Direction des études analytiques : documents de recherche
Comprendre l’évolution de la dispersion des revenus des travailleurs au Canada à l’aide des données appariées sur les employeurs et les employés
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier Benoit Dostie de HEC Montréal, Danny Leung de Statistique Canada et Ben Tomlin de la Banque du Canada pour leurs précieux commentaires et suggestions. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement, et non celles de Statistique Canada ou de Finances Canada.
Résumé
Dans le présent document, les auteurs étudient l’évolution de la dispersion des revenus des travailleurs au Canada et examinent la possibilité que les caractéristiques des entreprises puissent expliquer cette dispersion et l’évolution de celle-ci. À partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés couvrant la période de 2001 à 2013, les auteurs du document montrent que la dispersion globale des revenus a légèrement diminué au cours de cette période et que l’augmentation de la dispersion des revenus dans la moitié supérieure de la distribution a été contrebalancée par la convergence des revenus dans la moitié inférieure. L’augmentation de la dispersion dans la moitié supérieure de la répartition était principalement attribuable aux revenus des travailleurs des entreprises de 500 employés ou plus, tandis que la diminution de la dispersion dans la moitié inférieure s’est produite chez les travailleurs d’entreprises de toutes tailles. Les données indiquent que la hausse du salaire minimum a joué un rôle dans la diminution de la dispersion. Enfin, bien que les variations dans les revenus d’un secteur à l’autre et dans la dispersion de la productivité aient toutes deux une incidence sur la dispersion des revenus des travailleurs, il a été démontré que la dispersion des revenus au sein des entreprises est à l’origine de la majeure partie de la dispersion globale au cours de toute année donnée de la période à l’étude, et de l’évolution de la dispersion des revenus au fil du temps.
Mots clés : revenus, productivité, dispersion, inégalité, données appariées sur les employeurs et les employés
Sommaire
La dispersion des revenus parmi les travailleurs peut provenir de sources multiples. Elle peut être attribuable à des différences dans les caractéristiques des travailleurs, telles que le niveau de scolarité et l’expérience, ou encore au fait que les travailleurs œuvrent dans différentes entreprises, lesquelles paient leurs employés différemment. Des études menées récemment dans d’autres pays ont révélé que les entreprises jouent un rôle important dans l’explication des disparités observées dans les revenus des travailleurs, souvent en raison du lien entre la productivité et la rémunération. Cependant, au Canada, le lien entre la dispersion des revenus et les différences entre les entreprises n’a pas été prouvé en raison d’un manque de données appariées sur les employeurs et les employés.
Le présent document porte sur l’évolution de la dispersion des revenus des travailleurs au Canada et sur la possibilité que les caractéristiques des entreprises puissent expliquer cette dispersion et l’évolution de celle-ci au cours de la période postérieure à l’an 2000 à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. Voici un résumé des principales constatations :
Premièrement, conformément à d’autres études canadiennes précédentes, le présent document révèle que la dispersion globale des revenus au Canada a légèrement diminué au cours de la période de 2001 à 2013. Cela est principalement attribuable à une croissance plus rapide des revenus dans le bas de la distribution des revenus que dans le haut de la distribution. Plus précisément, alors que les revenus de la moitié supérieure de la distribution (entre le 90e et le 50e centile) se sont de plus en plus dispersés au cours de cette période, ceux de la moitié inférieure de la distribution (entre le 50e et le 10e centile) ont convergé beaucoup plus rapidement. Cette diminution de la dispersion dans la moitié inférieure de la distribution est attribuable aux travailleurs des entreprises de toutes les tailles, tandis que l’augmentation de la dispersion dans la moitié supérieure est principalement attribuable aux travailleurs des grandes entreprises.
Deuxièmement, la dispersion globale des revenus a diminué dans la majorité des provinces et des territoires, sauf dans ceux dont l’économie repose le plus sur les ressources naturelles (c.-à-d. Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique). Presque toutes les provinces et tous les territoires ont vu la dispersion des revenus de leurs travailleurs diminuer dans la moitié inférieure de la répartition des revenus. Dans tous les secteurs d’activité, tant la dispersion globale des revenus que la dispersion des revenus dans la moitié inférieure de la distribution ont diminué entre 2001 et 2013. Par ailleurs, la dispersion des revenus dans le haut de la distribution a augmenté dans tous les secteurs d’activité, à l’exception des services publics.
Troisièmement, l’évolution des tendances au chapitre de la distribution des revenus des travailleurs est très différente entre les hommes et les femmes : la dispersion des revenus des travailleurs a connu une hausse prononcée dans le haut de la distribution et une baisse marquée dans le bas de la distribution chez les hommes, tandis qu’elle a légèrement augmenté dans le haut de la distribution et légèrement diminué dans le bas de la distribution chez les femmes. Cette situation s’explique par le fait que les hommes ont connu une polarisation plus prononcée de leurs revenus, c.-à-d. que les revenus dans le haut et dans le bas de la distribution ont augmenté beaucoup plus rapidement que la médiane. Tant pour les hommes que pour les femmes, les données indiquent que l’augmentation du salaire minimum a joué un rôle dans la diminution de la dispersion des revenus dans la moitié inférieure de la distribution.
Quatrièmement, la décomposition de la variance des revenus selon qu’elle porte sur les écarts observés entre les revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise (variance intraentreprise) ou d’une entreprise à l’autre (variance entre les entreprises) a permis de constater que les écarts entre les revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise étaient à l’origine de plus de 60 % de la dispersion globale au Canada, et que la diminution de la dispersion des revenus intraentreprise était à l’origine de la diminution de la dispersion globale des revenus des travailleurs.
Les caractéristiques des entreprises ont une incidence sur la dispersion des revenus. Les variations de la dispersion des revenus entre les entreprises découlent des variations des revenus entre les entreprises d’une industrie à l’autre, plutôt qu’au sein d’une industrie. Il existe une corrélation positive entre la dispersion de la productivité des entreprises et la dispersion des revenus entre les entreprises, tant à l’échelle des industries que des entreprises. De plus, plus une entreprise est grande ou productive, plus les revenus sont dispersés au sein de l’entreprise.
1 Introduction
L’inégalité, peu importe la façon dont elle est mesurée, suit une tendance générale à la hausse depuis la fin des années 1970 au Canada et dans de nombreux autres pays (voir à titre d’exemple Katz et Murphy, 1992; Katz et Autor, 1999; Fortin et coll., 2012; Heisz, 2015; Card, Heining et Kline, 2013; Song et coll., 2019; Barth et coll., 2016). La majorité des études précédentes ont attribué cette hausse de l’inégalité à a) une augmentation de la demande de travailleurs qualifiés pour l’exécution de « tâches abstraites » (tâches nécessitant des compétences cognitives et interpersonnelles) découlant d’un changement technologique axé sur les compétences, qui donne lieu à une croissance des revenus des travailleurs plus spécialisés (Autor, Levy et Murnane, 2003; Autor, Katz et Kearney, 2008; Autor et Acemoglu, 2011); b) une pénurie d’investissements dans le capital humain et l’incapacité à trouver un nombre suffisant de travailleurs hautement spécialisés en réponse au changement technologique axé sur les compétences (Murphy and Topel, 2016), et c) la mondialisation et la sous-traitance, qui entraînent une baisse des salaires pour les travailleurs moyennement et peu spécialisés en raison d’une concurrence accrue avec les travailleurs peu spécialisés et faiblement rémunérés des pays en développement (Autor, Dorn et Hanson, 2013).
