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Mai 2004
Vol. 5, no. 5

L'emploi et le revenu en perspective

Le remplacement du revenu chez les femmes devenues veuves depuis peu
Richard V. Burkhauser, Philip Giles, Dean R. Lillard et Johannes Schwarze

Depuis un certain temps, on accorde beaucoup d’attention aux questions liées au vieillissement. Un point important est celui de savoir quel est le degré de préparation financière d’un couple face à l’éventualité du décès de l’un des conjoints. Bien qu’elle n’apporte pas une réponse directe à cette question, la présente étude a trait à une partie de celle-ci puisqu’on y compare le revenu qu’avaient les femmes au Canada, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne avant et après le décès de leur conjoint au cours des années 1990.

Le décès du conjoint a des conséquences qui vont bien au-delà de la simple question de savoir comment seront remplacés ses gains. Néanmoins, il s’agit d’une question importante qu’il faut comprendre, particulièrement dans le cas des femmes âgées. Les femmes des générations montantes sont beaucoup plus susceptibles de participer au marché du travail et d’avoir un revenu personnel plus élevé, alors que celles des générations descendantes dépendaient davantage de leur conjoint. De plus, les femmes ont tendance à vivre plus longtemps que les hommes (l’espérance de vie étant, en moyenne, de 81,2 ans et de 75,4 ans en 1996) et sont généralement plus jeunes que leur conjoint — environ deux ans lors d’une première union conjugale, 3,6 ans lors d’une union suivant un divorce, et 6,5 ans lors d’une nouvelle union après un veuvage. Près de la moitié des unions se traduisent en veuvage d’une durée de plus de 15 ans chez les femmes, contre 9 ans dans le cas des hommes (Nault et Bélanger, 1996). En fait, à la fin de la soixantaine, plus de 1 femme sur 5 est veuve; à 75 ans, les veuves sont plus nombreuses que les femmes mariées (Statistique Canada, 2004).

Dans certaines situations, une veuve peut se sentir obligée de trouver un emploi ou d’accroître le nombre d’heures travaillées en passant d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps plein. Une veuve peut aussi choisir d’emménager chez des proches ou des amis. Dans cette étude, on n’examine pas les facteurs qui sont à l’origine de ces décisions; on cherche plutôt à déterminer simplement comment, au cours des années 1990, une veuve s’en sortait, en moyenne, sur le plan financier après le décès de son conjoint.

Contexte

Le Canada et d’autres pays de l’OCDE offrent divers programmes gouvernementaux qui visent à atténuer l’incidence des pertes de gains importantes sur les ménages. Les systèmes publics d’assurance sociale fournissent un revenu aux veuves d’après les gains passés de leur conjoint; il existe également un éventail de programmes de bien-être social liés aux ressources des bénéficiaires. Ces programmes constituent un filet de sécurité sociale minimale pour les personnes qui ne travaillent pas; ils peuvent être universels ou ciblés (p. ex., à l’intention des personnes âgées, des personnes ayant une incapacité, des parents seuls ou des survivants).

Les institutions privées jouent également un rôle important dans le remplacement des gains perdus. La personne qui survit à un travailleur décédé peut recevoir des paiements découlant des avantages sociaux offerts par l’employeur. En outre, certains ménages peuvent tirer un revenu de capitaux accumulés, du travail marchand d’autres membres du ménage ou de la liquidation d’une assurance-vie.

Les chercheurs qui se penchent sur le bien-être économique des ménages après le décès d’un travailleur se concentrent souvent sur la façon dont un programme donné remplace les gains perdus. C’est notamment le cas dans les études transnationales. Dans de telles études, on essaie de déterminer quel est le revenu dont disposent les ménages après le décès d’un travailleur. Toutefois, le manque de données comparables limite souvent les études transnationales à deux types de comparaison : la comparaison entre une moyenne hypothétique des gains du travailleur et les prestations d’assurance sociale obtenues subséquemment (Gruber et Wise, 1999) ou la comparaison entre les données transversales relatives au bien-être économique des femmes mariées et des veuves d’un âge donné (Yamada et Casey, 2002)1. Dans le cas d’études plus poussées, on utilise l’analyse de cohortes hypothétiques pour déterminer les variations du bien-être économique d’une cohorte à mesure que ses membres vieillissent et que le nombre de veuves en son sein augmente (Williamson et Smeeding, 2002). Toutefois, ces comparaisons transnationales rendent comptent uniquement d’une partie de la réalité, étant donné qu’elles ne permettent pas de suivre des ménages réels.

