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  1. Introduction
  2. Données
  3. Modèle économétrique
  4. Coûts de camionnage ad valorem
  5. Conclusion
  6. Annexe

1   Introduction

En dépit de l'élimination des obstacles tarifaires entre le Canada et les États-Unis, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est demeuré inférieur à ce à quoi l'on pourrait s'attendre si les droits de douane constituaient le seul obstacle aux échanges (Anderson et Yotov, 2010). Cela laisse penser que d'autres facteurs, comme les différences de réglementation ou les différences de goûts, ou encore les coûts de transaction rattachés au transport transfrontalier de biens, jouent un rôle important. Selon des estimations antérieures, le volume des échanges entre le Canada et les États-Unis équivaut à ce que l'on pourrait observer si des droits de douane de 21 % s'appliquaient (Chaney, 2008). Un tel frein aux échanges laisse entendre un accès restreint aux marchés, ce qui peut avoir des effets sur la productivité des entreprises canadiennes, dont la taille est susceptible d'être limitée du fait que leur marché intérieur est relativement petit (Baldwin et Gu, 2009; Baldwin et coll., 2012). D'importants travaux ont été réalisés pour évaluer le degré d'intégration des économies canadienne et américaine par le truchement des échanges commerciaux, mais les analyses portant sur l'« effet de frontière », c'est-à-dire les coûts sous-jacents aux échanges transfrontaliers, demeurent relativement limitées 1 .

Les coûts associés au passage de la frontière peuvent être divisés en trois catégories : les obstacles tarifaires officiels, les obstacles non tarifaires et le coût du système de transport proprement dit. La présente étude met l'accent sur cette dernière catégorie 2 , plus précisément sur le coût d'expédition de biens entre le Canada et les États-Unis par camion, principal mode de transport transfrontalier de biens. En 2009, les biens transportés par camion ont représenté 47 % de la valeur des exportations de marchandises vers les États-Unis et 70 % de la valeur des importations en provenance des États-Unis 3 . Par conséquent, les coûts de camionnage peuvent influer sur le degré global d'intégration des deux marchés.

Le coût de transport transfrontalier de biens par camion est élevé. À partir d'une combinaison de sources de données secondaires et d'interviews, Taylor et coll. (2004) ont estimé que le coût total relié au passage de la frontière équivalait, en 2001, à environ 4 % de la valeur des échanges commerciaux par camion. Cela ne diffère pas beaucoup du taux moyen des droits de douane (après pondération en fonction des échanges) en vigueur avant la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis (Trefler, 2004). Dans le prolongement de l'analyse de Taylor et coll. (2004), la présente étude mesure directement le coût du passage de la frontière, quoique d'une manière qui n'englobe pas la totalité des coûts associés à la frontière. L'étude présente également d'importants points communs avec les travaux de Conlon (1981), qui a mesuré l'équivalent ad valorem des coûts de transport au milieu des années 1970.

La présente étude aborde trois questions interdépendantes. La première, et la plus évidente, consiste à savoir quel est le coût d'expédition de biens par camion entre le Canada et les États-Unis comparativement aux expéditions effectuées à l'intérieur du Canada. Il ressort de certaines observations indirectes que le coût d'expédition transfrontalière de biens pourrait être supérieur au coût d'expédition des mêmes biens à l'intérieur du pays. De nombreuses études montrent que les échanges transfrontaliers sont, comparativement aux échanges entre États et entre provinces, moins importants que ce à quoi l'on pourrait s'attendre après prise en compte de la taille des partenaires commerciaux et de la distance qui les sépare 4 . Des études récentes donnent à penser que la frontière a pour effet de réduire de moitié environ les échanges entre le Canada et les États-Unis (Anderson et van Wincoop, 2003; Anderson et Yotov, 2010). Ces études de l'effet de frontière présentent une évaluation générale de l'incidence de toutes les formes d'obstacles aux échanges sur l'intégration économique, mais il n'y en a aucune où l'on a cherché à mesurer directement le coût lié à l'expédition de biens au-delà de la frontière. La présente étude constitue donc un premier pas en vue de décomposer l'effet de frontière en un ensemble de composants.

La deuxième question est la suivante : à partir du moment où il existe un écart entre le coût des expéditions transfrontalières et celui des expéditions intérieures, dans quelle mesure cet écart est-il attribuable, d'une part, à des coûts fixes associés à la frontière, et d'autre part à des coûts de transport de ligne? Les mesures de sécurité prises au lendemain des événements du 11 septembre 2001 peuvent avoir fait augmenter le coût relié au passage de la frontière, en raison des temps d'attente plus longs et plus incertains. Cela dit, il peut également exister des différences entre les échanges transfrontaliers et les échanges intérieurs au chapitre des coûts de transport de ligne. Ces coûts peuvent être moindres dans le cas des échanges transfrontaliers parce que le carburant tend à coûter moins cher aux États-Unis. Ils peuvent aussi différer si les échanges ne sont pas équilibrés, ce qui donnera lieu à des coûts plus élevés imputables au voyage de retour. En effet, si le Canada jouit d'un excédent commercial par rapport aux États-Unis, la probabilité qu'un camion transportant des biens canadiens à destination des États-Unis obtienne une charge au retour sera moins élevée, de sorte que les camions reviendront souvent vides (on parlera alors de voyage à vide) (Taylor et coll., 2004). L'existence de règlements interdisant aux entreprises canadiennes de transporter des biens entre deux endroits situés aux États-Unis (droits de cabotage) peut exacerber ce problème. Les camionneurs canadiens seront alors incapables d'enchaîner des expéditions lors de leur retour au Canada ou de charger des biens aux États-Unis; par conséquent, ils risquent de rouler à vide sur de plus longues parties de leur trajet de retour.

Enfin, la troisième question est de savoir quels sont les coûts ad valorem découlant de l'expédition de biens par camion à l'intérieur du pays et par delà la frontière. Les estimations des coûts ad valorem sont de première importance lorsque l'on veut évaluer si les coûts de camionnage on un effet significatif sur le volume des échanges. Dans le cas de biens de faible poids et de grande valeur (par exemple du matériel électronique), les coûts de camionnage pourront représenter une petite fraction du prix à la livraison, mais ce pourrait être le contraire dans le cas de biens de poids élevé et de faible valeur (comme des minéraux non métalliques).

De manière à répondre à ces trois questions, plusieurs ensembles de données ont été combinés pour créer une base de données permettant de mesurer le coût des échanges intérieurs et des échanges transfrontaliers par camion ainsi que les valeurs correspondantes. La principale source de données est l'Enquête sur l'origine et la destination des marchandises transportées par camion (ODMTC) de Statistique Canada. L'information tirée des feuilles de route d'entreprises de camionnage pour compte d'autrui est utilisée pour mesurer les caractéristiques des expéditions (par exemple, revenus, poids, distance d'expédition et types de marchandises) à l'intérieur du pays ainsi qu'à l'étranger, principalement à destination des États-Unis. L'Enquête sur l'ODMTC permet de mesurer les coûts de camionnage, c'est-à-dire le coût assumé par les expéditeurs pour assurer le transport de leurs biens du point d'origine au point de destination. Les données sont combinées avec des mesures de la valeur des biens par tonne d'après les North American Transborder Freight Data (NATFD) et la Commodity Flow Survey (CFS) du Bureau of Transportation Statistics (BTS) des États-Unis, de manière à produire des estimations des coûts de camionnage ad valorem. L'ensemble de données ainsi produit permet de mesurer le coût, exprimé sous forme d'équivalent tarifaire, du passage de la frontière pour ce type de transport.

La prochaine section (qui porte sur l'élaboration des données) décrit les méthodes utilisées pour élaborer une mesure exhaustive des coûts de camionnage, entre autres un exposé plus détaillé de l'ensemble de données de l'Enquête sur l'ODMTC et des méthodes permettant de modifier ces données d'après les estimations de la valeur par tonne des biens expédiés, cette information étant nécessaire aux fins d'estimer les coûts de camionnage ad valorem. On trouvera aussi dans cette section une analyse descriptive des échanges commerciaux intérieurs et transfrontaliers par camion. Étant donné que le coût d'expédition de biens comporte des éléments fixes et des éléments variables qui peuvent ne pas être les mêmes selon qu'il s'agit d'échanges intérieurs ou d'échanges transfrontaliers, la troisième section (« Modèle économétrique ») présente une analyse multivariée tenant compte des différences possibles entre les expéditions intérieures et les expéditions transfrontalières, de manière à produire une estimation de leur coût relatif. La quatrième section (« Coûts de camionnage ad valorem ») traite du niveau et de l'évolution des coûts ad valorem des échanges intérieurs et transfrontaliers au cours de la période visée par l'étude. Enfin, une courte conclusion présente la synthèse des résultats de l'analyse et expose certaines mises en garde touchant l'interprétation des données.

