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Nouveau regard sur la polarisation des heures de travail

par Jeannine Usalcas

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Le nombre d'heures travaillées peut varier considérablement d'un étudiant travaillant à temps partiel à un gestionnaire bourreau de travail. L'économie fournit des emplois selon la demande à la fois des employeurs et des employés même s'il n'y a pas toujours parfaite concordance. Les travailleurs incapables de trouver suffisamment de travail peuvent en souffrir financièrement tandis que ceux occupant des emplois très exigeants peuvent devoir sacrifier d'autres aspects de leurs vies. Les employeurs ont peut-être le contrôle lorsque la main-d'œuvre est abondante, mais ils peuvent devoir adapter sur mesure leurs emplois afin d'offrir un ensemble d'heures et de bénéfices plus attrayants lorsque le marché du travail est restreint.

Des recherches au cours du milieu des années 1990 ont montré qu'une plus grande inégalité des gains était accompagnée par une polarisation croissante des heures de travail (Morissette, 1996). Non seulement plus de gens travaillaient des heures très courtes et très longues, mais les heures longues étaient concentrées parmi ceux qui avaient des gains plus élevés et les heures plus courtes parmi ceux qui avaient des gains moins élevés.

Récemment, une attention particulière a été portée sur la diminution des heures effectives de travail. Même si une petite portion de la diminution pourrait être expliquée par la méthodologie de l'enquête, d'autres facteurs ont joué un rôle (Galarneau, Maynard et Lee, 2005). Ceux-ci comprenaient des changements dans le régime de travail des familles, davantage de croissances dans les industries avec moins d'heures moyennes de travail et le vieillissement de la main-d'œuvre. Cet article quantifie la diminution dans le nombre d'heures moyennes habituelles sur une période de 10 ans et examine comment les changements dans la répartition des heures de travail contribuent à la tendance générale.

Le Canada n'est pas le seul pays où le nombre habituel d'heures de travail par semaine a diminué. Des 24 pays qui figurent dans la base de données de l'OCDE, 22 ont vu baisser ce nombre depuis 1997 (pour de plus amples détails voir Comparaisons internationales).

Au cours des trente dernières années, la semaine de travail moyenne habituelle a diminué de 38,6 heures en 1976 à 36,5 heures en 2006. La plus grande partie du recul a eu lieu de 1976 à 1996 (-1,6 heure) et est expliqué principalement par une croissance plus vigoureuse de l'emploi à temps partiel que de l'emploi à temps plein (30 heures et plus). La proportion de personnes travaillant à temps partiel est passée d'environ 13 % en 1976 à un sommet de 19 % en 1996. Toutefois, après 1997, la croissance du travail à temps partiel a ralenti et celle du travail à temps plein s'est affermie. Alors, pourquoi la diminution du nombre normal d'heures de travail se poursuit-elle si un plus grand nombre de travailleurs à temps plein entrent sur le marché du travail?

Le présent article s'appuie sur les données de l'Enquête sur la population active pour examiner le nombre habituel moyen d'heures travaillées par semaine (dans l'emploi principal) et l'évolution de la répartition du nombre d'heures de travail (voir Sources des données et définitions). Les variations du nombre d'heures de travail reflètent la croissance de l'emploi, les changements démographiques et l'évolution des tendances en ce qui concerne l'industrie, les professions, les catégories de travailleurs et les niveaux d'études. L'article comprend aussi un examen des différences interprovinciales et une comparaison du Canada à d'autres pays.

Diminution du nombre d'heures de travail à temps plein, accroissement du nombre d'heures de travail à temps partiel

De 1997 à 2006, le nombre hebdomadaire d'heures travaillées à temps plein a diminué, pour passer de 41,5 heures à 40,8, après avoir plafonné autour de 42 heures de 1976 à 1996 (graphique A). Ce recul des 10 dernières années est survenu alors même que l'emploi à temps plein augmentait, la part de ce dernier étant passée de 80,9 % en 1997 à 82,0 % en 2006. Parallèlement, le nombre moyen d'heures des travailleurs à temps partiel a augmenté, passant de 16,5 heures en 1997 à 17,2 heures en 2006.

Mouvement de dépolarisation du nombre d'heures de travail

L'examen de la répartition du nombre d'heures de travail apporte d'autres éclaircissements. Des changements ont eu lieu bien qu'une majorité de personnes travaillent de 35 à 40 heures par semaine (59 % en 2006).

