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Que sont devenues les mères adolescentes?

par May Luong

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En règle générale, on dit que la maternité à l'adolescence aura des effets négatifs à long terme sur le bien-être de la mère. On soutient en effet que ces jeunes femmes auront plus de difficultés à terminer leurs études secondaires en raison du temps d'absence nécessaire à la grossesse, au rétablissement et aux soins à l'enfant. Il est également moins probable qu'elles poursuivent des études postsecondaires dans le but d'acquérir les compétences nécessaires à l'obtention de meilleurs emplois. Les emplois peu spécialisés ayant tendance à être moins bien rémunérés, les mères adolescentes seront plus susceptibles de vivre en situation de faible revenu.

En effet, des études menées aux États-Unis pendant les années 1970 et 1980 sont venues, à maintes reprises, étayer les effets négatifs de la maternité chez les adolescentes, dans un éventail de résultats concluant que les mères adolescentes étaient plus susceptibles de connaître un niveau social et économique désavantagé au cours de leur vie que les femmes ayant retardé la maternité. Les mères adolescentes étaient également moins susceptibles de terminer leurs études, d'occuper un emploi, de gagner un salaire élevé ou encore d'être mariées. En outre, elles étaient plus susceptibles d'avoir une famille plus nombreuse et de recevoir de l'aide sociale (Hayes, 1987). Cette situation affecte non seulement le bien-être des mères adolescentes, mais constitue également un cycle répétitif qui augmente les risques pour leurs enfants de se retrouver dans la même situation. En effet, une étude a montré qu'aux États-Unis, les filles de mères adolescentes étaient plus susceptibles (de 25 points de pourcentage) de devenir elles-mêmes mères à l'adolescence (Kearney et Levine, 2007).

Cependant, selon des études plus récentes, le lien entre la maternité à l'adolescence et les faibles résultats socioéconomiques n'est peut-être pas une relation de cause à effet : la probabilité d'être une mère adolescente et celle d'être désavantagée plus tard est peut-être attribuable à des antécédents familiaux défavorisés au départ1. Ainsi, les femmes issues de milieux défavorisés sont plus susceptibles de devenir désavantagées même si elles retardent la maternité. Par ailleurs, si la maternité chez les adolescentes est encore un indicateur significatif de résultats socioéconomiques plus faibles, l'incidence est inférieure à ce que l'on pensait initialement (Ashcraft et Lang, 2006; Levine et Painter, 2003; Klepinger et autres, 1997 et 1995; Ahn, 1994; Hoffman et autres, 1993).

Bien que les études américaines se soient attardées à démêler les relations de cause à effet de la maternité chez les adolescentes et des antécédents familiaux, les études canadiennes sur la question demeurent rares. La plupart de ces dernières se sont concentrées sur les tendances des taux d'incidence et d'avortement en exploitant les statistiques de l'état civil. En outre, la majeure partie des recherches concernait les résultats liés à la scolarité; peu d'études portaient sur d'autres résultats socioéconomiques à long terme, tels que l'activité sur le marché du travail et les conditions de vie. Si les études américaines démontrent que la maternité chez les adolescentes se produit principalement parmi les groupes de minorités visibles, le profil ethnique très différent du Canada suggère que les caractéristiques des mères adolescentes risquent d'y être très différentes.

Il est évident que le taux de natalité diffère entre les deux pays. Le Canada reste loin derrière les États-Unis, lesquels ont enregistré un taux de 41,1 naissances pour 1 000 adolescentes en 2004 et ont généralement connu le taux de natalité chez les adolescentes le plus élevé de l'ensemble des pays développés (graphique A). En 2004, le Canada a enregistré 31 611 grossesses chez les adolescentes (30,5 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans), dont 14 075 naissances vivantes (4,2 % de l'ensemble des naissances cette année-là). Bien que le taux de natalité chez les adolescentes au Canada ait chuté de façon marquée, passant de 35,7 à 13,6 au cours des deux dernières décennies, il était encore presque sept fois plus élevé qu'en Suède en 2004, qui reste le pays ayant l'un des taux de natalité les plus bas chez les adolescentes dans l'ensemble des pays développés.