2   Données

2.1  Enquête sur l'origine et la destination des marchandises transportées par camion

L'Enquête sur l'origine et la destination des marchandises transportées par camion (ODMTC) sert à mesurer : 1) la production du secteur du camionnage pour compte d'autrui; 2) le volume de marchandises transportées par camion (Gagnon et Trépanier, sans date). Créée au début des années 1970, cette enquête a fait l'objet d'une révision en profondeur en 2004, ce qui a permis d'en accroître de façon substantielle la portée et l'exactitude. Ainsi, la portée de l'enquête a été élargie de manière à englober le secteur du camionnage local (codes 48411 et 48422 du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord [SCIAN]), qui s'ajoute aux secteurs du transport sur de longues distances (codes 48412 et 48423 du SCIAN) et du déménagement de biens usagés de maison et de bureau (code 48421 du SCIAN) que visait l'Enquête au départ. La nouvelle version couvre aussi les expéditions sur une distance de moins de 25 kilomètres, qui étaient auparavant exclues. On a également modifié le plan d'échantillonnage ainsi que les modes de traitement des données et d'estimation (Gagnon et Trépanier, sans date). En raison des différences d'ordre méthodologique entre les enquêtes antérieures à 2004 et les enquêtes suivantes, la présente analyse se limite à la période allant de 2004 à 2009. Dans le cadre de travaux subséquents, l'ensemble de données sera élargi de façon à inclure les estimations des enquêtes antérieures à 2004. Cette série chronologique plus étendue permettra d'obtenir une estimation des changements touchant le coût associé au passage de la frontière dans l'environnement de sécurité existant au lendemain des événements de 2001.

L'Enquête sur l'ODMTC est menée chaque année et repose sur un plan d'échantillonnage à quatre degrés. Le premier degré correspond à un échantillon stratifié d'entreprises de camionnage sélectionnées au hasard. Le deuxième degré consiste à sélectionner la période d'échantillonnage à l'intérieur de l'année de référence — il peut s'agir de la première moitié de l'année, de la seconde, ou de l'année entière. Le troisième degré correspond à l'établissement d'un échantillon de documents d'expédition, exception faite des entreprises qui produisent ces documents sous forme électronique, ces derniers étant tous sélectionnés. Enfin, pour le quatrième degré et lorsqu'il y a plus d'une expédition mentionnée sur des documents d'expédition, un échantillon d'expéditions est constitué à partir des documents.

Le revenu tiré de chaque expédition par le transporteur d'après les données de l'Enquête sur l'ODMTC sert à évaluer les coûts relatifs rattachés aux transports intérieurs et aux transports transfrontaliers. Cela fait intervenir la question de savoir si le revenu tiré d'une expédition donnée constitue une bonne approximation du coût total du transport. Ce ne sera peut-être pas le cas si le transporteur n'est pas en mesure de transférer à l'expéditeur le coût total relié au passage de la frontière. Toutefois, une telle situation signifierait que le transporteur accepte que sa marge bénéficiaire soit moindre dans le cas des expéditions transfrontalières que dans celui des expéditions intérieures, ce qui apparaît peu probable. Une question connexe consiste à savoir si le coût mesuré au titre du passage de la frontière qui s'ajoute aux coûts de camionnage reflètera la totalité du coût lié au transport transfrontalier de biens. Anderson et Coates (2010) établissent que l'un des facteurs de coût importants liés à la traversée de la frontière canado-américaine est la variabilité du temps d'attente, ce qui pose particulièrement problème dans le cas de biens de la chaîne d'approvisionnement qui doivent être livrés à l'intérieur de fenêtres temporelles étroites. Il y a deux moyens de se prémunir contre l'incertitude reliée au temps d'attente à la frontière. Le premier consiste à incorporer un temps de réserve aux horaires d'expédition (qui serait pris en compte dans le revenu du transporteur) et le second, à conserver des stocks de réserve de l'autre côté de la frontière. Par exemple, une entreprise exportant des biens du Canada vers les États-Unis pourra constituer des stocks et les conserver dans un entrepôt situé aux États-Unis afin de garantir les livraisons dans l'éventualité où une expédition de biens est retardée à la frontière. Le coût d'une telle stratégie ne se reflétera pas dans les revenus du transporteur. La présente analyse, qui est fondée uniquement sur les revenus des transporteurs, pourrait dès lors aboutir à une sous-estimation du coût total associé au transport transfrontalier de biens.

2.2  Estimation des coûts de transport ad valorem

Relativement à chaque expédition, l'Enquête sur l'ODMTC fait état des revenus produits, du poids des biens expédiés et de la distance d'expédition. Par contre, elle ne fournit pas de renseignements sur la valeur des biens expédiés, or, en l'absence de cette information, il n'est pas possible d'estimer les coûts de transport ad valorem (c'est-à-dire les revenus de camionnage divisés par la valeur des expéditions). Pour pouvoir estimer la valeur de chaque expédition, il faut disposer d'une mesure de la valeur par tonne de chaque bien, que l'on pourra ensuite multiplier par le nombre de tonnes expédiées. La valeur par tonne variera non seulement selon le bien, mais aussi selon la distance d'expédition (Hillberry et Hummels, 2008). Les variétés à valeur plus élevée à l'intérieur d'une classe de biens donnée tendent à être expédiées sur de plus longues distances, étant donné que les coûts de transport représentent une fraction plus faible de leur valeur. L'expression formelle de la valeur (v) d'une expédition (l) de biens k est la suivante : 

t est le nombre de tonnes et d est l'indice de la catégorie de distance.

Les données de l'Enquête sur l'ODMTC, ne permettent pas d'estimer la valeur par tonne, mais ces estimations peuvent être produites à partir de deux bases de données du Bureau of Transportation Statistics (BTS) des États-Unis, soit les North American Transborder Freight Data (NATFD) et la Commodity Flow Survey (CFS). Les NATFD contiennent des données sur le mode de transport, la valeur et le tonnage des biens exportés du Canada vers les États-Unis, en appariant la province d'origine et l'État de destination. Puisque ces données portent sur les expéditions de biens canadiennes, elles sont utilisées aux fins d'estimer la valeur par tonne à la fois pour les expéditions à l'intérieur du Canada et pour les exportations canadiennes. Par contre, elles ne peuvent servir dans le cas des exportations américaines à destination du Canada, car les biens produits aux États-Unis tendent à présenter une valeur par tonne supérieure à celle des biens comparables produits au Canada. Les estimations touchant les exportations en provenance des États-Unis reposent de ce fait sur la CFS, qui fournit des données similaires sur les biens expédiés à l'intérieur des États-Unis. On fait donc l'hypothèse que, tant au Canada qu'aux États-Unis, la valeur par tonne des biens expédiés à l'intérieur du pays et celle des biens exportés sont similaires.

Des valeurs estimatives par tonne distinctes sont produites pour les expéditions en fonction de quatre catégories de distance : moins de 800 km; de 800 km à 1 599 km; de 1 600 km à 3 199 km; et 3 200 km ou plus 5 . Cependant, pour les biens à l'égard desquels aucune tendance claire n'est discernable au regard de la valeur par tonne au fil des distances, une valeur unique est appliquée à toutes les expéditions. (On trouvera à la sous-section 6.1 de l'annexe une description détaillée du calcul de la valeur par tonne.)

Le tableau 1 présente la valeur par tonne selon la catégorie de biens de la Classification type des biens transportés (CTBT) et le type d'échange. Bien évidemment, la valeur par tonne diffère d'un bien à l'autre. Dans le cas des échanges intérieurs, elle va de 27 $ pour le gravier et les pierres concassées (catégorie 12 de la CTBT) à 53 400 $ pour les produits pharmaceutiques (catégorie 21), ce qui laisse penser qu'il existera une très forte variation des coûts de camionnage ad valorem.