Dans la présente étude, on utilise le Cross-National Equivalent File (CNEF), qui contient des renseignements socioéconomiques comparables sur des ménages du Canada, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Le CNEF permet de suivre l’évolution du bien-être économique d’un certain nombre de femmes après le décès de leur conjoint. Bien que les quatre pays précités présentent des différences importantes en ce qui a trait à la variation de sources de revenu précises, en particulier à la combinaison de sources gouvernementales et de sources privées, les tendances globales des taux de remplacement sont remarquablement semblables.

Données

Le CNEF est une base de microdonnées longitudinales relatives à des variables définies selon des méthodes comparables et tirées du German Socio-Economic Panel, de la United States Panel Study of Income Dynamics, de la British Household Panel Study et de l’Enquête (canadienne) sur la dynamique du travail et du revenu. Actuellement, le CNEF contient des données à partir de 1980 dans le cas des États-Unis, de 1984 pour ce qui est de l’Allemagne, de 1991 quant à la Grande-Bretagne, et de 1993 en ce qui concerne le Canada. Il comprend également des renseignements démographiques types, des données sur le revenu des ménages et ses composantes ainsi que des renseignements individuels sur l’emploi et les gains. Le CNEF est mis à jour annuellement avec les données tirées d’années supplémentaires des divers panels ainsi qu’avec des variables comparables nouvellement créées2.

Dans la présente étude, on utilise un échantillon longitudinal fondé sur l’historique des événements pour examiner le revenu des femmes, avant et après le décès de leur conjoint. Étant donné que la mort est un événement relativement rare, même dans le cas d’âges avancés dans ces ensembles de données longitudinales recueillies sur un long intervalle de temps, le nombre de décès parmi les personnes faisant partie de l’échantillon est modeste. L’échantillon est composé de 361 femmes allemandes, de 216 femmes britanniques, de 473 femmes canadiennes et de 437 femmes américaines dont les conjoints sont décédés au cours de la durée du panel. Afin de mesurer les variations dans le bien-être économique du ménage des veuves, on a suivi toutes les sources de revenu du ménage. Dans le cas de chaque pays, les femmes ont été regroupées en fonction de l’âge qu’avait leur conjoint au moment du décès, sans tenir compte de l’année civile au cours de laquelle est survenu le décès. Afin d’éviter de compliquer l’analyse, celle-ci porte sur le revenu du ménage au cours de l’année qui a précédé et celle qui a suivi le décès du conjoint3.

Bien que le revenu soit une mesure très utile, le patrimoine et la façon dont celui-ci a changé fourniraient encore plus de renseignements sur la façon dont le bien-être économique des femmes a varié après le décès de leur conjoint. Les ensembles de données comprennent les variations relatives au revenu, mais non les variations liées au patrimoine. Or cela fait problème, notamment en ce qui a trait à l’assurance-vie. En effet, la valeur résultant de tout placement d’un montant d’assurance-vie versé à une veuve (p. ex., les intérêts résultant du produit d’une assurance-vie qui a été déposé dans un compte bancaire) serait incluse dans le revenu des années qui ont suivi le décès, alors que la valeur du produit total de l’assurance-vie qui a permis d’obtenir cette valeur supplémentaire ne le serait pas. Les résultats pourraient être touchés si l’effet des liquidations d’assurances-vie sur le bien-être économique des veuves variait selon l’âge du conjoint au moment du décès, ou si cet effet variait entre les pays. De manière analogue, l’incidence de la vente d’actifs pour payer des frais de subsistance n’est pas mesurée non plus.

