La surqualification des nouveaux diplômés universitaires au Canada
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par Sharanjit Uppal et Sébastien LaRochelle-Côté
[Communiqué dans Le Quotidien] [Article intégral en PDF]
- Aperçu de l'étude
- Introduction
- Plus de femmes occupent des postes de professionnels
- La surqualification a peu changé au cours des 20 dernières années
- Surqualification selon le domaine d’études
- Facteurs associés à la surqualification
- Conclusion
- Informations reliées à cet article
Début de l'encadré
Aperçu de l’étude
Entre 1991 et 2011, la proportion de jeunes détenant un diplôme universitaire a considérablement augmenté, tout comme la proportion de jeunes travailleurs occupant des postes de professionnels. De nombreux jeunes diplômés universitaires peuvent néanmoins être considérés comme étant « surqualifiés », c’est-à-dire qu’ils travaillent dans des professions exigeant des niveaux de scolarité inférieurs. Dans le présent article, l’évolution de la surqualification chez les jeunes diplômés est examinée au cours de la période de 1991 à 2011.
- En 2011, 28 % de l’ensemble des femmes occupées âgées de 25 à 34 ans avaient des emplois de professionnels, c’est-à-dire des emplois qui exigent habituellement un diplôme universitaire, en hausse par rapport au taux de 18 % observé en 1991. Chez les hommes occupés du même groupe d’âge, 18 % avaient des emplois de professionnels en 2011, comparativement à 13 % en 1991.
- Chez les diplômés universitaires âgés de 25 à 34 ans n’exerçant pas une profession de gestionnaire, 18 % des hommes et des femmes travaillaient dans des professions exigeant habituellement des études de niveau secondaire ou moins, et environ 40 % des hommes et des femmes travaillaient dans des professions exigeant habituellement des études de niveau collégial ou moins. Ces taux ont peu varié depuis 1991.
- Parmi les immigrants diplômés universitaires qui n’ont pas obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis, 43 % des femmes et 35 % des hommes travaillaient dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins. À titre de comparaison, les taux correspondants pour la population née au pays et pour les immigrants ayant obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis variaient de 15 % à 20 %.
- Environ le tiers des travailleurs, hommes et femmes, âgés de 25 à 34 ans et titulaires d’un diplôme universitaire en sciences humaines (couvrant notamment les programmes d’histoire, de littérature et de philosophie) travaillaient dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins.
- Par contre, moins de 10 % des hommes et des femmes détenant un diplôme universitaire en éducation travaillaient dans des professions exigeant habituellement des études secondaires. Les hommes et les femmes dans la santé et les domaines connexes, de même qu’en architecture, génie et services connexes affichaient également des taux inférieurs à 15 %.
Fin de l'encadré
Introduction
Les jeunes Canadiens s’adaptent à un monde axé sur la technologie, le savoir et l’innovation en poursuivant des études postsecondaires. Ainsi, parmi les travailleurs de 25 à 34 ans, la proportion des diplômés universitaires a gagné en importance, passant de 18 % en 1991 à 33 % en 2011. Les jeunes travailleurs sont aussi de plus en plus susceptibles d’occuper des postes de « professionnels », c’est-à-dire des emplois exigeant habituellement un diplôme universitaire.
Avec cet effectif grandissant de diplômés universitaires, certains sont d’avis que le nombre d’emplois spécialisés serait insuffisant pour rencontrer l’offre de main-d’œuvre qualifiée. Par conséquent, un certain nombre de diplômés seraient « surqualifiés », ce qui pourrait créer une disparité des compétences. Le problème de surqualification peut aussi s’exacerber dans un marché du travail léthargique, dans l’hypothèse où un nombre croissant de diplômés se disputent un nombre limité de postes spécialisés. La surqualification est aussi un enjeu important parce qu’elle peut réduire la rémunération et la productivitéNote1, et empêcher les jeunes d’acquérir l’expérience professionnelle dont ils ont besoin pour obtenir, plus tard, de meilleurs emplois.
Diverses études ont examiné la question de la disparité des compétences et de la surqualificationNote2. Bon nombre d’entre elles définissent la surqualification comme un niveau de scolarité supérieur à celui qui est habituellement requis pour l’emploi. Ces études ont montré, entre autres choses, que certains groupes sont plus susceptibles d’être surqualifiés; c’est le cas notamment des immigrants par rapport aux travailleurs nés au pays.