De par leur conception, les évaluations relatives aux biens peuvent aussi varier selon le type d'échange, en particulier entre exportations et importations. (Du fait que les mêmes données ont été utilisées à l'égard des expéditions intérieures et des exportations, les écarts de leur ratio de la valeur au poids sont entièrement attribuables aux différences de distances d'expédition.) Le tableau 1 expose aussi le pourcentage d'écart de valeur par tonne des importations par rapport aux exportations. Dans le cas d'un peu plus de la moitié des biens, l'écart absolu est inférieur à 20 % et, ainsi que l'on pouvait s'y attendre, la valeur par tonne est généralement supérieure dans le cas des importations. Pour plusieurs biens, les écarts de valeur entre les exportations et les importations sont marqués. Par exemple, la valeur des importations de produits du tabac est à peu près deux fois plus élevée que celle des exportations. Une telle variabilité peut être le fait de différences réelles de la composition sous-jacente de ces flux de biens hautement agrégés, mais elle peut aussi découler d'erreurs associées à la concordance entre les systèmes de codage du Système harmonisé (SH) et de la CTBT, à des erreurs d'échantillonnage et à des différences dans les procédures de codage du BTS et de Statistique Canada aux fins de classer les expéditions.

2.3  Description des données

L'objet premier de la présente étude consiste à mesurer le coût d'expédition transfrontalière de biens, à la fois selon le niveau et en pourcentage de la valeur des biens expédiés. La présentation de ces estimations est précédée de l'examen de différents aspects des données agrégées, soit l'importance globale des échanges où le transport est effectué par camion, la couverture qui est faite de ces échanges par l'Enquête sur l'ODMTC, les types d'entreprises de camionnage assurant ces expéditions et la nature des échanges eux-mêmes.

En termes de valeur, les deux tiers environ des marchandises faisant l'objet d'échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis (en excluant celles expédiées par pipeline 6 ) sont transportées par camion. En 2004, le camionnage intervenait pour quelque 65 % de l'ensemble des échanges commerciaux canado-américains (graphique 1). Environ 70 % des importations et 60 % des exportations sont expédiées par camion. Au cours de la période visée par l'étude, la part du camionnage par rapport aux autres modes de transport est demeurée relativement constante, peu importe le type d'échange (exportations ou importations).

La portée de l'Enquête sur l'ODMTC se limite aux entreprises de camionnage pour compte d'autrui établies au Canada. Cette enquête n'englobe donc pas les entreprises de camionnage étrangères menant des activités au Canada ni les entreprises n'appartenant pas au secteur du camionnage, mais disposant de leur propre parc de camions (camionnage pour compte propre) 7 . Néanmoins, les coûts de camionnage calculés d'après les données de l'Enquête sur l'ODMTC devraient être représentatifs de l'ensemble du secteur du camionnage, ce qui tient à deux raisons. D'abord, l'Enquête sur l'ODMTC rend compte de la plus grande partie des expéditions commerciales canado-américaines par camion. Selon les NATFD du BTS, 52,6 millions de tonnes de marchandises ont été exportées par camion du Canada aux États-Unis en 2008. La même année, l'Enquête sur l'ODMTC faisait état de 47,2 millions de tonnes de marchandises expédiées aux États-Unis par camion, ce qui représente 90 % du tonnage d'après les NATFD. Ensuite, le secteur du camionnage est très concurrentiel, et les obstacles à l'entrée dans ce secteur sont peu importants 8 . Il est probable que les forces de la concurrence feront disparaître rapidement toute possibilité de réaliser des bénéfices excédentaires, ce qui aura pour effet d'aplanir les taux de bénéfices des entreprises faisant partie du champ de l'Enquête et de celles hors du champ de l'Enquête.

Les transporteurs peuvent être divisés en deux grandes catégories, celle du transport de marchandises diverses, habituellement au moyen de tracteurs et de remorques standard, et celle des camions spéciaux, qui servent au transport de certains chargements particuliers (par exemple sous forme liquide). La classification industrielle des entreprises de camionnage tient compte de cette distinction, de sorte que, dans le cadre de l'Enquête sur l'ODMTC, les transporteurs routiers (dans la suite de l'étude, les « transporteurs ») sont subdivisés selon qu'ils appartiennent à l'industrie du transport par camion de marchandises diverses (code 4841 du SCIAN) ou à celle du transport par camion de marchandises spéciales (code 4842). La catégorie du transport par camion de marchandises diverses est ensuite divisée entre le transport local et le transport sur de longues distances, qui fait l'objet d'une subdivision additionnelle entre les transporteurs de charges complètes et les transporteurs de charges partielles. Le tableau 2 présente une ventilation détaillée des activités de ces industries relativement aux expéditions intérieures et transfrontalières en 2008.

Le transport par camion de marchandises diverses constitue la plus grande partie des activités de camionnage. Ce type de transport occupe de fait une place prépondérante, que l'on pense aux revenus de camionnage, à la distance totale des expéditions, au nombre de tonnes-kilomètres ou au nombre total d'expéditions. C'est particulièrement le cas des échanges transfrontaliers (tableau 2), où environ 85 % des revenus, 87 % des tonnes et 85 % des tonnes-kilomètres sont imputables aux entreprises de camionnage de marchandises diverses. À l'intérieur du Canada, le transport par camion de marchandises diverses occupe une place moins importante, représentant environ 59 % des revenus, 39 % des tonnes de biens expédiés et 57 % des tonnes-kilomètres.

Le transport par camion de marchandises diverses est subdivisé entre le transport local et le transport sur de longues distances (codes 48411 et 48412 du SCIAN), et ce dernier est ensuite subdivisé de nouveau entre le transport de charges complètes et le transport de charges partielles (codes 484121 et 484122). Les transporteurs de charges partielles se spécialisent dans le transport de biens entre terminaux où les expéditions sont regroupées en vue de leur distribution. Les transporteurs de charges complètes se spécialisent dans le transport de charges uniques entre leur point d'origine et leur destination finale. Ce sont les entreprises de transport de charges complètes qui tendent à prédominer, tant pour les expéditions intérieures que pour les exportations transfrontalières.

Le transport par camion de marchandises spéciales se subdivise en cinq sous-catégories : déménagement; vrac liquide; vrac solide; produits forestiers; autres marchandises spéciales. La sous-catégorie du déménagement, la plus petite du lot (tableau 2), est exclue de l'analyse parce qu'elle n'inclut pas de nouveaux produits faciles à classer. Dans la suite de l'analyse, les entreprises de transport par camion de marchandises spéciales sont regroupées dans la catégorie du transport spécialisé.

De manière à simplifier la terminologie utilisée dans le présent rapport, les transporteurs sont classés dans les catégories suivantes : charges complètes; charges partielles; transport spécialisé. Les transporteurs locaux entrent dans la catégorie du transport de charges complètes, étant donné que leur tonnage par expédition correspond plus étroitement à celui des transporteurs de charges complètes. Chaque classification représente une technologie de camionnage différente (charges complètes et charges partielles par rapport au transport spécialisé) ou un modèle opérationnel différent (charges complètes et transport spécialisé par rapport au transport de charges partielles). À la lumière de ces différences, les coûts fixes et les coûts de transport de ligne peuvent varier selon le type de transporteur. Ainsi, les transporteurs spécialisés devront probablement assumer des coûts fixes et des coûts de transport de ligne plus élevés, en raison, dans le premier cas, de coûts d'investissement plus importants et, dans le second, du fait qu'ils sont moins susceptibles d'obtenir une charge au retour. Par contre, les transporteurs de charges partielles peuvent aussi avoir des coûts fixes plus élevés, étant donné que le passage à la frontière d'envois groupés prend plus de temps.

Les retards les plus marqués à la frontière surviennent lorsque les camions doivent se rendre à un poste d'inspection secondaire pour faire l'objet d'une inspection plus poussée (Taylor et coll., 2004). Aux termes de la réglementation douanière canadienne et américaine, le camion dont la charge se compose de plus de cinq envois distincts ayant été groupés est automatiquement dirigé vers un poste d'inspection secondaire (Taylor et coll., 2004). Cela peut survenir plus fréquemment dans le cas des transporteurs de charges partielles, soit parce que la charge du camion est constituée de plus de cinq envois distincts, soit en raison d'un problème relié à l'un des envois, de sorte que l'on procédera à une inspection plus approfondie de toute la charge (Taylor et coll., 2004) 9 .

