Les chocs économiques régionaux et la migration

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Par André Bernard

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Chaque année, des communautés canadiennes vivent des ralentissements économiques souvent causés par la fermeture d'établissements importants de l'économie locale. Lorsque les perspectives d'emplois et les salaires dans une région deviennent faibles en comparaison d'autres régions, des résidants, en particulier ceux qui sont actifs sur le marché du travail, chercheront à migrer ailleurs afin d'améliorer leur condition économique. En effet, du point de vue théorique, la décision de migrer ou de rester dans sa région est en partie liée aux probabilités de se trouver un emploi et au niveau de revenus attendus dans les régions considérées (Todaro, 1969, 1986).

La migration d'une région à l'autre d'un pays comporte des avantages. Par exemple, des personnes mises à pied qui seraient autrement chômeurs peuvent se trouver du travail dans des régions aux prises avec des pénuries. Ainsi, la migration peut agir comme mécanisme d'ajustement des marchés (Blanchard et Katz, 1992). Toutefois, des baisses de populations importantes peuvent avoir des conséquences négatives pour les régions touchées. Le dynamisme économique et social de ces dernières peut en souffrir alors que les revenus fonciers et donc les services municipaux peuvent subir une baisse ou stagner. Une telle situation peut alors exacerber le déclin économique de la région, surtout si ceux qui partent sont les plus qualifiés ou les plus jeunes1.

Les personnes qui quittent suite à un choc économique régional ne sont d'ailleurs pas toujours des personnes touchées directement par des pertes d'emplois ou des pertes de revenus. Celles-ci peuvent percevoir un amoindrissement de leurs perspectives d'emplois ou de gains à plus long terme et ainsi chercher à migrer. Par exemple, une hausse du chômage et une baisse des salaires moyens dans une région limiteront généralement pour les résidants le potentiel d'augmentation salariale de même que les chances d'obtenir de nouveaux emplois plus payants dans cette même région. Si dans les autres régions, le taux de chômage et les salaires horaires moyens sont restés les mêmes, celles-ci deviendront plus attrayantes pour les migrants potentiels.

De tels chocs économiques sont davantage susceptibles de toucher les communautés dont la population est plus petite. En effet, les économies des grands centres métropolitains sont généralement plus diversifiées (Beckstead et Brown, 2003) et sont donc moins sujettes aux variations brusques. La question de la prospérité économique des villes à l'extérieur des grands centres métropolitains et les problématiques de migration qui lui sont associées peuvent interpeller les acteurs de politique publique2. Par exemple, si l'objectif d'une politique est de favoriser la rétention des résidants au sein d'une région, on voudra savoir dans quelle mesure les considérations économiques jouent un rôle important dans la décision de ces résidants de migrer ou non.

La plupart des études abordant le lien entre les conditions économiques et la migration interne au Canada ont considéré la migration entre provinces (Finnie, 2004, Coulombe, 2006, Bernard et coll., 2008, Ostrovsky et coll., 2008)3, 4. Cette étude considère plutôt la migration d'une agglomération de recensement (AR) ou d'une région métropolitaine de recensement (RMR) à une autre5. L'objectif principal est de vérifier s'il existe un lien entre les chocs économiques régionaux et la migration des résidants. On examine également l'incidence des variations de la situation économique des individus sur la migration. Les chocs économiques régionaux sont définis selon les variations des conditions économiques régionales, lesquelles sont mesurées par deux variables : le taux de chômage et les gains horaires moyens. Ces deux variables reflètent donc la mesure avec laquelle une région offre de bonnes possibilités d'emplois à bons salaires pour ses résidants. Pour sa part, la situation économique des individus est mesurée par le niveau et les variations de revenus individuels annuels.

L'accent est mis sur les migrations en provenance des villes à l'extérieur des grands centres métropolitains, soit les AR et les RMR de moins de 500 000 habitants. La période de migration couverte est celle allant de 2000 à 20086.

L'objectif préalable de l'étude est de documenter les mouvements migratoires au cours de la période étudiée en fonction de la taille de la population de l'AR et de la RMR. Ce faisant, on cherche à vérifier dans quelle mesure les AR et les RMR dont la population est de plus petite taille sont plus susceptibles de voir ses résidants migrer. On étudie également la destination de ces migrants. Vont-ils en majorité vers les grands centres métropolitains ou tendent-ils à migrer vers des AR ou RMR de taille de population semblable?

Les principales banques de données mises à profit dans cette étude sont la banque de Données administratives longitudinales (DAL) et l'Enquête sur la population active (EPA) (voir Sources de données et définitions).

La migration beaucoup plus élevée dans les petites AR

En général, plus la population d'une région est petite, plus son taux de migration est élevé. Par exemple, en 2008, le taux de migration chez les personnes âgées de 20 à 54 ans et résidants d'une AR dont la population se situait entre 10 000 et 19 999 étaient de 7,9 % (tableau 1). Autrement dit, 7,9 % de la population de ces régions en 2007 avaient migré vers une autre AR ou RMR au Canada en 2008. À l'opposé, dans les RMR de 500 000 habitants ou plus, ce taux n'était que de 2,3 %. Ainsi, les habitants des petites AR étaient plus de trois fois plus susceptibles de migrer ailleurs au pays que les habitants des grandes RMR.

On observe une relation négative entre la taille de la population de l'AR ou de la RMR et son taux de migration à chaque année considérée, soit de 2000 à 2008. Les AR dont la population est de taille moyenne ont ainsi des taux de migration plus faibles que les AR dont la taille de population est petite.