La diffusion récente des résultats de l’Enquête nationale auprès des ménages, qui comprennent des données détaillées sur le lieu des études et le domaine d’études, permet de jeter un regard nouveau sur cet enjeu et plus précisément sur les questions suivantes : Les diplômés universitaires sont-ils plus surqualifiés qu’il y a 20 ans? La surqualification est-elle plus marquée dans certains domaines d’études que dans d’autres? Que peut-on dire des groupes qui présentent les risques les plus élevés de surqualification?
Pour répondre à ces questions, les recensements de la population de 1991 et de 2006 sont mis à contribution, de même que l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 (voir la section intitulée Sources de données, méthodes et définitions). À partir de toutes ces sources, il est possible de regrouper les professions détaillées dans des catégories professionnelles représentatives de certains niveaux de scolarité ou d’expérience : les professionnels (soit les professions exigeant habituellement un diplôme universitaire); les professions exigeant des études collégiales ou un certificat de métiers; les professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins, et les professions en gestion. C’est ce système unique de classification des professions selon le niveau de compétence, initialement mis au point par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (aujourd’hui Emploi et Développement social Canada)Note3, qui permet d’étudier la surqualification sur une période aussi longue et dans divers groupes de la population.
Plus de femmes occupent des postes de professionnels
Comme les jeunes sont de plus en plus enclins à faire des études postsecondaires, ceux-ci deviennent de mieux en mieux qualifiés. En 1991, 17 % des hommes occupés et 19 % des femmes occupées de 25 à 34 ans détenaient un diplôme universitaire, un écart de deux points de pourcentage seulement. Au cours des 20 années qui ont suivi, la proportion de personnes occupées détenant un diplôme universitaire a augmenté plus rapidement chez les femmes, de sorte que, en 2011, près de 40 % des femmes occupées âgées de 25 à 34 avaient un diplôme universitaire comparativement à 27 % des hommes occupés (graphique 1)Note4.
L’augmentation de la proportion de diplômés universitaires est allée de pair avec l’augmentation de la proportion de jeunes travailleurs dans des emplois de professionnels (ceux qui exigent habituellement un diplôme universitaire). De telles professions comprennent notamment les emplois de comptables et de professionnels des ressources humaines, d’ingénieurs et d’architectes, de médecins et d’infirmiers, d’avocats, d’enseignants et de travailleurs sociaux, entre autres exemplesNote5. En 2011, 28 % de toutes les femmes occupées détenaient un emploi professionnel, en hausse par rapport à 25 % en 2006 et 18 % en 1991 (graphique 2).
La proportion d’hommes du même groupe d’âge qui occupaient des postes de professionnels a également crû au cours de cette période, mais pas autant (de 13 % en 1991 à 18 % en 2006 et en 2011). Globalement, les femmes représentaient 59 % des effectifs des 25 à 34 ans occupant des emplois de professionnels en 2011, comparativement à 57 % en 2006 et à 54 % en 1991.
À l’autre extrémité, la proportion de travailleurs dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins a diminué au cours de cette période, surtout chez les femmes. En 1991, 42 % des jeunes hommes et 48 % des jeunes femmes travaillaient dans ces professions, qui couvrent notamment les emplois de commis de bureau, de représentants commerciaux, de chauffeurs, de caissiers, d’aides de corps de métier, de conducteurs de machines et de monteurs. En 2011, environ le tiers des hommes et des femmes de 25 à 34 ans travaillaient dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins.
Les deux autres niveaux de compétence sont les professions exigeant habituellement des études collégiales ou un programme d’apprentissage et les professions de la gestion. Ces deux catégories de profession regroupaient de plus fortes proportions d’hommes et ont connu moins de changements au cours de la période étudiée. La proportion de jeunes hommes dans les professions exigeant des études collégiales a augmenté de quelques points de pourcentage (passant de 35 % à 38 %), et la proportion de jeunes femmes dans ces professions est restée inchangée (28 %). Les professions exigeant des études collégiales ou une formation en apprentissage sont variées puisqu’elles regroupent les professions techniques, les emplois d’opérateurs qualifiés et les métiers de la construction, mais elles demandent des compétences normalement acquises au niveau postsecondaire.
Enfin, la proportion de femmes de 25 à 34 ans occupant des postes de gestion a augmenté, mais très légèrement (de 7 % à 8 %), et environ 1 homme sur 10 dans ce groupe d’âge travaillait dans ces professions au cours de l’ensemble de la période. Il convient de noter que les professions classées dans la catégorie de la gestion peuvent exiger des niveaux de scolarité variables selon la nature des postes. Par conséquent, ces professions ne sont pas associées à un niveau de scolarité particulier.
