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L'emploi et le revenu en perspective - Août 2007

Pensions publiques et travail

Ted Wannell

Ai-je assez d'argent pour prendre ma retraite? est une question que les travailleurs âgés apprennent à se poser lorsqu'ils songent à la retraite. Leurs ressources financières comprennent les régimes de retraite de l'employeur, les régimes d'épargne enregistrés et d'autres placements ainsi que les prestations de retraite publiques, à savoir le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ), la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti (SRG). Ces ressources sont évaluées par rapport aux dépenses prévues et d'autres éléments à considérer tels que l'état de santé, les besoins familiaux et les loisirs.

Ai-je vraiment envie de prendre ma retraite? est la question à laquelle de plus en plus d'employeurs et d'analystes de politiques souhaitent que les travailleurs réfléchiront. Compte tenu du resserrement du marché du travail et du fait que les baby-boomers approchent maintenant de l'âge à la retraite, on s'intéresse de plus en plus aux obstacles qui pourraient les empêcher de continuer à travailler. Les provinces sont en train de rayer la retraite obligatoire de leurs codes du travail et le gouvernement fédéral propose également d'apporter des modifications à la législation des régimes de retraite enregistrés pour faciliter la retraite progressive. Les facteurs relatifs au marché du travail pourraient également inciter les employeurs à adopter des politiques plus adaptées aux besoins des travailleurs âgés, à savoir des congés pour les travailleurs qui doivent prendre soin d'une personne âgée ou l'horaire de travail flexible.

En effet, la tendance longtemps généralisée de la retraite anticipée s'est estompée à la fin des années 1990 et l'âge médian de la retraite a commencé à augmenter légèrement. Parallèlement, le taux d'activité des hommes âgés s'est redressé au milieu des années 1990, tandis que celui des femmes âgées a continué de progresser. Apparemment, des changements sont à l'horizon.

Bien que la recherche sur le processus de la retraite progresse à pas de géants, certaines lacunes persistent. Les études intégrant les nombreux facteurs du processus de la retraite sont freinées par l'absence d'enquête spéciale sur le vieillissement au Canada. Plusieurs propositions ont été soumises aux organismes de financement en vue de combler cette lacune. Toutefois, une enquête spéciale n'est pas nécessairement le meilleur moyen d'analyse de certaines questions. Habituellement, dans le cas de petites populations, les enquêtes par sondage ne peuvent fournir des estimations cohérentes d'événements relativement rares, comme le fait de toucher une pension. Mais les régimes de retraite publics et les régimes d'employeurs comportent des caractéristiques qui sont mieux évaluées en examinant des années d'âge : le taux d'accès aux prestations au moment de l'admissibilité initiale ou des effets d'interaction entre pensions publiques et pensions privées.

Cette étude utilise un vaste échantillon de données fiscales pour examiner le taux d'accès aux prestations du RPC/RRQ, les rentrées d'argent conjointes provenant du RPC/RRQ et d'autres prestations ainsi que l'emploi après le début des prestations. Les contribuables sexagénaires sont le point central de l'étude parce qu'ils ont atteint l'âge d'admissibilité aux prestations du RPC/RRQ. L'objectif premier est d'établir les tendances d'accès aux prestations par âge et de déterminer si ces tendances ont changé au fil du temps. La base de données suit également les personnes au fil du temps, permettant de déduire les tendances de travail après la retraite en fonction des rentrées d'argent provenant de revenus d'emploi ou d'un travail autonome. Puisque les tendances de travail devraient varier selon la trajectoire prise pendant la retraite et les caractéristiques particulières des régimes de pension, la population sera divisée en groupes dont le comportement est susceptible de varier.

Pensions publiques

Les économistes utilisent des modèles du cycle de vie pour expliquer les tendances de travail par âge. Les personnes n'ayant pas de régimes de retraite et préférant les loisirs au travail épargnent sur leurs gains jusqu'à ce que les avoirs accumulés puissent répondre aux dépenses projetées le reste de leur vie, puis elles prennent leur retraite. Les gains et les taux de dépenses et d'épargne étant différents pour chacun, le départ à la retraite devrait s'étaler sans heurts sur plusieurs années.