Définition du revenu du ménage

Chaque pays dispose d’un réseau de programmes gouvernementaux qui compensent les gains perdus et qui offrent un certain degré de protection du revenu aux citoyens qui ne travaillent pas. Il est toujours difficile et quelque peu arbitraire d’établir un rapport d’égalité entre des programmes précis mis en œuvre dans différents pays. Dans chacun des quatre pays, tous les programmes de transferts gouvernementaux en espèces ont été regroupés sous deux rubriques : les programmes d’assurance sociale (ou de sécurité sociale) et les programmes de bien-être social. Pour pouvoir figurer sous la première rubrique, une prestation doit être liée à des cotisations (charges sociales) payées antérieurement. Par exemple, le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ) sont financés principalement au moyen de charges sociales, et chaque prestation versée aux travailleurs est liée aux gains antérieurs de ceux-ci. Le rapport n’a pas à être équitable sur le plan actuariel (c’est-à-dire que la valeur actualisée des prestations escomptées n’a pas à être égale au montant des charges sociales payées), mais un lien important doit exister. De plus, le revenu actuel ne peut avoir une incidence sur le montant des prestations prévues par un programme, c’est-à-dire que le programme ne peut comporter un examen des ressources du bénéficiaire. Par ailleurs, bien que les prestations d’assurance-emploi soient fondées sur des cotisations, dans certains cas, elles sont réduites en fonction du revenu total. Par contre, le Programme de la sécurité de la vieillesse vise les personnes âgées (le groupe dans lequel on retrouve le plus de veuves), mais il s’agit d’un programme universel qui, ces dernières années, a été modifié pour devenir un programme comportant un examen des ressources des bénéficiaires.

Bien qu’elle soit difficile à établir, la distinction entre l’assurance sociale et le bien-être social est utile parce que les programmes d’assurance sociale ont toujours été bien financés dans les quatre pays, alors que les programmes de bien-être social ont fait l’objet d’un soutien beaucoup plus inégal. En outre, les programmes de bien-être social ciblent généralement les ménages à faible revenu, alors que les programmes d’assurance sociale sont répartis de manière plus uniforme dans l’échelle des revenus.

Le revenu du ménage est le total de tous les revenus reçus au cours d’une année civile par toutes les personnes résidant dans un même logement. Ce revenu est le revenu monétaire après transferts et impôts. Ces montants sont corrigés dans chacun des pays en fonction de l’inflation, à l’aide de l’Indice des prix à la consommation. Étant donné que la statistique que l’on veut connaître est celle du rapport du revenu après le décès du conjoint au revenu avant le décès, le choix de l’année de conversion est arbitraire. Un autre avantage lié au fait de se concentrer sur ce rapport est qu’aucune conversion n’est nécessaire en ce qui a trait aux monnaies des différents pays.

Enfin, le revenu du ménage est corrigé chaque année en fonction du nombre de personnes que compte le ménage. Étant donné que des ménages de tailles différentes requièrent des niveaux de revenu différents et que la taille d’un ménage change avec le décès du conjoint, il faut prendre en compte la taille des ménages pour pouvoir effectuer des comparaisons de manière appropriée. Une volumineuse documentation décrit en détail les difficultés liées aux mesures du bien-être économique de personnes appartenant à des ménages de tailles différentes (Moon et Smolensky, 1977; Burkhauser, Smeeding et Merz ,1996). Dans le cas d’une simple comparaison des revenus dont disposait le ménage d’une femme avant et après le décès du conjoint, et ce, sans correction en fonction de la taille du ménage, on présume implicitement des rendements d’échelle parfaits dans la production du ménage. À l’opposé, lorsqu’on attribue à chaque survivant une part du revenu du ménage après impôts, on présume implicitement qu’il n’y a aucun rendement d’échelle. La formule qui suit permet de prendre en compte ces deux extrêmes : E = D/Se, où E représente le revenu équivalent d’une personne, D, le revenu total du ménage, et S, la taille du ménage (Buhmann et coll., 1988).

Les hypothèses concernant les économies d’échelle sont saisies dans la valeur attribuée à e. À l’un des extrêmes, où e = 1, il n’y a pas d’économies d’échelle, et l’on attribue un revenu par personne à chaque membre du ménage. À l’autre extrême, où e = 0, les économies d’échelle sont parfaites, et l’on attribue à chaque personne un revenu équivalent correspondant exactement au revenu du ménage4. Habituellement, les chercheurs établissent la valeur de e à 0,5; on utilise donc cette valeur ici.

