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Décembre 2006
Vol. 7, no 12

L'emploi et le revenu en perspective


Inégalité de la richesse : second regard
René Morissette et Xuelin Zhang

La richesse donne accès aux ressources économiques. Afin d’atténuer les conséquences liées aux dépenses imprévues ou à une perte de revenu, les personnes qui disposent d’une réserve de richesse peuvent liquider certains de leurs avoirs financiers ou réels. Sur une note plus positive, une valeur nette suffisante offre la possibilité de réduire les heures de travail, de procéder à des investissements plus risqués ou de tenter l’expérience du travail autonome. Par ailleurs, le manque de richesse rend ces options moins vraisemblables.

Entre 1984 et 1999, l’inégalité de la richesse a augmenté au Canada (Morissette, Zhang et Drolet, 2002, 2006). En 1984, les familles et les personnes seules (ci-après appelées tout simplement les familles) se situant dans la tranche supérieure de 10 % de la répartition de la richesse détenaient 52 % de la richesse des ménages, en excluant la valeur des régimes de pension d’employeur. Quinze ans plus tard, elles en possédaient 56 % et, en 2005, 58 %.

En se fondant sur les données de l’Enquête sur les avoirs et les dettes de 1984 et de l’Enquête sur la sécurité financière de 1999 et de 2005, le présent article permet d’examiner la répartition de la richesse au cours de la période de 1984 à 2005. Dans la majeure partie de l’analyse, on utilise trois échantillons différents : l’ensemble des familles, toutes les familles sauf celles se situant dans la tranche supérieure de 1 %, et toutes les familles sauf celles se situant dans la tranche supérieure de 5 %. Comme l’enquête de 1984 ne contenait pas d’information sur les régimes de pension d’employeur, la richesse, sauf indication contraire, exclut la valeur des régimes de pension liés au travail (voir Sources des données et définitions).

Richesse médiane et richesse moyenne

La richesse médiane réelle (corrigée en fonction de l’inflation) a augmenté d’environ 10 % entre 1984 et 1999 (graphique A), puis de 10 % à 14 % entre 1999 et 2005, portant l’augmentation à entre 21 % et 26 % au cours de l’ensemble de la période de 1984 à 2005. Par contre, la richesse moyenne réelle s’est accrue entre 51 % et 70 %, traduisant de fortes hausses de la richesse dans la tranche supérieure de la répartition2.

La croissance a été loin d’être uniforme entre les groupes d’âge. La richesse moyenne a progressé plus rapidement chez les familles dont le principal soutien économique était âgé de 35 ans ou plus (graphique B). Par exemple, elle a augmenté d’au moins 79 % chez les familles dont le principal soutien économique était âgé de 65 ans ou plus, mais a diminué jusqu’à 12 % lorsque le principal soutien économique était âgé de 25 à 34 ans.

Une partie de l’augmentation de la richesse moyenne est attribuable au vieillissement de la population, en raison du plus grand nombre de familles ayant eu davantage de temps pour accumuler des avoirs financiers et réels. Si la structure par âge était demeurée inchangée au cours de la période de 1984 à 2005, la progression de la richesse moyenne aurait été moindre. L’application de la structure par âge de 1984 à la répartition de la richesse de 2005 indique qu’environ un quart de la croissance observée de 1984 à 2005 était attribuable au vieillissement de la population. Le reste traduisait l’augmentation de la richesse des différents groupes d’âge.

Inégalité de la richesse, de 1984 à 2005

Comme de nombreuses études l’ont démontré (par exemple, Davies, 1979 et 1993), la richesse est fortement concentrée. En 1984, les familles se situant dans la tranche supérieure de 10 % de la répartition de la richesse détenaient 52 % de la richesse agrégée des ménages, alors que la tranche inférieure de 50 % n’en possédait que 5 % (tableau 1)3. La concentration s’est accrue de 1984 à 1999, puis de 1999 à 2005, alors que la tranche supérieure de 10 % des familles disposait de 56 % de la valeur nette des Canadiens en 1999, et de 58 % de celle-ci en 20054. Au cours de la période de 1984 à 2005, seules les familles de la tranche supérieure de 10 % ont augmenté leur part de la richesse totale5.

Entre-temps, la valeur nette médiane a stagné ou a diminué dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition, mais a considérablement augmenté dans la tranche supérieure de 40 %. Par exemple, la valeur nette médiane a chuté d’environ 7 500 $ (en dollars de 2005) dans la tranche inférieure de 10 % au cours de la période de 1984 à 2005, tout en progressant de 237 000 $ à 659 000 $ (selon l’échantillon considéré) dans la tranche supérieure de 10 %. Par conséquent, l’inégalité de la richesse s’est accentuée étant donné que tous les segments de la population canadienne n’ont pas profité d’un accroissement de la richesse6.

