Contenu archivé

L'information dont il est indiqué qu'elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n'est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n'a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Faits saillants Faits saillants Menu principal Tribune Autres nouveautés Communiquer avec nous Information sur les enquêtes Numéros déjà parus Statistics Canada home page En profondeur English
 
Logo de Statistique Canada

75-001-XIF

menu du système - liens au bas de la page
en-tête principal pour « L'emploi et le revenu en perspective »
sous-titre « L'édition en ligne »

Décembre 2003     Vol. 4, no. 12

Contre vents et marées

Katherine Marshall et Harold Wynne

Au cours de la dernière décennie, le secteur des jeux de hasard a été florissant. Le montant des paris des Canadiens s’est constamment accru — passant de quelque 2,7 milliards de dollars en 1992 à environ 11,3 milliards de dollars en 2002 (Marshall, 1996, 1998, 2003). Si les jeux de hasard contribuent à la croissance du PIB, de l’emploi et des recettes publiques1, le jeu compulsif se traduit, quant à lui, par une hausse des incidences négatives sur le plan social et sur celui de la santé. Bien que la plupart des joueurs de la loterie 6/49 ou des visiteurs des casinos s’adonnent au jeu simplement pour le plaisir et la détente (et le rêve de décrocher le gros lot), le comportement d’un petit segment de la population restera problématique.

Dans son ouvrage intitulé Diagnostic and Statistical Manual IV, l’American Psychological Association définit le jeu pathologique comme un trouble du contrôle des impulsions. Dans le contexte de l’Indice canadien du jeu excessif (ICJE), qui sert à détecter les joueurs à problèmes dans l’ensemble de la population, on définit le jeu excessif comme « un comportement lié au jeu qui entraîne des conséquences négatives tant pour le joueur lui-même que pour les personnes de son réseau social ou pour la collectivité » (Ferris et Wynne, 2001, p. 2). Ces conséquences peuvent aller jusqu’à la faillite, la perte d’emploi, la rupture du mariage ou le suicide.

Le cycle 1.2 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes — Santé mentale et bien-être (ESCC 1.2) fournit des renseignements inédits sur le jeu excessif ou pathologique au Canada. Il est maintenant possible d’examiner le comportement en matière de jeu et les caractéristiques socioéconomiques des joueurs sans problème, des joueurs à risque et des joueurs excessifs. Les questions liées au jeu excessif, comme le revenu, la santé et les relations sociales, peuvent également être explorées (voir Source des données et définitions).

Une majorité joue, mais seule une minorité est à risque

Les jeux de hasard s’accompagnent inévitablement d’un problème de jeu excessif2. Parmi les quelque 18,9 millions de Canadiens qui se sont adonnés aux jeux de hasard en 2002, 17,7 millions n’éprouvaient pas de problème à ce chapitre, tandis que 1,2 million (5 % de la population adulte) étaient des joueurs excessifs ou risquaient de le devenir (graphique A). Par définition, les joueurs excessifs subissent les effets négatifs de leur comportement en matière de jeu. Selon l’Indice de gravité du jeu compulsif (IGJC), qui fait partie de l’ICJE, 700 000 joueurs étaient à faible risque, 370 000, à risque modéré et 120 000 étaient des joueurs excessifs. Les joueurs à faible risque avaient une cote variant de 1 à 2 sur l’échelle de l’IGJC, les joueurs à risque modéré, une cote allant de 3 à 7, et les joueurs excessifs, une cote de 8 ou plus. Les cotes étaient déterminées en fonction d’une combinaison de facteurs, soit la participation au jeu, le comportement lié au jeu excessif et les conséquences négatives.

On ne dispose pas de données de tendance sur les taux de jeu excessif, mais les recherches démontrent qu’un accès accru aux jeux de hasard contribue à hausser la prévalence des problèmes liés au jeu (Volberg, 1994). On associe le jeu excessif à l’accessibilité accrue, à la pauvreté, à un niveau socioéconomique peu élevé et à la consommation abusive d’alcool et de drogues. Les jeux de hasard poursuivent leur essor; les trois quarts (76 %) des personnes de 15 ans et plus ont fait des dépenses au chapitre des jeux de hasard sous une forme ou une autre en 2002 — et 38 %, au moins une fois par semaine (tableau 1)3.