Rôle des programmes d’assurance sociale

Une première étape consiste à examiner les programmes d’assurance sociale afin de déterminer dans quelle mesure ils permettent de compenser la réduction des gains après le décès du conjoint. Étant donné que le ménage pouvait déjà recevoir des prestations d’assurance sociale au moment du décès, la comparaison appropriée est celle entre, d’une part, le total des prestations d’assurance sociale et des gains du conjoint au cours de l’année avant le décès, et, d’autre part, les prestations d’assurance sociale reçues au cours de l’année suivant le décès. Cette approche est très restrictive, étant donné qu’elle exclut toute mesure que pourrait prendre une veuve, comme accéder à un emploi ou emménager chez un enfant adulte.

Dans le cas de chaque ménage, on a calculé le rapport des prestations d’assurance sociale reçues au cours de l’année civile qui a suivi le décès (corrigées en fonction de la taille du ménage) à la somme des prestations d’assurance sociale et des gains du conjoint pendant l’année civile qui a précédé le décès (après correction en fonction de la taille du ménage). Ce rapport est une approximation du concept de taux de remplacement utilisé dans des simulations effectuées habituellement pour déterminer dans quelle mesure les prestations d’assurance sociale remplacent les gains perdus.

Dans les quatre pays, les prestations d’assurance sociale offraient à la femme médiane une protection substantielle contre la perte de revenu qui suit le décès du conjoint à un âge avancé (tableau 1). Les taux de remplacement de l’assurance sociale dans le cas du groupe des personnes âgées de 70 ans ou plus étaient très semblables dans les divers pays, et supérieurs aux taux relatifs à d’autres groupes d’âge. Dans le cas des femmes dont le conjoint avait entre 62 et 69 ans au moment du décès (une tranche d’âge où l’activité des hommes sur le marché du travail variait considérablement entre les quatre pays), les écarts entre les taux de remplacement étaient beaucoup plus prononcés. Le Canada présentait le taux de remplacement le plus élevé, soit 0,92, et les États-Unis, le taux le plus faible, soit 0,67. Les groupes d’âge ont été choisis en tenant compte du programme de sécurité sociale des États-Unis, dans lequel l’âge de 62 ans est un âge important en matière de détermination du montant des prestations. Les personnes âgées de moins de 62 ans ont été réparties en deux groupes d’âge, tout comme les personnes de 62 ans ou plus.

Dans les quatre pays, les taux de remplacement de l’assurance sociale dans le cas de la veuve médiane étaient beaucoup moindres pour les âges inférieurs que pour les âges supérieurs. Le taux de replacement était bas dans le cas des femmes dont le conjoint était décédé relativement jeune; cela s’explique principalement par le fait que les survivants n’avaient pas reçu automatiquement des prestations d’assurance sociale. Aux États-Unis, par exemple, des prestations de sécurité sociale sont versées aux femmes dont le conjoint est décédé avant l’âge de 62 ans uniquement s’il y a un enfant à charge. Par conséquent, la veuve médiane américaine dont le conjoint avait entre 50 et 61 ans au moment du décès n’avait reçu aucune prestation de sécurité sociale. (La valeur indiquée dans le tableau est zéro parce que la veuve médiane de l’échantillon n’avait pas d’enfant à charge.) Dans les autres pays, la veuve médiane relative au même groupe d’âge bénéficiait d’un meilleur taux de remplacement du revenu de son défunt conjoint par des prestations d’assurance sociale. Au Canada, le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec versent des prestations de survivant aux veuves et aux veufs appartenant à ce groupe d’âge, et ce, immédiatement après le décès d’un travailleur assuré par le régime, d’après les cotisations accumulées du travailleur. En Allemagne, les veuves et les veufs âgés de moins de 45 ans reçoivent 25 % de la pension (ou de la pension estimative) de leur conjoint décédé. Ceux âgés de 45 ans ou plus reçoivent 60 %. En Grande-Bretagne, les veuves sont admissibles aux prestations de l’assurance nationale à tout âge, si le conjoint travaillait.