Au moyen de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR), la présente étude examine les caractéristiques personnelles et socioéconomiques à long terme des femmes âgées de 30 à 39 ans, ayant eu des enfants à l'adolescence (voir Source des données et définitions). L'EDTR contient de l'information sur le niveau de scolarité des parents des mères adolescentes, qui fournit une approximation des antécédents familiaux. Le présent article permet plus particulièrement de comparer les femmes qui étaient mères à l'adolescence avec celles qui le sont devenues à l'âge adulte, selon les résultats liés à la scolarité, l'activité à long terme sur le marché du travail et la situation de faible revenu.

Le taux de maternité à l'adolescente est deux fois plus élevé chez les femmes d'ascendance autochtone

Parmi les femmes ayant déclaré une ascendance autochtone, 24 % étaient mères à l'adolescence contre à peine 10 % des autres mères. Tandis que l'ascendance autochtone dans l'EDTR inclut uniquement les personnes vivant hors réserve et n'est pas représentative de l'ensemble de la population autochtone, les personnes ayant déclaré une ascendance autochtone dans cette étude représentaient 3,8 % de l'échantillon comparativement à 3,5 % de la population en 2001 et 4,0 % en 20064.

Contrairement aux États-Unis, les immigrantes (de minorités visibles ou non) au Canada sont moins susceptibles d'être mères à l'adolescence que les femmes nées au pays et n'appartenant pas à une minorité visible (graphique B). Ces résultats reflètent vraisemblablement les diverses politiques d'immigration qui mènent à des différences en matière de statut ethnique, culturel et socioéconomique des immigrants. Ainsi, au Canada, les immigrants ont tendance à être plus scolarisés en raison de l'importance accordée aux candidats qualifiés, et les femmes issues de familles instruites sont moins susceptibles d'être mères à l'adolescence (Galarneau et Morissette, 2004). En outre, la différence entre les États-Unis et le Canada concernant la prévalence de la maternité chez les adolescentes parmi les groupes de minorités visibles peut être en partie attribuable à des profils ethniques différents.

Les mères adolescentes sont plus susceptibles de se marier à l'adolescence, mais après la naissance de leur premier enfant

Environ la moitié des mères adolescentes se sont également mariées à l'adolescence, contre seulement 8 % des mères adultes (tableau 1). Tandis que 71 % de ces dernières se sont mariées dans la vingtaine, seulement 28 % des mères adolescentes ont fait de même. En outre, les mères adolescentes étaient plus susceptibles de rester célibataires (19 % par rapport à 13 %).

Bien que les mères adolescentes aient tendance à se marier jeunes, 39 % ont attendu au moins un an après la naissance de leur premier enfant. Seulement 20 % des mères adolescentes se sont mariées avant de donner naissance à leur premier enfant et 22 % se sont mariées la même année. La majorité des mères adultes, en revanche, se sont mariées avant la naissance de leur premier enfant (72 %), tandis que seulement 6 % se sont mariées la même année, et 8 %, l'année suivante. Même si 19 % des mères adolescentes ne se sont jamais mariées, 46 % ont déclaré vivre en union libre au cours de l'année de référence. Même si les personnes en union libre présentent beaucoup de caractéristiques similaires à celles des couples mariés, il était impossible de combiner ces groupes, car la date du début de l'union n'était pas fournie.

Si la plupart des mères adolescentes étaient finalement mariées (60 %) une fois la trentaine atteinte, cette proportion restait toujours inférieure à celle des mères adultes (76 %). Par ailleurs, les mères adolescentes étaient plus susceptibles de vivre en union libre (14 % contre 10 %), mais elles risquaient également davantage de se séparer ou de divorcer. En outre, les mères adolescentes étaient presque trois fois plus susceptibles de déclarer qu'elles s'étaient mariées plus d'une fois (16 % contre 6 %).

Puisque les mères adolescentes ont, par définition, commencé à fonder une famille à un plus jeune âge, elles auraient également eu plus de temps pour avoir d'autres enfants. En effet, elles ont eu, en moyenne, une famille plus nombreuse (2,5 enfants) que les mères adultes (2,0 enfants). Cependant, ces dernières ont peut-être aussi repoussé le moment de compléter leur famille. Ainsi, tandis que les mères adolescentes sont plus susceptibles d'avoir fini de fonder leur famille, les mères adultes peuvent encore avoir d'autres enfants dans la trentaine avancée ou plus tard.