Au cours des 10 dernières années, le nombre de personnes travaillant de 30 à 48 heures a augmenté, 72,8 % de tous les travailleurs ayant déclaré se situer dans cette plage d'heures en 2006 comparativement à 69,6 % en 1997 (graphique B). Par ailleurs, moins de travailleurs ont participé aux horaires extrêmes, c'est-à-dire moins de 15 heures et 49 heures ou plus.

Ce changement représente un départ par rapport à la polarisation survenue des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990, période durant laquelle des proportions croissantes de personnes ont travaillé un nombre plus faible d'heures (moins de 30), d'une part, et un nombre plus élevé (49 ou plus), d'autre part (Sunter et Morissette, 1994).

Le nombre moyen d'heures de travail à temps partiel augmente, parce qu'un moins grand nombre de personnes travaillent moins de 15 heures par semaine. D'autre part, le nombre d'heures travaillées à temps plein diminue, parce qu'un moins grand nombre de personnes travaillent 49 heures ou plus. La croissance la plus rapide se situe dans la plage moyenne de 30 à 40 heures par semaine.

Les femmes, les hommes, les jeunes, les travailleurs d'âge moyen et les travailleurs plus âgés se sont tous écartés des horaires de travail plus courts et plus longs, et ce, malgré d'importantes différences entre les nombres d'heures travaillées par ces groupes. Les femmes et les jeunes ont tendance à adopter des horaires de travail courts ou normaux, tandis que les hommes font des semaines de travail normales ou plus longues (35 heures ou plus). Les horaires des travailleurs plus âgés sont nettement plus variés.

Les femmes augmentent leur nombre d'heures de travail

Aujourd'hui, les femmes sont non seulement plus susceptibles d'avoir un emploi, mais elles ont également augmenté leur nombre d'heures de travail (tableau 1). En 2006, les femmes travaillaient, en moyenne, 33,1 heures par semaine, soit une hausse de 0,6 heure par rapport à 1997. Au cours de cette période, elles ont fait une transition importante des horaires de travail courts ou à temps partiel (moins de 30 heures) vers l'horaire de 30 à 40 heures.

Depuis 1997, une part plus importante de l'accroissement de l'emploi a eu lieu chez les femmes (54,8 %) que chez les hommes, et la grande majorité de la croissance correspondait à des emplois à temps plein (87,1 %). La période de 1976 à 1981, durant laquelle l'emploi à temps plein représentait la norme, est la seule où la proportion de femmes travaillant à temps plein était plus élevée qu'aujourd'hui. En 2006, 73,9 % de femmes travaillaient 30 heures ou plus, comparativement à 70,7 % en 1997.

Les mères influencent l'évolution des horaires

En 2006, une femme de 15 à 54 ans sur trois (35,3 %) avait des enfants de moins de 16 ans. Ces mères ont joué un rôle important dans la croissance de l'emploi ainsi que du nombre d'heures travaillées au cours de la dernière décennie. La participation des mères de jeunes enfants au marché du travail s'accroît à mesure qu'un plus grand nombre d'entre elles poursuivent des études supérieures et entament leur carrière avant de fonder une famille. Au cours des 30 dernières années, le taux d'emploi des mères a presque doublé, étant passé de 39,1 % en 1976 à 72,9 % en 2006.

L'extension, en 2000, des prestations de maternité et des prestations parentales du programme de l'assurance-emploi a également encouragé un plus grand nombre de mères à rester sur le marché du travail (Zhang, 2007). Les prestations versées par ce programme leur permettent de prendre soin de leur bébé plus longtemps (jusqu'à 12 mois) et de retrouver leur emploi par après (les codes du travail protègent les emplois des employés qui prennent un congé de maternité ou un congé parental rémunéré ou non). D'après l'Enquête sur la couverture de la population par le régime d'assurance-emploi, la proportion de mères ayant un revenu assurable est passée de 73,5 % en 2002 à 76,5 % en 2006. Cette année-là, huit mères sur dix recevant des prestations ont repris leur emploi dans les deux ans ou prévoyaient le faire, et la durée moyenne de leur absence était de 12 mois.

