Littératie et employabilité Ross Finnie et Ronald Meng
Depuis le début des années 1990, l’économie du savoir axée sur la technologie retient l’attention et a des répercussions sur la vie de presque tous les Canadiens. Ce phénomène revêt un intérêt particulier pour les chercheurs et les décideurs, sans parler des propriétaires d’entreprise, des travailleurs de longue date et des étudiants qui entrent de façon permanente sur le marché du travail après avoir obtenu un diplôme ou, ce qui est plus inquiétant, après avoir décroché du secondaire. L’une des sources de préoccupation tient à la possibilité que les personnes qui n’ont pas les compétences techniques, l’expérience et la formation scolaire nécessaire — à commencer par les trois clés du savoir que sont la lecture, l’écriture et le calcul — restent prises dans des emplois sans avenir tandis que leurs homologues poursuivent des cheminements de carrière plus sûrs et plus lucratifs.
Même si les effets économiques du niveau de scolarité ont fait l’objet de nombreuses études1, le rôle des compétences en littératie et en numératie quant au bien-être économique des personnes fournit lui aussi des précisions importantes. Auparavant, la plupart des recherches sur le rapport entre la scolarité et la situation sur le marché du travail laissaient de côté ces compétences de base ou partaient simplement du principe qu’elles étaient prises en compte dans les mesures conventionnelles de la scolarité.
Toutefois, des études plus récentes2 ont démontré que l’incidence des compétences en littératie et en numératie sur le rendement sur le marché du travail et sur le revenu est, dans certains cas, distincte de celle du niveau de scolarité, et que celui-ci représente au mieux une approximation imparfaite de ces compétences3. Le présent document est fondé sur les données de l’Enquête sur les capacités de lecture et d’écriture utilisées quotidiennement (ECLÉUQ) de Statistique Canada, y compris les notes réelles obtenues à des tests mesurant la littératie et la numératie, plutôt que des niveaux de compétence autodéclarés utilisés habituellement4. Le but est de fournir des éclaircissements sur le rapport entre ces compétences et différents résultats sur le plan de l’emploi chez les décrocheurs du secondaire (voir Source des données et méthodologie).
La détermination des effets des notes aux tests en littératie et en numératie sur les résultats en matière d’emploi des décrocheurs permet d’aborder des questions importantes concernant leur avenir économique. Si les personnes qui ont abandonné leurs études prématurément sont cantonnées dans de « mauvais » emplois (faibles gains, peu ou pas d’avantages sociaux, heures de travail réduites) où les compétences en littératie et en numératie ont peu d’incidence sur le bien-être économique ou n’en ont pas du tout (Doeringer et Piore, 1971), alors ces compétences ne devraient jouer qu’un rôle mineur dans l’explication des profils d’emploi ou des revenus. Si, par contre, les compétences en littératie et en numératie se révèlent avoir une incidence significative sur ces résultats, cela aura alors des répercussions sur les politiques publiques portant sur les programmes d’études secondaires, sur l’éducation des adultes et sur les programmes de recyclage professionnel, sans parler des chercheurs dans ce domaine.
Le présent article porte sur les effets des compétences en littératie et en numératie — ou de leur absence — sur l’employabilité et les revenus des décrocheurs du secondaire, parallèlement aux mesures conventionnelles du niveau de scolarité. Des renseignements descriptifs sont fournis sur les décrocheurs ainsi que sur les diplômés du secondaire11, suivis d’un examen des caractéristiques des antécédents socioéconomiques réputés être associés à l’abandon scolaire précoce (par exemple, le niveau de scolarité des parents). Vient ensuite une analyse de la population de décrocheurs en fonction des caractéristiques générales de l’emploi d’après un certain nombre de résultats binaires, par exemple, selon que le décrocheur avait une incapacité ou selon qu’il vivait dans une province donnée. Enfin, des fonctions de revenu sont estimées pour les décrocheurs et les diplômés. Dans tous les cas, l’accent est mis sur les compétences cognitives mesurées par les notes obtenues aux tests de littératie et de numératie.
