Regards sur la société canadienne
Population active canadienne : que se passera-t-il après la retraite de la génération des baby-boomers?

par Samuel Vézina, Jean-Dominique Morency, Laurent Martel et François Pelletier

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Introduction

Au même titre que le nombre d’heures travaillées et la productivité du travail, le nombre de personnes faisant partie de la population active est un déterminant clé du produit intérieur brut au Canada. Une « pénurie » de travailleurs ou une demande de travail non comblée, comme celle vécue actuellement dans certains secteurs de l’économie, pourrait limiter le potentiel de croissance de l’économie canadienne et du niveau de vie relatif des Canadiens, si celle-ci n’est pas compensée par des gains en termes de productivité ou de nombre d’heures travaillées^Note  .

L’évolution actuelle et future de la taille, du poids démographique et de la composition de la population active canadienne est présentement d’un grand intérêt puisque les cohortes du baby-boom, nées entre 1955 et 1965, atteignent actuellement l’âge de 65 ans et quittent le marché du travail pour prendre leur retraite. La dernière cohorte issue du baby-boom, c’est-à-dire celle née en 1965, atteindra quant à elle l’âge de 65 ans en 2030. Les cohortes suivantes, nées au tournant des années 1970, seront les prochaines à quitter le marché du travail, au cours des années 2030. Ces nombreux départs exercent déjà et continueront d’exercer une pression à la baisse sur la proportion que représente la population active^Note  au sein de la population de 15 ans et plus. Ainsi, en 2021, 2022 et 2023, le taux d’activité atteignait son plus faible niveau en deux décennies, avec un taux s’élevant à 65 %^Note  .

L’une des mesures mises en œuvre pour faire face aux changements démographiques au Canada est le recours à l’immigration permanente et temporaire, qui ont atteint des niveaux records en 2022 et 2023. En effet, du 1^er juillet 2022 au 1^er juillet 2023, le Canada a accueilli 468 817 immigrants et 697 701 résidents non permanents. La hausse des résidents non permanents enregistrée durant cette période est la plus importante hausse observée depuis que des données comparables sont accessibles^Note  .

Au moyen de projections démographiques mises à jour pour tenir compte de l’évolution démographique récente, cette étude fait état des tendances futures possibles de la population active canadienne jusqu’en 2041. L’étude tente de fournir une réponse aux questions suivantes :

• Une fois que tous les baby-boomers auront atteint l’âge habituel de la retraite, comment se caractérisera la population active canadienne?
• De nouveaux équilibres entre les entrées et les sorties de la population active sont-ils possibles après 2030?
• Comment pourraient évoluer la taille, le poids démographique et la composition de la population active au cours des 20 prochaines années?

Pour répondre à ces questions, le présent article procède à une analyse de sensibilité. Ainsi, différents scénarios démographiques ont été établis dans le but de montrer la sensibilité de l’évolution future de la taille, du poids démographique et de la composition de la population active au Canada d’ici 2041, à divers niveaux d’immigration et à diverses évolutions des taux d’activité sur le marché du travail selon l’âge.

Pour les besoins de la présente étude, six scénarios ont été élaborés. Le « scénario de référence » suppose une poursuite des tendances récentes des différentes composantes de la croissance démographique et de l’activité sur le marché du travail. Plus spécifiquement, il suppose un apport migratoire fixe de 500 000 immigrants permanents par année durant toute la période de projection, et suppose que le taux d’activité des travailleurs de 55 ans et plus sera plus élevé en 2041 qu’en 2023. Ce scénario sert de point de comparaison à tous les autres scénarios retenus pour cette analyse.

Les cinq autres scénarios retenus se distinguent du scénario de référence par une seule hypothèse. En plus du scénario de référence supposant un apport de 500 000 immigrants permanents par année, trois scénarios supplémentaires ont été élaborés pour mesurer l’effet de différents niveaux d’immigration sur la population active projetée : 1) 250 000 immigrants permanents par année, 2) 750 000 immigrants permanents par année et 3) aucune immigration.

Deux scénarios alternatifs ont également été élaborés afin d’analyser l’effet d’un changement des taux d’activité par groupe d’âge et sexe sur les résultats de projection. Un premier scénario pose l’hypothèse que les taux d’activité demeureront constants chez les hommes^Note  aux niveaux observés en 2023. Un deuxième scénario fait évoluer les taux d’activité de façon plus marquée que dans le scénario de référence. Dans ce deuxième scénario, on fait converger les taux d’activité des hommes pour que ceux-ci atteignent en 2041 ceux observés au Japon en 2022. Les taux d’activité au Japon sont nettement plus élevés que ceux au Canada mais également que ceux de la plupart des pays développés.