Outre la mesure des coûts directs associés au camionnage, l'analyse vise à estimer les coûts ad valorem. Plus précisément, on estime la valeur par tonne pour les différents biens, cette valeur pouvant ensuite servir à estimer la valeur de chaque expédition. Pour des raisons expliquées à l'annexe (section 6.1), les échanges mesurés d'après leur valeur comprennent tous les biens définis dans la CTBT à l'exception des biens transportés divers (code 42 de la CTBT). À partir de maintenant, cette catégorie particulière de biens est exclue de l'analyse.

Le graphique 2 présente le pourcentage de la valeur totale des expéditions effectuées par les entreprises de camionnage pour compte d'autrui selon le type d'échange, plus précisément le pourcentage moyen pour la période allant de 2004 à 2009. En se fondant sur la valeur, un peu plus de 70 % des expéditions correspondaient à des échanges intérieurs, le reste étant partagé en parts à peu près égales entre les exportations et les importations.

Les transporteurs de charges complètes occupent une place prépondérante en ce qui touche les exportations et les importations, leurs expéditions représentant environ les deux tiers de la valeur des échanges commerciaux, tandis que les transporteurs spécialisés assurent le transport de la plus grande partie des biens échangés à l'intérieur du pays (graphique 3). Les expéditions effectuées par les transporteurs de charges partielles représentent approximativement 10 % de la valeur de l'ensemble des biens expédiés, peu importe le type d'échange. Bien que l'analyse économétrique présentée ici englobe les trois catégories de transporteurs, le rôle prédominant des transporteurs de charges complètes au chapitre des échanges transfrontaliers laisse penser que leur structure de coûts est celle qui importe le plus dans l'optique de ces échanges particuliers.

Les expéditions sur une distance de moins de 800 km tendent à représenter la plus forte part de l'ensemble des expéditions, en ce qui touche tant la valeur que le tonnage (graphique 4), ce qui rend compte du lien étroit entre les coûts de camionnage et la distance, sans oublier le fait que le coût du transport ferroviaire tend à devenir plus concurrentiel par rapport au coût du transport par camion à mesure que la distance augmente. C'est particulièrement le cas des échanges intérieurs, 86 % des expéditions, mesurées selon la valeur, sont effectuées sur une distance inférieure à 800 km, tandis que moins de 3,5 % des expéditions, selon la valeur, et moins de 1 %, selon le tonnage, couvrent une distance supérieure à 3 200 km (graphique 4). La part représentée par ces distances relativement courtes est nettement moins importante dans le cas des échanges transfrontaliers; ainsi, les expéditions sur une distance supérieure à 800 km représentent 52 % de la valeur des exportations et 58 % de la valeur des importations. En raison de cette variation touchant la distance d'expédition d'un type d'échange à l'autre, il faut recourir à une approche multivariée pour comparer les coûts de camionnage en tenant compte de la distance. Cela rend également plus complexe la comparaison des coûts de camionnage ad valorem relativement aux échanges intérieurs et aux échanges transfrontaliers, du fait que les distances plus longues associées à ces derniers peuvent donner lieu à des coûts ad valorem plus élevés.

3   Modèle économétrique

3.1  Spécification

Le coût de camionnage par expédition comporte un élément fixe et un élément variable (transport de ligne). L'élément fixe comprend les coûts des installations, des assurances et des terminaux (chargement et déchargement), de même que les coûts rattachés au passage de la frontière. L'élément variable comprend des coûts qui varient selon la distance (par exemple les coûts liés au chauffeur, le carburant, la dépréciation et l'entretien des véhicules). Bien que différents facteurs peuvent influer sur le coût d'expéditions spécifiques, comme la congestion dans des corridors particuliers et la probabilité d'obtenir une charge au retour, on peut raisonnablement supposer que la plus grande partie de la variation des revenus par expédition s'explique par une règle simple d'établissement des prix qui tient compte des coûts fixes par expédition engagés par les entreprises ( alpha ) ainsi que des coûts variables (transport de ligne) par kilomètre de distance des expéditions ( bêta) :  r indice ijl égale c indice ijl égale alpha plus bêta d indice ijr est le revenu (prix demandé) par expédition, c est le coût, d est la distance et i, j et l sont les indices de l'origine, de la destination et de l'expédition, respectivement. On présume que tous les bénéfices économiques sont aplanis par le jeu de la concurrence, de sorte que, dans le cas d'une expédition moyenne, il y a égalisation des revenus et des coûts. Les entreprises établissent probablement leurs prix au kilomètre en fonction d'une charge complète (ou d'une charge moyenne), ce qui supposerait la fonction de revenu suivante : 

t* est le tonnage inconnu (correspondant, par exemple, à une charge complète) servant à établir les prix. Partant de là, le coût de transport de ligne implicite par tonne-kilomètre selon cette règle d'établissement des prix sera bêta sur t exposant *. Cela signifie que, dans le cas d'une charge dont le tonnage est inférieur à t*, le taux par tonne-kilomètre devra être mis à l'échelle pour que la règle d'établissement des prix au kilomètre 10  soit maintenue : 

phi ouvrir les parenthèses t exposant * moins t indice l fermer les parenthèses est le coefficient d'échelle correspondant à une approximation linéaire de la relation entre le prix par tonne-kilomètre et la règle d'établissement des prix au kilomètre. (La correction exacte est bêta sur t, l'équation devenant alorsnon linéaire en regard de ses paramètres.) La multiplication des termes entre crochets par d indice ij t indice l donne : 

On peut procéder à l'estimation de l'équation (4) à l'aide de la forme quadratique simple suivante : 

delta égale la fraction bêta sur t exposant * plus phi t exposant * et sigma égale phi négatif l'on s'attendra à ce que la valeur de delta soit positive et à ce que celle de sigma soit négative.

L'équation (5) est augmentée d'un terme de distance additionnel ayant pour objet de rendre compte des cas où il n'y a aucune charge au retour (voyage à vide). Dans un tel cas, le revenu par expédition sera fonction à la fois des tonnes-kilomètres, ce qui correspond à la charge expédiée au départ, et de la simple distance, qui reflète le voyage de retour à vide. En conséquence, l'on s'attendra à ce que la majoration du prix d'expédition découlant du fait de ne pas obtenir de charge au retour correspondra simplement au produit du taux par kilomètre gamma (au titre de la distance franchie à vide), de la distance et de la probabilité (P) de ne pas obtenir de charge : 

Enfin, un terme de la distance au carré est incorporé à l'équation (5) de manière à prendre en compte tout effet non linéaire de la distance sur les revenus. Une telle non-linéarité peut exister si la probabilité de ne pas obtenir de charge au retour diminue avec la distance. Dans le cas d'expéditions sur de courtes distances, le supplément perçu au titre de la portion du voyage qui se fait à vide représentera une fraction relativement petite du coût assumé par les expéditeurs, étant donné que les coûts fixes représenteront une fraction importante de ce coût. Mais, plus la distance est grande, plus le supplément constitue une part importante du coût pour les expéditeurs, ce qui entraîne une baisse de la demande de services d'expédition si l'on n'a pas déjà prévu une charge pour le retour. L'ajout d'un terme d'erreur à l'équation (5) donne l'équation suivante : 

L'équation (7) comporte donc un élément correspondant aux coûts fixes et un autre correspondant aux coûts variables (transport de ligne). L'effet marginal de la distance dépendra du nombre de tonnes des expéditions et — du fait du terme au carré — de la distance elle-même.