Récemment, une nouvelle série d’études a été menée dans le but d’évaluer le rôle des entreprises dans les inégalitésNote . À cette fin, les auteurs de nombreuses études ont décomposé l’inégalité globale en composantes intraentreprise et entre les entreprises. Dans la plupart de ces études, les auteurs ont utilisé des données administratives appariées sur les employeurs et les travailleurs et ont observé que l’augmentation de la disparité des revenus entre les entreprises a contribué de façon significative à l’augmentation de l’inégalité globale. Par exemple, Song et coll. (2019) ont examiné les données sur la sécurité sociale des États-Unis et ont constaté que la disparité croissante des revenus entre les entreprises était à l’origine de plus des deux tiers de l’augmentation de l’inégalité globale au chapitre des revenus aux États-Unis pour la période allant de 1981 à 2013. De même, Card, Heining et Kline (2013) ont examiné les données sur la sécurité sociale de l’Allemagne et ont constaté que l’augmentation des écarts entre les revenus des employeurs représentait environ le tiers de l’augmentation globale de l’inégalité en Allemagne entre 1985 et 2009. Enfin, Barth et coll. (2016) ont examiné les données appariées sur les employeurs et les employés aux États-Unis (provenant de la Longitudinal Employer-Household Dynamics database [la base de données longitudinale sur la dynamique employeurs-ménages]) et ont constaté que l’élargissement de la distribution des revenus parmi les établissements explique en grande partie l’augmentation de l’inégalité.
La variation de la dispersion des revenus moyens des travailleurs d’une entreprise à l’autre peut s’expliquer, en partie, par la variation de la composition des travailleurs entre les entreprises en raison d’un processus de tri qui fait en sorte que les travailleurs possédant des compétences semblables se retrouvent dans les mêmes entreprises. Elle peut aussi être attribuable aux variations dans la dispersion de la productivité entre les entreprises qui résulte de nouvelles technologies, de la mondialisation ou d’un changement au chapitre de l’emprise sur le marché, puisque la productivité est souvent liée à la rémunération. Il est important de cerner les tendances en matière d’inégalité et de comprendre le rôle que jouent les entreprises dans ces inégalités, car cela peut fournir des preuves empiriques pour éclairer le débat public et orienter les politiques. Cependant, on ne dispose à ce jour d’aucune donnée canadienne sur le lien entre l’inégalité des revenus et les différences entre les entreprises en raison d’un manque de données appariées sur les employeurs et les employésNote . Pour pallier cette lacune, le présent document fournit des données empiriques sur l’évolution récente de l’inégalité des revenus au Canada après 2000, ainsi que sur le lien entre cette inégalité et les différences entre les entreprises, en particulier au chapitre de la productivité. L’analyse présentée est fondée sur une base de données appariées sur les employeurs et les employés récemment mise au point, à savoir la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE). La BDCDEE était toute désignée pour cette étude du fait qu’elle couvre tous les travailleurs au Canada et leurs employeurs, et qu’elle contient également de l’information sur les différences entre les entreprises, y compris différentes mesures de la productivitéNote . Ainsi, le présent document facilitera les comparaisons avec d’autres pays afin de savoir si le Canada suit les tendances observées ailleurs ou s’il s’en éloigne.
Bien que l’inégalité se soit accrue au Canada à compter de la fin des années 1970, elle est stable et a même légèrement diminué depuis 2000 (Fortin et Lemieux, 2015; Heisz, 2015)Note . Conformément aux résultats de ces études antérieures, la présente étude révèle que la dispersion globale des revenus (mesurée par le calcul du ratio du 90e centile au 10e centile de la distribution des revenus) au Canada a légèrement diminué entre 2001 et 2013. Cette baisse est principalement attribuable à une croissance plus rapide des revenus au bas de la distribution des revenus que dans le haut de la distribution, laquelle est étroitement liée à la hausse du salaire minimum au Canada.
La décomposition de la dispersion globale des revenus en composantes intraentreprise et entre les entreprises a permis de constater que la diminution de la dispersion globale des revenus est attribuable à un rétrécissement des écarts entre les revenus des travailleurs au sein des entreprises. La dispersion des revenus entre les entreprises a légèrement augmenté, et cette hausse est entièrement attribuable à un élargissement des écarts entre les entreprises d’une industrie à l’autre, plutôt qu’au sein de la même industrie.
La présente étude révèle également que la dispersion de la productivité entre les entreprises a augmenté entre 2001 et 2013 et qu’elle était positivement corrélée à la dispersion des revenus entre les entreprises, tant à l’échelle des industries que des entreprises. Les constatations sur la relation entre les différences au chapitre des caractéristiques des entreprises et la dispersion des revenus entre les entreprises concordent avec une autre étude de Statistique Canada (Grekou, Gu et Yan, 2020), qui a également révélé que la productivité et les différences entre les industries jouent un rôle important dans la dispersion des revenus entre les entreprises.
Les résultats exposés dans la présente étude pour le Canada concordent généralement avec ceux d’autres pays, comme les États-Unis et d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE): la dispersion des revenus entre les entreprises et celle de la productivité des entreprises ont toutes deux augmenté après 2000 et étaient en corrélation positive. Toutefois, la divergence de la dispersion des revenus entre les entreprises et le lien entre la dispersion de la productivité et la dispersion des revenus entre les entreprises n’étaient pas aussi prononcés au Canada qu’ils l’étaient dans d’autres pays.
Le présent article est structuré de la manière suivante : la section 2 présente la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE) et décrit les variables et la méthodologie utilisées pour calculer les revenus, la productivité et leur dispersion respective. La section 3 présente la dispersion globale des revenus au Canada, et la dispersion des revenus entre les entreprises et intraentreprise est présentée à la section 4. La section 5 aborde la tendance de la distribution de la productivité des entreprises au fil du temps, et sa corrélation avec la dispersion des revenus est examinée à la section 6.
2 Données et méthodologie
La source de données utilisée pour la présente étude est la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE), une base de données canadienne contenant des données appariées sur les employeurs et les employés. Celle-ci est le résultat d’un appariement de données provenant de fichiers de données administratives, y compris les fichiers de données fiscales des particuliers (déclaration de revenus et de prestations T1 générale), les fichiers de rémunération d’emploi des particuliers (feuillet T4, État de la rémunération payée), les fichiers de données fiscales des entreprises constituées en société (déclaration de revenus des sociétés T2) et non constituées en société (déclaration de revenus et de prestations T1), et de la Base de données longitudinales sur les immigrants (BDIM). La version de la BDCDEE utilisée dans cette étude couvre l’univers annuel des particuliers déclarants, ainsi que celui des entreprises déclarantes constituées en société et des entreprises déclarantes non constituées en société au Canada de 2001 à 2013. La BDCDEE est une source de données toute désignée pour étudier la dispersion des revenus entre les entreprises et intraentreprise, car elle contient des renseignements détaillés sur tous les employés d’une entreprise donnée, comme l’âge, le sexe, l’état matrimonial, le statut d’immigrant et les revenus d’emploi. Elle se prête également bien à l’étude du lien entre les écarts entre les revenus des travailleurs et au chapitre de la productivité des entreprises, car elle contient de l’information qui peut être utilisée pour calculer la productivité des entreprises, comme la classification des industries, le nombre d’employés, la paie, les actifs corporels, les revenus, les charges et les profits.