Ces 10 dernières années, la proportion des mères travaillant à temps partiel a diminué alors que plus d'entre elles travaillaient de 30 à 40 heures par semaine. En 2006, 68,5 % de mères ayant des enfants de moins de 16 ans à la maison travaillaient de 30 à 40 heures comparativement à 62,1 % en 1997. Le nombre habituel d'heures de travail des mères ayant des enfants de moins de 6 ans a augmenté de 1,6, pour atteindre 33,2, tandis que celui des mères ayant des enfants de 6 à 15 ans a augmenté de 1,2, pour s'établir à 33,9 (graphique C). Ces deux groupes de mères approchent l'un et l'autre le nombre moyen d'heures travaillées par les mères n'ayant pas d'enfants à charge à la maison. Durant la même période, le nombre d'heures travaillées par ces dernières n'a que peu changé (34,4 en 2006).

Alors que le nombre d'heures travaillées par les mères ayant des enfants de moins de 16 ans à la maison a augmenté, l'emploi chez ces dernières n'a progressé que de 8,7 % au cours des 10 années. Ce sont les femmes sans enfants de moins de 16 ans à la maison qui ont connu la hausse de l'emploi la plus forte, soit près de 30 %. Elles sont aussi devenues proportionnellement plus nombreuses à adopter un horaire moyen, 69,8 % d'entre elles travaillant de 30 à 40 heures en 2006 comparativement à 67,2 % en 1997.

Les hommes réduisent leur nombre d'heures de travail

Comme nous l'avons mentionné, le nombre d'heures de travail des hommes diffère fortement de celui des femmes. Les hommes sont plus susceptibles de travailler un nombre normal ou élevé d'heures et moins susceptibles de travailler à temps partiel. Les 10 dernières années, le nombre d'heures travaillées par les hommes s'est déplacé des horaires courts et longs extrêmes vers la plage des 15 à 48 heures.

La diminution de la proportion des hommes travaillant de très longues heures (49 ou plus) a été beaucoup plus importante que celle des hommes travaillant de courtes heures (moins de 15), surtout chez ceux de 25 à 54 ans et ceux de 55 ans et plus. En 1997, tous âges confondus, 16,7 % des hommes travaillaient 49 heures ou plus comparativement à 13,8 % en 2006, tandis que la proportion travaillant moins de 15 heures n'a pour ainsi dire pas changé. Contrairement aux femmes, dont le nombre habituel d'heures de travail a augmenté, les hommes ont vu se raccourcir leur semaine de travail à mesure que la proportion de ceux travaillant de longues heures a diminué.

Les travailleurs d'âge moyen, les travailleurs plus âgés et les jeunes influent aussi sur les tendances

En 2006, une plus grande part de travailleurs d'âge moyen (de 25 à 54 ans) travaillaient de 30 à 48 heures (78,6 %) que 10 ans plus tôt (74,4 %). Ce changement de la prévalence des travailleurs se situant dans la plage moyenne d'heures de travail est le résultat de la diminution du nombre de femmes travaillant à temps partiel et du nombre d'hommes travaillant 49 heures ou plus. Ces deux mouvements ont donné lieu à un accroissement du nombre d'heures de la semaine moyenne de travail chez les femmes d'âge moyen et à une diminution chez les hommes d'âge moyen, si bien que, globalement, le nombre habituel d'heures travaillées était le même en 2006 qu'en 1997, soit 38,3 heures.

Comparativement aux travailleurs d'âge moyen, les travailleurs plus âgés ont des horaires beaucoup plus variés. En 2006, ils étaient plus susceptibles de travailler à temps partiel que les travailleurs d'âge moyen (21,9 % contre 11,6 %) et plus susceptibles d'avoir une plus longue semaine de travail, 18,2 % travaillant 41 heures ou plus comparativement à 16,8 % des travailleurs de 25 à 54 ans.

Parmi les hommes et les femmes et tous les groupes d'âge confondus, les travailleurs de 55 ans et plus sont ceux dont le taux de participation aux horaires très longs (49 heures ou plus) a le plus diminué et dont le taux de participation dans la plage de 15 à 39 heures de travail a le plus augmenté en 2006. Conséquemment, la semaine normale de travail des travailleurs plus âgés a diminué de 0,5 heure pour s'établir à 36,3 cette année-là.