La migration vers les grands centres métropolitains

Les grands centres métropolitains exercent une attraction auprès des migrants en provenance des AR et des RMR de moins de 500 000 habitants. Les migrants ne sont toutefois pas plus susceptibles que les Canadiens en général, après leur migration, d'y habiter.

Ainsi, les grandes RMR ont été de loin la destination la plus fréquente des migrants en provenance des AR ou des RMR de toutes les catégories de population. Par exemple, les migrants en provenance d'une AR dont la population est entre 10 000 et 19 999 habitants ont choisi les RMR de 500 000 habitants ou plus dans une proportion de 39,6 % (tableau 2). À l'inverse, ils n'ont été que 7,3 % à demeurer dans une AR dont la population est de taille similaire.

On constate un phénomène semblable pour les migrants en provenance des AR dont la population se situe entre 20 000 et 49 999 habitants et entre 50 000 et 99 999 habitants. Ceux-ci ont choisi de migrer vers une grande RMR dans une proportion se situant respectivement à 45,2 % et 47,0 %, alors qu'ils étaient moins de 15  % à choisir de migrer vers une AR dont la taille de la population était semblable à la leur.

Même les migrants qui quittent une RMR dont la population se situait entre 100 000 et 499 999 habitants ont été plus de deux fois plus susceptibles de migrer dans une RMR de 500 000 habitants ou plus (53,2 %) que dans une RMR d'une population de taille semblable à la leur (22,4 %).

Cette plus forte attraction des grands centres métropolitains est cependant un phénomène attendu. En effet, on peut présumer que le nombre de migrants s'établissant dans une région donnée soit plus ou moins proportionnel à la taille de la population de cette région. Ainsi, comparativement à la population en général, les migrants des plus petites villes ne sont pas plus susceptibles d'habiter, après leur migration, dans un grand centre métropolitain. En moyenne de 2000 à 2008, 64,9 % de la population âgée entre 20 à 54 ans habitaient en effet dans une RMR de 500 000 habitants ou plus, ce qui demeure en fait bien supérieur à la fréquence de migration vers les RMR pour les migrants en provenance de plus petites RMR ou AR.

Peu de différences entre les conditions économiques des régions de départ et d'arrivée

Afin de faire un lien entre les conditions économiques régionales et la migration, on a compilé le taux de chômage annuel et les gains horaires moyens de chaque AR de 50 000 habitants ou plus et de chaque RMR. Ces données ont été obtenues à partir de l'Enquête sur la population active (EPA) (voir Sources de données et définitions). Ainsi, on peut vérifier si la migration se fait des régions à taux de chômage relativement élevés et taux de salaires relativement faibles, vers des régions à taux de chômage relativement faibles et taux de salaires relativement élevés.

En moyenne, les conditions économiques des régions que quittent les migrants et les conditions économiques des régions vers lesquelles les migrants s'établissent sont semblables, au départ et à l'arrivée, à la moyenne nationale. De 2000 à 2008, le taux de chômage des AR et des RMR de départ était en moyenne de 6,8 %, alors que le taux de chômage des AR et des RMR d'arrivée était de 6,6 %7 (tableau 3). Dans les deux cas, la différence du taux de chômage régional avec la moyenne nationale pour l'année correspondante était de 0,2 point de pourcentage.

Ainsi, on n'observe pas de mouvement général en provenance des AR ou RMR à taux de chômage relativement élevés vers des AR ou RMR à taux de chômage relativement faibles.

On fait la même constatation en ce qui a trait aux gains horaires moyens régionaux. Si les migrants quittaient des régions à gains horaires un peu plus faibles, ils avaient tendance à s'établir dans des régions où les gains horaires présentaient un écart semblable (-0,50 $/h) par rapport à la moyenne nationale.

Peu influencés par les chocs économiques régionaux, mais fortement influencés par les variations de revenus personnels

On estime l'incidence des chocs économiques régionaux sur la migration à l'aide de modèles de régression présentés ci-dessous (voir Modèles de régression logistique).

Les changements dans les conditions économiques régionales semblent n'avoir qu'un effet négligeable sur la probabilité des résidants de migrer, sauf lorsque leur propre revenu est touché, auquel cas la probabilité de migrer augmente considérablement.

Les résidants qui habitent une région dont le taux de chômage s'accroit d'un point de pourcentage par rapport à la moyenne nationale entre deux années présentent des probabilités de migration presque identiques aux régions dont le taux de chômage demeure semblable à la moyenne nationale au cours de ces deux années. Dans les deux cas, les probabilités de migration se situent à environ 6,0 % (tableau 4).

On tire la même conclusion à l'égard des variations de gains horaires moyens régionaux. Les personnes habitant une région dont les gains horaires diminuent de 1 $/heure par rapport à la moyenne nationale entre deux années ne sont que légèrement plus susceptibles de migrer que celles habitant une région dont les gains horaires moyens régionaux demeurent les mêmes que dans le reste du pays. Les probabilités de migration se situent en effet entre 5,8 % et 6,0 % selon la situation.

Par contre, les variations de revenus des individus ont une incidence importante sur les probabilités de migration. Les personnes dont le revenu baisse de 30 % ou plus entre deux années, une fois pris en compte le niveau de revenu de ces personnes au cours des deux années précédentes, sont 82 % plus susceptibles de quitter leur AR ou leur RMR l'année suivante que les personnes dont le revenu demeure à un niveau stable. En d'autres mots, les personnes qui vivent une détérioration de leur situation économique personnelle par rapport aux autres sont plus susceptibles de migrer que les personnes dont la situation économique demeure inchangée.