Littératie fonctionnelle supérieure chez les diplômés
Comme il fallait s’y attendre, les notes en littératie fonctionnelle des hommes et des femmes qui avaient décroché du secondaire étaient, de manière significative, inférieures à celles des diplômés (tableau 1)12. En outre, les décrocheurs ont déclaré une participation plus faible au marché du travail et des revenus moyens moins élevés que leurs homologues plus scolarisés.
Les parents de diplômés du secondaire étaient généralement plus scolarisés que ceux dont les enfants avaient décroché, l’écart allant de 2,4 à 2,9 années d’études supplémentaires. Les enfants d’immigrants fréquentaient l’école plus longtemps que les enfants de Canadiens nés au pays. Des proportions plus élevées que prévu de décrocheurs étaient nés dans les provinces de l’Atlantique et au Québec (particulièrement les femmes dans cette province), étaient des Autochtones, avaient parlé français dans l’enfance, ont déclaré avoir une incapacité et avaient éprouvé des difficultés d’apprentissage dans l’enfance.
Pour ce qui est des caractéristiques démographiques et de la situation en cours, les décrocheurs de sexe masculin avaient en moyenne 4,5 ans de plus que ceux qui avaient obtenu leur diplôme; les décrocheurs de sexe féminin, pour leur part, avaient presque cinq ans de plus. Les décrocheurs de l’un et l’autre sexe avaient généralement cinq années d’études de moins, et un nombre disproportionnellement plus élevé habitait dans les provinces de l’Atlantique. Un nombre disproportionnellement plus élevé de décrocheurs de sexe féminin était aussi enregistré au Québec et en Ontario. Les décrocheurs étaient beaucoup plus susceptibles d’habiter dans de petites villes comptant moins de 30 000 habitants et dans les régions rurales. Ils étaient également plus susceptibles de parler français à l’âge adulte, d’être mariés et d’avoir des enfants.
Les notes moyennes en littératie fonctionnelle des hommes et des femmes ont été calculées selon diverses caractéristiques de l’emploi (tableau 2). Les différences entre les notes sont frappantes, non seulement entre les diplômés et les non-diplômés de sexe masculin et de sexe féminin, mais aussi entre les personnes actives et inactives. Par exemple, chez les hommes qui ont travaillé principalement à temps plein (lorsque occupés) au cours des 12 mois qui ont précédé l’enquête, l’écart entre les notes aux tests des diplômés et des non-diplômés était de 29,4; l’écart correspondant entre les femmes était de 30,5. Pourtant, même si les notes pour les décrocheurs occupant un emploi étaient faibles, elles étaient, de façon significative, plus élevées que celles des personnes ne faisant pas partie de la population active13. Chez les diplômés comme chez les non-diplômés, les notes en littératie étaient systématiquement plus élevées pour les femmes que pour les hommes dans toutes les catégories d’emploi.
Le risque de décrocher
Un modèle probit a été utilisé pour calculer la probabilité d’abandonner les études selon diverses variables explicatives (tableau 3)14. Étant donné les effets de cohorte, l’âge est associé de façon positive à la probabilité de décrocher, puisque toutes les personnes qui ont abandonné leurs études l’ont fait lorsqu’elles étaient relativement jeunes. Pour chaque année additionnelle en âge, la probabilité de décrocher prématurément augmente de près de 1 point de pourcentage pour les hommes, et de 0,77 point pour les femmes (l’effet marginal15).
Il est intéressant de constater que les effets associés à la province de naissance, dans le cas des hommes, ne sont pas aussi significatifs que les données brutes le laissent supposer — à l’exception des hommes nés au Québec, qui sont, de façon significative, moins susceptibles d’avoir décroché que ceux nés dans les provinces de l’Atlantique (la catégorie omise)16. Chez les femmes, le lieu de naissance est beaucoup plus important, celles nées au Québec, dans les provinces des Prairies et en Colombie-Britannique affichant, de manière significative, des probabilités plus faibles de décrocher que les femmes nées dans le Canada atlantique.