Curieusement, la hausse de la prévalence des travailleurs plus âgés dans la plage des 15 à 29 heures n'a eu lieu que chez les hommes. En 2006, à mesure qu'une proportion plus grande d'hommes travaillaient de 15 à 29 heures par semaine, une proportion décroissante avait un horaire de travail de 40 heures (ou 49 heures ou plus). Il se pourrait donc que les hommes optent pour une transition progressive vers la retraite, une proportion croissante d'entre eux réduisant leur nombre d'heures de travail ou adoptant un régime de travail à temps partiel après la cessation de leur emploi de carrière. En 2006, presque trois hommes de 55 ans et plus sur quatre travaillaient à temps partiel par choix personnel comparativement à un homme de 25 à 54 ans sur quatre (Marshall et Ferrao, 2007).

Bien que tous les groupes d'âge aient joué un rôle dans le mouvement vers la plage de 30 à 48 heures, l'influence des travailleurs plus âgés pourrait avoir été plus importante que celle des travailleurs d'âge moyen ou des jeunes. La croissance de l'emploi chez les premiers durant cette période a été beaucoup plus forte, leur part étant passée de 10 % en 1997 à 14 % en 2006, alors que celle des travailleurs d'âge moyen a diminué (passant de 75 % à 70 %) et celle des jeunes est demeurée constante à 15 %.

En 2006, la grande majorité des 15 à 24 ans travaillaient habituellement 40 heures ou moins par semaine (92,5 %). Cette année-là, leur semaine moyenne de travail était de 28,8 heures, soit une hausse de 0,5 heure par rapport à 1997. Cette moyenne est fortement influencée par deux grands groupes, à savoir les étudiants à temps plein, qui tendent à travailler à temps partiel, et les jeunes non-étudiants, dont les heures varient, mais qui, pour la plupart, travaillent de 30 à 40 heures par semaine.

En 2006, les étudiants à temps plein représentaient 40 % des jeunes ayant un emploi (proportion en hausse par rapport à 38 % en 1997). Leur nombre d'heures de travail avait augmenté de 1,7 par rapport à 1997, pour atteindre une moyenne de 15,2, parce qu'une proportion plus élevée d'entre eux travaillait de 15 à 29 heures en 2006. Cette année-là, le nombre d'heures de travail des jeunes non-étudiants a augmenté de 0,5 heure, une plus forte proportion d'entre eux travaillant de 35 à 40 heures1.

Même les travailleurs autonomes travaillent un moins grand nombre d'heures

Le nombre d'heures des travailleurs autonomes diffère considérablement de celui des employés (graphique D). En 2006, les propriétaires d'entreprise étaient quatre fois plus susceptibles de travailler de longues heures (41 ou plus) que les employés des entreprises privées ou des institutions publiques (42,9 % contre 10,7 %), tandis qu'une proportion plus faible de travailleurs autonomes travaillaient de 30 à 40 heures (36,5 % contre 71,7 %). Malgré ces différences, une proportion plus importante de travailleurs autonomes sont passés d'un horaire court et, surtout, d'un horaire long à une semaine de 30 à 40 heures au cours de la dernière décennie.

Toutefois, la prévalence des travailleurs autonomes est plus faible aujourd'hui : en 1997, ils représentaient 17,1 % des personnes ayant un emploi, alors qu'en 2006, leur part n'était plus que de 15,2 %. Même si une plus forte proportion de propriétaires d'entreprise ont adopté une semaine de travail de 30 à 40 heures, les employés du secteur privé ont vraisemblablement eu un effet plus marqué sur le nombre global moyen d'heures travaillées par semaine, puisqu'ils forment le seul groupe parmi lequel l'emploi a augmenté et qu'ils représentent la composante la plus importante de l'emploi. En 2006, 65,4 % de personnes ayant un emploi travaillaient pour des entreprises privées comparativement à 63,5 % en 1997.

Grande influence du secteur des services

L'évolution vers des emplois liés aux services au cours des 10 dernières années a également eu un effet important sur le nombre moyen d'heures travaillées. Le secteur des services représentait 76 % de l'emploi en 2006, et 85 % de tous les nouveaux emplois depuis 1997. Les travailleurs de ce secteur ont tendance à avoir un horaire de travail court ou de longueur normale, tandis que ceux du secteur de la fabrication des biens ont tendance à travailler un nombre normal d'heures ou de longues heures (graphique E).

