Les nouveautés en matière de comptes économiques canadiens
Les enquêtes auprès des entreprises et la mesure du commerce numérique des services au Canada
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Introduction
Statistique Canada a rendu les activités numériques visibles et plus robustes dans le commerce international des services au moyen de deux nouvelles initiatives qui mettent l’accent sur le concept de l’intensité numérique.
Premièrement, un nouvel indicateur mesurant la part des exportations de services qui sont livrées numériquement à des partenaires commerciaux mondiaux (intensité numérique) a été élaboré, lequel présente simultanément les profils de ces exportateurs qui utilisent des moyens numériques pour livrer leurs produits. L’établissement de ces profils se fait par l’intégration de la livraison numérique à titre de caractéristique de chaque entreprise au sein du programme « Commerce selon les caractéristiques des exportateurs et des importateurs — Services (CCE-Services) » de Statistique Canada. L’intensité numérique des exportations de services du Canada a atteint 42 % en 2020, en hausse par rapport au taux de 36 % affiché en 2019.
Deuxièmement, l’étendue des opérations d’importation relatives aux entreprises et aux consommateurs au Canada qui importent directement des services d’entreprises non résidentes a continué d’être affinée et améliorée. Cela comprend les opérations liées à la diffusion audio et vidéo en continu, aux jeux vidéo, aux plateformes d’hébergement, de covoiturage et d’achat d’applications, ainsi qu’aux plateformes axées sur les données et sur les revenus de publicité et d’autres plateformes d’infrastructure numérique. Les données par industrie des importateurs indiquent que les hausses des importations de services en 2020 ont été notamment observées dans les industries des services d’information et des services professionnels, où les opérations ont été très nombreuses. Les hausses ont surtout été enregistrées dans les grandes multinationales américaines qui importent des États-Unis, ce qui rend compte d’une accélération de la livraison de services par l’intermédiaire de plateformes numériques résidentes et non résidentes.
Le présent document fournira des renseignements sur le CCE-Services et sur la façon dont l’intensité numérique des exportateurs de services à titre d’indicateur évolue au sein de ce programme et mettra en lumière l’évolution de la mesure des importations au Canada en provenance d’intermédiaires numériques non résidents. L’accent sera mis sur les principaux résultats au chapitre des services numériques transfrontaliers en 2020.
Ce document permettra d’abord de décrire les travaux initiaux de mesure de l’activité numérique et du commerce numérique des entreprises à Statistique Canada au début des années 2000. La première section portera sur les fondements établis pour la mesure du commerce numérique au moyen d’enquêtes auprès des entreprises, en commençant par l’Enquête sur la technologie numérique et l’utilisation d’Internet (ETNUI), qui a été lancée pour la première fois en 2012 et publiée pour la dernière fois en 2021. Puisqu’il concerne le commerce de détail canadien, le commerce électronique a ensuite été mesuré par l’ajout de questions sur le commerce numérique à l’Enquête mensuelle sur le commerce de détail (EMCD) en 2014, année au cours de laquelle de nombreuses plateformes numériques ont vu le jour sur le marché canadien. Plus récemment, en 2018, en s’appuyant sur la terminologie et l’infrastructure établies par ces enquêtes antérieures auprès des entreprises, un module sur le commerce numérique a été élaboré afin d’enrichir l’enquête annuelle sur les opérations internationales de services commerciaux. Ce travail a nécessité une importante collaboration internationale, en particulier avec les partenaires du Bureau of Economic Analysis des États-Unis et de l’Office of National Statistics du Royaume-Uni. Il permet au Canada de déterminer la part de la livraison numérique de services transfrontaliers à titre de caractéristique de chaque exportateur.
L’évolution des enquêtes auprès des entreprises, conjuguée aux progrès en couplage de données, a abouti à des avancées importantes dans la détermination et l’estimation des opérations numériques transfrontalières, et elle continuera d’être formative pour mesurer le commerce numérique de services.
Évolution des enquêtes auprès des entreprises afin d’inclure la commande et la livraison numériques
Selon l’Enquête sur la technologie numérique et l’utilisation d’Internet (ETNUI), le tiers (33 %) des entreprises canadiennes ont réalisé au moins quelques ventes de commerce électronique en 2021.