Plusieurs concepts et variables clés sont définis ci-dessous aux fins d’analyse ultérieure. Les revenus ( ) désignent le revenu d’emploi total des travailleurs provenant de leur emploi principal au cours d’une année civile donnée, tel qu’il est indiqué sur leur feuillet T4Note . Cela signifie que si un travailleur travaille pour plusieurs entreprises au cours de la même année, seul le revenu provenant de l’emploi offrant le meilleur salaire (l’emploi principal) est utiliséNote . Il est important de souligner que ce concept désigne le revenu d’emploi annuel total plutôt que le salaire horaire. Par conséquent, les tendances relatives à la dispersion des revenus pourraient tenir compte de variations dans les salaires horaires et l’offre de main-d’œuvre, comme le nombre d’heures ou de semaines travailléesNote . Le seuil de revenu minimum est introduit plus tard afin de réduire l’incidence de la variation des heures travaillées.
La productivité des entreprises est fondée sur la valeur ajoutée, qui est mesurée comme la somme du revenu du travail et du revenu du capital. Dans la BDCDEE, le revenu du travail est estimé en fonction des retenues sur la paie et des avantages sociaux des employés, tandis que le revenu du capital est estimé en fonction du revenu net total avant impôtNote .
De plus, deux mesures de la productivité des entreprises sont utilisées dans cette étude : la productivité du travail ( ) et la productivité multifactorielle ( ). Dans un logarithme, la productivité du travail est calculée comme suit :
où est la valeur ajoutée réelle de l’entreprise pour l’année , et est le nombre d’employés de mesuré selon le nombre d’employés moyen par mois de . La productivité multifactorielle (PMF) est calculée selon le facteur résiduel de Solow, c.-à-d., dans un logarithme, comme suit :
où est l’industrie à laquelle appartient (selon les codes à trois chiffres du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord [SCIAN]); désigne le stock de capital de selon la valeur comptable de ses immobilisations corporellesNote et est la part du revenu du travail de l’industrie , telle que mesurée par le ratio médian du revenu du travail de l’entreprise à sa valeur ajoutée au cours de la période à l’étude. Le calcul de la PMF est simple, mais il repose sur l’hypothèse importante que la production est caractérisée par une fonction Cobb-Douglas avec des rendements d’échelle constants. Berlingieri, Blanchenay et Criscuolo (2017) ont constaté que la dispersion était assez uniforme entre les différentes mesures de la PMF, y compris la méthode du facteur résiduel de Solow. Toutefois, la corrélation entre la dispersion des revenus et la dispersion de la PMF a tendance à être plus faible lorsque la PMF est calculée selon la méthode du facteur résiduel de Solow plutôt qu’au moyen d’autres mesures.
La variance sert à mesurer la dispersion des revenus ou de la productivité des entreprises. De plus, le ratio entre les principaux centiles dans la distribution est utilisé. L’avantage de cette mesure est qu’elle permet de déterminer la façon dont différentes parties d’une distribution se comportent. Par exemple, alors que le ratio du 90e au 10e centile (p. ex. c90-c10) est une mesure de la dispersion globale, le ratio du 90e au 50e centile (p. ex. c90-c50) et celui du 50e au 10e centile (p. ex. c50-c10) représentent les dispersions dans les moitiés supérieure et inférieure de la distribution, respectivementNote . Selon la convention, les revenus et la productivité sont souvent exprimés sous forme de logarithme. Par conséquent, le logarithme du ratio, ou la différence logarithmique (p. ex. logp90-logp10), est également utilisé dans le document.
Plusieurs restrictions ont été appliquées au moment de l’établissement de l’échantillon de base pour l’analyse. Premièrement, la productivité des entreprises a été calculée uniquement pour les entreprises constituées en société du secteur des entreprisesNote . De plus, la productivité a été mesurée uniquement pour les entreprises qui employaient au moins un travailleur en moyenne tout au long de l’année.
Deuxièmement, des restrictions ont également été appliquées au calcul de la dispersion des revenus. Afin de réduire au minimum les répercussions de la transition de l’école au travail et du travail à la retraite, seuls les revenus des travailleurs âgés de 20 à 60 ans ont été inclus dans le calcul de la dispersionNote . De plus, les travailleurs de l’échantillon de base devaient gagner des revenus équivalant à au moins 13 semaines de travail à temps plein au salaire minimum de leur province de résidenceNote . Cette restriction visait à réduire les effets des fluctuations de l’offre de main-d’œuvre et les effets des travailleurs participant peu au marché du travail. Un autre seuil de revenu minimum a également été utilisé (en supposant un emploi à temps plein et toute l’année au salaire minimum), et les répercussions sur la dispersion globale des revenus sont demeurées qualitativement semblables (voir le graphique A.1 de l’annexe A). Enfin, pour que le calcul de l’écart entre les revenus des travailleurs d’une même entreprise soit significatif, celle-ci devait compter au moins cinq travailleurs satisfaisant aux deux conditions précédentesNote .
En fin de compte, l’échantillon de base représente le tiers de tous les employeurs, mais la majorité du nombre total d’employés dans l’échantillon complet qui comprend tous les travailleurs touchant des revenus positifs d’une entreprise quelconque (emplois principaux seulement) au cours d’une année donnée (tableau B.1 de l’annexe B). L’échantillon complet comprend entre 661 500 et 916 900 entreprises qui ont émis au moins un feuillet T4 entre 2001 et 2013 (colonne 1). Chaque année, ces entreprises employaient de 12 à 14 millions de travailleurs (colonne 2) et représentaient de 9,7 à 12 millions d’employés au total, selon l’effectif mensuel moyen de ces entreprises indiqué dans le formulaire PD7A (colonne 3). L’échantillon de base est composé d’environ 230 000 à 255 500 employeurs et de 8 à 8,8 millions de travailleurs par année (colonnes 4 et 5), lesquels représentaient respectivement 32 % de tous les employeurs et 62 % de tous les travailleurs de l’échantillon complet en moyenne. Toutefois, le nombre total d’emplois associés à ces employeurs dans l’échantillon de base se situait entre 8,4 millions et 10 millions environ, ce qui représente en moyenne 85 % du nombre total d’emplois dans l’échantillon complet.
Les dispersions des revenus fondées sur l’échantillon de base étaient qualitativement semblables à celles fondées sur l’échantillon complet. Cet aspect sera abordé dans la prochaine section.
3 Dispersion des revenus au cours de la période postérieure à l’an 2000
La présente section décrit la dispersion des revenus des travailleurs au Canada de 2001 à 2013 à l’échelle nationale et selon la province, le secteur, la taille de l’entreprise et le sexe.
3.1 Dispersion des revenus à l’échelle nationale
Le graphique 1 illustre les tendances des diverses mesures de la dispersion des revenus au Canada de 2001 à 2013. Plus précisément, il montre comment ces mesures ont changé entre une année t et leurs valeurs respectives en 2001.
Pour l’échantillon de base, le graphique 1 montre que la dispersion globale des revenus, appelée « c90-c10 », a augmenté jusqu’en 2009 par rapport à sa valeur en 2001. Soulignons particulièrement que l’inégalité globale a augmenté par rapport à son niveau de 2001 et a atteint un sommet en 2005. Cette année-là, qui se situe avant la Grande Récession, l’inégalité globale était d’environ 5 % supérieure à celle observée en 2001Note . Après 2005, la croissance de l’inégalité globale s’est atténuée jusqu’à ce qu’elle soit inférieure d’environ 1 % en 2013 par rapport à 2001.
L’inégalité globale a diminué malgré l’élargissement des écarts entre les revenus dans la moitié supérieure de la distribution. D’après l’échantillon de base, le ratio entre le 90e et le 50e centile, appelé « c90-c50 », a connu une croissance constante et, en 2013, il était d’environ 4 % supérieur à celui de 2001. Dans l’ensemble, l’inégalité a diminué parce que la diminution de la dispersion dans la moitié inférieure de la répartition des revenus a plus que compensé l’augmentation observée dans la moitié supérieure. Après avoir connu une croissance modérée jusqu’en 2004, le ratio entre le 50e et le 10e centile, appelé « c50-c10 », a diminué d’environ 5 % entre 2004 et 2013.
