Regards sur la société canadienne
Quel est le lien entre le travail à domicile et les langues utilisées au travail?
Aperçu de l’étude
À l’aide des données du Recensement de 2021, le présent article examine les liens qui existent entre le travail à domicile et les langues utilisées au travail. L’article se concentre sur trois cas d’étude, soit les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Moncton, de Montréal et d’Ottawa-Gatineau, trois régions où l’on retrouve un usage important à la fois de l’anglais et du français au travail.
- En 2021, dans les RMR de Moncton, Montréal et Ottawa-Gatineau, les personnes qui travaillent à domicile étaient dans l’ensemble plus susceptibles que les autres travailleurs d’utiliser l’anglais comme langue principale au travail. Elles étaient également plus susceptibles d’utiliser à la fois le français et l’anglais sur une base régulière.
- Les personnes travaillant à domicile diffèrent des autres travailleurs de plusieurs façons. Elles sont notamment plus susceptibles de travailler dans certaines industries et professions, où l’usage principal de l’anglais et l’usage conjoint du français et de l’anglais sont plus fréquents (par exemple, les secteurs des services professionnels, scientifiques et techniques, de la finance et des assurances, ou encore l’industrie de l’information).
- Les différences en termes de caractéristiques des emplois (industrie, profession, etc.) et de caractéristiques linguistiques des travailleurs, expliquent en grande partie les différences observées en ce qui concerne l’usage des langues selon le type de lieu de travail (i.e., à domicile ou ailleurs).
- Cependant, la prise en compte de ces facteurs ne permet pas d’expliquer entièrement le fait que les personnes travaillant à domicile à Moncton, Montréal et Ottawa-Gatineau utilisent plus souvent l’anglais comme langue principale au travail, comparativement aux autres travailleurs.
Introduction
Au cours de la pandémie de COVID-19, en raison des mesures de santé publique en vigueur, la proportion de personnes qui travaillaient habituellement à domicile a fortement augmenté. En effet, près d’un travailleur canadien sur 4 (24,3 %) travaillaient à domicile lors du Recensement de 2021, comparativement à moins d’un travailleur sur 10 (7,4 %) au moment du Recensement de 2016 (graphique A.1 en annexe).
Le taux de travail à domicile a reculé légèrement depuis, mais demeure encore bien au-delà des niveaux prépandémiques. Les données de l’Enquête sur la population active indiquent que 20,1 % des travailleurs travaillaient habituellement à domicile au printemps 2023Note .
La notion de travail à domicile englobe une diversité de situations. Elle comprend notamment le télétravail, c’est-à-dire le travail à distance qui repose sur le recours à des technologies de l’information et de la communication. Elle inclut aussi différentes formes de travail autonome, de même que les personnes travaillant dans un commerce ou une exploitation agricole dont l’adresse est la même que celle de leur domicile. Cela dit, la croissance du travail à domicile dans le contexte pandémique est d’abord et avant tout attribuable à une hausse du télétravail.
La réalité des personnes qui travaillent à domicile diffère de celle des autres travailleurs. Le passage au télétravail, entraîné par la pandémie, a donc modifié l’expérience de travail quotidienne de millions de personnes au Canada. Cependant, les effets du travail à domicile sur les différents aspects du travail demeurent méconnus. C’est notamment le cas en ce qui concerne les langues utilisées au travail. Pour le moment, le lien entre travail à domicile et langues de travail n’a fait l’objet d’aucune étude au Canada.
Comparativement au travail en présentiel, le télétravail affecte la fréquence et les modalités de communication avec les collègues ou les clients. On peut donc se demander si ces changements en ce qui a trait aux communications ont des répercussions sur les langues utilisées au travail. De plus, des études ont montré que l’usage des langues au travail, en milieu multilingue, dépend d’un ensemble d’éléments relatifs à la nature des tâches et à l’environnement de travailNote . On peut ainsi supposer que le télétravail constitue un environnement de travail suffisamment différent du travail en présentiel pour avoir un impact sur l’usage des langues.
Le télétravail permet aussi des situations d’emploi à longue distance, où une personne travaille pour un employeur qui se trouve dans un autre pays, une autre province, ou simplement plus loin au sein de la même provinceNote . Selon l’Enquête sur la population active, en juin 2022, environ 1 employé travaillant à domicile sur 5 travaillaient pour le compte d’un employeur qui était situé à l’extérieur de leur région de résidence, c’est-à-dire dans une région où ils ne pouvaient pas se rendre sur une base quotidienneNote . Cela pourrait en l’occurrence avoir des répercussions sur les langues utilisées au travail par ces travailleurs. Par exemple, on peut présumer qu’une personne résidant à Montréal mais travaillant pour un employeur basé en Ontario ou aux États-Unis aurait plus de chances de travailler en anglais que ses homologues travaillant localement en présentiel.