Le jeu sous ses diverses formes


L’achat de billets de loterie représentait de loin l’activité de jeu la plus populaire (taux de participation de 65 %); venaient ensuite l’achat de billets de loterie instantanée (36 %) et la fréquentation d’un casino (22 %)4. Bon nombre d’adeptes des billets de loterie participaient régulièrement — 37 % jouaient chaque semaine dans le cas de la loterie classique et 23 % dans le cas de la loterie instantanée. Seulement 3 % des personnes ayant fréquenté un casino au cours de la dernière année l’avaient fait sur une base hebdomadaire. Bien que le bingo n’ait attiré qu’une proportion relativement faible de joueurs (8 %), il se classait au troisième rang pour ce qui est de la fréquence de la participation — un joueur sur cinq s’y adonnait au moins une fois par semaine.

La participation au jeu était élevée tant chez les hommes (78 %) que chez les femmes (73 %), et s’établissait à 70 % ou plus dans tous les groupes d’âge supérieurs à 24 ans. Malgré les limites imposées par la loi pour restreindre le jeu aux personnes de 18 ans et plus dans la plupart des provinces, la moitié des jeunes hommes et le tiers des jeunes femmes (de 15 à 17 ans) se sont adonnés à des jeux de hasard en 2002. En fait, un nombre considérable de ces adolescents y ont participé par l’entremise des loteries et des loteries instantanées approuvées par les gouvernements provinciaux. Les taux les plus élevés de participation des jeunes se retrouvaient dans la catégorie des « autres » jeux de hasard — principalement les paris sur les jeux de cartes ou de table à l’extérieur des casinos ou sur les jeux d’adresse (comme le billard ou le jeu de fléchettes).

Les écarts entre les taux provinciaux de participation s’expliquent à la fois par l’accessibilité à certains types de jeux de hasard et par les préférences culturelles provinciales. Par exemple, les appareils de loterie vidéo (ALV) dans les lieux faisant l’objet de restrictions quant à l’âge, comme les pistes de courses et les bars, sont permis au Manitoba mais non en Ontario, ce qui donne lieu à des taux de participation extrêmement différents, soit 21 % et 2 % respectivement. Bien que le bingo soit permis dans toutes les provinces, ce jeu est généralement plus populaire dans la région de l’Atlantique. Les paris sur les courses de chevaux, également permis partout au pays, sont associés à des taux de participation relativement faibles. Cependant, 11 % des résidents de l’Île-du-Prince-Édouard ont parié sur les chevaux en 2002, soit un taux nettement supérieur à la moyenne nationale de 4 %, peut-être parce que les courses attelées sont étroitement liées à la culture de cette province (Jepson et Patton, 1999)5.

Les joueurs les plus à risque


Les hommes qui jouaient étaient nettement plus susceptibles que les femmes d’être des joueurs à risque ou des joueurs excessifs — 8 % contre 5 % (tableau 2). Selon certains, cet écart est attribuable au fait que les hommes et les femmes tendent à jouer pour des raisons différentes et optent pour des activités de jeu différentes. Les hommes étaient plus attirés par les ALV (7 % contre 5 %) et les paris liés aux courses de chevaux (5 % contre 3 %); les femmes étaient plus susceptibles de jouer au bingo (12 % contre 5 %) (tableau 1). L’image culturelle du joueur pourrait également constituer un facteur. L’archétype du joueur dans les films, les romans et la musique est toujours un homme (Castellani, 2001).

Les joueurs à risque et excessifs étaient aussi, en moyenne, plus jeunes que les joueurs sans problème (40 ans contre 45 ans). Les joueurs n’ayant pas fait d’études postsecondaires étaient nettement plus susceptibles que ceux plus scolarisés d’être des joueurs à risque ou excessifs (8 % et 5 % respectivement). Toutefois, il n’existait pas de différence significative entre les joueurs à faible revenu (moins de 20 000 $) et ceux ayant un revenu plus élevé (20 000 $ ou plus)6.

