du faible revenu. En troisième lieu, nous accordons une attention particulière à la façon dont l’attrition du panel et la censure des périodes de faible revenu affecteront les statistiques sur la dynamique du faible revenu.
Dans la section qui suit, nous décrivons les données, l’échantillon et les méthodologies suivient dans cette étude. La section 3 fournit resultants probants sur les taux annuels d’entrée et de sortie du faible revenu et explore comment l’incidence annuelle du faible revenu est liée au passage en dessous et au-dessus du seuil de faible revenu, ainsi qu’à diverses mesures de la persistance et de la durée. Dans la section 4, nous fournissons des preuves de la distribution des périodes non à faible revenu pour aider à comprendre la tendance du retour en situation de faible revenu. Dans la section 5, nous examinons l’effet de l’attrition du panel. Enfin, la section 6 comprend un sommaire et les conclusions.
2. Données et méthodologie
La présente étude utilise les données de la DAL. La DAL s’agit d’un sous-ensemble du fichier sur la famille T1 (FFT1), qui est élaboré par Statistique Canada à partir de données des dossiers de l’impôt sur le revenu des particuliers et d’autres sources administratives. Dans le cadre du FFT1, le concept de famille est celui de « famille de recensement », qui se compose d’un couple marié ou d’un couple vivant en union libre, avec ou sans enfant, ou encore d’un parent seul vivant avec au moins un enfant dans le même logementNote 1. Dans le FFT1, les membres de la famille sont liés au conjoint à partir du numéro d’assurance sociale (NAS) de celui-ci figurant dans le formulaire d’impôt ou grâce à un appariement selon le nom, l’adresse, l’âge, le sexe et l’état matrimonial. Les déclarants fiscaux qui restent, qui n’ont pas été appariés avec d’autres personnes, sont désignés comme des personnes hors famille de recensement. Le FFT1 couvre toutes les personnes des familles de recensement et les personnes hors familles de recensement qui ont produit une déclaration de revenu T1 ou qui ont touché la Prestation fiscale canadienne pour enfant (PFCE). En outre, le FFT1 est augmenté grâce à l’ajout d’enregistrements pour les conjoints non déclarants et les enfants identifiés à partir du fichier de la PFCE, du fichier des naissances et du fichier historique. Ces personnes représentent ensemble la population du FFT1.
Chaque année, un échantillon de 20 % du FFT1 est tiré pour constituer la DAL. Toutefois, cette dernière ne représente pas un échantillon aléatoire simple de la population du FFT1, toutes les personnes du FFT1 n’ayant pas la même probabilité d’être sélectionnées, mais uniquement celles dont le NAS est admissible à l’échantillonnage dans la DAL.
Cette règle d’échantillonnage fait en sorte que les personnes peuvent être suivies au fil du temps au moyen d’un identificateur fiable. Par conséquent, la DAL constitue un échantillon représentatif des déclarants et des non-déclarants fiscaux ayant un NAS, et non pas de la population du FFT1 ou de la population canadienne en général. Néanmoins, depuis le début des années 1990, environ 75 % de la population canadienne a été incluse dans l’échantillon de la DAL. L’échantillon de la DAL n’est principalement pas représentatif du segment des jeunes de la population, la grande majorité de ceux-ci ne produisant pas de déclaration de revenu. Par exemple, en 2010, les Canadiens de 15 ans et moins ne représentaient que 0,2 % de l’échantillon de la DAL, tandis qu’ils représentaient 16,5 % de la population dans les estimations officiellesNote 2. Toutefois, dans le cas des Canadiens de 18 ans et plus, l’échantillon de la DAL représentait environ 95 % de la population officielle. Du fait de ce sous-dénombrement du segment des jeunes de la population, il sera difficile de faire des inférences concernant la population à partir des estimations de la DAL. Compte tenu de ces limites dans les données, nous examinons uniquement les statistiques dynamiques du faible revenu pour un sous‑échantillon de la DAL, c’est-à-dire les personnes qui étaient âgées de 18 ans et plus la première année d’un panel et qui ont été observées plus d’une fois. Nous observons aussi que le comportement en matière de déclaration fiscale des Canadiens a changé au fil du temps.
Au début des années 1980, seulement 60 % des Canadiens environ produisaient une déclaration de revenu. La mise en place du crédit pour taxe fédérale sur les ventes en 1986 et la mise en place du crédit pour taxe sur les produits et services en 1989 ont fait augmenté de façon substantielle la proportion de Canadiens qui produisent des déclarations de revenu. Par conséquent, la couverture du FFT1/de la DAL a augmenté de façon constante au fil du temps, pour s’établir à un peu moins de 75 % ces dernières années. Le taux de production de déclarations de revenu est devenu relativement stable en 1992, à environ 70 % : ainsi, notre étude est axée sur les années postérieures à cette dateNote 3.
Comme point de départ, nous utilisons la DAL pour établir les seuils de MFR, afin d’identifier les familles et les personnes à faible revenu. La MFR est établie à la moitié du revenu médian corrigé comme le seuil de faible revenu pour une famille d’une personneNote 4. Étant donné que nous avons besoin uniquement d’un échantillon transversal pour calculer le seuil de MFR, et que la DAL comprend des renseignements sur la taille de la famille et le nombre de membres de la famille ayant un NAS, un seuil de MFR non biaisé peut être estimé directement à partir de l’échantillon annuel de la DAL en ce qui a trait à la population du FFT1Note 5,Note 6.
