Série analytique des prix
Création d’un Indice des prix à la consommation pour les aînés

Sommaire

Suite à une requête d’Emploi et Développement Social Canada (EDSC), Statistique Canada a compilé un Indice des prix à la consommation pour les aînés (IPC-A) pour la période allant de janvier 2013 à août 2018.

Durant la période à l’étude, l’Indice des prix à la consommation (IPC) et l’IPC-A ont affiché de très faibles écarts quant aux tendances, ce qui peut indiquer que la sous-population d’aînés et l’ensemble de la population canadienne ont dû composer avec la même inflation générale. En fait, l’IPC-A a augmenté de 11,0 % de janvier 2013 à août 2018, et l’IPC, de 10,6 %. Au cours de la période étudiée, l’IPC-A a connu une hausse annuelle moyenne de 1,7 % et l’IPC, de 1,6 %.

Parmi les huit composantes principales, c’est celle du Logement qui contribue le plus, en moyenne, à la différence observée entre l’IPC et l’IPC-A. De plus, les aînés ont tendance à dépenser relativement plus que le canadien moyen pour les Soins de santé et les soins personnels, et moins que le canadien moyen pour les Transports ainsi que pour les Loisirs, la formation et la lecture.

Même si sa création s’appuie sur une méthodologie robuste, l’IPC-A présente un certain nombre de limites parce que sa compilation repose exclusivement sur les données recueillies pour le calcul de l’IPC :

1. Les données existantes sur les prix sont représentatives de la population cible pour laquelle elles ont été recueillies, à savoir le Canadien moyen. Par conséquent, elles ne portent pas spécialement sur les habitudes de dépenses de la population des aînés.
2. L’utilisation de deux années de dépenses combinées, à partir de l’Enquête sur les dépenses des ménages (EDM), pourrait accroître le biais de substitution et faire obstacle à la comparabilité de l’IPC-A à l’IPC; il s’agit toutefois d’une mesure nécessaire pour atteindre une qualité des estimations des pondérations adaptée à l’utilisation afin de permettre la compilation de l’IPC-A.

Renseignements généraux

Pour appuyer le travail d’EDSC afin d’assurer que les prestations de la pension de la Sécurité de vieillesse (SV) et du Supplément de revenu garanti (SRG) soient indexées de façon à refléter le niveau de prix auquel font face les aînés, Statistique Canada a créé l’IPC-A pour la période allant de janvier 2013 à août 2018.^Note  Cet article vise à présenter un aperçu de ces travaux. Il commence par une définition des ménages d’aînés et mentionne la méthodologie utilisée pour créer l’IPC-A. S’ensuivent une analyse des composantes de l’IPC-A et une comparaison de leurs mouvements à  l’IPC.

Population des aînés du Canada

La première partie de ce rapport présente un aperçu de la population des aînés du Canada et détermine s’il est possible d’utiliser un sous-échantillon de l’EDM pour calculer les pondérations applicables à la population définie. Les habitudes de dépenses des aînés sont ensuite examinées et comparées à celles de la population canadienne.

Population

Établir la définition d’un ménage d’aînés constitue l’un des principaux éléments de la construction de l’IPC-A. L’EDM mesure les dépenses par ménage, tandis que l’IPC-A mesure l’inflation à laquelle font face les aînés. Par conséquent, il faut opter pour une définition la plus étroitement harmonisée possible à la population des aînés. Il a été décidé que pour les besoins de l’IPC-A, un ménage d’aînés est tout ménage dans lequel la personne gagnant le revenu le plus élevé est âgée d’au moins 65 ans.

Le graphique 1 montre l’évolution de la population des aînés du Canada selon le Recensement, ainsi que les estimations calculées à partir du sous-échantillon de l’EDM. Tel qu’attendu, la population des aînés augmente progressivement au fil du temps. De plus, l’estimation de la population des aînés du Canada selon l’EDM est très semblable à celle obtenue à partir du Recensement, ce qui suggère que l’échantillon des ménages d’aînés de l’EDM utilisé pour construire l’IPC-A est représentatif.

Habitudes de dépenses

Pourquoi les habitudes de dépenses comptent-elles?

Deux éléments entrent dans la compilation d’un indice des prix à la consommation. Le premier est formé des prix d’une multitude de biens et services, collectés mois après mois pour mesurer les changements de prix auxquels la population cible est confrontée. Le second est la part de dépenses consacrée à chaque catégorie, qui reflète l’importance relative d’un groupe de biens ou de services par rapport aux autres, mesurée à partir des renseignements extraits de l’EDM. Le changement observé dans les prix est alors pondéré par la part de dépenses. Par conséquent, pour un mouvement de prix fixe, une pondération proportionnelle plus élevée aura un plus grand impact sur la variation globale de l’indice. Autrement dit, les changements de prix des biens et services qui occupent une part plus importante des dépenses des aînés auront plus d’impact que les changements de prix des biens et services dont la part budgétaire chez les aînés est plus faible.