Les enquêtes auprès des entreprises, en commençant par l’ETNUI, ont été d’importants mécanismes pour compiler des statistiques sur le commerce électronique et le commerce numérique au Canada. Appelé à l’origine « Enquête sur le commerce électronique et la technologie », ce programme d’enquête a été lancé en se fondant sur des lacunes dans les données relatives au commerce électronique qui ont été relevées lors de la réunion ministérielle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) tenue en 1998 à Ottawa, au Canada.
Dans le plus récent cycle de l’enquête sur la mesure de l’activité en 2021, le tiers (33 %) des entreprises canadiennes avaient réalisé au moins quelques ventes de commerce électronique en 2021, ce qui correspond à une augmentation par rapport à 2019, alors que le quart (25 %) des entreprises canadiennes avaient effectué des ventes de biens ou de services ou reçu des biens ou des services par Internet. Les grandes entreprises (38 %) étaient les plus susceptibles de déclarer des ventes de commerce électronique, tandis que les moyennes (36 %) et les petites (32 %) entreprises ne se trouvaient pas loin derrière. Cela se compare favorablement aux autres petites entreprises à l’échelle internationale; l’OCDE a indiqué que 25 % des petites entreprises des pays membres déclarants avaient réalisé des ventes en ligne en 2020.Note
Néanmoins, les entreprises canadiennes de toutes tailles ont enregistré une augmentation de leur commerce électronique en 2021, tant pour le pourcentage d’entreprises qui ont réalisé des ventes de commerce électronique que pour les ventes brutes moyennes de commerce électronique. Plus particulièrement, ce sont les petites entreprises qui ont affiché la croissance la plus élevée : de 2019 à 2021, le nombre de petites entreprises ayant réalisé des ventes en ligne a augmenté de 41 %, et leurs ventes en ligne se sont accrues d’environ 65 % en moyenne.
Une grande majorité des entreprises canadiennes (89 %) avaient au moins un type de présence sur le Web (p. ex. un site Web, un compte de médias sociaux ou une publicité payante en ligne) en 2021, ce qui correspond à une légère augmentation par rapport à 2019; plus de 73,1 % des entreprises ont acheté des biens ou des services par Internet, et 32,7 % des entreprises ont reçu des commandes et généré des recettes de vente de biens ou de services par InternetNote . Près de 50 % des entreprises dans les industries de l’information et de la culture qui exercent leurs activités au Canada ont vendu leurs biens et leurs services au moyen de la commande et de la livraison numériques. Parmi ces entreprises ayant vendu des biens ou des services en ligne, environ 25 % en ont exporté à des clients à l’extérieur du Canada.
L’Enquête mensuelle sur le commerce de détail indique une hausse de 68 % dans les ventes de commerce électronique au détail enregistrées de février 2020 à juillet 2022
Pour mesurer les ventes du commerce électronique au Canada, le contenu du questionnaire a été intégré dès 2014 à l’un des principaux indicateurs économiques de Statistique Canada, les ventes au détail mensuelles, dans le cadre de l’EMCD. À ce moment-là, des modifications ont été apportées à cette enquête auprès des entreprises afin de compiler les revenus générés par le commerce de détail électronique dans les 11 grandes catégories du commerce de détailNote .
Une récente étude de Statistique Canada menée par Zanzana et Martin (2023) a indiqué que « de février 2020 à juillet 2022, les ventes au détail du commerce électronique ont augmenté de 67,9 %, et la part des ventes du commerce électronique en proportion des ventes au détail totales a nettement augmenté » pour atteindre 6,9 % au milieu de 2021. Les auteurs ont fait remarquer que « à mesure que les restrictions de santé publique ont été levées dans l’ensemble du pays en 2021 et que les consommateurs ont repris le magasinage en personne, les ventes au détail du commerce électronique ont commencé à diminuer dans ces sous-secteurs, tandis que les ventes en magasin ont connu une tendance à la hausse ». Ils ont conclu que « Malgré le recul du magasinage en ligne, les ventes au détail du commerce électronique se stabilisent à des niveaux supérieurs à ceux observés avant la pandémie. Ces niveaux élevés de ventes au détail du commerce électronique peuvent indiquer un changement structurel dans les préférences des consommateurs et les modèles d’affaires des détaillants »Note .