L’usage des langues pourrait ainsi varier selon le type de lieu de travail, et cela semble être corroboré par les données qui montrent que dans la région métropolitaine de recensement de Montréal, les personnes travaillant à domicile (32,8 %) étaient deux fois plus susceptibles d’utiliser principalement l’anglais au travail que celles ne travaillant pas à domicile (16,8 %).
Néanmoins, cela ne signifie pas que le travail à domicile ait en soi un effet sur l’usage des langues. En effet, les personnes travaillant à domicile se distinguent des autres travailleurs sur le plan des caractéristiques linguistiques et socioprofessionnelles. On les retrouve notamment en plus grande proportion dans certaines industries et professions où l’usage de l’anglais et l’usage conjoint du français et de l’anglais sont plus fréquents.
À l’aide des données du Recensement de 2021, le présent article examine les liens qui existent entre le travail à domicile et les langues utilisées au travail. L’article se concentre sur trois cas d’étude, soit les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Moncton, de Montréal et d’Ottawa-Gatineau. Ces régions ont été choisies car on y retrouve un usage important à la fois de l’anglais et du français au travail (voir encadré « Sources des données, méthodes et définitions » pour plus de détails).
Les langues utilisées par les travailleurs varient selon le type de lieu de travail
En 2021, les personnes qui travaillaient à domicile (81,7 %) au Canada utilisaient un peu plus souvent l’anglais comme langue de travail principale que les autres travailleurs (75,6 %) (tableau 1). Elles utilisaient aussi plus souvent une combinaison de français et d’anglais sur une base régulière au travail (peu importe la langue utilisée le plus souvent). Ce constat valait tant pour le Canada dans son ensemble que pour les RMR de Moncton, Montréal et Ottawa-Gatineau, bien que dans des mesures différentes dans chacune de ces régions.
À Montréal, parmi les personnes travaillant à domicile, 56,3 % utilisaient principalement le français au travail, comparativement à 74,8 % des autres travailleurs. Parallèlement, 32,8 % des travailleurs à domicile utilisaient principalement l’anglais contre 16,8 % des autres travailleurs. De plus, une plus grande proportion de travailleurs à domicile utilisaient à la fois le français et l’anglais sur une base régulière au travail (47,7 % contre 35,0 % des autres travailleurs). En somme, l’utilisation de l’anglais comme langue principale au travail était nettement plus fréquente parmi les personnes travaillant à domicile que parmi le reste des travailleurs, tout comme l’usage d’une combinaison de français et d’anglais.
Les constats étaient similaires pour Ottawa-Gatineau, où 10,0 % des personnes travaillant à domicile utilisaient principalement le français au travail (contre 22,1 % des autres travailleurs), 84,5 % utilisaient principalement l’anglais (contre 73,3 %) et 31,1 % utilisaient à la fois le français et l’anglais sur une base régulière (contre 23,4 %).
Ces tendances étaient un peu moins marquées à Moncton, bien qu’elles aillent généralement dans la même direction : 14,1 % des personnes travaillant à domicile utilisaient principalement le français au travail (contre 16,5 % des autres travailleurs), 77,9 % utilisaient principalement l’anglais (soit la même proportion que les autres travailleurs), et 31,8 % utilisaient à la fois le français et l’anglais sur une base régulière (contre 27,0 % des autres travailleurs)Note .