Cette méthodologie permet d’isoler l’effet d’un changement en particulier sur la population active, toutes choses étant égales par ailleurs. Veuillez consulter l’encadré « Sources des données, méthodes et définitions » pour plus de détails sur les scénarios et les hypothèses retenus dans le cadre de cette étude, de même que pour un aperçu du modèle Demosim et de la méthodologie en lien avec ces projections.

Une population active en croissance

Les différents scénarios retenus indiquent que la croissance de la population active canadienne devrait s’accélérer à court terme, en raison des hausses récentes de l’immigration permanente et temporaire (graphique 1). Selon le scénario de référence, qui suppose l’admission au Canada de 500 000 immigrants permanents en 2025 et 2026, conformément au Plan d’immigration d’IRCC, ainsi que sur tout le reste de la période de projection, la population active passerait de 21,7 millions en 2023 à 26,8 millions en 2041. En comparaison, entre 2001 et 2021, la population active est passée de 16,1 millions à 20,5 millions de personnes. Le taux de croissance annuel moyen s’élevait donc à 1,21 % durant cette période, tandis qu’il est estimé à 1,17 %, selon le scénario de référence, pour la période allant de 2023 à 2041.

Les différents scénarios faisant varier le niveau d’immigration montrent, tel qu’attendu, que la taille de la population active, à l’instar de la taille de la population totale du pays, est directement influencée par les apports migratoires. En effet, selon le scénario supposant l’admission annuelle de 250 000 immigrants permanents, la population active atteindrait 24,1 millions de personnes en 2041, alors qu’elle atteindrait 29,5 millions de personnes en supposant 750 000 immigrants permanents par année. Les taux de croissance annuels moyens de la population active pour ces 2 scénarios s’élèveraient donc respectivement à 0,57 % et à 1,72 %. Par ailleurs, dans le scénario supposant un arrêt complet de l’immigration permanente et temporaire dès 2024, la population active commencerait à décroître dès 2025, bien que légèrement, pour atteindre, en 2041, la même taille que celle observée en 2021.

On remarque également qu’une convergence des taux d’activité vers ceux de la population japonaise, combinée à une immigration de 500 000 immigrants permanents par année, permettrait d’augmenter la population active sensiblement de la même façon que l’augmentation seule de l’immigration à 750 000 immigrants permanents par année. En revanche, en faisant l’hypothèse d’un maintien des taux d’activité aux niveaux observés en 2023 sur toute la période de projection, on estime que la taille de la population active serait légèrement plus faible, à 26,4 millions de personnes en 2041, que celle estimée via le scénario de référence (26,8 millions). Cela signifie qu’une hausse des taux d’activité par âge, notamment au-delà de 55 ans, pourrait avoir un impact significatif sur la taille de la population active dans les prochaines années.

La baisse du taux global d’activité pourrait s’arrêter

Depuis le tournant des années 2000, la croissance de la population active canadienne a été plus lente que la croissance de la population âgée de 15 ans et plus. En conséquence, le poids que représente la population active au sein de la population âgée de 15 ans et plus — aussi appelé le taux global d’activité — a suivi une tendance à la baisse durant cette période. Cette baisse était principalement causée par les nombreuses personnes nées durant le baby-boom qui ont graduellement quitté la population active pour prendre leur retraite. Ce phénomène n’est pas totalement terminé puisque la dernière cohorte de baby-boomers, née en 1965, atteindra l’âge de 65 ans en 2030.

À cet égard, et selon le scénario de référence, la baisse du taux global d’activité se poursuivrait jusqu’en 2030. Le taux d’activité se stabiliserait ensuite pour atteindre 64,6 % en 2041, soit un niveau similaire à 2023 (65,2 %) (graphique 2).

Les scénarios portant sur les divers niveaux d’immigration démontrent qu’à court terme le taux global d’activité continuerait à baisser indépendamment du nombre d’immigrants choisi; même le scénario supposant l’admission de 750 000 immigrants permanents annuellement ne parvient pas à contrebalancer l’effet de la baisse projetée du taux à court terme.