Description du graphique 1
Commerce électronique | En magasin | |
---|---|---|
indice (janv. 2017 = 100) | ||
2017 | ||
janvier | 100 | 100 |
février | 99 | 100 |
mars | 101 | 100 |
avril | 103 | 102 |
mai | 101 | 101 |
juin | 102 | 101 |
juillet | 109 | 102 |
août | 108 | 102 |
septembre | 107 | 102 |
octobre | 109 | 103 |
novembre | 115 | 102 |
décembre | 112 | 104 |
2018 | ||
janvier | 116 | 103 |
février | 115 | 103 |
mars | 115 | 103 |
avril | 114 | 102 |
mai | 117 | 105 |
juin | 118 | 105 |
juillet | 119 | 103 |
août | 126 | 105 |
septembre | 122 | 106 |
octobre | 131 | 105 |
novembre | 140 | 104 |
décembre | 119 | 106 |
2019 | ||
janvier | 132 | 106 |
février | 135 | 105 |
mars | 135 | 107 |
avril | 137 | 105 |
mai | 144 | 107 |
juin | 148 | 106 |
juillet | 157 | 107 |
août | 156 | 108 |
septembre | 157 | 106 |
octobre | 152 | 105 |
novembre | 153 | 107 |
décembre | 167 | 108 |
2020 | ||
janvier | 159 | 108 |
février | 172 | 116 |
mars | 204 | 95 |
avril | 315 | 70 |
mai | 325 | 88 |
juin | 277 | 110 |
juillet | 270 | 112 |
août | 276 | 111 |
septembre | 270 | 115 |
octobre | 269 | 117 |
novembre | 271 | 115 |
décembre | 291 | 110 |
2021 | ||
janvier | 349 | 110 |
février | 339 | 115 |
mars | 336 | 121 |
avril | 331 | 114 |
mai | 330 | 110 |
juin | 302 | 116 |
juillet | 258 | 118 |
août | 265 | 118 |
septembre | 273 | 117 |
octobre | 275 | 120 |
novembre | 270 | 120 |
décembre | 259 | 119 |
2022 | ||
janvier | 296 | 122 |
février | 271 | 122 |
mars | 264 | 123 |
avril | 275 | 123 |
mai | 295 | 124 |
juin | 288 | 125 |
juillet | 288 | 124 |
Source : Statistique Canada, Enquête mensuelle sur le commerce de détail. |
Description du graphique 2
Magasins de meubles et d’accessoires de maison (commerce électronique) |
Magasins de meubles et d’accessoires de maison (en magasin) |
Magasins d’appareils électroniques et ménagers (commerce électronique) |
Magasins d’appareils électroniques et ménagers (en magasin) |
Magasins de vêtements et d’accessoires vestimentaires (commerce électronique) |
Magasins de vêtements et d’accessoires vestimentaires (en magasin) |
Magasins d’articles de sport, d’articles de passe-temps, d’articles de musique et de livres (commerce électronique) |
Magasins d’articles de sport, d’articles de passe-temps, d’articles de musique et de livres (en magasin) |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
indice (premier trimestre de 2019 = 100) | ||||||||
2019 | ||||||||
T2 | 110 | 101 | 106 | 102 | 105 | 97 | 106 | 99 |
T3 | 123 | 100 | 111 | 102 | 111 | 97 | 113 | 97 |
T4 | 138 | 97 | 120 | 100 | 118 | 93 | 123 | 95 |
2020 | ||||||||
T1 | 206 | 85 | 154 | 92 | 154 | 72 | 184 | 83 |
T2 | 243 | 87 | 176 | 95 | 181 | 65 | 222 | 85 |
T3 | 280 | 92 | 194 | 96 | 206 | 58 | 257 | 87 |
T4 | 302 | 106 | 187 | 106 | 217 | 73 | 245 | 97 |
2021 | ||||||||
T1 | 342 | 103 | 189 | 104 | 230 | 67 | 253 | 96 |
T2 | 358 | 104 | 182 | 105 | 229 | 75 | 247 | 99 |
T3 | 323 | 105 | 171 | 103 | 210 | 81 | 234 | 102 |
T4 | 306 | 111 | 159 | 108 | 202 | 94 | 227 | 107 |
2022 | ||||||||
T1 | 298 | 112 | 162 | 111 | 208 | 97 | 227 | 108 |
Note : Les données dans ce graphique sont des moyennes mobiles trimestrielles centrées. Source : Statistique Canada, Enquête mensuelle sur le commerce de détail. |
Les achats d’essence et de véhicules à moteur, ainsi que les achats dans d’autres sous-secteurs de grande valeur comme les magasins d’alimentation et les marchands de matériaux de construction, ont continué de se faire principalement en personne et leur inclusion a atténué la visibilité de la transition vers le commerce électronique qui s’était produite dans d’autres sous-secteurs. Comme cela a été indiqué de façon anecdotique et confirmé par les données, ce sont les ventes au détail du commerce électronique de meubles; de vêtements; d’appareils électroniques et ménagers; d’articles de sport, d’articles de passe-temps, d’articles de musique, de livres et de jeux qui ont augmenté la part globale des ventes au détail pour lesquelles la commande est effectuée par voie numérique.