Les personnes dont le revenu chute dans une moins grande proportion sont également plus susceptibles de migrer que les personnes dont le revenu demeure stable, mais la différence est moindre. Par exemple, les personnes dont le revenu baisse dans une proportion supérieure ou à égale à 20 % mais inférieure à 30 % sont 49 % plus susceptibles de migrer que les personnes dont le revenu demeure semblable. Ainsi, plus la baisse de revenu est importante, plus l'incitation à migrer est grande.

Il est à noter que les augmentations de revenus sont également associées à une plus forte probabilité de migrer, bien que la relation soit de moindre ampleur que pour les diminutions de revenus équivalentes. Par exemple, les personnes dont le revenu augmente de 30 % ou plus entre deux années sont 46 % plus susceptibles de migrer que les personnes dont le revenu n'a pas changé. On note que les résultats chez les hommes et chez les femmes sont similaires, tant du côté de l'effet des chocs économiques régionaux que de l'effet des variations de revenus des individus.

Des études précédentes ont établi que les migrants jouissent en moyenne d'augmentations de gains supérieures aux non-migrants, surtout chez ceux qui quittent une des provinces de l'Atlantique, le Québec ou la Saskatchewan (Bernard et coll., 2008, Finnie, 2004). Les résultats présentés ici indiquent que la migration permet à un grand nombre de personnes d'améliorer leur sort sur le plan économique. L'analyse ne fournit cependant pas d'indications que les individus sont plus susceptibles de migrer suite à un choc économique régional, si leur propre situation économique n'est pas touchée. Les effets indirects découlant d'une perception d'un amoindrissement de ses perspectives économiques seraient donc très faibles, à moins qu'ils ne soient compensés par d'autres phénomènes non observés. On note cependant que ce résultat est cohérent avec ceux d'une étude précédente montrant que les chocs économiques provinciaux avaient peu d'impact sur les taux de migration nets des provinces (Coulombe, 2006).

Les personnes âgées de 35 à 54 ans sont plus nombreuses à migrer suite à une variation de leurs revenus

L'analyse par groupe d'âge ne révèle pas de divergence par rapport aux résultats généraux quant à l'incidence des chocs économiques régionaux sur la migration. Que l'on considère les 20 à 34 ans, les 35 à 44 ans ou les 45 à 54 ans, les variations du taux de chômage régional ou des gains horaires régionaux moyens par rapport à la moyenne nationale ne font pas varier significativement la probabilité des résidants de migrer (tableau 5).

Par contre, les 35 à 44 ans et les 45 à 54 ans sont plus susceptibles de migrer suite à une diminution de leur propre revenu que les 20 à 34 ans. En effet, les personnes âgées de 35 à 44 ans et de 45 à 54 ans dont le revenu baisse de 30 % ou plus entre deux années sont respectivement 106 % et 98 % plus susceptibles de quitter leur AR ou leur RMR que les personnes du même groupe d'âge dont le revenu demeure semblable. Chez les personnes de 20 à 34 ans, la probabilité augmente de 64 %.

Ce résultat peut s'expliquer par le fait que chez les personnes d'âges intermédiaires, les gains suivent en moyenne une trajectoire ascendante relativement stable (Hébert et Luong, 2009). Les baisses de revenus pour ce groupe d'âge pourraient être plus susceptibles de découler de mises à pied qui pousseraient bon nombre de ces personnes à vouloir migrer. À l'inverse, chez les personnes plus jeunes, des baisses de revenus peuvent découler de baisses volontaires d'heures de travail, de congés parentaux ou d'études à temps partiel. Malheureusement, les données utilisées ne permettent pas de départager les effets de baisses de revenus volontaires et involontaires. Quoi qu'il en soit, la plus grande mobilité des jeunes qui est généralement observée (Dion et Coulombe, 2008) ne peut être expliquée, avec les données présentées dans cette étude, par une plus grande sensibilité aux variations de conditions économiques ou de revenus personnels.

Pour tous les groupes d'âge, une augmentation de revenu de 30 % ou plus est encore une fois associée à une plus forte probabilité de migration, mais dans une moindre mesure que pour des baisses de revenus équivalentes.

Les immigrants plus sensibles aux variations des conditions économiques régionales et aux variations de leurs revenus

Jusqu'à maintenant, on a relevé que les changements dans les conditions économiques régionales n'avaient pas d'effet significatif sur les probabilités de migration de l'ensemble de la population de la région. Les résultats sont cependant plutôt différents pour les immigrants récents, c'est-à-dire pour ceux qui sont établis au pays depuis dix ans ou moins.

Les immigrants habitant une région dont le taux de chômage s'accroit d'un point de pourcentage par rapport à la moyenne nationale entre deux années sont 10 % plus susceptibles de migrer que les immigrants habitant une région dont le taux de chômage demeure semblable à la moyenne nationale. Un choc économique régional a donc un effet relativement petit, mais significatif sur la probabilité des immigrants de quitter leur AR ou leur RMR (tableau 6). Les résultats sont par ailleurs très semblables pour les hommes et les femmes8.

