Regards sur la société canadienne
Population active du Canada et de ses régions : projections jusqu’en 2036

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par Laurent Martel

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Introduction

De 1960 à 2010, la croissance de la population active canadienne — qui regroupe les personnes en emploi et les chômeurs — a été plus rapide que la croissance de la population âgée de 15 ans et plus. En conséquence, le poids que représente la population active au sein de la population âgée de 15 ans et plus — aussi appelé le taux global d’activité — a suivi une tendance à la hausse durant cette période et a atteint un niveau maximal de 68 % en 2003 et en 2008.

La croissance rapide de la population active durant ces 50 années a été essentiellement alimentée par l’arrivée aux âges actifs des générations plus nombreuses issues du baby-boom (personnes nées de 1946 à 1965), mais également par la hausse de la participation des femmes au marché du travail et par un niveau de scolarité aussi en hausse au sein de la population. 

Depuis quelques années toutefois, le taux global d’activité canadien a commencé à diminuer, étant passé de 68 % en 2008 à 66 % en 2017. Cette situation découle du fait que la population âgée de 15 ans et plus augmente désormais plus rapidement que la population active, même si celle-ci continue de croître également, mais à un rythme moindre.

Ce renversement de tendance survient en dépit du fait que l’on observe, depuis le milieu des années 1990, une hausse importante de la participation sur le marché du travail des personnes âgées de 50 ans et plus. Par exemple, le taux d’activité des personnes âgées de 60 à 64 ans, proches de la retraite, est passé de 43 % en 1995 à 61 % en 2017 chez les hommes, et de 23 % à 49 % chez les femmes au cours de la même période.

L’avancée en âge des nombreuses personnes nées durant le baby-boom est le facteur dominant et associé au vieillissement démographique qui exerce actuellement une pression à la baisse sur la population active. Ces personnes ont commencé à quitter la population active il y a quelques années déjà pour prendre leur retraite^Note . La dernière génération de baby-boomers atteindra l’âge de 65 ans en 2031.

La baisse du taux global d’activité au cours des prochaines années est-elle donc inéluctable? La population active pourrait-elle décroître en nombre absolu? Dans quelle mesure d’autres facteurs sont-ils susceptibles d’influer sur les tendances à venir, notamment l’immigration et une éventuelle poursuite de la hausse des taux d’activité chez les travailleurs âgés?

L’évolution future de la population active est déterminante à plusieurs égards. Une offre de travail abondante contribue à soutenir la croissance économique ainsi que l’assiette fiscale sur laquelle reposent de nombreux programmes gouvernementaux. Le nombre de personnes actives sur le marché du travail par rapport aux personnes inactives sur le plan économique est un élément important de l’équilibre de certains programmes, dont les régimes publics de retraite. Enfin, la composition ethnoculturelle et la structure par âge futures de la population active revêtent également un grand intérêt pour les employeurs à l’échelle du pays, car elles permettent la planification de programmes axés par exemple sur les transferts de connaissance, sur l’intégration des populations immigrantes ou encore sur l’équité en matière d’emploi.

C’est dans ce contexte que les projections de la population active du Canada représentent un outil de planification utile à la prise de décision. Après deux séries de projections diffusées par Statistique Canada (en 2007^Note et en 2011^Note ), cet article présente de nouvelles projections de la population active du Canada jusqu’en 2036 réalisées à l’aide de Demosim, un modèle de projections démographiques par microsimulation. Dans le présent article, on analyse les tendances nationales projetées quant à la taille, à la croissance, au poids démographique, à la structure par âge et à la composition ethnoculturelle de la population active. Et, pour la première fois, des résultats à l’échelon régional, pour 18 grandes régions métropolitaines et non métropolitaines du pays, sont présentés afin d’illustrer les grandes variations régionales possibles à l’horizon 2036.