Les joueurs autochtones hors réserve étaient bien plus susceptibles d’être des joueurs à risque que les joueurs non autochtones — 18 % comparativement à 6 %7. Les facteurs liés au jeu excessif soulève des inquiétudes dans le cas de la population autochtone. « Les collectivités des Premières Nations au Canada seront soumises à un risque plus important, bon nombre d’entre elles affichant des taux élevés de consommation abusive d’alcool et de drogues et des niveaux de revenu et de scolarité inférieurs à la moyenne » (Kelley, 2001, p. 6 [traduction libre]).

Le Manitoba et la Saskatchewan enregistraient des proportions considérablement plus fortes de joueurs à risque (9,4 % et 9,3 % respectivement) que les autres provinces. Parmi les facteurs à l’origine de ce phénomène pourraient figurer les taux les plus élevés de jeu sur les ALV au pays, les taux de fréquentation de casinos les plus importants avec l’Ontario (tableau 1), et des populations autochtones plus nombreuses que la moyenne8.

Près d’un joueur quotidien sur trois était à risque (30 %) ou éprouvait déjà des problèmes de jeu excessif (6 %). Les personnes qui jouaient de deux à six fois par semaine étaient aussi nettement plus susceptibles d’être à risque ou d’éprouver des problèmes à ce chapitre (14 %).

Enfin, les taux de joueurs à risque et excessifs variaient considérablement selon le type de jeu, ce qui tend à indiquer que certains jeux sont plus attrayants que d’autres (graphique B). Par exemple, un adepte des ALV sur quatre était à risque ou éprouvait déjà des problèmes de jeu excessif, ce qui confirme l’observation fréquente selon laquelle les ALV sont la « cocaïne » de l’univers du jeu. En revanche, les acheteurs de billets de loterie, le jeu de hasard auquel s’adonnaient 16 millions de personnes, comptaient la proportion la plus faible de joueurs à risque et excessifs (7 %)9.

Il faut de l’argent pour jouer


Inévitablement, le jeu fréquent allège le portefeuille. Les joueurs excessifs étaient de loin les plus susceptibles de consacrer plus de 1 000 $ par année au jeu — 62 % comparativement à 4 % pour les joueurs sans problème (graphique C). Venaient ensuite les joueurs à risque modéré (43 %), suivis des joueurs à faible risque (21 %). La grande majorité des joueurs sans problème (90 %) dépensaient 500 $ ou moins par année, 33 % d’entre eux consacrant seulement 50 $ ou moins au jeu.

Dans l’ensemble, 6 % des joueurs dépensaient plus de 1 000 $, soit la proportion observée pour les ménages d’une personne dans le contexte de l’Enquête sur les dépenses des ménages (EDM). Bien qu’elle ne permette pas de repérer les joueurs excessifs, l’EDM fournit des données sur les dépenses exactes de jeu. La valeur médiane des dépenses des personnes qui consacraient plus de 1 000 $ au jeu s’établissait à 2 280 $ pour les hommes et à 1 900 $ pour les femmes en 200110.