Les mères adolescentes sont moins susceptibles d'avoir terminé leurs études secondaires ou postsecondaires

Les régressions logit distinctes ont permis d'examiner les résultats des femmes en ce qui concerne l'achèvement des études secondaires et postsecondaires (voir Modélisation des résultats socioéconomiques). L'échantillon se composait de femmes âgées de 30 à 39 ans pour chaque année de référence, ayant déjà donné naissance. Les probabilités de référence de terminer les études secondaires et postsecondaires parmi toutes les mères étaient respectivement de 91 % et de 55 % (tableau 2). Comme prévu, même après la prise en compte d'autres facteurs, il s'est avéré que le moment de la maternité était lié de façon significative aux chances de terminer le cycle d'études secondaires ou postsecondaires. Les mères adolescentes étaient moins susceptibles de terminer leurs études secondaires (de 17 points de pourcentage) et postsecondaires (de 14 à 19 points). Cela va de pair avec une étude fondée sur l'Enquête auprès des jeunes en transition, qui a conclu que la grossesse et la maternité chez les adolescentes étaient associées à l'abandon des études secondaires (Bowlby et McMullen, 2002)5.

Le choix du moment du mariage et son interaction avec le moment de la maternité était également significatif. Le mariage et la naissance ne coïncident pas nécessairement pour les jeunes mères. Par exemple, la première naissance chez les mères adolescentes mariées a probablement été planifiée, mais pour celles qui étaient célibataires, la naissance était plus vraisemblablement imprévue. Par conséquent, la combinaison du moment de la maternité et du mariage peut traduire certaines différences latentes dans les caractéristiques personnelles ou encore dans la situation des jeunes mères, ce qui risque d'influer sur les résultats liés à la scolarité. Les résultats montrent que les mères adolescentes ne se mariant pas avant l'âge de 20 ans étaient légèrement plus susceptibles de terminer leurs études postsecondaires, puisqu'elles enregistraient un fléchissement inférieur de 5 points de pourcentage à celles se mariant avant l'âge de 20 ans.

Comme on l'avait prévu, les variables liées aux antécédents familiaux étaient statistiquement significatives. Elles montraient que les femmes dont les pères avaient terminé leurs études postsecondaires étaient plus susceptibles d'achever leurs études secondaires (de 7 points de pourcentage) et postsecondaires (de 22 points) que les femmes dont les pères n'avaient pas obtenu de diplôme d'études secondaires. De même, les femmes dont les mères avaient terminé leurs études postsecondaires étaient plus susceptibles d'achever leurs études secondaires (de 8 points) et postsecondaires (de 19 points). Même le fait que les parents aient terminé uniquement leurs études secondaires était positivement lié à la vraisemblance d'achever les études secondaires et postsecondaires chez les femmes (entre 5 et 10 points de pourcentage). Les interactions entre l'âge à la naissance du premier enfant et le niveau de scolarité des parents n'étaient pas statistiquement significatives et ont été retirées par la suite. Dans l'ensemble, le niveau de scolarité des parents semblerait avoir une grande incidence sur les résultats liés à la scolarité d'une femme, indépendamment d'une maternité à l'adolescence.

Le statut d'immigrant et l'appartenance à une minorité visible ont également été inclus dans le modèle mais ne se sont pas révélés statistiquement significatifs. Les conclusions sont logiques : les politiques d'immigration du Canada reposent sur une sélection en fonction des compétences, de sorte que de nombreux immigrants seront très scolarisés. Les femmes d'ascendance autochtone se sont révélées moins susceptibles de terminer leurs études secondaires (-4 points de pourcentage) ou postsecondaires (-12 points), ce qui va de pair avec une recherche précédente (Siggner et Costa, 2005).

Le modèle a également pris en compte la province ou le territoire où la majeure partie des études primaires ou secondaires ont été effectuées6. Bien que les résultats indiquent quelques différences statistiquement significatives entre certaines provinces et l'Ontario, ils traduisent des conditions qui précèdent de 11 à 25 ans l'année de référence. Les contrôles de l'effet de cohorte n'étaient pas statistiquement significatifs. Enfin, les répondants aux enquêtes de 2002 et 2005 étaient plus susceptibles d'avoir terminé leurs études secondaires (de 3 points de pourcentage) et postsecondaires (de 7 à 11 points) que les répondants de 1996. Ce résultat n'est pas surprenant puisque l'accent a davantage été mis sur l'atteinte d'un plus haut niveau de scolarité afin de pouvoir prétendre à de meilleurs emplois. Cela est particulièrement visible dans l'effet marginal plus important que l'on constate ces dernières années chez les diplômés postsecondaires7.