Le fait d’avoir éprouvé des difficultés d’apprentissage dans l’enfance augmentait la probabilité d’abandonner prématurément les études de 19 points de pourcentage, tant pour les hommes que pour les femmes. Les Autochtones affichaient également des taux de décrochage considérablement plus élevés (14 points pour les hommes et 13 points pour les femmes).
L’instruction des parents influait fortement sur le niveau de scolarité de l’enfant. Une augmentation de 2,5 ans du niveau de scolarité de la mère et du père17 réduisait le risque de décrocher d’environ 15 points tant chez les hommes que chez les femmes18. Même si les preuves ne sont pas écrasantes, les mères semblent avoir une influence plus grande sur le niveau de scolarité d’une fille que d’un fils, tandis que les pères ont une influence plus grande sur le niveau de scolarité d’un fils. Une influence semblable parent-enfant se manifeste dans l’incidence significative d’une mère immigrante sur la probabilité que sa fille décroche (une réduction de 12 % de la probabilité)19.
Facteurs influant sur l’emploi chez les décrocheurs
Chez les décrocheurs du secondaire de l’un et l’autre sexe, la littératie fonctionnelle avait des répercussions positives et significatives sur le fait d’être occupé au moment de l’enquête, d’avoir été occupé à un moment donné au cours des 12 mois précédents, et d’avoir travaillé principalement à temps plein lorsque occupé (tableau 4)20. En revanche, la variable traditionnelle de la scolarité (années d’études) n’était pas du tout significative pour les décrocheurs de sexe masculin, et elle était significative seulement pour les décrocheurs de sexe féminin qui avaient travaillé principalement à temps plein. Dans le cas des hommes, une hausse d’un écart-type de la note en littératie fonctionnelle augmentait la probabilité des résultats entre 1,4 et 4,3 points de pourcentage. Dans le cas des femmes, les effets étaient tous considérablement plus grands, allant de 8,6 à 10,4 points (données non présentées).
Les estimations de paramètre pour les autres variables explicatives font ressortir d’autres différences entre les hommes et les femmes. Le rapport entre l’âge et l’emploi était non linéaire pour les hommes, atteignant un sommet à 37,8 ans pour ceux qui travaillaient au moment de l’enquête, à 38,3 ans pour ceux ayant travaillé principalement à temps plein durant les 12 mois précédant l’enquête, et à 44,8 ans pour ceux qui ont été occupés à un moment donné durant cette période (données non présentées). Dans le cas des femmes, toutefois, aucun rapport clair entre l’âge et l’emploi n’a été observé.
Avoir une incapacité n’avait pas d’incidence directe sur l’employabilité des hommes qui avaient décroché du secondaire, mais avait un effet négatif significatif sur les femmes pour ce qui est de l’emploi en cours ou de l’emploi à temps plein. En général, les profils d’emploi des Autochtones n’étaient pas, de façon significative, différents de ceux de leurs homologues non autochtones, une fois prises en compte les autres variables incluses dans les modèles21. Toutefois, une forte association négative s’observait entre les femmes autochtones et le travail à temps plein. La province de résidence était significative dans nombre de cas pour les femmes, mais rarement pour les hommes. Alors que le mariage avait des répercussions positives sur l’un et l’autre sexe, la présence d’enfants avait une incidence négative significative sur l’emploi à temps plein chez les femmes.
Comme on pouvait s’y attendre, la littératie augmentait de façon significative le nombre de semaines travaillées pour l’un et l’autre sexe. Les années d’études avaient également un effet positif, mais ce résultat n’était significatif que dans le cas des hommes (tableau 5)22.