Dans la conception d’un indice des prix à la consommation spécifique aux aînés, il est important de reconnaître que les habitudes de consommation de la sous-population peuvent différer de celles de la population canadienne en général. En outre, ces tendances générales peuvent varier selon les provinces, ce qui souligne l’importance de mesurer les pondérations avec exactitude afin de prendre en compte adéquatement l’impact des mouvements de prix de chacune des catégories de produits sur l’IPC-A.

Les deux sous-sections qui suivent examinent les similitudes et les différences dans les habitudes de dépenses entre le ménage d’aînés moyen et le ménage canadien moyen pour les années de référence 2013 et 2015^Note . Les parts de dépenses de chacune des huit composantes principales sont comparées pour le ménage d’aînés moyen et le ménage canadien moyen. Ces huit composantes principales sont : Aliments et boissons non alcoolisées; Logement; Dépenses courantes, ameublement et équipement du ménage; Habillement et chaussures; Transports; Soins de santé et soins personnels; Loisirs, formation et lecture; Boissons alcoolisées et produits du tabac.

Comparaison à l’échelle du Canada

Comparativement à la population en général, les aînés dépensent relativement plus pour le Logement et les Soins de santé et les soins personnels, et moins pour les Transports, les Loisirs, la formation et la lecture, de même que pour l’Habillement et les chaussures. Au niveau national, les dépenses des aînés pour les Aliments et boissons non alcoolisées, les Dépenses courantes, l’ameublement et l’équipement du ménage, et pour les Boissons alcoolisées et les produits du tabac occupent sensiblement les mêmes proportions que celles de la population totale. Le graphique 2 illustre la proportion moyenne du budget dépensée par les aînés et par tous les Canadiens pour chacune des huit composantes principales.

Même si des écarts plus élevés des dépenses des aînés pour le Logement, par rapport à la population entière, se retrouvent dans toutes les sous-catégories de cette composante principale, les plus grands écarts se situent dans la classe Eau, combustible et électricité. Toutefois, pour les deux populations, la majeure partie des dépenses en logement est consacrée aux produits qui appartiennent à la sous-catégorie du Logement en propriété — 18,1 % du budget des aînés comparativement à 16,1 % de celui du ménage canadien moyen. Les coûts de l’intérêt hypothécaire occupent une part considérablement plus faible du budget des aînés (0,9 % pour le ménage moyen d’aînés par rapport à 3,8 % pour le ménage canadien moyen), mais cette différence est largement atténuée par des dépenses plus élevées liées au Coût de remplacement par le propriétaire (6,6 % pour le ménage moyen d’aînés contre 4,7 % pour le ménage canadien moyen), à l’Impôt foncier (4,8 % pour le ménage moyen d’aînés contre 3,4 % pour le ménage canadien moyen) et aux dépenses d’Entretien et de réparations par le propriétaire (2,2 % pour le ménage moyen d’aînés contre 1,3 % pour le ménage canadien moyen).

Les Soins de santé et soins personnels forment une autre catégorie dans laquelle les aînés (7,4 %) dépensent une plus grande partie de leur budget que le ménage canadien moyen (4,9 %). Cet écart est largement attribuable aux Produits de soins de santé (3,4 % pour le ménage moyen d’aînés contre 1,7 % pour le ménage canadien moyen) et aux Services de soins de santé (1,9 % pour le ménage moyen d’aînés contre 1,1 % pour le ménage canadien moyen).

Les aînés canadiens tendent à dépenser une part moins importante de leur budget dans les Transports, l’Habillement et les chaussures, les Loisirs, la formation et la lecture. Plus particulièrement, les aînés dépensent beaucoup moins pour la Formation (0,6 % par rapport à 2,7 % pour le ménage canadien moyen), l’Achat de véhicules automobiles (6,1 % pour le ménage moyen d’aînés contre 6,9 % pour le ménage canadien moyen) et le Transport public (1,6 % pour le ménage moyen d’aînés contre 2,1 % pour le ménage canadien moyen).

En somme, les aînés sont plus sensibles que la population canadienne aux changements de prix des Produits de soins de santé et du Coût de remplacement par le propriétaire, alors que les changements du Coût de l’intérêt hypothécaire et du prix de la Formation les touchent à un degré moindre.