En fait, bien que la richesse médiane et la richesse moyenne aient toutes deux enregistré une hausse marquée, la proportion des familles ayant une valeur nette nulle ou négative n’a montré aucune amélioration. En 2005, 14 % des familles avaient plus de dettes que d’avoirs, alors que ce pourcentage s’élevait à 11 % en 1984 (tableau 2). En outre, plus de familles n’avaient aucune richesse financière en 2005 (24 %) qu’en 1984 (18 %)7.

Alors que l’inégalité de la richesse a augmenté entre 1984 et 1999 (Morissette, Zhang et Drolet, 2002, 2006), les mesures agrégées de l’inégalité confirment une inégalité croissante entre 1999 et 20058. Le coefficient de Gini (qui est égal à 0,0 si toutes les familles disposent de la même quantité de richesse et à 1,0 si une famille détient toute la richesse des ménages) est passé de 0,691 en 1984 à 0,727 en 1999, puis à 0,746 en 20059.

L’inégalité de la richesse ne s’est pas accrue uniformément. Elle a augmenté beaucoup plus chez les couples non âgés ayant des enfants et les familles monoparentales que chez les personnes seules et les couples non âgés sans enfant (tableau 3).

L’évolution du coefficient de Gini depuis 1970 procure une perspective à long terme de l’inégalité de la richesse. L’Enquête sur les avoirs et les dettes a porté sur la répartition de la richesse en 1970, 1977 et 1984. L’enquête de 1984 a été repondérée afin de la rendre compatible avec l’Enquête sur la sécurité financière de 1999 et de 2005. Par conséquent, les coefficients de Gini comparables sont disponibles pour les deux sous-périodes suivantes : de 1970 à 1984, et de 1984 à 200510.

L’inégalité de la richesse, mesurée par le coefficient de Gini, a affiché une forme en U entre 1970 et 2005 (graphique C). Elle a chuté de façon marquée entre 1970 et 1977, puis est restée relativement stable entre 1977 et 1984, avant d’augmenter considérablement au cours des années subséquentes. Par conséquent, elle n’était pas moindre en 2005 qu’en 1970. La dispersion de la richesse au Canada a donc affiché une tendance à la hausse depuis le milieu des années 1980. Des tendances semblables sont observées lorsque le tracé graphique de la part de la richesse détenue par la tranche supérieure de 10 % des familles est fait.

Alors que l’inégalité de la richesse a tout d’abord diminué et, par la suite, augmenté au cours de la période de 1970 à 2005, la richesse médiane a affiché une tendance à la hausse (graphique D). Elle a crû de façon marquée de 1970 à 1977, a ensuite stagné de 1977 à 1984, puis a remonté après 1984. Elle s’élevait à environ 85 000 $ en 2005, ce qui correspondait à plus du double du niveau de 1970 (environ 40 000 $).

Si le vieillissement de la population a eu tendance à accroître la richesse moyenne entre 1984 et 2005, il a également influé sur la répartition de la richesse. En l’absence du vieillissement de la population, la part de la richesse totale détenue par la tranche supérieure de 10 % des familles serait passée de 52 % en 1984 à 60 % en 2005 (tableau 1). Comme ce pourcentage s’est élevé dans les faits à 58 % en 2005, il semble que le vieillissement de la population ait réduit la concentration de la richesse dans la tranche supérieure de la répartition11.

Certains faits semblent indiquer que les changements dans la structure de la famille ont eu l’effet opposé. En excluant la tranche supérieure de 1 % ou celle de 5 % des familles, la part de la richesse agrégée détenue par la tranche supérieure de 10 % aurait progressé d’un point de pourcentage de moins entre 1984 et 2005 si la proportion de personnes seules et de familles monoparentales était restée la même. Toutefois, cela n’est plus le cas lorsque toutes les familles sont prises en compte.

Richesse selon le sous-groupe de population

Bien que la richesse médiane et la richesse moyenne aient toutes deux augmenté entre 1984 et 2005, tous les sous-groupes de population n’en ont pas profité. Les jeunes familles (principal soutien économique âgé de 25 à 34 ans) ont vu leur richesse médiane chuter de 50 % ou plus (tableau 4)12. La situation était relativement semblable en 1984 et en 2005 pour les familles comptant un soutien économique principal âgé de 35 à 54 ans sans grade universitaire. Toutefois, ce groupe d’âge a affiché une forte hausse de 39 % de la richesse médiane lorsque le principal soutien économique avait un grade universitaire.