Langue utilisée au travail | Canada | Moncton | Montréal | Ottawa-Gatineau | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Travail à domicile | Autres lieux de travail | Travail à domicile | Autres lieux de travail | Travail à domicile | Autres lieux de travail | Travail à domicile | Autres lieux de travail | |
pourcentage | ||||||||
Français | ||||||||
principalement | 14,9 | 21,6 | 14,1 | 16,5 | 56,3 | 74,8 | 10,0 | 22,1 |
régulièrement | 22,4 | 25,4 | 39,3 | 36,2 | 82,6 | 90,5 | 36,4 | 38,1 |
Anglais | ||||||||
principalement | 81,7 | 75,6 | 77,9 | 77,9 | 32,8 | 16,8 | 84,5 | 73,3 |
régulièrement | 89,0 | 81,7 | 92,3 | 90,7 | 64,8 | 44,1 | 94,6 | 85,1 |
Anglais et français | ||||||||
à égalité le plus souvent | 2,3 | 1,5 | 7,8 | 5,5 | 10,3 | 7,6 | 5,1 | 4,1 |
régulièrement | 12,1 | 7,8 | 31,8 | 27,0 | 47,7 | 35,0 | 31,1 | 23,4 |
Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
Le travail à domicile varie en fonction des caractéristiques des emplois ainsi que des caractéristiques linguistiques des travailleurs
Les personnes travaillant à domicile se distinguaient de diverses manières des autres travailleurs, ce qui pourrait expliquer leurs pratiques linguistiques différentes au travail. D’abord, les personnes travaillant à domicile se concentrent dans certaines professions et secteurs d’industrie où ce genre d’aménagement de travail est possible. À titre d’illustration, en 2021, plus de la moitié des personnes travaillant dans l’industrie des services professionnels, scientifiques et techniques (57,8 %), dans la finance et les assurances (57,7 %), ainsi que dans l’industrie de l'information et l’industrie culturelle (54,9 %), travaillaient à domicile (graphique 1). À l’inverse, c’était le cas d’environ 1 personne sur 10 dans les secteurs du transport et de l’entreposage (10,6 %), de la construction (9,7 %), du commerce de détail (9,2 %) et de seulement 1 personne sur 20 dans le secteur des services d’hébergement et de restauration (5,3 %).
Tableau de données du graphique 1
Principal secteur d'industrie | 2021 |
---|---|
pourcentage | |
Total | 24,3 |
Services d'hébergement et de restauration | 5,3 |
Commerce de détail | 9,2 |
Construction | 9,7 |
Transport et entreposage | 10,6 |
Soins de santé et assistance sociale | 11,9 |
Fabrication | 12,0 |
Extraction minière, exploitation en carrière, et extraction de pétrole et de gaz | 17,8 |
Autres services | 23,0 |
Commerce de gros | 26,1 |
Services d'enseignement | 30,4 |
Services publics | 32,4 |
Arts, spectacles et loisirs | 33,6 |
Administrations publiques | 38,3 |
Services immobiliers et services de location et de location à bail | 39,2 |
Agriculture, foresterie, pêche et chasse | 41,3 |
Industrie de l'information et industrie culturelle | 54,9 |
Finance et assurances | 57,7 |
Services professionnels, scientifiques et techniques | 57,8 |
Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
L’usage des langues au travail varie fortement en fonction de la profession et du secteur d’industrie (tableau A.1 en annexe). À titre d’exemple, dans la RMR de Montréal en 2021, 34 % des travailleurs du secteur des services professionnels, scientifiques et techniques et 32 % de ceux de l’industrie de l’information travaillaient principalement en anglais, contre 10 % de ceux dans la construction et 13 % de ceux œuvrant dans les soins de santé et l’assistance sociale. Par conséquent, se pourrait-il que les différences entre les pratiques linguistiques des personnes qui travaillent à domicile et des autres travailleurs dépendent des caractéristiques de leurs emplois?
Un questionnement similaire peut être soulevé à propos des autres caractéristiques linguistiques des travailleurs (connaissances linguistiques, langues parlées à la maison, etc.), elles aussi liées à leur usage des langues au travail. À titre d’exemple, dans la RMR de Montréal en 2021 (tableau 2), le taux de travail à domicile était plus élevé parmi les travailleurs qui étaient bilingues français-anglais (30,5 %) ou qui connaissaient l’anglais, mais pas le français (28,7 %) que parmi les travailleurs connaissant le français, mais pas l’anglais (11,9%). Au-delà de la connaissance des langues, on observait aussi des différences selon les langues parlées à la maison : chez les travailleurs unilingues, les travailleurs qui connaissaient l’anglais et parlaient anglais le plus souvent à la maisonNote (34,6 %) étaient nettement plus susceptibles de travailler à domicile que ceux qui connaissaient le français et parlaient plus souvent en français à la maison (12,3 %). Parmi les travailleurs bilingues, ceux parlant anglais le plus souvent à la maison travaillaient plus souvent à domicile (35,5 %) que ceux parlant plus souvent en français (29,4 %) ou une autre langue (26,4 %).