Les autres variables indépendantes se comportaient généralement tel qu’indiqué précédemment. L’âge avait un effet positif sur le nombre de semaines travaillées des hommes mais non des femmes, tandis qu’une incapacité réduisait fortement ce nombre chez les femmes mais non chez les hommes. Les Autochtones de l’un et l’autre sexe ont déclaré, de manière significative, un nombre plus faible de semaines de travail, de même que les personnes vivant dans les provinces de l’Atlantique; toutefois, habiter en Colombie-Britannique avait des répercussions négatives seulement sur les femmes. Enfin, le mariage était fortement et positivement associé aux semaines travaillées tant chez les hommes que chez les femmes, tandis que la présence d’enfants avait pour effet de réduire le nombre de semaines travaillées pour les femmes seulement.
Le revenu des décrocheurs
Chez les hommes, un niveau plus élevé de littératie avait d’importantes répercussions positives sur les revenus tant des diplômés que des décrocheurs (tableau 6)23. Il est intéressant de constater que le nombre d’années d’études était fortement significatif seulement dans le cas des décrocheurs de sexe masculin, ce qui reflète peut-être une décroissance du rendement économique marginal de la scolarité et une forte corrélation entre la littératie fonctionnelle et la scolarité pour les décrocheurs (réduisant la signification statistique des deux mesures)24. Chez les femmes, les répercussions de la littératie étaient significatives dans le cas des diplômées mais non des décrocheuses, alors que le rendement des années d’études était fortement significatif pour les deux groupes. Les autres variables incluses dans les modèles se comportaient généralement comme prévu. Il est particulièrement intéressant de constater, toutefois, que les profils âge-revenu étaient moins prononcés pour les décrocheurs.
Chez les diplômés, dans trois des quatre régressions des revenus, la variable Autochtone était positive et significative, mais uniquement au niveau de 10 %. Cette constatation laisse supposer que même si les Autochtones avaient, de façon significative, des taux de décrochage plus élevés que le reste de la population, leurs profils d’emploi et de revenu n’étaient pas très différents, une fois pris en compte les facteurs observables contrôlés dans les modèles25.
Conclusion
Il ne fait pas doute que les compétences en littératie et en numératie contribuent au bien-être économique et social. Toutefois, il n’est pas clair si cela s’applique à toutes les personnes, y compris celles se trouvant au bas de l’échelle sur le marché du travail, ou seulement à celles qui ont des niveaux de scolarité plus élevés et qui sont ainsi plus susceptibles d’être intégrées à l’économie du savoir d’aujourd’hui. Les conclusions de la présente étude montrent que chez les décrocheurs du secondaire, qui ont tendance à avoir des notes en littératie fonctionnelle beaucoup plus faibles que leurs homologues diplômés, des compétences accrues en littératie et en numératie peuvent améliorer de manière significative leurs résultats sur le marché du travail, et ce, indépendamment de l’incidence de la formation scolaire. D’ailleurs, dans certains cas, les effets de la littératie fonctionnelle semblent être considérablement plus grands que ceux des années d’études.
Une étude sur les taux de littératie dans 21 pays, y compris les États-Unis, le Royaume-Uni et de nombreux pays d’Europe, montre que les notes globales des Canadiens dans la tranche supérieure de 25 % de l’échelle des capacités de lecture étaient nettement plus élevées que celles enregistrées dans bien des pays industrialisés; cependant, les notes pour la tranche inférieure de 25 % faisaient assez mauvaise figure par rapport aux notes les plus basses dans les autres pays. En outre, les Canadiens se sont classés au 15e rang en ce qui a trait à l’inégalité de la littératie (Tuijnman, 2001)26. Néanmoins, le présent article montre que même si les notes en littératie des décrocheurs canadiens du secondaire sont faibles comparativement à celles des Canadiens plus scolarisés ou des personnes vivant dans certains autres pays, des niveaux plus élevés de ces compétences peuvent avoir des répercussions significatives sur leur succès sur le marché du travail.