Le jeu constant et les dépenses excessives peuvent sérieusement ébranler plusieurs facettes de la vie — notamment les dépenses personnelles et familiales. La majorité des joueurs excessifs (62 %) ont déclaré dépenser, toujours ou la plupart du temps, plus d’argent au jeu qu’ils en avaient l’intention (tableau 3). Seulement 3 % des joueurs sans problème ont déclaré qu’ils dépensaient parfois plus d’argent que prévu (données non présentées). En outre, 85 % des joueurs excessifs ont déclaré qu’il leur arrivait, parfois ou la plupart du temps, de parier plus d’argent qu’ils pouvaient se permettre de perdre, comparativement à 47 % des joueurs à risque modéré et à 14 % des joueurs à faible risque. De toute évidence, les dépenses constantes et incontrôlées qu’on ne peut se permettre peuvent se traduire par un endettement et des factures impayées, qui viennent alourdir encore davantage le fardeau émotif et financier. En effet, 53 % des joueurs excessifs ont déclaré que leurs habitudes de jeu leur causaient parfois des problèmes financiers, et 17 % ont indiqué se trouver toujours ou presque toujours dans cette situation. Enfin, 39 % des joueurs excessifs ont déclaré qu’il leur arrivait parfois d’emprunter de l’argent ou de vendre des biens pour continuer à jouer; il s’agit là d’une mesure désespérée qui peut présager des difficultés financières encore plus aiguës.

Les joueurs excessifs souffrent de stress et de problèmes de santé


Le recours incessant au jeu demande à la fois du temps et de l’argent, et peut avoir une incidence négative sur la santé physique et mentale. Les joueurs excessifs étaient deux fois plus susceptibles (22 % contre 11 %) de déclarer un état de santé médiocre ou passable que les joueurs sans problème (tableau 4). La vraisemblance de dépendance à l’alcool augmentait à mesure que s’accentuait le niveau de risque de dépendance au jeu. Seulement 2 % des joueurs sans problème souffraient d’une dépendance à l’alcool, comparativement à 7 % des joueurs à faible risque et à 15 % des joueurs excessifs. Bien que la méthodologie et les définitions varient, d’autres études ont également révélé une corrélation (comorbidité) entre la dépendance à l’alcool et le jeu pathologique (Kidman, 2002).

L’obsession du jeu peut aussi entraîner des problèmes sociaux. La moitié des joueurs excessifs ont déclaré que le jeu leur causait des problèmes sur le plan des relations avec leur famille ou leurs amis. De tels problèmes étaient également rapportés par 16 % des joueurs à risque modéré, alors qu’on ne comptait pratiquement pas de joueurs sans problème dans cette situation. Par ailleurs, plus de la moitié des joueurs à risque modéré et des joueurs excessifs occupant un emploi ont indiqué que le jeu a déjà nui à leur capacité d’exercer leurs fonctions.

Le stress est une conséquence inévitable des tensions financières et sociales découlant du jeu excessif. Bien que le jeu n’en soit peut-être pas la seule cause, 42 % des joueurs excessifs ont déclaré un niveau élevé ou extrême de stress dans leur vie, comparativement à 23 % des joueurs sans problème. De plus, compte tenu des réponses fournies à diverses questions sur la détresse psychologique, on considère que 29 % des joueurs excessifs étaient en situation de détresse intense, comparativement à 9 % seulement des joueurs sans problème.

La persistance du stress peut être liée à la dépression. Les risques d’avoir souffert d’un épisode de dépression clinique majeure étaient nettement plus élevés chez les joueurs excessifs. Seulement 11 % des joueurs sans problème avaient déjà souffert de dépression clinique au cours de leur vie, comparativement à 24 % des joueurs excessifs. La dépression majeure constitue un important facteur de risque de suicide (Newman et Thompson, 2003). Selon les résultats de l’ESCC 1.2, une proportion nettement plus forte de joueurs excessifs que de joueurs sans problème avaient envisagé le suicide au cours de la dernière année (18 % contre 3 %) (graphique D).

« Compte tenu des taux élevés d’angoisse et de dépression, il n’est pas étonnant que les joueurs pathologiques affichent des taux extrêmement élevés d’idées suicidaires » (Lesieur, 1998, p. 158 [traduction libre]). Certaines études indiquent toutefois que, bien que les troubles mentaux, le jeu pathologique et les tentatives de suicide soient associés, les données transversales ne permettent pas d’examiner des relations de cause à effet (Newman et Thompson, 2003). Cependant, abstraction faite de tels liens de causalité, le constat qu’un joueur excessif sur cinq ait envisagé le suicide en 2002 est tout aussi saisissant qu’alarmant11.