En 2017, 6,3 % des revenus générés par ces secteurs de détail provenaient du commerce électronique; en 2021, 13,6 % des revenus de la vente au détail au Canada étaient générés par le commerce électronique. Le commerce électronique d’appareils électroniques et ménagers a augmenté pour passer de 26 % en 2019 à 37,7 % en 2020. Un changement semblable a eu lieu dans les magasins de vêtements et d’accessoires vestimentaires, dont la plupart sont situés dans des centres commerciaux au Canada. Comme bon nombre des ventes en magasin de ces détaillants ont été entravées par les restrictions de santé publique, les ventes en ligne des détaillants de vêtements ont compensé cette faiblesse, passant d’une part moyenne de 10 % des ventes totales en 2018 et en 2019 à une part moyenne de 25 % en 2020 et en 2021. Ces ventes en ligne ont également atteint un sommet de près de 40 % au deuxième trimestre de 2020.
Commerce numérique : les raisons pour lesquelles les opérations numériques transfrontalières présentent des défis uniques en matière de mesure
L’ETNUI et l’EMCD sont axées toutes les deux sur la mesure de l’activité au sein de l’économie nationale; toutefois, de nombreuses entreprises qui effectuent des ventes et des achats au pays déclarent des ventes et des achats à l’étranger. De plus, l’infrastructure sous-jacente du commerce électronique, qu’il s’agisse de la commande numérique, de la livraison numérique ou des deux, a tendance à reposer sur une série complexe de liens d’entreprises située à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, à laquelle s’ajoute la possession de plusieurs entreprises au Canada par des multinationales. En effet, la grande majorité des multinationales inscrites sur la liste des 100 multinationales numériques de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ont soit une présence physique au Canada, soit des revenus générés au Canada au moyen d’un véhicule numérique non résidentNote .
Statistique Canada collabore avec l’OCDE, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) à l’établissement d’un cadre international pour mesurer le commerce numérique, principalement au moyen du Handbook on Measuring Digital Trade.
Le commerce numérique fait référence à la détermination des opérations dans les cadres de mesure existants pour le commerce international de biens et de services, en précisant la façon dont les opérations commerciales numériques sont définies, les types de produits inclus et l’identité des acteurs participant au commerce numérique.
Source : Handbook on Measuring Digital Trade de l’OCDE, du Fonds monétaire international et de l’OMC.
Comme l’ont souligné les auteurs Loranger, Sinclair et Tebrake dans l’article du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale intitulé « Measuring the Economy in an Increasingly Digitalized World », les défis tendent à être plus complexes lorsque l’on mesure le commerce numérique, car :
- les particuliers sont de plus en plus des consommateurs mondiaux et des producteurs mondiaux;
- les acteurs intermédiaires numériques servent de vecteurs de l’activité économique pour les consommateurs et les producteurs mondiaux au moyen de plateformes de sites Web ou d’applicationsNote .