Le modèle Demosim utilisé pour produire ces projections est décrit de façon approfondie dans un rapport méthodologique publié en 2017 par Statistique Canada^Note . Les hypothèses des cinq scénarios élaborés pour ces projections de la population active sont détaillées dans la section Sources de données, méthodes et définitions et sont résumées au tableau 1. Ces scénarios visent à donner une fourchette plausible quant à l’évolution future de la population active, et se veulent un reflet de l’incertitude inhérente à tout exercice de projection.

Vers une croissance plus lente du nombre de personnes actives au cours des prochaines années

Sur le plan des effectifs, tous les scénarios élaborés dans le cadre de ces projections conduisent à une hausse du nombre de personnes actives au sein de la population canadienne au cours des prochaines années (graphique 1). Selon le scénario de référence, ce nombre pourrait passer de 19,7 millions de personnes actives en 2017 à 22,9 millions en 2036. D’un scénario à l’autre, la fourchette varie de 21,1 millions (scénario de croissance faible) à 24,2 millions (scénario de croissance forte).

En revanche, 4 scénarios sur 5 laissent penser que la croissance de la population active pourrait ralentir au cours des prochaines années (graphique 2). Seul le scénario de croissance forte, qui suppose une hausse progressive du taux annuel d’immigration jusqu’à 1 % environ en 2022 et une stabilisation par la suite, laisse croire que cette croissance pourrait augmenter légèrement par rapport à son niveau actuel, soit environ 0,8 % par année. Le scénario de référence suggère une croissance de la population active qui se stabiliserait autour de 0,7 % par année à partir de 2021.

Le scénario de croissance faible, qui suppose un taux d’immigration de 0,5 % en 2022 et une stabilisation par la suite, porte la croissance de la population active à un niveau proche de zéro dès 2026, soulignant l’importance de l’immigration à cet égard. En fait, en l’absence d’immigration dès 2018 (première année de projection dans le modèle), la population active du Canada commencerait à décroître dès 2022 et se situerait sous la barre des 19 millions de personnes actives en 2036 (scénario non présenté).

Les résultats obtenus à partir d’autres scénarios, lesquels s’appuient sur d’autres hypothèses quant au niveau futur des taux d’activité selon les groupes d’âge — scénarios « taux constants », « tendances de 1995 à 2017 » et « croissance 50 % » n’étaient pas très différents du scénario de différence.

Taux global d’activité à la baisse dans tous les scénarios

Malgré le fait qu’il ait diminué au cours des dernières années, le taux global d’activité au Canada en 2017 (66 %) était le plus élevé des pays du G7 selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)^Note . Le Royaume-Uni (63 %), les États-Unis (63 %), l’Allemagne (61 %), le Japon (61 %), la France (56 %) et l’Italie (50 %) présentaient tous des taux moins élevés. La moyenne des pays de l’OCDE se situait à 60 %.

Le taux élevé observé au Canada est entre autres attribuable à son histoire démographique passée : le baby-boom y a été particulièrement fort pendant les années 1950 et 1960, et nombre de baby-boomers étaient encore actifs au sein du marché du travail en 2017. 

Tous les scénarios de projection indiquent que la baisse récemment amorcée pourrait se poursuivre au cours des prochaines années (graphique 3). En 2036, le taux global d’activité pourrait varier, passant de 61 % selon le scénario « taux constants » à 63 % selon le scénario de référence qui suppose la poursuite des tendances à la hausse des taux d’activité observée chez les personnes de 50 ans et plus.

Les scénarios proposant des variations quant aux composantes de la croissance démographique (scénarios de « croissance forte » et « faible ») mènent à des résultats très semblables à ceux du scénario de référence. Cela signifie que si la baisse projetée du taux global d’activité est surtout liée au vieillissement démographique, ce sont les tendances associées à l’évolution future de la participation à la population active davantage que des changements dans les composantes de la croissance démographique (fécondité, mortalité, migrations) qui pourraient en limiter l’ampleur à l’avenir.

Cela étant dit, la poursuite de la hausse des taux d’activité au-delà de 50 ans ne devrait pas compenser entièrement les effets du vieillissement de la population active.