Les joueurs excessifs sont conscients de leurs difficultés


En 2002, plus du tiers d’un million de Canadiens (2 % de tous les joueurs) ont pensé au moins à l’occasion qu’ils pouvaient avoir un problème de dépendance au jeu (tableau 5). Quatre joueurs excessifs sur dix estimaient presque toujours avoir un problème de cette nature. Il est surprenant, en un sens, que 15 % des joueurs excessifs aient déclaré ne pas éprouver de problème de dépendance au jeu.

Les données révèlent la nature insidieuse du jeu excessif : 27 % des joueurs à risque modéré et 64 % des joueurs excessifs avaient voulu arrêter de jouer au cours de la dernière année, mais estimaient qu’ils n’en étaient pas capables. Par ailleurs, une proportion remarquablement élevée de joueurs à risque modéré (26 %) et de joueurs excessifs (56 %) ont tenté de se libérer de leur dépendance, mais sans y parvenir. On ne dispose pas d’information sur les moyens employés par ces joueurs ni sur les raisons de leur échec.

Conclusion


L’essor du secteur des jeux de hasard s’est amorcé pendant les années 1990, au moment où les gouvernements provinciaux ont commencé à légaliser les casinos permanents et les ALV. En 2002, 76 % des Canadiens ont déclaré s’être adonnés au jeu au cours de la dernière année — quatre sur dix l’ont fait sur une base hebdomadaire. La croissance continue de ce secteur a suscité de nombreux débats. En 2000, l’Association canadienne de santé publique a pris position sur cette question : l’expansion des jeux de hasard constitue un enjeu de santé publique et il importe de prendre des mesures pour « minimiser les répercussions négatives du jeu sur la santé tout en faisant valoir ses avantages potentiels » (Korn et Skinner, 2000). Il est toutefois difficile d’estimer les coûts et les avantages sanitaires et socioéconomiques du jeu, et aucune étude n’a encore porté sur cette question (Wynne et Shaffer, 2003).

L’ESCC 1.2 vient enrichir l’information sur les coûts sanitaires et sociaux associés aux jeux de hasard. Elle a permis de repérer 700 000 joueurs à faible risque, 370 000 joueurs à risque modéré et 120 000 joueurs excessifs, soit 5 % de l’ensemble de la population et 6 % de tous les joueurs. Les hommes, les Autochtones, les personnes moins scolarisées, les adeptes des ALV et les personnes s’adonnant au jeu très fréquemment formaient de manière significative les groupes les plus susceptibles de se retrouver dans les catégories des joueurs à risque ou excessifs.

Parmi les conséquences auxquelles faisaient face les joueurs à risque ou excessifs figuraient des taux plus élevés de difficultés financières et relationnelles. Les joueurs excessifs, tout particulièrement, enregistraient des niveaux élevés de dépendance à l’alcool, de stress, de troubles émotifs et avaient connu des épisodes de dépression. Cependant, la grande majorité des joueurs excessifs reconnaissaient avoir des problèmes, et la plupart (56 %) avaient tenté d’abandonner le jeu au cours de la dernière année sans y parvenir. Les nombreux problèmes liés aux jeux de hasard et cette incapacité à vaincre la dépendance à ceux-ci pourraient expliquer en partie le fait que 18 % des joueurs excessifs aient envisagé le suicide au cours de l’année précédant l’enquête. En fin de compte, le suicide s’impose comme une conséquence irréversible s’accompagnant de coûts incommensurables, et les idées suicidaires constituent, sans aucun doute, un appel au secours.

 

Source des données et définitions


L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) fournit des estimations transversales périodiques et actuelles des déterminants de la santé, de l’état de santé et du recours au système de santé. Au cours de la première année (2000) et de chacune des années impaires subséquentes (à compter de 2001), l’enquête permet de recueillir des renseignements génériques sur la santé auprès de 130 000 répondants. Au cours des années paires, l’enquête s’appuie sur un échantillon plus petit (quelque 30 000 répondants) et porte sur un sujet particulier. Le cycle 1.2, traitant de la santé mentale et du bien-être, a été réalisé en 2002. Il visait essentiellement à fournir des estimations nationales et provinciales des principaux troubles mentaux et problèmes de santé mentale, de même qu’à exposer les questions associées aux incapacités, aux besoins en matière de soins de santé et à la prestation de services de santé. L’enquête comportait des questions touchant une vaste gamme de troubles et de problèmes, incluant une section sur le « jeu pathologique ».