Disparités provinciales

Les dépenses des aînés sont proportionnellement plus élevées en Nouvelle-Écosse, au Québec et en Colombie-Britannique par rapport aux dépenses correspondantes de l’ensemble des ménages, et moins élevées en Ontario et en Alberta, comme le montre le graphique 3.^Note  Cela porte à croire que soit les aînés de l’Ontario et de l’Alberta dépensent proportionnellement moins que ceux du reste du Canada lorsqu’ils sont comparés à la population totale, soit les proportions d’aînés sont moins importantes dans ces deux provinces, ou les deux.

Les aînés de Terre-Neuve-et-Labrador tendent à consacrer une part plus importante de leur budget aux Aliments et boissons non alcoolisées que le ménage moyen de la province. À Terre-Neuve-et-Labrador, les aînés consacrent 18,2 % du budget de leur ménage aux Aliments et boissons non alcoolisées, tandis que le ménage moyen y consacre 15,7 %. À l’opposé, les aînés de la Colombie-Britannique dépensent 1,2 % de moins pour les Aliments et boissons non alcoolisées que le ménage moyen (écart principalement attribuable aux Aliments achetés au restaurant). Les aînés de Terre-Neuve-et-Labrador dépensent en outre 4,3 % de moins dans la catégorie Loisirs, formation et lecture, les principaux facteurs étant des dépenses moins importantes pour l’Achat et l’utilisation de véhicules de loisirs, ainsi que pour la Formation.

Lorsque la moyenne provinciale des ménages d’aînés est comparée à la moyenne canadienne de ceux-ci, on observe des tendances très semblables en ce qui a trait aux dépenses dans les catégories Logement, Habillement et chaussures, Transports et Soins de santé et soins personnels.

Méthodologie et construction

Calcul d’un indice des prix

Le calcul de l’IPC-A comprend deux étapes et se base sur la même méthodologie que l’IPC. La première étape consiste à calculer les rapports de prix en utilisant une approche d’appariement de modèles, puis à prendre leur moyenne pour obtenir les mouvements pour les indices élémentaires des prix. Cela se fait en calculant la moyenne par produit et région géographique à l’aide, dans la majorité des cas, d’une moyenne géométrique équi-pondérée aussi appelée formule de Jevons. Le premier niveau d’agrégation est ainsi obtenu.

Le second niveau d’agrégation utilise les pondérations de dépenses des divers agrégats élémentaires pour le calcul d’une moyenne arithmétique pondérée à l’aide de la formule d’indice à panier fixe de Lowe.

La formule de Lowe est désignée par :

$$P_{Lo}={\displaystyle \sum }_{i=1}^n{s}_i^{0b}\left(\frac{p_i^t}{p_i^0}\right)$$

où $s_i^{0b}$ représente la part des dépenses consacrées à un produit i au temps 0, le temps de référence des prix. Les pondérations en termes de dépenses sont mises à jour afin de refléter les changements dans les prix entre la période de référence du panier (b) et la période de référence des prix (0). $s_i^{0b}$ peut être exprimé ainsi :

$$s_i^{0b}=\frac{p_i^0{q}_i^b}{{{\displaystyle \sum }}^{\text{}}{p}_i^0{q}_i^b}$$

Les pondérations en termes de dépenses, ou les parts de dépenses, déterminent l’importance relative des différentes catégories de produits et des régions géographiques dans l’indice d’ensemble.^Note 

Construction

Puisque la population des aînés correspond à environ 25 % de la population enquêtée, il est nécessaire d’évaluer la qualité de l’échantillon constitué seulement des ménages d’aînés afin de retenir une méthode appropriée pour la construction de l’indice.

Combinaison des dépenses pour les pondérations

Compte tenu des petites tailles de sous-échantillons, quatre années de dépenses propres aux aînés recueillies dans l’EDM auraient été nécessaires pour obtenir un niveau de qualité des pondérations du panier équivalant à celui de l’IPC. Cela aurait toutefois réduit l’actualité des pondérations du panier et pourrait occasionner un biais de substitution plus marqué.^Note  Par conséquent, les facteurs suivants ont été évalués afin de trouver une solution optimale : 1) la qualité statistique des pondérations; 2) la comparabilité avec les pondérations de l’IPC; 3) l’ampleur du biais de substitution résultant dans l’indice; 4) la faisabilité opérationnelle.

Bien que la combinaison de multiples années de données accroisse l’exactitude des estimations des pondérations, l’introduction de pondérations plus anciennes réduit l’actualité, ce qui entraîne à son tour le risque d’amplifier le biais de substitution. L’option de faisabilité opérationnelle qui permet d’obtenir le meilleur équilibre entre qualité statistique et biais de substitution consiste à combiner deux années de données de dépenses^Note ; cela fait en sorte que les pondérations des dépenses présentent une variabilité d’échantillonnage acceptable et réduit le risque d’augmentation du biais de substitution causé par le recours à quatre années de données. En combinant deux années, il est supposé que les populations cibles des cycles d’enquête sont les mêmes et que les tendances des dépenses ne varient pas de façon importante d’une année à l’autre.