En fait, les études mentionnées précédemment sur la dynamique du faible revenu ont toutes utilisé des données transversales de la DAL pour créer leurs propres seuils de faible revenu, en suivant la méthode générale de la MFRNote 7. Par exemple, en mettant l’accent sur leur échantillon d’étude, Finnie et Sweetman (2003) ont calculé la moitié des médianes du revenu familial corrigé et les ont ajustées selon la racine carrée de la taille de la famille de recensement, pour les cinq années de la période visée par leur étude, soit de 1992 à 1996. Ils ont par la suite utilisé la moyenne de ces médianes comme seuil de faible revenu. Nous suivons cette stratégie dans une large mesure pour établir notre seuil de faible revenu, mais nous la modifions de façon importante pour notre étude.
Un des objectifs de notre étude est de comparer les statistiques dynamiques du faible revenu tirées de la DAL et celles tirées de l’EDTR, afin de déterminer si les deux sources de données peuvent produire la même tendance de faible revenu selon la même méthode de MFR. À cette fin, nous devons calculer un seuil annuel plutôt qu’un seuil moyen sur une période (Finnie et Sweetman, 2003). Nous devons aussi établir des seuils fixes de MFR. Toutefois, plutôt que de fixer la moyenne sur une période, nous fixons le seuil pour des années particulières et nous ajustons le seuil fixé en fonction de l’Indice des prix à la consommation (IPC) d’ensemble. Le seuil fixé fournit une approximation du seuil actuel de SFRNote 8.
L’échantillon de la DAL tire un ensemble relativement riche de caractéristiques démographiques et familiales du FFT1, comme l’âge, le sexe, le type de famille et la présence de jeunes enfants, ce qui permet de l’utiliser comme source de données pour déterminer la situation de faible revenu de chaque personne échantillonnée, ainsi que des membres de sa famille. Il est important de comprendre que la situation de faible revenu est normalement définie au niveau de la famille : ainsi, nous pourrons inférer la transition au faible revenu pour certains groupes de population mal couverts si nous connaissons la situation de leur famille. Par exemple, l’échantillon actuel de la DAL ne nous permet pas de produire des statistiques pour fournir des preuves directes du passage en dessous et au-dessus du seuil de faible revenu des enfants de moins de 18 ans. Toutefois, à partir des caractéristiques familiales, nous pourrions décrire la dynamique du faible revenu chez les parents qui ont de jeunes enfants. Cela fournirait des preuves indirectes pour aider à comprendre la dynamique du faible revenu chez les enfants au Canada, la situation de faible revenu d’un enfant étant déterminée par le revenu de l’ensemble la famille, et non pas celui de l’enfant.
Cette différence conceptuelle fera en sorte que les statistiques du faible revenu fondées sur la DAL différeront de celles fondées sur d’autres sources de données en ce qui a trait à l’ampleur. Les statistiques du faible revenu au Canada, y compris les statistiques dynamiques, sont fondées sur des données de l’EFC (Enquête sur les finances des consommateurs) et de l’EDTR, selon trois lignes de faible revenu : le seuil de faible revenu (SFR), la mesure fondée sur un panier de consommation (MPC) et la MFR. Selon le SFR et la MPC, la famille économique est l’unité de partage des ressources; selon la MFR, le ménage est l’unité de partage des ressources. La famille économique et le ménage représentent des concepts familiaux plus larges que la famille de recensement, ce qui signifie que les économies d’échelle au chapitre de la consommation comptent moins dans une famille de recensement que dans une famille économique ou un ménage. Par conséquent, toutes choses étant égales par ailleurs, nous nous attendons à ce qu’un plus grand nombre de personnes soient dénombrées comme étant à faible revenu lorsque l’unité de partage des ressources est définie comme la famille de recensement, plutôt que la famille économique ou le ménage.
Toutefois, la différence d’ampleur dans les statistiques du faible revenu fondées dans la DAL et celles fondées sur l’EDTR est moins importante lorsque l’objectif de l’étude est d’examiner comment les statistiques du faible revenu ont changé au fil du temps. Dans un context dynamique, c’est la façon dont le faible revenu évolue au fil du temps pour les mêmes personnes qui importe le plus. Tant que les conclusions qualitatives demeurent les mêmes pour toutes les sources de données, nous pouvons présumer avec confiance que les statistiques du faible revenu fondées sur la DAL peuvent fournir des renseignements utiles pour les discussions politiques, en remplacement des données de l’EDTR.
3. Données probantes de la dynamique de faible revenu à partir de la DAL
3.1 Incidence du faible revenu, taux d’entrée et de sortie
L’incidence du faible revenu est souvent examinée dans le contexte transversal, mais elle peut aussi être reliée à l’aspect dynamique du faible revenu. En fait, nous pouvons décomposer l’incidence transversale du faible revenu en éléments dynamiques, à savoir le taux de passage en dessous et au-dessus du seuil de faible revenu entre deux périodes de données. Par définition, l’incidence du faible revenu pour une période t donnée peut être exprimée de la façon suivante :
où Changement du nombre de personnes à faible revenu représente la différence entre le nombre de personnes passant en dessous du seuil de faible revenu à la période t et le nombre de personnes passant au-dessus du seuil de faible revenu à la période t. Si nous présumons que la population demeure constante entre t-1 et t, l’équation qui précède peut être réécrite de la façon suivante :où représente l’incidence du faible revenu pour l’année t-1. Ainsi, lorsque le total de population varie peu entre deux années consécutives, une augmentation du taux d’entrée ou une diminution du taux de sortie entraînera une augmentation de l’incidence du faible revenu; une augmentation du taux de sortie ou une diminution du taux d’entrée entraînera une diminution.