Des 11 grandes industries du secteur des services, deux seulement n'ont pas suivi la tendance générale à l'accroissement de la proportion de travailleurs se situant dans la plage des 30 à 40 heures de travail aux dépens de ceux ayant un horaire court ainsi que de ceux ayant un horaire long. Dans l'industrie du transport et de l'entreposage, seule la prévalence des travailleurs faisant de longues heures (41 heures ou plus) a augmenté, tandis que dans le secteur de l'information, de la culture et des services de loisirs, seule la prévalence des personnes ayant un horaire court (moins de 30 heures) a augmenté.

Dans le secteur des biens, une plus forte proportion de travailleurs de l'agriculture et de la construction ont déclaré travailler de 30 à 48 heures, tandis que dans le secteur de la fabrication, toute la croissance a été concentrée dans la plage de 30 à 40 heures. Dans le secteur de la foresterie, de la pêche, des mines et de l'extraction de pétrole et de gaz, ainsi que dans celui des services publics, seule la prévalence des horaires longs (41 heures ou plus) a augmenté (graphique F).

Ces changements au niveau de l'industrie sont reflétés par des changements au niveau des professions, la prévalence de la semaine de travail de 30 à 40 heures ayant augmenté dans la plupart des professions du secteur des services. Dans la catégorie professionnelle des métiers, du transport et de la machinerie, ainsi que dans les professions propres aux industries primaires, la croissance a eu lieu parmi ceux faisant de 30 à 48 heures par semaine, tandis que dans la catégorie professionnelle de la transformation, de la fabrication et des services d'utilité publique, le nombre d'heures de travail était plus élevé en 2006 que 10 ans plus tôt, à cause de la prévalence plus forte des horaires de plus de 40 heures (graphique G).

Au cours de la période de référence de dix ans, près de 80 % de la croissance de l'emploi est survenue dans les professions de cols blancs, c'est-à-dire dans les catégories des sciences naturelles et appliquées, de la santé, des sciences sociales, de l'enseignement, de l'administration publique et de la religion, de l'art, de la culture, des sports et des loisirs, des ventes et des services, ainsi que des affaires, de la finance et de l'administration (graphique H). Dans toutes ces professions, on a assisté à une forte croissance de la prévalence de la semaine de travail de 30 à 40 heures. Par ailleurs, la croissance de l'emploi a été inférieure à la moyenne dans les professions de cols bleus (celles des catégories du secteur primaire, de la transformation, de la fabrication et des services d'utilités publiques, ainsi que des métiers, du transport et de la machinerie), et de la gestion, secteurs où les employés ont tendance à travailler de longues heures.

Le niveau d'études importe

Les personnes possédant des titres d'études postsecondaires sont non seulement plus susceptibles d'avoir un emploi, mais aussi de travailler un nombre d'heures normales plutôt que d'avoir un horaire long (tableau 2). De 1997 à 2006, la plus grande partie de la croissance de l'emploi chez les travailleurs adultes (de 25 ans et plus) a eu lieu parmi ceux titulaires d'un diplôme d'études collégiales, d'un diplôme d'une école de métiers ou d'un diplôme universitaire. En 2006, 71,4 % des personnes de 25 ans et plus titulaires d'un agrément d'études postsecondaires travaillaient de 30 à 40 heures par semaine comparativement à 66,7 % pour les travailleurs sans éducation postsecondaire.

De 1997 à 2006, la proportion de personnes ayant fait des études postsecondaires travaillant de longues heures (41 ou plus) a diminué fortement, particulièrement chez les hommes titulaires d'un diplôme universitaire. Alors que 27,1 % de ceux-ci travaillaient 41 heures ou plus en 1997, 21,5 % seulement en faisaient de même en 2006. En fait, cette année-là, les hommes n'ayant pas fait d'études postsecondaires étaient plus susceptibles de travailler 41 heures ou plus (28,1 %) que ceux possédant un diplôme universitaire. Ce recul de l'horaire long chez les hommes ayant fait des études universitaires a réduit de 1,3 heure leur nombre habituel moyen d'heures travaillées qui s'est établi à 39,8 en 2006, baisse plus importante que celle observée pour les hommes des deux autres groupes de niveaux d'études.