Connaissance du français et de l'anglais | Langue parlée le plus souvent à la maison (réponses uniques) | Total | ||
---|---|---|---|---|
Anglais | Français | Autre | ||
pourcentage | ||||
Anglais seulement | 34,6 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 22,6 | 28,7 |
Français seulement | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 12,3 | 9,2 | 11,9 |
Français et anglais | 35,5 | 29,4 | 26,4 | 30,5 |
... n'ayant pas lieu de figurer Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
Ces différences en termes de caractéristiques linguistiques peuvent elles-mêmes être liées à d’autres facteurs. Par exemple, les travailleurs bilingues tendent à être plus concentrés dans certaines professions et industries au sein desquelles les possibilités de télétravail sont plus fréquentes (par exemple, les services professionnels, scientifiques et techniques, la finance et les assurances, les administrations publiques, etc.). Il existe par ailleurs des différences en ce qui a trait à la répartition spatiale des groupes linguistiques au sein des régions métropolitainesNote . Ces différences peuvent se traduire par des rapports différents vis-à-vis du navettage, et par extension, par rapport au télétravail : le télétravail serait en principe plus avantageux quand les durées de navettage sont longues.
Par ailleurs, il est aussi possible que les compétences linguistiques jouent directement un rôle dans les probabilités de faire du télétravail, en particulier en ce qui concerne le fait de travailler pour un employeur situé hors de sa région de résidence. Par exemple, pour un résident de la RMR de Montréal, le fait de maîtriser l’anglais pourrait ouvrir des opportunités de travail à distance pour des employeurs situés dans d’autres provinces, voir d’autres pays. De plus, le fait d’avoir des compétences limitées en français pourrait nuire à l’insertion sur le marché du travail local, et rendre le travail à distance comparativement plus attrayant.
Les caractéristiques professionnelles et linguistiques ne permettent pas d’expliquer entièrement le fait que les personnes travaillant à domicile utilisent plus souvent l’anglais comme langue principale au travail
On a fait appel à des modèles de régression afin de contrôler pour les différences qui pourraient exister entre les travailleurs à domicile et les autres travailleurs, d’abord en ce qui a trait aux caractéristiques des emplois qu’ils occupent, puis à leurs caractéristiques linguistiques, et finalement par rapport à diverses autres caractéristiques sociodémographiques (pour plus de détails, voir l’encadré « Sources de données, méthodes et définitions »). Une analyse réalisée avec les données du Recensement de 2016 a donné des résultats généralement cohérents avec ceux obtenus pour 2021Note .
Les graphiques 2 à 4 présentent pour chaque RMR les taux « non ajustés » d’utilisation des langues selon le type de lieu de travail, ainsi qu’une série de taux ajustés obtenus en contrôlant pour différentes caractéristiques individuelles. Le graphique A.2 en annexe présente quant à lui les résultats pour le Canada dans son ensemble.
À Montréal, en 2021, une plus faible proportion de personnes travaillant à domicile (56,3 %) utilisaient principalement le français au travail que celles travaillant habituellement dans un autre lieu (74,8 %) (graphique 2). Lorsqu’on tenait compte d’un ensemble de caractéristiques liées à l’emploi (secteur d’industrie, catégorie professionnelle, catégorie de travailleur et nombre d’heures travaillées par semaine), la proportion de personnes utilisant principalement le français au travail passait à 63,2 % chez les personnes travaillant à domicile, et à 72,7 % parmi les autres travailleurs. Ces taux ajustés correspondent à ce qu’on pourrait s’attendre à observer si ces deux groupes de travailleurs ne différaient pas en ce qui a trait aux caractéristiques incluses dans le modèle. Autrement dit, à Montréal, les différences relatives aux caractéristiques des emplois permettaient d’expliquer presque la moitié de l’écart relatif à l’usage du français comme langue principale au travail entre les travailleurs à domicile et le reste des travailleurs, l’écart passant de 18,5 points de pourcentage à 9,5 points lorsqu’on tenait compte de ces caractéristiques. Le secteur d’industrie et la profession expliquaient la majeure partie de cette diminution, la prise en compte de la catégorie de travailleur (c’est-à-dire le fait d’être un employé, un travailleur autonome, etc.) et du nombre d’heures travaillées ayant peu d’incidence sur les résultats.