Nous avons utilisé plusieurs seuils de faible revenu pour produire ces statistiques. L’un d’eux était le seuil de MFR variable, qui change selon la distribution du revenu de chaque année. Les autres sont les seuils de MFR fixes qui utilisent les distributions de revenu de 1992, 1997, 2002 et 2007, corrigées selon l’IPC. Tous les seuils ont été estimés sur la base de la famille de recensement comme unité de partage du revenu. Outre le seuil de MFR courant (moitié du revenu médian corrigé), nous avons aussi estimé l’incidence du faible revenu à 40 % et 60 % du revenu médian corrigé. Ces seuils différents produiront naturellement des niveaux différents d’incidence, mais nous avons déterminé que les tendances sous-jacentes des différents seuils de MFR fixes étaient les mêmes. Nous mettrons l’accent sur les résultats fondés sur la MFR variable et la MFR fixe de 1992.
La figure 1 montre nos estimations de l’incidence transversale du faible revenu pour les déclarants et les non-déclarants fiscaux compris dans la DAL, âgés de 18 ans et plus, à partir des données de la DAL et de l’EDTR pour les années 1992-1993 à 2010Note 9. Nous avons aussi estimé les incidences pour les années antérieures à 1993, à partir des données de l’EFC et de la DAL (ces résultats ne sont pas présentés dans la figure pour économiser de l’espace). Un élément ressort immédiatement : pour les années antérieures à 1993, les incidences du faible revenu fondées sur la DAL et l’EFC sont assez différentes, tant du point de vue du niveau que de la tendance, peu importe le seuil de MFR utilisé. Du point de vue de l’ampleur, l’incidence fondée sur la DAL était souvent plus élevée au cours de la période de 1982 à 1992 que celle fondée sur l’EFC. Des différences dans les tendances de faible revenu étaient aussi évidentes. Par exemple, les données de l’EFC laissent supposer que l’incidence a augmenté au cours de la période de 1987 à 1992 selon la MFR fixe de 1992, tandis que les données de la DAL vont dans le sens contraire. Au cours de la période de 1982 à 1992, aucun problème de données significatif n’a touché l’EFC; toutefois, au cours de la même période, on a noté un sous-dénombrement important dans la DAL. Ce sous-dénombrement était probablement causé principalement par l’écart dans l’incidence, ce qui laisse supposer que les statistiques du faible revenu fondées sur la DAL pour la période antérieure à 1992 pourraient être inappropriées.
Depuis 1992, toutefois, les incidences estimées du faible revenu à partir de la DAL et celles fondées sur des données de l’EFC/EDTR ont été remarquablement similaires, tant du point de vue des tendances que de l’ampleur, particulièrement selon les seuils de MFR fixes. Avec la MFR variable, il existe une tendance à la hausse à long terme dans l’incidence du faible revenu selon les deux sources de données, ce qui laisse supposer que, par rapport au milieu de la distribution, les Canadiens se situant au bas de la distribution du revenu n’ont pas progressé beaucoup depuis le début des années 1990Note 10. Comparativement à la norme fixe de 1992, les Canadiens à faible revenu ont connu une décennie difficile jusqu’à la fin des années 1990. Toutefois, la situation s’est améliorée depuis.
Évidemment, des écarts occasionnels se sont produits dans l’incidence du faible revenu fondée sur la DAL et celle fondée sur l’EDTR. Un écart s’est produit au cours de la période de 2007 à 2010. Selon le seuil de MFR variable, les données de l’EDTR laissent supposer que l’incidence du faible revenu a augmenté, tandis que les données de la DAL ont démontré que l’incidence du faible revenu a peu changé au cours de cette période. Certains écarts à court terme se sont aussi produits, même selon le seuil de MFR fixe. Par exemple, entre 2000 et 2001, les données de la DAL laissent supposer que l’incidence du faible revenu a augmenté selon la MFR fixe. La cause de cet écart n’est pas claire, mais nous avons noté une hausse soudaine d’un point de pourcentage dans le nombre de déclarants fiscaux, qui est passé de 86 % à 87 % chez les 15 ans et plus de 2000 à 2001. La proportion est par la suite retombée à 86 % en 2002. Une augmentation de l’incidence se produit si la majorité des déclarants fiscaux supplémentaires appartiennent à la population à faible revenu. Toutefois, mis à part les écarts occasionnels comme celui-ci, qui étaient probablement attribuables à des variations dans le comportement de déclaration fiscale, l’incidence estimée du faible revenu fondée sur les données de la DAL est essentiellement la même que celle fondée sur l’EFC et l’EDTR selon le seuil de MFR fixe. Même s’il y a des écarts entre les sources de données selon la méthode de MFR variable, la tendance demeure essentiellement la même.
En ce qui a trait maintenant aux estimations de statistiques dynamiques du faible revenu, comme les taux d’entrée et de sortie, nous mettons l’accent ici sur les taux d’entrée et de sortie sur une année. Le taux d’entrée est défini comme le pourcentage de personnes qui sont passées sous le seuil de faible revenu entre t-1 et t, à condition que ces personnes n’aient pas été en situation de faible revenu à la période t-1. Le taux de sortie montre le pourcentage de personnes à faible revenu au cours de l’année de base (t-1) qui sont passées au-dessus du seuil de faible revenu l’année t. La figure 2 illustre nos estimations pour les taux d’entrée et de sortie fondés sur la DAL pour la période de 1992 à 2010, et pour ceux fondés sur l’EDTR pour la période de 1993 à 2010Note 11.