La surqualification a peu changé au cours des 20 dernières années
Les résultats présentés ci-dessus montrent que les jeunes travaillent de plus en plus dans des professions hautement qualifiées : le nombre de jeunes travailleurs croît dans les emplois de professionnels et diminue dans les professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins. Ces résultats sont liés à l’augmentation du niveau de scolarité des jeunes travailleurs au cours de la périodeNote6.
Malgré tout, un nombre appréciable de jeunes continuent de travailler dans des professions qui exigent des niveaux de scolarité inférieurs aux leurs. Ce type de surqualification touche surtout ceux qui étudient plus longtemps, et plus particulièrement les diplômés universitairesNote7.
Comment faut-il mesurer la surqualification chez les diplômés universitaires? Certaines méthodes font appel à des mesures subjectives, par exemple aux déclarations des répondants quant à l’adéquation entre leur emploi et leurs qualificationsNote8. D’autres méthodes, par contre, sont fondées sur le regroupement des professions selon le niveau de compétence, puis sur le lien entre ces groupes de professions et le niveau de scolarité des répondants de l’enquête.
Dans le deuxième cas, il est possible de mesurer la surqualification en déterminant la proportion des diplômés universitaires qui travaillent dans des professions exigeant habituellement un diplôme d’études collégiales ou moins. On peut obtenir une mesure connexe, qui représente peut-être mieux les conséquences de la surqualification, en calculant la proportion des diplômés universitaires dans les professions exigeant habituellement des études de niveau secondaire ou moins. Ces deux mesures ne comprennent pas ceux qui détiennent des professions en gestion, puisque celles-ci ne peuvent être associées à un niveau de scolarité particulierNote9.
Selon les deux mesures, les hommes et les femmes enregistrent des taux de surqualification assez semblables. En 2011, 18 % des hommes et des femmes titulaires d’un diplôme universitaire travaillaient dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins. Par ailleurs, 41 % des hommes et 39 % des femmes titulaires d’un diplôme universitaire travaillaient dans des professions exigeant des études collégiales ou moins (tableau 1). Les deux mesures de la surqualification sont aussi restées relativement stables au cours de la période de 20 ans allant de 1991 à 2011 (exception faite d’une légère baisse chez les femmes diplômées universitaires travaillant dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins).
1991 | 2006 | 2011 | |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
Professions exigeant habituellement des études de niveau secondaire ou moins | |||
Ensemble des hommes | 17,8 | 19,7 | 17,7 |
Immigrants | 23,1 | 26,5 | 23,4 |
Détenant un diplôme universitaire de l'extérieur du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 37,4 | 34,8 |
Détenant un diplôme universitaire du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 17,7 | 16,0 |
Hommes nés au Canada | 16,5 | 17,0 | 15,4 |
Ensemble des femmes | 19,7 | 20,4 | 18,3 |
Immigrantes | 30,5 | 33,1 | 29,4 |
Détenant un diplôme universitaire de l'extérieur du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 47,6 | 43,0 |
Détenant un diplôme universitaire du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 21,5 | 19,9 |
Femmes nées au Canada | 17,6 | 16,7 | 14,9 |
Professions exigeant habituellement des études collégiales ou moins | |||
Ensemble des hommes | 39,0 | 41,2 | 40,5 |
Immigrants | 43,3 | 48,0 | 46,8 |
Détenant un diplôme universitaire de l'extérieur du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 61,5 | 61,3 |
Détenant un diplôme universitaire du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 37,3 | 37,5 |
Hommes nés au Canada | 38,0 | 38,5 | 38,0 |
Ensemble des femmes | 39,0 | 40,1 | 39,2 |
Immigrantes | 52,4 | 54,5 | 52,6 |
Détenant un diplôme universitaire de l'extérieur du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 69,4 | 67,3 |
Détenant un diplôme universitaire du Canada ou des É-U. | Note ..: indisponible pour une période de référence précise | 42,6 | 42,3 |
Femmes nées au Canada | 36,4 | 35,8 | 35,1 |
.. indisponible pour une période de référence précise Sources : Statistique Canada, Recensement de la population, 1991 et 2001; Enquête nationale auprès des ménages, 2011. |
Ces tendances, toutefois, masquent des profils différents chez les immigrants et dans la population née au Canada. Comme d’autres études l’ont montré, les taux de surqualification tendent à être plus élevés dans la population immigrante, particulièrement chez les femmesNote10. Les chiffres varient également au sein même de la population immigrante, plus particulièrement entre ceux qui ont fait leurs études au Canada et aux États-Unis (soit à peu près la moitié des immigrants de 25 à 34 ans titulaires d’un diplôme universitaire) et ceux qui ont étudié ailleurs.