Des chercheurs ont observé une tendance à la surqualification pour de nombreux emplois dans l’économie nord-américaine au cours des dernières années (Pryor et Schaffer, 1999, entre autres). Souvent, les diplômés universitaires occupent des emplois que les diplômés du secondaire pourraient exercer, tandis que ces derniers commencent à tenir des emplois que les décrocheurs avaient l’habitude d’occuper. Les résultats de la présente étude, toutefois, montrent que les personnes qui se trouvent au bas de l’échelle économique ne sont pas complètement prisonnières d’un marché du travail secondaire leur offrant peu d’options. En effet, les compétences font une différence, et aider les personnes à augmenter leurs capacités en littératie et en numératie pourrait constituer une façon importante d’améliorer leurs possibilités sur le marché du travail.
Source des données et méthodologie
Le présent article est fondé sur l’Enquête sur les capacités de lecture et d’écriture utilisées quotidiennement (ECLÉUQ) menée en octobre 1989. L’enquête comportait deux volets. Le premier comprenait des questions sur les caractéristiques sociodémographiques et l’emploi, les antécédents familiaux et l’expérience liée aux compétences en littératie et en numératie (lecture, écriture et arithmétique). Dans le deuxième volet, les répondants étaient priés d’exécuter une série de tâches permettant de mesurer directement leurs compétences en littératie et en numératie (Statistique Canada, 1991).
L’échantillon de l’ECLÉUQ a été sélectionné à partir des logements ayant participé récemment à l’Enquête sur la population active, ce qui exclut les personnes qui vivent dans les réserves indiennes et les territoires, les membres à temps plein des Forces armées et les personnes qui vivent dans des établissements institutionnels (par exemple, les maisons de repos ou les pénitenciers).
L’ensemble du fichier de l’ECLÉUQ se compose d’un échantillon pondéré de 9 455 répondants qui étaient âgés de 16 à 69 ans en 1989. L’analyse se limitait aux hommes et aux femmes nés au Canada et âgés de 21 à 54 ans qui ne fréquentaient pas l’école au moment de l’interview, soit 2 318 hommes et 2 806 femmes dont 851 et 872, respectivement, avaient abandonné leurs études secondaires avant d’avoir obtenu un diplôme5.
Les mesures de la littératie et de la numératie dans le contexte de l’ECLÉUQ sont fondées sur la théorie de la réponse d’item6. Les mesures en résultant sont des variables continues allant de 0 à 500. Les personnes ayant une note en littératie inférieure à 160 ont de la difficulté à comprendre tout matériel écrit, c’est-à-dire qu’elles sont fondamentalement analphabètes. Une note en numératie inférieure à 200 signifie que les personnes « ont des capacités de calcul très limitées qui leur permettent, au mieux, de repérer et de reconnaître des chiffres, séparément ou dans un court texte » (Statistique Canada, 1991, p. 22); autrement dit, elles sont essentiellement incapables de calculer. Malheureusement, la lecture et la numératie sont si étroitement liées7 qu’il est souvent difficile de distinguer les effets indépendants de l’une et l’autre sur l’emploi, le revenu et d’autres indicateurs du marché du travail8.
Pour résoudre ce problème, certains chercheurs ont utilisé uniquement la littératie dans leurs analyses (Rivera-Batiz, 1990a, 1990b), d’autres ont utilisé seulement la numératie (Rivera-Batiz, 1992), tandis que d’autres encore ont utilisé les deux. Toutefois, l’utilisation de la moyenne simple des deux variables produit les meilleurs résultats et est plus facile à interpréter dans un contexte où il est difficile de déterminer les effets distincts de l’une et de l’autre (Charette et Meng, 1998; Pryor et Schaffer, 1999; Green et Riddell, 2001). Dans le présent article, la moyenne des notes en littératie et en numératie a été utilisée pour créer une variable composite appelée littératie fonctionnelle, expression créée par Pryor et Schaffer.