En fait, les régimes de pension publics et les régimes de pension de l'employeur constituent les épargnes principales. L'accès aux prestations est basé sur des formules qui tendent à concentrer la retraite à des âges précis et déterminés par des conditions d'admissibilité. Par exemple, une étude précédente sur l'accès aux prestations des régimes de pension agréés (RPA) par les travailleurs dans la cinquantaine a trouvé un point culminant à 55 ans, âge auquel plusieurs régimes de retraite des grandes entreprises commencent à offrir des prestations complètes (Wannell, 2007). Ces jeunes retraités jouissaient de revenus avant retraite beaucoup plus élevés que la moyenne et de régimes de travail rémunéré à faible intensité après avoir commencé à toucher des prestations de retraite. Ces résultats semblent indiquer que les règles d'admissibilité à ces RPA créent une demande contenue de départs à la retraite, particulièrement parmi les travailleurs à revenu élevé. Globalement, environ un cinquième des travailleurs commencent à toucher des prestations d'un RPA avant d'être admissibles aux prestations du RPC/RRQ à l'âge de 60 ans.

L'adhésion au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes du Québec est obligatoire pour presque tous les employés et ces régimes sont financés par les cotisations des employeurs et des employés. Les cotisations au RPC/RRQ et les prestations sont conçues pour remplacer jusqu'à 25 % du revenu, selon un indicateur repère qui est le salaire moyen de l'industrie, en supposant que 65 ans est l'âge de la retraite et que les cotisations ont été suffisantes. Le taux de remplacement du revenu pour les personnes ayant des revenus plus élevés que l'indicateur repère, soit 41 100 $ en janvier 2005, serait donc inférieur à 25 % (Développement social Canada, 2005a).

En 1987, les modifications apportées au RPC/RRQ ont donné aux cotisants plus de latitude quant au moment du départ à la retraite. Malgré le fait que 65 ans demeure l'âge de référence pour le calcul des prestations, celles-ci peuvent débuter plus tôt ou plus tard, avec des réductions ou des majorations visant à égaliser la valeur à vie des prestations reçues. Les cotisants peuvent dès l'âge de 60 ans toucher des prestations réduites de 30 %, ou commencer à les recevoir à 70 ans avec une majoration de 30 %.

Compte tenu de la bonne situation financière des jeunes prestataires d'un RPA et de leur faible désir de continuer à travailler, ils devraient, à 60 ans, afficher un taux d'accès élevé aux prestations du RPC/RRQ et, par conséquent, réduire leur travail rémunéré. Les travailleurs bénéficiant d'un RPA et n'ayant pas pris leur retraite dans la cinquantaine devraient aussi avoir un taux d'accès précoce plus élevé et ensuite travailler moins que les travailleurs sans RPA, en raison de leurs avoirs bloqués dans les régimes de leurs employeurs.1

Toutefois, un autre effet du RPC/RRQ peut également nuire à la poursuite de l'emploi après le début des prestations. Contrairement aux RPA, le RPC/RRQ exige que les cotisants entre 60 et 64 ans n'occupent aucun emploi rémunéré durant le mois de la première prestation. Même si cette condition ne s'applique pas à ceux qui gagnent moins que la prestation mensuelle maximale, elle peut inciter certains prestataires à se retirer du marché du travail2. Toutes choses étant égales par ailleurs, les travailleurs partant à la retraite avec des prestations du RPC/RRQ peuvent être moins susceptibles de réintégrer par la suite le marché du travail que ceux qui reçoivent uniquement des prestations d'un RPA.

La Sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti (SRG) constituent d'autres piliers de soutien du revenu des personnes âgées. Les prestations de SV sont basées sur la durée de résidence au Canada et le SRG vise principalement à aider les personnes âgées à faible revenu. Pour les travailleurs bien rémunérés et ayant cotisé longtemps au RPC/RRQ, le SRG n'entre pas en ligne de compte et le droit aux prestations de SV est une facette importante de leurs avoirs. Ces travailleurs sont ainsi fortement incités à réduire encore davantage, à 65 ans, leur participation au marché du travail.

