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- Introduction
- Données et concepts
- Évolution de l’écart salarial entre les hommes et les femmes
- Évolution des différences salariales selon l’âge
- Écart salarial selon le niveau de scolarité
- Changements dans les écarts salariaux à l’intérieur des industries
- Changements dans la structure salariale des professions
- Conclusion
- Annexe
1 Introduction
Les salaires horaires sont la principale composante du revenu d’emploi et, étant donné que le revenu d’emploi est la principale source de revenus de la plupart des gens, ils sont un déterminant majeur du bien-être financier. La croissance différentielle des salaires influence la probabilité que différents groupes de personnes passent au-dessus ou sous le seuil de faible revenu et a un effet sur la capacité de s’acquitter de dépenses imprévues. Par ailleurs, les variations dans les salaires de groupes particuliers éclairent les discussions concernant la mesure dans laquelle divers groupes de travailleurs ont profité de la croissance de la productivité et du produit intérieur brut (PIB) au Canada au cours des trois dernières décennies.
Au Canada et dans de nombreux autres pays industrialisés, les salaires horaires des divers groupes de travailleurs ont augmenté à des taux substantiellement différents au cours des 30 dernières années. Une somme considérable d’ouvrages publiés remontant au milieu des années 1980 ont tenté de déterminer pourquoi les taux de rémunération de certains travailleurs ont augmenté plus rapidement que d’autres. Les changements technologiques, l’intensification du commerce international, des facteurs institutionnels (p. ex., la baisse du taux de syndicalisation, les rajustements des salaires minimums et les changements dans la fréquence de la rémunération au rendement), les variations dans l’offre de travail propre à certains groupes et les changements dans les normes sociales ont été proposés en tant que causes possibles de cette croissance différentielle des salaires 1 .
Même si l’importance relative des facteurs mentionnés précédemment est toujours discutable, deux questions simples, mais importantes, émergent :
- Quels sont les groupes de travailleurs canadiens et les secteurs de l’économie canadienne qui ont connu une croissance relativement plus forte des salaires réels au cours des trois dernières décennies?
- Dans quelle mesure l’accroissement du niveau de scolarité, l’acquisition d’expérience générale sur le marché du travail, l’ancienneté au sein des entreprises ou le mouvement vers des professions et industries fortement ou faiblement rémunérées expliquent-ils les différences observées dans la croissance des salaires réels de groupes de travailleurs?
La présente étude vise d’abord à examiner comment les salaires réels des travailleurs canadiens ont évolué de 1981 à 2011, selon cinq dimensions : sexe, âge, niveau de scolarité, industrie et profession.
Des recherches antérieures ont documenté plusieurs faits stylisés concernant l’évolution des salaires selon le sexe, l’âge et le niveau de scolarité. Même si les femmes continuent de gagner relativement moins que les hommes en moyenne, leurs salaires ont augmenté plus rapidement que ceux de leurs homologues de sexe masculin entre 1981 et 2008 (Baker et Drolet, 2010). Les jeunes travailleurs ont perdu du terrain par rapport aux travailleurs plus âgés pendant les années 1980 et 1990 (Picot, 1998; Morissette et Johnson, 2005), mais les différences de salaires entre les deux groupes se sont stabilisées entre 1995 et 2005 (Boudarbat et coll., 2010). Entre 1980 et 2005, les titulaires d’un diplôme universitaire, particulièrement les hommes, ont connu une croissance plus rapide de leurs salaires que les titulaires d’un diplôme d’études secondaires (Boudarbat et coll., 2010). Ce qui est advenu des salaires des hommes et des femmes, des travailleurs jeunes et plus âgés et des travailleurs plus scolarisés et moins scolarisés pendant la dernière moitié des années 2000 fait partie des questions abordées dans la présente étude.
Outre qu’elle met à jour les tendances salariales selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau de scolarité, l’étude examine aussi les tendances salariales dans les différentes industries et professions. De nombreuses questions se posent à cet égard. Par exemple, on ne sait pas clairement si les salaires dans les industries productrices de services ayant une main-d'oeuvre hautement qualifiée (comme la finance) ont augmenté en parallèle avec ceux des industries productrices de services ayant une main-d'oeuvre moins qualifiée (comme le commerce de détail) au cours des trois dernières décennies. L’avènement de technologies informatiques a-t-il coïncidé avec une augmentation plus grande du niveau de scolarité et, par conséquent, avec une croissance plus forte des salaires dans le premier groupe que dans le dernier? Qu’est-il arrivé des salaires dans les textiles, les produits en cuir et les vêtements, ce secteur ayant fait face à une concurrence accrue au niveau international? Comment les salaires ont-ils évolué dans l’extraction minière et l’extraction de pétrole et de gaz au cours de la dernière décennie, les prix mondiaux du pétrole et des ressources minières ayant augmenté de façon marquée? La croissance des salaires relativement forte qu’ont connue les gestionnaires à la fin des années 1990 et au milieu des années 2000, qui a été documentée par Morissette (2008), a-t-elle persisté durant les années subséquentes?
Outre qu’elle documente l’évolution des salaires selon les cinq dimensions mentionnées précédemment, l’étude examine pourquoi certains groupes de travailleurs, certaines industries et certaines professions ont connu une croissance plus rapide des salaires que d’autres. Il est bien connu que la scolarité, l’expérience de travail et l’ancienneté dans une entreprise comportent une corrélation positive avec les salaires. Par ailleurs, les salaires diffèrent selon l’industrie et la profession pour des travailleurs équivalents observés. Ainsi, certains groupes de travailleurs (p. ex., les femmes, les travailleurs plus âgés) peuvent avoir connu une croissance relativement forte de leurs salaires parce que leur niveau de scolarité, leur expérience de travail et/ou leur ancienneté auprès de leur employeur ont augmenté davantage que ceux d’autres groupes. Une partie de la croissance des salaires de ces travailleurs peut aussi être expliquée par une propension relativement élevée à travailler dans des industries et/ou des professions fortement rémunérées. L’étude quantifie l’importance de ces facteurs, appelés ci-après effets de composition, pour expliquer les différences dans la croissance des salaires des différents groupes de travailleurs, d'industries et de professions.
Outre les effets de composition, d’autres facteurs peuvent avoir entraîné une croissance différentielle des salaires de groupes de travailleurs, d’industries et de professions. Cela comprend les changements dans la demande ou dans l’offre de main-d’oeuvre découlant des changements technologiques, des préférences des consommateurs, du commerce international, des investissements directs étrangers, de l’immigration et des préférences de certains groupes pour les temps libres 2 . En outre, des changements dans les institutions du marché du travail (p. ex., dans les taux de syndicalisation, les salaires minimums et l’incidence de la rémunération au rendement), les normes sociales et la discrimination sur le marché du travail peuvent avoir entraîné des différences dans la croissance des salaires entre les groupes. Comme la détermination de l’effet causal de tous ces facteurs dans une analyse statistique représente une tâche immense, la présente étude ne tente pas de quantifier la contribution de ces facteurs 3 .
Dans la présente étude, on accorde une attention particulière à la première décennie du nouveau millénaire, pendant laquelle les salaires ont connu une croissance significative, après deux décennies de stagnation entre 1980 et 2000 (Plummer et Shannon, 2011). Comme le taux de chômage au Canada a été relativement faible au cours de la majeure partie des années 2000, atteignant un creux de 6,0 % en 2007, et que les salaires des travailleurs moins qualifiés ont tendance à augmenter lorsque le taux de chômage atteint des niveaux historiquement faibles (Mishel et coll., 2009), la croissance des salaires observée pendant les années 2000 peut avoir entraîné une réduction des différences salariales entre les travailleurs très scolarisés et leurs homologues ayant moins de scolarité, ou entre les travailleurs occupant des professions hautement qualifiées et les autres travailleurs. De même, la récession de 2008-2009 peut avoir touché les taux de rémunération des travailleurs canadiens dans une plus grande mesure dans certaines industries ou professions que dans d’autres.
L’étude est organisée de la façon suivante. La section 2 décrit les données et les concepts utilisés dans le document. Les sections 3, 4 et 5 analysent l’évolution des salaires respectivement selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau de scolarité. Les sections 6 et 7 documentent la croissance des salaires respectivement selon les industries et les professions. Une conclusion suit à la section 8.
2 Données et concepts
Le concept de rémunération utilisé dans la présente étude est le salaire horaire, qui représente la meilleure mesure de la rémunération directe, étant donné qu’il s’agit de la mesure du prix des services de main-d’oeuvre la plus pure disponible dans les enquêtes canadiennes. Les différences dans la quantité de main-d’oeuvre fournie, c’est-à-dire le nombre d’heures de travail par jour, le nombre de jours de travail par semaine, ou le nombre de semaines de travail par année, peuvent influencer d’autres mesures souvent utilisées, comme les gains hebdomadaires ou annuels.