Les taux estimés d’entrée et de sortie à partir des données de la DAL semblaient afficher des tendances à long terme similaires à celles de l’EDTR. Les taux d’entrée à partir des différents ensembles de données ont suivi une tendance à la baisse à long terme. Les conclusions sont les mêmes selon les seuils de MFR variables et fixes, même si la baisse selon la MFR fixe pourrait être plus forte dans une certaine mesure que celle selon la MFR variable, et le niveau des statistiques reposant sur des données de la DAL était plus élevé que celui de l’EDTR. Sur la base du seuil de MFR variable, les taux d’entrée de 1993 à 1994 étaient de 6,1 % selon la DAL et de 5,7 % selon les données de l’EDTR. Pour la période de 2009 à 2010, ils ont diminué à 5,2 % (DAL) et 4,6 % (EDTR), respectivement. Selon la MFR fixe, ils se situaient à 6,2 % (DAL) et 5,8 % (EDTR) au cours de la période de 1993 à 1994. Pour la période de 2009 à 2010, ils ont diminuée à 4,1 % (DAL) et 3,0 % (EDTR).
Toutefois, les taux de sortie ont beaucoup plus varié que les taux d’entrée. Les taux de sortie ont suivi une tendance à la baisse selon la MFR variable, peu importe l’ensemble de données utilisé (partie A, figure 2). Toutefois, l’ampleur dans le cas de la DAL était moins grande que pour l’EDTR, et la tendance à court terme semblait parfois différente entre les sources de données. Les taux de sortie estimés selon les seuils de MFR fixes avaient aussi des ampleurs différentes entre la DAL et l’EDTR, mais ils suivaient dans une large mesure la même tendance cyclique.
Lorsque nous combinons l’incidence transversale du faible revenu et les statistiques sur le passage en dessous et au-dessus du seuil de faible revenu, nous voyons que l’augmentation de l’incidence selon la MFR variable au cours des 20 dernières années s’est accompagnée par une baisse du taux de sortie, tandis que la diminution de l’incidence selon la MFR fixe a été probablement associée à une baisse du taux d’entrée en situation de faible revenu.
3.2 Une mesure simple de la persistance du faible revenu
Une mesure très simple de la persistance du faible revenu est la distribution des années en situation de faible revenu à l’intérieur d’une période donnée. Par exemple, au cours d’une durée donnée de panel, disons quatre ans, quelle proportion de la population n’a jamais été à faible revenu, et quelle proportion a été à faible revenu pendant une, deux, trois ou quatre années ou plus? Les réponses à ces questions fournissent une indication de la portée de la persistance du faible revenu.
De nombreux auteurs ont utilisé cette approche. Statistique Canada a publié des statistiques similaires comme mesure de la persistance du faible revenu. Les chercheurs ont aussi examiné la persistance du faible revenu dans la même optique (voir, par exemple, Morissette et Zhang, 2001). Toutefois, une question a rarement été abordée : quel est l’effet de la censure des données en raison de la durée limitée de l’observation de la situation de faible revenu dans un ensemble de données de panel typique?
Toutes les données de panel ont un point de départ et un point d’arrivée. Si une personne est observée en situation de faible revenu au cours de la première année du panel, il se peut qu’elle ait été en situation de faible revenu l’année précédant immédiatement, mais son état véritable n’est pas observable. De même, si la personne est observée en situation de faible revenu la dernière année du panel, elle pourrait aussi être à faible revenu l’année suivante, mais, encore une fois, il se peut que nous ne puissions jamais observer son état véritable. Le premier cas est souvent appelé censure à gauche, et le deuxième, censure à droite. Dans cette section, nous examinons l’effet de la censure, parallèlement à la persistance du faible revenu.
À cette fin, nous avons calculé les pourcentages de personnes à faible revenu pour différents nombres d’années, et nous avons comparé ces statistiques pour trois types de périodes de faible revenu : toutes les périodes, peu importe leur censure, les nouvelles périodes, en excluant les périodes censurées à gauche, et les périodes terminées, en excluant à la fois les périodes censurées à gauche et à droite. Pour faciliter la comparaison, nous avons examiné les distributions de périodes sur quatre ans au milieu du panel de six ans, à partir d’observations de la première et de la dernière années, afin d’aider au classement des trois types de périodes de faible revenuNote 12.
Les résultats montrent que, selon une MFR fixe, les distributions des périodes de faible revenu à partir de la DAL sont similaires aux distributions des périodes à partir de l’EDTR, et laissent supposer que la persistance du faible revenu a diminué au Canada depuis la fin des années 1990. La figure 3 illustre la persistance du faible revenu sous-entendue par les périodes de faible revenu terminées selon la MFR fixe de 1992Note 13. La partie A de la figure montre la proportion de personnes qui n’ont jamais été en situation de faible revenu au cours de la période intermédiaire de quatre ans de chacun des panels de six ans de l’EDTR et de la DAL (de la période de 1993 à 1998 à celle de 2005 à 2010). Elle montre que la tendance à long terme dans la résistance au faible revenu est la même selon les deux sources de données : sauf pour une pause entre la période de 1999 à 2004 et celle de 2002 à 2007, la proportion de personnes qui n’ont jamais été à faible revenu a augmenté lentement, mais constamment, au fil du temps. Selon l’EDTR, 89,7 % de la population ciblée n’a jamais été à faible revenu entre 1994 et 1997; cette proportion est passée à 93,4 % pour la période de 2006 à 2009. Dans les données de la DAL, la proportion a augmenté, pour passer de 91,0 % à 94,2 %, au cours des mêmes périodes.