La scolarité permet de contrer les effets négatifs de la maternité à l'adolescence sur l'activité sur le marché du travail

Les études précédentes sur les conséquences de la maternité à l'adolescence se concentraient sur la scolarité car, dans la plupart des cas, celle-ci détermine en grande partie les gains, l'activité sur le marché du travail et la profession. Peu d'études ont permis d'approfondir d'autres résultats socioéconomiques de la maternité chez les adolescentes. Cependant, étant donné que l'acquisition des compétences professionnelles et la croissance importante des gains sont concentrées en début de carrière, la maternité à l'adolescence risque d'influer sur les gains à long terme d'une femme. En effet, dans la présente étude, les taux salariaux horaires composites réels8 des mères adolescentes représentaient 10,93 $ contre 13,29 $ pour les mères adultes9, ce qui va de pair avec d'autres études. Au Canada, les femmes ayant retardé la maternité gagnaient au moins 6 % de plus que celles ayant eu des enfants plus tôt (Drolet, 2002). De même, aux États-Unis, la maternité à l'adolescence réduisait de 23 % les gains des femmes blanches et de 13 % ceux des femmes noires (Klepinger et autres, 1997).

Parmi les mères âgées de 30 à 39 ans au cours de l'année de référence, la probabilité de référence d'occuper un emploi à temps plein toute l'année était de 41 %, celle d'occuper un emploi pour un certain temps, de 34 %, et celle de ne pas travailler, de 24 %. Ces résultats montrent un rapport étroit entre la maternité à l'adolescence et le niveau de scolarité, qui influe sur l'activité sur le marché du travail (tableau 3). L'interaction entre le moment de la maternité et le niveau de scolarité montre que les mères adolescentes sans diplôme d'études secondaires étaient moins susceptibles (de 9 points de pourcentage) d'occuper un emploi à temps plein toute l'année et risquaient davantage de ne pas avoir travaillé pendant l'année de référence que les mères adultes ayant obtenu leur diplôme d'études secondaires. De même, les mères adultes sans diplôme d'études secondaires étaient moins susceptibles (de 10 points) d'occuper un emploi à temps plein toute l'année et plus susceptibles (de 13 points) de ne pas travailler au cours de l'année de référence. Cependant, l'un des aspects frappants est que les mères adolescentes ayant obtenu leur diplôme d'études secondaires ne se distinguaient pas du groupe de référence. En outre, les mères adolescentes titulaires d'un diplôme ou d'un certificat d'études postsecondaires étaient en réalité plus susceptibles d'occuper un emploi à temps plein toute l'année que les mères adultes ayant un niveau de scolarité équivalent (13 points de pourcentage contre 5 points au-dessus du profil de référence). Ces résultats laissent entendre que l'instruction joue un rôle important au chapitre de l'activité sur le marché du travail chez les femmes. Ainsi, les femmes qui sont devenues mères à l'adolescence étaient aussi susceptibles, ou sinon plus, que les mères adultes ayant un niveau de scolarité comparable de travailler à temps plein toute l'année. Cependant, d'autres caractéristiques non observées, comme le soutien familial, le réseau social et une variété d'autres ressources ou de traits psychologiques, peuvent entrer en jeu.

Les antécédents familiaux exercent une influence, même à long terme. Les femmes dont les mères ont terminé leurs études secondaires ou postsecondaires étaient plus susceptibles (de 5 points de pourcentage) de travailler à temps plein toute l'année que les femmes dont les mères n'avaient pas de diplôme d'études secondaires. Il est possible que les mères servent de modèles aux yeux de leurs filles, et celles très scolarisées peuvent inculquer à leurs filles des valeurs qui encouragent l'atteinte d'un plus haut niveau de scolarité et d'activité sur le marché du travail. En revanche, les pères ayant terminé leurs études postsecondaires présentaient un effet négatif statistiquement significatif. Ce résultat contre-intuitif peut être attribuable à l'omission de variables. Par exemple, le revenu ou le divorce des parents et le fait de grandir avec un seul parent pouvaient influer sur les résultats. Cependant, étant donné que l'EDTR se limite au niveau de scolarité des parents, il n'était pas possible de tenir compte d'autres informations contextuelles potentiellement pertinentes.