La situation s’est également améliorée pour d’autres groupes. La richesse médiane des personnes seules âgées a doublé, passant d’environ 48 000 $ en 1984 à 100 000 $ en 2005. Les couples ayant des enfants de moins de 18 ans et ceux sans enfant ont également enregistré des augmentations de 34 % et de 55 % respectivement. Toutefois, la croissance a été loin d’être uniforme pour les couples ayant des enfants. Dans le cas des jeunes couples, la richesse médiane a fortement diminué entre 1984 et 1999, rebondissant entre 1999 et 2005, sans atteindre toutefois son niveau de 1984 (tableau 5)13. Par contre, la richesse médiane des couples âgés de 45 à 54 ans a progressé de façon soutenue, grimpant de 45 % entre 1984 et 2005.

La richesse médiane et la richesse moyenne des familles monoparentales et des personnes seules non âgées ont été faibles, traduisant au moins en partie l’absence d’un deuxième soutien économique. Pour ces deux groupes, la richesse médiane n’a pas dépassé 7 000 $ en 1999, ce qui reflète le manque d’avoirs dont ces familles disposent pour atténuer les conséquences liées à des dépenses imprévues ou à une interruption des gains.

La richesse moyenne de presque tous les sous-groupes de population a crû davantage que leur richesse médiane (tableau 4), ce qui indique une progression généralisée de l’inégalité de la richesse. Par exemple, la richesse moyenne des immigrants arrivés il y a au moins 20 ans a augmenté de plus de 150 000 $, alors que leur richesse médiane a progressé d’environ 85 000 $14.

Composantes de la richesse

La richesse moyenne des familles du cinquième inférieur de la répartition ne s’est pas améliorée au cours de la période de 1984 à 2005. Par contre, le groupe intermédiaire et le cinquième supérieur ont enregistré respectivement des hausses d’environ 19 000 $ et de plus de 400 000 $ (tableau 6)15.

Sur le plan comptable, deux facteurs ont été principalement à l’origine de l’accentuation de l’écart entre les familles du cinquième inférieur et du cinquième supérieur de la répartition : la valeur nette du logement et les avoirs détenus dans les REER et dans les comptes de retraite immobilisés (CRI). La valeur nette de la résidence principale a stagné chez les familles du cinquième inférieur, mais a augmenté d’environ 155 000 $ chez celles du cinquième supérieur16. De même, les avoirs détenus dans les REER et dans les CRI ont très peu varié chez le premier groupe, tout en progressant d’environ 100 000 $ chez le second groupe. Environ 60 % de la hausse de 435 000 $ de la dispersion entre les deux groupes au cours de la période de 1984 à 2005 s’explique par l’augmentation de la valeur nette du logement ainsi que des REER et des CRI chez le cinquième supérieur de la répartition17. L’ajout de la croissance de la valeur des actions, obligations et fonds communs de placement (environ 62 000 $ pour le groupe supérieur) porte ce pourcentage à 73 %. Si on ajoute également l’accroissement de la valeur des biens immobiliers autres que la résidence principale (92 000 $), presque toute l’augmentation (94 %) est expliquée18.

Plusieurs autres points méritent d’être notés. Après avoir presque triplé entre 1984 et 1999, les avoirs en actions, obligations et fonds communs de placement des familles du cinquième supérieur ont stagné entre 1999 et 2005, traduisant vraisemblablement le repli boursier survenu après 2001. Toutefois, ces familles ont parallèlement augmenté de manière considérable la valeur de leurs avoirs en biens immobiliers autres que la résidence principale. De plus, la forte croissance des REER chez ce groupe est conforme à la hausse marquée des cotisations à un REER faites par les familles à revenu élevé au cours de la période de 1986 à 2003 (Morissette et Ostrovsky, 2006).

Rôle des héritages

Les héritages peuvent expliquer en partie l’écart de richesse, et les questions figurant dans l’Enquête sur la sécurité financière de 2005 permettent de faire la lumière sur ce point. Selon l’enquête, quelque 10 % des familles du cinquième inférieur de la répartition de la richesse avaient reçu un héritage, comparativement à 36 % des familles du cinquième supérieur. En moyenne, la valeur marchande des héritages reçus par les bénéficiaires du premier groupe s’élevait à un dixième (13 200 $) de celle du second groupe (136 600 $). Ensemble, ces deux résultats semblent indiquer que les héritages peuvent expliquer une partie de l’écart de richesse.