Certaines caractéristiques de la SV et du SRG touchent peut-être de manière particulière les personnes âgées à faible revenu et celles à revenu élevé. Contrairement au RPC/RRQ, les deux programmes sont fondés sur un critère de revenu et les prestations sont récupérées lorsque le revenu dépasse les seuils établis (Développement social Canada, 2005b). Les prestations de SRG sont réduites à hauteur de 50 cents pour chaque dollar de revenu dépassant le seuil limite (au dernier trimestre de 2004, le seuil était de 13 464 $ pour les personnes seules). Les prestations de SV sont récupérées à hauteur de 15 cents pour chaque dollar dépassant le seuil limite (en 2004, le seuil était de 59 790 $ pour les personnes seules). Ces facteurs augmentent le taux d'imposition réel des revenus d'emploi des contribuables qui se situent dans la tranche de revenu intermédiaire, ce qui les dissuade de retourner au travail.

L'interaction entre le RPC/RRQ et le SRG pourrait hâter la retraite des travailleurs âgés à faible revenu (Guillemette, 2004). Pour certains travailleurs, prolonger au-delà de 60 ans leurs cotisations au RPC/RRQ risquerait de réduire leur droit éventuel au SRG. Pour ce groupe, continuer de travailler n'a que peu d'effet sur leur revenu à vie comparativement au travail antérieur. D'autres pourraient donc choisir de prendre leur retraite même si une baisse immédiate et permanente de leur revenu en résulte. Même s'il est assez fréquent de recevoir en même temps des prestations du RPC/RRQ et de SRG, les répercussions en sont potentiellement non négligeables.

La décision de prendre sa retraite est indiscutablement complexe. Les recherches qui analysent les effets des programmes susmentionnés utilisent habituellement des études de simulation de la situation de personnes fictives (Pollock et Sargent, 2004) ou des modèles qui se basent sur une estimation de l'accroissement des avoirs ou de la pension (Baker, Gruber et Milligan, 2001). Le but de la présente analyse n'est pas de tester les effets de ces programmes, mais plutôt de décrire l'accès aux prestations de ces programmes en fonction de diverses caractéristiques individuelles, ainsi que le revenu d'emploi après perception des prestations.

Le volet central de l'étude est l'accès aux prestations du RPC/RRQ par quatre groupes dont les incitatifs à l'accès devraient différer : un groupe n'ayant qu'un revenu de RPA, un groupe ayant un revenu de RPA et un revenu d'emploi, un groupe n'ayant qu'un revenu d'emploi et une protection d'un RPA, et un groupe n'ayant qu'un revenu d'emploi et aucune protection d'un RPA.

Les taux d'accès précoce aux prestations du RPC/RRQ augmentent

Les changements apportés au RPC/RRQ en 1987 ont donné plus de souplesse quant au moment du départ à la retraite. Une proportion croissante de travailleurs choisissent de toucher leurs prestations dès 60 ans, soit le plus tôt possible. De 1995 à 2003, l'accès dès 60 ans a augmenté de près de quatre points de pourcentage, passant de 32,5 % à 36,4 % (tableau 1). Dans le cas des femmes, la hausse a été encore plus importante (6,7 points) que dans le cas des hommes (2,0) (graphique A).

Même si le taux de départ à la retraite est encore plus élevé à 65 ans, la population de base de chaque groupe a été grandement réduite par des départs à la retraite entre 60 et 64 ans. Par conséquent, en 2003, plus de deux fois davantage de personnes ont pris leur retraite à 60 ans plutôt qu'à 65 ans. (Les données ne sont pas indiquées ici.)3

Le taux d'accès aux prestations à un âge élevé a généralement diminué au cours de la période, même si, dans presque tous les sous-groupes, un net fléchissement a été constaté en 2000, suivi par une reprise partielle en 20034.