Tout comme les autres Canadiens, les immigrants dont le revenu baisse de façon importante seront plus nombreux à migrer. Les immigrants dont les revenus baissent de 30 % ou plus entre deux années étaient 71 % plus susceptibles de quitter leur AR ou leur RMR l'année suivante que les immigrants dont les revenus sont demeurés stables. L'effet des variations de revenus sur la probabilité de migrer est donc relativement moins important chez les immigrants que chez les Canadiens en général mais les immigrants sont plus susceptibles de réagir aux changements de conditions économiques régionales.

Il est établi que les immigrants sont plus mobiles que les autres Canadiens (Dion et Coulombe, 2008). Les résultats de cette section nous permettent d'avancer qu'une partie de cette plus grande mobilité pourrait s'expliquer par une plus grande sensibilité aux variations de conditions économiques régionales.

Conclusion

L'objectif principal de cette étude était de vérifier s'il existe un lien entre les chocs économiques régionaux et la migration des résidants. L'analyse a porté principalement sur les agglomérations de recensement (AR) et les régions métropolitaines de recensement (RMR) de moins de 500 000 habitants.

On a d'abord montré que les résidants des AR et des RMR de moins de 500 000 habitants étaient beaucoup plus susceptibles de migrer que ceux des grands centres métropolitains. En 2008, par exemple, le taux de migration des 20 à 54 ans habitant une AR de 10 000 à 19 999 habitants était de 7,9 %, alors qu'il n'était que de 2,3 % chez les personnes du même âge habitant une RMR de 500 000 habitants ou plus.

Lorsqu'ils quittent, ces personnes choisissent rarement une AR ou une RMR d'une population semblable à leur AR ou RMR d'origine. Au lieu de cela, ils sont les plus nombreux à aller vers les grands centres métropolitains. Par contre, les migrants en provenance des plus petites RMR ou AR demeurent, après leur migration, moins susceptibles d'habiter une grande RMR que la population en général.

L'analyse a montré que les résidants des AR et des RMR de moins de 500 000 habitants n'étaient généralement pas influencés par les chocs économiques régionaux, lorsque leurs propres revenus n'étaient pas touchés. Ces chocs économiques ont été mesurés par des variations du taux de chômage régional et des gains horaires moyens régionaux par rapport à la moyenne nationale. Ce résultat est valable autant chez les hommes que chez les femmes et autant chez les personnes plus jeunes que les plus âgées.

Une exception importante est cependant à noter. Contrairement aux autres Canadiens, les immigrants récents étaient un peu plus susceptibles de se déplacer lors de chocs économiques régionaux. Par exemple, une augmentation d'un point de pourcentage du taux de chômage régional par rapport à la moyenne nationale entre deux années est associée à une augmentation de 10 % de la probabilité de migrer des immigrants, et ce, même lorsque le revenu individuel des immigrants est tenu constant.

De leur côté, les variations de revenus des individus avaient un effet important quant à la migration de tous les groupes. Les personnes dont le revenu baisse de 30 % ou plus entre deux années étaient en moyenne 82 % plus susceptibles de migrer que les personnes dont le revenu était demeuré stable au cours de ces deux années. Chez les personnes de 35 à 54 ans, l'effet est encore plus grand.

Les résultats avancés dans cette étude ont certaines applications en politique publique. D'abord, ils mettent en lumière la plus grande mobilité des populations des plus petites villes au Canada. Malheureusement, nos données ne nous permettent pas de dire avec certitude dans quelle mesure ces personnes ont quitté leur région pour des raisons strictement économiques. Cependant, les résultats indiquent que les personnes réagissent aux variations de leurs propres situations économiques. En d'autres mots, une personne confrontée à une baisse de son revenu cherchera à améliorer son sort et, souvent, considérera la migration.

À l'inverse, lorsque le revenu individuel ne change pas, les personnes ne réagissent que très faiblement aux variations de conditions économiques régionales. Les effets des chocs économiques régionaux sur la migration seraient donc bien présents, mais seraient surtout directs, et non pas indirects.

L'exception à l'égard des immigrants est intéressante. Contrairement aux autres Canadiens, ceux-ci étaient plus enclins à migrer suite à des variations de conditions économiques régionales, même lorsque le revenu était tenu constant. Dans plusieurs communautés canadiennes, des politiques sont mises en place afin d'attirer et retenir les immigrants. Les résultats de cette étude laissent entendre que les considérations économiques sont de nature à jouer un rôle dans la décision d'un immigrant de s'établir dans une région ou une autre.

Sources de données et définitions

La principale banque de données utilisée dans cette étude est la banque de Données administratives longitudinales (DAL). Il s'agit d'un échantillon aléatoire de 20 % du Fichier sur la famille T1 (T1FF), un fichier transversal de tous les déclarants et leurs familles. Les familles de recensement sont identifiées au moyen des renseignements fournis à l'Agence du revenu du Canada dans les déclarations de revenus et les demandes pour la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Ainsi, on obtient des données longitudinales sur les particuliers et leurs familles telles que les sources de revenus et les caractéristiques sociodémo­graphiques de base, comme le lieu de résidence, l'âge, le sexe et le type de famille. La banque DAL couvre actuellement la période de 1982 à 2009. Dans cette étude, on a utilisé les données de 1999 à 2008.

Dans cette étude, une migration a lieu lorsqu'une personne habite une agglomération de recensement (AR) ou une région métropolitaine de recensement (RMR) en t-1 et en habite une autre en t. Inversement, il n'y a pas migration lorsque la personne habite la même AR ou RMR au cours des deux années. Les personnes qui quittent le pays sont exclues de l'analyse pour leurs années à l'extérieur du pays. Les premières migrations ont été observées entre 1999 et 2000 et les dernières entre 2007 et 20089.