Cinq mesures ont été retenues pour les héritages (tableau 7). Deux portent sur la valeur marchande des héritages reçus dans le passé ou au cours des 10 dernières années. Les trois autres mesures présument que les avoirs financiers ou réels obtenus dans le passé n’ont pas été dépensés par les ménages et qu’ils se sont appréciés depuis l’année où ils ont été touchés, à un taux annuel de 1 %, de 3 % ou de 5 % (après correction pour l’inflation)19.

Peu importe la mesure utilisée, la prise en compte de la valeur des héritages reçus réduit l’écart de richesse moyen entre le cinquième inférieur et le cinquième supérieur de 3 % à 5 %. Par contre, le revenu après impôt a une incidence beaucoup plus grande, expliquant 12 % de l’écart.

Comme les conclusions sur l’influence de variables explicatives spécifiques dépendent de l’ordre d’entrée de ces variables, d’autres spécifications sont considérées. Au lieu de ne tenir compte que des héritages, ils sont ajoutés à une spécification qui comprend déjà une prise en compte multiple : type de famille, province de résidence, âge et niveau de scolarité du principal soutien économique, et un indicateur de limitation au travail. La fraction de l’écart de richesse expliquée augmente alors d’environ 7 % à plus de 10 %. Encore une fois, cela permet de penser que les héritages, peu importe la mesure utilisée, représentent une très faible partie (à peu près de 3 % à 4 %) de l’écart de richesse entre le cinquième inférieur et le cinquième supérieur.

De plus, en ajoutant le revenu après impôt aux héritages et la prise en compte multiple définie précédemment, la part de l’écart de richesse qui peut être expliquée passe d’environ 10 % à environ 20 %, ce qui confirme que le revenu familial après impôt réussit mieux à expliquer l’écart de richesse que les héritages.

Concepts plus généraux de la richesse, de 1999 à 2005

Comme l’Enquête sur les avoirs et les dettes ne contenait pas d’information sur les régimes de pension d’employeur, le concept de richesse utilisé jusqu’à maintenant n’a pas tenu compte de la valeur des régimes de pension liés au travail. L’inclusion des pensions dans un concept plus général de valeur nette indique que la richesse médiane a crû entre 19 % et 23 % au cours de la période de 1999 à 200520. Par contre, la richesse moyenne, définie de façon générale, a augmenté entre 27 % et 30 %, selon l’échantillon considéré.

Comme pour le concept de richesse plus restreint, il existe très peu de preuves que l’inégalité de la richesse fondée sur un concept qui englobe la valeur des régimes de pension agréés ait diminué entre 1999 et 2005. En général, la part de la richesse totale détenue par le dixième supérieur de la répartition a plutôt légèrement augmenté entre 1999 et 2005 (tableau 8)21. De plus, pour les trois échantillons, ni le coefficient de Gini ni le coefficient de variation n’a régressé au cours de cette période. Seule la mesure exponentielle a fait ressortir une très faible baisse (de 1 % à 2 %) lorsque les familles de la tranche supérieure de 5 % de la répartition de la richesse ont été exclues22.

Résumé

La richesse médiane a plus que doublé entre 1970 et 2005, ayant progressé d’environ 20 % à 25 % depuis 1984. Par conséquent, de nombreuses familles canadiennes sont aujourd’hui plus riches que leurs homologues d’il y a 20 ou 35 ans.

Néanmoins, la structure de la richesse a connu d’importants changements au cours des deux dernières décennies. Si la richesse médiane des jeunes familles a chuté de moitié entre 1984 et 2005, elle a augmenté de près de 40 % dans le cas de celles dont le principal soutien économique était un diplômé universitaire âgé de 35 à 54 ans. La richesse médiane des personnes seules âgées a doublé, mais est restée négligeable dans le cas des familles monoparentales.

Au cours de cette période, la répartition de la richesse, en excluant la valeur des régimes de pension d’employeur, est devenue plus inégale — et le serait devenue davantage en l’absence du vieillissement de la population. L’écart entre les familles des tranches inférieure et supérieure de 20 % de la répartition de la richesse s’est élargi principalement parce que la tranche supérieure de 20 % a connu une hausse considérable de la valeur nette du logement et a augmenté la valeur de ses avoirs financiers détenus dans les REER et les CRI.