Tout comme celle de Morissette et Johnson (2005), l’étude élabore une série chronologique de salaires horaires découlant de plusieurs enquêtes auprès des ménages :
- l’Enquête sur l’activité en 1981;
- l’Enquête sur l’adhésion syndicale de 1984;
- l’Enquête sur l’activité (EA) pour les années 1986 à 1990; et
- l’Enquête sur la population active (EPA) pour les années 1997 à 2011.
Toutes ces enquêtes couvrent la même population, sont fondées sur le plan de sondage de l’EPA et comprennent des renseignements sur les salaires horaires reçus par les travailleurs rémunérés dans leur emploi principal 4 . Ensemble, elles permettent une évaluation de l’évolution des salaires horaires de 1981 à 2011. Cette évaluation est possible dans une large mesure parce qu’on a commencé à recueillir des données sur les salaires horaires dans le cadre de l’EPA en 1997 5 .
Mis à part les salaires horaires, toutes ces enquêtes comprennent des renseignements sur l’âge et l’ancienneté des travailleurs, c’est-à-dire depuis combien de temps un travailleur est employé par une entreprise donnée, le niveau de scolarité, la syndicalisation, l’état matrimonial, la province de résidence, l’industrie et la profession. Ces covariables sont utilisées tout au long du document pour déterminer les sources de la croissance différentielle des salaires réels dans les différents groupes de travailleurs.
Étant donné que les codes d’industrie et de profession disponibles dans les ensembles de données utilisées pour la présente étude ont changé à la fin des années 1990 — passage de la Classification type des industries de 1980 (CTI 1980) et de la Classification type des professions de 1980 (CTP 1980) au Système de classification des industries de l’Amérique du Nord de 2007 (SCIAN 2007) et à la Classification nationale des professions pour statistiques de 2006 (CNP-S 2006) — l’évolution des salaires est documentée pour deux sous-périodes : 1981 à 1998 et 1998 à 2011 6 . Même si les codes d’industrie et de profession ne sont pas comparables entre les sous-périodes, ils le sont à l’intérieur de chacune. Dans la mesure du possible, les tendances sont présentées pour l’ensemble de la période de 30 ans, soit de 1981 à 2011 7 .
À moins d’indication contraire, l’échantillon est constitué de travailleurs rémunérés de 17 à 64 ans qui travaillaient à temps plein dans leur emploi principal en mai 8 . L’attention se limite aux emplois à temps plein, afin d’analyser les changements dans la structure salariale pour un échantillon d’emplois relativement homogène. D’autres échantillons mettent l’accent sur les travailleurs de 25 à 54 ans et excluent par conséquent les travailleurs plus jeunes, qui pourraient combiner des études et un emploi à temps plein, et les travailleurs plus âgés, qui pourraient envisager la retraite. Tout au long de l’étude, les salaires horaires sont exprimés en dollars constants de 2010, déflatés au moyen de l’Indice des prix à la consommation (d’ensemble).
Même si la rémunération par heure travaillée est un aspect important de l’emploi, d’autres aspects, par exemple, la couverture par un régime enregistré de retraite (RER) ou le caractère temporaire d’un emploi font aussi une différence. Ces aspects ne sont pas abordés dans la présente étude, afin que l’analyse soit gérable et aussi parce qu’on ne dispose pas de microdonnées sur la couverture d’un RER et l’incidence du travail temporaire pour l’ensemble de la période allant de 1981 à 2011 9 .
La présente étude dépend dans une large mesure de méthodes de décomposition pour procéder à des inférences concernant les facteurs qui expliquent pourquoi certains groupes de travailleurs ont connu une croissance des salaires plus rapide que d’autres au cours des trois dernières décennies. Ce faisant, l’étude permet la corrélation de variables explicatives et de facteurs non observables, qui ont des répercussions sur les salaires, mais elle repose sur l’hypothèse que la structure de dépendance entre les variables explicatives et les facteurs non observables est la même dans les groupes pour lesquels des décompositions sont effectuées. Par exemple, lorsque l’on tient compte du rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes dans l’étude, on présume que, même si les professions (ou la scolarité) sont corrélées avec la capacité des travailleurs, les biais de sélection associés aux professions (ou au niveau de scolarité) sont les mêmes pour les hommes et les femmes. Selon cette hypothèse, les décompositions de salaire effectuées pour les hommes et les femmes, ou pour les jeunes travailleurs et leurs homologues plus âgés, demeurent valides (Fortin et coll., 2011, p. 6).
Même si les méthodes de décomposition utilisées dans la présente étude sont utiles à la compréhension des différences de croissance des salaires réels entre les groupes de travailleurs, elles ont certaines limites. Une des limites importantes est qu’elles ne tiennent pas compte des effets d’« équilibre général ». Par exemple, les pertes d’emplois dans un secteur modifient les options de rechange disponibles pour tous les travailleurs d’un marché du travail local. C’est pourquoi elles peuvent avoir des effets non pas seulement sur les salaires des travailleurs de l’industrie en question, mais aussi sur ceux des autres travailleurs du même marché du travail local (Beaudry et coll., 2011). Tout comme les nombreux ouvrages publiés sur l’économie du travail, la présente étude ne tente pas de quantifier ces effets.
Avant d’analyser comment les salaires réels ont augmenté selon le sexe, le groupe d’âge, le niveau de scolarité, l’industrie et la profession, il est important de comprendre comment les salaires réels ont évolué globalement au cours des trois dernières décennies.
Le graphique 1 montre que les trois dernières décennies ont donné lieu à des périodes de croissance très différente des salaires réels. Les taux de rémunération moyens des travailleurs canadiens ont augmenté lentement dans les années 1980 et 1990, avant de connaître une augmentation plus rapide dans la plupart des années 2000. De 1981 à 1998, les salaires horaires réels moyens des travailleurs à temps plein de 17 à 64 ans ont augmenté d’environ 4 %, soit moins de la moitié de l'augmentation de 10 % observée au cours de la période plus courte allant de 1998 à 2011. Dans l’ensemble, les salaires horaires moyens des travailleurs à temps plein ont augmenté de 14 % de 1981 à 2011.
3 Évolution de l’écart salarial entre les hommes et les femmes
Les femmes ont toujours gagné moins que les hommes en moyenne, comme le montrent de nombreuses études (Doiron et Riddell, 1994; Baker et coll., 1995; Gunderson, 1979; Drolet, 2002; Fortin et Schirle, 2006; Baker et Drolet, 2010). En outre, pendant de nombreuses années, jusqu’en 2009, Statistique Canada a publié Tendances du revenu au Canada, une publication qui comprenait des estimations de l’écart entre les hommes et les femmes au chapitre des gains.
Il y a un débat concernant la mesure des gains qui devrait être utilisée pour rendre compte de cet écart. Dans le rapport mentionné précédemment, Tendances du revenu au Canada, on a toujours utilisé les gains annuels des travailleurs à temps plein à longueur d’année. En appliquant la mesure utilisée dans ce rapport, on a déterminé que les gains moyens des femmes ont représenté environ 70 % de ceux des hommes depuis 1992. Toutefois, Baker et Drolet (2010) ont avancé des arguments convaincants selon lesquels, compte tenu de la disponibilité de données sur les salaires à partir de l’EPA, des comparaisons fondées sur les salaires horaires, plutôt que sur les gains annuels, sont plus appropriées. Cela vient de ce que les différences entre les sexes dans les heures de travail peuvent biaiser les comparaisons des gains annuels ou même hebdomadaires. À partir de cette mesure, Baker et Drolet (2010) démontrent que les salaires horaires moyens des femmes représentaient 85 % de ceux des hommes en 2008.
Tout comme dans Baker et Drolet (2010), les salaires horaires sont utilisés dans la présente section pour mesurer les différences entre les taux de rémunération des hommes et des femmes. Comme l’étude vise à documenter les changements dans la structure salariale, l’accent est mis sur la variation de l’écart salarial entre les sexes, particulièrement l'écart qui s'est produit depuis la fin des années 1990 10 . L’analyse tente de déterminer dans quelle mesure les baisses de l’écart salarial entre les sexes sont attribuables à des changements différentiels dans l’expérience de travail, la scolarité, l’ancienneté, l’industrie et la profession des hommes et des femmes. Comme la syndicalisation, l’état matrimonial et la province de résidence sont aussi des déterminants possibles des salaires, on tient aussi compte de leur influence dans les analyses multidimensionnelles.