La population cible de l’ESCC 1.2 ne couvre pas les résidents des trois territoires, les personnes vivant dans les réserves ou sur les terres publiques, les pensionnaires d’un établissement institutionnel, les membres à temps plein des Forces armées et les résidents de certaines régions éloignées.

L’Indice de gravité du jeu compulsif (IGJC) fait partie de l’Indice canadien du jeu excessif (ICJE), un instrument de mesure mis au point sur une période de trois ans à la fin des années 1990 par une équipe de chercheurs pour le compte d’un groupe de travail interprovincial sur le jeu excessif. L’ICJE est considéré comme une mesure mieux adaptée à l’ensemble de la population que deux autres outils cliniques bien connus, soit le South Oaks Gambling Screen et la mesure diagnostique médicale DSM-IV de l’American Psychological Association (Ferris et Wynne, 2001). Fondé sur de nombreuses questions sur la participation au jeu, le comportement de jeu excessif et les conséquences
négatives s’y rattachant (perturbation dans la vie personnelle, familiale ou professionnelle), l’ICJE permet de classer les répondants en cinq catégories : les non-joueurs, les joueurs sans problème, les joueurs à faible risque, les joueurs à risque modéré et les joueurs excessifs.

Dans une version modifiée de l’ICJE, on n’a pas posé les questions se rapportant à la gravité du jeu compulsif aux répondants ayant rarement joué au cours de la dernière année (moins de cinq fois) ou ayant clairement déclaré ne pas être des joueurs. De plus, on a réduit le nombre des catégories regroupant les activités de jeu par rapport à la version originale de l’ICJE. L’IGJC permet d’évaluer les problèmes de jeu au moyen d’une échelle à neuf éléments. Chaque élément est associé à une cote variant de 0 à 3, de sorte que l’indice total varie de 0 à 27. Les neuf éléments se rapportent aux 12 derniers mois.

  • Combien de fois avez-vous parié plus que vous ne pouviez vraiment vous permettre de perdre?
  • Combien de fois avez-vous eu besoin de jouer de plus grosses sommes d’argent pour atteindre le même état d’excitation?
  • Lorsque vous avez joué, combien de fois êtes-vous retourné jouer un autre jour pour essayer de regagner l’argent perdu?
  • Combien de fois avez-vous emprunté de l’argent ou vendu quelque chose afin d’obtenir de l’argent pour jouer?
  • Combien de fois avez-vous pensé que vous aviez peut-être un problème de jeu?
  • Combien de fois des personnes ont-elles critiqué vos habitudes de jeu ou vous ont-elles dit que vous aviez un problème de jeu, peu importe que vous pensiez que cela soit vrai ou non?
  • Combien de fois vous êtes-vous senti coupable à propos de la façon dont vous jouez ou à propos de ce qui se produit lorsque vous jouez?
  • Combien de fois le jeu vous a-t-il causé des problèmes de santé, y compris du stress ou de l’anxiété?
  • Combien de fois vos activités de jeu ont-elles causé des problèmes financiers à vous-même ou à votre famille?

Les joueurs sans problème jouent rarement (moins de cinq fois par année), déclarent être des non-joueurs, ou ont obtenu une cote de 0 sur l’échelle de l’IGJC.

Les joueurs à faible risque ou à risque modéré jouent plus de cinq fois par année et montrent certains signes de dépendance au jeu. La cote des joueurs à faible risque variait de 1 à 2 sur l’échelle de l’IGJC, et ces joueurs n’ont vraisemblablement pas encore subi de conséquences négatives du jeu. Les joueurs à risque modéré ont obtenu une cote variant de 3 à 7 sur l’échelle de l’IGJC et peuvent ou non avoir déjà ressenti les effets négatifs du jeu.