On peut également utiliser le taux d'accès aux prestations d'une seule année pour calculer la proportion cumulée d'un groupe qui recevrait des prestations si des taux spécifiques à la période étaient calculés à mesure que les individus avancent en âge. Cette méthode est semblable à celle qui consiste à calculer l'espérance de vie à partir de taux de mortalité transversale (Wannell, 2007). Le creux provoqué par le taux d'accès aux prestations au cours d'une même année engendre un fléchissement correspondant du taux cumulé, et les changements survenus entre 1995 et 2003 devraient davantage être indicateurs d'une tendance à long terme. Selon ces données, la tendance à prendre la retraite à 60 ans a été compensée par un plus faible taux d'accès aux prestations entre 61 et 64 ans, si faible qu'en 2003, une moindre proportion de personnes avaient pris leur retraite avant 65 ans qu'en 1995 (graphique B). Cela indique une polarisation de l'accès aux prestations du RPC/RRQ, alors qu'une proportion croissante commence à toucher des prestations à 60 ans tandis qu'une proportion beaucoup plus petite, quoique grandissante, diffère sa participation jusqu'après 65 ans.

En dépit de la majoration accordée aux personnes qui diffèrent leurs prestations du RPC/RRQ jusqu'après l'âge de 65 ans, moins de 10 % des prestataires choisissent cette possibilité. Apparemment, l'effet des autres instruments d'accumulation des avoirs (RPA, admissibilité à la SV et au SRG et épargnes REER) a une portée plus importante sur la décision de prendre sa retraite que la majoration accordée par le RPC/RRQ pour une retraite tardive.

Les pensions privées augmentent l'accès précoce aux prestations du RPC/RRQ

L'hypothèse selon laquelle un revenu de RPA génère une demande contenue d'accès précoce aux prestations du RPC/RRQ est fortement appuyée par les données. Près de quatre sur cinq prestataires d'un RPA sans emploi en 2002 ont commencé à toucher des prestations du RPC/RRQ en 2003 à l'âge de 60 ans, soit le taux le plus élevé (graphique C). Il s'agissait aussi du seul groupe dont le taux d'accès aux prestations à 60 ans a dépassé le taux d'accès à 65 ans (données non présentées). La proportion était légèrement moins élevée parmi les personnes combinant emploi et prestations de RPA : trois personnes sur cinq commençaient à recevoir les prestations du RPC/RRQ à l'âge de 60 ans.

Les personnes occupant un emploi et ne recevant pas de prestations d'un RPA étaient beaucoup moins susceptibles de commencer à recevoir des prestations du RPC/RRQ à 60 ans. Il est quelque peu surprenant de constater que les personnes sans protection d'un RPA dans leur emploi actuel étaient plus susceptibles de commencer à toucher des prestations à 60 ans que celles bénéficiant d'un RPA (26,4 % contre 17,0 %). Cette tendance tient vraisemblablement à des effets de sélection5. Par exemple, les personnes qui préfèrent les loisirs et sont plus riches ou jouissent de prestations de retraite accumulées auraient commencé à encaisser leurs prestations de RPA avant leur soixantième anniversaire, laissant derrière les autres relativement moins susceptibles de prendre leur retraite pour ces raisons.

La tendance accrue de l'accès aux prestations du RPC/RRQ dès l'âge de 60 ans était tempérée par les personnes ayant un revenu d'emploi mais pas de prestations de RPA. La proportion dans chaque groupe s'est accrue de 1 ou 2 points de pourcentage entre 1995 et 2003. En raison de l'incidence beaucoup plus grande de l'accès aux prestations du RPC/RRQ dès 60 ans, l'accès cumulatif pour les prestataires recevant déjà des prestations d'un RPA est resté beaucoup plus élevé que celui des personnes sans revenu d'un RPA jusqu'à l'âge de 64 ans (graphique D). Dans tous les groupes, le taux élevé d'accès aux prestations à 65 et 66 ans a sensiblement réduit l'écart, sans toutefois l'éliminer. À 66 ans, moins d'un prestataire de RPA sur 50 n'avait pas encore commencé à toucher des prestations du RPC/RRQ, comparativement à un sur 20 pour ceux qui n'avaient pas de RPA.