En 2036, le Canada pourrait compter moins de trois personnes actives pour chaque personne inactive âgée de 65 ans et plus

Au début des années 1980, alors que la grande majorité des personnes issues du baby-boom étaient sur le marché du travail, le Canada comptait six personnes actives pour chaque personne inactive de 65 ans et plus. En 2017, ce ratio avait diminué pour s’établir à quatre personnes actives pour chaque personne inactive de 65 ans et plus. Selon tous les scénarios de projection, ce ratio pourrait être en deçà de trois pour un en 2036 (graphique 4).

En outre, les résultats de tous les scénarios sont similaires, ce qui laisse penser que ni une hausse ni une baisse des niveaux d’immigration par exemple, ni la poursuite des hausses des taux d’activité des personnes âgées de 50 ans et plus ne pourraient venir modifier la tendance projetée.

En 2036, 1 personne active sur 4 pourrait être âgée de 55 ans et plus

En 2021, année où les derniers nés du baby-boom atteindront l’âge de 55 ans, 23 % de la population active pourrait être âgée de 55 ans et plus, une proportion qui augmenterait plus légèrement par la suite pour atteindre 25 % en 2036 (graphique 5, scénario de référence). Comparativement à avant 2021, la progression plus modeste de cette proportion après 2021 est liée à l’arrivée de générations moins nombreuses — notamment la génération X (personnes nées de 1966 à 1980) — à ces âges.

Tous les scénarios de la population active font état d’une diversité ethnoculturelle en forte progression

En 2016, un peu plus de 1 personne active sur 4 (26 %) était née à l’étranger (graphique 6). Cette proportion progresse depuis le milieu des années 1990 en raison des niveaux soutenus d’immigration au Canada.

En 2036, cette proportion pourrait atteindre 34 % selon le scénario de référence, soit un peu plus de 1 personne active sur 3. Les scénarios de croissance forte et faible, parce qu’ils proposent notamment des variantes quant aux niveaux futurs d’immigration, mènent à des résultats différents : la proportion atteindrait 37 % selon le scénario de croissance forte, et ne dépasserait pas 30 % selon le scénario de croissance faible.

La majorité des immigrants canadiens venus s’installer au Canada depuis 25 ans étant nés en Asie, la proportion de personnes appartenant à un groupe de minorités visibles au sein de la population active augmente également rapidement depuis 20 ans (graphique 7). Cette proportion était de 22 % en 2016 et pourrait atteindre 36 % en 2036 selon le scénario de référence, soit plus de 1 personne active sur 3. Cette proportion serait moins élevée (33 %) selon le scénario de croissance faible et atteindrait 38 % selon le scénario de croissance forte, lequel suggère un taux d’immigration de 1 % dès 2022 et une répartition semblable des immigrants selon le pays d’origine.

La population appartenant à un groupe de minorités visibles croît non seulement grâce à l’immigration, mais aussi grâce à la fécondité des immigrants déjà installés au Canada. En conséquence, la proportion des personnes appartenant à une minorité visible qui sont nées au Canada augmente également. Si l’on ajoute à cela le fait que les personnes appartenant à une minorité visible qui sont nées au Canada ont tendance à atteindre un niveau de scolarité plus élevé que le reste de la population^Note — un élément pris en compte par le modèle de projection —, cette proportion est également en forte progression au sein de la population active. Parmi les personnes appartenant à un groupe de minorité visible dans la population active en 2016, 20 % étaient nées au Canada et, par conséquent, ont très probablement été scolarisées au pays. En 2036, cette proportion pourrait atteindre 26 % selon le scénario de référence, 24 % selon le scénario de croissance forte et 30 % selon le scénario de croissance faible. La proportion plus élevée dans le cas du scénario de croissance faible s’explique par le fait que la concentration de personnes nées à l’étranger au sein de la population active serait moins élevée en raison d’un niveau d’immigration plus faible.