Taux de remplacement du revenu du ménage

Tel qu’on l’a mentionné précédemment, le taux de remplacement du revenu total du ménage après transferts gouvernementaux et impôts (tableau 2) permet mieux de comprendre comment le bien-être économique d’une femme change lorsqu’elle devient veuve que le taux de remplacement des prestations d’assurance sociale5. Outre le décès du conjoint, on intègre d’autres changements touchant la composition du ménage par l’utilisation du revenu de tous les membres du ménage et d’une échelle d’équivalence. De plus, la veuve peut accéder à un emploi ou accroître le nombre d’heures travaillées pour l’emploi qu’elle occupe déjà.

Dans les quatre pays, le taux de remplacement du revenu du ménage était beaucoup plus élevé que le taux de remplacement de l’assurance sociale chez les personnes peu âgées, et généralement plus élevé chez les personnes d’âge plus avancé. Toutefois, en Grande-Bretagne, les taux étaient généralement différents de ceux observés dans les trois autres pays, peut-être en raison du plus faible nombre de décès observés dans l’échantillon britannique. Fait encore plus important au chapitre de la comparaison des pays, la tranche des taux de remplacement du revenu après transferts et impôts était beaucoup plus étroite pour tous les âges que la tranche des taux de remplacement des prestations d’assurance sociale. Cela semble indiquer que les institutions non gouvernementales et les réseaux personnels revêtent souvent de l’importance en ce qui a trait à la capacité d’une veuve de s’en sortir sur le plan financier après le décès de son conjoint.

La similitude qui existe entre les pays soulève la question de savoir quelle est la répartition des taux de remplacement en différents points de la répartition des revenus des ménages au cours de l’année qui précède le décès du conjoint. (Afin de préserver la taille de l’échantillon, on a regroupé les veuves de chaque pays, sans tenir compte de l’âge qu’avait leur conjoint au moment du décès.)

Le rapport du revenu du ménage après transferts et impôts (corrigé en fonction de la taille du ménage) durant l’année qui a suivi le décès du conjoint au revenu correspondant relatif à l’année qui a précédé le décès montre que la proportion de veuves dans chacune des catégories était semblable dans le cas des quatre pays (tableau 3). La catégorie du taux de remplacement médian et modal dans les quatre pays se situait entre 0,75 et 0,99. Au Canada et en Allemagne, environ les trois quarts des femmes présentaient des taux de remplacement de 0,75 ou plus, alors que dans les deux autres pays, les proportions étaient quelque peu moindres. Mais dans tous les pays, une minorité non négligeable de femmes avaient subi une forte diminution du revenu de leur ménage (corrigé en fonction de la taille du ménage) après le décès de leur conjoint. Les États-Unis affichaient la plus forte proportion de veuves présentant un taux de remplacement situé dans l’une des deux catégories les plus faibles. Environ 13 % des veuves américaines avaient connu une baisse de plus de la moitié du revenu de leur ménage (corrigé d’après la taille). Cette proportion est supérieure de plus de 60 % à celle observée dans les trois autres pays. En revanche, un pourcentage relativement élevé de veuves présentaient un taux de remplacement de 1,50 ou plus.

Comme on l’a mentionné précédemment, le choix des groupes d’âge a été effectué principalement en fonction des programmes offerts aux États-Unis. Afin de voir les effets de ce choix sur les données relatives au Canada, les taux de remplacement ont été recalculés avec des groupes d’âge différents (graphique). Le RPC et le RRQ ont été conçus en fonction de l’âge de 65 ans comme début du versement des principales prestations, de sorte que c’est cet âge qui était déterminant. Dans ce cas également, on a défini quatre groupes d’âge. Dans l’ensemble, les résultats étaient tout à fait semblables pour les deux ensembles de groupes d’âge. Les taux de remplacement de l’assurance sociale pour les groupes d’âge des 55 à 64 ans et des 50 à 61 ans étaient assez différents, mais suivaient la tendance à laquelle on s’attendait. En général, dans le cas de ces âges, le taux de remplacement augmente avec l’âge, vraisemblablement en raison du niveau plus élevé des cotisations au RPC ou au RRQ qu’ont versées les personnes qui décèdent à un âge avancé. Le même phénomène a été observé en ce qui concerne les taux de remplacement du revenu des ménages, même si les écarts n’étaient pas aussi prononcés.