L’augmentation de la résistance au faible revenu s’est accompagnée par des baisses de la proportion de personnes se retrouvant en situation de faible revenu pendant une année ou plus. Selon l’EDTR, 10,3 % se sont retrouvées en situation de faible revenu au moins une fois entre 1994 et 1997; cette proportion est passée à 6,6 % pour la période de 2006 à 2009. Dans les données de la DAL, la proportion est passée de 9,0 % à 5,8 % au cours de la même période. Ces baisses ont été décomposées selon le nombre d’années à faible revenu des parties B et C de la figure 3. La partie B montre les proportions de personnes s’étant retrouvées en situation de faible revenu pendant un ou deux ans; la partie C montre les proportions de personnes qui se sont retrouvées en situation de faible revenu pendant trois et quatre ans, respectivement, au cours des mêmes périodes. La constatation selon laquelle la DAL et l’EDTR vont dans la même direction en ce qui a trait à la persistance du faible revenu au Canada, selon diverses durées, renforce la cohérence entre les deux sources de données pour l’évaluation de la dynamique du faible revenu, lorsque la méthode de la MFR fixe est utilisée.
Selon la MFR fixe, la distribution des nouvelles périodes de faible revenu à partir de la DAL et de l’EDTR sont aussi uniformes du point de vue de la tendance à long terme de la persistance du faible revenu; toutefois, des écarts à court terme se sont parfois produits. La figure 4 illustre comment la persistance du faible revenu a évolué lorsque l’on inclut les périodes censurées à droiteNote 14. Essentiellement, on peut faire la même observation que pour les périodes terminées du point de vue de la persistance à long terme du faible revenu, sauf entre 1999 et 2004 et 2002 et 2007, au moment où les données de la DAL et de l’EDTR ont fait ressortir certaines incohérences.
En ce qui a trait à toutes les périodes (c.-à-d. lorsque la censure n’est pas prise en compte), nos résultats étaient moins uniformes entre les sources de données, particulièrement pour les durées plus longues. Par exemple, la proportion de personnes se retrouvant en situation de faible revenu pendant quatre ans ou plus dans l’EDTR était beaucoup plus élevée que dans la DAL pour trois des cinq panels de données comparables. Les résultats étaient moins définis selon une MFR variable, peu importe comment était traitée la censure des périodes de faible revenu. En fait, les données de la DAL et de l’EDTR allaient souvent dans des directions différentes en ce qui a trait à l’évolution de la persistance du faible revenu selon le seuil de MFR variable.
Toutefois, l’approche d’examen de la dynamique du faible revenu dans la présente section comporte une limite : elle ne tient pas compte du caractère consécutif des périodes de faible revenu. Par exemple, pour la proportion de personnes à faible revenu pendant trois ans, les statistiques ne nous disent pas combien d’entre elles étaient à faible revenu pendant trois années consécutives et combien pendant trois années non consécutives. La section qui suit tentera de surmonter le problème en mettant l’accent sur les périodes de faible revenu consécutives
3.3 Durée des périodes de faible revenu
Combien de temps faut-il à une personne à faible revenu pour sortir d’une situation de faible revenu? Il s’agit là d’une question clé de l’étude de la dynamique du faible revenu. La réponse dépend de la distribution de la période de faible revenu T. Par exemple, s’il est déterminé que la période de faible revenu suit une distribution exponentielle avec la fonction de densité de probabilité, où est le paramètre de population inconnu et t est une valeur particulière de la variable aléatoire T, nous nous attendons à ce qu’une période de faible revenu dure en moyenne période avec une variance de . Par ailleurs, nous pouvons examiner comment divers facteurs, comme l’âge et le sexe, peuvent affecter la durée en modélisant comme fonction de ces caractéristiques individuelles.
Le paramètre λ ci-dessus est appelé taux (ou fonction) de risque de la distribution exponentielle. Le taux de risque d’une période est la probabilité conditionnelle qu’un événement prenne fin dans la période courante, à condition qu’il ne se soit pas terminé à la période précédente. Dans le contexte de la dynamique du faible revenu, cela nous dit quelle serait la probabilité qu’une personne à faible revenu se sorte d’une situation de faible revenu pendant une année donnée, à condition qu’elle n’ait pas pu le faire l’année précédente. Les périodes de faible revenu peuvent aussi être caractérisées par la fonction de survie ou le taux de survie. Cette fonction nous indique la probabilité que la période de faible revenu T dure plus longtemps qu’une valeur particulière . Dans l’exemple exponentiel, la fonction de distribution cumulative de T est . La fonction de survie de la période est simplement . En général, le taux de risque correspond au ratio de la fonction de densité de probabilité de la variable aléatoire T et de la fonction de survie. Ainsi, la durée des périodes de faible revenu peut être caractérisée par la fonction de risque ou la fonction de survie.