Les résultats varient considérablement d’une région à l’autre

La situation à l’échelle nationale masque des écarts considérables d’une région à l’autre du pays. Le modèle de projection par microsimulation Demosim permet de projeter la population et ses caractéristiques à une échelle infraprovinciale, essentiellement pour les grandes régions métropolitaines du pays, et les régions non métropolitaines (voir la section Sources de données, méthodes et définitions). La structure de l’économie étant souvent différente entre les milieux urbains et ruraux, ce découpage géographique apparaît pertinent à l’égard des tendances projetées quant à la population active.

Les caractéristiques de la population active de 18 régions ont été projetées dans le cadre du présent exercice, certains regroupements étant nécessaires compte tenu des plus petites tailles de population : dans l’Atlantique, 1) les régions métropolitaines d’Halifax, St. John’s, Saint John et Moncton regroupées ensemble, et 2) les régions non métropolitaines; au Québec, 3) la région métropolitaine de Montréal, 4) les autres régions métropolitaines (Sherbrooke, Québec, Trois-Rivières et Saguenay regroupées) et 5) les régions non métropolitaines; en Ontario, 6) les régions métropolitaines d’Ottawa–Gatineau, 7) de Toronto et celles 8) de Sudbury et Thunder Bay, regroupées, qui sont toutes deux situées dans le nord de l'Ontario, 9) les autres régions métropolitaines (Brantford, Oshawa, Kitchener–Cambridge–Waterloo, Barrie, Guelph, Kingston, Hamilton, London, Peterborough, St. Catharines–Niagara, Windsor regroupées) et 10) les régions non métropolitaines; au Manitoba et en Saskatchewan, 11) les régions métropolitaines de Winnipeg, Regina et Saskatoon prises ensemble, ainsi que 12) les régions non métropolitaines; en Alberta, 13) les régions métropolitaines de Calgary et Edmonton regroupées, et 14) les régions non métropolitaines; en Colombie-Britannique, 15) la région métropolitaine de Vancouver, 16) les autres régions métropolitaines (Kelowna, Victoria, Abbotsford–Mission regroupées), et 17) les régions non métropolitaines; 18) les trois territoires (Nunavut, Territoires du Nord-Ouest et Yukon) considérés ensemble.

Les résultats des projections selon la région et selon le scénario de référence sont regroupés au tableau 2. Toutefois, lorsqu’on utilise les présentes projections, il convient de toujours considérer plusieurs scénarios pour tenir compte de l’incertitude liée à l’avenir de la population active canadienne^Note .

Selon les résultats du scénario de référence, la croissance de la population active pourrait demeurer positive dans la majorité des régions canadiennes, à l’exception de Thunder Bay et Sudbury (regroupées ensemble), du Québec hors des régions métropolitaines de recensement (RMR) et de l’Atlantique hors RMR, où elle serait négative. Tout comme c’est le cas maintenant, la croissance de la population canadienne devrait être plus élevée au sein des régions métropolitaines que des régions non métropolitaines d’ici 2036. En fait, toutes les régions hors RMR du pays devraient présenter une croissance négative ou proche de zéro en 2036.

Ces résultats sont notamment liés à la répartition géographique projetée des immigrants admis au Canada^Note ainsi qu’aux différences dans la structure par âge d’une région à l’autre.

Bien qu’on projette une diminution des taux d’activité dans toutes les régions, cette baisse serait cependant et de façon générale plus prononcée dans l’est que dans l’ouest du pays. En 2036, selon le scénario de référence, le taux global d’activité le plus faible (53 %) pourrait être observé dans les régions non métropolitaines de l’Atlantique et le plus élevé dans les deux régions métropolitaines de l’Alberta (Calgary et Edmonton ensemble) ainsi que dans les territoires (71 %). Plus précisément, 18 points de pourcentage sépareraient alors le taux de ces régions; en 2017, l’écart maximal observé entre ces deux régions était de 15 points de pourcentage.

Certaines régions se distinguent des autres, par exemple les régions métropolitaines de Montréal et de Toronto qui, dans l’est du pays, sont les seules qui ne verraient que peu de variation dans leur taux global d’activité (passant de 68 % en 2017 à 65 % en 2036 pour Montréal et de 67 % à 66 % pour Toronto). Cette situation est principalement attribuable à l’importance de l’immigration dans ces deux grandes régions urbaines.