Les joueurs excessifs jouent plus de cinq fois par année, et leur comportement relatif au jeu entraîne des conséquences négatives pour eux-mêmes, les membres de leur réseau social ou la collectivité. Les joueurs excessifs ont obtenu une cote allant de 8 à 27 sur l’échelle de l’IGJC.

La dépendance à l’alcool est mesurée par les réponses aux questions sur la consommation d’alcool, le comportement et l’attitude face à la consommation d’alcool. La définition couvre le sevrage alcoolique, la perte de la maîtrise de soi ainsi que les problèmes sociaux ou physiques. Les questions sont fondées sur un instrument de mesure international qui fournit des estimations diagnostiques des troubles liés à l’utilisation de substances psycho-actives.

L’échelle de détresse est une notation fondée sur les réponses aux questions sur la détresse psychologique au cours du mois précédant l’enquête. Dans la présente analyse, on utilise l’échelle de détresse K6, dont la définition et les critères sont tirés du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III-R) utilisé par l’American Psychiatric Association.

La dépression majeure s’étend sur une période de deux semaines ou plus, caractérisée par un état de dépression persistant et la perte d’intérêt ou de plaisir dans les activités normales, et s’accompagnant de divers symptômes comme la perte d’énergie, des changements sur le plan du sommeil et de l’appétit, le manque de concentration, et des sentiments de culpabilité, de désespoir ou des idées suicidaires. La définition et les critères sont tirés du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders utilisé par l’American Psychiatric Association.

Notes

  1. Les recettes provenant du jeu exprimées en pourcentage des recettes publiques totales ont augmenté, passant de 1,9 % en 1992 à 5,1 % en 2001 (Marshall, 2003).
  2. Des recherches en cours portent sur les causes fondamentales du problème de jeu excessif ou pathologique — elles cherchent à déterminer si ces causes sont biologiques, génétiques ou liées au comportement. Bien que le présent article n’aborde pas les causes du jeu excessif, celles-ci sont essentielles à la mise au point de traitements efficaces.
  3. Comme dans le cas de la consommation d’alcool, les taux de fréquence et de dépenses liés au jeu sont souvent sous-estimés.
  4. Les billets de loterie instantanée comprennent : Keno, Quotidienne à 3 ou 4 chiffres, Encore, Banco et Extra. Les billets de loterie incluent : 6/49, Super 7, Sport Select et Pro-Ligne.
  5. Les écarts provinciaux mentionnés dans ce paragraphe sont tous statistiquement significatifs au niveau 0,05, tout comme le sont les différences selon le sexe relatives aux types de jeux indiqués au paragraphe suivant.
  6. Bien que l’on ait observé des taux similaires de joueurs à risque et excessifs dans les divers groupes de revenu, on a relevé des écarts quant aux taux de participation au jeu. Ainsi, 69 % des personnes touchant un revenu inférieur à 20 000 $ se sont adonnées au jeu en 2002, comparativement à 82 % des personnes ayant un revenu de 20 000 $ ou plus.
  7. Ces chiffres ne tiennent pas compte de la population autochtone vivant dans les réserves.
  8. Dans l’ensemble, la population autochtone hors réserve représente 1 % de la population. Toutefois, elle correspond à 6 % de la population du Manitoba et à 5 % de celle de la Saskatchewan.
  9. Une façon plus précise de mesurer la propension de chacune des activités à entraîner une dépendance consisterait à examiner les joueurs s’adonnant exclusivement à un jeu. En 2002, cela était le cas chez 40 % de l’ensemble des joueurs, 42 % des joueurs sans problème et 4 % des joueurs excessifs. Cependant, même en tenant compte de ce biais, les joueurs sans problème représentaient 99 % de ceux n’ayant acheté que des billets de loterie, comparativement à 90 % de ceux s’adonnant exclusivement au jeu sur des ALV.
  10. Pour des renseignements plus détaillés tirés de l’Enquête sur les dépenses des ménages concernant les dépenses au chapitre du jeu selon le type d’activité, voir Marshall (2003).
  11. À la suite des pressions exercées par les collectivités, les coroners de tout le pays ont commencé, en juin 2003, à coder les suicides attribuables au jeu. Bien que la plupart des provinces suivent maintenant les suicides liés au jeu, les méthodologies et les mesures employées diffèrent, ce qui rend difficile la comparabilité des données (Bailey, 2003).