La figure 5 présente nos estimations des taux de risque des nouvelles périodes de faible revenu à partir de données de la DAL et de l’EDTR, à divers moments d’un panel de six ansNote 15. Il s’agit d’estimations non paramétriques (ou tables de mortalité), pour lesquelles aucune hypothèse particulière n’est nécessaire en ce qui a trait à la distribution des périodes de faible revenu. Nous mettons l’accent uniquement sur les nouvelles périodes, afin d’éviter les difficultés techniques liées à la censure à gaucheNote 16. Le chiffre laisse supposer que, selon le seuil de MFR fixe, les taux de risque des nouvelles périodes de faible revenu ont suivi dans une large mesure la même tendance, peu importe les sources de données utilisées, particulièrement au cours des premières années suivant le début de la période de faible revenu. Toutefois, pour les années plus éloignées du début, les différentes sources de données allaient parfois dans des directions différentes.
Toutefois, le manque d’uniformité des estimations fondées sur l’EDTR était beaucoup plus important que pour celles fondées sur la DAL, et ces estimations venaient parfois en contradiction à divers moments. Par exemple, dans la partie B de la figure 5, les estimations fondées sur l’EDTR du risque pour les années 3 et 4 et pour les années 4 et 5 suivaient des tendances différentes : les estimations fondées sur la DAL pour ces périodes ont évolué selon la même tendance. Cela est probablement dû à la diminution de la taille de l’échantillon des périodes de faible revenu continues dans l’EDTR. Au fur et à mesure que le temps passe, certaines personnes à faible revenu sortent de cette situation et, par conséquent, le nombre de personnes à faible revenu survivantes diminue. Étant donné que la taille de l’échantillon de l’EDTR est beaucoup plus petite que celle de la DAL, la diminution du nombre de périodes selon l’EDTR pourrait avoir un effet beaucoup plus important sur les risques estimés pour les années plus éloignées du début des nouvelles périodesNote 17.
Toutefois, les estimations du taux de survie semblent être moins sensibles aux sources de données et à la période. Cela est naturel : le taux de survie est une mesure de la probabilité cumulative, tandis que le taux de risque est une probabilité instantanée entre deux périodes adjacentes. La figure 6 présente nos estimations du taux de survie à partir de la DAL et de l’EDTR selon le seuil de MFR fixeNote 18. Les estimations du taux de survie à partir de la DAL et de l’EDTR ont montré la même tendance légèrement à la baisse dans la probabilité de continuer d’être à faible revenu au Canada.
Des observations similaires peuvent être faites selon le seuil de MFR variable. Dans les années près du point de départ des périodes de faible revenu, les taux de risque et de survie estimés à partir des deux sources de données différaient dans une certaine mesure au chapitre de l’ampleur, mais les tendances sous-jacentes étaient les mêmes. La seule différence concernait le risque estimé pour la période de 1993 à 1998, qui était plus faible selon la DAL que selon l’EDTR; le taux de survie estimé pour la même période était plus élevé dans la DAL que dans l’EDTR. Encore une fois, toutefois, pour les années plus éloignées des dates de début des périodes de faible revenu, les estimations fondées sur la DAL semblaient différentes de celles fondées sur l’EDTR selon le seuil de MFR variable, en raison probablement de la petite taille d’échantillon de l’EDTR.
4. Retour en situation de faible revenu – durée des périodes non à faible revenu
Le taux auquel une personne se retrouve à nouveau en situation de faible revenu, après avoir quitté cette situation précédemment, s’appelle taux de retour. Il sert à évaluer la résistance conditionnelle au faible revenu des personnes qui y ont échappé précédemment. Le taux de retour diffère de la mesure de la résistance non conditionnelle dans l’analyse de la transition. Dans la section 3.1, nous avons examiné le taux d’entrée en situation de faible revenu. Si l’on indique le taux d’entrée comme , alors est la mesure non conditionnelle de la résistance au faible revenu. Elle est appelée non conditionnelle, parce que nous savons uniquement que la personne en question n’était pas à faible revenu pendant les périodes t et t-1; nous ne connaissons pas sa situation avant t-1. Par contre, lorsque nous mesurons la résistance conditionnelle, nous mettons l’accent sur un groupe de personnes qui étaient à faible revenu pendant au moins une année par le passé et qui sont sorties de cette situation par la suite et sont demeurées ainsi pendant au moins un an. Le taux de retour est la probabilité selon laquelle ces personnes se retrouveront à nouveau en situation de faible revenu au cours des prochaines années.
Le retour en situation de faible revenu peut être examiné en analysant la durée des périodes non à faible revenu des personnes qui sont sorties d’une situation de faible revenu. Dans l’illustration ci-après, nous observons d’abord une personne qui était à faible revenu à un moment donné par le passé (année s). La personne sort ensuite d’une situation de faible revenu l’année t. Elle est maintenant à risque de se retrouver en situation de faible revenu à la période t + k, où k=1, 2, 3….
À faible revenu l’année s… pas en situation de faible revenu l’année t... de retour en situation de faible revenu l’année t+k.
La question clé est de déterminer combien il faudra de temps à la personne pour se retrouver à nouveau en situation de faible revenu. La distribution de la variable aléatoire K fournit la réponse : il s’agit simplement de la durée de la période où elle n’était pas à faible revenu. Ainsi, le cadre conceptuel dont nous avons parlé à la section 3.3, y compris les taux de risque et de survie, s’applique aussi à l’analyse de la durée des périodes non à faible revenu.