De 1981 à 2011, les salaires horaires des hommes ont augmenté modestement, les salaires médians et les salaires moyens ayant connu des hausses de 5 % et 11 % respectivement (tableau 1, graphique 2 et graphique 3). Toutefois, la majeure partie de cette croissance a eu lieu après 2005, les salaires horaires des hommes étant demeurés essentiellement inchangés de 1981 à 2005.
Par contre, les salaires médians et moyens des femmes ont augmenté essentiellement plus rapidement entre 1981 et 2011, soit respectivement de 23 % et 26 %. Par conséquent, l’écart entre le salaire horaire des hommes et des femmes s’est rétréci. En 1981, les femmes de 17 à 64 ans travaillant à temps plein avaient des salaires horaires moyens représentant 77 % de ceux des hommes; en 2011, le chiffre correspondant était de 87 % (graphique 4). Toutefois, ces résultats sont fondés sur des données brutes. Lorsque l’on tient compte des différences entre les sexes selon l’industrie, la profession, le niveau de scolarité, l’âge, l’ancienneté, la province de résidence, l’état matrimonial et la syndicalisation, les salaires des femmes représentaient 92 % de ceux des hommes en 2011 (voir la sous-section 9.2) 11 . Parmi les travailleurs à temps plein de 25 à 54 ans, le chiffre correspondant était de 91 %.
À partir de données brutes, on a déterminé que l’écart salarial entre les sexes fondé sur les médianes a diminué de moitié au cours des trois dernières décennies, passant de 26 % à 13 % entre 1981 et 2011. Lorsque l’on utilise des moyennes, on voit que l’écart salarial entre les sexes a diminué pour passer de 23 % à 13 % 12 . Une baisse similaire est observée pour les hommes et les femmes de 25 à 54 ans (tableau 24).
Lorsque l’on examine les périodes allant de 1981 à 1998 et de 1998 à 2011 (chacune ayant des codes uniformes d’industrie et de profession), on note que plus de la moitié du rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes s’est produit de 1981 à 1998 (tableau 1 et tableau 24). Pourquoi les salaires horaires des hommes et des femmes ont-ils eu tendance à converger?
Une partie de la réponse est liée à l’évolution des caractéristiques des travailleuses (tableaux 2 et 3). Pour les deux périodes, les femmes ont augmenté leur niveau moyen d’ancienneté dans une plus large mesure que les hommes. Par exemple, entre 1981 et 1998, l’ancienneté moyenne des femmes de 17 à 64 ans a augmenté de 25,6 mois, tandis que celle des hommes a augmenté de 3,5 mois. Le niveau de scolarité des femmes a aussi augmenté davantage que celui des hommes, tout comme leur présence dans les industries fortement rémunérées (comme les services publics). En outre, les femmes ont abandonné les professions peu rémunérées (comme les emplois de bureau) pour occuper des professions fortement rémunérées (comme en santé, sciences sociales, enseignement et services gouvernementaux) dans une plus large mesure que les hommes. Enfin, les femmes ont connu des baisses plus faibles de la syndicalisation que les hommes.
Le tableau 4 quantifie la contribution de ces facteurs au rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes 13 . Entre 1981 et 1998, les changements dans l’ancienneté, l’industrie et la profession sont ceux qui ont contribué le plus, représentant 91,0 % du rétrécissement de l’écart entre les travailleurs masculins et féminins de 17 à 64 ans et 95,9 % du rétrécissement de l’écart entre les travailleurs masculins et féminins de 25 à 54 ans 14 . Les changements différentiels dans le niveau de scolarité et la syndicalisation représentent 21,6 % additionnels du rétrécissement de l’écart entre les travailleurs masculins et féminins de 17 à 64 ans et 18,8 % pour les travailleurs masculins et féminins de 25 à 54 ans. Les changements dans la syndicalisation ont joué un rôle relativement mineur. Dans l’ensemble, les changements différentiels dans le niveau de scolarité, l’ancienneté, l’industrie et la profession expliquent complètement le rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes observé entre 1981 et 1998 15 .
Même si les changements différentiels dans l’industrie ont été une source importante de convergence des salaires entre 1981 et 1998, ils n’ont pas représenté un facteur important de 1998 à 2011. Au cours de cette dernière période, les changements différentiels dans l’ancienneté, le niveau de scolarité, la profession et la syndicalisation ont entraîné une autre réduction de l’écart salarial entre les sexes, même si leur impact global a été plus limité qu’entre 1981 et 1998. En fait, ces quatre facteurs ont entraîné une réduction de l’écart salarial entre les sexes de près de 0,03 point logarithmique, soit environ 3 points de pourcentage, de 1998 à 2011, comparativement à 0,06 point logarithmique, soit environ 6 points de pourcentage, de 1981 à 1998 (tableau 4). Par conséquent, ces facteurs représentent la majeure partie (85 %) du rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes entre 1981 et 1998, mais environ la moitié entre 1998 et 2011.
Sommaire
Les différences entre les salaires horaires des hommes et des femmes ont diminué considérablement depuis le début des années 1980, les salaires horaires des femmes ayant augmenté plus rapidement que ceux des hommes. La propension plus grande des femmes à augmenter leur niveau de scolarité, à demeurer dans leur emploi plus longtemps et à travailler dans des industries et des professions fortement rémunérées a été à l’origine de l’ensemble de la convergence observée entre 1981 et 1998. De ce fait, les changements différentiels dans la scolarité, l’ancienneté, la profession et la syndicalisation ont représenté environ la moitié de l’amélioration observée entre 1998 et 2011. Cela laisse supposer que d’autres facteurs, non observés dans les ensembles de données utilisés pour la présente étude, ont aussi contribué à la convergence notée tout au long des années 2000 16 .
4 Évolution des différences salariales selon l’âge
Outre le rétrécissement de l’écart salarial horaire entre les hommes et les femmes, d’autres changements ont eu lieu dans les salaires au Canada dans les années 1980 et 1990. L’un de ces changements est la dispersion croissante des salaires des hommes, particulièrement entre les groupes d’âge, les salaires des jeunes hommes ayant diminué par rapport à ceux des hommes plus âgés (Morissette, 1998; Picot, 1998).
Beaudry et Green (2000) ont examiné ce phénomène dans une perspective de cohorte et ont conclu que, de 1978 au milieu des années 1990, les gains de chaque cohorte successive de jeunes hommes entrant sur le marché du travail ont diminué. Cette tendance a été observée tant chez les jeunes hommes ayant de faibles niveaux de scolarité que chez leurs homologues très scolarisés. Par ailleurs, au fur et à mesure que les jeunes hommes qui sont entrés sur le marché du travail dans les années 1980 et au début des années 1990 ont pris de l’âge et ont acquis plus d’expérience, on a trouvé peu de preuves d’un « rattrapage » des gains. Autrement dit, les preuves allaient dans le sens d’une tendance à la baisse dans le profil âge-gains des jeunes hommes, sans accroissement de la pente du profil âge-gains. On n’a pas trouvé d’explication satisfaisante de ces faits jusqu’à maintenant 17 .
Des tendances assez différentes ont été observées chez les femmes, Beaudry et Green (2000) ont trouvé peu de preuves d’une tendance à la baisse dans le profil âge-gains des jeunes femmes au cours de la période étudiée. À partir d’une série chronologique de données transversales, Picot (1998) a démontré que les différences de gains liées à l’âge ont augmenté chez les femmes pendant les années 1980 et au début des années 1990, mais dans une beaucoup moins grande mesure que chez les hommes. Par ailleurs, les différences croissantes dans le profil âge-gains notées chez les hommes ont été le résultat d’une baisse des gains des jeunes hommes combinée à une hausse des gains des hommes plus âgés. Par contre, les différences dans le profil âge-gains chez les femmes ont été le résultat d’une croissance plus rapide des gains chez les femmes plus âgées que chez les femmes plus jeunes, même si les deux groupes ont connu des hausses.
Après une période de baisse, les salaires des jeunes travailleurs ont remonté dans les années 2000. Les salaires réels médians des hommes de 25 à 34 ans ont diminué d’environ 10 % entre 1981 et la fin des années 1990, sont demeurés relativement constants jusqu’en 2005 et ont augmenté par la suite, revenant à leur niveau de 1981 en 2010 (graphique 5). Chez les hommes de 17 à 24 ans, la baisse des salaires médians entre 1981 et la fin des années 1990 a été plus importante, à plus de 20 %, et la reprise à la fin de la période n’a été que partielle. Parallèlement, les salaires des hommes de 45 à 54 ans ont augmenté d’environ 10 % au début des années 1980 et ont été relativement stables depuis 18 . Par conséquent, la différence entre les salaires réels médians des hommes de 25 à 34 ans et des hommes de 45 à 54 ans s’est élargie, pour passer de 2 % en 1981 à 23 % en 1998, puis s’est aplanie pour s’établir à 17 % en 2011 (tableau 5) 19 . Les chiffres correspondants fondés sur les moyennes sont 5 %, 24 % et 18 %.