Alors que le niveau d'études paraît influer sur le nombre d'heures travaillées par les hommes, il semble avoir très peu d'effet sur la semaine normale de travail des femmes. En 2006, celles ne possédant pas de certificat d'études postsecondaires et celles titulaires d'un diplôme d'études postsecondaires travaillaient, en moyenne, 34,3 heures par semaine, tandis que celles possédant un diplôme universitaire travaillaient 34,9 heures.

Le Québec est la province où la semaine moyenne de travail est la plus courte

Terre-Neuve-et-Labrador est la seule province qui n'a pas suivi la tendance à la hausse de la prévalence de la semaine de travail de 30 à 40 heures, sa part de personnes travaillant 41 heures ou plus ayant augmenté (graphique I). La croissance des longues heures de travail a débuté en 2003 et, en 2006, Terre-Neuve-et-Labrador affichait le nombre habituel moyen d'heures de travail le plus élevé, à 38,9 heures, soit un accroissement de presque une heure depuis 1997.

En Alberta aussi, le nombre habituel moyen d'heures travaillées a augmenté pour atteindre 38,3 par semaines en 2006, la hausse ayant été suscitée par le taux de croissance de l'emploi le plus élevé de toutes les provinces entre 1997 et 2006. Comparativement à 10 ans plus tôt, une proportion plus élevée de personnes travaillaient de 40 à 48 heures par semaine en Alberta, tandis qu'une portion plus faible travaillaient moins de 30 heures ou 49 heures et plus.

Le Québec se distingue par l'augmentation la plus importante des heures dans la plage de 15 à 40 heures conjuguée à une diminution des longues heures de travail. Cette province est celle où la proportion de personnes travaillant de 15 à 40 heures par semaine était la plus élevée en 2006, soit 84,4 %, comparativement à la moyenne nationale de 78,9 %. Le nombre habituel moyen d'heures de travail était le plus faible, à 35,5 heures par semaine, et celui ayant diminué le plus (-0,8 heure) de 1997 à 2006.

De nombreuses raisons ont été citées pour expliquer la semaine de travail plus courte au Québec que dans les autres provinces, dont une préférence pour les horaires plus courts, la norme de 35 heures de travail par semaine dans le secteur public (comparativement à 37,5 dans les autres provinces) et le taux élevé de syndicalisation, qui pourrait également avoir une incidence sur le nombre d'heures travaillées parmi les non syndicalisés. Le Québec compte aussi une forte proportion de personnes qui travaillent à temps plein pendant une année raccourcie (Heisz et LaRochelle-Côté, 2007).

Comparaisons internationales

Les tendances du nombre habituel d'heures travaillées observées au Canada sont fort semblables à celles relevées dans d'autres pays (tableau 3). Parmi les 16 pays énumérés, 14 ont vu diminuer le nombre habituel d'heures travaillées entre 1997 et 2006 et cette diminution a été plus systématique chez les hommes.

À 36,5, le nombre habituel moyen d'heures de travail au Canada se situait au milieu du classement, quoique dans de nombreux pays, la semaine moyenne de travail des hommes soit plus longue qu'au Canada. En ce qui concerne les femmes, la semaine moyenne de travail occupe le sixième rang par ordre décroissant. Ce classement élevé concorde avec le taux élevé d'emploi des femmes au Canada. Parmi les pays membres de l'OCDE, les Canadiennes venaient en cinquième place en ce qui concerne le taux d'emploi, 69,0 % de celles de 15 à 64 ans étant occupées en 2006. Le Danemark (73,2 %), la Norvège (72,3 %), la Suède (72,1 %) et la Suisse (71,1 %) sont les seuls pays où le taux était plus élevé.

Les pays nordiques (Danemark, Norvège, Suède, Finlande et Islande) affichent tous un taux élevé de participation des mères au marché du travail. Ces pays offrent de généreuses prestations de congé de maternité et de congé parental et subventionnent les services de garde des enfants d'âge préscolaire, ce qui s'est avéré favoriser la participation continue des femmes au marché du travail.

Si l'on examine les catégories plus détaillées de nombre d'heures de travail (disponibles uniquement pour certains pays), on constate que, comme le Canada, la plupart des pays membres de l'OCDE (11 sur 14) ont vu diminuer la proportion de personnes travaillant de longues heures (50 ou plus) (graphique J).

Pour la plage des 30 à 40 heures de travail, les résultats sont variables, près de la moitié des pays affichant une hausse, tandis que les autres ont connu un recul.