Lorsqu’on tenait compte à la fois des différences en termes des emplois et des caractéristiques linguistiques (connaissance des langues officielles, la langue maternelle et la langue parlée le plus souvent à la maison), l’écart relatif à l’usage du français comme langue principale au travail entre les travailleurs à domicile et le reste des travailleurs se resserrait davantage (différence de 5,3 points de pourcentage). Il n’y avait toutefois pratiquement pas d’effet supplémentaire sur l’écart (différence de 4,9 points de pourcentage) lorsqu’on tenait compte de certaines caractéristiques sociodémographiques, telles que l’âge, le genre, le statut et période d’immigration, le niveau de scolarité, la mobilité résidentielle au cours de la dernière année, et la municipalité de résidence.
En somme, le fait de tenir compte de certaines caractéristiques des travailleurs permet d’expliquer une grande part de l’écart observé entre les personnes travaillant à domicile et les autres travailleurs dans l’utilisation principale du français à Montréal. Toutefois, cela ne permet pas d’entièrement expliquer les écarts observés.
Le portrait était très similaire en ce qui concerne l’utilisation de l’anglais comme langue principale au travail à Montréal : les différences au chapitre de l’emploi, et dans une moindre mesure, les caractéristiques linguistiques, expliquent en partie l’écart observé selon le lieu de travail, mais un écart persiste. En ce qui concerne le bilinguisme français-anglais (utilisation des deux langues sur une base régulière au travail), il n’y avait plus d’écart entre les deux groupes de travailleurs lorsqu’on tenait compte de l’ensemble des caractéristiques. Ce sont les caractéristiques des emplois qui suffisent à expliquer la plus grande part de l’écart.
Tableau de données du graphique 2
Travail à domicile | Autres lieux de travail | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Français principalement | ||
Taux non ajusté | 56,3 | 74,8 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 63,2 | 72,7 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 66,4 | 71,7 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 66,7 | 71,6 |
Français et anglais régulièrement | ||
Taux non ajusté | 47,7 | 35,0 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 40,8 | 37,3 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 38,6 | 38,1 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 38,1 | 38,3 |
Note : Pour plus de détails sur la méthode d'ajustement des taux, consulter l'encadré « Sources de données, méthodes et définitions ». Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
Pour Ottawa-Gatineau (graphique 3), les résultats étaient similaires à ceux obtenus pour Montréal. Les écarts en ce qui a trait à l’utilisation du français et de l’anglais comme langue principale de travail étaient en grande partie expliqués par les différences entre les deux groupes de travailleurs. Toutefois, des écarts demeuraient, bien que ceux-ci soient moins importants que ceux constatés dans le cas de Montréal. La plus forte propension des personnes travaillant à domicile à utiliser à la fois le français et l’anglais sur une base régulière était quant à elle entièrement expliquée par les caractéristiques des emplois occupés.
Tableau de données du graphique 3
Travail à domicile | Autres lieux de travail | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Français principalement | ||
Taux non ajusté | 10,0 | 22,1 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 12,8 | 19,4 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 16,1 | 17,9 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 16,5 | 17,7 |
Français et anglais régulièrement | ||
Taux non ajusté | 31,2 | 23,4 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 26,5 | 26,4 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 26,9 | 26,2 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 26,7 | 26,3 |
Note : Pour plus de détails sur la méthode d'ajustement des taux, consulter l'encadré « Sources de données, méthodes et définitions ». Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
Dans la région de Moncton (graphique 4), où les écarts relatifs à l’usage des langues en fonction du lieu de travail étaient, à la base, moins marqués qu’à Montréal ou à Ottawa-Gatineau, la situation était quelque peu différente. La propension légèrement plus faible des personnes travaillant à domicile à utiliser le français comme langue principale au travail étaient essentiellement expliquée par les caractéristiques des emplois occupés, les caractéristiques linguistiques et sociodémographiques n’ayant peu ou pas d’incidence. Par ailleurs, bien que le taux non ajusté de bilinguisme français-anglais soit plus élevé parmi les travailleurs à domicile (31,8 %) que parmi les autres travailleurs (27,0 %), cette situation se renversait lorsqu’on tenait compte des différences entre les deux groupes de travailleurs. Le taux ajusté de bilinguisme était en effet légèrement plus élevé parmi les personnes ne travaillant pas à domicile (28,4 %) que parmi celles travaillant à domicile (26,6 %) lorsqu’on tenait compte des caractéristiques des emplois; l’écart entre les deux groupes s’agrandissait légèrement lorsqu’on tenait compte des caractéristiques linguistiques.