En ce qui concerne les antécédents personnels, les immigrantes étaient moins susceptibles de travailler toute l'année et plus susceptibles de ne pas travailler du tout (de 7 points de pourcentage) que les non-immigrantes. Cela pourrait refléter la préférence des immigrantes à rester à la maison avec leurs enfants, même s'ils ne sont plus d'âge préscolaire. De même, il pourrait y avoir moins de possibilités d'emploi pour les immigrantes en raison de barrières linguistiques. La non-reconnaissance des titres étrangers et de l'expérience professionnelle à l'étranger de même que les contacts professionnels limités peuvent aussi constituer d'autres facteurs. Les femmes de minorités visibles n'étaient ni plus ni moins susceptibles d'occuper un emploi à temps plein toute l'année que les autres femmes. Cependant, elles étaient moins susceptibles d'être actives, sous d'autres formes, sur le marché du travail et plus enclines à ne pas travailler. Chez les femmes ayant indiqué une ascendance autochtone, la vraisemblance d'occuper un emploi à temps plein toute l'année n'était pas statistiquement différente. Les résultats donnent à penser que les différences ayant trait à l'activité sur le marché du travail des femmes d'ascendance autochtone étaient imputables à d'autres facteurs du modèle.

Comparativement aux mères mariées, seuls les résultats concernant les mères célibataires (jamais mariées) étaient statistiquement différents. Les mères célibataires étaient moins susceptibles (de 12 points de pourcentage) d'occuper un emploi à temps plein toute l'année et plus susceptibles (de 13 points) de ne pas avoir travaillé durant l'année de référence. Cette conclusion est conforme à l'étude précédente sur les mères seules et leur activité sur le marché du travail (Dooley et Finnie, 2001).

D'autres contrôles ont également été intégrés et se sont avérés statistiquement significatifs. Ceux-ci comprennent la situation vis-à-vis de l'incapacité, la province de résidence, la taille de la région de résidence et l'année pour laquelle le répondant a été interrogé.

La scolarité importe plus dans la détermination du faible revenu

Comme il a été mentionné précédemment, les femmes qui étaient mères à l'adolescence ont des gains moyens très inférieurs à ceux des femmes qui étaient mères une fois adultes. Cependant, leur revenu total personnel après impôt n'était pas statistiquement différent (16 500 $ contre 17 500 $)10,11. Bien que les transferts gouvernementaux versés aux familles de mères adolescentes aient été plus élevés que ceux versés aux familles de mères adultes (une différence de 2 600 $), les revenus familiaux après impôt affichaient un écart nettement supérieur. Les familles comptant des femmes qui étaient mères à l'adolescence affichaient, en moyenne, un revenu après impôt de 40 300 $ contre 47 300 $ pour les familles de mères adultes. Toutefois, l'essentiel de cette différence disparaissait une fois que la taille de la famille était prise en considération. Les familles comptant des femmes qui étaient mères à l'adolescence avaient un revenu après impôt ajusté de 19 900 $, contre 23 800 $ pour les familles de mères adultes12.

Néanmoins, 21 % des familles comptant des femmes qui étaient mères à l'adolescence avaient un revenu ajusté au-dessous de la mesure de faible revenu (MFR), contre à peine 12 % des familles de mères adultes. Cependant, à l'instar des résultats relatifs à l'activité, le modèle logit sur la probabilité de vivre sous la MFR a montré une interaction statistiquement significative (au niveau de 0,05 ou mieux) entre le moment de la maternité et le niveau de scolarité13. Les femmes qui étaient mères adolescentes et mères adultes sans diplôme d'études secondaires étaient toutes deux plus susceptibles de vivre sous la MFR que les mères adultes ayant un diplôme d'études secondaires (respectivement de 4 et 5 points de pourcentage). De même, les femmes qui étaient mères adolescentes et mères adultes ayant terminé leurs études postsecondaires étaient moins susceptibles (respectivement de 3 et 5 points) de se retrouver sous la MFR. Dans l'ensemble, la probabilité de référence de vivre en situation de faible revenu était de 9 %.