Il est important de souligner que les restrictions imposées à l’échantillon de base ne semblent pas influencer les tendances observées en matière d’inégalité. Le graphique 1 présente des résultats qualitativement semblables parmi un échantillon plus vaste de travailleurs (c.-à-d. l’échantillon complet): l’inégalité globale a diminué parce que l’augmentation de la dispersion dans la moitié supérieure de la distribution n’était pas assez importante pour compenser la diminution de la dispersion dans la moitié inférieure. Toutefois, l’ampleur de la diminution de l’inégalité constitue une exception pour laquelle les restrictions importent. En effet, l’inégalité a connu une baisse plus prononcée parmi l’échantillon complet de travailleurs que parmi l’échantillon de base. Cela s’explique par le fait que l’augmentation de la dispersion dans la moitié supérieure de la répartition des revenus était plus modeste dans l’échantillon complet que dans l’échantillon de base, tandis que l’ampleur des baisses observées dans la moitié inférieure de la distribution était plus semblable entre les deux échantillons.
Tableau de données du graphique 1
Échantillon complet | Échantillon de base | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | |
variation de la dispersion (2001=0) | ||||||
2001 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 |
2002 | -0,002 | 0,006 | -0,008 | 0,020 | 0,006 | 0,014 |
2003 | 0,036 | 0,012 | 0,024 | 0,027 | 0,008 | 0,019 |
2004 | -0,001 | 0,009 | -0,009 | 0,042 | 0,019 | 0,022 |
2005 | 0,004 | 0,019 | -0,014 | 0,053 | 0,033 | 0,020 |
2006 | 0,002 | 0,021 | -0,020 | 0,047 | 0,037 | 0,011 |
2007 | 0,029 | 0,014 | 0,016 | 0,038 | 0,034 | 0,004 |
2008 | 0,013 | 0,002 | 0,010 | 0,025 | 0,032 | -0,007 |
2009 | -0,003 | -0,004 | 0,001 | 0,001 | 0,022 | -0,021 |
2010 | -0,041 | -0,001 | -0,040 | -0,002 | 0,031 | -0,033 |
2011 | -0,034 | 0,015 | -0,049 | -0,007 | 0,042 | -0,049 |
2012 | -0,024 | 0,014 | -0,038 | -0,014 | 0,042 | -0,056 |
2013 | -0,023 | 0,018 | -0,041 | -0,009 | 0,044 | -0,053 |
Notes : On entend par « c90-c10 » la différence entre les 90e et 10e centiles de la distribution du logarithme des gains; par « c90-c50 », la différence entre les 90e et 50e centiles de la distribution, et par « c50-c10 » la différence entre les 50e et 10e centiles de la distribution. Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Comme l’ont suggéré Fortin et Lemieux (2015), la diminution de l’inégalité globale et dans le bas de la distribution des revenus pourrait être attribuable à l’augmentation du salaire minimum provincial. Il est possible que les hausses du salaire minimum depuis 2005 aient permis aux revenus dans le bas de la distribution de croître plus rapidement que ceux des tranches supérieures ou moyennesNote . En se fiant aux travaux de Fortin et Lemieux (2015), les auteurs de la présente étude ont examiné la relation entre la hausse du salaire minimum et l’augmentation des revenus dans le bas de la distribution. Les estimations sont présentées en détail à l’annexe C. Les résultats révèlent que les hausses du salaire minimum ont effectivement entraîné des augmentations des revenus dans le bas de la distribution. De plus, l’incidence a été plus prononcée chez les femmes que chez les hommes. Cela peut s’expliquer en partie par le nombre proportionnellement plus élevé parmi les travailleurs de femmes touchant le salaire minimum ou un salaire inférieur, comparativement aux hommes (Fortin et Lemieux, 2015), ou par la volonté des femmes touchant le salaire minimum à effectuer un plus grand nombre d’heures de travail, puisque l’augmentation du salaire minimum entraîne une augmentation du coût de renonciation associé aux loisirs. Dans l’ensemble, cela suggère que la hausse du salaire minimum a joué un rôle dans la diminution de la dispersion au bas de la distribution des revenus et, par conséquent, dans la diminution de la dispersion globale.
La légère baisse, ou la tendance relativement stable, de la dispersion globale des revenus après 2000 concorde de façon générale aux résultats d’autres études canadiennes, tels que ceux des travaux de Heisz (2015), qui a étudié le revenu du marché et le revenu après impôt, et ceux de Fortin et Lemieux (2015), qui se sont penchés sur le salaire horaire de l’Enquête sur la population active. Cette constatation était également largement conforme à la tendance générale de l’inégalité des revenus aux États-Unis après 2000, sauf que l’inégalité aux États-Unis a de nouveau augmenté après la Grande Récession (Song et coll., 2019)Note .
3.2 Autres aspects de la dispersion des revenus
Les tendances observées à l’échelle nationale sont-elles répandues dans les régions géographiques et les secteurs ou sont-elles propres à quelques provinces, territoires ou industries seulement? Le tableau 1 présente la variation de la répartition des revenus de 2001 à 2013 pour l’échantillon de base pour chaque province ou territoire, secteur, catégorie de taille d’entreprise (nombre d’employés) et sexe.
Les variations de la dispersion des revenus entre 2001 et 2013 n’étaient pas uniformes dans l’ensemble des provinces et territoires (panel A du tableau 1). La dispersion globale des revenus (ratio c90-c10) a diminué dans les territoires et dans chaque province, sauf dans ceux dont l’économie repose le plus sur les ressources naturelles (c.-à-d. Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique). Dans la plupart des secteurs de compétence qui ont connu des baisses de la dispersion globale, ces baisses se sont produites tant dans le haut que dans le bas de la distribution. De plus, dans ces provinces, les baisses dans le bas de la distribution (ratio c50/c10) étaient beaucoup plus importantes que celles observées dans le haut de la distribution (ratio c90/c50). Dans les provinces riches en ressources, sauf à Terre-Neuve-et-Labrador, l’inégalité globale a augmenté en raison de l’augmentation de la dispersion dans le haut de la distribution, qui a contrebalancé la diminution dans le bas de la distribution. Ainsi, la plupart des provinces et des territoires ont connu une diminution de la dispersion des revenus dans le bas de la distribution, bien qu’à divers degrés. Comme il a été établi à la section précédente, il existe une corrélation positive entre le salaire minimum et le 10e centile de la distribution des revenus. Par conséquent, la variation observée dans la moitié inférieure de la dispersion des revenus dans la plupart des provinces pourrait être attribuable en partie à la variation du salaire minimum et aux changements apportés au salaire minimum au fil du temps dans ces provinces.
Dans l’ensemble des secteurs économiques, les variations dans la dispersion des revenus concordaient plus ou moins avec la tendance nationale, du moins en ce qui concerne la direction de la variation (panel B du tableau 1). La dispersion globale des revenus (ratio c90-c10) et la dispersion des revenus dans le bas de la distribution (ratio c50-c10) ont diminué dans tous les secteurs entre 2001 et 2013. Par ailleurs, la dispersion des revenus dans le haut de la distribution (ratio c90-c50) a augmenté dans tous les secteurs, à l’exception des services publics; la hausse la plus prononcée a été observée dans le secteur des ressources (7,5 %) et la moins prononcée, dans le secteur de la fabrication (1,2 %), ce qui concorde avec les variations au chapitre du développement économique dans ces deux secteurs après 2000. Parallèlement, le secteur de la fabrication a enregistré la diminution la plus prononcée du ratio c50-c10 (13,6 %), laquelle a entraîné la baisse la plus marquée de la dispersion des revenus globaux (12,5 %) dans le secteur comparativement à l’ensemble des secteurs.