Par exemple, 43 % des femmes immigrantes titulaires d’un diplôme universitaire obtenu hors du Canada ou des États-Unis travaillaient dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins en 2011, comparativement à 20 % seulement des femmes immigrantes ayant obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis et à 15 % des diplômées universitaires nées au Canada.
Par ailleurs, plus des deux tiers (67 %) des femmes immigrantes titulaires d’un diplôme universitaire obtenu hors du Canada ou des États-Unis travaillaient dans les professions exigeant des études collégiales ou moins, comparativement à 42 % des femmes immigrantes titulaires d’un diplôme obtenu au Canada ou aux États-Unis et à 35 % des diplômées universitaires nées au Canada.
Des écarts analogues sont observés chez les hommes immigrants détenant un diplôme universitaire. En 2011, 35 % des hommes immigrants titulaires d’un diplôme obtenu hors du Canada ou des États-Unis travaillaient dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins, et 61 % travaillaient dans des professions exigeant des études collégiales ou moins. En revanche, les autres immigrants diplômés (qui ont obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis) et les diplômés nés au Canada présentaient des proportions presque identiques d’emploi dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins (environ 16 %) et dans des professions exigeant des études collégiales ou moins (38 %).
Au cours des dernières années, la proportion de travailleurs diplômés universitaires dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins a diminué quelque peu chez les immigrants n’ayant pas obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis (de 5 points de pourcentage chez les femmes et de 3 points de pourcentage chez les hommes). Malgré ce redressement, des écarts appréciables persistent entre les taux de surqualification des immigrants qui n’ont pas obtenu leur diplôme au Canada et aux États-Unis et de ceux qui l’ont obtenu dans ces pays — 23 points de pourcentage chez les femmes et 19 chez les hommes en 2011.
Surqualification selon le domaine d’études
Des renseignements sur le domaine d’études du plus haut diplôme obtenu ont aussi été recueillis dans le cadre de l’Enquête nationale auprès des ménages, ce qui permet d’examiner la surqualification selon le domaine d’études.
En 2011, les taux de surqualification les plus élevés ont été observés dans les sciences humaines, qui couvrent des programmes comme l’histoire, la littérature et la philosophie. Le tiers des hommes et des femmes diplômés de ces programmes travaillaient dans des professions exigeant habituellement des études secondaires, et le taux s’élevait à 41 % chez les hommes immigrants et à 44 % chez les femmes immigrantes (tableau 2)Note11. Des taux relativement plus élevés ont aussi été enregistrés chez les diplômés des programmes de sciences sociales, sciences du comportement et droit; de commerce, de gestion et d’administration publique; ainsi que d’agriculture, de ressources naturelles et de conservation (les taux variant de 20 % à 25 % pour les hommes comme pour les femmes). Dans tous ces domaines, les immigrants affichaient systématiquement des taux de surqualification plus élevés.