Conclusion

La maternité à l'adolescence a des effets négatifs à long terme sur les résultats socioéconomiques des femmes. Dans l'ensemble, les mères adolescentes au Canada étaient moins susceptibles de terminer leurs études secondaires et postsecondaires que les mères adultes, même après la prise en compte des antécédents familiaux et d'autres caractéristiques. La maternité à l'adolescence et le niveau de scolarité sont liés de façon significative à l'activité sur le marché du travail chez les femmes. En ce qui concerne l'activité sur le marché du travail, les résultats donnent à penser que l'instruction importe plus que les antécédents familiaux — les femmes dont le niveau de scolarité était semblable avaient des probabilités comparables d'occuper un emploi à temps plein toute l'année. Seules les femmes qui étaient mères à l'adolescence et qui avaient fait des études postsecondaires étaient plus susceptibles de travailler à temps plein toute l'année durant l'année de référence que les femmes devenues mères à l'âge adulte et dont le niveau de scolarité était semblable. Si les salaires moyens des mères adolescentes étaient plus faibles que ceux des femmes qui étaient des mères adultes, les mères adolescentes et les mères adultes ayant un niveau de scolarité comparable affichaient des probabilités presque égales de vivre en situation de faible revenu. De plus, les antécédents familiaux n'étaient plus statistiquement significatifs pour ces mères dans le cas de la vraisemblance de vivre en situation de faible revenu. Des résultats semblables ont été obtenus quant à la probabilité de vivre en situation de faible revenu. Ces résultats donnent à penser que la scolarité peut aider à contrer les effets négatifs de la maternité chez les adolescentes. Cependant, d'autres caractéristiques non observées, comme le soutien familial, le réseau social et une variété d'autres ressources, de traits psychologiques et d'autres facteurs, peuvent également avoir une incidence sur les résultats.

En résumé, les résultats de cette étude laissent entendre que la maternité à l'adolescence est liée à un niveau de scolarité plus faible qui peut, à son tour, avoir des effets à plus long terme sur l'activité sur le marché du travail et les taux de faible revenu. Cependant, les mères adolescentes et les mères adultes ayant des niveaux de scolarité semblables affichaient aussi une activité sur le marché du travail et des taux de faible revenu comparables, ce qui donne à penser qu'à long terme, la scolarité est plus importante en ce qui concerne l'activité sur le marché du travail et le revenu.

Source des données et définitions

L'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) porte sur environ 97 % de la population canadienne, à l'exception des personnes vivant dans les territoires, les établissements institutionnels, les réserves autochtones ou les casernes militaires. Chaque panel de répondants, soit environ 15 000 ménages et 30 000 adultes, est interrogé pendant six années consécutives. Un nouveau panel est ajouté tous les trois ans, de façon à ce que deux panels se chevauchent constamment. La présente étude met en commun la première vague transversale de chacun des cinq panels existants de l'EDTR (1993, 1996, 1999, 2002 et 2005) afin d'aboutir à un échantillon représentatif de femmes qui étaient mères à l'adolescence.

Pour chaque année de référence, cette étude s'est limitée aux femmes âgées de 30 à 39 ans2. La limite d'âge supérieure a réduit les différences entre cohortes tout en conservant un échantillon représentatif de mères adolescentes; la limite inférieure a donné aux mères adolescentes une chance de « rattraper » les mères adultes pour ce qui est de la scolarité. Par exemple, la plupart des femmes sont diplômées de l'école secondaire à l'âge de 17 ou 18 ans, et du collège ou de l'université à l'âge de 22 à 25 ans, mais les mères adolescentes éprouvent plus de difficultés à terminer leurs études en raison de la naissance de leur premier enfant (et probablement des enfants suivants), et sont susceptibles de ne pas atteindre leur plus haut niveau de scolarité avant la fin de la vingtaine, voire plus.

L'échantillon a exclu les femmes qui n'ont jamais eu d'enfant (5 262) ou celles dont l'âge à la première naissance n'a pas été mentionné (700). L'échantillon final se composait de 19 064 mères âgées de 30 à 39 ans au cours de l'année de référence, dont un peu plus de 10 % ont enfanté à l'adolescence.

Les mères adolescentes sont des femmes ayant eu leur premier enfant avant l'âge de 20 ans et les mères adultes, à l'âge de 20 ans ou plus. Une variable binaire a été obtenue à l'aide des données autodéclarées portant sur « l'âge à la naissance du premier enfant ». Elle a été définie par 1 pour les cas de premier enfant avant 20 ans et par 0 pour les cas de premier enfant à un âge plus avancé3.

La scolarité désigne le plus haut niveau de scolarité atteint au moment de l'enquête, divisé en trois groupes : sans diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires, et enfin, grade, certificat ou diplôme d'études postsecondaires.