En ce qui concerne la taille des entreprises, l’inégalité des revenus augmentait avec la taille des entreprises, surtout parmi les grandes entreprises (comptant 500 employés ou plus) (graphique 2). Cette constatation concorde avec celle de Mueller, Ouimet et Simintzi (2017), qui ont conclu que les écarts salariaux entre les postes de haut niveau et de bas niveau et entre les différents postes de haut niveau augmentent tous avec la taille de l’entreprise.
Au fil du temps, la dispersion globale des revenus a diminué chez les travailleurs des petites et moyennes entreprises (entreprises comptant jusqu’à 499 employés), tandis qu’elle a augmenté d’environ 7,2 % chez ceux des plus grandes entreprises (comptant au moins 500 employés) (panel C du tableau 1). Dans le haut de la distribution, la dispersion a augmenté chez tous les travailleurs, sauf chez ceux des plus petites entreprises (entreprises comptant moins de 50 employés), variation qui était également positivement corrélée avec la taille de l’entreprise. Par ailleurs, les travailleurs des entreprises de toutes les tailles ont connu une diminution de la dispersion au bas de la distribution des revenus.
Dans l’ensemble, l’écart le plus prononcé au chapitre de la variation de la dispersion des revenus entre les différentes catégories de taille d’entreprise a été observé dans le haut de la distribution, c.-à-d. que la dispersion a augmenté de façon marquée chez les grandes entreprises (comptant au moins 500 employés), tandis qu’elle a augmenté de façon plus modérée ou diminué chez les entreprises plus petites. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que les grandes entreprises, qui sont habituellement plus productives, ont une demande croissante de travailleurs hautement qualifiés, ce qui gonfle la prime basée sur les compétences.
Ratio c90-c10 | Ratio c90-c50 | Ratio c50-c10 | |
---|---|---|---|
Pourcentage | |||
Panel A : province ou territoire | |||
Terre-Neuve-et-Labrador | 0,8 | -4,6 | 5,7 |
Île-du-Prince-Édouard | -5,7 | -1,4 | -4,3 |
Nouvelle-Écosse | -15,2 | -5,0 | -10,7 |
Nouveau-Brunswick | -17,1 | -4,9 | -12,8 |
Québec | -2,7 | -0,4 | -2,3 |
Ontario | -0,1 | 5,8 | -5,6 |
Manitoba | -8,2 | 1,0 | -9,1 |
Saskatchewan | 0,4 | 5,0 | -4,4 |
Alberta | 2,1 | 5,9 | -3,6 |
Colombie-Britannique | 4,3 | 6,7 | -2,2 |
Territoires du Nord-Ouest, Yukon et Nunavut | -6,4 | -4,6 | -1,9 |
Panel B : secteur | |||
Agriculture | -10,0 | 1,8 | -11,6 |
RessourcesTableau 1 Note 1 | -2,9 | 7,5 | -9,7 |
Services publics | -9,7 | -2,1 | -7,8 |
Construction | -5,9 | 1,9 | -7,6 |
Fabrication | -12,5 | 1,2 | -13,6 |
Services | -0,4 | 3,3 | -3,5 |
Panel C : taille de l’entreprise (nombre d’employés) | |||
Moins de 50 employés | -5,4 | -1,5 | -3,9 |
De 50 à 99 employés | -4,0 | 1,5 | -5,4 |
De 100 à 499 employés | -1,3 | 3,5 | -4,7 |
500 employés ou plus | 7,2 | 10,1 | -2,6 |
Panel D : sexe des travailleurs | |||
Tous | -0,9 | 4,5 | -5,2 |
Hommes | 1,2 | 7,3 | -5,7 |
Femmes | 1,3 | 2,8 | -1,5 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Tableau de données du graphique 2
Taille de l’entreprise | ||||
---|---|---|---|---|
Moins de 50 employés | De 50 à 99 employés | De 100 à 499 employés | 500 employés ou plus | |
2001 | 2,142 | 2,186 | 2,164 | 2,162 |
2002 | 2,156 | 2,206 | 2,183 | 2,196 |
2003 | 2,164 | 2,203 | 2,188 | 2,214 |
2004 | 2,176 | 2,207 | 2,189 | 2,241 |
2005 | 2,181 | 2,221 | 2,200 | 2,258 |
2006 | 2,182 | 2,213 | 2,195 | 2,262 |
2007 | 2,177 | 2,208 | 2,192 | 2,260 |
2008 | 2,163 | 2,200 | 2,181 | 2,239 |
2009 | 2,139 | 2,177 | 2,170 | 2,213 |
2010 | 2,123 | 2,162 | 2,158 | 2,233 |
2011 | 2,106 | 2,158 | 2,148 | 2,236 |
2012 | 2,095 | 2,145 | 2,147 | 2,217 |
2013 | 2,087 | 2,146 | 2,151 | 2,232 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
En ce qui concerne la dispersion globale (ratio c90/c10) des revenus des travailleurs selon le sexe, elle a légèrement augmenté tant chez les hommes que chez les femmes entre 2001 et 2013 (panel D du tableau 1). Toutefois, l’évolution des tendances au chapitre de la distribution des revenus est très différente entre les hommes et les femmes : la dispersion des revenus a connu une hausse prononcée dans le haut de la distribution et une baisse marquée dans le bas de la distribution chez les hommes, tandis qu’elle a légèrement augmenté dans le haut de la distribution et légèrement diminué dans le bas de la distribution chez les femmes. Cette situation s’explique par le fait que les travailleurs ont connu une polarisation prononcée de leurs revenus, c.-à-d. que les revenus dans le haut et dans le bas de la distribution ont augmenté beaucoup plus rapidement que la médiane (graphique 3). De 2001 à 2013, les revenus des hommes aux 90e et 10e centiles ont augmenté de 14 % et de 13 % respectivement, tandis que les revenus à la médiane n’ont augmenté que de 7 %, ce qui a entraîné une convergence des revenus dans l’ensemble. En revanche, les revenus des femmes ont connu une croissance semblable aux trois centiles, soit 18 %, 15 % et 17 % respectivement aux 90e, 50e et 10e centiles. La croissance des revenus des femmes était supérieure à celle des hommes aux trois centiles, surtout à la médiane (graphique 3).
Dans l’ensemble de la distribution, les revenus de l’ensemble des travailleurs (hommes et femmes) ont légèrement convergé. Cela s’explique par l’effet de composition, qui fait en sorte que les hommes avaient une incidence disproportionnée sur la croissance des revenus de l’ensemble des travailleurs dans le haut de la distribution et à la médiane, tandis que les femmes avaient une incidence accrue sur la croissance des revenus dans le bas de la distribution, en particulier au 10e centile. Cela a entraîné une polarisation plus modeste des revenus pour l’ensemble des travailleurs comparativement à la polarisation des revenus des hommes seulementNote .