3.2  Estimations

Pour que l'effet de la distance et du tonnage sur les revenus des transporteurs puisse varier d'une catégorie de transporteurs à l'autre (charges complètes, charges partielles, transport spécialisé), des modèles distincts sont estimés pour chacune (tableau 2). Pour les catégories de transporteurs de charges complètes et de charges partielles, l'échantillon se limite aux expéditions sur une distance de moins de 5 000 km et de moins de 23 tonnes. Pour ce qui est des transporteurs spécialisés, où les charges plus lourdes sont plus fréquentes (poids médian de 26 tonnes), l'échantillon comprend uniquement les charges se situant en deçà du 95e centile (environ 52 tonnes ou moins). Les expéditions franchissant une distance de plus de 5 000 km sont exclues parce qu'elles présentent probablement un caractère idiosyncrasique (par exemple une expédition à destination du Nord canadien). En dépit de cette restriction, à peu près toutes les paires de villes importantes sont prises en compte. À titre d'exemple, la distance séparant Halifax et Los Angeles, qui constituent l'une des paires de villes les plus éloignées l'une de l'autre, est d'environ 4 700 km. La limite applicable à la charge pour les transporteurs de charges complètes et de charges partielles (moins de 23 tonnes) correspond en gros au tonnage maximal autorisé sur la plupart des autoroutes d'Amérique du Nord. Pour les expéditions de plus fort tonnage, il faut probablement obtenir des autorisations particulières qui auront comme effet de hausser le coût d'expédition, indépendamment des autres facteurs pouvant entrer en jeu. Les essais du modèle en vue d'évaluer la sensibilité des résultats à des tonnages plus élevés pour ces deux catégories de transporteurs n'ont révélé aucun effet qualitatif sur les estimations.

Dans le but de faciliter l'analyse, les données transversales pour la période allant de 2004 à 2009 sont regroupées. Évidemment, au cours de cette période, tant les coûts fixes que les coûts variables associés à chaque expédition peuvent avoir augmenté. Pour prendre en compte cette éventualité, le modèle correspondant à l'équation (7) est augmenté d'une tendance temporelle (y) et de son interaction avec les tonnes-kilomètres (t x d x y) (se reporter à l'équation (8)). On a aussi testé l'interaction de la tendance temporelle et de la distance uniquement (d x y), mais l'effet n'était pas statistiquement significatif.

La tendance temporelle (et son interaction avec les tonnes-kilomètres) est également mise en interaction avec un vecteur de variables binaires du type d'échange, pu, qui indique s'il s'agit d'expéditions intérieures (d), d'exportations (x) ou d'importations (m), où vecteur u composé de d, x, m Avec cette forme fonctionnelle, il peut y avoir des coefficients différents selon le type d'échange.

Enfin, de manière à tenir compte de la variabilité des revenus selon les biens transportés, le modèle comporte un vecteur d'effets fixes de biens au niveau à cinq chiffres de la Classification type des biens transportés, vecteur lambda indice kk est l'indice des biens 11 . Il peut y avoir beaucoup de raisons pour lesquelles les revenus varieront en fonction des biens. Par exemple, le transporteur qui doit effectuer l'expédition de biens de grande valeur tendra à demander un prix plus élevé en contrepartie d'un niveau de service supérieur sur le plan tant de la vitesse que de la fiabilité. Donc, au final, l'équation des revenus sous sa forme estimée est : 

En guise de dernière observation d'ordre économétrique, mentionnons que les valeurs p sont fondées sur des erreurs types robustes, corrigées de la corrélation des erreurs au titre des expéditions transportées par la même entreprise. On a aussi fait l'essai du modèle au moyen d'une estimation jackknife tenant mieux compte du plan de sondage de l'Enquête sur l'origine et la destination des marchandises transportées par camion (annexe, section 6.2). Ces estimations laissent croire que les valeurs p du tableau 3 sont fiables.

Avant de commenter en détail la variation des revenus des transporteurs selon que les expéditions sont intérieures ou transfrontalières, il convient d'établir les grandes tendances qui ressortent des résultats. En premier lieu, peu importe le type d'échange ou la catégorie de transporteurs, il y a toujours des coûts fixes importants qui sont associés aux expéditions. En second lieu, en tenant la distance constante, le coût par tonne expédiée augmente. Cependant, cet effet marginal diminue avec l'augmentation du nombre de tonnes, ce qui concorde avec le fait qu'au moins une partie des entreprises établissent leurs prix au kilomètre. Les coûts augmentent généralement avec la distance, mais l'influence de cette dernière est plus marquée dans le cas des expéditions transfrontalières et des expéditions effectuées par les transporteurs spécialisés, car l'on s'attend à ce qu'il soit plus difficile d'obtenir une charge au retour. L'effet de la distance est typiquement non linéaire, et l'effet marginal correspondant diminue avec la distance.

La principale question posée au départ était de savoir si les coûts fixes et les coûts de transport de ligne différaient de façon significative entre les expéditions intérieures et les expéditions transfrontalières. Le graphique 5 fait état des coûts fixes des transporteurs de charges complètes par type d'échange 12 . Étant donné que les transporteurs de charges complètes assurent la majorité des expéditions transfrontalières, les commentaires portent principalement sur eux. Il sera question plus loin des résultats présentés au tableau 3 pour les transporteurs de charges partielles et les transporteurs spécialisés.

Tout au long de la période allant de 2004 à 2009, les coûts fixes reliés aux exportations ont été plus élevés que ceux associés aux échanges intérieurs, mais ils ont augmenté plus lentement. En 2004, les coûts fixes relatifs aux exportations équivalaient à 180 % environ de ceux des échanges intérieurs; en 2009, cette proportion était de 150 %. Dans le cas des importations, les coûts fixes par expédition au début de la période étaient statistiquement indistinguables de ceux applicables aux échanges intérieurs. Toutefois, étant donné que les coûts fixes liés aux importations ont augmenté plus rapidement, ils atteignaient un niveau nettement supérieur à la fin de la période. La chose peut s'expliquer par les mesures de sécurité additionnelles prises par l'administration américaine, l'État canadien en venant subséquemment à prendre des mesures similaires.

Il est difficile de déterminer le ou les facteurs qui sont à l'origine de ces tendances touchant les coûts fixes rattachés aux échanges transfrontaliers. Du fait que les temps d'attente moyens à la frontière ont diminué à la plupart des postes frontaliers, on pourrait s'attendre à une convergence des effets fixes touchant les exportations et les importations avec ceux observables pour les expéditions intérieures. Cependant, des temps d'attente plus courts ne signifient pas forcément que le coût associé au passage de la frontière a diminué. En fait, différents programmes mis sur pied afin de réduire la congestion à la frontière imposent un coût important aux expéditeurs et aux transporteurs. Par exemple, un manifeste doit être transmis par voie électronique à l'égard de chaque camion une heure avant l'arrivée du camion à la frontière. De cette manière, les autorités frontalières peuvent accélérer le dédouanement en procédant à l'avance à une évaluation du risque; toutefois, cela se traduit par un coût additionnel à assumer par les transporteurs. De même, les temps d'attente plus courts peuvent être attribuables en partie aux programmes axés sur les « négociants dignes de confiance », comme le Customs-Trade Partnership Against Terrorism (C-TPAT) aux États-Unis et le programme Partenaires en protection au Canada : en échange d'un dédouanement plus rapide à la frontière, les participants à ces programmes acceptent d'investir dans des installations, du matériel et du personnel en vue de renforcer la sécurité au niveau de la chaîne d'approvisionnement. Une entreprise dont les opérations sont judicieuses ne participera à de tels programmes que si la hausse de revenus qui en découle lui permet de recouvrer le coût de conformité.

Les résultats présentés au tableau 3 sont utiles aux fins de mettre en lumière les éléments composant les coûts de transport de ligne; par contre, du fait du grand nombre de termes d'interaction, ces résultats ne sont pas aussi appropriés lorsque l'on veut déterminer si les coûts de transport de ligne des échanges intérieurs diffèrent de ceux des échanges transfrontaliers. C'est à cette fin que le graphique 6 fait état des coûts de transport de ligne par kilomètre pour les expéditions sur des distances de100 km, 800 km, 1 600 km et 3 200 km en 2004 et en 2009. Les estimations ont trait à une charge de 10 tonnes, ce qui est proche de la moyenne dans le cas des échanges intérieurs et des échanges transfrontaliers assurés par les transporteurs de charges complètes (tableau 2).