Les mesures de faible revenu (MFR) correspondent à 50 % du revenu familial médian et sont rajustées selon le nombre de personnes, reflétant ainsi les économies d'échelle inhérentes à la taille et à la composition des familles. Le rajustement est fondé sur l'échelle d'équivalence de la famille, qui est la somme des « équivalences » pour chaque membre de la famille. La personne la plus âgée se voit attribuer une équivalence de 1,0 et la seconde personne la plus âgée, de 0,4. Toutes les autres personnes âgées de 16 ans ou plus se voient attribuer une équivalence de 0,4 et les moins de 16 ans, de 0,3. Cela permet de rajuster le revenu familial selon la taille et la composition de la famille, afin de pouvoir comparer les revenus de toutes les familles.

La situation vis-à-vis de l'incapacité résume plusieurs questions. Depuis l'année de référence 1999, les questions de sélection ont été modifiées de façon significative pour refléter celles utilisées dans le Recensement de 2001. Les résultats doivent donc être interprétés avec précaution.

Modélisation des résultats socioéconomiques

Tandis que l'analyse descriptive peut fournir des renseignements sur les liens entre la maternité à l'adolescence et les résultats socioéconomiques à long terme, l'analyse multivariée tient compte d'autres facteurs susceptibles d'influer sur ces résultats.

Les résultats étudiés comprenaient le niveau de scolarité, l'activité sur le marché du travail et la situation de faible revenu. Pour les modèles liés à la scolarité, on a utilisé des régressions logit distinctes afin d'estimer les effets marginaux de la maternité à l'adolescence et d'effectuer d'autres contrôles sur la probabilité de terminer des études secondaires et postsecondaires. Une régression logit multinomiale a permis d'estimer les effets marginaux de la maternité à l'adolescence et d'effectuer d'autres contrôles sur la probabilité d'occuper un emploi à temps plein toute l'année, d'avoir un emploi durant une certaine période de temps, ou de ne pas travailler du tout. Pour le modèle relatif au revenu, on s'est servi d'une régression logit afin d'estimer les effets marginaux de la maternité à l'adolescence et d'effectuer d'autres contrôles sur la probabilité de vivre en situation de faible revenu.

Les régressions logit ont été choisies pour les modèles se rapportant à la scolarité et au revenu, car la variable des résultats donnait deux réponses. De même, la régression logit multinomiale a été choisie pour le modèle lié au travail, car la variable des résultats donnait trois réponses. Les poids bootstrap ont été utilisés pour prendre en compte l'effet du choix d'un échantillon à plusieurs degrés dans l'EDTR. STATA a été utilisé pour mettre en œuvre le modèle et les poids bootstrap.

Note : Les mères adolescentes les plus jeunes (âgées de 17 ans ou moins à la naissance du premier enfant) et les plus âgées (18 ou 19 ans à la naissance du premier enfant) ont été étudiées séparément mais aucune différence significative n'est ressortie, d'où leur regroupement.