De plus, si la personne était un étudiant en t-1 ou en t, la migration est exclue. En effet, les étudiants fréquentent souvent des institutions à l'extérieur de leur région d'origine et leur statut migratoire peut ainsi être difficile à interpréter. Pour identifier les étudiants, on utilise la déduction fiscale relative aux études à temps plein. Sont considérés comme étudiants tous ceux qui ont été aux études à temps plein pendant au moins quatre mois au cours d'une année.

L'échantillon est limité aux personnes de 20 à 54 ans. Ces personnes sont beaucoup plus susceptibles de participer au marché du travail et de migrer que les Canadiens plus jeunes ou plus âgés. En particulier, on a voulu exclure les migrations susceptibles de s'inscrire dans une transition vers la retraite.

Les tailles de population des AR et des RMR sont celles du Recensement de 2006. Voir l'Annexe pour une liste des AR et des RMR selon la taille de la population. Les Fichiers de conversion des codes postaux de 2000 à 2008 ont été utilisés afin d'identifier pour chaque individu dans la banque DAL, son AR ou RMR de résidence. Le code postal familial, disponible dans la banque DAL, a ainsi été apparié au Fichier de conversion des codes postaux10.

Les données sur les conditions économiques régionales proviennent pour leur part de l'Enquête sur la population active (EPA). L'EPA est une enquête mensuelle auprès d'environ 54 000 ménages canadiens dont le but principal est de fournir des renseignements sur l'emploi et le chômage au Canada. Elle porte sur la population civile de 15 ans et plus, mais exclut les personnes qui vivent dans les réserves et dans d'autres peuplements autochtones des provinces, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes et les pensionnaires d'établissements. Le taux de chômage de même que les gains horaires moyens ont été calculés pour chaque AR de 50 000 habitants ou plus et pour chaque RMR, de même que pour l'ensemble du pays, pour chaque année.

Les immigrants sont identifiés à l'aide de la Base de données longitudinales sur les immigrants (BDIM), qui est un fichier apparié avec la banque DAL. La BDIM, créée par Citoyenneté et immigration Canada, contient plusieurs renseignements sur les immigrants au moment de leur établissement au Canada.

Modèles de régression logistique

En présence d'un choc économique touchant une région en particulier, il est à prévoir que le taux de chômage régional va augmenter, mais que le taux de chômage du reste du pays va rester essentiellement au même niveau. De même, les salaires dans la région touchée vont vraisemblablement baisser11 alors que les salaires dans le reste du pays resteront pratiquement inchangés.

Pour refléter cette situation dans nos modèles, la probabilité d'un individu de migrer de l'année t-1 à t est une fonction des différences entre les taux de chômage régional et national en t-1, en t-2 et en t-3 et des différences entre les gains horaires moyens régionaux et nationaux en t-1, en t-2 et en t-3. Ainsi, on peut mesurer l'effet d'une augmentation (diminution) d'un point de pourcentage du taux de chômage régional par rapport à la moyenne nationale entre deux années sur la probabilité d'un individu de migrer. On peut de la même façon mesurer l'effet d'une augmentation (diminution) d'un dollar du salaire horaire moyen régional par rapport à la moyenne nationale entre deux années sur la probabilité d'un individu de migrer. Le modèle mesure donc explicitement l'effet des chocs économiques régionaux asymétriques et non l'effet des chocs touchant l'ensemble du pays, qui pourraient survenir par exemple suite à une récession générale à travers le pays. Les variables d'intérêts sont celles du taux de chômage et des gains horaires moyens en t-1. Les variables en t-2 et en t-3 sont ajoutées pour s'assurer qu'une différence positive ou négative en t-1 reflète le plus possible un choc économique et non pas une tendance préexistante du taux chômage régional ou des gains horaires moyens.

En suivant le même principe, le modèle inclut également les variations de revenu individuel entre t-2 et t-1. Ainsi, on peut mesurer l'incidence d'une augmentation ou d'une diminution d'un revenu individuel de différents pourcentages de t-2 à t-1, sur la probabilité de migrer de t-1 à t. Afin de s'assurer à nouveau que ces variations ne fassent pas que refléter une tendance préexistante du revenu, le quintile de revenu en t-2 et t-3 est également inclus dans le modèle. En d'autres mots, notre spécification permet de tester l'hypothèse qu'une personne dont les revenus étaient comparables aux autres Canadiens en t-3 et en t-2 mais qui subit une baisse importante de revenu l'année suivante sera davantage incitée à migrer.

Enfin, le modèle prend en compte différentes caractéristiques individuelles et régionales en t-1 susceptibles d'influencer la probabilité de migrer: l'âge, le sexe, le statut d'immigrant, le type de famille, la taille de la population de l'AR ou de la RMR, la province et la distance par rapport à une grande RMR, de même que l'année.

De façon plus spécifique, le modèle, qui est estimé à l'aide de régressions logistiques est spécifié comme suit :

  • Prob (migi, r, t = 1) = f ((Taux de chômage régional – Taux de chômage national)t-1,
  • (Taux de chômage régional – Taux de chômage national)t-2,
  • (Taux de chômage régional – Taux de chômage national)t-3,
  • (Gains horaires moyens régionaux – Gains horaires moyens nationaux)t-1,
  • (Gains horaires moyens régionaux – Gains horaires moyens nationaux)t-2,
  • (Gains horaires moyens régionaux – Gains horaires moyens nationaux)t-3,
  • Variation de revenusi, t-2 à t-1,
  • Quintile de revenui, t-2,
  • Quintile de revenui, t-3,
  • X'i,t-1, X'r, t-1, Année t).