Selon le modèle, une charge de 10 tonnes expédiée sur une distance de 100 km en 2004 donnera lieu à des coûts de transport de ligne de 0,91 $ le kilomètre s'il s'agit d'une expédition intérieure, comparativement à 1,21 $ et de 1,09 $ dans le cas d'exportations et d'importations, respectivement (graphique 6)  13 . Les coûts de transport de ligne par kilomètre sont plus élevés pour les expéditions transfrontalières parce que l'effet de distance est plus marqué, tout comme son interaction avec le nombre de tonnes expédiées (tonnes-kilomètres). À mesure que la distance augmente, l'effet marginal correspondant diminue, ce qui explique la baisse des coûts de transport de ligne au fil des distances pour les exportations et, à un degré moindre, pour les importations. Par conséquent, il y aura convergence, quoique incomplète, de ces coûts entre expéditions intérieures et expéditions internationales sur les distances les plus longues. Les coûts de transport de ligne pour les expéditions intérieures sur une distance de 3 200 km sont de 0,87 $ le kilomètre, contre 1,00 $ et 1,03 $ pour les exportations et les importations, respectivement.

Entre 2004 et 2009, les coûts de transport de ligne par kilomètre pour l'expédition d'une charge de 10 tonnes ont augmenté de 10 % dans le cas des expéditions intérieures et de 14 % dans celui des importations, mais ils ont diminué de 4 % pour ce qui est des exportations. De ce fait, les coûts par kilomètre tendaient à converger entre les échanges intérieurs et les exportations, mais à diverger entre les échanges intérieurs et les importations (graphique 6).

Les tendances divergentes dans l'évolution des coûts de transport de ligne par kilomètre entre exportations et importations laissent supposer qu'un changement a eu lieu dans le régime d'échanges commerciaux, le problème de retour à vide en venant à toucher principalement les importations plutôt que les exportations canadiennes comme c'était le cas au départ. En d'autres termes, alors qu'il était plus fréquent à une époque que les camions transportant des biens du Canada vers les États-Unis soient vides lors du voyage de retour, ce sont maintenant les camions transportant des biens américains vers le Canada qui sont aux prises avec ce problème. Durant la période visée par l'étude, l'appréciation du dollar canadien et la faiblesse macroéconomique aux États-Unis ont coïncidé avec la baisse de l'excédent commercial avec les États-Unis 14 . Parallèlement, les exportations de pétrole et de gaz naturel, dont l'expédition se fait par pipeline, ont constamment augmenté en proportion de l'ensemble des exportations canadiennes. Par conséquent, lorsque l'on examine uniquement les expéditions par camion, ce sont les expéditions de biens depuis les États-Unis qui en sont venues à prédominer (graphique 7). En effet, en 2004, la valeur des échanges commerciaux canado-américains par camion était équilibrée entre importations et exportations, tandis que, en 2009, les exportations ne représentaient que 79 % de la valeur des importations. Il se peut que d'autres facteurs entrent en jeu, mais ce profil des échanges concorde avec l'augmentation des coûts de transport de ligne pour les importations par rapport aux exportations.

Bien que les tendances associées aux coûts fixes et aux coûts de transport de ligne des transporteurs de charges partielles et des transporteurs spécialisés soient en général similaires à celles observées pour les transporteurs de charges complètes, il existe certaines différences manifestes. D'abord, les coûts fixes additionnels qui sont associés aux échanges transfrontaliers sont plus élevés pour les transporteurs de charges partielles que pour les deux autres catégories de transporteurs. Cela concorde avec des temps d'attente plus longs à la frontière, étant donné que les transporteurs de charges partielles sont plus susceptibles de voir leurs expéditions faire l'objet d'une inspection secondaire. L'effet des coûts fixes additionnels associés aux exportations et aux importations était à peu près le même au début de la période, mais la tendance était positive et significative dans le cas des exportations.

Ensuite, l'effet de la distance était moins marqué pour les transporteurs de charges partielles que pour les transporteurs de charges complètes, tout en demeurant non significatif, tandis que le coefficient de la distance était plus élevé pour les transporteurs spécialisés que pour ceux transportant des charges complètes. Là encore, ce profil concorde avec la nature de ces transporteurs. Les transporteurs de charges partielles se concentrent sur les transports entre terminaux, et la probabilité de trouver une charge pour le retour est élevée. Étant donné que les transporteurs spécialisés sont quant à eux moins susceptibles d'obtenir une charge au retour, on peut s'attendre à ce que le coefficient de la distance soit positif dans leur cas. De même que pour les transporteurs de charges complètes, le coefficient de la distance est plus élevé dans le cas des expéditions transfrontalières que dans celui des expéditions intérieures.

4   Coûts de camionnage ad valorem

Ainsi que cela a été mentionné précédemment, les coûts ad valorem associés au transport de biens par camion correspondent tout simplement aux revenus de camionnage divisés par la valeur des biens expédiés. Ces coûts varient en fonction du coût de transport des biens et de la valeur de ces derniers. L'objectif consiste à estimer le coût ad valorem du transport de biens à l'intérieur du pays comparativement à celui des transports transfrontaliers.

Au cours de la période allant de 2004 à 2009, les coûts de camionnage ont représenté en moyenne 2,2 % de la valeur des biens expédiés à l'intérieur du pays. Entre 2004 et 2007, les coûts ad valorem sont passés de 2,1 % à 2,6 % avant de redescendre à 2,0 % en 2009 (graphique 815 . Ce profil concorde avec une hausse des coûts du carburant, ce qui pourrait avoir entraîné l'augmentation des taux ad valorem entre 2004 et 2007. Même si les prix du diesel ont plafonné en 2008 16 , la détérioration de l'environnement macroéconomique en 2008 et en 2009 a néanmoins engendré des pressions sur les coûts de transport, ce qui, conjugué à la hausse de la valeur estimative par tonne de biens expédiés, explique sans doute la diminution des coûts ad valorem de transport par camion après 2007.

Les coûts de camionnage ad valorem ont été plus élevés pour les exportations et les importations que pour les expéditions intérieures (graphique 8) lors de chacune des années étudiées, mais ces coûts ont évolué de façon différente au fil du temps. Tandis que les taux applicables aux exportations tendaient à baisser, c'était le contraire pour ceux applicables aux importations, à un point tel que, en 2009, leurs positions respectives étaient interverties par rapport à ce qu'elles étaient en 2004. Évidemment, ces taux ne rendent pas compte de la variabilité de la distance d'expédition et des biens composant les expéditions d'un type d'échange à l'autre, ce qui a une incidence sur la comparabilité des coûts de camionnage ad valorem entre expéditions intérieures et expéditions transfrontalières 17 .

Pour résoudre ce problème, les revenus par expédition pour les exportations et les importations sont prédits en se fondant sur les paramètres des échanges intérieurs. Ces estimations contrefactuelles des revenus servent ensuite à calculer des coûts ad valorem contrefactuels. L'écart entre les coûts ad valorem des échanges et ces coûts ad valorem contrefactuels peut être envisagé comme l'équivalent tarifaire du coût additionnel à assumer pour expédier des biens vers les États-Unis et des États-Unis vers le Canada. Ces droits tarifaires peuvent ensuite être subdivisés entre coûts fixes et coûts de transport de ligne. Les coûts fixes consisteront en coûts additionnels à la frontière (retards, coûts de conformité, etc.) qui seront transférés par le transporteur à l'expéditeur, et les coûts de transport de ligne seront en partie attribuables à des coûts additionnels associés au retour à charge. Il faut toutefois faire preuve de prudence en ce qui touche cette interprétation de la fraction de l'équivalent tarifaire consistant en coûts de transport de ligne, car on ne sait pas vraiment quelle portion de ces coûts plus élevés est associée à la possibilité d'un retour à charge.

La première étape pour estimer le coût contrefactuel d'expédition dans le cas des exportations et des importations est de prédire les coûts ad valorem selon les paramètres du tableau 3 (graphique 8). Dans chaque cas, on constate une concordance fort étroite entre les coûts ad valorem prédits et les coûts réels.

L'étape suivante consiste à estimer les coûts de camionnage ad valorem à partir des paramètres contrefactuels. Pour 2004, les coûts ad valorem relatifs aux exportations diminuent de 0,5 point de pourcentage environ lorsque les coûts fixes sont ramenés au niveau des expéditions intérieures, et de 0,4 point de pourcentage de plus lorsque l'on fait de même avec les coûts de transport de ligne (graphique 9). En 2009, les coûts fixes ad valorem demeurent à peu près inchangés, bien que les coûts fixes applicables aux exportations aient augmenté durant cette période (à tout le moins pour les transporteurs de charges partielles et les transporteurs spécialisés; se reporter au tableau 3). Cela laisse penser que la valeur des exportations a augmenté de pair avec les coûts fixes. L'apport des coûts de transport de ligne additionnels au regard des exportations a diminué au cours de la période, de sorte que, en 2009, ces coûts particuliers n'avaient aucun effet sur les coûts ad valorem d'exportation vers les États-Unis.