Afin d’examiner plus en profondeur la situation économique des femmes à l’extrémité inférieure de la répartition du revenu, il est important de déterminer où se situaient ces femmes avant le décès de leur conjoint (tableau 4). Le taux de remplacement moyen chez les femmes faisant partie du quintile inférieur était de loin supérieur à 100 %. Fait quelque peu étonnant et encourageant, le taux de remplacement moyen variait de 1,30 en Allemagne à 1,54 au Canada. Les taux de remplacement moyens avaient tendance à diminuer pour les quintiles de revenu plus élevés, avec peu de différence, à l’intérieur des quintiles, entre les taux de replacement observés dans les quatre pays. Les femmes qui se situaient dans les quintiles de revenu supérieurs avant le décès de leur conjoint avaient subi un recul plus marqué en ce qui a trait au revenu relatif.

La dernière colonne du tableau 4 indique la répartition se rapportant aux taux de remplacement pour tous les quintiles de revenu. Elle montre la proportion, à l’intérieur des quintiles, de veuves présentant un faible taux de remplacement dans les quatre pays. La taille des échantillons est relativement faible, mais les résultats semblent indiquer qu’il y a peu de baisses prononcées des taux de remplacement dans les quintiles de revenu inférieurs. C’est parmi les femmes dont le revenu du ménage avant le décès du conjoint les plaçait dans les quintiles supérieurs que des reculs marqués étaient plus susceptibles de se produire. Par conséquent, même si les taux de remplacement globaux relatifs aux femmes dans l’année qui a suivi le décès de leur conjoint variaient entre les pays, la plupart des diminutions spectaculaires des taux de remplacement ont été observées chez les femmes dont le ménage figurait dans les quintiles de revenu supérieurs.

Conclusion

Le taux de remplacement des prestations d’assurance sociale relatif à la femme médiane était uniformément élevé dans les quatre pays lorsque le conjoint était décédé à l’âge de 70 ans ou plus; ce taux variait davantage lorsque le conjoint était décédé dans la soixantaine, et était beaucoup plus bas lorsque le conjoint était décédé à un plus jeune âge. Toutefois, cette variation entre les âges et les pays diminuait de manière importante lorsqu’on utilisait une mesure plus générale du taux de remplacement du revenu corrigé en fonction de la taille du ménage. Bien que la femme médiane ait encore connu une diminution plus importante du bien-être économique lorsque son conjoint était décédé jeune, l’écart était beaucoup moindre que ne le laissaient penser les taux de remplacement des prestations d’assurance sociale, tout comme la différence entre les pays. Cette différence entre les pays en ce qui a trait au revenu du ménage corrigé en fonction de la taille de ce dernier était encore plus faible dans le cas des âges avancés. Ainsi, dans les divers pays et dans les diverses catégories de veuves établies d’après l’âge qu’avait leur conjoint au moment du décès, la perte économique mesurée d’après le revenu total du ménage corrigé en fonction de la taille de celui-ci était beaucoup moindre et présentait beaucoup moins de variations que ne le laissaient supposer les taux de remplacement des prestations d’assurance sociale ou les taux de remplacement du revenu du ménage non corrigé en fonction de la taille de ce dernier.

Les mesures des taux de remplacement comme la valeur moyenne ou la valeur médiane peuvent masquer des différences substantielles dans la répartition des résultats de remplacement. La répartition était plus large aux États-Unis que dans les autres pays, et à l’exception des veuves appartenant au quintile inférieur, les veuves américaines étaient plus susceptibles que celles des autres pays de subir une diminution supérieure à 50 % du revenu de leur ménage corrigé en fonction de la taille de celui-ci, après le décès de leur conjoint. Toutefois, dans les quatre pays, le taux de remplacement moyen relatif aux veuves se situant à l’extrémité inférieure de la répartition était de beaucoup supérieur à 100 %; autrement dit, le revenu du ménage corrigé en fonction de la taille de ce dernier était beaucoup plus élevé chez les veuves qui affichaient les revenus les plus bas avant le décès de leur conjoint. Les femmes les plus susceptibles de subir un recul important du taux de remplacement étaient celles figurant à l’extrémité supérieure de la répartition. Dans les quatre pays étudiés, qui présentent des combinaisons très différentes de soutien public et de soutien privé à l’intention des veuves, les femmes qui faisaient partie du quintile inférieur de la répartition des revenus des ménages avant le décès de leur conjoint présentaient presque le même degré de bien-être économique.