L’inégalité de la richesse, mesurée par le coefficient de Gini, a chuté de façon marquée entre 1970 et 1977, puis est restée relativement stable entre 1977 et 1984, pour ensuite augmenter considérablement au cours des années subséquentes. Par conséquent, elle n’était pas moindre en 2005 qu’en 1970. Pour presque tous les sous-groupes de population, la richesse moyenne a progressé plus que la richesse médiane, ce qui semble indiquer que l’accentuation de l’inégalité de la richesse était généralisée. La dispersion croissante de la richesse depuis le milieu des années 1980 permet de penser que les familles canadiennes deviennent de plus en plus inégales dans leur capacité de faire face à une perte de revenu en temps de crise ou d’amorcer des stratégies prospectives d’action en période de prospérité.

Certaines caractéristiques des personnes dans des familles à faible revenu

Les données sur le faible revenu sont souvent utilisées afin d’examiner dans quelle mesure les familles vivent dans des circonstances difficiles. Cependant, bien que le revenu après impôt soit un bon indicateur de la capacité d’une famille de maintenir un niveau de vie donné, la richesse l’est également, puisque les avoirs financiers peuvent être convertis en argent comptant et être utilisés au besoin.

Les familles à faible revenu dont la richesse financière est nulle ou minime sont plus vulnérables que les autres étant donné qu’elles ont moins de ressources pour amortir le choc en cas de difficultés économiques (Morissette, 2002). Une richesse est qualifiée de modeste quand elle est insuffisante pour combler l’écart de faible revenu d’une famille, c’est-à-dire que cette dernière demeurerait en situation de faible revenu même en liquidant tous ses avoirs financiers. Cette famille éprouverait des difficultés financières à court terme si des événements imprévus ou défavorables devaient survenir.

La proportion de personnes vivant dans des familles à faible revenu et sans richesse financière est demeurée presque inchangée entre 1984 et 2005, soit 5 %. De même, la proportion de celles vivant dans des familles à faible revenu et dont la richesse financière était modeste a peu changé — 10 % en 1984 et 9 % en 2005.

Peu importe la mesure utilisée, les familles monoparentales où le parent est de sexe féminin sont de loin les plus vulnérables sur le plan financier. Pour toutes les années, plus de 40 % des personnes dans ces familles étaient à faible revenu et le seraient restées même après avoir liquidé leurs avoirs financiers. Les personnes seules non âgées sont également vulnérables; 31 % étaient à faible revenu et avaient une richesse financière minime en 2005.

Pour toutes les années, la vulnérabilité financière était considérablement moindre chez les groupes d’âge plus vieux, traduisant sans doute une hausse des gains et de la richesse à mesure que l’âge augmente. Entre 1984 et 2005, la vulnérabilité financière des familles dont le principal soutien économique était âgé de moins de 25 ans a crû. Elle s’est aussi accentuée pour celles dont le principal soutien économique était âgé de 25 à 34 ans et sans grade universitaire. Cependant, elle a fléchi chez celles dont le principal soutien économique était âgé de 65 ans ou plus. L’amélioration dans le cas des familles de personnes âgées traduit le revenu croissant tiré des régimes de pension privés et de l’État. (Certaines caractéristiques des personnes dans des familles à faible revenu - Tableau)

Sources des données et définitions

L’Enquête sur les avoirs et les dettes (EAD) de 1984 était un supplément de l’Enquête sur les finances des consommateurs qui a eu lieu en mai 1984. L’Enquête sur la sécurité financière (ESF) de 1999 a été menée de mai à juillet 1999, et l’ESF de 2005 l’a été de mai à juillet 2005. Dans les trois enquêtes, l’échantillon était fondé sur la base de sondage de l’Enquête sur la population active et représentait l’ensemble des familles au Canada, sauf les résidents des territoires, les ménages des réserves indiennes, les membres à temps plein des Forces armées et les pensionnaires d’un établissement institutionnel1.

Il importe de signaler certaines différences entre les enquêtes. Dans l’EAD, les renseignements sur les avoirs (sauf la résidence) et les dettes ont été recueillis pour chaque membre de la famille âgé de 15 ans ou plus, puis agrégés au niveau de la famille. Dans l’ESF, par contre, ces renseignements ont été recueillis directement au niveau de la famille. On y a également utilisé un échantillon supplémentaire « à revenu élevé » afin d’améliorer la qualité des estimations de la richesse.