En ce qui a trait aux importations, l'apport des coûts fixes à l'excédent des coûts ad valorem sur ceux observés pour les expéditions intérieures équivalentes est passé en gros d'un dixième de point de pourcentage en 2004 à un quart de point de pourcentage en 2009. Les coûts fixes ad valorem supérieurs dans le cas des importations équivalaient au quart environ des coûts additionnels correspondants pour les exportations au début de la période, et à la moitié environ à la fin de la période. Les coûts de transport de ligne additionnels associés aux importations ont joué un rôle plus important, passant de 0,3 point de pourcentage en 2004 à 0,6 point de pourcentage en 2008. La hausse de ces coûts particuliers pour les importations et leur baisse pour les exportations semblent concorder avec un changement dans le régime des échanges, le problème lié à l'obtention d'une charge au retour passant de la partie du trajet vers le Canada à celle vers les États-Unis pour les transporteurs établis au Canada.

Ainsi que cela a été mentionné précédemment, la différence entre les coûts de camionnage ad valorem prédits et les coûts ad valorem contrefactuels prédits peut être interprétée comme étant en quelque sorte un droit tarifaire associé au système de transport et applicable aux échanges transfrontaliers (graphique 11), en ce sens que cela représente le coût additionnel que le transporteur transfère à l'expéditeur au titre du transport de biens vers les États-Unis et depuis les États-Unis vers le Canada. Au début de la période examinée, le coût additionnel des échanges transfrontaliers équivalait à des droits tarifaires de 0,9 % sur les exportations et de 0,4 % sur les importations. Or, de 2004 à 2009, les équivalents tarifaires ad valorem applicables aux exportations et aux importations ont affiché des tendances différentes, en venant à être à l'opposé de ce qu'ils étaient au départ.

Ces équivalents tarifaires peuvent paraître peu élevés, mais ils représentent néanmoins un ajout substantiel aux coûts de transport. Par exemple, en 2004, il en coûtait 31 % de plus pour exporter des biens aux États-Unis que pour expédier les mêmes biens sur la même distance au Canada. La même année, le coût d'importation de biens des États-Unis, calculé ad valorem, était de 18 % plus élevé que pour une expédition intérieure équivalente. À la fin de la période, ces proportions étaient inversées : en effet, en 2009, il en coûtait 15 % de plus pour exporter et 28 % de plus pour importer des biens donnés que pour expédier ces mêmes biens à l'intérieur du Canada.

L'effet global de ces équivalents tarifaires dépend aussi de la composition des biens échangés, selon qu'il s'agit de biens finis ou de biens intermédiaires. Prenons l'exemple d'un bien intermédiaire importé des États-Unis et utilisé pour produire un bien fini (dont il représentera 50 % de la valeur), puis exporté aux États-Unis : l'équivalent tarifaire applicable à l'égard du bien fini serait de 0,9 % (en 2004), plus 50 % de l'équivalent tarifaire applicable aux intrants intermédiaires, ce qui signifie que l'équivalent tarifaire total se chiffrerait à 1,10 % approximativement. Cet effet cumulatif est particulièrement marqué dans le cas des chaînes d'approvisionnement du secteur de l'automobile, où les composants intermédiaires sont fréquemment expédiés de l'autre côté de la frontière de façon répétée (Andrea et Smith, 2002).

5   Conclusion

En dépit de l'élimination des obstacles tarifaires officiels entre le Canada et les États-Unis, le niveau des échanges commerciaux entre les deux pays laisse penser que certains obstacles subsistent. L'objet de la présente étude était de déterminer l'effet des coûts rattachés au système de transport proprement dit sur les échanges, en particulier les coûts d'expédition transfrontalière de biens entre le Canada et les États-Unis.

Le camionnage constitue le principal mode d'expédition transfrontalière de biens, et il remplit donc un rôle important dans l'intégration des économies des deux pays. Les coûts de camionnage plus élevés dans le cas des échanges transfrontaliers par rapport aux échanges intérieurs découlent à la fois de coûts fixes par expédition plus élevés, surtout pour les exportations, et de coûts de transport de ligne supérieurs. Les coûts fixes plus élevés correspondent au coût lié au temps d'attente et au coût de conformité à la frontière, ces coûts étant transférés aux consommateurs des services de camionnage. Quant aux coûts de transport de ligne plus élevés, ils découlent de difficultés d'obtenir une charge pour le voyage de retour, peut-être en raison de la réglementation applicable aux droits de cabotage. Les coûts additionnels liés aux échanges transfrontaliers équivalent à des droits tarifaires ad valorem oscillant entre 0,4 % et 0,9 %, selon l'année et le type d'échange (exportations ou importations). Bien que peu élevé en apparence, ce pourcentage équivaut à près du quart des droits de douane (pondérés par le volume des échanges) avant l'avènement du libre-échange. De plus, si des biens passent la frontière à de multiples reprises, l'effet de ces droits tarifaires additionnels associés au transport augmente encore.

Les coûts mesurés ici ne constituent qu'une partie du coût total d'expédition transfrontalière de biens. Selon les estimations de Taylor et coll. (2004), les coûts institutionnels assumés directement par les entreprises exportatrices (comme les coûts au titre de l'administration douanière) sont aussi importants, sinon plus, que ceux qui sont transférés à ces entreprises par les transporteurs de marchandises. (En dépit du fait que les biens échangés entre le Canada et les États-Unis ne soient pas assujettis à des droits de douane, les deux pays n'ont pas conclu d'union douanière, ce qui signifie que des déclarations en douane sont requises pour tous les biens qui traversent la frontière.) Cela dit, il est peu probable que le coût total d'expédition transfrontalière à proprement parler représente plus que 4 % ou 5 % de l'équivalent tarifaire ad valorem. Il y a par contre des études économétriques où l'on infère des taux de 20 % ou plus d'après les flux commerciaux observés (Chaney, 2008). Pour le reste, cet effet peut être attribué à différents facteurs, comme la réglementation, les normes techniques, l'établissement de stratégies de commercialisation nationales plutôt qu'internationales, certains obstacles aux communications et à la passation de marchés entre entreprises canadiennes et américaines, ou encore des politiques d'approvisionnement établies dans une optique nationale.

6   Annexe

6.1  Estimation de la valeur par tonne de biens

Il est difficile d'obtenir des estimations de la valeur par tonne selon les biens et la catégorie de distance à partir de sources canadiennes. On peut toutefois produire des estimations au moyen de deux ensembles de données du Bureau of Transportation Statistics des États-Unis (BTS), soit les North American Transborder Freight Data (NATFD) et la Commodity Flow Survey (CFS) (2007). Les NATFD contiennent des données sur le mode de transport, la valeur et le tonnage des biens exportés du Canada vers les États-Unis, en appariant la province d'origine et l'État de destination. La CFS fournit des estimations similaires par catégorie de distance pour les biens expédiés à l'intérieur des États-Unis  18 .

On peut soutenir que les NATFD fournissent une estimation raisonnable de la valeur par tonne des exportations canadiennes, et également des expéditions intérieures canadiennes, étant donné que l'information que l'on y retrouve est fondée sur des biens produits au Canada. Par contre, appliquer ces mêmes valeurs par tonne aux importations en provenance des États-Unis pourrait soulever des problèmes, car les biens produits aux États-Unis tendent à présenter une valeur par tonne supérieure, ce qui hausse leur ratio de la valeur au poids. Afin de résoudre ce problème, on utilise les données de la CFS pour obtenir une valeur par tonne dans le cas des importations depuis les États-Unis.

Il faut surmonter plusieurs obstacles si l'on veut combiner ces ensembles de données. Les NATFD et l'Enquête sur l'origine et la destination des marchandises transportées par camion (ODMTC) font appel à des systèmes de codage de biens différents, mais apparentés. Dans les NATFD, les flux commerciaux sont classés selon les codes à deux chiffres du Système harmonisé (SH), tandis que, aux fins de l'Enquête sur l'ODMTC, on utilise plutôt les codes à cinq chiffres de la Classification type des biens transportés (CTBT). Afin de rapprocher les deux, les codes à cinq chiffres de la CTBT sont classés en fonction des codes à deux chiffres du SH au moyen d'un tableau de concordance 19 . Étant donné qu'il n'y a pas de codes du SH équivalant aux biens transportés divers (code 42 de la CTBT), les expéditions de tels biens sont exclues de l'analyse.