Tableau de données du graphique 3
Hommes | Femmes | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
c90 | c50 | c10 | c90 | c50 | c10 | |
2001 | 1,000 | 1,000 | 1,000 | 1,000 | 1,000 | 1,000 |
2002 | 1,004 | 1,001 | 0,985 | 1,011 | 0,999 | 0,986 |
2003 | 1,000 | 0,991 | 0,972 | 1,010 | 1,001 | 0,976 |
2004 | 1,017 | 0,997 | 0,978 | 1,033 | 1,009 | 0,978 |
2005 | 1,038 | 1,001 | 0,987 | 1,038 | 1,012 | 0,979 |
2006 | 1,055 | 1,010 | 1,010 | 1,061 | 1,027 | 0,999 |
2007 | 1,073 | 1,019 | 1,031 | 1,086 | 1,057 | 1,024 |
2008 | 1,089 | 1,031 | 1,056 | 1,108 | 1,089 | 1,055 |
2009 | 1,080 | 1,020 | 1,046 | 1,127 | 1,118 | 1,096 |
2010 | 1,091 | 1,023 | 1,055 | 1,132 | 1,114 | 1,111 |
2011 | 1,104 | 1,027 | 1,079 | 1,140 | 1,112 | 1,128 |
2012 | 1,124 | 1,049 | 1,116 | 1,159 | 1,130 | 1,153 |
2013 | 1,144 | 1,066 | 1,130 | 1,184 | 1,152 | 1,169 |
Notes : On entend par « c90 » le 90e centile de la distribution des gains; par « c50 », le 50e centile de la distribution, et par « c10 », le 10e centile de la distribution. Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
4 Dispersion des revenus entre les entreprises et intraentreprise
Les dispersions des revenus présentées dans la section précédente ne tiennent pas compte de la distinction entre les travailleurs d’une même entreprise et ceux de différentes entreprises. Cette distinction est importante parce qu’elle permet de mieux comprendre le rôle des entreprises dans l’inégalité globale des revenus. Selon les études récentes sur le sujet, les écarts entre les revenus des travailleurs d’une même entreprise contribuent à l’inégalité différemment des écarts observés entre les travailleurs d’une entreprise à l’autre. En particulier, les études révèlent que, dans de nombreux pays, l’augmentation des écarts entre les revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre est à l’origine d’une grande part de l’augmentation de l’inégalité globale (Card, Heining et Kline, 2013 pour l’Allemagne; Faggio, Salvanes et Van Reenen, 2010 et Mueller, Ouimet et Simintzi, 2017 pour le Royaume-Uni; Barth et coll., 2016 et Song et coll., 2019 pour les États-Unis, et Helpman et coll., 2017 pour le Brésil)Note . Cependant, on ne dispose à ce jour d’aucune donnée canadienne sur ce lien en raison d’un manque de données appariées sur les employeurs et les employés. La présente section décompose la variation des revenus totaux de l’échantillon de base selon qu’elle est observée chez les travailleurs d’une même entreprise ou de différentes entreprises.
Pour simplifier la décomposition, la variance des revenus a été utilisée pour mesurer l’inégalité. Cela facilite la décomposition de la dispersion des revenus selon qu’elle concerne les revenus des travailleurs d’une même entreprise (dispersion intraentreprise) ou de différentes entreprises (dispersion entre les entreprises), comme suit :
Dans l’équation (1), désigne les revenus du travailleur à l’entreprise ; désigne les revenus moyens d’un employé de l’entreprise et désigne les revenus moyens pour l’ensemble de l’échantillon; désigne le nombre d’employés de l’entreprise et désigne le nombre total d’employés de toutes les entreprises ( ) de l’échantillon. Selon l’équation (1), la variance globale des revenus des travailleurs est égale à la variance des revenus moyens des travailleurs des entreprises pondérée en fonction du nombre d’employés (le premier terme du côté droit de l’équation [1]) et à la variance moyenne des revenus des travailleurs d’une même entreprise pondérée en fonction du nombre d’employés (le deuxième terme du côté droit de l’équation [1]).
Au cours de toute la période à l’étude, de 2001 à 2013, la contribution de la variance des revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise à l’inégalité globale était beaucoup plus grande que celle de la variance des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre. La variance intraentreprise représentait en moyenne plus de 60 % de la variance des revenus totaux. Cette variance a également augmenté jusqu’en 2007, mais a diminué par la suite. En revanche, la variance entre les entreprises a légèrement augmenté. Entre 2001 et 2013, la variance intraentreprise moyenne a diminué de 5,7 %, tandis que la variance entre les entreprises a augmenté de 2,8 %. Par conséquent, la variance totale a diminué de 2,5 % de 2001 à 2013.
Tableau de données du graphique 4
Variance totale | Variance entre les entreprises | Variance intraentreprise | |
---|---|---|---|
variance | |||
2001 | 0,730 | 0,274 | 0,456 |
2002 | 0,738 | 0,279 | 0,459 |
2003 | 0,741 | 0,280 | 0,460 |
2004 | 0,752 | 0,285 | 0,467 |
2005 | 0,761 | 0,287 | 0,474 |
2006 | 0,760 | 0,284 | 0,476 |
2007 | 0,756 | 0,277 | 0,479 |
2008 | 0,742 | 0,272 | 0,470 |
2009 | 0,722 | 0,267 | 0,455 |
2010 | 0,721 | 0,272 | 0,449 |
2011 | 0,717 | 0,274 | 0,443 |
2012 | 0,709 | 0,276 | 0,434 |
2013 | 0,712 | 0,281 | 0,431 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Cette preuve canadienne de l’évolution de la variance intraentreprise et entre les entreprises après 2000 concorde qualitativement avec les constatations de Song et coll. (2019), qui ont également constaté une augmentation de la variance entre les entreprises et une diminution de la variance intraentreprise aux États-Unis de 2000 à 2013. Toutefois, l’augmentation de la variance entre les entreprises était beaucoup plus importante aux États-Unis, ce qui a entraîné une augmentation de la variance des revenus totauxNote .
La variance entre les entreprises peut être décomposée selon qu’elle concerne des entreprises de différents groupes (c.-à-d. différentes industries) ou des entreprises du même groupe. L’équation ci-dessous illustre cette décomposition :
Dans l’équation (2), désigne les revenus du travailleur à l’entreprise , qui appartient au groupe ; désigne les revenus moyens des travailleurs de l’entreprise ; désigne les revenus moyens des travailleurs du groupe ; désigne la proportion d’emplois que représente l’entreprise dans le groupe ; désigne le nombre d’entreprises dans le groupe , et désigne le nombre total de groupes. Par conséquent, la variance entre les entreprises totale dans l’équation (1) peut être décomposée en deux catégories selon qu’il s’agit de la variance des revenus moyens des travailleurs des entreprises d’un groupe à l’autre, pondérée en fonction de la proportion d’emplois de chaque groupe (le premier terme du côté droit de l’équation [2]), ou de la varianceNote moyenneNote des revenus moyens des travailleurs d’une entreprise à l’autre au sein de chaque groupe (le deuxième terme du côté droit de l’équation [2]).
Les variations entre les entreprises ont été décomposées (voir l’équation [2]) afin de tenir compte des différences entre les industries (codes à trois chiffres du SCIAN). Cette décomposition est illustrée dans le graphique 5. Pour ce qui est de l’ampleur, les variations des revenus des travailleurs d’une industrie à l’autre et d’une entreprise à l’autre au sein d’une même industrie étaient d’une ampleur semblable, chacune représentant environ 50 % de la variation totale des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autreNote . Toutefois, en ce qui concerne leur évolution, la variation des revenus des travailleurs d’une industrie à l’autre était à l’origine de l’augmentation globale de la variation des revenus entre les entreprises. Entre 2001 et 2013, la variation totale des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre et la variation des revenus des travailleurs d’une industrie à l’autre ont toutes deux d’abord augmenté, puis diminué pour atteindre leur plus bas niveau en 2009, avant d’augmenter de nouveau pour atteindre un niveau plus élevé qu’en 2001. En revanche, la variation des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre au sein d’une même industrie a augmenté jusqu’en 2006, avant de diminuer jusqu’en 2013 et de clore à un niveau légèrement inférieur à celui de 2001.