Hommes | Femmes | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble | Canadiens de naissance | Immigrants | Ensemble | Canadiennes de naissance | Immigrantes | |
pourcentage | ||||||
Professions exigeant habituellement des études de niveau secondaire ou moins par domaine d'études | ||||||
Éducation | 9,2 | 7,8 | 25,4 | 8,7 | 7,2 | 22,8 |
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications | 22,2 | 22,6 | 20,8 | 28,2 | 27,6 | 30,4 |
Sciences humaines | 32,5 | 30,5 | 40,8 | 32,7 | 29,3 | 43,9 |
Sciences sociales, sciences du comportement, et droit | 24,7 | 22,9 | 31,6 | 23,8 | 21,7 | 32,1 |
Commerce, gestion et administration publique | 21,7 | 18,1 | 29,9 | 21,6 | 16,5 | 32,1 |
Sciences physiques et de la vie, et technologies | 16,8 | 15,1 | 21,0 | 21,3 | 18,1 | 29,4 |
Mathématiques, informatique et sciences de l'information | 9,3 | 6,3 | 12,7 | 20,8 | 10,4 | 29,1 |
Architecture, génie et services connexes | 9,1 | 5,1 | 15,7 | 11,9 | 6,9 | 18,1 |
Agriculture, ressources naturelles et conservation | 21,1 | 18,3 | 34,7 | 20,3 | 18,1 | 31,4 |
Santé et occupations connexes | 13,4 | 9,1 | 25,3 | 8,8 | 5,4 | 22,4 |
Autres | 34,0 | 26,6 | 49,8 | 26,5 | 24,5 | 42,1 |
Professions exigeant habituellement des études collégiales ou moins par domaine d'études | ||||||
Éducation | 16,9 | 14,9 | 38,9 | 18,1 | 15,6 | 42,7 |
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications | 63,5 | 61,7 | 70,2 | 66,1 | 64,8 | 70,9 |
Sciences humaines | 60,8 | 58,5 | 70,2 | 59,9 | 57,0 | 69,3 |
Sciences sociales, sciences du comportement, et droit | 53,2 | 51,3 | 60,5 | 51,4 | 49,4 | 59,0 |
Commerce, gestion et administration publique | 46,5 | 43,2 | 54,2 | 45,2 | 40,2 | 55,7 |
Sciences physiques et de la vie, et technologies | 42,2 | 41,7 | 43,6 | 51,0 | 48,5 | 57,1 |
Mathématiques, informatique et sciences de l'information | 28,3 | 23,7 | 33,8 | 38,6 | 26,1 | 48,4 |
Architecture, génie et services connexes | 26,0 | 19,4 | 36,8 | 30,9 | 23,6 | 39,9 |
Agriculture, ressources naturelles et conservation | 52,7 | 50,5 | 62,7 | 48,5 | 46,1 | 61,0 |
Santé et occupations connexes | 31,5 | 28,5 | 39,7 | 20,7 | 16,7 | 36,4 |
Autres | 85,0 | 85,5 | 84,0 | 72,9 | 73,9 | 64,5 |
Sources : Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages, 2011. |
À l’inverse, les taux les plus bas se trouvaient dans les domaines de l’éducation; de l’architecture, du génie et des services connexes; ainsi que de la santé et des domaines connexes (les taux variant de 9 % à 13 % dans les trois cas). En mathématiques, en informatique et en sciences de l’information, 9 % des hommes et 21 % des femmes travaillaient dans des professions exigeant habituellement des études secondaires, mais dans ce domaine particulier, les taux de surqualification étaient nettement plus élevés chez femmes immigrantes que chez celles nées au pays (29 % contre 10 %). Des écarts semblables ont été constatés, dans les différents domaines d’études, chez les diplômés travaillant dans des professions exigeant des études collégiales ou moins (deuxième partie du tableau 2).
Parce que certains programmes sont plus populaires que d’autres, un taux élevé dans un programme donné ne se traduit pas forcément par un grand nombre de diplômés surqualifiés. Il importe donc d’examiner la répartition des diplômés surqualifiés selon le domaine d’études. Dans ce cas précis, les résultats sont fondés uniquement sur les diplômés qui travaillent dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins.
La grande majorité des diplômés surqualifiés se retrouvaient dans trois domaines d’études seulement : 1) commerce, gestion et administration publique, 2) sciences sociales, sciences du comportement et droit, et 3) sciences humaines. Ensemble, ces trois domaines regroupaient plus de 60 % des hommes et des femmes surqualifiés de 25 à 34 ans (tableau 3).
Hommes | Femmes | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble | Canadiens de naissance | Immigrants | Ensemble | Canadiennes de naissance | Immigrantes | |
pourcentage | ||||||
Domaine d'études | ||||||
Éducation | 3,5 | 4,4 | 2,2 | 8,5 | 10,2 | 5,7 |
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications | 4,4 | 5,7 | 2,3 | 5,8 | 7,2 | 3,6 |
Sciences humaines | 14,1 | 17,1 | 9,2 | 15,1 | 16,5 | 12,9 |
Sciences sociales, sciences du comportement, et droit | 21,5 | 25,4 | 15,2 | 25,7 | 29,8 | 18,8 |
Commerce, gestion et administration publique | 25,8 | 24,1 | 28,6 | 20,9 | 17,1 | 27,1 |
Sciences physiques et de la vie, et technologies | 6,7 | 6,9 | 6,3 | 7,9 | 7,7 | 8,2 |
Mathématiques, informatique et sciences de l'information | 4,8 | 2,9 | 8,1 | 2,9 | 1,0 | 6,0 |
Architecture, génie et services connexes | 9,8 | 5,5 | 17,1 | 2,7 | 1,4 | 4,8 |
Agriculture, ressources naturelles et conservation | 2,2 | 2,5 | 1,7 | 1,7 | 2,1 | 1,2 |
Santé et occupations connexes | 6,0 | 4,8 | 8,1 | 8,4 | 6,5 | 11,5 |
Autres | 1,0 | 0,9 | 1,3 | 0,5 | 0,6 | 0,2 |
|
Si la majorité des immigrants surqualifiés se concentraient aussi dans ces trois domaines d’études, des taux relativement plus élevés d’immigrants surqualifiés sont notés dans le domaine de l’architecture, du génie et des services connexes (hommes immigrants) et dans la santé et les domaines connexes (femmes immigrantes)Note12. Ces écarts, toutefois, s’expliquent par une concentration souvent plus marquée des immigrants dans les domaines scientifiquesNote13.