L'emploi des sexagénaires progresse largement

Comme il a été mentionné déjà, l'Enquête sur la population active a documenté l'augmentation du taux d'activité des travailleurs âgés, une tendance qui a commencé à la fin des années 1990. Les données administratives longitudinales confirment cette tendance au moyen d'estimations basées sur le revenu. Ces données mettent également en lumière l'augmentation du travail rémunéré chez tous les groupes, avant ou après le début des prestations du RPC/RRQ, avec ou sans prestations d'un RPA.

Les mini-panels (voir Source des données et définitions) permettent de lier le travail rémunéré durant la troisième année (en fonction de la déclaration d'un revenu d'emploi) aux caractéristiques ou activités des deux années précédentes. La distinction la plus évidente des tendances de travail se trouve chez les personnes qui ont ou n'ont pas commencé à toucher des prestations du RPC/RRQ au cours de l'année médiane. Évidemment, la décision de prendre sa retraite et de commencer à recevoir des prestations devrait éliminer toute participation subséquente au marché du travail, et cela est vrai. Le taux d'emploi est presque le double chez les personnes qui n'avaient pas commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ l'année précédente, comparativement aux personnes qui les recevaient (graphique E). Néanmoins, une proportion importante et toujours accrue de prestataires du RPC/RRQ occupent un emploi rémunéré quelconque au cours de l'année qui suit leur « retraite ». En fait, l'incidence de travail rémunéré s'est accrue plus rapidement chez les prestataires du RPC/RRQ que chez les personnes qui ne reçoivent pas de prestations.

Dans chaque groupe et pour chaque période, les femmes étaient moins susceptibles que les hommes d'occuper un emploi rémunéré (tableau 2). Au fil du temps, l'écart s'est réduit parmi les personnes ne recevant pas de prestations. Parmi les prestataires du RPC/RRQ, les gains rapides sur le plan de l'emploi chez les hommes ont creusé l'écart même si ces gains étaient également importants chez les femmes.

Le taux d'emploi augmente indépendamment de la protection d'un RPA

Parmi les trois groupes ayant un emploi et n'ayant pas commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ durant l'année de référence, les niveaux d'emploi sont demeurés très élevés pendant l'année suivante. Le taux d'emploi a été le plus élevé chez le groupe bénéficiant d'un RPA dans leur emploi actuel, suivi par le groupe occupant un emploi mais ne bénéficiant pas d'un RPA et, en dernier lieu, par le groupe combinant un revenu et des prestations d'un RPA. Chaque groupe affichait une certaine croissance du taux d'emploi entre 1996 et 2004.

Très peu de travailleurs qui ont commencé une période en recevant des prestations d'un RPA sans avoir de revenu d'emploi travaillaient à la fin de cette période. Le retour à l'emploi était plus grand parmi ceux qui avaient commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ, mais le taux aussi augmentait à la fois chez ceux qui recevaient ou non des prestations du RPC/RRQ.

Parmi les personnes qui travaillaient au début de chaque période et qui ont commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ durant l'année médiane, au moins quatre sur 10 ont continué d'occuper un emploi quelconque la troisième année. Entre 1996 et 2004, le taux d'emploi après le début des prestations a augmenté d'au moins 10 points de pourcentage (graphique F). L'incidence de l'emploi continu était plus élevée et a connu la plus forte hausse chez les personnes qui ne recevaient pas de prestations ou ne bénéficiaient pas d'un RPA durant la première année. Leur situation est un indicateur de ressources de retraite relativement faibles; il n'est donc pas étonnant qu'un grand nombre d'entre elles continuent à travailler après le début des prestations du RPC/RRQ. Il est peut-être plus surprenant de constater qu'en 2004, la majorité des personnes qui avaient commencé la période avec un emploi assorti d'un RPA, ou en combinant travail et prestations d'un RPA, ont continué à occuper un emploi rémunéré quelconque tout en recevant des prestations du RPC/RRQ. Même les personnes disposant de multiples sources de revenu de retraite ont contribué à cette tendance accrue de l'emploi rémunéré chez les sexagénaires.