Au Canada, le taux d'emploi à temps partiel (moins de 30 heures par semaine) a diminué de 1997 à 2006, tendance qui ne se dégage que dans quatre autres pays, à savoir la France, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et la Suède (tableau 4). Malgré ce fléchissement, le taux d'emploi à temps partiel du Canada demeure proche du taux combiné des pays du G7, de la moyenne des pays membres de l'OCDE et de l'Europe.

Au Canada, le taux d'emploi à temps partiel a diminué chez les femmes et il a à peine augmenté chez les hommes. Le taux d'emploi à temps partiel des femmes a diminué dans sept autres pays, la baisse étant la même en Suède, en Norvège, en France, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. À 26,2 % en 2006, le taux d'emploi à temps partiel des femmes au Canada était parmi les plus faibles, tandis que celui des hommes était parmi les plus élevés, à 10,9 %, soit presque le double de la moyenne européenne de 6,5 %.

Sommaire

De 1997 à 2006, le nombre habituel d'heures de travail a diminué alors même que les travailleurs à temps plein sont entrés en plus grand nombre sur le marché du travail. Le nombre habituel moyen d'heures a diminué parce qu'une plus forte proportion de personnes travaillaient de 30 à 48 heures (surtout de 30 à 40 heures), le recul dans la plage des très longues heures de travail (49 heures ou plus) ayant plus que compensé celui qui a eu lieu dans la plage des courtes heures de travail (moins de 15 heures).

Les femmes, dont la participation actuelle au marché du travail est plus forte que jamais, ont augmenté leur nombre d'heures de travail. Une forte proportion est passée du travail à temps partiel à une semaine de travail de 30 à 40 heures. Par contre, le nombre d'heures de travail des hommes a diminué, parce que moins d'entre eux ont travaillé de très longues heures.

La vigueur du marché canadien du travail au cours des 10 dernières années a également influé sur le nombre d'heures de travail. Elle a attiré dans la population active des femmes, des mères ayant des enfants à charge, des jeunes et des travailleurs âgés, c'est-à-dire des groupes qui ont généralement une préférence pour des horaires variés.

Un certain nombre de facteurs ont joué un rôle dans le déclin de la catégorie des 49 heures ou plus de travail. Le nombre d'emplois dans le secteur des services (où les horaires sont plus variés et souples) a augmenté, tandis qu'il y a eu diminution de la prévalence des groupes qui ont tendance à travailler de longues heures (comme les travailleurs autonomes, les travailleurs du secteur de la fabrication des biens, les gestionnaires et les cols bleus). Les personnes possédant un diplôme d'études postsecondaires sont également moins susceptibles de travailler de longues heures aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Le désir de balancer le travail et la vie personnelle pourrait également jouer un rôle. À mesure que plus de femmes, particulièrement des mères, entrent sur le marché du travail, il devient plus important de trouver un juste équilibre entre le travail et la vie personnelle. La tendance à ce qu'un moins grand nombre de personnes travaillent un nombre élevé d'heures par semaine a également été observée dans de nombreux autres pays.

Sources des données et définitions

À l'exception des chiffres internationaux, les données présentées dans l'article proviennent de l'Enquête sur la population active, dans le cadre de laquelle sont recueillis des renseignements sur le nombre habituel et effectif d'heures travaillées. Le présent article ne porte que sur le nombre habituel d'heures par semaine que les répondants consacrent à leur emploi principal. Ce nombre ne tient pas compte des heures supplémentaires, des congés, des vacances, des congés de maladie ni des grèves.

Depuis 1997, la question sur le nombre habituel d'heures de travail fait référence uniquement au nombre hebdomadaire d'heures de travail rémunérées au taux normal. Avant le remaniement de l'enquête qui a eu lieu en 1997, les heures habituelles comprenaient les heures supplémentaires habituelles, rémunérées ou non rémunérées. Depuis 1997, ces heures sont relevées séparément.

La plupart des données internationales proviennent de la base de données statistiques de l'OCDE.

Notes

  1. Les données sur les heures de travail et l'emploi des étudiants et des non étudiants sont fondées sur des moyennes sur 8 mois (de janvier à avril et de septembre à décembre).

Documents consultés

Auteur

Jeannine Usalcas est au service de la Division de la statistique du travail. On peut la rejoindre au 613-951-4720 ou à perspective@statcan.gc.ca.


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