Une fois chaque expédition classée en fonction des codes à deux chiffres du SH, on peut établir un lien avec les valeurs par tonne selon le bien dans les NATFD. Cependant, comme cela a déjà été précisé, la valeur par tonne tendra aussi à varier selon la distance d'expédition. C'est pourquoi la valeur par tonne est mesurée selon le bien et la catégorie de distance : moins de 800 km; de 800 km à 1 599 km; de 1 600 km à 3 199 km; 3 200 km ou plus 20 . C'est à dessein que des catégories aussi larges ont été utilisées, de manière que chacune comprenne un nombre raisonnablement élevé de paires État-province. Il s'agit d'un point important, car certains flux entre une province et un État donnés se sont révélés être idiosyncrasiques, présentant des valeurs par tonne très basses ou très élevées par rapport à la moyenne. En guise de mesure additionnelle pour réduire les effets de ces valeurs extrêmes, les flux pris en compte sont uniquement ceux dont la valeur par tonne se situe au-dessus du 5e centile et en deçà du 95e centile.

Il y a deux façons de mesurer la valeur par tonne d'un bien donné selon sa classification dans le SH. Dans le cas des biens pour lesquels on ne dispose pas d'un gradient clair de la valeur en fonction de la distance, la valeur par tonne correspondra à la valeur totale des expéditions province-État divisée par le poids total de ces expéditions. Si l'on dispose d'un tel gradient, la valeur par tonne sera calculée en fonction des quatre catégories de distance énoncées précédemment. Ces estimations de la valeur par tonne selon le bien (et la catégorie de distance, le cas échéant) servent à estimer la valeur par tonne pour les échanges intérieurs et les exportations.

Les biens assortis d'un gradient de la valeur en fonction de la distance positif doivent remplir l'une des deux conditions suivantes : 

  1. il y a une hausse monotone de la valeur par tonne au fil des catégories de distance;
  2. la valeur par tonne augmente à au moins deux reprises au fil des catégories de distance, y compris entre la troisième et la quatrième, et la valeur par tonne pour la catégorie de distance la plus longue est de 25 % supérieure à celle observée pour la catégorie correspondant aux distances les plus courtes.

La première de ces conditions rend compte du fait qu'il est peu probable que des facteurs idiosyncrasiques donnent lieu à une augmentation monotone de la valeur par tonne, peu importe le gradient. L'autre condition sert à contrebalancer une règle plus faible en termes de gradient de la valeur en fonction de la distance présentant une uniformité acceptable par rapport à un écart relativement marqué entre la catégorie de distance la plus courte et celle la plus longue. La règle voulant qu'il y ait une hausse entre la troisième catégorie et la quatrième est imposée parce que, dans la plupart des cas, lorsqu'il y a un gradient, une rupture tend à survenir entre ces deux catégories sous forme de hausse marquée du ratio de la valeur au poids, ce qui pourrait découler de la nature (partiellement) ouverte de la catégorie comprenant les distances les plus longues.

Ainsi que cela a été indiqué plus haut, il pourrait être erroné d'estimer la valeur par tonne des importations en se fondant sur les exportations canadiennes. La valeur par tonne selon le bien et la catégorie de distance d'après la CFS de 2007 sert à ajuster la valeur de ces importations. Les données de la CFS font état de la valeur des biens expédiés et de leur poids total selon les mêmes catégories de distance à partir des codes à deux chiffres de la Classification type des biens transportés (CTBT). On calcule le ratio de la valeur par tonne selon la CFS à la valeur par tonne déterminée à partir des NATFD, selon le code à deux chiffres de la CTBT et la catégorie de distance. Ce ratio sert ensuite à ajuster à la hausse ou à la baisse la valeur par tonne pour toutes les années d'enquête relativement aux importations en provenance des États-Unis, dont le niveau a été établi au départ à l'aide des NATFD.

Préalablement à l'ajustement de valeur pour les importations, aux fins d'améliorer la qualité des estimations, des ajustements ont été apportés aux estimations initiales de la valeur par tonne fondées sur les codes à deux chiffres de la CTBT qui avaient été faites à partir des données des NATFD sur les exportations.

Dans plusieurs cas, les codes à deux chiffres du SH avaient été mis en concordance avec deux codes à deux chiffres de la CTBT ou même plus, ce qui a eu pour effet de réduire la variabilité de la valeur par tonne des biens en question ou a entraîné une erreur importante. La meilleure façon de décrire la solution afin de corriger l'erreur est d'utiliser un exemple 21 . La valeur par tonne applicable aux biens correspondant au code 08 de la CTBT (boissons alcoolisées) est fondée sur la valeur par tonne qui correspond au code 22 du SH (boissons, liquides alcooliques et vinaigres) et qui est établie d'après les NATFD. Or, les boissons alcoolisées présentant une valeur par tonne plus élevée que d'autres boissons, la valeur par tonne associée au code 08 de la CTBT tendrait à être sous-estimée. Pour régler ce problème, la valeur par tonne pour le code 08 de la CTBT, calculée selon les données de la CFS, et le ratio de cette valeur par tonne à celle (entachée d'erreur) fondée sur les NATFD est multiplié par la valeur par tonne du même code de la CTBT pour toutes les années.

Aux fins de permettre une plus grande variabilité, la solution a consisté à estimer le ratio de la valeur par tonne selon la CFS pour chaque code à deux chiffres de la CTBT à la valeur agrégée par tonne pour l'ensemble des codes de la CTBT correspondant au code à deux chiffres du SH 22 . Ce ratio sert ensuite à ajuster la valeur par tonne au niveau des codes à deux chiffres de la CTBT pour toutes les années. Une fois ces ajustements apportés à la valeur par tonne de toutes les expéditions, on procède à l'étape suivante afin de modifier la valeur des importations en provenance des États-Unis au moyen des valeurs par tonne calculées à partir de la CFS.

6.2  Estimations jackknife du modèle

Les erreurs types analytiques décrites plus haut relativement aux estimations des coefficients ne rendent pas entièrement compte de la conception de l'Enquête sur l'ODMTC. Ces erreurs types pourraient donc être biaisées. Afin de vérifier la robustesse, les modèles pour les transporteurs de charges complètes, les transporteurs de charges partielles et les transporteurs spécialisés ont fait l'objet de nouvelles estimations au moyen d'une procédure jackknife qui rend mieux compte de la conception de l'Enquête sur l'ODMTC 23  . La procédure exige des calculs substantiels, et il n'a pas été possible d'estimer le modèle de base en raison du nombre élevé de variables binaires de biens et également, dans le cas des transporteurs de charges partielles et des transporteurs spécialisés, du grand nombre d'observations.

Les tableaux 4, 5 et 6 présentent respectivement les estimations pour les transporteurs de charges complètes, les transporteurs de charges partielles et les transporteurs spécialisés. Chaque tableau comporte trois séries d'estimations. Aux fins de comparaison, le modèle 1 est fondé sur le modèle du tableau 3. Le modèle 2A est pareil au modèle 1, sauf que les variables binaires de biens selon les codes à cinq chiffres de la CTBT ont été exclues. Enfin, le modèle 2B est pareil au modèle 2A, sauf que les valeurs p sont fondées sur la méthode jackknife plutôt que sur les erreurs types analytiques. Les estimations relatives aux transporteurs de charges partielles et aux transporteurs spécialisés sont établies à partir d'un échantillon aléatoire de 10 % de l'ensemble des observations utilisées aux fins des estimations principales.

Deux points sont à souligner concernant les estimations. D'abord, qu'il y ait ou non des variables binaires de biens, la différence qualitative dans les estimations du modèle était peu marquée. Les estimations jackknife devraient donc être assez comparables aux estimations du modèle principal. Ensuite, dans presque tous les cas, les conclusions qualitatives touchant la signification statistique des estimations demeurent les mêmes, peu importe que les valeurs p reposent sur des erreurs types analytiques ou sur des erreurs types obtenues avec la méthode jackknife. Cela devrait accroître la confiance dans la robustesse des résultats présentés dans le corps du document.

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