Section 5 : Pistes de recherche pour l’avenir

Le présent rapport expose une partie des résultats du projet Mesure des biens et services écosystémiques (MBSE), qui visait à cerner les besoins en matière de production et d’analyse de données statistiques complètes sur les écosystèmes et sur les biens et services qu’ils produisent (voir encadré 1). L’objectif était d’établir l’infrastructure et d’élaborer et appliquer les classifications, les mesures de la qualité et les méthodes d’évaluation qui permettront d’étoffer les comptes des écosystèmes en conformité avec les initiatives et recommandations internationales.

Ces objectifs ont été atteints, et plusieurs réalisations notables ont été accomplies : 

  1. Base de données géospatiales MBSE
    - Les travaux techniques nécessaires au rapprochement des ensembles de données spatiales publics existants constituaient une partie essentielle du projet MBSE et contribueront aux futures activités de recherche et développement dans ce domaine. Nombre des résultats compris dans le présent rapport ont reposé sur l’élaboration de la présente base de données géospatiale MBSE (appendice A). Par exemple, les études canadiennes d’évaluation à partir de la base de données Environmental Valuation Reference Inventory (EVRI) et d’autres sources ont été intégrées dans la base de données géospatiales et ont servi à l’évaluation de certains flux de BSE pour le Parc national des Mille-Îles. Les données du recensement de la population ont été intégrées et ont appuyé la production de l’écoumène côtier et marin, ainsi que l’analyse du Golden Horseshoe.
  2. Élaboration et application de nouveaux concepts de comptabilité des écosystèmes
    - Le projet MBSE a été mené en parallèle avec d’autres projets internationaux visant à élaborer des concepts et des méthodes de comptabilité des écosystèmes, particulièrement du Système de comptabilité environnementale et économique intégrée (SEEA) : comptabilité expérimentale des écosystèmes. L’équipe du projet MBSE a adopté et précisé le concept d’unité écosystémique de la couverture terrestre du SEEA en y intégrant l’altitude et le relief du terrain, et l’a mesuré au Canada (voir l’appendice A). Le suivi de l’état des unités écosystémiques de la couverture terrestre au fil du temps permettra de dégager des tendances en matière de production des BSE au Canada.
    - Dans le cadre du projet, on a déterminé et appliqué des méthodes d’évaluation non monétaire, qui ont permis la production de données contextuelles concernant la valeur des BSE des milieux humides au Canada. Ces renseignements ont été organisés selon une approche comptable, en vue de respecter un autre objectif clé de la MBSE.
  3. Matrice de l’évolution de la couverture terrestre
    - Le suivi de l’évolution de la couverture terrestre et de l’utilisation des terres est un point de départ utile pour l’étude de l’état des écosystèmes terrestres. Le projet MBSE a produit une matrice de l’évolution de la couverture terrestre (Tableau 3.2 : Couverture terrestre, sud du Canada, 2000 à 2011), qui a permis de déterminer les changements majeurs dans la couverture terrestre entre ces deux années.

L’une des réalisations les plus importantes de cette initiative interministérielle dans le domaine de la comptabilité des écosystèmes est sans doute la définition des limites et des lacunes touchant aussi bien les données que l’infrastructure statistique (par exemple, les concepts, les classifications et les outils de diffusion). La comptabilité des écosystèmes, tant au Canada qu’ailleurs, devra s’attaquer aux enjeux suivants : 