Tableau de données du graphique 4
Travail à domicile | Autres lieux de travail | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Français principalement | ||
Taux non ajusté | 14,1 | 16,5 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 15,4 | 16,1 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 15,3 | 16,2 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 15,2 | 16,2 |
Français et anglais régulièrement | ||
Taux non ajusté | 31,8 | 27,0 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 26,6 | 28,4 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 26,3 | 28,5 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 26,3 | 28,5 |
Note : Pour plus de détails sur la méthode d'ajustement des taux, consulter l'encadré « Sources de données, méthodes et définitions ». Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
Conclusion
En 2021, on constatait certaines différences en ce qui a trait l’usage des langues au travail entre les personnes travaillant à domicile et les autres travailleurs œuvrant dans les principales régions métropolitaines canadiennes où le français et l’anglais coexistent sur le marché du travail. Les personnes travaillant à domicile tendaient à utiliser plus souvent l’anglais comme langue principale au travail, ainsi qu’à utiliser plus souvent à la fois le français et l’anglais sur une base régulière. Ces tendances étaient très marquées à Montréal et à Ottawa-Gatineau, mais l’étaient un peu moins à Moncton.
En ce qui concerne l'utilisation conjointe du français et de l'anglais sur une base régulière au travail, les écarts observés selon le type de lieu de travail s’expliquent essentiellement, sinon totalement, par des différences relatives aux caractéristiques des emplois occupés par les personnes travaillant à domicile et celles travaillant ailleurs. Les écarts concernant l'usage principal du français ou de l’anglais s’expliquent quant à eux en grande partie par des différences sur le plan des caractéristiques des emplois, mais aussi des caractéristiques linguistiques des individus. Cependant, des écarts subsistent, en particulier à Montréal. Cela signifie que d’autres facteurs, non pris en compte dans cette étude, devraient aussi être évoqués afin d'expliquer pourquoi les personnes travaillant à domicile utilisent plus souvent l’anglais comme langue principale au travail que les autres travailleurs.
Pour expliquer les écarts qui subsistent quant à l’usage des langues au travail selon le type de lieu de travail, deux principales hypothèses, possiblement complémentaires, peuvent être mises de l’avant. La première hypothèse serait que télétravail se distinguerait du travail en présentiel par les modalités de la communication au travail. La communication en distanciel (avec les collègues, clients, partenaires, etc.) étant de nature différente de la communication en présentiel (médiation technologiqueNote , moins de discussions informelles, etc.), cela aurait un impact sur l’usage des langues au travail dans certaines situations. Cependant, il resterait à expliquer en quoi ces différences auraient, par exemple, pour effet de favoriser l’usage principal de l’anglais plutôt que du français. Les changements dans les aménagements de travail associés au contexte pandémique pourraient également avoir provoqué des changements dans les taux d’utilisation des langues au travail.
Une deuxième hypothèse serait qu’il existerait plutôt des différences relatives aux employeurs des personnes travaillant à domicile. En particulier, une partie des personnes travaillant à domicile télétravailleraient pour des organisations basées dans une autre région ou un autre pays, voir pour des organisations fonctionnant entièrement en réseau. Il est vraisemblable que ces travailleurs seraient plus susceptibles de travailler principalement en anglais que leurs homologues travaillant pour des employeurs basés « physiquement » dans les grandes villes à forte présence francophone, et ce en particulier à Montréal. Dans de futures études, des données permettant de mieux caractériser les employeurs pour lesquels les personnes travaillent pourraient être utilisées pour tester cette hypothèse.
Les tendances futures relatives au travail à domicile sont difficiles à prédire. Dans tous les cas, il sera important de pouvoir distinguer différentes modalités de travail à domicile : télétravail, aménagements de travail hybrides (dans lesquels les travailleurs partagent leur temps entre travail en présentiel et en distanciel), travail autonome, travail à longue distance pour un employeur situé dans une autre région, etc. Il s’agira de suivre l’évolution de ces différentes situations et de mieux comprendre leurs implications quant à diverses facettes de la réalité des travailleurs, dont l’usage des langues au travail. Par ailleurs, les liens entre le travail à domicile et d’autres dimensions linguistiques – telles que les langues parlées à la maison, ou encore la distribution spatiale et la mobilité des groupes linguistiques – mériteraient d’être étudiés.
Louis Cornelissen est analyste au Centre de démographie à Statistique Canada.
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Sources de données, méthodes et définitions
Les données proviennent du Recensement de la population canadien de 2021. Pour plus d’informations et de données issues du Recensement de 2021, consultez le site web du recensement de la population.
Population
Les statistiques présentées ici portent sur les personnes de 15 ans et plus ayant occupé un emploi au cours de la semaine de référence du recensement, soit la semaine du 2 au 8 mai 2021.