L'intensité de travail des bénéficiaires du RPC/RRQ augmente

D'après une étude antérieure, plus de la moitié des personnes qui ont commencé à toucher des prestations de RPA dans la cinquantaine ont travaillé l'année suivant leur « retraite », mais l'intensité du travail était relativement faible (Wannell, 2007). Si l'incidence du travail a augmenté dans ce groupe de 1996 à 2004, l'essentiel de la croissance a eu lieu au niveau d'intensité le plus bas (moins de 5 000 $.)

L'incidence de travail globale chez les nouveaux bénéficiaires du RPC/RRQ a été légèrement plus faible que chez leurs homologues plus jeunes pour chaque année mais elle augmentait plus rapidement, surtout aux niveaux d'intensité plus élevés (graphique G). Ceux qui touchaient un revenu de travail supérieur à 20 000 $ représentaient un peu plus d'un quart des nouveaux bénéficiaires du RPC/RRQ qui travaillaient en 1996. Vers 2004, ils représentaient plus du tiers d'un ensemble beaucoup plus important de pensionnés qui travaillaient. Les 16,7 % des nouveaux pensionnés du RPC/RRQ qui ont gagné plus de 20 000 $ en 2004 correspondaient presque à la proportion des quinquagénaires nouveaux bénéficiaires de RPA (17,3 %) qui ont surpassé ce seuil.

Le fait d'avoir touché des prestations de RPA avait un effet important sur l'intensité de travail chez les nouveaux bénéficiaires du RPC/RRQ. Ceux qui recevaient déjà ces prestations avaient beaucoup moins tendance à gagner plus de 20 000 $ en 2004 (14,6 %) que ceux qui travaillaient sans être couverts d'un RPA (23,5 %) (graphique H). Ceux qui occupaient un emploi assorti d'un RPA étaient au milieu, à 20,4 %. L'intensité de travail chez les bénéficiaires de RPC/RRQ semble donc liée aux circonstances financières. Ceux qui n'avaient pas le soutien financier d'un RPA ou ceux qui l'avaient mais ne pouvaient pas prendre la retraite tôt avaient tendance à travailler plus.

Résumé

Le premier but de cette analyse était de documenter les tendances des taux d'accès aux prestations du RPC/RRQ et de l'emploi après le début de ces prestations. La réception antérieure de prestations d'un RPA est un point particulièrement intéressant car il correspond éventuellement à une demande contenue des prestations du RPC/RRQ dès l'âge de 60 ans. L'augmentation récente de la participation au marché du travail des groupes plus âgés accentue le caractère opportun de ces questions.

Environ un tiers des travailleurs rémunérés âgés de 59 ans ont commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ dès leur admissibilité, c.-à-d. à 60 ans. Le taux d'accès aux prestations a chuté ensuite entre 61 et 64 ans et remonté pour atteindre plus de 75 % à l'âge de 65 ans, au moment où la plupart sont devenus admissibles aux prestations de la Sécurité de la vieillesse. Malgré cette envolée du taux à 65 ans, plus de gens, en termes absolus, ont commencé à toucher des prestations du RPC/RRQ à 60 ans car la population à risque était plus importante.

Deux tendances temporelles sont notables en ce qui concerne l'accès aux prestations du RPC/RRQ. D'abord, la proportion de personnes qui commencent à toucher des prestations dès l'âge de 60 ans augmente au fil du temps, et davantage chez les femmes que chez les hommes. En deuxième lieu, la proportion cumulée du groupe qui commence à toucher les prestations à l'âge 65 ans est en train de s'amenuiser. Ce résultat s'est quelque peu atténué en l'an 2000 par un creux du taux d'accès aux prestations à certains âges.