Après 2031, le fait d’accueillir 750 000 immigrants permanents par année aurait un moins grand impact sur le taux global d’activité que de supposer une convergence des taux d’activité des travailleurs canadiens vers ceux observés actuellement au Japon. Plus précisément, le taux global d’activité atteindrait 69,7 % en 2041 si les taux d’activité en fonction de l’âge convergeaient vers ceux du Japon, comparativement à 65,6 % si le Canada accueillait 750 000 immigrants permanents annuellement. Il semblerait donc que le taux global d’activité soit plus sensible à un changement dans les taux d’activité qu’à une hausse de l’immigration^Note  . Le maintien des travailleurs âgés en emploi au Canada pourrait donc avoir un impact non-négligeable sur l’avenir du taux global d’activité.

Le vieillissement de la population active est en voie de s’arrêter avec la fin des départs à la retraite des baby-boomers

Au cours des dernières décennies, la population active du Canada a vieilli au fur et à mesure que les cohortes nombreuses du baby-boom ont progressé vers les âges plus avancés. Il est possible de constater l’effet de ce vieillissement en analysant la part des personnes de 55 ans et plus au sein de la population active (graphique 3).

On note qu’entre 2001 et 2021, cette proportion a doublé en raison de l’arrivée en grand nombre des baby-boomers à l’âge de 55 ans, âge où le taux d’activité commence à baisser. En deux décennies, la proportion est passée de 10,9 % à 22,4 %. Par ailleurs, les données observées témoignent pour la première fois d’une diminution de cette proportion entre 2021 et 2023, celle-ci passant de 22,4 % à 21,8 %.

Les projections montrent que la proportion des personnes âgées de 55 ans et plus se stabiliserait car les derniers baby-boomers atteindront l’âge de 55 ans au tournant des années 2020. Selon le scénario de référence, la proportion de 55 ans et plus au sein de la population active demeurerait sous la barre de 22,0 % jusqu’en 2036 et n’atteindrait que 23,1 % en 2041.

La faible tendance à la hausse à partir du milieu des années 2030 est essentiellement déterminée par l’hypothèse de référence portant sur l’évolution future des taux d’activité par âge qui suppose une augmentation notable de l’activité sur le marché du travail des travailleurs plus âgés (voir le graphique 6 de l’encadré « Sources des données, méthodes et définitions »). Ce faisant, la part de personnes âgées de 55 ans et plus au sein de la population active projetée s’en trouve quelque peu augmentée.

L’essentiel de la transition vers une population active plus âgée est déjà bien avancé et la proportion que représentent les personnes de 55 ans et plus au sein de la population active devrait en conséquence être plus stable au cours des prochaines années.

On note peu de différence entre les résultats obtenus via le scénario de référence et ceux obtenus dans le cadre des scénarios faisant varier le nombre d’immigrants admis annuellement au pays à 250 000 et à 750 000. Cela indique que les apports migratoires futurs ne permettraient pas de rajeunir significativement la population active canadienne. Cela s’explique par le fait que l’âge moyen auquel les immigrants joignent la population active canadienne est plus élevé que celui des Canadiens nés au pays.

Par ailleurs, on remarque que les deux scénarios qui utilisent une hypothèse alternative quant à la progression future des taux d’activité selon l’âge fournissent une plus large fourchette de proportions. En effet, en maintenant constants les taux par âge – dont ceux des travailleurs plus âgés – la proportion de personnes de 55 ans et plus au sein de la population active atteindrait 21,5 % en 2041. À l’inverse, en supposant une augmentation importante de l’activité sur le marché du travail, notamment chez les travailleurs âgés de 55 ans et plus, comme c’est le cas au Japon, la part des personnes âgées de 55 ans et plus au sein de la population active atteindrait 28,8 % en 2041.

Les niveaux d’immigration futurs influencent la taille et la composition ethnoculturelle de la population active mais assez peu sa structure vieillissante

Depuis les années 1970, le rapport entre le nombre d’entrants et de sortants potentiels de la population active n’a fait que décliner. À la fin des années 1990, on comptait 4 fois plus de personnes âgées de 15 à 29 ans dans la population canadienne – le bassin d’entrants potentiels dans la population active – que de personnes dans la population active âgées de 55 ans et plus (les sortants potentiels), ce qui alimentait la croissance de la population active. En 2021, ce rapport avait diminué à moins de 2 entrants par sortant (graphique 4). Parmi les principaux facteurs expliquant cette baisse, il y a bien sûr l’arrivée en grand nombre des baby-boomers à l’âge de 55 ans, puis la hausse constante des taux d’activité parmi la population âgée de 55 ans et plus (en particulier chez les femmes). Par ailleurs, la faible fécondité observée depuis les dernières décennies se répercute également sur le nombre de personnes en âge d’entrer dans la population active.