Documents consultés

  • BAILEY, Sue. « Gambling-related suicides soar five-fold in Quebec since VLTs legalized », Presse canadienne,
    2 octobre 2003.
  • CASTELLANI, Brian. « Is pathological gambling really a problem? You bet! », Psychiatric Times, février 2001, vol. 18, no 2, Internet : www.psychiatrictimes.com.
  • FERRIS, Jackie, et Harold WYNNE. L’Indice canadien du jeu excessif — Manuel de l’utilisateur, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, 2001, Internet : www.ccsa.ca.
  • JEPSON, Valerie, et Sika PATTON. Canada’s gambling regulatory patchwork : A handbook, Canada West Foundation, 1999, Internet : www.cwf.ca.
  • KELLEY, Robin. First Nations gambling policy in Canada, Canada West Foundation, 2001, rapport de recherche
    no 12 sur le jeu au Canada, Internet : www.cwf.ca.
  • KIDMAN, Rachel. « The perfect match? Co-occurring problem drinking and gambling », The Wager, 15 mai 2002, vol. 7, no 20, Internet : www.thewager.org.
  • KORN, David A., et Harvey SKINNER. L’expansion des jeux d’argent au Canada : émergence d’un problème de santé publique, Association canadienne de santé publique, 2000, déclaration de principe.
  • LESIEUR, Henry. « Costs and treatment of pathological gambling », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, mars 1998, vol. 556, p. 153 à 171.
  • MARSHALL, Katherine. « Faites vos jeux! », L’emploi et le revenu en perspective, no 75-001-XPF au catalogue de Statistique Canada, automne 1996, vol. 8, no 3, p. 40 à 45.
  • ---. « Jeux de hasard : miser gros », L’emploi et le revenu en perspective, no 75-001-XPF au catalogue de Statistique Canada, hiver 1998, vol. 10, no 4, p. 7 à 12.
  • ---. « Fiche : jeux de hasard », L’emploi et le revenu en perspective, no 75-001-XIF au catalogue de Statistique Canada, avril 2003, vol. 4, no 4, édition en ligne.
  • NEWMAN, Stephen C., et Angus H. THOMPSON. « A population-based study of the association between pathological gambling and attempted suicide », Suicide and Life-Threatening Behavior, printemps 2003, vol. 33, no 1, p. 80 à 87.
  • VOLBERG, Rachel A. « The prevalence and demographics of pathological gamblers : Implications for public health », American Journal of Public Health, février 1994, vol. 84, no 2, p. 237 à 241.
  • WYNNE, Harold, et Howard SHAFFER. « The socioeconomic impact of gambling : The Whistler symposium », Journal of Gambling Studies, été 2003, vol. 19, no 2, p. 111 à 121.

Auteurs

Katherine Marshall est au service de la Division de l’analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut communiquer avec elle au (613) 951-6890.

Harold Wynne est professeur auxiliaire à l’Université McGill et à l’Université de l’Alberta. On peut communiquer avec lui au (780) 488-5566. On peut joindre les deux auteurs à perspective@statcan.gc.ca.

Signature PCIM de Statistique Canada mot-symbole « Canada »
Faits saillants ]
Menu principal | Tribune | Autres nouveautés ]
Communiquer avec nous | Information sur les enquêtes | Numéros déjà parus ]
Page d'accueil de Statistique Canada | En profondeur | English ]

© Statistique Canada - Conditions d'utilisation Date de publication : 2003-12-12