La probabilité d'un individu i de migrer à partir d'une région r entre t-1 et t est fonction des différences entre les taux de chômage régionaux et nationaux en t-1, en t-2 et en t-3, des différences entre les gains horaires moyens régionaux et nationaux en t-1, t-2 et t-3, des variations de revenus de l'individu entre t-2 et t-1, du quintile de revenu de l'individu en t-2 et en t-3, de caractéristiques individuelles Xi en t-1 et de caractéristiques régionales Xr en t-1. La banque de données étant organisée en personnes-années, des variables muettes représentant l'année de la migration (de 2000 à 2008) sont également incluses.

Les caractéristiques individuelles Xi considérées sont les suivantes :

  • le groupe d'âge en t-1, où les groupes d'âge sont les suivants : 20 à 24 ans, 25 à 34 ans, 35 à 44 ans et 45 à 54 ans
  • le sexe en t-1
  • le type de famille en t-1, où les catégories sont les suivantes : en couple avec enfants (enfant le plus jeune a moins de 12 ans), en couple avec enfants (enfant le plus jeune a 12 ans ou plus), en couple sans enfant, parent seul, personne vivant seule, enfant déclarant.

Les caractéristiques régionales Xr considérées sont pour leur part les suivantes :

  • la taille de la population de l'AR en t-1, où les groupes de taille de population sont les suivants : 50 000 à 99 999 habitants et 100 000 à 499 999 habitants.
  • la province de l'AR ou de la RMR de résidence et sa distance12 par rapport à une RMR de 500 000 habitants ou plus en t-1, où les catégories sont les suivantes :
    • Terre-Neuve-et-Labrador
    • Île-du-Prince-Édouard
    • Nouvelle-Écosse
    • Nouveau-Brunswick
    • Québec, moins de 100 km de Québec ou Montréal
    • Québec, de 100 à 250 km de Québec ou Montréal
    • Québec, plus de 250 km de Québec ou Montréal
    • Ontario, moins de 100 km d'Ottawa-Gatineau, Toronto ou Hamilton
    • Ontario, de 100 à 250 km d'Ottawa-Gatineau, Toronto ou Hamilton
    • Ontario, plus de 250 km d'Ottawa-Gatineau, Toronto ou Hamilton
    • Manitoba
    • Saskatchewan
    • Alberta, moins de 100 km d'une RMR de Calgary ou d'Edmonton
    • Alberta, de 100 à 250 km d'une RMR de Calgary ou d'Edmonton
    • Alberta, plus de 250 km d'une RMR de Calgary ou d'Edmonton
    • Colombie-Britannique, moins de 100 km de Vancouver
    • Colombie-Britannique, de 100 à 250 km de Vancouver
    • Colombie-Britannique, plus de 250 km de Vancouver

La distance peut constituer un frein important à la mobilité. Une migration sur une très longue distance peut être plus coûteuse monétairement en plus de représenter une plus grande rupture sur le plan personnel. À l'inverse, dans les localités du sud-ouest de l'Ontario, près des grandes RMR de Toronto ou d'Hamilton et où la densité de population est la plus grande au pays, la migration d'une région à une autre peut être beaucoup moins coûteuse13. Ainsi, afin que les résultats sur l'effet des conditions économiques sur les probabilités de migration ne reflètent pas qu'un effet de distance, cette dimension a été prise en compte.

Des régressions séparées sont aussi effectuées selon le groupe d'âge, le sexe et le statut d'immigrant.

La banque DAL ne contient malheureusement aucune donnée sur le niveau d'éducation et sur le statut d'activité sur le marché du travail. Le niveau d'éducation est associé positivement à la migration (Dion et Coulombe, 2008) et aurait donc été une variable à incorporer dans la modélisation si elle avait été disponible. Aussi, bien que les baisses de revenus importantes sont souvent involontaires et peuvent refléter des mises à pied ou des difficultés liées à l'emploi, surtout si le revenu avait été stable au cours des deux années précédentes, cela n'est pas toujours le cas. Des baisses de revenus peuvent survenir lors d'un retrait volontaire du marché du travail ou d'une diminution du nombre d'heures travaillées. Il n'est malheureusement pas possible de distinguer avec ces données l'effet sur la migration de baisses de revenus volontaires et involontaires14.

Annexe

Liste des AR et des RMR selon le groupe de taille de population

AR de 10 000 à 19 999 habitants

AR de 10 000 à 19 999 habitants
  • Amos (Qc)
  • Bay Roberts (T.-N.-L.)
  • Campbellton (N.-B/Qc)
  • Camrose (Alb.)
  • Canmore (Alb.)
  • Cobourg (Ont.)
  • Cold Lake (Alb.)
  • Collingwood (Ont.)
  • Cowansville (Qc)
  • Dawson Creek (C.-B.)
  • Dolbeau–Mistassini (Qc)
  • Elliot Lake (Ont.)
  • Estevan (Sask.)
  • Grand Falls–Windsor (T.-N.-L.)
  • Hawkesbury (Ont./Qc)
  • Ingersoll (Ont.)
  • Kenora (Ont.)
  • Kitimat (C.-B.)
  • La Tuque (Qc)
  • Lachute (Qc)
  • Matane (Qc)
  • North Battleford (Sask.)
  • Okotoks (Alb.)
  • Petawawa (Ont.)
  • Port Hope (Ont.)
  • Powell River (C.-B.)
  • Prince Rupert (C.-B.)
  • Salmon Arm (C.-B.)
  • Squamish (C.-B.)
  • Summerside (Î.-P.-É.)
  • Swift Current (Sask.)
  • Temiskaming Shores (Ont.)
  • Terrace (C.-B.)
  • Thompson (Man.)
  • Tillsonburg (Ont.)
  • Wetaskiwin (Alb.)
  • Williams Lake (C.-B.)
  • Yellowknife (T.N.-O.)
  • Yorkton (Sask.)