Tout comme chez les hommes, la croissance des salaires chez les femmes a varié selon le groupe d’âge entre 1981 et 1998. Même si les salaires médians et moyens des femmes de 25 à 34 ans ont peu changé au cours de cette période, ceux des femmes de 45 à 54 ans ont augmenté d’au moins 20 % (tableau 6 et graphique 6). De 1998 à 2011, les salaires des femmes de 25 à 34 ans ont augmenté légèrement plus rapidement (c.-à-d. d’environ 3 points de pourcentage) que ceux des femmes de 45 à 54 ans. En résumé, les salaires des hommes et des femmes de 45 à 54 ans ont augmenté plus rapidement que les salaires de leurs homologues plus jeunes de 1981 à 1998, et plus lentement de 1998 à 2011 (graphique 7) 20 .
Les tableaux 7 et 8 illustrent la raison pour laquelle cela s’est produit. De 1981 à 1998, les taux de syndicalisation des jeunes hommes et des jeunes femmes ont diminué de façon substantielle, soit d’au moins 12 points de pourcentage, tandis que celui des hommes et des femmes de 45 à 54 ans a soit diminué légèrement ou a augmenté 21 . L’ancienneté moyenne des jeunes travailleurs a diminué, tandis que celle des travailleurs plus âgés (et plus particulièrement des femmes plus âgées) a augmenté. Les jeunes travailleurs sont sortis des secteurs fortement rémunérés, comme les services publics, tandis que les travailleurs plus âgés ont augmenté leur présence dans ces secteurs. Enfin, la présence des jeunes travailleurs dans les professions fortement rémunérées (comme celles en sciences naturelles et en sciences sociales) a augmenté dans une moins grande mesure que celle des travailleurs plus âgés. Ces effets de composition ont été à l’origine d’environ 40 % de l’élargissement de l’écart salarial entre les jeunes hommes et les hommes plus âgés au cours de la période, et d’environ les trois quarts de l’élargissement de l’écart salarial entre les jeunes femmes et les femmes plus âgées 22 .
Les effets de composition ont eu des répercussions différentes de 1998 à 2011. Même si les taux de syndicalisation des jeunes hommes ont peu changé, le taux de syndicalisation des hommes de 45 à 54 ans a diminué de 10 points de pourcentage (tableaux 7 et 8). Les jeunes hommes sont passés à des industries fortement rémunérées, comme la construction, l’extraction minière et l’extraction de pétrole et de gaz, dans une plus grande mesure que les hommes de 45 à 54 ans. De plus, tandis que les hommes de 25 à 34 ans ont maintenu une part stable de l’emploi dans la santé, l’enseignement, les services sociaux et les administrations publiques, les hommes de 45 à 54 ans ont vu leur part de l’emploi dans ces secteurs diminuer de presque 6 points de pourcentage. Ces changements différentiels dans la syndicalisation, l’industrie et la profession expliquent environ 60 % du rétrécissement de l’écart salarial entre les jeunes hommes et les hommes plus âgés au cours de cette période (tableau 9). Les changements différentiels dans l’ancienneté ont aussi joué un rôle mineur. Environ le tiers du rétrécissement de l’écart salarial selon l’âge entre les hommes demeure inexpliqué.
Comme dans le cas des hommes, les changements différentiels dans la syndicalisation, l’industrie et la profession ont favorisé les jeunes femmes entre 1998 et 2011. Par ailleurs, les jeunes femmes ont augmenté leur niveau de scolarité davantage que les femmes plus âgées au cours de cette période (tableau 8). Ensemble, ces quatre facteurs expliquent entièrement la croissance plus rapide des salaires des jeunes femmes depuis la fin des années 1990, et expliquent ainsi complètement l'aplanissement modeste des différences salariales selon l’âge entre les jeunes femmes et les femmes plus âgées au cours de la période (tableau 9).
Sommaire
Du début des années 1980 à la fin des années 1990, les effets de composition ont exercé une pression à la hausse sur les salaires relatifs des travailleurs de 45 à 54 ans et une pression à la baisse sur les salaires relatifs des travailleurs de 25 à 34 ans. De même, tout au long des années 2000, les effets de composition ont exercé une pression à la hausse sur les salaires relatifs des travailleurs de 25 à 34 ans. De 1981 à 1998, les effets de composition ont été à l’origine d’environ 40 % de l’élargissement de l’écart salarial entre les jeunes hommes et les hommes plus âgés, et d’environ les trois quarts de l’élargissement de l’écart entre les jeunes femmes et les femmes plus âgées. De 1998 à 2011, les effets de composition ont représenté la presque totalité du rétrécissement modeste de l’écart entre les jeunes femmes et les femmes plus âgées, et environ les deux tiers du rétrécissement plus substantiel de l’écart entre les jeunes hommes et les hommes plus âgés. Le résultat final a été que, de 1981 à 2011, les salaires horaires moyens ont augmenté de 17 % chez les hommes de 45 à 54 ans, mais de seulement 1 % chez les hommes de 25 à 34 ans. Les salaires horaires des femmes de 45 à 54 ans ont augmenté de 33 %, soit plus du double du taux de 14 % observé chez les femmes plus jeunes.
5 Écart salarial selon le niveau de scolarité
Les changements dans les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et entre les jeunes travailleurs et les travailleurs plus âgés se sont produits à une époque où les entreprises canadiennes, tout comme celles de nombreux autres pays industrialisés occidentaux, ont connu des changements technologiques substantiels et ont fait face à une concurrence croissante de l’étranger 23 . Les changements technologiques que les entreprises ont mis en oeuvre et la présence croissante, dans les échanges internationaux, de pays où la rémunération est faible ont peut-être influé sur la demande de travailleurs très qualifiés et moins qualifiés et, ainsi, sur la croissance des salaires qu’ont connue ces groupes. Dans ce contexte, les différences salariales selon le niveau de scolarité ont-elles changé 24 ?
La première vague d’études portant sur cette question (Freeman et Needels, 1993; Murphy et coll., 1998; Burbidge et coll., 2002) a conclu que, pour l’ensemble de la population active au Canada, l’écart salarial entre les travailleurs titulaires d’un diplôme universitaire et les autres travailleurs a été relativement constant pour les hommes et a diminué pour les femmes au cours de la période allant de 1980 à 2000. Selon ces études, la « prime salariale » associée à un diplôme universitaire a peu changé au cours de cette période de 20 ans.
Cette perception a été contestée par la suite dans des études utilisant des ensembles de données différents et un plus grand nombre de variables de contrôle. Morissette et coll. (2006) ont déterminé que, parmi les travailleurs du secteur privé, les salaires des travailleurs titulaires d’un diplôme universitaire ont augmenté par rapport à ceux des titulaires d’un diplôme d’études secondaires de 1980 à 2000. La hausse a été observée à la fois chez les jeunes hommes et leurs homologues plus âgés, ainsi que chez les jeunes femmes. On n’a pas observé une telle hausse chez les travailleurs du secteur public. Pour ce qui est de la période allant de 1980 à 2005, Boudarbat et coll. (2010) ont conclu que, pour l’ensemble de la population active, les salaires des travailleurs titulaires d’un diplôme universitaire ont augmenté par rapport à ceux de leurs homologues moins scolarisés, davantage chez les hommes que chez les femmes. La majeure partie de la hausse du ratio salarial du baccalauréat au diplôme d’études secondaires observée pour les hommes l’a été entre 1980 et 2000.
Les données de l’EPA permettent une étude de ce qui s’est produit après 2000 25 .
De 2000 à 2011, les salaires des titulaires d’un diplôme universitaire de sexe masculin ont augmenté plus lentement que ceux des hommes moins scolarisés. Par exemple, les salaires horaires moyens des hommes ayant un certificat d’une école de métiers ont augmenté de 7,2 % 26 . Par contre, les salaires horaires moyens des hommes titulaires d’un baccalauréat ont augmenté de seulement 2,7 % (tableau 10) 27 . Par conséquent, l’écart salarial entre les hommes titulaires d’un baccalauréat et ceux titulaires d’un certificat d’une école de métiers s’est rétréci au cours des années 2000. L’écart salarial entre les titulaires d’un baccalauréat de sexe masculin et les titulaires d’un diplôme d’études secondaires de sexe masculin s’est aussi rétréci, mais dans une moins large mesure.