L’analyse des résultats régionaux selon les cinq scénarios élaborés (celui du scénario de référence et les quatre autres scénarios présentés à la section Informations supplémentaires) montre des conclusions à l’image de celles prévalant à l’échelle nationale. Les scénarios variant les hypothèses quant aux composantes de la croissance démographique (scénario « de référence », de « croissance forte » et de « croissance faible ») mènent à des résultats assez différents les uns des autres quant à la taille et à la croissance de la population active, et similaires quant aux tendances projetées du taux global d’activité. Dans ce dernier cas, ce sont les scénarios proposant des tendances différentes quant aux taux d’activité projetés selon les groupes d’âge (surtout au-delà de 50 ans) qui mènent à des projections différentes les unes des autres (scénarios « tendances de 1995 à 2017 », « taux constants » ou « croissance 50 % »).

Dans toutes les régions, le vieillissement et la hausse de la diversité ethnoculturelle de la population active devraient se poursuivre

Selon le scénario de référence, le vieillissement de la population active se poursuivrait dans toutes les régions du Canada, mais à des degrés divers. En général, la proportion de personnes de 55 ans et plus au sein de la main-d’œuvre devrait être plus élevée en 2036 dans les régions non métropolitaines que dans les régions métropolitaines.^Note

Par exemple, c’est dans les régions non métropolitaines de l’Atlantique, de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan ainsi que de la Colombie-Britannique qu’on trouvait, en 2017, la proportion de personnes de 55 ans et plus la plus élevée, soit 25 %. En 2036, cette proportion pourrait dépasser 30 % dans l’Atlantique, à l’extérieur des RMR. À l’inverse, cette proportion pourrait demeurer inférieure à 25 % dans les régions métropolitaines de Montréal, d’Ottawa–Gatineau, dans les régions métropolitaines du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta ainsi que dans les territoires.

Le ratio du nombre de personnes actives pour chaque personne inactive de 65 ans et plus serait également en baisse dans toutes les régions canadiennes en 2036. En 2017, c’est dans les régions non métropolitaines de l’Atlantique que ce ratio était le plus faible (2,5) et dans les territoires (9,6) ainsi que dans les régions métropolitaines de l’Alberta qu’il était le plus élevé (6,1). En 2036, six régions pourraient compter moins de deux personnes actives pour chaque personne inactive de 65 ans et plus : les régions non métropolitaines de l’Atlantique, du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ainsi que les régions métropolitaines du Québec à l’exception de celle de Montréal, et de Sudbury et Thunder Bay prises ensemble. Ce ratio demeurerait supérieur à 4 dans deux régions, soit dans les territoires (5,6) et dans les régions métropolitaines de l’Alberta (4,6).

Le maintien dans l’avenir de niveaux soutenus d’immigration au Canada mènerait, selon le scénario de référence, à une hausse de la proportion de personnes nées à l’étranger et de la proportion de personnes appartenant à une minorité visible dans toutes les régions. Déjà très différentes d’une région à l’autre en 2017, ces proportions seraient encore plus variables en 2036. Par exemple, plus de 50 points de pourcentage séparaient la région métropolitaine de Toronto (53 % de personnes actives nées à l’étranger) et les régions non métropolitaines du Québec en 2017 (3 %). En 2036, cet écart pourrait être de près de 53 points de pourcentage entre ces deux mêmes régions, selon le scénario de référence.

Ces écarts seraient encore plus importants en ce qui a trait à la proportion de personnes appartenant à une minorité visible puisque la fécondité des immigrants déjà admis au Canada s’ajoute à l’effet des niveaux, de l’origine et de la répartition géographique des immigrants.