Pour pouvoir comparer le concept de richesse, les éléments suivants doivent être exclus de l’ESF : le contenu de la résidence, les objets de valeur et de collection, les rentes, de même que les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR). La richesse est la différence entre la valeur du total des avoirs d’une famille et le montant total de son endettement. Sauf indication contraire, elle exclut la valeur des régimes de pension liés au travail et les droits aux prestations futures du Régime de pensions du Canada, du Régime de rentes du Québec ou de la Sécurité de la vieillesse. Est également exclue toute mesure de la valeur actualisée des gains à venir des membres de la famille.

Il est particulièrement difficile de mesurer la queue supérieure de la répartition de la richesse. En se fondant sur diverses sources de données, Davies (1993) estime que la part de la richesse totale détenue par la tranche supérieure de 1 % des familles en 1984 peut passer de 17 % (selon l’EAD) à entre 22 % et 27 %, une fois les ajustements apportés. De même, la part détenue par la tranche supérieure de 5 % des familles en 1984 peut passer de 38 % à entre 41 % et 46 %.

Une autre complication tient au fait que les comparaisons sont faites à deux périodes différentes et que le degré de troncation peut avoir varié. Plus précisément, supposons, pour simplifier les choses, que la répartition de la richesse véritable soit demeurée inchangée entre 1984 et 1999. En appliquant le raisonnement de Davies (1993, p. 160) à l’analyse de la variation de la répartition de la richesse, si aucune famille dont la richesse était supérieure à 10 millions de dollars ne consentait à une interview en 1984 et si aucune famille dont la richesse était supérieure à 50 millions de dollars ne consentait à une interview en 1999, les données de l’EAD de 1984 et de l’ESF de 1999 indiqueraient une augmentation (incorrecte) de l’inégalité de la richesse simplement en raison de l’utilisation de meilleures techniques d’interview lors de la dernière enquête. Par conséquent, la plus grande partie de l’analyse élaborée dans le présent article porte sur trois échantillons différents : l’ensemble des familles, toutes les familles sauf celles se situant dans la tranche supérieure de 1 % de la répartition de la richesse, et toutes les familles sauf celles se situant dans la tranche supérieure de 5 %. Les expressions « richesse » et « valeur nette » sont utilisées indifféremment.

Notes

  1. Comprend les établissements pénitentiaires, les hôpitaux psychiatriques, les sanatoriums, les orphelinats et les foyers pour personnes âgées.

  2. Lorsqu’on considère toutes les familles, la richesse moyenne réelle a augmenté de 70 % au cours de cette période. Lorsque la tranche supérieure de 1 % (5 %) des familles est exclue, elle progresse de 59 % (51 %). Dans le cas de la richesse médiane, les estimations correspondantes sont de 26 %, 25 % et 21 %.

  3. Pour analyser les tendances en matière d’inégalité de la richesse, le coefficient de Gini et deux autres mesures ont été utilisés : le coefficient de variation et la mesure exponentielle. Le coefficient de Gini est sensible aux changements qui surviennent dans la tranche du milieu de la répartition de la richesse, alors que le coefficient de variation est sensible aux changements dans la tranche supérieure, et la mesure exponentielle, à ceux dans la tranche inférieure.

  4. L’accroissement de la part de la richesse détenue par la tranche supérieure de 10 % au cours de la période de 1999 à 2005 n’est pas statistiquement significatif au niveau de 5 % (test bilatéral), mais l’augmentation survenue entre 1984 et 2005 est significative au niveau de 1 %. Les hausses correspondantes observées de 1984 à 2005 pour les deux autres échantillons sont également significatives au niveau de 1 %.

  5. Lorsque la tranche supérieure de 1 % ou de 5 % des familles est exclue, seule la tranche supérieure restante de 20 % voit sa part de la richesse totale progresser durant cette période.

  6. Lorsque toutes les familles sont prises en compte, la richesse médiane de la tranche supérieure de 20 % des familles atteignait environ 551 000 $ en 2005, par rapport à 465 000 $ en 1999 et à 336 000 $ en 1984. Par contre, la richesse médiane de la tranche inférieure de 20 % de la répartition a stagné au cours des deux dernières décennies; elle était pour ainsi dire nulle en 1984 et négative (environ -1 000 $) en 1999 ainsi qu’en 2005.

  7. On entend par richesse financière la valeur nette moins la valeur nette relative à la résidence et à l’entreprise propre.

  8. Que toutes les familles soient prises en compte ou que la tranche supérieure de 1 % soit exclue, l’augmentation du coefficient de Gini entre 1999 et 2005 est statistiquement significative au niveau de 10 %. Lorsque la tranche supérieure de 1 % des familles est exclue, la progression du coefficient de Gini est significative au niveau de 1 %. Pour les trois échantillons, l’accroissement du coefficient de Gini entre 1984 et 2005 est statistiquement significatif au niveau de 1 %.