AR de 20 000 à 49 999 habitants

AR de 20 000 à 49 999 habitants
  • Alma (Qc)
  • Baie-Comeau (Qc)
  • Bathurst (N.-B.)
  • Brandon (Man.)
  • Brockville (Ont.)
  • Brooks (Alb.)
  • Campbell River (C.-B.)
  • Centre Wellington (Ont.)
  • Corner Brook (T.-N.-L.)
  • Courtenay (C.-B.)
  • Cranbrook (C.-B.)
  • Duncan (C.-B.)
  • Edmundston (N.-B.)
  • Fort St. John (C.-B.)
  • Joliette (Qc)
  • Kentville (N.-É.)
  • Leamington (Ont.)
  • Lloydminster (Alb./Sask.)
  • Midland (Ont.)
  • Miramichi (N.-B.)
  • Moose Jaw (Sask.)
  • New Glasgow (N.-É.)
  • Orillia (Ont.)
  • Owen Sound (Ont.)
  • Parksville (C.-B.)
  • Pembroke (Ont.)
  • Penticton (C.-B.)
  • Port Alberni (C.-B.)
  • Portage la Prairie (Man.)
  • Prince Albert (Sask.)
  • Quesnel (C.-B.)
  • Rimouski (Qc)
  • Rivière-du-Loup (Qc)
  • Rouyn-Noranda (Qc)
  • Saint-Georges (Qc)
  • Salaberry-de-Valleyfield (Qc)
  • Sept-Îles (Qc)
  • Sorel-Tracy (Qc)
  • Stratford (Ont.)
  • Thetford Mines (Qc)
  • Timmins (Ont.)
  • Truro (N.-É.)
  • Val-d'Or (Qc)
  • Victoriaville (Qc)
  • Whitehorse (Yn)
  • Woodstock (Ont.)

AR de 50 000 à 99 999 habitants

AR de 50 000 à 99 999 habitants
  • Belleville (Ont.)
  • Cape Breton (N.-É.)
  • Charlottetown (Î.-P.-É.)
  • Chatham–Kent (Ont.)
  • Chilliwack (C.-B.)
  • Cornwall (Ont.)
  • Drummondville (Qc)
  • Fredericton (N.-B.)
  • Granby (Qc)
  • Grande Prairie (Alb.)
  • Kamloops (C.-B.)
  • Kawartha Lakes (Ont.)
  • Lethbridge (Alb.)
  • Medicine Hat (Alb.)
  • Nanaimo (C.-B.)
  • Norfolk (Ont.)
  • North Bay (Ont.)
  • Prince George (C.-B.)
  • Red Deer (Alb.)
  • Saint-Hyacinthe (Qc)
  • Saint-Jean-sur-Richelieu (Qc)
  • Sarnia (Ont.)
  • Sault Ste. Marie (Ont.)
  • Shawinigan (Qc)
  • Vernon (C.-B.)
  • Wood Buffalo (Alb.)

RMR de 100 000 habitants à 499 999 habitants

RMR de 100 000 habitants à 499 999 habitants
  • Abbotsford (C.-B.)
  • Barrie (Ont.)
  • Brantford (Ont.)
  • Greater Sudbury / Grand Sudbury (Ont.)
  • Guelph (Ont.)
  • Halifax (N.-É.)
  • Kelowna (C.-B.)
  • Kingston (Ont.)
  • Kitchener (Ont.)
  • London (Ont.)
  • Moncton (N.-B.)
  • Oshawa (Ont.)
  • Peterborough (Ont.)
  • Regina (Sask.)
  • Saguenay (Qc)
  • Saint John (N.-B.)
  • Saskatoon (Sask.)
  • Sherbrooke (Qc)
  • St. Catharines–Niagara (Ont.)
  • St. John's (T.-N.-L.)
  • Thunder Bay (Ont.)
  • Trois-Rivières (Qc)
  • Victoria (C.-B.)
  • Windsor (Ont.)

RMR de 500 000 habitants ou plus

RMR de 500 000 habitants ou plus
  • Calgary (Alb.)
  • Edmonton (Alb.)
  • Hamilton (Ont.)
  • Montréal (Qc)
  • Ottawa - Gatineau (Ont./Qc)
  • Québec (Qc)
  • Toronto (Ont.)
  • Vancouver (C.-B.)
  • Winnipeg (Man.)