Nos résultats laissent supposer que, pour les années s’éloignant le plus du point de départ des périodes non à faible revenu, les deux sources de données ont fourni des niveaux et des tendances assez différents des taux de hasard, peu importe le seuil de MFR utilisé, ce qui correspond aux résultats présentés à la section 3.3. Ce n’est que pendant les premières années après le début des périodes que les estimations fondées sur un seuil de MFR fixe suivent la même tendance que les estimations des taux de risque et de survie. Toutefois, les niveaux de ces estimations étaient différents : le taux de risque estimé fondé sur l’EDTR était toujours plus faible que celui fondé sur la DAL, et le taux de survie estimé fondé sur l’EDTR était toujours plus élevé que celui fondé sur la DAL. Toutefois, selon le seuil de MFR variable, le résultat était davantage partagé, les estimations de sources de données différentes laissant parfois supposer des tendances différentes.
La figure 7 présente les taux de risque de retour en situation de faible revenu au cours des premières années des périodes, à partir des données de la DAL et de l’EDTR, selon le seuil de MFR fixe de 1992Note 19. Les ampleurs des estimations à partir des deux sources de données étaient assez différentes. Les estimations fondées sur l’EDTR étaient uniformément plus faibles que celles fondées sur la DAL. Néanmoins, les tendances sous-jacentes découlant de ces estimations étaient similaires, et il semble que de la période de 1993 à 1998 à celle de 2005 à 2010, la probabilité de se retrouver en situation de faible revenu a diminué. Toutefois, de la période de 1996 à 2001 à celle de 2005 à 2010, la tendance sous-jacente de l’estimation de la DAL peut différer considérablement de celle découlant de l’EDTR. Selon l’EDTR, le taux de retour a diminué, parfois de façon significative, alors que les données de la DAL n’ont affiché que peu de changements entre ces deux périodes.
La figure 8 présente les estimations du taux de survie, toujours selon la FMR fixe de 1992Note 20. Les estimations correspondent à celles du taux de risque. De la période de 1993 à 1998 à celle de 2005 à 2010, le taux de survie estimé a augmenté, ce qui laisse supposer que la probabilité de se retrouver en situation de faible revenu a diminué. Toutefois, encore une fois, de la période de 1996 à 2001 à celle de 2005 à 2010, les estimations fondées sur des sources de données différentes semblent différer. Selon l’EDTR, le taux de survie a augmenté; selon la DAL, il a peu varié.
Les résultats compris dans cette sous-section laissent suggérer un manque d’uniformité entre la DAL et l’EDTR en ce qui a trait aux estimations du risque de retour et aux estimations du taux de survie des périodes non à faible revenu. Les résultats fondés sur la DAL sont probablement plus fiables que ceux fondés sur l’EDTR, en raison de la taille relativement petite des échantillons de l’EDTR. Toutefois, davantage de recherches sont nécessaires pour explorer la dynamique des périodes non à faible revenu dans les travaux futurs.
5. Attrition de panel et statistiques dynamiques du faible revenu
Comme pour toutes les données de panel, l’attrition peut jouer un rôle important dans l’uniformité des estimations. La DAL est aussi sujette à des attritions de panel. Les personnes qui n’ont pas d’impôt à payer ou de prestations à réclamer (ou qui ne souhaitent pas en réclamer) peuvent choisir de ne pas produire de déclaration de revenu. Par exemple, il est possible pour une personne de produire une déclaration de revenu l’année t, mais pas l’année t+1. En examinant la dynamique du faible revenu pour un panel de personnes à partir de l’année t, nous aurons un panel réduit par attrition et nous ne serons pas en mesure d’observer certaines des personnes à la période t+1. Lorsqu’ils font face à une attrition de panel, les chercheurs choisissent souvent de laisser de côté les personnes supprimées par attrition, comme nous l’avons fait dans les sections précédentes. Il est intéressant de savoir ce qui arriverait aux statistiques dynamiques estimées du faible revenu si l’attrition du panel était prise en compte.
Pour tenir compte de l’attrition du panel dans la DAL, nous suivons l’approche abordée dans Fitzgerald, Gottschalk et Moffit (1998). Les auteurs proposent de créer un ensemble de poids pour surpondérer les personnes qui répondent à deux conditions : elles sont observées au début et à la fin du panel et elles ont des caractéristiques similaires à celles des personnes supprimées par attrition au début du panel. Les poids sont créés comme les probabilités inverses grâce aux prédictions de deux modèles probit d’attrition. L’approche dépend de la disponibilité d’une ou de plusieurs variables auxiliaires qui ont des répercussions sur l’attrition et la variable de résultat d’intérêt (situation de faible revenu dans ce cas) et d’un groupe de variables qui ont des répercussions sur le résultat seulement. Les auteurs expriment la probabilité prédite d’attrition fondée sur toutes les variables comme la prédiction non conditionnelle (UPr) et celle fondée uniquement sur la ou les variables auxiliaires, comme la prédiction conditionnelle (CPr). Le ratio CPr/UPr correspond au rajustement des poids pour tenir compte de l’attrition du panel.
Selon ces auteurs, nous estimons les modèles probit à partir de la taille de la famille, de la présence d’enfants (de moins de 18 ans), des quintiles de gains et d’une variable fictive indiquant si un enregistrement est imputé ou non, comme variables auxiliaires. Les autres variables incluses dans les modèles sont des variables fictives de sexe, d’âge, de statut d’immigrant, de type de famille et de province.