  1. Ensembles de données spatiales
    - Des ensembles de données spatiales, notamment sur la couverture terrestre, l’utilisation des terres, le climat et la répartition des espèces, mis à jour régulièrement fournissent des renseignements essentiels pour étudier et évaluer les BSE et comparer les changements au fil du temps. Bien que les ensembles de données se soient améliorés, ils sont encore assujettis à plusieurs limites. Par exemple, les données actuelles sur la couverture terrestre à l’échelle nationale comportent des sous-estimations et des surestimations dans certaines catégories. De plus, il conviendrait de recenser les écosystèmes prioritaires – et de s’assurer d’établir des ensembles de données sur la couverture terrestre qui représentent avec exactitude ces écosystèmes.
    - D’autres ensembles de données, par exemple ceux sur l’abondance et la répartition des poissons et du gibier, pourraient être améliorés par une meilleure coordination entre les ministères, les organismes environnementaux non gouvernementaux, les universités et la société civile. Dans d’autres cas, par exemple la répartition et l’abondance des pollinisateurs et les mesures de la qualité du sol, il n’existe tout simplement pas de données complètes.
    - La résolution des données spatiales constitue aussi un point important – il faudrait créer un inventaire des données géospatiales dont la résolution permet des analyses à différentes échelles – locale, régionale, nationale ou mondiale. Des ensembles de données à une résolution plus fine permettraient des analyses plus souples et plus complètes.
  2. Élaboration d’indicateurs
    - Des travaux plus approfondis sont nécessaires pour intégrer les différents aspects des mesures de la modification du paysage par l’humain en un indicateur composite. Il faut notamment déterminer les éléments les plus appropriés qu’il convient d’inclure dans cet indicateur et attribuer des poids appropriés – c.-à-d. des valeurs relatives dans l’équation – aux divers éléments.
    - Il faut aussi des indicateurs robustes permettant d’établir des liens entre les stocks des écosystèmes (volume et état) et les flux des BSE produits par ces stocks et de déterminer les relations biophysiques entre la qualité de l’environnement et les avantages que les humains en retirent.
    - D’autres recherches doivent aussi être menées afin d’améliorer l’analyse et les indicateurs du potentiel des écosystèmes. De plus, l’établissement d’un indicateur du bilan du carbone net est considéré comme la prochaine étape dans le cadre des travaux sur l’extraction de la biomasse.
  3. Caractérisation des BSE des écosystèmes marins et côtiers
    - Durant l’exécution du projet, les écodistricts dépendant des BSE marins et côtiers ont été recensés à partir de données sur l’emploi dans le secteur de la pêche, de la transformation des poissons et fruits de mer et de l’aquaculture, ce qui a permis de délimiter l’écoumène des pêcheries côtières maritimes. L’élaboration d’une classification détaillée des écosystèmes côtiers et marins et des biens et services qu’ils produisent à une échelle appropriée, ainsi que l’établissement d’un lien entre ces paramètres et la répartition géographique des activités socioéconomiques soutenues par les écosystèmes côtiers et marins, constituent des mesures de suivi importantes.
    - D’autres travaux doivent également être effectués afin d’améliorer la compréhension des écosystèmes côtiers et marins, notamment leurs fonctions, leur qualité et la façon dont ces paramètres sont liés au potentiel de production de BSE, y compris l’élaboration de paramètres de mesure quantitatifs des composantes et des fonctions des écosystèmes. Une partie de l’information requise à ce sujet a été recueillie durant le projet MBSE, mais ces renseignements devront être complétés afin de pouvoir élaborer un ensemble complet de comptes.
  4. Études de cas
    - Des études de cas, telles celles présentées dans ce rapport, pourraient être réalisées pour d’autres secteurs, par exemple d’autres parcs nationaux, des zones bâties et agricoles et des écosystèmes du Nord. En outre, des investissements supplémentaires sont nécessaires pour analyser plus en profondeur certains BSE spécifiques, y compris des services culturels; les travaux requis pour effectuer une telle analyse devraient également inclure des mesures de la qualité.
    - Il serait utile de mieux appliquer la structure des comptes aux études de cas en établissant des liens entre le flux des BSE et les stocks des éléments de capital naturel, comme celui proposé par le Système de comptabilité environnementale et économique intégrée (SEEA) : comptabilité expérimentale des écosystèmes.
  5. Évaluation des flux des BSE
    - L’évaluation non monétaire, une approche qui utilise des données contextuelles biophysiques et socioéconomiques, représente un complément utile de l’évaluation des BSE en termes monétaires. Ces données contextuelles fournissent en elles-mêmes une perspective sur les avantages des BSE. Les bureaux nationaux de la statistique jouent un rôle dans la compréhension des valeurs non monétaires des flux de BSE.
    - L’évaluation monétaire des BSE peut se révéler difficile et prêter à controverse; néanmoins, il s’agit d’un outil pratique pour estimer l’importance relative des BSE et pour établir des liens entre les comptes des écosystèmes et le cadre national de comptabilité. En gardant à l’esprit l’évaluation monétaire comme but final, on s’assure de la disponibilité des données pertinentes dont ont besoin les chercheurs pour établir des estimations. Les organismes statistiques nationaux ont un rôle à jouer dans la production des données sous-jacentes et de l’infrastructure statistique, y compris les classifications, la structure de comptabilité, les processus de collecte de données et les indicateurs qui permettent d’estimer les valeurs monétaires.
  6. Limites des éléments du capital naturel
    - L’une des caractéristiques importantes de la comptabilité des écosystèmes est la façon dont les comptes peuvent être élaborés en utilisant les recommendations du SEEA, ce qui permettra de faire des comparaisons internationales et d’établir des liens avec le Système de comptabilité nationale. Pour ce faire, il faut dresser la liste des éléments du capital naturel et la liste des BSE à inclure, puis déterminer qui sont les bénéficiaires. Une telle classification du regroupement systématique des stocks et des flux s’impose pour déterminer ce qui doit être inclus dans les comptes des écosystèmes, et permettrait de comparer les valeurs des BSE au fil du temps et à travers l'espace.
    - L’étude de cas du parc national des Mille-Îles fournit des estimations de la valeur monétaire des flux annuels des BSE. Le recensement des valeurs des stocks du capital naturel générant les flux de BSE est un objectif réalisable; l’un des principaux défis consiste à choisir un taux d’actualisation approprié 1 .

Bien que la liste ci-dessus ne soit pas exhaustive, elle montre bien l’ampleur et la diversité des thèmes qu’il reste à explorer afin de tenir compte comme il se doit des BSE. Comme il s’agit d’une nouvelle discipline, la comptabilité des écosystèmes repose sur les connaissances et l’expérience acquises durant l’élaboration récente de la comptabilité de l’environnement; pour qu’elle devienne le système d’analyse qu’elle pourrait être, il faudra une collaboration continue entre les intervenants des différentes disciplines et des ministères concernés.

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