Le rétrécissement de l’écart salarial a été particulièrement évident chez les jeunes, la croissance des salaires ayant été très forte chez les jeunes travailleurs moins scolarisés. De 2000 à 2011, les salaires horaires ont augmenté de 16 % chez les travailleurs à temps plein de sexe masculin de 17 à 34 ans titulaires d’un certificat d’une école de métiers et d’environ 8 % chez leurs homologues titulaires d’un diplôme d’études secondaires. Chez les titulaires d’un baccalauréat, la croissance a été d’environ 1 % (tableau 11). Les différences dans la croissance des salaires selon le niveau de scolarité ont été moins prononcées chez les travailleurs de 35 à 64 ans (tableau 12).
Cet aplanissement récent des différences salariales entre les hommes selon le niveau de scolarité est aussi observé dans les analyses multidimensionnelles qui contrôlent l’expérience possible des travailleurs (graphiques 8 et 9) et dans les analyses qui utilisent les salaires hebdomadaires plutôt que les salaires horaires comme mesure des taux de rémunération 28 . Un aplanissement des différences salariales ressort aussi des analyses concernant les femmes (graphiques 10 et 11). Néanmoins, de nos jours, les travailleurs très scolarisés continuent de gagner beaucoup plus que leurs homologues moins scolarisés. Lorsque l’on contrôle l’expérience de travail potentielle, les salaires horaires moyens des hommes titulaires d’un baccalauréat étaient supérieurs de 41 % à ceux des hommes titulaires d’un diplôme d’études secondaires en 2011, comparativement à 47 % en 2000 29 . Le résultat correspondant pour les femmes en 2011 était de 55 %, comparativement à 61 % en 2000 30 .
L’augmentation de la prime salariale universitaire au cours de la période allant de 1980 à 2000 est souvent perçue comme le résultat d’une augmentation plus rapide de la demande que de l’offre pour les personnes titulaires d’un diplôme universitaire comparativement aux personnes titulaires d’un diplôme d’études secondaires. Les changements technologiques qui sont biaisés en faveur des travailleurs qualifiés semblent avoir fait augmenter la demande relative de travailleurs très scolarisés (Katz et Murphy, 1992). Cette interprétation a souvent été appliquée aux États-Unis, qui ont connu une croissance plus rapide de la prime salariale universitaire que le Canada. Elle correspond aussi aux autres changements qui ont eu lieu sur le marché du travail au Canada.
Par exemple, l’emploi dans les industries à forte concentration de connaissances a augmenté de 84 % entre 1981 et 2001, comparativement à 52 % et 32 % dans les industries à moyenne et à faible concentration de connaissances, respectivement (Morissette et coll., 2006). Par ailleurs, les industries à forte concentration de connaissances ont connu non seulement une croissance rapide de l’emploi, mais aussi une augmentation plus rapide du niveau de scolarité de leur effectif comparativement à celui de l'effectif d’autres industries. On s’attendrait à ce que ces facteurs entraînent une augmentation de la demande de titulaires d’un diplôme universitaire beaucoup plus grande que celle de titulaires d’un diplôme d’études secondaires. Toutefois, selon Murphy et coll. (1998), l’offre de titulaires d’un diplôme universitaire a augmenté rapidement, plus rapidement que l’offre de titulaires d’un diplôme d’études secondaires. Le fait que l’offre de titulaires d’un diplôme universitaire par rapport aux titulaires d’un diplôme d’études secondaires a augmenté plus rapidement au Canada qu’aux États-Unis a été perçu par ces auteurs comme la principale raison pour laquelle la prime salariale universitaire a augmenté, le cas échéant, moins au Canada qu’aux États-Unis.
Les résultats qui précèdent laissent supposer dans une large mesure que les années 2000 ont été différentes, les différences salariales entre les niveaux de scolarité s’étant aplanies. Cette nouvelle tendance a émergé au cours d’une période comprenant trois chocs économiques importants : une contraction grave de l’emploi en informatique et dans les télécommunications entre 2001 et 2004, avec une lente reprise par la suite; une forte croissance dans le secteur de la construction; et une augmentation des prix mondiaux du pétrole et d'autres produits de base 31 . Même si le premier choc peut avoir réduit les pressions à la hausse sur la demande de titulaires d’un diplôme universitaire, les deux suivantes ont soutenu la croissance de l’emploi dans la construction et dans l’extraction minière et l’extraction de pétrole et de gaz, faisant peut-être par conséquent augmenter la demande d’autres travailleurs, en dépit de la tendance continue à la baisse de l’emploi dans le secteur de la fabrication pour la période allant de 2000 à 2011. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces hypothèses.
Globalement, selon les données de l’EPA, entre 2000 et 2011, les différences salariales liées au niveau de scolarité se sont aplanies pour les hommes et pour les femmes. Cet aplanissement a été le plus prononcé chez les travailleurs de moins de 35 ans. La combinaison de ces résultats avec ceux de Morissette et coll. (2006) et Boudarbat et coll. (2010) nous donne à penser qu’après avoir augmenté de 1980 à 2000, l’écart salarial entre les moins scolarisés et les plus scolarisés a diminué pendant les années 2000, particulièrement chez les personnes de moins de 35 ans, du fait, dans une large mesure, d’une croissance plus rapide des salaires des travailleurs moins scolarisés. Néanmoins, les travailleurs très scolarisés gagnent aujourd’hui beaucoup plus que leurs homologues moins scolarisés.
6 Changements dans les écarts salariaux à l’intérieur des industries
Certains travailleurs canadiens peuvent avoir connu une croissance relativement plus forte de leurs salaires au cours des trois dernières décennies, non seulement parce qu’ils ont augmenté leur niveau de scolarité, leur expérience sur le marché du travail et leur ancienneté dans une plus grande mesure que les autres, mais aussi parce qu’ils sont passés dans des secteurs fortement rémunérés, par exemple, des industries qui versent à des travailleurs équivalents observés des salaires plus élevés.
L’existence d’écarts salariaux à l’intérieur des industries a été bien documentée (Gera et Grenier, 1994; Krueger et Summers, 1988; Dickens et Katz, 1987; Murphy et Topel, 1987). Toutefois, les facteurs qui sous-tendent ces différences salariales sont moins bien connus. L’explication la plus évidente est que différentes industries paient des salaires différents, tout simplement parce qu’elles emploient des personnes qui occupent des professions différentes ou qui diffèrent du point de vue de l’expérience, des niveaux de compétence observés et du degré de syndicalisation. Toutefois, des différences salariales notables subsistent à l’intérieur des industries, même lorsque l’on tient compte de ces facteurs. Des différences non observées dans la capacité des travailleurs pourraient aussi jouer un rôle, mais diverses études (p. ex., Murphy et Topel, 1987) laissent supposer que la prise en compte de ces différences n’élimine pas les écarts salariaux à l’intérieur des industries.
Le fait que des écarts salariaux notables à l’intérieur des industries subsistent, même lorsque l’on tient compte des caractéristiques observées et non observées des travailleurs, laisse supposer que les différences à l’intérieur des industries parmi les employeurs jouent un rôle. Selon une explication avancée, les industries dont les entreprises font face à des coûts élevés de formation ou à des coûts élevés de contrôle des efforts des travailleurs verseront des salaires plus élevés que la moyenne, appelés « salaires basés sur le rendement », afin de réduire le roulement de travailleurs ou d’augmenter la productivité 32 . De même, des industries qui réalisent des bénéfices relativement élevés par travailleur peuvent partager une partie de ces bénéfices avec leurs travailleurs en leur offrant des salaires plus élevés que la moyenne 33 , 34 .
Même si la contribution relative des facteurs mentionnés précédemment reste encore à être débattue, la plupart des études montrent que les écarts salariaux à l’intérieur des industries sont relativement stables au fil du temps. Toutefois, les écarts salariaux entre les industries évoluent dans une certaine mesure au fil du temps, au fur et à mesure que les différentes industries sont exposées à des changements différents dans leur environnement économique et y réagissent 35 .
Comment la croissance des salaires a-t-elle varié selon l’industrie au cours des trois dernières décennies? Les taux de rémunération dans le secteur des biens ont-ils augmenté en parallèle avec ceux dans le secteur des services? La croissance des salaires a-t-elle été uniforme dans toutes les industries de services? Qu’est-il arrivé aux salaires dans les textiles, les produits en cuir et les vêtements au cours des années 1980 et 1990, ce secteur ayant fait face à une concurrence accrue au niveau international? Comment les salaires ont-ils évolué dans l’extraction minière et l’extraction de pétrole et de gaz au cours de la dernière décennie, les prix mondiaux du pétrole et des ressources minières ayant augmenté? La présente section vise à répondre à ces questions.