Notes

  1. Une étude a d'ailleurs montré que la migration entre les provinces avait notamment pour effet une redistribution du capital humain des provinces moins riches et moins urbanisées vers les provinces plus riches et plus urbanisées (Coulombe, 2006).
  2. Au niveau fédéral, des agences ont été mises sur pied afin de favoriser le développement économique des régions, notamment à l'extérieur des grands centres métropolitains. Parmi celles-ci, on retrouve l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec, l'Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l'Ontario et l'Agence de diversification de l'économie de l'Ouest. Au niveau provincial, les questions de développement régional suscitent toutes autant d'intérêt. Voir Joanis et coll. (2004) pour une discussion des politiques de développement régional dans le contexte du Québec.
  3. Aux États-Unis, les études du lien entre les chocs économiques et la migration ont surtout considéré la migration entre les États. Par exemple, Cebula (2005) montre que la capacité d'un État à attirer des migrants croissait en fonction de son revenu par habitant et de son taux d'emploi. Par contre, Anjomani (2002) ne trouve pas de lien significatif entre d'une part, la croissance de l'emploi et du revenu d'un État et, d'autre part, son taux net de migration.
  4. Selon deux études, la probabilité de migrer vers une autre province est liée au taux de chômage provincial. Selon les résultats de celles-ci, une augmentation d'un point de pourcentage du taux de chômage d'une province est associée à une augmentation de 10 % de la probabilité des résidants de cette province de migrer (Bernard et coll., 2008 et Finnie, 2004). Selon une autre étude, la migration entre provinces est davantage liée à des caractéristiques structurelles de long terme plutôt qu'aux chocs économiques locaux de court terme (Coulombe, 2006). Enfin, une autre étude a montré que les immigrants avaient réagi fortement à l'augmentation de la demande de main-d'œuvre en Alberta au cours de la première moitié des années 2000, en devenant plus enclins à s'y installer (Ostrovsky et coll., 2008).
  5. Les régions rurales et les villes de moins de 10 000 habitants ne sont donc pas prises en compte dans cette étude. Pour une analyse du portrait migratoire de ces régions, voir Rothwell et coll. (2002).
  6. Au niveau national, il s'agit d'une période de croissance économique caractérisée par une tendance généralement baissière du taux de chômage jusqu'au début du ralentissement économique en 2008. Cette période se caractérise cependant par une baisse importante de l'emploi manufacturier, qui a particulièrement touché plusieurs communautés à forte concentration d'emploi dans ce secteur (Langevin, 2010).
  7. L'échantillon des AR et des RMR de départ est limité aux AR et aux RMR de 50 000 habitants ou plus et de moins de 500 000 habitants. Toutefois, l'échantillon des AR et des RMR d'arrivée comprend l'ensemble des AR et des RMR de 50 000 habitants ou plus.
  8. On a également effectué des régressions selon le niveau de scolarité de l'immigrant au moment de l'établissement. Les résultats sont semblables selon que l'on considère des échantillons d'immigrants arrivés au Canada avec un diplôme d'études universitaire ou non (données non présentées). Une piste intéressante d'analyse future serait d'examiner le rôle des caractéristiques des immigrants à l'établissement sur la relation entre les chocs économiques régionaux et la migration.
  9. Le choix de la période couverte par l'analyse a été établi en grande partie en fonction des limites de nos données. L'année 2008 était la plus récente année disponible dans la banque de Données administratives longitudinales (DAL) au moment d'effectuer cette étude. L'année 1997 est de plus la première année de données sur les salaires disponibles avec l'Enquête sur la population active (EPA). Comme on utilise les valeurs retardées t-1, t-2 et t-3 des salaires horaires moyens, la première période de migration possible est de 1999 à 2000.
  10. Le code postal est fourni par le déclarant au moment de remplir la déclaration de revenu, généralement avant le 30 avril de chaque année. Le moment peut cependant varier d'un individu à l'autre, ajoutant un élément d'imprécision à notre mesure de la migration.
  11. Une augmentation du chômage est normalement provoquée par la baisse de la demande de travail, qui a pour conséquence des pressions à la baisse sur les salaires.
  12. Il s'agit de la distance, en kilomètres, entre l'AR ou la RMR et la RMR de 500 000 habitants ou plus la plus proche. On a utilisé GoogleMap pour estimer la distance. Lorsque plus d'un chemin peut mener à la grande RMR la plus proche, le chemin le plus court a été sélectionné. Les distances sont généralement de centre-ville à centre-ville. Dans le cas de la municipalité de Wood Buffalo en Alberta, qui couvre un grand territoire, la localité de Fort McMurray, la plus populeuse, a été choisie comme point de départ.
  13. Cette variable de distance par rapport aux grands centres métropolitains peut également être vue comme un substitut pour la densité de population dans un rayon donné autour de la région. En effet, les centres métropolitains de petite et moyenne tailles ont souvent tendance à graviter autour des grands centres métropolitains, de sorte que, généralement, plus on s'éloigne de ces derniers, plus la densité de population diminue.
  14. On a considéré tenir compte de l'effet des variables non observées en effectuant des modèles à effets aléatoires, qui prennent en compte l'hétérogénéité omise. Toutefois, ces modèles reposent sur l'hypothèse que les variables non observées ne sont pas corrélées avec les variables déjà dans le modèle auquel cas les coefficients d'intérêts peuvent être biaisés. Comme l'éducation et le statut sur le marché du travail sont normalement fortement corrélés avec le revenu, une variable importante incluse dans le modèle, cette technique n'a pas été retenue pour cette analyse.

Documents consultés

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TODARO, Michael P. 1986. « Internal Migration and Urban Employment: Comment. », American Economic Review, vol. 76, no 3, p. 566 à 569.

TODARO, Michael P. 1969. « A Model of Labor Migration and Urban Unemployment in Less Developed Countries », American Economic Review, vol. 59, no 1, p. 138 à 148.

Auteur

André Bernard travaille à la Division de la statistique du travail. On peut le joindre au (613) 951-4660, ou à perspective@statcan.gc.ca.