Utilisation du même échantillon de produits et de points de vente que l’IPC

L’IPC-A repose sur le même échantillon de produits et de points de vente que l’IPC officiel, ce qui sous-entend que la population des aînés a les mêmes préférences en matière de dépenses que la population générale. Cette approche exclut les divers produits propres aux aînés et peut inclure des biens et services non représentatifs du ménage d’aînés moyen. Il est aussi supposé que les aînés canadiens ont les mêmes préférences que le Canadien moyen en matière de points de vente.

Évaluation de la qualité

Afin d’évaluer la qualité de l’IPC-A, le Cadre d’évaluation de la qualité des données (CEQD) du Fonds monétaire international (FMI) pour l’Indice des prix à la consommation a été utilisé. L’approche retenue pour la construction de la série de l’IPC-A fait appel à des techniques statistiques connues. Il est possible d’analyser la série et de surveiller la qualité.

L’IPC-A est bâti selon une méthodologie robuste. Cependant, selon le CEQD, l’approche actuelle ne répond pas à certains critères de qualité, notamment  :

• les pondérations des dépenses sont de moindre qualité statistique.^Note 
• l’échantillon de produits et de points de vente comprend plus d’éléments que ceux propres à la population cible des ménages d’aînés.

Une recherche plus approfondie permettrait d’améliorer les pondérations et l’échantillon de produits et de points de vente, et résulterait en un indice de meilleure qualité. Une des options qui accroîtrait la qualité selon l’un des critères sans nuire à l’autre serait d’augmenter la taille de l’échantillon de l’EDM jusqu’au point où elle permettrait d’utiliser une seule année pour l’estimation des pondérations de l’IPC-A. De plus, afin de mieux mesurer les changements de prix que connaissent les aînés, les prix et les pondérations de l’IPC-A doivent tous deux représenter fidèlement la réalité de cette fraction de la population. L’IPC-A mesure l’inflation que connaissent les ménages d’aînés seulement à partir des différentes habitudes de dépenses. Une représentation complète du changement de prix selon l’expérience vécue par les aînés n’est possible qu’en calculant un indice des prix qui fait intervenir à la fois les dépenses des aînés et un échantillon de biens et services qui représente fidèlement leur consommation et dont les prix ont été recueillis dans des points de vente qu’ils fréquentent habituellement.

Indice des prix à la consommation pour les aînés

L’IPC-A s’étend de janvier 2013 à août 2018 et, dans l’ensemble, suit la même tendance que l’IPC. Comme le montre le graphique 4, une tendance divergente apparaît au début de 2016 et se poursuit jusqu’en 2018. Toutefois, compte tenu de la période étudiée relativement courte, de légers écarts comme ceux observés entre les deux indices ne suffisent pas pour conclure que l’IPC-A affiche un niveau plus élevé que l’IPC. De plus, pour la durée du plus récent panier (à partir de janvier 2017), les tendances des indices ne montrent presqu’aucune différence, ce qui indiquerait que la différence observée entre les indices est apparue lors des paniers précédents.

Parmi les composantes principales, c’est celle du Logement qui contribue le plus, en moyenne, à la différence observée entre l’IPC et l’IPC-A. Cependant, malgré des dépenses dans l’ensemble plus élevées, la population d’aînés ne fait pas face à une inflation remarquablement différente pour la composante Logement, comme le montre le graphique 5. L’IPC et l’IPC-A montrent tous deux une augmentation constante en fonction du temps. De plus, l’écart entre les deux indices apparaissant au début de 2014 s’amenuise après l’atteinte d’un sommet de la fin de 2016 jusqu’à la fin de 2017.

De plus, même si les aînés tendent à dépenser proportionnellement plus pour des biens et services de la catégorie Soins de santé et soins personnels, ils font face pour cette composante à une inflation très semblable à celle que connaît la population canadienne dans son ensemble, comme l’illustre le graphique 6. En effet, les deux indices ont divergé d’un point de pourcentage sur la période de cinq ans étudiée.

Conclusion

De janvier 2013 à août 2018, les deux indices ont affiché de très faibles écarts quant aux tendances, ce qui peut indiquer que la sous-population d’aînés et l’ensemble de la population canadienne ont dû composer avec la même inflation générale. En fait, l’IPC-A a augmenté de 11,0 % et l’IPC, de 10,6 %.

Annexe - Tableau A.1

Notes