De plus, le caractère abstrait supplémentaire des définitions et des flux de propriété intellectuelle, souvent en rapport avec les plateformes intermédiaires numériques et les consommateurs et producteurs mondiaux mentionnés précédemment, associé à la façon dont les gens et les entreprises paient pour des biens et des services (et l’éventail d’entreprises et d’industries offrant, facilitant et soutenant les services financiers) signifie que ce qui semble être une opération uniquement nationale est souvent traité par des intermédiaires qui exercent leurs activités à l’extérieur du Canada, au moyen de divers points de contact numérique.
Les prochaines sections décrivent les mesures prises pour surmonter les défis liés à la mesure du commerce numérique des services au Canada au moyen de la détermination des intermédiaires numériques participant aux opérations de services au Canada et pour inclure la production de revenus de ces entreprises non résidentes et de ces intermédiaires numériques en plus de tous les autres commerçants de services. Dans le cas des plateformes de diffusion en continu non résidentes, qui fournissent du contenu de divertissement aux particuliers et aux entreprises au Canada ou qui servent d’intermédiaires pour la réservation d’hébergement ou la livraison de nourriture provenant de restaurants, la production de revenus déclarée par les entreprises non résidentes représente une importation au Canada. Des progrès ont été réalisés à cet égard grâce à l’exploitation des données administratives. En ce qui concerne l’adaptation des exportateurs de services à la livraison de leurs produits à d’autres pays au moyen de véhicules numériques, les données administratives et l’introduction d’un module d’enquête sur le commerce numérique ont permis de compiler les données tirées de la participation des exportateurs à la livraison numérique de services. La propension des exportateurs de services à la livraison numérique de leurs produits s’appelle « intensité numérique ». Dans le cas où un producteur mondial réside au Canada, le paiement du contenu fourni au producteur canadien par une entreprise non résidente est une exportation du Canada d’un service commercial. Dans les cas où des producteurs mondiaux distincts tirent un profit de leur contenu, ils tendent à former une entreprise et à déclarer officiellement cette valeur pour commencer à tirer parti des services offerts aux entreprises du Canada.
Importations numériques : combler les lacunes dans les données sur les entreprises non résidentes qui génèrent des revenus au Canada
En général, le rôle des plateformes et des entreprises non résidentes qui se livrent au commerce de détail électronique dans les économies nationales fait l’objet d’un examen plus approfondi, car une croissance plus poussée du commerce électronique dans le monde a peut-être lieu en ce moment sans qu’elle soit rapportée, les non-résidents ayant tendance à ne pas être sondés ou compris dans les données administratives. Au Canada, les revenus générés par les plateformes non résidentes ont été particulièrement difficiles à saisir parce que les opérations entre ces plateformes et les entreprises et ménages canadiens sont très fréquentes et de nature diffuse. Par suite de la mise en œuvre de mesures législatives au Canada en juillet 2021, un rapport consolidé sur la taxe sur les produits et services payée par des plateformes non résidentes précises dont la propriété est majoritaire a été exigé de la part des principaux acteurs. Cette source de données, ainsi que d’autres comme les rapports financiers annuels des entreprises, seront essentielles pour mieux déterminer le secteur géographique canadien et les flux de revenus connexes pour les plateformes non résidentes de façon plus générale.
Au cours des dernières années, des progrès ont été réalisés en ce qui a trait à la mesure du rôle du commerce numérique dans les importations de services, notamment les opérations directes avec des plateformes non résidentes concernant la commande ou la livraison numérique. Les données par industrie des importateurs indiquent que des hausses des importations de services en 2020 ont été notamment observées dans les industries des services d’information et des services professionnels, où les opérations ont été très nombreuses. Les augmentations se sont concentrées dans les grandes multinationales américaines qui importent des États-Unis, ce qui rend compte d’une accélération de la livraison des services par l’intermédiaire des plateformes numériques résidentes et non résidentes.