Tableau de données du graphique 5
Variance entre les industries (axe de gauche) | Variance entre les entreprises au sein d'une même industrie (axe de gauche) | Variance totale entre les entreprises (axe de droite) | |
---|---|---|---|
variance | |||
2001 | 0,137 | 0,137 | 0,274 |
2002 | 0,139 | 0,140 | 0,279 |
2003 | 0,140 | 0,140 | 0,280 |
2004 | 0,143 | 0,142 | 0,285 |
2005 | 0,144 | 0,143 | 0,287 |
2006 | 0,140 | 0,143 | 0,283 |
2007 | 0,138 | 0,139 | 0,277 |
2008 | 0,135 | 0,138 | 0,273 |
2009 | 0,131 | 0,136 | 0,267 |
2010 | 0,136 | 0,137 | 0,273 |
2011 | 0,138 | 0,136 | 0,274 |
2012 | 0,141 | 0,135 | 0,276 |
2013 | 0,145 | 0,136 | 0,281 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
En résumé, la baisse de l’inégalité globale entre 2001 et 2013 était principalement attribuable à la baisse de la variance des revenus intraentreprise. La légère augmentation de la variance des revenus entre les entreprises a exercé une pression à la hausse sur l’inégalité globale et semble avoir été entièrement attribuable à un écart grandissant entre les revenus des travailleurs d’une industrie à l’autre. Même si la variance des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre au sein d’une même industrie étroitement définie était considérableNote , l’importance de cette deuxième source d’inégalité des revenus d’une entreprise à l’autre a diminué entre 2001 et 2013.
5 Dispersion de la productivité des entreprises
Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes, bien que la dispersion globale des revenus ait diminué, la variance des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre a légèrement augmenté au Canada entre 2001 et 2013. Les écarts au chapitre du rendement des entreprises pourraient être à l’origine de cette inégalité. Plus particulièrement, la productivité des entreprises est, généralement, en corrélation positive avec le salaire moyen des travailleurs. Si les écarts de productivité entre les entreprises augmentent, les employeurs plus productifs pourraient verser à leurs travailleurs un salaire de plus en plus supérieur à celui offert par les entreprises moins productives. En fait, selon des données probantes récentes sur les entreprises, la dispersion de la productivité des entreprises a augmenté après 2000 dans de nombreux pays membres de l’OCDE où l’inégalité des revenus entre les entreprises a également augmenté (Berlingieri, Blanchenay et Criscuolo, 2017). La présente section aborde la dispersion de la productivité des entreprises au Canada en fonction de l’échantillon d’entreprises décrit à la section 2.
La dispersion globale de la productivité du travail a augmenté après 2001 dans les secteurs de la fabrication et des services (graphique 6)Note . Dans le secteur de la fabrication, bien que la productivité du travail ait connu une tendance générale à la hausse, elle a légèrement diminué au début des années 2000 et ralenti après la crise financière de 2008. Une tendance semblable a aussi été observée dans le secteur des services. En 2013, la dispersion de la productivité du travail, mesurée comme le ratio entre le 90e et le 10e centile, était supérieure d’environ 15 %Note à son niveau de 2001. Cette augmentation est principalement attribuable à l’augmentation de la dispersion dans le haut plutôt que dans le bas de la distribution de la productivité. La productivité du travail était beaucoup plus dispersée parmi les entreprises plus productives (c90-c50) que parmi les entreprises moins productives (c50-c10) dans les secteurs de la fabrication et des services. Cela diffère des conclusions de Berlingieri, Blanchenay et Criscuolo (2017), qui ont constaté le contraire dans de nombreux autres pays membres de l’OCDE.
Les tendances de la dispersion de la PMF (graphique 7) étaient semblables à celles qui ont été observées pour la productivité du travail (graphique 6). La dispersion globale de la PMF des entreprises s’est accrue au fil du temps dans les secteurs de la fabrication et des services. La dispersion s’est également accrue dans le haut et dans le bas de la distribution. Dans le secteur des services, contrairement à la productivité du travail (graphique 6), la dispersion de la PMF a augmenté davantage au fil du temps au sein des entreprises moins productives (c50-c10) que parmi les entreprises plus productives (c90-c50).
Tableau de données du graphique 6
Secteur de la fabrication | Secteur des services | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | |
point log (2001=0) | ||||||
2001 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 |
2002 | 0,048 | 0,011 | 0,037 | 0,096 | 0,019 | 0,078 |
2003 | 0,050 | 0,013 | 0,037 | 0,133 | 0,035 | 0,098 |
2004 | 0,017 | 0,018 | -0,001 | 0,067 | 0,034 | 0,034 |
2005 | -0,009 | 0,001 | -0,011 | 0,084 | 0,058 | 0,026 |
2006 | 0,032 | 0,018 | 0,014 | 0,108 | 0,074 | 0,034 |
2007 | 0,054 | 0,038 | 0,017 | 0,112 | 0,075 | 0,038 |
2008 | 0,068 | 0,049 | 0,019 | 0,100 | 0,074 | 0,026 |
2009 | 0,110 | 0,063 | 0,047 | 0,078 | 0,060 | 0,019 |
2010 | 0,082 | 0,058 | 0,025 | 0,083 | 0,067 | 0,016 |
2011 | 0,077 | 0,065 | 0,012 | 0,095 | 0,083 | 0,012 |
2012 | 0,099 | 0,083 | 0,016 | 0,103 | 0,087 | 0,016 |
2013 | 0,142 | 0,102 | 0,039 | 0,138 | 0,104 | 0,034 |
Notes : On entend par « c90-c10 » la différence entre les 90e et 10e centiles de la distribution du logarithme de la productivité du travail; par « c90-c50 », la différence entre les 90e et 50e centiles de la distribution, et par « c50-c10 » la différence entre les 50e et 10e centiles de la distribution. Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Tableau de données du graphique 7
Secteur de la fabrication | secteur des services | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | |
point log (2001=0) | ||||||
2001 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 |
2002 | 0,018 | 0,009 | 0,009 | 0,000 | -0,025 | 0,024 |
2003 | 0,040 | 0,013 | 0,027 | 0,040 | 0,000 | 0,040 |
2004 | 0,007 | 0,012 | -0,005 | 0,037 | 0,002 | 0,036 |
2005 | 0,039 | 0,033 | 0,006 | 0,105 | 0,063 | 0,043 |
2006 | 0,064 | 0,048 | 0,016 | 0,110 | 0,049 | 0,060 |
2007 | 0,106 | 0,064 | 0,042 | 0,128 | 0,065 | 0,062 |
2008 | 0,136 | 0,078 | 0,058 | 0,083 | 0,033 | 0,050 |
2009 | 0,172 | 0,082 | 0,090 | 0,076 | 0,041 | 0,035 |
2010 | 0,154 | 0,093 | 0,061 | 0,069 | 0,029 | 0,040 |
2011 | 0,146 | 0,102 | 0,044 | 0,100 | 0,007 | 0,093 |
2012 | 0,154 | 0,105 | 0,049 | 0,136 | 0,061 | 0,075 |
2013 | 0,178 | 0,119 | 0,059 | 0,140 | 0,057 | 0,083 |
Notes : On entend par « c90-c10 » la différence entre les 90e et 10e centiles de la distribution du logarithme de la productivité multifactorielle; par « c90-c50 », la différence entre les 90e et 50e centiles de la distribution, et par « c50-c10 » la différence entre les 50e et 10e centiles de la distribution. Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
6 Lien entre la dispersion des revenus et la dispersion de la productivité
Comme nous l’avons vu brièvement à la section précédente, il devrait exister une corrélation positive entre la dispersion de la productivité des entreprises et la dispersion des revenus entre les entreprises. Cette corrélation peut être attribuable au fait que les entreprises dont la productivité augmente en raison de l’adoption de technologies sont susceptibles de faire profiter d’une partie de cette augmentation à leurs travailleurs en augmentant leur salaire au moyen de mécanismes de partage des rentes. La présente section aborde officiellement la relation entre la dispersion des revenus et la dispersion de la productivité en mettant l’accent sur la corrélation entre les deux, plutôt que sur la causalitéNote . À cette fin, l’équation de régression suivante a été utilisée :
où mesure la dispersion des revenus des travailleurs des entreprises de l’industrie (code à trois chiffres du SCIAN) au cours de l’année ; représente la dispersion de la productivité des entreprises, et et désignent les effets fixes de l’année et de l’industrie, respectivement. Le tableau 2 présente des estimations de fondées sur diverses mesures de la dispersion des revenus (colonnes) et de la dispersion de la productivité (lignes).