Les variables utilisées aux fins de l’analyse peuvent être regroupées selon trois catégories. La première porte sur l’emploi et le revenu et vise à déterminer si le répondant était occupé au moment de l’enquête ou à un moment donné au cours des 12 derniers mois, si l’emploi était principalement à temps plein (30 heures ou plus par semaine), le nombre de semaines travaillées au cours de la dernière année et le logarithme du revenu.
Le deuxième groupe de variables fournit des mesures des antécédents socioéconomiques, indiquant le nombre d’années d’études de la mère et du père, si les parents étaient des immigrants, la province de naissance, l’appartenance à un groupe autochtone, la première langue parlée9, la présence d’une incapacité10 et toute difficulté d’apprentissage dans l’enfance.
Le troisième groupe de variables rend compte des caractéristiques démographiques et de la situation au moment de l’enquête. Il s’agit notamment de l’âge, du nombre d’années d’études, de la province de résidence, de la taille de la ville, de la première langue (ou la langue préférée) à l’âge adulte, de l’état matrimonial et de la présence d’au moins un enfant.
Un modèle probit a été utilisé pour calculer la probabilité d’abandonner les études, selon les résultats binaires de certaines variables explicatives ci-dessus. Des estimations fondées sur une méthode probit-MCO (moindres carrés ordinaires) en deux étapes ont également été calculées pour déterminer les répercussions positives ou négatives de certaines variables sur les résultats au chapitre de l’emploi. |
Notes
- Pour un examen des ouvrages publiés, voir Card (1999).
- Voir Rivera-Batiz (1990a, 1990b et 1992), Charette et Meng (1994 et 1998), Murnane, Willett et Levy (1995), Pryor et Schaffer (1999), Green et Riddell (2001), ainsi que Finnie et Meng (2001, 2002b et 2005).
- Dans presque toutes les études mentionnées ici, l’inclusion de mesures de la littératie ou de la numératie réduit l’importance des effets et la signification statistique des variables de la scolarité dans les modèles conventionnels des gains du capital humain. Cela dit, la scolarité et les compétences en littératie et en numératie comportent clairement des liens de cause à effet, mais l’ensemble complet de rapports n’a jamais été beaucoup examiné (Finnie et Meng, 2002a).
- Voir Finnie et Meng (2005) pour la comparaison des notes aux tests et des niveaux de compétence autodéclarés, et leurs effets sur les modèles d’emploi et de revenu.
- Les immigrants ont été exclus de l’analyse parce que les rapports qu’ils affichent entre la littératie, la numératie, le niveau de scolarité et la situation sur le marché du travail sont différents de ceux des Canadiens nés au pays (Finnie et Meng, 2002b). Les personnes plus âgées (de 55 à 69 ans) ont été exclues afin d’éviter les problèmes liés à la situation de préretraite. Celles nées dans un des territoires mais vivant dans une province au moment de l’enquête ont également été exclues.
- La théorie de la réponse d’item (TRI) est une procédure statistique itérative utilisée pour résumer le profil des réponses à un test d’une manière qui tient compte de la difficulté de la tâche, des tâches non exécutées, des suppositions et des erreurs aléatoires. La TRI calcule une estimation de la difficulté de chaque tâche et une estimation de la capacité d’une personne à la résoudre en utilisant une même échelle numérique allant généralement de 0 à 500 (Statistique Canada, 1991).
- La corrélation d’échantillon entre la littératie et la numératie, tant pour les hommes que pour les femmes compris dans cette étude, est de 0,77.
- Outre le fait que les personnes qui sont analphabètes ont également tendance à être incapables de calculer, les questions sur la numératie dans l’ECLÉUQ étaient enchâssées dans un sous-ensemble de tâches de lecture pour simuler les façons dont l’arithmétique est utilisée sur une base quotidienne. Ainsi, le répondant devait d’abord comprendre les instructions écrites avant d’essayer d’exécuter les tâches arithmétiques requises.
- Très peu d’adultes (environ 0,6 % de la population) déclarent une première langue (ou une langue préférée) autre que le français ou l’anglais. Pour simplifier les choses, ceux qui ont déclaré avoir parlé d’autres langues dans l’enfance ont été inclus dans le groupe de langue française.