Facteurs associés à la surqualification
Le lieu des études et le domaine d’études peuvent tous deux avoir une incidence sur la surqualification. Les résultats observés restent-ils significatifs lorsque d’autres facteurs, comme l’âge, la province de résidence, la taille de la région urbaine et le niveau des études supérieures (diplôme de maîtrise ou de doctorat détenu par le répondant), sont pris en considération?
Pour répondre à cette question, deux modèles multivariés (probit) ont été estimés. Dans le premier, la variable dépendante était le travail ou non des diplômés universitaires dans des professions exigeant des études secondaires ou moins. Dans le deuxième, la variable dépendante était le travail ou non des diplômés universitaires dans des professions exigeant des études collégiales ou moins.
Comme dans le cas des résultats descriptifs présentés plus haut, la probabilité prédite varie peu entre les hommes et les femmes (tableau 4). Cependant, la surqualification diminue avec l’âge : plus les diplômés, hommes et femmes, sont âgés, moins ils sont susceptibles d’être surqualifiés. Ces résultats n’étonnent pas puisque les jeunes ont moins d’expérience sur le marché du travail et il leur faut souvent quelque temps pour trouver un emploi lié à leurs compétences. Comme on pouvait s’y attendre, ceux qui détenaient un diplôme universitaire supérieur (maîtrise ou doctorat) étaient presque deux fois moins susceptibles d’être surqualifiés que ceux n’ayant pas un diplôme supérieur au baccalauréat.
Professions exigeant habituellement un diplôme d'études secondaire ou moins | Professions exigeant habituellement des études collégiales ou moins | |
---|---|---|
probabilité prédite | ||
Sexe | ||
Hommes (réf.) | 0,155 | 0,387 |
Femmes | 0,156Note * | 0,378Note * |
Âge | ||
25 ans (réf.) | 0,242 | 0,452 |
26 ans | 0,209Note * | 0,430Note * |
27 ans | 0,180Note * | 0,407Note * |
28 ans | 0,160Note * | 0,384Note * |
29 ans | 0,146Note * | 0,374Note * |
30 ans | 0,142Note * | 0,368Note * |
31 ans | 0,136Note * | 0,362Note * |
32 ans | 0,132Note * | 0,358Note * |
33 ans | 0,122Note * | 0,351Note * |
34 ans | 0,122Note * | 0,346Note * |
Enseignement supérieur | ||
Sans maîtrise ou doctorat (réf.) | 0,175 | 0,425 |
Avec maîtrise ou doctorat | 0,093Note * | 0,230Note * |
Statut d'immigrant | ||
Canadien de naissance (réf.) | 0,128 | 0,341 |
Immigrants détenant un diplôme universitaire du Canada ou des É-U. | 0,165Note * | 0,387Note * |
Immigrants détenant un diplôme universitaire de l'extérieur du Canada ou des É-U. | 0,427Note * | 0,686Note * |
Domaine d'études | ||
Éducation (réf.) | 0,089 | 0,181 |
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications | 0,248Note * | 0,652Note * |
Sciences humaines | 0,305Note * | 0,592Note * |
Sciences sociales, sciences du comportement, et droit | 0,235Note * | 0,525Note * |
Commerce, gestion et administration publique | 0,194Note * | 0,443Note * |
Sciences physiques et de la vie, et technologies | 0,184Note * | 0,482Note * |
Mathématiques, informatique et sciences de l'information | 0,090 | 0,266Note * |
Architecture, génie et services connexes | 0,073Note * | 0,240Note * |
Agriculture, ressources naturelles et conservation | 0,213Note * | 0,532Note * |
Santé et occupations connexes | 0,094 | 0,245Note * |
Autres | 0,268Note * | 0,781Note * |
RMR et région | ||
Montréal, Toronto, Vancouver (réf.) | 0,157 | 0,387 |
Calgary, Edmonton, Québec, Winnipeg et Ottawa-Gatineau | 0,141Note * | 0,358Note * |
Autres RMR, AR et régions rurales | 0,163 | 0,390 |
Province | ||
Terre-Neuve-Labrador | 0,133Note * | 0,340Note * |
Île-du-Prince-Édouard | 0,140 | 0,391 |
Nouvelle-Écosse | 0,157 | 0,422Note * |
Nouveau-Brunswick | 0,134Note * | 0,390 |