  9. Il est bien connu que les énoncés rigoureux sur la progression de l’inégalité de la richesse de 1999 à 2005 obligent à vérifier que la courbe de Lorenz de 2005 se situe sous celle de 1999 à tous les centiles de la répartition de la richesse. Pour les trois échantillons, cette condition est respectée lorsque la tranche inférieure de 0,5 % des familles est exclue. Avec cette exclusion, l’inégalité de la richesse a augmenté de façon non équivoque de 1999 à 2005 (et de 1984 à 2005). La croissance de l’inégalité de la richesse au cours de la période de 1999 à 2005 a suivi une hausse de l’inégalité du revenu familial après impôt survenue durant les années 1990 (Frenette, Green et Picot, 2006), ce qui permet de penser que la dispersion croissante du revenu a contribué à l’augmentation de la concentration de la richesse.

  10. Les coefficients de Gini, les estimations de la richesse médiane et les estimations de la part de la richesse détenue par la tranche supérieure de 10 % des familles pour la période de 1970 à 1984 (graphiques C et D) sont tirés d’Oja (1987, p. 28).

  11. Le vieillissement de la population entraîne une baisse de l’importance relative des jeunes familles, qui disposent d’une richesse inférieure à la moyenne, et une hausse de l’importance relative des familles âgées, qui ont tendance à posséder une richesse supérieure à la moyenne. La repondération des données de 2005 à l’aide de six groupes d’âge (moins de 25 ans, de 25 à 34 ans, de 35 à 44 ans, de 45 à 54 ans, de 55 à 64 ans, et de 65 ans ou plus) produit un coefficient de Gini de 0,767. Le coefficient de Gini réel en 2005 était de 0,746, ce qui laisse supposer que le vieillissement de la population a eu tendance à réduire l’inégalité de la richesse entre 1984 et 2005. Peu importe que le coefficient de Gini, la mesure exponentielle ou le coefficient de variation soit utilisé, la conclusion est généralement la même pour les trois échantillons. Une seule exception est observée dans le cas du coefficient de variation, lorsque toutes les familles sont prises en compte. Les chiffres indiquent qu’une très petite partie (4 %) de l’augmentation survenue au cours de la période de 1984 à 2005 était attribuable au vieillissement de la population.

  12. La baisse est principalement attribuable à la diminution considérable des gains cumulés des jeunes hommes — la somme qu’ils ont reçue au cours de plusieurs années — survenue entre les années 1970 et les années 1990. Au cours de la période de 1994 à 2004, leurs gains cumulés s’établissaient en moyenne à environ 267 000 $, ce qui est beaucoup moins que les 330 000 $ pour la période de 1973 à 1983. Par contre, les gains cumulés des jeunes femmes ont augmenté de plus de 10 000 $, passant d’environ 166 000 $ à 177 000 $. Les gains cumulés des jeunes hommes et des jeunes femmes pris ensemble ont chuté, passant de 248 000 $ à 222 000 $. La dette au titre des prêts aux étudiants a eu peu d’incidence. Une des raisons tient au fait que la dette des étudiants touche principalement les diplômés de niveau postsecondaire, qui ne représentent qu’une fraction des jeunes personnes. En fait, le montant moyen dû au chapitre des prêts aux étudiants n’a crû que de 3 300 $ entre 1984 et 2005.

  13. En 2005, 15,4 % de ces couples affichaient une valeur nette nulle (ou négative), comparativement à seulement 9,5 % en 1984.

  14. Pour une analyse détaillée de la richesse des familles immigrantes en 1999, voir Zhang (2003).

  15. L’augmentation de la richesse moyenne a été d’environ 176 000 $ pour les familles comprises entre les 75e et 95e centiles.

  16. En 1999 et en 2005, la grande majorité des familles du cinquième supérieur (au moins 95 %) possédait une maison. Chez les propriétaires, la valeur médiane de la résidence principale a bondi de 75 000 $ entre 1999 et 2005, traduisant une forte hausse du prix du logement. Par contre, la valeur nette du logement a peu changé chez les familles de la tranche inférieure de 20 %. Cela n’est pas étonnant puisque très peu de ces familles — au plus 6 % — possédaient une maison durant la période de 1999 à 2005.