L'accès précoce aux prestations du RPC/RRQ n'est pas uniformément réparti. Les personnes recevant déjà des prestations d'un RPA à 59 ans étaient de loin les plus susceptibles de commencer à recevoir des prestations du RPC/RRQ l'année suivante, surtout si elles ne travaillaient plus. Contrairement aux attentes, les travailleurs bénéficiant d'un RPA étaient moins susceptibles de commencer à recevoir dès l'âge de 60 ans les prestations des régimes publics que les travailleurs sans RPA. La différence était quand même minime par rapport au gouffre qui séparait ces deux groupes de celui qui recevait déjà des prestations d'un RPA.

La hausse du travail rémunéré chez les sexagénaires se recoupe dans tous les groupes examinés, hommes et femmes, avant et après le début des prestations du RPC/RRQ et avec ou sans prestations de RPA. Même ceux qui recevaient des prestations d'un RPA à 59 ans et qui ne travaillaient pas sont de plus en plus nombreux à reprendre le travail rémunéré dans la soixantaine. Le travail rémunéré est plus fréquent et plus intense chez les personnes qui n'adhéraient pas à un RPA lors de leur dernier emploi avant la retraite, et il connaît une forte croissance.

Somme toute, les facteurs d'offre et de demande liés aux travailleurs âgés semblent aller dans le sens souhaité par bon nombre de commentateurs, soit vers des carrières plus longues. Mais même avec des échantillons plus grands de la banque de données administratives longitudinales, les données s'appauvrissent rapidement quand on examine des groupes ayant un intérêt particulier pour les analystes des politiques. C'est pourquoi les méthodes multivariées conviendraient beaucoup mieux à une analyse plus précise des facteurs liés aux régimes de pension publics, qui incitent au travail ou en dissuadent.


Source des données et définitions

La banque de données administratives longitudinales (DAL) est basée sur un échantillon de 20 % des relevés T1 sur une période de 22 ans prenant fin en 2004 au moment de cette analyse. Les relevés sont liés aux individus d'année en année et les données de chaque année sont utilisées pour vérifier la structure familiale du moment.

L'étude utilise des mini-panels sur trois ans. Chaque panel est composé d'une année de départ qui sert à connaître le revenu d'emploi ou le revenu d'un régime de pension agréé (RPA), une année médiane qui sert à suivre l'accès aux prestations du RPC/RRQ et une année subséquente pour saisir les nouvelles tendances du revenu. Plus précisément, les mini-panels sont formés selon les critères suivants :

  • Âge entre 60 et 69 ans au cours de l'année médiane.
  • Aucune prestation de RPC reçue durant l'année de départ.
  • Emploi confirmé ou revenu de RPA durant l'année de départ.
  • Aucune déduction pour handicapés au cours des deux premières années.
  • Prestations de RPC et de RPA ne débutant pas entre la deuxième et la troisième année.

Les trois mini-panels ont été conçus pour examiner ces tendances à long terme, de 1994 à 1996, de 1999 à 2001 et de 2002 à 2004.


Le Supplément de revenu garanti et l'emploi

Le Supplément de revenu garanti (SRG) est un programme de transfert social basé sur un critère de revenu et destiné aux personnes âgées à faible revenu. Environ le tiers des personnes âgées entre 66 et 70 ans reçoivent au moins une certaine forme de prestation de SRG. Lorsque le revenu des prestataires dépasse un seuil fixé du revenu familial fondé sur le nombre, l'âge et la situation de retraite des membres de la famille, les prestations sont récupérées à hauteur d'un taux de 50 cents pour chaque dollar de revenu supplémentaire. Comme les autres prestations destinées aux personnes âgées (p. ex. les subventions de logement social) peuvent être également basées sur un critère de revenu, un revenu supplémentaire peut parfois apporter aux bénéficiaires du SRG une très légère hausse de leur pouvoir d'achat (Shillington, 2003). Cette récupération s'avère également être un élément dissuasif puissant si l'on cherche un travail rémunéré, sauf pour les personnes qui sont déjà presque à la limite supérieure.