Ainsi, en 2017, 49 points de pourcentage séparaient la région métropolitaine de Toronto (où 51 % de la population active appartenait à un groupe de minorité visible) et les régions non métropolitaines du Québec en 2017. Cet écart devrait augmenter pour s’établir à 63 points de pourcentage en 2036 entre ces deux régions, selon le scénario de référence.

Dans l’ensemble, la diversité ethnoculturelle^Note de la population active demeurerait nettement inférieure dans toutes les régions non métropolitaines du pays, comparativement aux régions métropolitaines. À titre d’exemple, la proportion de personnes appartenant à une minorité visible au sein de la population active pourrait atteindre 13 % dans les régions métropolitaines de l’Atlantique en 2036, comparativement à 6 % dans les régions non métropolitaines de l’Atlantique. En Colombie-Britannique, cette proportion pourrait être de 62 % dans la région métropolitaine de Vancouver, de 24 % dans les autres régions métropolitaines de la province, et de 9 % dans les régions non métropolitaines.

Enfin, les autres scénarios élaborés dans le cadre du présent exercice mènent aussi à un vieillissement de la population active dans toutes les régions du pays. L’ampleur de ce vieillissement demeurerait toutefois plus sensible à l’avenir à l’évolution des taux d’activité selon les groupes d’âge, en particulier ceux de 50 ans et plus, qu’à des changements dans les composantes de la croissance démographique.

L’inverse serait observé en ce qui a trait à la diversité ethnoculturelle, également en hausse dans tous les autres scénarios. L’ampleur de la hausse serait moindre selon le scénario de croissance faible, qui suppose des niveaux d’immigration moins élevés que dans les scénarios de référence ou de croissance forte.

Conclusion

Plusieurs constats se dégagent des résultats des projections présentées dans cet article. D’une part, la baisse du taux global d’activité, la poursuite du vieillissement de la population active ainsi que la hausse de sa diversité ethnoculturelle pour toutes les régions du pays apparaissent inéluctables, les cinq scénarios de projection menant à ces résultats, toutefois à des degrés divers. Ces résultats sont par ailleurs cohérents avec ceux diffusés lors des deux derniers exercices de projection de la population active réalisés par Statistique Canada^Note ,^Note .

D’autre part, les niveaux de la fécondité, de la mortalité et surtout de l’immigration auront une incidence significative sur la taille, la croissance et la diversité ethnoculturelle de la population active canadienne au cours des prochaines années. Il est possible que l’évolution à venir des taux d’activité selon les groupes d’âge puisse freiner en partie un déclin rapide du taux global d’activité, mais cet effet ne devrait pas être suffisant pour contrer l’impact du vieillissement de la main-d’œuvre.

En 2017-2018, 80 % de la croissance démographique canadienne provenait de l’accroissement migratoire, et seulement 20% provenait de l’accroissement naturel (les naissances moins les décès). Dans plusieurs régions non métropolitaines de l’Atlantique, on enregistre depuis quelques années davantage de décès que de naissances. Ces projections montrent enfin que si ces tendances devaient se poursuivre à l’avenir, la population active du Canada deviendrait, en 2036, de plus en plus hétérogène d’une région à l’autre du pays. De nombreuses régions métropolitaines pourraient voir leur population active continuer de croître, une diminution moins rapide du nombre de personnes actives pour chaque personne inactive, et une diversité ethnoculturelle en forte hausse. En revanche, plusieurs régions non métropolitaines pourraient voir leur population active décroître au cours des prochaines années, et conserver une faible diversité ethnoculturelle. Dans certains cas, le ratio du nombre de personnes actives pour chaque personne inactive pourrait même être inférieur à deux pour un.

Dans ce contexte, les présentes projections montrent que les enjeux liés à la main-d’œuvre sont appelés à devenir au Canada de plus en plus régionaux, la demande de main-d’œuvre ayant également un effet sur l’évolution démographique des régions^Note . Il est possible que cette situation pose des défis, notamment en matière de pénuries de main-d’œuvre régionales et sectorielles ainsi que de maintien des services à certaines populations.

Laurent Martel est directeur de la division de la démographie à Statistique Canada.

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