Les statistiques concernant les régions métropolitaines de recensement (RMR) concernent les travailleurs qui y résident. Les personnes peuvent avoir un lieu habituel de travail qui se situe en dehors de leur RMR de résidence.
Travail à domicile
Les personnes travaillant habituellement à domicile sont celles dont le lieu habituel de travail et la résidence se trouvaient dans le même immeuble, celles qui habitaient la ferme où elles travaillaient et les télétravailleurs qui travaillaient à domicile pendant la plus grande partie de leur semaine de travail.
Dans le cas d’aménagements de travail hybrides, où le temps de travail est partagé entre le domicile et un autre lieu, les répondants au recensement devraient avoir indiqué uniquement le lieu où ils travaillaient la plus grande partie du temps. Le fait de ne pas pouvoir départager différents lieux de travail pour une même personne constitue une limite des données et de l’analyse.
Langues utilisées au travail
La question du Recensement de 2021 portant sur les langues de travail comportait deux volets. Le premier volet concerne la ou les langues utilisées régulièrement au travail. S’il y a lieu, le second volet demande de préciser, parmi les langues mentionnées au premier volet, laquelle de ces langues était utilisée le plus souvent. Pour les deux volets, des réponses multiples étaient possibles.
Les personnes utilisant une langue régulièrement (ou sur une base régulière) sont toutes celles ayant déclaré utiliser cette langue régulièrement, même si elles ne l’utilisaient pas le plus souvent.
En ce qui concerne spécifiquement le français et l’anglais, les personnes utilisant principalement une langue sont celles qui utilisaient une seule de ces deux langues le plus souvent au travail. Cela exclut les personnes qui disaient utiliser le français et l’anglais à égalité, mais inclut celles qui utilisaient le français ou l’anglais à égalité avec une langue non officielle.
L’utilisation à égalité de langues réfère aux personnes ayant déclaré utiliser plus d‘une langue le plus souvent.
En 2021, la question sur les langues utilisées au travail a été modifiée par rapport aux recensements précédents, permettant de réduire le fardeau de réponse et d’améliorer la qualité des données. Cependant, cela a eu un impact sur la comparabilité avec les données des recensements précédents. Les données sur les langues utilisées le plus souvent au travail peuvent être comparées avec celles des cycles précédents, mais ces comparaisons doivent être faites avec prudence et en prenant en considération l’effet du changement apporté à la question. Quant aux données concernant l’ensemble des langues utilisées régulièrement au travail (mais pas nécessairement le plus souvent), elles ne devraient pas être comparées directement avec celles des cycles précédents.
Pour une définition détaillée des concepts du recensement liés aux langues, au travail ou à la géographie, veuillez consulter le Guide de référence sur les langues le Guide de référence sur le travail ou le Dictionnaire du Recensement de la population.
Modèles multivariés
Pour contrôler pour les effets de composition et isoler le lien entre le lieu de travail et l’usage des langues, on a fait appel à des modèles de régression logistique binaire. Ces modèles cherchent à prédire l’effet de différentes variables sur l’usage des langues au travail. Le type de lieu de travail est introduit comme une variable indépendante, sous la forme d’une variable à deux catégories : travail à domicile, et autres lieux de travail.
Trois blocs d’autres variables indépendantes sont introduits tour à tour dans le modèle, afin de contrôler pour diverses caractéristiques des individus. Le premier bloc inclut un ensemble de caractéristiques liées à l’emploi occupé : secteur d’industrie (codes à 4 chiffres du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord), catégorie professionnelle (codes à 2 chiffres de la Classification nationale des professions), catégorie de travailleur (employé, travailleur autonome, travailleur familial), nombre d’heures travaillées par semaine, et revenu d’emploi lors de l’année précédente. Le second bloc concerne les caractéristiques linguistiques, mesurées grâce à une variable composite croisant la connaissance des langues officielles, la langue maternelle et la langue parlée le plus souvent à la maison, permettant de mesurer le niveau de familiarité avec le français et l’anglais. Le troisième et dernier bloc inclut un ensemble de caractéristiques sociodémographiques des travailleurs : âge, genre, statut et période d’immigration, niveau de scolarité, mobilité interprovinciale lors de la dernière année, et municipalité de résidence.