- Même si la présence ou l’absence d’une incapacité est traitée comme étant une variable liée aux antécédents, aucun renseignement n’est fourni quant au moment où l’incapacité est survenue, soit à la naissance, pendant l’enfance ou plus tard.
- Les diplômés du secondaire comprennent également les personnes qui ont poursuivi leurs études dans une université, un collège ou autre établissement d’enseignement postsecondaire.
- Les tests portant sur les différences de moyennes des notes en littératie fonctionnelle produisent des statistiques t de 17,8 pour les hommes et de 23,2 pour les femmes, qui sont significatives au niveau de 1 %.
- Comme le concluent Pryor et Schaffer (1999) en examinant des résultats assez similaires pour les États-Unis : « [les moyennes de la littératie fonctionnelle] semblent peu correspondre à la participation au marché du travail en cette ère de l’information annoncée » [traduction] (p. 23).
- La technique de White a été utilisée pour contrôler l’hétéroscédasticité.
- Les effets marginaux indiquent dans quelle mesure une augmentation unitaire donnée dans une variable particulière a pour effet d’augmenter ou de réduire la probabilité d’un événement.
- Cela montre que la province comporte une corrélation avec d’autres variables explicatives incluses dans les modèles.
- Il s’agit à peu près de l’écart entre les niveaux de scolarité moyens des parents des diplômés et des non-diplômés indiqué au tableau 1.
- Aux fins de ce calcul, les effets marginaux associés aux années d’études des deux parents ont été ajoutés et le total a été multiplié par 2,5. Par exemple, le calcul pour les hommes était le suivant : [(-2,81) + (-3,20)] x 2,5 = -15,0 %.
- Plusieurs variables d’interaction ont été ajoutées afin de rendre compte des effets additionnels de cohorte ainsi que d’autres effets transversaux : âge x niveau de scolarité des parents, années d’études de la mère x années d’études du père, et l’âge au carré. Aucun des coefficients estimés n’était statistiquement significatif.
- Pour contrôler la conjugaison du décrochage et du fait d’avoir été occupé, on a adopté une méthode en deux étapes comprenant tout d’abord l’estimation d’un probit bivarié qui a déterminé conjointement la probabilité de décrocher (c.-à-d. DÉCRO = 1) pour chacune des variables binaires examinées. Les déterminants du décrochage correspondent aux variables qui figurent au tableau 3, tandis que les déterminants de chacun des autres résultats sont indiqués au tableau 4. Le terme ainsi obtenu relativement à la sélection de l’échantillon a été inclus ensuite dans les modèles des MCO non linéaires pour les décrocheurs. Il s’agit d’une approche similaire à celle élaborée par Abowd et Farber (1982). Le tableau 4 montre que, pour les hommes, les estimations pour le terme d’ajustement (ρ) sont hautement significatives, tandis que pour les femmes, la variable est significative dans seulement une des trois équations (Greene, 1990, p. 692).
- Les Autochtones ont tendance à avoir des niveaux de scolarité et de littératie fonctionnelle inférieurs. Par ailleurs, ceux vivant dans les réserves indiennes ou dans les territoires ont été exclus de la présente étude.
- Évaluée en fonction des moyennes de l’échantillon, l’élasticité des semaines travaillées en ce qui a trait aux notes en littératie et aux années d’études est de 0,31 et 0,19 respectivement pour les hommes, et de 0,81 et 0,31 pour les femmes. Ces élasticités sont assez élevées dans le cas des femmes, et la littératie fonctionnelle a davantage de répercussions sur l’offre de main-d’œuvre des femmes que sur celle des hommes. Rivera-Batiz (1992) signale des résultats similaires dans son étude sur les effets de la compréhension de textes au contenu quantitatif (numératie) sur l’offre de main-d’œuvre des hommes et des femmes.