Les résultats laissent supposer que l’attrition du panel a peu d’effet sur nos estimations des statistiques sur les transitions d’une année. Les estimations du taux de sortie et du taux d’entrée pour la période de 1982 à 2010 sont essentiellement les mêmes que les estimations lorsque l’attrition du panel n’est pas prise en compte. Cela n’est probablement pas surprenant parce que les panels sous-jacents comportent tous une durée de deux années et que les taux d’attrition sont faibles dans la DAL (généralement moins de 5 %). La même observation se vérifie avec les panels de six ans, où le taux d’attrition varie autour de 15 %, même si l’effet est légèrement plus prononcé que dans les panels de deux ans. Nous avons aussi examiné les effets de l’attrition du panel sur les estimations de la survie au faible revenu et du risque de faible revenu pour les panels de huit et dix ans. Les résultats pour le panel de dix ans sont illustrés dans la figure 9Note 21. Les effets augmentent au fur et à mesure que la durée du panel augmente, mais même avec les panels de dix ans, l’effet de l’attrition est encore relativement faible selon les seuils de MFR fixes et variables.
6. Conclusion
Les résultats de la présente étude suggèrent qu’il est faisable d’élaborer plusieurs statistiques dynamiques du faible revenu à partir de la DAL, afin de suivre la persistance et la durée du faible revenu. Nous avons déterminé que, selon le seuil de MFR fixe, le taux d’entrée, le taux de sortie et les estimations de risque et de survie des périodes de faible revenu fondés sur la DAL produisent essentiellement la même tendance de la dynamique du faible revenu que ceux fondés sur l’EDTR. On peut dire la même chose des mesures simples de la persistance du faible revenu, comme les proportions de personnes qui se retrouvent en situation de faible revenu une année, deux années ou plus longtemps au cours d’une période de panel donnée. Toutefois, ces types d’estimations seraient uniformes entre les sources de données uniquement en excluant les périodes censurées, particulièrement celles censurées à gauche. Selon le seuil de MFR variable, les résultats étaient moins uniformes entre les sources de données. Ainsi, la production de statistiques sur la dynamique du faible revenu à partir de données de la DAL, avec des seuils de MFR fixes, semble plausible, tandis que les mêmes statistiques fondées sur des seuils variables fournissent certains compléments utiles.
Nous avons aussi tenté de déterminer si l’attrition du panel pose un problème. Il semble que le résultat est assez robuste en ce qui a trait à l’attrition du panel, même pour des panels durant aussi longtemps que dix ans.
Toutefois, d’autres travaux doivent être effectués à l’avenir sur la dynamique du faible revenu. D’une part, nous n’avons pas examiné l’exactitude de nos estimations fondées sur la DAL. À cette fin, on a besoin de la variance des diverses estimations. Même si nous avons estimé les variances dans l’EDTR, l’estimation est plus complexe à partir des données de la DAL. Cette tâche fera l’objet d’un projet différent à l’avenir. Par ailleurs, nous avons mis l’accent sur l’aperçu national de la dynamique du faible revenu. Aucune analyse comparative n’a été effectuée entre des groupes de personnes et entre des provinces et des régions. Nous procéderons aussi à ces comparaisons dans des travaux futurs. Enfin, nous n’avons pas examiné l’étendue du faible revenu dans le contexte dynamique. À cette fin, on peut utiliser la méthodologie proposée par Rodgers et Rodgers (1993). En fait, nous avons appliqué une version simplifiée de cette approche dans un rapport précédent (Murphy, Zhang et Dionne, 2012), à partir de données de l’EDTR.
Références
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Frenette, M. , Picot, G. et R. Sceviour (2004). « Durée de la résidence dans les quartiers à faible revenu : évidence pour Toronto, Montréal et Vancouver », Série des documents de recherche de la Direction des études analytiques, no 216, Statistique Canada, Ottawa (Ontario)
Laroche M. (1998). « The Persistence of Low Income Spells in Canada, 1982-1993 », Rapport du ministère des Finances 98-02, Ottawa (Ontario) Canada
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Murphy, B., Zhang, X. et C. Dionne (2010). «Révision de la mesure de faible revenu (MFR) de Statistique Canada», Statistique Canada, no 75F0002M au catalogue, no 004, Ottawa (Ontario)
Murphy, B., Zhang, X. et C. Dionne (2012). « Le faible revenu au Canada : une perspective multi-lignes et multi-indices », Statistique Canada, no 75F0002M au catalogue, no 001, Ottawa (Ontario)
Picot, G., Hou, F. et S. Coulombe (2007). « Le faible revenu chronique et la dynamique du faible revenu chez les nouveaux immigrants », Série des documents de recherche de la Direction des études analytiques, no 294, Statistique Canada, Ottawa (Ontario)
Rodgers, J. et J. Rodgers (1993). « Chronic Poverty in the United States ». The Journal of Human Resources, vol. 28, no 1, p. 25 à 54
Zhang, X. (2010) La mesure du faible revenu au Canada : Que nous apprennent les divers seuils et indices? », Série de documents de recherche, Revenu, no 75F0002M au catalogue – no 3, Ottawa (Ontario)
Appendix
Tableau 4 Estimations du taux de risque de faible revenu selon les données et le seuil, 1993–2010
Tableau 5 Estimations du taux de survie du faible revenu selon les données et les seuils, 1993-2010
Tableau 6 Risques de non faible revenu selon les données et le seuil, 1993–2010
Tableau 7 Survie du non faible revenu selon les données et le seuil, 1993–2010
Tableau 8 Effet de l’attrition du panel sur les estimations du risque de faible revenu, 2001 à 2010
Tableau 9 Estimations de la dépendance de durée implicite et du taux de risque, 1993-2010*
Tableau 10 Estimation logistique des modèles de durée du faible revenu, 1993-2010*
Notes
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