Les définitions des secteurs industriels disponibles dans les ensembles de données utilisés dans la présente étude ont changé de façon significative au cours des trois décennies étudiées, c’est-à-dire que l’on est passé des définitions de la CTI 1980 au cours de la période allant de 1981 à 1998 aux définitions du SCIAN 2007 au cours de la période allant de 1998 à 2011. Sauf pour quelques secteurs, ces deux classifications d’industries ne sont généralement pas comparables 36 . Plutôt que de tenter de rapprocher les différences entre ces classifications et d’établir un système de codage unique, nécessitant l’agrégation de plusieurs industries et entraînant la perte possible des variations salariales à l’intérieur des industries, l’analyse est effectuée séparément pour les deux sous-périodes.
1981 à 1998
De 1981 à 1998, les salaires moyens ont augmenté de 3,4 % globalement (tableau 13). La plupart des grands groupes d’industries du tableau 13 pour lesquels les salaires ont augmenté ont enregistré une croissance moyenne des salaires variant entre 1 % et 6 %, le cas échéant. La seule exception a été les services aux entreprises, qui ont affiché une croissance moyenne des salaires de 13,5 %; à l’intérieur de ce groupe, le secteur de la finance a connu une croissance des salaires de 20,1 % 37 . Par contre, dans la construction et dans le commerce de détail, on a vu les salaires moyens diminuer respectivement d’environ 6 % et 2 %. Par conséquent, des différences substantielles entre les industries dans la croissance des salaires ont été observées.
Ces mouvements substantiels dans les salaires au niveau de l’industrie se sont produits en même temps que la plus grande scolarisation de la main-d’oeuvre canadienne et la transformation de la répartition des professions à l’intérieur des industries, par suite des changements technologiques, notamment. Toutefois, ces changements dans les professions et dans le niveau de scolarité des travailleurs n’ont pas été uniformes dans toutes les industries. Par exemple le pourcentage de travailleurs de bureau a diminué de 14 points de pourcentage (passant de 54,2 % à 40,1 %) entre 1981 et 1998 dans la finance, mais n’a diminué que de 4 points de pourcentage (de 21,8 % à 18,0 %) dans le commerce de détail au cours de cette période. De même, le pourcentage de travailleurs titulaires d’un diplôme universitaire a augmenté de 13 points de pourcentage (de 13,7 % à 26,7 %) dans la finance, mais de seulement 4,5 points de pourcentage (de 3,8 % à 8,3 %) dans le commerce de détail. Par conséquent, le profil des travailleurs a changé beaucoup plus rapidement dans la finance que dans le commerce de détail. Cela a probablement influé sur les écarts salariaux à l’intérieur des industries.
Le tableau 14 confirme cette hypothèse. Une comparaison des chiffres figurant dans les colonnes 1 et 3 pour le commerce de détail et la finance montre que presque la moitié de la différence dans la croissance salariale initialement observée entre ces deux secteurs, c’est-à-dire la croissance salariale « supplémentaire » qu’ont connue les travailleurs de la finance par rapport à leurs homologues du commerce de détail, peut être expliquée par les changements différentiels dans l’âge, le niveau de scolarité, l’ancienneté et la profession des travailleurs 38 . La même conclusion s’applique lorsque l’on compare la finance et la construction. Dans nombre de cas, les changements différentiels dans les caractéristiques de l’effectif et les professions ont représenté une part importante des différences dans la croissance des salaires à l’intérieur des industries observées au cours de la période allant de 1981 à 1998 39 .
Les effets de composition n’ont pas fait une différence partout, toutefois, étant donné qu’ils ne réussissent pas à expliquer pourquoi les salaires dans certaines industries de la fabrication ont augmenté plus rapidement que dans d’autres. Par exemple, les salaires moyens (logarithme) dans les industries du papier et produits connexes et dans les produits électriques ont augmenté beaucoup plus rapidement que dans les produits en cuir, les textiles et les vêtements, un secteur qui a connu une baisse des salaires réels (tableau 15, colonne 1). La majeure partie des différences dans la croissance des salaires initialement observée entre ces industries subsiste une fois contrôlés les changements dans les caractéristiques des travailleurs et les professions (colonne 3), ce qui montre que les changements dans les caractéristiques des travailleurs et des professions n’étaient pas des facteurs importants. D’autres facteurs, qui ont influé sur ces industries différemment, semblent avoir joué un rôle majeur. Parmi eux, l’évolution de la concurrence internationale peut avoir joué un rôle. Toutefois, l’évaluation de ses répercussions va au-delà de la portée de la présente étude.
1998 à 2011
Même si la plupart des secteurs industriels ont enregistré une croissance relativement modeste des salaires au cours des années 1980 et 1990, la fin des années 1990 et les années 2000 ont été différentes, les salaires moyens ayant augmenté de 10,3 % de 1998 à 2011 (tableau 16). Coïncidant avec l’essor des produits observé au cours de la majeure partie de cette période, les salaires moyens dans le secteur des ressources (extraction minière et extraction de pétrole et de gaz) ont augmenté le plus rapidement, soit de 21,0 %. Le commerce de gros, la finance et les services professionnels et techniques ont aussi affiché une croissance des salaires supérieure à la moyenne. Alimentés aussi par une forte demande de logement, les salaires horaires dans la construction ont augmenté de 9,8 %, ce qui a plus que contrebalancé les baisses de salaires enregistrées de 1981 à 1998. Par contre, la fabrication et le commerce de détail ont connu une croissance respective des salaires moyens de 5,0 % et de 3,0 %.
Comme cela a été le cas de 1981 à 1998, les augmentations des compétences des travailleurs et les mouvements d’effectifs vers les professions fortement rémunérées ont été à l’origine d’une part importante de la croissance des salaires observée dans la finance entre 1998 et 2011. On peut le voir en comparant les colonnes 1 et 3 du tableau 17. Une conclusion qualitative similaire s’applique au commerce de gros, ainsi qu’aux services professionnels, scientifiques et techniques. Par contre, les effets de composition ont expliqué très peu de la croissance des salaires observée dans l’extraction minière et l’extraction de pétrole et de gaz. La croissance des salaires dans ce secteur était probablement liée principalement à une augmentation de la demande de main-d’oeuvre associée à un essor des produits. De même, la majeure partie de la croissance des salaires dans la construction s’est maintenue, même une fois pris en compte les effets de composition. Cela laisse supposer que cette croissance a été motivée principalement par les changements dans la demande de logement observés pendant les années 2000.
De 1998 à 2011, le logarithme des salaires moyens dans l’extraction minière, l’exploitation en carrière et l’extraction de pétrole et de gaz a connu une hausse de 0,15 point plus élevée que dans le commerce de détail. Les deux tiers de cette différence subsistent une fois contrôlés les effets de composition, ce qui laisse supposer que les changements différentiels dans les caractéristiques des travailleurs et les professions n’ont représenté que le tiers de cette différence.
Lorsque l’on combine les données des deux périodes, on note un progrès important, à savoir que les salaires moyens dans la finance ont augmenté de 20 % de 1981 à 1998 et de 12 % de 1998 à 2011, tandis que les salaires moyens dans le commerce de détail ont baissé de 2 % de 1981 à 1998 et augmenté de 3 % de 1998 à 2011 (graphique 12). Comme le montre le graphique 13, toutefois, une part importante de cette différence dans la croissance des salaires a été le résultat de l’amélioration relativement rapide des compétences de l’effectif du secteur de la finance, une tendance qui a aussi été observée aux États-Unis (Philippon et Reshef, 2007).
Dans l'ensemble, les taux de rémunération ont peu augmenté dans la plupart des secteurs industriels de 1981 à 1998, l’exception digne de mention étant le secteur des services financiers, qui a connu une forte croissance des salaires, en raison pour une large part de la proportion croissante de titulaires d’un diplôme universitaire et des changements dans les types de profession utilisés. Parmi les travailleurs affichant des caractéristiques comparables et occupant des professions comparables, les salaires ont diminué de façon substantielle dans les produits en cuir, les textiles et les vêtements. De 1998 à 2011, plusieurs secteurs industriels ont connu une croissance des salaires s’approchant des deux chiffres. Toutefois, on a noté une variation considérable à l’intérieur des industries dans la croissance des salaires. Le secteur de l’extraction minière et du pétrole a connu la croissance la plus rapide des salaires. Les effets de composition ont eu peu à voir avec cette croissance rapide des salaires, qui a coïncidé avec des hausses dans les prix mondiaux du pétrole et dans les prix mondiaux des produits 40 . Par contre, le commerce de détail a affiché une croissance relativement modeste des salaires. Les salaires horaires réels moyens de la construction ont augmenté d'environ 10 % de 1998 à 2011, après avoir diminué d'environ 6 % de 1981 à 1998.