Notes

  1. Dans des études antérieures, on a soulevé le caractère endogène du statut des mères adolescentes comme prédicteur de leur niveau de scolarité. Celles ayant l'intention d'atteindre un niveau de scolarité élevé peuvent se servir de mesures préventives (par exemple, la contraception ou l'avortement) pour éviter une grossesse si elles considèrent qu'une maternité précoce risque de compromettre leurs études. En outre, les élèves performantes peuvent prendre davantage conscience du coût de renonciation à leur éducation si elles deviennent mères à l'adolescence, alors que les élèves peu performantes peuvent ne pas se rendre compte de ce coût si elles ne considèrent pas l'éducation comme un critère important. Par conséquent, celles qui deviennent mères à l'adolescence risquent d'être celles qui n'avaient jamais espéré atteindre un haut niveau de scolarité. La perception de l'importance de la scolarité peut influer sur la probabilité d'une maternité à l'adolescence. Afin de corriger ce caractère endogène, des chercheurs se sont servis de l'analyse de la variable instrumentale (VI), leur permettant d'estimer la probabilité d'avoir un enfant à l'adolescence dans le cas de chaque répondante à l'enquête, à partir de variables (instruments) mises en corrélation avec la probabilité d'une maternité à l'adolescence, mais sans tenir compte de l'achèvement des études secondaires. La probabilité estimée est alors utilisée comme une variable explicative dans le modèle afin d'estimer la probabilité de terminer les études secondaires. Comparativement à l'analyse traditionnelle, qui considère la maternité à l'adolescence comme une variable exogène, l'analyse VI montre que la variable de maternité à l'adolescence reste un élément significatif, mais que les coefficients estimés et les effets marginaux sont plus limités (Klepinger et autres, 1995). Dans la présente étude, la maternité à l'adolescence est traitée comme une variable exogène puisque l'EDTR ne se prête pas à l'analyse VI. En conséquence, les résultats sont suffisamment étayés pour prévoir la maternité à l'adolescence comme un élément statistiquement significatif pour expliquer la probabilité de terminer des études secondaires et postsecondaires. Cependant, les effets marginaux estimés sont peut-être surestimés.
  2. La population initialement visée était composée de femmes et d'hommes qui ont été parents adolescents. Cependant, les hommes ne représentaient que 14 % du sous-échantillon. Cette faible proportion d'hommes laisse supposer une éventuelle sous-représentation, et donc, un biais de sélection. Dans cette optique, l'étude ne porte que sur les femmes.
  3. En raison du caractère continu de la variable initiale « âge à la naissance du premier enfant », il était possible d'analyser séparément les mères adolescentes plus jeunes (moins de 18 ans à la naissance du premier enfant) et les mères adolescentes plus âgées (18 ou 19 ans à la naissance du premier enfant). Même si les mères adolescentes plus âgées présentaient parfois des caractéristiques qui les rapprochaient des jeunes mères adultes (de 20 à 24 ans à la naissance du premier enfant), elles ressemblaient, la plupart du temps, davantage aux jeunes mères adolescentes.
  4. Les taux de natalité provenant du Bureau de l'état civil n'étant pas disponibles selon l'appartenance ethnique, le taux de natalité des adolescentes autochtones vivant ou non dans les réserves est inconnu.
  5. L'Enquête auprès des jeunes en transition pourrait servir à étudier les résultats liés à la scolarité des mères adolescentes. Cependant, comme l'enquête n'aborde que son quatrième cycle, il ne serait pas possible d'observer les résultats socioéconomiques à plus long terme, tels que l'emploi et le revenu des femmes dans la trentaine.
  6. Les renseignements sur la région de résidence des femmes avant ou pendant l'achèvement de leurs études secondaires ou postsecondaires ne sont pas disponibles dans l'EDTR.
  7. D'autres variables comme l'âge lors de l'année de référence et l'année de naissance de l'enfant ont été étudiées puis abandonnées, car elles n'étaient pas statistiquement significatives selon le test de Wald ajusté. De même, le nombre d'années écoulées depuis la naissance du premier enfant a été abandonné puisqu'il est en étroite corrélation avec l'âge à la naissance du premier enfant. Le nombre total d'enfants nés de la même mère a également été abandonné, car il n'est disponible que pour l'année de référence. Afin de déterminer l'incidence sur l'achèvement des études secondaires et postsecondaires, le modèle nécessiterait des renseignements sur le nombre total d'enfants nés avant l'achèvement des études secondaires et postsecondaires. Cependant, ces renseignements ne sont pas disponibles dans l'EDTR. En outre, une autre étude a permis de constater qu'après la prise en compte de l'âge à la naissance du premier enfant, les différences relatives au niveau de scolarité selon le nombre d'enfants devenaient très limitées et sans importance (Grindstaff et autres, 1991).
  8. En dollars de 2005.
  9. Les mères plus âgées qui ont eu leur premier enfant pendant l'année de référence et qui n'ont pas été occupées toute l'année ont été exclues du calcul de la moyenne composite des gains horaires.
  10. Tous les chiffres sont indiqués en dollars de 2005.
  11. Les mères plus âgées qui ont eu leur premier enfant pendant l'année de référence et qui n'ont pas été occupées toute l'année ont été exclues du calcul des revenus moyens puisque celles en congé de maternité avec leur premier enfant pendant l'année de référence sont susceptibles d'avoir un revenu inférieur par rapport aux années précédentes et, par conséquent, de biaiser les résultats.
  12. Le revenu a été ajusté au moyen de l'échelle d'équivalence de la famille de façon à refléter la taille et la composition de la famille. Pour obtenir des précisions sur l'échelle d'équivalence de la famille, voir Source des données et définitions.
  13. Le modèle logit ayant trait au faible revenu permettait d'estimer la probabilité de vivre sous la MFR. Les covariables étaient : l'interaction entre le moment de la maternité et la scolarité, le niveau de scolarité des parents, les antécédents personnels, l'état matrimonial, les variables liées à la famille, les caractéristiques démographiques, la situation vis-à-vis de l'incapacité, l'année d'enquête, l'âge et l'année de naissance de l'enfant.

Documents consultés

Auteur

May Luong est au service de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut la joindre au 613-951-6014 ou à perspective@statcan.gc.ca.


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