Parmi les personnes âgées de 66 à 70 ans, les bénéficiaires du SRG ne comptent que pour un tiers des personnes susceptibles de travailler contre rémunération, par rapport à celles recevant des prestations publiques autres que le SRG. L'écart relatif au travail entre les bénéficiaires du SRG et ceux qui ne le sont pas est plus important chez les femmes que chez les hommes. Comme pour la plupart des groupes examinés dans cette étude, l'incidence du travail rémunéré a augmenté, de 1996 à 2004, parmi les prestataires du SRG.

Emploi rémunéré chez les bénéficiaires de pensions publiques
 
1996
2001
2004
pourcentage
Hommes avec revenu demploi
RPC/RRQ et/ou SV, pas de SRG
25,8
28,8
31,9
Recevant le SRG
8,9
10,8
11,2
Femmes avec revenu demploi
RPC/RRQ et/ou SV, pas de SRG
14,7
16,4
18,8
Recevant le SRG
3,1
4,1
4,8
Nota : Y compris les personnes de 66 à 70 ans qui n'ont pas réclamé de déduction d'incapacité.

La récupération n'est pas la seule raison du faible taux d'emploi chez les prestataires du SRG. Une faible scolarité, une santé chancelante et des antécédents professionnels intermittents peuvent aussi jouer un rôle. Par exemple, ceux qui reçoivent le SRG à 65 ans sont moins susceptibles d'être au travail à 64 ans que les autres bénéficiaires des régimes publics. Cette fois encore, l'écart est plus grand chez les femmes.

Incontestablement, seule une très petite proportion de prestataires du SRG ont une expérience de travail récente. Le manque d'expérience de travail récente pouvant nuire à l'employabilité, le ratio des taux d'emploi avant et après 65 ans serait une comparaison plus fiable. Les bénéficiaires du SRG, qui étaient au travail à 64 ans, étaient quand même environ de moitié moins susceptibles de continuer à travailler après 65 ans. L'écart est similaire pour les hommes et pour les hommes.

Qui travaillait à l'âge de 64 ans?
 
1995
2000
2003
pourcentage
Hommes, 65 ans
RPC/RRQ et/ou SV, pas de SRG
50,0
47,9
50,0
Recevant le SRG
28,1
27,7
27,7
Femmes, 65 ans
RPC/RRQ et/ou SV, pas de SRG
35,3
33,3
34,9
Recevant le SRG
13,7
12,7
14,3
Nota : Y compris les personnes âgées de 64 ans qui n'ont pas réclamé de déduction d'incapacité.

Notes

  1. Malgré le fait que les travailleurs ne bénéficiant pas d'un RPA peuvent compenser en épargnant plus que ceux bénéficiant d'un RPA, une étude récente conclut que, pour les deux groupes, les niveaux de cotisation dans des régimes enregistrés d'épargne-retraite ne diffèrent pas en fonction du revenu et des caractéristiques personnelles (Palameta, 2001).
  2. Pollock et Sargent (2004) ont utilisé des techniques de simulation pour évaluer le fait que le retrait éventuel de l'obligation d'arrêter de travailler pourrait prolonger la vie professionnelle de deux à quatre ans.
  3. Les comparaisons dans un groupe de la même année de naissance révèlent des tendances semblables même si les pourcentages sont légèrement inférieurs. En effet, en 1995, 58 % de plus de personnes âgées de 60 ans ont commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ que de personnes de 65 ans, en l'an 2000.
  4. Les taux ont été éliminés pour les personnes âgées de 67 à 69 ans en raison de la taille restreinte de l'échantillon.
  5. Puisque l'adhésion à un RPA dérive d'un facteur d'équivalence non-nul calculé sur la déclaration de revenus, les personnes qui prolongent leur carrière de plus d'un an après la période cotisable au RPA seront incorrectement classées.

Documents consultés

  • BAKER, Michael, Jonathan GRUBER et Kevin MILLIGAN. 2001. The Retirement Incentive Effects of Canada's Income Security Programs, National Bureau of Economic Research, document de travail no 8658, Cambridge, Massachusetts, 48 p.
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Auteur

Ted Wannell est au service de la Division de l'analyse des enquêtes sur le travail et les ménages. On peut le joindre au 613-951-3546 ou à perspective@statcan.gc.ca.