- Le revenu total comprend les gains (revenu d’emploi), le revenu de pension, les transferts, le revenu de placements et les autres revenus. Il aurait été peut-être préférable d’utiliser les gains ou les taux salariaux aux fins de ces calculs, mais la base de données de l’ECLÉUQ ne contient pas ces renseignements. En outre, étant donné que les gains représentent la plus grande partie du revenu, particulièrement chez les personnes en âge de travailler, et que des résultats analytiques semblables s’obtiennent en utilisant les gains ou le revenu, on a considéré que ce dernier produisait de bons résultats aux fins de la présente étude.
- L’ajout d’un terme « années d’études au carré » a généralement eu pour effet de rendre non significatifs les termes linéaires et quadratiques, de sorte que l’on a conservé la mesure linéaire plus simple. Des échantillons plus importants pourraient permettre de mieux délimiter ces effets.
- Il convient de se rappeler que l’on n’a pas recueilli de données sur les personnes vivant dans les réserves indiennes ou dans les territoires.
- L’inégalité a été mesurée par la variance de la distribution des notes en littératie.
Documents consultés
- ABOWD, John M., et Henry S. FARBER. 1982. « Job queues and the union status of workers », Industrial and Labor Relations Review, vol. 35, n° 3, avril, p. 354 à 367.
- CARD, David. 1999. « The causal effect of education on earnings », Handbook of Labor Economics, publié sous la direction d’Orley Ashenfelter et David Card, vol. 3A, North-Holland, Elsevier Science, p. 1801 à 1863.
- CHARETTE, Michael F., et Ronald MENG. 1994. « Explaining language proficiency: Objective versus self-assessed measures of literacy », Economics Letters, vol. 44, n° 3, p. 313 à 321.
- ---. 1998. « The determinants of literacy and numeracy, and the effect of literacy and numeracy on labour market outcomes », Revue canadienne d’économique, vol. 31, n° 3, août, p. 495 à 517.
- DOERINGER, Peter B., et Michael J. PIORE. 1971. Internal Labor Markets and Manpower Analysis, Lexington, Mass., D.C. Heath & Co., 214 p.
- FINNIE, Ross, et Ronald MENG. 2001. « Cognitive skills and the youth labour market », Applied Economics Letters, vol. 8, n° 10, octobre, p. 675 à 679.
- ---. 2002a. A Recursive Income Model for Canadians: The Direct and Indirect Effects of Family Background, Kingston, Ontario, Université Queen’s, School of Policy Studies, 28 p., document de travail n° 28.
- ---. 2002b. « Minorities, cognitive skills and incomes of Canadians », Analyse de Politiques, vol. 28, n° 2, juin, p. 257 à 273.
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- GREEN, David A., et W. Craig RIDDELL. 2001. Les capacités de lecture et de calcul et la situation sur le marché du travail au Canada (PDF), n° 89-552-MIF au catalogue de Statistique Canada, n° 8, Ottawa, 46 p., (consulté le 22 février 2007).
- GREENE, William H. 1990. Econometric Analysis, New York, Macmillan, 783 p.
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- RIVERA-BATIZ, Francisco L. 1990a. « English language proficiency and the economic progress of immigrants », Economic Letters, vol. 34, n° 3, novembre, p. 295 à 300.
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Ross Finnie est au service de la School of Policy Studies de l’Université Queen’s et de la Division de l’analyse des entreprises et du marché du travail de Statistique Canada. On peut le joindre au 613-533-6000. Ronald Meng est au service du Department of Economics de l’Université de Windsor. On peut le joindre au 519-253-4232 On peut joindre l’un ou l’autre à perspective@statcan.gc.ca. Le présent article est une adaptation du document de recherche intitulé Importance de la littératie fonctionnelle : Compétences en lecture et en mathématiques et résultats sur le marché du travail des décrocheurs du secondaire, qui figure dans le site Web de Statistique Canada à l’adresse http://www.statcan.ca/francais/research/11F0019MIF/11F0019MIF2006275.pdf.
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