Québec | 0,134Note * | 0,339Note * |
Ontario (réf.) | 0,159 | 0,385 |
Manitoba | 0,211Note * | 0,439Note * |
Saskatchewan | 0,143 | 0,361Note * |
Alberta | 0,159 | 0,403Note * |
Colombie-Britannique | 0,178Note * | 0,415Note * |
Territoires | 0,104Note * | 0,372 |
Sources : Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages, 2011. |
Les variables associées au statut d’immigrant et au domaine d’études confirment les résultats cités précédemment. Les immigrants qui n’ont pas obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis affichaient des probabilités particulièrement élevées de surqualification (43 % dans le premier modèle et 69 % dans le deuxième). Parmi les domaines d’études associés à de plus fortes probabilités prédites de surqualification figurent les sciences humaines (31 % dans le premier modèle et 59 % dans le deuxième); les arts visuels et d’interprétation, et les technologies des communications (25 % et 65 %); les sciences sociales, sciences du comportement, et droit (24 % et 53 %); et l’agriculture, les ressources naturelles et la conservation (21 % et 53 %). L’éducation (9 % et 18 %) de même que la santé et les domaines connexes (9 % et 25 %) sont les domaines d’études associés aux probabilités les plus faibles de surqualification.
Certains écarts sont observés sur le plan géographique. Dans les deux modèles, les résidents du Manitoba et de la Colombie-Britannique étaient plus susceptibles d’être surqualifiés que ne l’étaient ceux de l’Ontario; et les résidents du Québec étaient moins susceptibles d’être surqualifiésNote14. Enfin, les diplômés vivant dans de grandes régions métropolitaines de recensement (RMR) — Calgary, Edmonton, Québec, Winnipeg et Ottawa-Gatineau — présentaient des taux de surqualification inférieurs à ceux vivant dans de très grandes RMR (Toronto, Montréal et Vancouver).
Conclusion
Au cours des 20 dernières années, le niveau de scolarité des jeunes Canadiens (particulièrement des jeunes Canadiennes) a augmenté, et ceux-ci sont proportionnellement de plus en plus nombreux à occuper des emplois de professionnels, c’est-à-dire des emplois dans des professions exigeant normalement un diplôme universitaire. En 2011, 28 % des femmes occupées de 25 à 34 ans avaient des emplois de professionnels, comparativement à 18 % en 1991. Chez les hommes occupés, la proportion de jeunes professionnels a également augmenté, passant de 13 % en 1991 à 18 % en 2011. Cependant, une certaine partie des jeunes travailleurs sont surqualifiés, c’est-à-dire qu’ils travaillent dans des professions exigeant des compétences plus faibles que leur niveau de scolarité.
La surqualification peut être mesurée par la proportion de diplômés universitaires qui ne travaillent pas dans des professions exigeant habituellement un diplôme universitaire (sauf les professions de la gestion). Elle peut être exprimée soit par la proportion des diplômés universitaires travaillant dans des professions exigeant des études de niveau secondaire ou moins, soit par la proportion des diplômés universitaires travaillant dans des professions exigeant des études collégiales ou moins. Selon les deux mesures, le taux de surqualification a peu varié entre 1991 et 2011 chez les diplômés universitaires, hommes et femmes, âgés de 25 à 34 ans. Toutefois, les immigrants diplômés universitaires, particulièrement ceux qui n’ont pas obtenu leur diplôme au Canada ou aux États-Unis, continuaient d’afficher des taux de surqualification nettement supérieurs à ceux des diplômés nés au Canada. Les domaines d’études ont également une incidence sur la surqualification : la majorité des jeunes diplômés surqualifiés venaient des programmes de sciences humaines, de sciences sociales et de commerce.