  17. Lorsque les familles de la tranche supérieure de 5 % de la répartition de la richesse sont exclues, l’écart de richesse moyen entre les familles de la tranche inférieure de 20 % et celles comprises entre les 75e et 95e centiles augmente d’environ 180 000 $. Chez ce dernier groupe, la valeur nette du logement ainsi que les REER et les CRI grimpent d’environ 111 000 $ et 63 000 $ respectivement. Par conséquent, les différences de croissance entre ces deux avoirs expliquent environ 97 % de l’écart grandissant.

  18. Idéalement, on souhaiterait tenir compte de l’augmentation de la richesse nette en biens immobiliers autres que la résidence principale. Pour ce faire, il faudrait disposer de données sur les prêts hypothécaires consentis pour des résidences secondaires, qui ne sont pas disponibles dans l’Enquête sur les avoirs et les dettes de 1984.

  19. Les 92 familles qui ont déclaré un héritage sans indiquer la valeur marchande ont été exclues. L’écart de richesse moyen de ce sous-échantillon s’élève à 958 400 $, très près de l’écart de 952 350 $ figurant au tableau 6.

  20. Deux méthodes servent à l’évaluation des régimes de retraite à prestations déterminées : la première donne lieu à une évaluation fondée sur la valeur à la cessation, et la seconde, à une évaluation selon la valeur d’exploitation. Les deux méthodes supposent que, pour les participants actuels au régime, la participation est prise en compte jusqu’au moment de l’enquête seulement.

  21. Une seule exception est découverte en utilisant l’évaluation fondée sur la valeur d’exploitation des régimes de retraite à prestations déterminées et en excluant la tranche supérieure de 5 % des familles.

  22. Pour les trois échantillons, la richesse médiane de la tranche supérieure de 20 % s’est accrue d’au moins 26 %; dans le cas de la tranche inférieure de 20 %, elle a fléchi de 13 % ou plus (selon la valeur à la cessation des régimes de retraite à prestations déterminées).

Documents consultés

  • DAVIES, J. B. 1979. « On the size distribution of wealth in Canada », Review of Income and Wealth, vol. 25, no 3, p. 237 à 259.

  • ---. 1993. « The distribution of wealth in Canada », Research on Economic Inequality, Edward N. Wolff, Greenwich (Conn.), JAI Press, vol. 4, p. 159 à 180.

  • FRENETTE, Marc, David A. GREEN et Garnet PICOT. 2006. « Rising income inequality in the 1990s: An exploration of three data sources », Dimensions of Inequality in Canada, David A. Green et Jonathan R. Kesselman, Vancouver, UBC Press, chapitre 3.

  • MORISSETTE, René. 2002. « Précarité financière des familles », L’emploi et le revenu en perspective, juillet, vol. 3, no 7, produit no 75-001-XIF au catalogue de Statistique Canada, (consulté le 7 décembre 2006).

  • MORISSETTE, René, et Yuri OSTROVSKY. 2006. La protection en matière de pensions et l’épargne-retraite des familles canadiennes, 1986 à 2003 (PDF), produit no 11F0019MIF au catalogue de Statistique Canada, Ottawa, « Document de recherche de la Direction des études analytiques », no 286, 50 p., (consulté le 7 décembre 2006).

  • MORISSETTE, René, Xuelin ZHANG et Marie DROLET. 2002. « Inégalité de la richesse », L’emploi et le revenu en perspective, février, vol. 3, no 2, produit no 75-001-XIF au catalogue de Statistique Canada, (consulté le 7 décembre 2006).

  • ---. 2006. « The evolution of wealth inequality in Canada, 1984-1999 », International Perspectives on Household Wealth, Edward N. Wolff, Cheltenham, U.K. Edward Elgar Publishing, chapitre 5.

  • OJA, G. 1987. Évolution de la répartition de la richesse au Canada, 1970-1984, produit no 13-588 au catalogue de Statistique Canada, Ottawa, « Rapport analytique sur le revenu », no 1, 39 p.

  • ZHANG, Xuelin. 2003. Le niveau de richesse des familles d’immigrants au Canada, produit no 11F0019MIF au catalogue de Statistique Canada, Ottawa, « Document de recherche de la Direction des études analytiques », no 197, 46 p., (consulté le 7 décembre 2006).

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Auteurs
Les auteurs sont au service de la Division de l’analyse des entreprises et du marché du travail. On peut joindre René Morissette au 613-951-3608, et Xuelin Zhang au 613-951-4295 ou les deux à perspective@statcan.gc.ca.


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Date de modification : 2014-05-14 Avis importants