Afin de faciliter la présentation des résultats des modèles de régression, on a produit des taux ajustés. Ceux-ci doivent être interprétés comme la probabilité pour une personne présentant une caractéristique donnée de présenter un profil d’usage des langues au travail donné, les autres variables comprises dans le modèle étant maintenues à leur valeur moyenne mesurée au sein de l’échantillon. Par exemple, à partir du graphique 4 (Montréal), si l’on s’imaginait que les personnes travaillant à domicile étaient réparties de la même façon que l’ensemble des travailleurs en ce qui a trait aux différentes caractéristiques individuelles et liées à l’emploi prises en compte dans le modèle (même distribution par âge, par profession, par industrie, etc.), on pourrait s’attendre à ce que 66,7 % utilisent principalement le français au travail (alors que c’était le cas de 56,3 % d’entre elles en réalité).
Trois séries de modèles ont été produites, pour trois variables dépendantes différentes : le fait d’utiliser principalement le français au travail, le fait d’utiliser principalement l’anglais, et le fait d’utiliser à la fois le français et l’anglais sur une base régulière.
Annexe
Tableau de données du graphique A.1
Travailleurs à domicile | |
---|---|
pourcentage | |
1981 | 6,9 |
1991 | 8,3 |
2001 | 8,0 |
2011 | 6,9 |
2021 | 24,3 |
Sources : Statistique Canada, Recensement de la population, 1981 à 2021. Enquête nationale auprès des ménages, 2011. |
Principal secteur d'industrie | Moncton | Montréal | Ottawa-Gatineau | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Usage principal du français | Usage régulier à la fois du français et de l'anglais | Taux de travail à domicile | Usage principal du français | Usage régulier à la fois du français et de l'anglais | Taux de travail à domicile | Usage principal du français | Usage régulier à la fois du français et de l'anglais | Taux de travail à domicile | |
pourcentage | |||||||||
Construction | 14 | 23 | 6 | 84 | 24 | 11 | 23 | 20 | 10 |
Fabrication | 10 | 20 | 10 | 68 | 37 | 17 | 17 | 14 | 27 |
Commerce de gros | 5 | 28 | 20 | 55 | 48 | 28 | 9 | 18 | 43 |
Commerce de détail | 7 | 26 | 6 | 75 | 42 | 10 | 21 | 21 | 8 |
Transport et entreposage | 5 | 18 | 10 | 61 | 40 | 15 | 15 | 21 | 16 |
Industrie de l'information et industrie culturelle | 15 | 26 | 55 | 56 | 50 | 59 | 9 | 20 | 67 |
Finance et assurances | 11 | 32 | 63 | 60 | 57 | 61 | 12 | 27 | 62 |
Services immobiliers et services de location et de location à bail | 6 | 30 | 24 | 65 | 48 | 39 | 15 | 19 | 43 |
Services professionnels, scientifiques et techniques | 11 | 28 | 42 | 56 | 50 | 61 | 8 | 16 | 68 |
Services d'enseignement | 46 | 17 | 13 | 73 | 20 | 24 | 33 | 20 | 44 |
Soins de santé et assistance sociale | 31 | 33 | 7 | 80 | 33 | 11 | 25 | 24 | 17 |
Arts, spectacles et loisirs | 16 | 32 | 29 | 72 | 39 | 37 | 17 | 30 | 48 |
Services d'hébergement et de restauration | 7 | 23 | 3 | 65 | 41 | 6 | 18 | 19 | 5 |
Services publics | 17 | Note F: trop peu fiable pour être publié | 17 | 93 | 22 | 51 | 25 | 14 | 29 |
Administrations publiques | 18 | 55 | 41 | 83 | 37 | 36 | 11 | 46 | 67 |
Autres | 13 | 23 | 27 | 71 | 34 | 23 | 18 | 21 | 31 |
Total | 16 | 28 | 21 | 70 | 38 | 26 | 17 | 26 | 40 |
F trop peu fiable pour être publié Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
Tableau de données du graphique A.2
Travail à domicile | Autres lieux de travail | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Français principalement | ||
Taux non ajusté | 14,9 | 21,6 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 16,4 | 21,0 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 19,1 | 20,3 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 19,3 | 20,2 |
Français et anglais régulièrement | ||
Taux non ajusté | 12,1 | 7,8 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi | 9,7 | 8,5 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi et linguistiques | 9,2 | 8,7 |
Taux ajusté - Caractéristiques de l'emploi, linguistiques et sociodémographiques | 9,2 | 8,7 |
Note : Pour plus de détails sur la méthode d'ajustement des taux, consulter l'encadré « Sources de données, méthodes et définitions ». Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021. |
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