Sharanjit Uppal est analyste principal à la Division de la statistique du travail et Sébastien LaRochelle-Côté est rédacteur en chef de la publication Regards sur la société canadienne, Statistique Canada.
Notes
- Parmi les études traitant de l’incidence de la surqualification sur les gains, notons Sicherman (1991) et Rumberger (1987). Tsang et coll. (1991), quant à eux, examinent les répercussions de la surqualification sur la productivité.
- Parmi les études canadiennes abordant divers aspects de la surqualification figurent Gingras et Roy (2000), Crompton (2002), Galarneau et Morissette (2004), Frenette (2000 et 2004) et Li et coll. (2006).
- Parce que la présente étude est fondée sur des comparaisons au fil du temps, les catégories de niveau de compétence sont établies en fonction du système de la Classification nationale des professions (CNP) de 2006, lequel est comparable à la variable de la CNP de 1990 dans le Recensement de 1991.
- En 2011, l’effectif des diplômés universitaires occupés âgés de 25 à 34 ans s’élevait à 1,1 million de personnes (460 000 hommes et 638 000 femmes), comparativement à 656 000 en 1991 (338 000 hommes et 318 000 femmes).
- Une analyse détaillée de l’évolution des profils professionnels des diplômés universitaires est présentée dans un autre article s’appuyant sur les données de l’Enquête nationale auprès des ménages et les données du recensement (voir Uppal et LaRochelle-Côté, 2014).
- Parmi les diplômés universitaires, 56 % des femmes et 51 % des hommes occupaient des emplois de professionnels en 2011. Comme ces taux sont restés pratiquement inchangés par rapport à 1991, l’augmentation de la proportion d’hommes et de femmes occupant des emplois de professionnels s’explique dans une large mesure par l’augmentation de la proportion d’hommes et de femmes détenant un diplôme universitaire.
- Les titulaires d’un diplôme d’études collégiales ou d’un certificat de formation en apprentissage peuvent aussi être surqualifiés, par exemple lorsqu’ils travaillent dans une profession exigeant des études de niveau secondaire ou moins (voir Surqualification chez les hommes et les femmes âgés de 25 à 34 ans détenant un diplôme d’études collégiales ou un certificat de formation en apprentissage).
- Voir Montmarquette et Boudarbat (2013).
- On pourrait, à l’inverse, définir une mesure de la sous-qualification en calculant, par exemple, la proportion de professionnels occupés qui n’ont pas de diplôme universitaire. Ces proportions restent cependant relativement faibles (7 % chez les hommes et 10 % chez les femmes) et, surtout, elles ont peu varié depuis 1991.
- Parmi les études faisant état de taux plus élevés de surqualification chez les immigrants, notons Gilmore (2009), qui s’intéresse aux immigrants âgés de 25 à 54 ans, et Galarneau et Morissette (2004), qui comparent les immigrants récents à leurs homologues nés au Canada.
- Chez les hommes, un taux relativement élevé est aussi observé parmi les diplômés des « autres » domaines d’études (34 %), mais ceux-ci représentaient un très faible pourcentage de l’ensemble des diplômés.
- Les immigrants surqualifiés n’ayant pas obtenu leur diplôme universitaire au Canada ou aux États-Unis étaient encore plus susceptibles de se retrouver dans les domaines liés à la santé (13 % des hommes et 10 % des femmes) et un peu moins susceptibles de se retrouver dans les sciences sociales.
- Par exemple, 25 % de tous les hommes immigrants âgés de 25 à 34 ans titulaires d’un diplôme universitaire détenaient un diplôme en architecture, en génie et dans les services connexes.
- Les taux moins élevés constatés au Québec pourraient être attribuables au système d’éducation particulier qui existe dans cette province : la plupart des diplômés universitaires doivent passer par le réseau des cégeps (collèges d’enseignement général et professionnel) avant de choisir un programme universitaire. Les étudiants du Québec passent donc au moins deux ans dans un cégep, reçoivent un diplôme d’études collégiales et décident ensuite de poursuivre ou non des études universitaires. Avec ce système, le Québec enregistre les taux les plus élevés de diplômés de niveau postsecondaire au pays (Ferguson et Zhao, 2013), mais la proportion de jeunes travailleurs titulaires d’un diplôme universitaire y est sensiblement plus faible qu’en Ontario (31 % contre 37 %).
Renseignements supplémentaires
Sources de données
Références bibliographiques
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