Ces résultats traduisent la situation financière des veuves au cours de l’année qui a suivi le décès de leur conjoint; à long terme, leur situation pourrait être tout autre.

Notes

  1. Voir également d’autres études portant sur des données transversales tirées de l’Étude sur le revenu du Luxembourg. Internet : www.lisproject.org/publications/wpapersentire.htm.

  2. Pour une analyse plus approfondie de ces données, voir Burkhauser et coll. (2001).

  3. Les années utilisées sont celles de 1970 à 1997 dans le cas des États-Unis, de 1984 à 2000 dans le cas de l’Allemagne, de 1991 à 2000 dans le cas de la Grande-Bretagne, et de 1993 à 2000 dans le cas du Canada. Bien que l’utilisation de périodes différentes puisse avoir une incidence sur la comparaison entre les pays, l’utilisation des données a trait à une période « suffisamment brève » dans le cas de toute veuve, de sorte que les facteurs socioéconomiques externes ne seraient pas significatifs. La question de savoir si les résultats seraient les mêmes à long terme est une tout autre question.

  4. Burkhauser, Smeeding et Merz (1996) montrent la sensibilité des mesures de l’inégalité du revenu et de la pauvreté aux variations de la valeur de e, mais ils reconnaissent que la théorie économique ne suggère pas une valeur en particulier.

  5. Une étape intermédiaire aurait consisté à examiner simultanément le remplacement des programmes d’assurance sociale et des programmes de bien-être social. Toutefois, étant donné qu’on considère qu’il est préférable de connaître le taux de remplacement de la totalité du revenu du ménage, on n’a pas eu recours à cette étape intermédiaire.

Documents consultés

  • BUHMANN, Brigitte, Lee RAINWATER, Guenther SCHMAUS et Timothy M. SMEEDING. « Equivalence scales, well-being, inequality, and poverty: Sensitivity of estimates across ten countries using the Luxembourg Income Study (LIS) database », Review of Income and Wealth, juin 1988, vol. 34, no 2, p. 115 à 142.

  • BURKHAUSER, Richard V., Barbara A. BUTRICA, Mary C. DALY et Dean R. LILLARD. « The cross-national equivalent file: A product of comparative research », Soziale Sicherung In Einer Dynamischen Gesellschaft, Frankfurt : Campus, Irene Becker, notburga Ott et Gabriele Rolf, 2001, p. 354 à 376.

  • BURKHAUSER, Richard V., Timothy M. SMEEDING et Joachim MERZ. « Relative inequality and poverty in Germany and the United States using alternative equivalence scales », Review of Income and Wealth, décembre 1996, vol. 42, no 4, p. 381 à 400.

  • GRUBER, Jonathan, et David A. WISE. Social security and retirement around the world, Chicago, University of Chicago Press, 1999.

  • MOON, Marilyn, et Eugene SMOLENSKY. Improving measures of economic well-being, New York, Academic Press, 1977, Institute for Research on Poverty monograph series.

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  • WILLIAMSON, James, et Timothy SMEEDING. Sliding into poverty? Cross-national patterns of income change and benefit decay in old age, 2002, document de travail à paraître sous la direction du Syracuse University Center for Policy Research, disponible auprès de Philip Giles.

  • YAMADA, Atsuhiro, et Bernard CASEY. Getting older, getting poorer? A study of the earnings, pensions, assets, and living arrangements of older people in nine countries, 2002, document de travail de l’Étude sur le revenu du Luxembourg no 314, Internet : www.lisproject.org/publications/wpapersentire.htm.

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Auteurs
Richard V. Burkhauser et Dean R. Lillard sont au service de l’Université Cornell. Johannes Schwarze est au service de l’Otto-Friedrich-Universität Bamberg. Philip Giles est au service de la Division de la statistique du revenu. On peut communiquer avec lui au (613) 951-2891 ou à perspective@statcan.gc.ca.


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Date de modification : 2014-05-14 Avis importants