Ces plateformes peuvent être classées en quatre groupes : l’hébergement, le covoiturage et la livraison de nourriture (plateformes axées sur la marge de profit); diffusion en continu et livraison de services (revenus attribués à la plateforme); plateformes axées sur les données et la publicité; autres plateformes d’infrastructure numérique. Les pratiques de compilation varient considérablement entre ces quatre groupes. Par exemple, pour les ménages et les entreprises qui effectuent des opérations directes avec des plateformes non résidentes, il y a plusieurs étapes à franchir pour arriver à une valeur des importations, ce qui est très complexe, puisque l’intention est d’inclure uniquement l’abonnement, ou la marge de profit obtenue par la plateforme. En ce qui concerne l’hébergement, le covoiturage et la livraison de nourriture, il est nécessaire de ventiler les frais ou la marge de profit par rapport aux recettes globales générées. Pour la diffusion en continu (musique, balados, livres audio, vidéo, jeux vidéo) effectuée directement par des entreprises non résidentes au moyen de leur plateforme de diffusion en continu, les importations ont tendance à comporter des frais d’abonnement qui sont acheminés vers leur plateforme non résidente. Ces frais de diffusion en continu proviennent directement des ménages ou des entreprises au Canada et sont acheminés vers les entreprises non résidentes. Par conséquent, la totalité des frais est incluse dans la valeur de l’importation. Pour les plateformes axées sur les données et la publicité, les données découlant de mesures législatives récentes, les rapports financiers annuels plus complets faisant état du secteur géographique et l’analyse plus poussée des sources de données existantes peuvent fournir une meilleure estimation des valeurs. Pour les autres plateformes d’infrastructure numérique, les mécanismes sous-jacents de facilitation des paiements et de la livraison numérique, les noms de domaine et l’infrastructure de sécurité, entre autres aspects de l’infrastructure numérique, sont des dimensions nécessaires pour mesurer cette activité.
De plus, des travaux sont en cours pour repérer les plateformes numériques, les entreprises directement liées à la numérisation, ainsi que les entreprises qui tirent parti de la livraison numérique comme moyen de fournir leurs produits à l’étranger donc, distinctement, des exportations. L’objectif était d’estimer la valeur annuelle globale des opérations transfrontalières de services numériques à l’échelle de l’entreprise, un exploit rendu possible par l’ajout d’un module sur le commerce numérique à l’enquête annuelle.
Exportations numériques : un nouveau module d’enquête sur le commerce numérique
En s’appuyant sur les connaissances de compilation et l’infrastructure de module d’enquête établies grâce aux enquêtes antérieures auprès des entreprises, un module sur le commerce numérique a été élaboré en 2018 afin d’enrichir l’enquête annuelle sur les opérations internationales de services commerciauxNote . L’objectif du module sur le commerce numérique était d’inclure la propension à la livraison numérique, aussi appelée l’intensité numérique, déclarée par les exportateurs de services à titre de caractéristique de ces exportateurs de services commerciaux. L’estimation de la part des exportations de services qui sont livrées numériquement aux partenaires commerciaux mondiaux a ensuite été entreprise au moyen d’une stratégie visant à tirer parti d’une combinaison de données d’enquête et de données administratives. Ces travaux ont été réalisés grâce à une compilation fondée sur le couplage de données de la propension d’une entreprise à déclarer ses revenus tirés d’Internet, au moyen de l’examen des enquêtes auprès des entreprises de Statistique Canada et des sources de données administratives pertinentes. Ensemble, ces données indiquent les principaux moyens par lesquels les entreprises qui exercent leurs activités au Canada génèrent des revenus internationaux.
Intensité numérique des exportations de services
En mesurant la propension des entreprises au commerce numérique, les exportateurs de services au Canada déterminent les services fournis à d’autres pays sans que des personnes soient présentes dans ces pays pour offrir ces services. Les moyens par lesquels les services sont habituellement fournis sont les plateformes, utilisées comme intermédiaires, ou les applications et les sites Web personnels utilisés pour générer des revenus. Les exportations de services livrés numériquement sont publiées en fonction des caractéristiques de l’exportateur de services, qu’il s’agisse d’une multinationale ou non (type d’entreprise) ou d’une entreprise plus petite (0 à 499 employés) ou grande (500 employés ou plus) sur le plan de l’emploi (catégorie de taille d’entreprise).