7 Changements dans la structure salariale des professions
Depuis le début des années 1980, les salaires des travailleurs canadiens peuvent avoir augmenté à un rythme différent, non seulement d’une industrie à l’autre, mais d’une profession à l’autre. Cela vient du fait que les exigences en capital humain de certains emplois, la rareté relative des personnes capables d'occuper des postes particuliers, la capacité des travailleurs de tirer des « rentes » dans certaines professions, ainsi que les normes sociales, qui sont toutes des déterminants potentiellement importants des taux de rémunération, peuvent avoir changé au cours des trois dernières décennies.
Parce que leurs salaires ont augmenté rapidement ces dernières années en Amérique du Nord, les cadres supérieurs appartiennent à une profession qui a reçu une attention considérable pendant cette période. Même si l’augmentation de leurs salaires est bien documentée (p. ex., Piketty et Saez, 2006), les facteurs qui sous-tendent cette augmentation ne sont pas bien compris. Parmi les explications possibles citées dans la littérature figurent les changements dans la méthode de détermination des salaires et les normes sociales, la capacité croissante des cadres d’établir leurs propres salaires (et, ainsi, de tirer des rentes des actionnaires), et l’augmentation des salaires associée à une augmentation de la taille et de la capitalisation des entreprises sur le marché. Peu importe la cause, l’écart grandissant entre les cadres supérieurs et les autres travailleurs a contribué à la hausse de l’inégalité salariale en Amérique du Nord (Lemieux, 2008).
Les catégories de professions disponibles dans les ensembles de données utilisés dans la présente étude ne permettent pas l’identification explicite des cadres supérieurs. Toutefois, on peut identifier les « gestionnaires ». Comme c’était le cas dans l’analyse des industries, les enquêtes spéciales utilisées avant 1998 ont utilisé un système de codage des professions différent de celui de l’EPA après 1998. Ainsi, on ne peut pas produire de série chronologique comportant des définitions comparables des professions pour l’ensemble de la période allant de 1981 à 2011. Toutefois, des données comparables sur les professions peuvent être produites pour les deux sous-périodes, soit 1981 à 1998 et 1998 à 2011.
1981 à 1998
Au niveau élevé d’agrégation utilisé dans le tableau 18, on note relativement peu de changements dans la structure salariale des professions de 1981 à 1998. Certaines professions ont affiché une croissance négative des salaires médians ou moyens (p. ex., professionnels et gestionnaires, professions de service et professions de cols bleus), tandis que d’autres ont affiché une croissance positive (p. ex., professions en sciences naturelles et sociales, personnel de bureau et personnel des ventes). Toutefois, dans les deux cas, les changements dans les salaires moyens ont été relativement faibles, allant de -5,3 % à +7,3 %. De façon plus particulière, les professionnels et les gestionnaires n’ont pas connu de croissance rapide de leurs salaires. Comme le montrent les colonnes 1 et 3 du tableau 19, le contrôle des différences entre les professions au chapitre du sexe, de l’âge, du niveau de scolarité, de l’ancienneté et de l’industrie entraîne une réduction de la variation de la croissance des salaires entre les professions, mais le résultat de base se maintient : la croissance des salaires a relativement peu différé entre les professions au cours de la période de 17 ans.
1998 à 2011
La situation pour les années subséquentes est assez différente. Comme le montre le tableau 20, les professions comportant des fonctions de gestion ont enregistré une croissance salariale beaucoup plus forte que toute autre profession de 1998 à 2011 : les salaires moyens dans ce type de profession ont augmenté de 26,9 % au cours de cette période. Aucun des grands groupes professionnels dont il est question dans le tableau 20 n’a connu de baisse des salaires au cours de cette période. La plupart ont affiché une hausse moyenne des salaires allant de 2 % à 15 %. Comme les gestionnaires, les travailleurs des secteurs des sciences naturelles et appliquées et ceux des industries primaires ont aussi affiché une hausse des salaires relativement forte (environ 14 %). Par contre, les travailleurs des professions propres à la transformation, à la fabrication et aux services publics ont enregistré une augmentation salariale plus modeste.
La forte hausse des salaires des gestionnaires a-t-elle été attribuable à une certaine forme d’amélioration des compétences, l’ancienneté ou le niveau de scolarité ayant augmenté au cours de cette période, et à des changements dans l’industrie qui emploie? Le tableau 21 montre qu’environ 40 % de l’augmentation des salaires connue par les personnes dans des professions comportant des fonctions de gestion peut être attribuée à ces effets de composition (colonnes 1 et 3). De même, environ 40 % de la croissance des salaires observée chez les travailleurs des sciences naturelles et appliquées et des industries primaires, deux groupes professionnels qui ont connu des augmentations relativement importantes de salaires, peut être attribuée à des changements de composition similaires 41 .
Les colonnes 1 et 3 du tableau 21 montrent aussi que la majeure partie de la différence substantielle dans la croissance des salaires observée entre les personnes dans des professions comportant des fonctions de gestion, d’une part, et les travailleurs dans des professions propres à la transformation, à la fabrication et aux services publics, d’autre part, ne peut être expliquée par les effets de composition. Même lorsque l’on tient compte de ces effets de composition, le logarithme des salaires moyens des gestionnaires a augmenté plus rapidement que celui des employés dans des professions propres à la transformation, à la fabrication et aux services publics. Cela laisse supposer que d’autres facteurs, comme ceux mentionnés précédemment, ainsi que des facteurs particuliers exerçant des pressions à la baisse sur les salaires des travailleurs dans les professions propres à la transformation, à la fabrication et aux services publics, sous-tendent la majeure partie de la différence dans la croissance des salaires observée entre ces deux groupes professionnels de 1998 à 2011.
8 Conclusion
La présente étude a examiné comment les salaires réels des travailleurs canadiens ont évolué de 1981 à 2011.
Même si, de nos jours, les femmes continuent de gagner moins que les hommes en moyenne, l’écart salarial horaire entre les sexes a diminué de façon significative au cours des trois dernières décennies. Durant cette période, les femmes ont amélioré leurs caractéristiques associées à une hausse de la productivité plus rapidement que les hommes. La presque totalité de la diminution de l’écart salarial entre les sexes au cours de la période allant de 1981 à 1998 peut être expliquée par ce processus. Au cours de la période plus récente allant de 1998 à 2011, des changements différentiels dans le niveau de scolarité, l’ancienneté, la profession et la syndicalisation ont été à l’origine d’environ la moitié du rétrécissement de l’écart.
De 1981 à 1998, les salaires moyens des hommes et des femmes de 45 à 54 ans ont connu une hausse d’environ 20 points de pourcentage plus élevée que ceux de leurs homologues de 25 à 34 ans. Des changements différentiels dans la syndicalisation, l’ancienneté, l’industrie qui emploie et la profession expliquent environ 40 % de cette différence pour les hommes et environ 80 % de cette différence pour les femmes. Par contre, les hommes et les femmes de 25 à 34 ans ont connu une croissance des salaires plus rapide que leurs homologues de 45 à 54 ans de 1988 à 2011. Des changements dans la syndicalisation, l’industrie qui emploie et la profession ont eu tendance à favoriser les jeunes travailleurs (par rapport aux travailleurs plus âgés) et sont à l’origine de la majeure partie de la différence dans la croissance des salaires observée dans les différents groupes d’âge au cours de cette période. Sur l’ensemble de la période allant de 1981 à 2011, les salaires moyens des travailleurs de 25 à 34 ans ont connu une croissance d’au moins 15 points de pourcentage inférieure à celle qu’ont connue les travailleurs de 45 à 54 ans.
Après avoir augmenté de 1980 à 2000, l’écart salarial entre les titulaires d’un diplôme universitaire et les titulaires d’un diplôme d’études secondaires a diminué entre 2000 à 2011, particulièrement chez les travailleurs de moins de 35 ans. Cette baisse a été le fait de l’augmentation plus rapide des salaires des personnes moins scolarisées, ce qui représente un renversement de tendance par rapport aux décennies précédentes. Le rétrécissement de l’écart a été associé à un changement dans la demande de main-d’oeuvre au profit des industries comme l’extraction minière, l’extraction de pétrole et de gaz et la construction, qui ont moins recours à des travailleurs très scolarisés. Néanmoins, les travailleurs très scolarisés continuent de nos jours à gagner beaucoup plus en moyenne que leurs homologues moins scolarisés.