Selon les résultats des projections, le rapport entre le nombre d’entrants et de sortants déclinerait légèrement au cours des prochaines années et bien qu’il y aurait un peu plus de jeunes susceptibles de faire leur entrée sur le marché du travail que de personnes susceptibles de le quitter, la croissance de la population active serait peu alimentée par le remplacement des cohortes. Les résultats révèlent également que les bouleversements observés dans la structure par âge de la population active au cours des 25 dernières années, en raison de l’arrivée à 55 ans de l’ensemble des baby-boomers, tireraient à leur fin et qu’un nouvel équilibre serait atteint.

On remarque, par ailleurs, que ce rapport semble être peu influencé par le niveau d’immigration (faible, moyen, fort). Ainsi, une immigration plus ou moins forte n’a pas pour conséquence de faire augmenter ou diminuer le rapport entre le nombre d’entrants et de sortants potentiels de la population active. Cela signifie que l’immigration n’est pas un levier important pouvant influencer la croissance de la population active sur la base du renouvellement des cohortes comme cela était le cas par le passé, où le rapport entre le nombre d’entrants et de sortants était beaucoup plus élevé. Seule une hausse importante et soutenue de la fécondité permettrait cela. En fait, les immigrants viennent gonfler les rangs de la population active canadienne en s’y joignant dans la force de l’âge. Ils participent donc au renouvellement de la population active, ce qui transforme davantage sa composition ethnoculturelle que sa structure par âge surtout si les apports migratoires annuels sont constants dans le temps.

Forte hausse projetée des personnes nées à l’étranger

La part des personnes nées à l’étranger au sein de la population active canadienne n’a cessé d’augmenter depuis 2001. Le fait que l’accroissement migratoire international soit le principal facteur d’accroissement de la population canadienne explique cette tendance.

En 2023, la proportion de personnes nées à l’étranger au sein de la population active canadienne était de 32,1 %, ce qui représente tout près de trois personnes faisant partie de la population active sur 10. Le graphique 5 montre que l’évolution de cette proportion est fortement influencée par le nombre d’immigrants et de résidents non-permanents qui seraient admis au Canada dans les prochaines années.

Ainsi, en admettant 500 000 immigrants permanents par année d’ici 2041, la part des personnes nées à l’étranger au sein de la population active augmenterait constamment pour atteindre 43,8 % en 2041. Cette même proportion atteindrait 37,4 % si 250 000 immigrants permanents étaient admis, et 49,0 % si 750 000 immigrants permanents étaient admis annuellement. À l’inverse un arrêt complet de l’immigration temporaire et permanente dès 2024 aurait pour conséquence que la proportion de personnes nées à l’étranger diminuerait lentement d’ici 2041 pour atteindre 29,2 % en fin de projection, soit tout près du niveau observé au Recensement de 2021.

Les projections varient considérablement d’une province à l’autre

La dynamique démographique canadienne est le résultat de la somme de situations relativement contrastées d’une province à l’autre. Déjà, les données observées en 2023 montrent des différences importantes dans les taux globaux d’activité selon le lieu de résidence. En général, les provinces de l’est du pays, plus âgées et recevant proportionnellement moins d’immigrants, ont un taux d’activité inférieur à la moyenne canadienne, alors que les provinces de l’ouest, relativement plus jeunes et recevant plus d’immigrants, présentent un taux global d’activité plus élevé que la moyenne canadienne.

Les résultats des projections à l’échelon national masquent aussi des différences importantes entre les provinces et territoires qui composent le Canada. Par exemple, bien qu’on observe une croissance de la taille de la population active canadienne, entre 2023 et 2041, dans chacun des scénarios, on observe aussi une décroissance de la population active dans trois provinces, selon le scénario de référence, soit à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick (tableau 1).

Malgré l’augmentation globale du nombre de personnes au sein de la population active, on observe une décroissance du taux global d’activité dans toutes les régions à l’exception de la Saskatchewan où le taux projeté en 2041 est le même qu’en 2023. Les baisses observées sont moins importantes au niveau national, mais plus marquées dans certaines régions, notamment dans les Provinces de l’Atlantique.