Description du graphique 3
Livrés numériquement | Non livrés numériquement | |
---|---|---|
milliards de dollars | ||
2019 | 31,3 | 55,1 |
2020 | 39,2 | 53,7 |
Source(s) : Tableau 12-10-0146-01. |
Description du graphique 4
Grandes entreprises | Petites et moyennes entreprises | |
---|---|---|
milliards de dollars | ||
Entreprises multinationales canadiennes | 8,4 | 3,1 |
Entreprises multinationales américaines | 7,5 | 5,6 |
Autres entreprises multinationales étrangères | 4,1 | 4,6 |
Toutes les autres entreprises | 2,6 | 3,3 |
Source(s) : Tableau 12-10-0146-01. |
Pour l’année de référence 2020, dans l’ensemble, 42 % des exportations de services commerciaux ont été livrées numériquement, ce qui représente environ 39,2 milliards de dollars de services aux entreprises. Habituellement, il s’agit de services fournis par l’intermédiaire de plateformes, d’applications et d’autres moyens de transmission de contenu en ligne. Au total, les exportations de services commerciaux ont augmenté de 7,8 % en 2020; toutefois, les exportations de services numériques ont augmenté de 25,2 %, tandis que les autres exportations de services commerciaux ont diminué. Les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire les entreprises comptant moins de 500 employés au Canada, ont déclaré une plus grande valeur des exportations de services que les grandes entreprises, mais une intensité numérique plus faible de leurs exportations de services. En 2020, les multinationales canadiennes et les autres entreprises canadiennes ont livré numériquement des services d’une valeur de 17,4 milliards de dollars à d’autres pays. Les chefs de file mondiaux dans le domaine des plateformes intermédiaires numériques et de l’infrastructure numérique en activité au Canada englobaient les regroupements d’entreprises multinationales canadiennes, américaines et étrangères. Des mesures de l’intensité numérique pour les exportations de services de l’année de référence 2021 seront disponibles en novembre 2023.
Feuille de route pour le commerce numérique
L’un des objectifs du présent document était d’examiner la chronologie des événements découlant du commerce numérique et du commerce électronique à Statistique Canada, sous l’angle de l’élaboration d’une enquête auprès des entreprises. Un autre objectif était de souligner que l’élargissement du couplage de données permettant de mesurer le commerce numérique repose beaucoup sur les principales constatations tirées des enquêtes auprès des entreprises. Grâce à l’élaboration d’enquêtes auprès des entreprises et de modifications en ce qui concerne la terminologie de modules supplémentaires, les compilateurs peuvent réduire au minimum les hypothèses lors du couplage de données et ainsi tirer parti de façon beaucoup plus efficace des sources de données administratives et d’autres données supplémentaires.
Grâce à cette approche, le couplage de données permettant de mesurer le commerce numérique a une base suffisamment solide pour faire progresser le cadre analytique de l’univers des entreprises qui participent au commerce numérique transfrontalier d’exportations de services, au commerce d’exportation et d’importation de services et au commerce de tous les produits d’entreprise.
Le dernier objectif est donc d’illustrer un moyen propre au commerce numérique pour analyser les entreprises participant au commerce international de biens et de services en tant qu’univers hautement pertinent en soi. Cette approche intégrée constituera une étape essentielle pour renforcer la mesure du commerce numérique. Bien que la distinction entre les biens et les services puisse être floue pour certaines entreprises, et bien que la distinction ne puisse pas toujours être mesurée, la mesure du commerce numérique de biens et de services déclaré par les entreprises permet de prendre des mesures en vue d’obtenir une meilleure vision. De nombreux producteurs de services importants sont également des exportateurs et des importateurs de biens de grande valeur. Le couplage de données sur le Commerce selon les caractéristiques des exportateurs et des importateurs — Biens (CCE-Biens) et sur le CCE-Services permet d’examiner la valeur commerciale des biens et des services et les profils des commerçants de services, et constituera une étape importante dans l’analyse intégrée sur la commande numérique et la livraison numérique pour les flux d’importation et d’exportation. Si la plateforme non résidente établit une exploitation nationale, l’opération transfrontalière cesse d’être, et il s’agit d’un élément à surveiller; toutefois, dans ce cas, les flux commerciaux ont tendance à augmenter entre le siège social mondial de la plateforme et l’entité nationale nouvellement établie.