La croissance des salaires a varié de façon significative selon l’industrie au cours des 30 dernières années. De façon plus particulière, le secteur de la finance a connu une croissance des salaires beaucoup plus rapide que les autres secteurs au cours de la période allant de 1981 à 1998. La majeure partie de la croissance des salaires dans ce secteur a été liée à des changements dans les caractéristiques des travailleurs et des professions du secteur, un relèvement des compétences semblant s’être produit. Environ la moitié des différences dans la croissance des salaires entre la finance et la construction, le secteur qui a connu la baisse la plus marquée des salaires au cours de cette période, a été attribuable à l’acquisition plus rapide d’attributs associés à des salaires plus élevés dans le secteur de la finance.
Les mouvements dans les salaires au niveau de l’industrie ont été également assez différents au cours de la période allant de 1998 à 2011. Contrairement à la période précédente, pendant laquelle quelques industries ont affiché une croissance robuste des salaires, plusieurs secteurs industriels ont connu une croissance des salaires s’approchant des deux chiffres après 1998. Les salaires dans le secteur des ressources (minières et pétrolières) ont augmenté le plus rapidement, et cette croissance a été très peu liée à des changements dans les caractéristiques des travailleurs ou des emplois. Par contre, le secteur du commerce de détail a connu une plus faible croissance des salaires. Entre 1981 et 2011, les taux de rémunération dans ce secteur ont peu changé.
Finalement, la croissance des salaires a peu varié entre les grands groupes professionnels de 1981 à 1998. Toutefois, au cours de la première décennie du siècle, la croissance moyenne des salaires dans les professions comportant des fonctions de gestion a dépassé considérablement celle observée dans d’autres grands groupes professionnels. Environ 40 % de la croissance des salaires dans les professions comportant des fonctions de gestion entre 1998 et 2011 était causée par des changements dans les attributs associés à des salaires plus élevés. Même lorsque l’on tient compte de ces changements, les gestionnaires ont continué d’enregistrer la croissance salariale la plus forte. Par ailleurs, seulement le quart environ de la différence dans la croissance des salaires entre les gestionnaires et les travailleurs de la transformation, de la fabrication et des services publics était attribuable à des changements dans les caractéristiques des travailleurs ou des emplois au cours de la période. Cela donne à penser que d’autres facteurs semblent être à l’origine de la croissance relativement rapide des salaires des gestionnaires. La quantification de la contribution de ces facteurs pourrait faire l'objet de recherches futures.
9 Annexe
9.1 Concepts des salaires et des heures utilisés dans les enquêtes auprès des ménages, 1981 à 2011
Concept des salaires
Enquête sur l’activité en 1981 : salaire ou traitement habituel avant impôt et autres retenues; aucune référence aux pourboires, commissions, primes ou heures supplémentaires
Enquête sur l’adhésion syndicale de 1984 : salaire ou traitement habituel avant impôt et autres retenues; aucune référence aux pourboires, commissions, primes ou heures supplémentaires
Enquête sur l’activité de 1986 : salaire ou traitement habituel avant impôt et autres retenues; aucune référence aux pourboires, commissions, primes ou heures supplémentaires
Enquête sur l’activité de 1987 à 1990 : salaire ou traitement habituel avant impôt et autres retenues; comprend les pourboires, commissions, primes et heures supplémentaires payées – tous ensemble
Enquête sur la population active de 1997 à 2011 : salaire ou traitement avant impôt et autres retenues, y compris les pourboires et commissions; on ne sait pas clairement si les répondants ont inclus les heures supplémentaires ou non
Concept des heures
Enquête sur l’activité en 1981 : nombre habituel de jours par semaine + nombre habituel d’heures par jour; aucune référence aux heures supplémentaires
Enquête sur l’adhésion syndicale de 1984 : semaines de travail en 1984 + nombre habituel d’heures par jour; aucune référence aux heures supplémentaires
Enquête sur l’activité de 1986 : nombre habituel de jours payés par semaine + nombre habituel d’heures payées par jour; aucune référence aux heures supplémentaires
Enquête sur l’activité de 1987 à 1990 : nombre habituel de jours payés par semaine + nombre habituel d’heures payées par jour : aucune référence aux heures supplémentaires
Enquête sur la population active de 1997 à 2011 : nombre habituel d’heures payées par semaine; exclut explicitement les heures supplémentaires
9.2 Écart salarial entre les hommes et les femmes ces dernières années
La présente annexe fait ressortir deux principales constatations. Tout d’abord, elle montre que, parmi les travailleurs à temps plein de 17 à 64 ans qui étaient employés dans des industries et des professions généralement comparables, les salaires des femmes représentaient 92 % de ceux des hommes en 2011. Parmi les travailleurs à temps plein de 25 à 54 ans, le chiffre correspondant était 91 %.
En deuxième lieu, elle montre que l’utilisation d’un ensemble détaillé de contrôles de l’industrie et de la profession permet d’expliquer une fraction plus importante de l’écart salarial entre les sexes en 2008 que ne l’ont fait Baker et Drolet (2010) au moyen de contrôles moins détaillés. Même si Baker et Drolet (2010) ont été en mesure d’expliquer 16 % du logarithme de l’écart salarial observé entre les hommes et les femmes de 25 à 54 ans qui travaillaient à temps plein en 2008, l’utilisation d’un ensemble détaillé de contrôles de l’industrie et de la profession permet d’expliquer 37 % de cet écart. Cela a pour résultat que, tandis que Baker et Drolet (2010) laissent supposer que parmi les travailleurs à temps plein de 25 à 54 ans qui travaillaient dans des industries et des professions largement comparables, les salaires des femmes représentaient 85 % de ceux des hommes en 2008, l’utilisation d’un ensemble détaillé de contrôles de l’industrie et de la profession fait augmenter cette proportion à 89 %. La différence entre les estimations est attribuable pour une large part au fait que les grands codes de profession utilisés par Baker et Drolet (2010) laissent supposer, étonnamment, que les femmes sont surreprésentés dans les professions fortement rémunérées, tandis que les codes de profession détaillés laissent supposer le contraire, c’est-à-dire que les femmes sont encore surreprésentées dans les professions faiblement rémunérées.
9.2.1 Écart salarial entre les sexes dans des industries et des professions généralement comparables en 2011
Le tableau 22 est fondé sur l’équation (2) de Baker et Drolet (2010, p. 447). Il montre qu’en 2011, le logarithme de l’écart salarial entre les sexes se chiffrait à 0,129 (environ 13 %) chez les travailleurs à temps plein de 17 à 64 ans. Presque la moitié de cet écart peut être expliqué par le fait que les femmes sont surreprésentées dans les industries et les professions faiblement rémunérées. La composante non expliquée totalise 0,076, c’est-à-dire environ 8 % [exp (0,076)1], ce qui laisse supposer que dans des industries et des professions généralement comparables, les salaires des femmes représentaient 92 % de ceux des hommes en 2011. Un exercice similaire effectué pour les travailleurs à temps plein de 25 à 54 ans produit une composante inexpliquée de 0,087, c’est-à-dire environ 9 % [exp (0,087)1]. Cela signifie que parmi les travailleurs à temps plein de 25 à 54 ans travaillant dans des industries et des professions généralement comparables, les salaires des femmes représentaient 91 % de ceux des hommes en 2011.
9.2.2 Effet de l’utilisation de codes de profession détaillés
Parce qu’ils souhaitent utiliser des codes d’industrie et de profession uniformes pour la période allant de 1981 à 2008, et parce que les classifications d’industries et de professions ont connu des changements significatifs au cours de cette période, Baker et Drolet (2010) ont été forcés d’utiliser des contrôles de profession relativement larges lorsqu’ils ont procédé à leurs analyses de régression (voir l’annexe dans Baker et Drolet, p. 455 à 464). Par contre, dans la présente étude, on utilise 47 contrôles de profession (de même que 23 contrôles d’industrie) pour tenir compte de l’écart salarial entre les sexes. Comme le montre le tableau 23, l’utilisation de contrôles de profession détaillés a deux répercussions majeures. Tout d’abord, elle permet d’expliquer une fraction plus large (37 %, ou 0,062/0,166) de l’écart salarial que celle expliquée par Baker et Drolet (2010) (16 %, ou 0,026/0,166). En deuxième lieu, cela laisse supposer que, contrairement aux constatations de Baker et Drolet (2010, tableau 5, p. 449), les femmes sont encore surreprésentées dans les professions faiblement rémunérées. En fait, 17 % (0,029/0,166) du logarithme de l’écart salarial entre les sexes peut être expliqué par ce fait. Par contre, l’estimation négative de -0,023 obtenue par Baker et Drolet (2010) laisse supposer que les femmes sont surreprésentées dans les professions fortement rémunérées.
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