Toujours selon le scénario de référence, toutes les provinces et territoires verraient leur rapport entre le nombre d’entrants (jeunes âgés entre 15 et 29 ans) et de sortants (personnes dans la population active âgées de 55 ans et plus) potentiels de la population active décroître entre 2023 et 2041. En 2041, ce rapport serait plus élevé que la moyenne canadienne au Manitoba, dans les territoires et en Ontario. Le Québec se distingue des autres régions canadiennes car la décroissance projetée de cet indicateur est la plus faible.

Sous l’effet du vieillissement de la population et de la hausse projetée des taux d’activité des personnes âgées de 55 ans et plus, il y aurait une hausse du pourcentage de personnes âgées de 55 ans et plus au sein de la population active dans toutes les provinces ainsi que dans les territoires. Cette hausse serait toutefois plus modeste que le vieillissement survenu au cours des 25 dernières années.

Parallèlement, les projections montrent une augmentation de la proportion d’immigrants au sein de la population active dans toutes les provinces ainsi que dans les territoires. Ce résultat découle de l’importance accrue de l’immigration dans l’accroissement de la population canadienne.

Conclusion

Dans la présente étude, on illustre, à l’aide de plusieurs scénarios démographiques ce que pourrait être l’évolution de la population active du Canada au cours de la période allant de 2023 à 2041. Plusieurs constats se dégagent des résultats de cet exercice de projections.

D’une part, la taille de la population active canadienne devrait vraisemblablement augmenter au cours des prochaines années grâce à l’accroissement migratoire et ce, malgré le départ à la retraite des cohortes de baby-boomers. Les scénarios montrent que la taille de la population active est sensible à la fois aux niveaux d’immigration mais surtout au taux d’activité de la population canadienne. Si l’activité sur le marché du travail au Canada atteignait en 2041 l’intensité de celle du Japon, la taille de la population active canadienne augmenterait de façon similaire au scénario où on admet 750 000 immigrants permanents annuellement. L’augmentation du taux global d’activité serait par ailleurs cinq fois plus élevée dans le scénario où les taux d’activité au Canada convergent vers les taux observés actuellement au Japon que l’augmentation observée dans le scénario où le Canada accueille 750 000 immigrants annuellement. Le scénario où les taux d’activité convergent vers les taux observés au Japon, bien que peu probable étant donné les différences importantes qui existent entre la société canadienne et japonaise, illustre néanmoins l’impact potentiel que pourrait avoir une hausse du taux d’activité de la population canadienne sur la croissance et le poids démographique de la population active.

La forte croissance démographique que connaît le Canada en raison de ses apports migratoires importants comporte son lot d’opportunités et de défis. Certes, elle permet de faire croître la taille de la population active mais exerce un impact limité sur le taux global d’activité et sur le processus du vieillissement et du renouvellement de la population active. Au-delà des impacts purement démographiques, les apports migratoires exercent également des pressions sur l’offre de logements, la construction d’infrastructure ainsi que sur la prestation de services à la population, tout en répondant à des demandes de travail non comblées dans certains secteurs d’emploi.

Les résultats de cet exercice de projections démographiques montrent que l’immigration n’est pas le seul levier qui permet d’influer sur l’évolution de la population active canadienne. En effet, les projections montrent une stabilisation de divers processus au tournant des années 2030, soit au moment où les derniers baby-boomers atteindront l’âge de 65 ans. Par ailleurs, les projections démontrent que le vieillissement (ou le rajeunissement) de la population active de demain ne serait pas significativement influencé par les niveaux d’immigration, si ceux-ci devaient demeurer relativement constants à travers le temps.

Une hausse de l’activité de la population canadienne en âge de travailler contribuerait également à soutenir le taux global d’activité du Canada. Déjà, on remarque que les taux d’activité des adultes âgés de 55 ans et plus s’est accru significativement au cours des deux dernières décennies, surtout chez les femmes. La poursuite de ces tendances à la hausse quant au taux d’activité des personnes plus âgées pourraient avoir un impact important sur la taille, la composition et le poids démographique de la population active, mais aussi sur les besoins des travailleurs âgés en matière d’aide à l’emploi, de flexibilité du marché du travail et de perfectionnement des compétences.

Samuel Vézina et Jean-Dominique Morency sont tous deux analystes seniors au sein de l’équipe Demosim de projections par microsimulation du Centre de démographie, et dont le chef est François Pelletier. Laurent Martel est le directeur du Centre de démographie de Statistique Canada.