Bien que la valeur attribuée à diverses plateformes numériques non résidentes soit déjà incluse dans les importations, une autre étape concrète consistera à fournir l’intensité numérique pour les valeurs d’importation de services commerciaux commandés numériquement à l’avenir, en s’appuyant sur l’hypothèse selon laquelle la prestation numérique des services d’exportation et d’importation sera la même pour la même entreprise déclarante.
Encadré 1. Tableau des ressources et des emplois du secteur numérique du Canada — Premières tentatives de vision intégrée
Tous les travaux de Statistique Canada sur la mesure du commerce numérique des biens et des services se déroulent dans un contexte macroéconomique plus vaste qui consiste à mesurer la valeur des opérations effectuées uniquement entre les résidents du Canada et les opérations directes effectuées avec des non-résidents ou celles facilitées par ces derniers dans le reste du monde. Par conséquent, les discussions sur le commerce numérique se déroulent dans une réalité de compilation du secteur des résidents (secteur des ménages, secteur des entreprises, secteur sans but lucratif, secteur gouvernemental) et du secteur des non-résidents. Par exemple, toute exploitation d’une multinationale américaine au Canada constitue un acteur résident, tandis que toute exploitation d’une multinationale canadienne à l’extérieur du Canada constitue un acteur non résident.
Étant donné que le commerce numérique est étroitement lié à des opérations multinationales complexes, il est important de tenir compte du fait que le commerce numérique transfrontalier s’étend au-delà des biens jusqu’à l’ensemble des services, y compris les services de construction, les services de soins de santé et les services liés à l’exploitation minière et aux minéraux, qui auparavant n’étaient pas considérés comme adaptables à la commande et à la livraison numériques.
Lorsque l’on utilise les tableaux des ressources et des emplois du Canada comme cadre, la production par les entreprises résidentes (exploitées au Canada) et les produits importés (biens et services) des entreprises non résidentes sont suivis selon l’utilisation qu’en font les entreprises au Canada à titre de consommation finale (par le secteur des ménages), d’investissement et de produits exportés vers le secteur non résident.
Selon les estimations initiales de 2019, les produits commandés numériquement représentaient 6,8 % (336 milliards de dollars) de l’offre totale, et les services livrés numériquement représentaient 2,3 % (116 milliards de dollars) de l’offre totale. La plupart des produits commandés numériquement (environ 71 %) provenaient directement du fournisseur, alors que 27 % étaient achetés par l’intermédiaire de détaillants et de grossistes canadiens. Les plateformes intermédiaires numériques étaient à l’origine des 2 % restants, les plateformes non résidentes dominant les activités par rapport aux plateformes nationales.
Environ 7,2 % des importations (52 milliards de dollars) ont été commandées numériquement, ce qui a légèrement dépassé la part des commandes numériques des producteurs nationaux établie à 6,8 % (278 milliards de dollars). La part des produits livrés numériquement dans la production nationale (2,4 %) était supérieure à celle des importations (1,8 %).
Cette vaste initiative a mené à des mesures provisoires pour mieux traiter des opérations d’importation relatives aux consommateurs au Canada qui importent directement des services d’entreprises non résidentes et pour intégrer cette valeur dans le commerce international des services. Ces opérations se rapportaient principalement à la diffusion en continu de contenu audio et vidéo et aux jeux vidéo, et la portée sera élargie pour inclure les services importés par l’entremise de plateformes d’hébergement, de covoiturage et d’achat d’applications, ainsi que les plateformes axées sur les données et les revenus de publicité. L’élément peut-être plus important encore est le fait que la dérivation des tableaux des ressources et des emplois a mis en évidence les principaux déséquilibres dans les importations, par exemple, de services de publicité, étant donné que les revenus générés par les plateformes non résidentes étaient clairs en ce qui concerne la consommation, mais pas pour ce qui est de la production de l’équation.
Source : Tous les chiffres sont tirés du Groupe d’experts de la comptabilité nationale, Conférence des statisticiens européens de la Commission économique pour l’Europe, vingtième session, mai 2021. Mesurer l’économie numérique : tableaux des ressources et des emplois du secteur numérique canadien, 2017 à 2019. Préparé par Statistique Canada, ECE/CES/GE.20/2021/10.
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