La colonne 1 montre que la dispersion globale des revenus et la dispersion de la productivité du travail, chacune étant mesurée par le logarithme du ratio du 90e au 10e centile de leurs distributions respectives, étaient en corrélation positive. Plus précisément, le coefficient estimé donne à penser qu’une augmentation de 1 % de la dispersion de la productivité du travail était corrélée avec une augmentation de 0,116 % de la dispersion des revenusNote . Le tableau 2 montre également que la variance des revenus, comme autre mesure de la dispersion des revenus, était en corrélation positive et significative avec la variance de la productivité du travail (colonne 4). Le coefficient de corrélation était de 0,107, ce qui n’est que légèrement inférieur à la mesure de la dispersion des revenus utilisée dans la colonne 1.
La corrélation entre la dispersion des revenus et la dispersion de la productivité était également positive et significative dans le haut et dans le bas des distributions (colonnes 2 et 3), bien qu’elle était plus prononcée dans le bas des distributions (colonne 3). La corrélation plus faible dans le haut des distributions donne à penser que les entreprises au sommet de la distribution de la productivité pourraient verser aux travailleurs occupant des emplois de haut niveau des salaires excessivement élevés par rapport à leur productivité, conformément à la récente théorie sur la rémunération des PDG présentée par Gabaix et Landier (2008). Par ailleurs, la montée des « entreprises superstars » peut réduire le pouvoir de négociation des travailleurs dans certaines professions, en particulier celui des travailleurs moyennement qualifiés, dont la rémunération ne reflète peut-être pas entièrement l’avantage de leur employeur au chapitre de la productivité (Autor et coll., à venir).
La corrélation entre la dispersion des revenus et la dispersion de la PMF a également été examinée (colonnes 5 à 8) et les résultats montrent que le lien n’était pas significatif, sauf dans la moitié inférieure de la distribution (colonne 7). Cela peut être attribuable à la façon dont la PMF de Solow est construite, laquelle élimine une certaine hétérogénéité entre les entreprises et repose sur l’hypothèse de rendements d’échelle constantsNote .
Dans l’ensemble, ces résultats indiquent qu’il y a un mouvement commun positif entre la productivité du travail et la dispersion des revenus entre les entreprises. Toutefois, ce lien était plus faible au Canada que dans d’autres pays membres de l’OCDE (Berlingieri, Blanchenay et Criscuolo, 2017). Cela pourrait être attribuable en partie aux différences entre le Canada et les autres pays au chapitre de la compétitivité du marché. Selon le Forum économique mondial (2020), le Canada se classe derrière la plupart des pays examinés dans l’étude de l’OCDE pour ce qui est de l’indice de compétitivité mondiale en ce qui concerne le marché des produits, qui mesure l’étendue de l’emprise sur le marché, l’ouverture aux entreprises étrangères et le degré de distorsion du marché. Un pays dont le marché est moins concurrentiel a tendance à avoir un lien plus faible entre les salaires et la productivité.
Il est possible d’examiner plus à fond la corrélation entre la dispersion des revenus et la dispersion de la productivité des entreprises au moyen des données sur les entreprises (c.-à-d. en utilisant le modèle de régression pour prévoir les revenus des travailleurs d’une entreprise par rapport à la productivité de l’entreprise), comme l’illustre l’équation suivante :
où désigne le logarithme des revenus moyens des travailleurs de l’entreprise au sein de l’industrie (code à trois chiffres du SCIAN) dans la région (division de recensement) au cours de la période ; désigne la mesure de la productivité de l’entreprise; mesure la taille de l’entreprise (nombre d’employés); désigne le logarithme des revenus moyens des travailleurs parmi l’ensemble des entreprises figurant dans la même l’industrie et dans la même région que l’entreprise , et vise à tenir compte des caractéristiques propres aux entreprises qui ne varient pas au fil du temps (c.-à-d. les effets fixes des entreprises).
Le coefficient clé dans l’équation (4) est . Ce coefficient est souvent appelé l’élasticité du partage des rentes (voir Card et coll., 2018 pour une revue de la littérature) et il mesure la variation en pourcentage des revenus des travailleurs des entreprises par rapport aux variations de la productivité de ces entreprises. Les estimations de l’élasticité du partage des rentes sont présentées sous le panel A du tableau 3, dont la colonne 1 montre l’estimation de la productivité du travail et la colonne 2, l’estimation de la PMF.
Les estimations de l’élasticité du partage des rentes (ou élasticité de la transmission des revenus de productivité aux salaires, ci-après appelée l’élasticité de transmission) présentées au tableau 3 montrent que les revenus des travailleurs des entreprises étaient en corrélation positive avec la productivité de ces entreprises, même après avoir tenu compte de la taille de l’entreprise, des revenus moyens de l’ensemble des entreprises de la même industrie et de la même région et des effets fixes des entreprises (colonnes 1 et 2). Les estimations de la productivité du travail et de la PMF indiquent qu’en moyenne, une augmentation de 1 % de la productivité du travail ou de la PMF des entreprises entraînait une augmentation de 0,129 % ou de 0,109 % des revenus moyens de ces entreprises, respectivement. L’ampleur de ces estimations est également comparable à celle des estimations publiées dans la littérature (Card et coll., 2018)Note .
L’élasticité de transmission estimée donne également à penser que, entre 2001 et 2013, l’augmentation de la dispersion de la productivité du travail a contribué à environ 22 % de l’augmentation de la dispersion des revenus entre les entreprises si tous les autres facteurs étaient inchangésNote . Toutefois, on suppose que l’élasticité de transmission est constante au fil du temps. Pour le panel B du tableau 3, l’équation (4) a été réutilisée, et une équation de régression des moindres carrés ordinaires distincte a été utilisée pour 2001 (colonne 3) et 2013 (colonne 4). Les résultats montrent que l’élasticité de transmission a diminué au fil du temps, passant de 0,435 à 0,358, et que la différence était significative au niveau de 1 %. Cela donne à penser que, bien que les entreprises se soient de plus en plus dispersées sur le plan de la productivité, les revenus de productivité transmis aux salaires des travailleurs ont diminué au fil du temps. Cela a exercé une pression à la baisse sur l’inégalité des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre.
Cette constatation concorde avec les conclusions d’une autre étude canadienne récente qui a révélé que les primes versées aux employés par les entreprises au seuil de la productivité (définies comme celles qui se classent parmi les 10 % des entreprises les plus productives dans une industrie) par rapport à celles des entreprises sous ce seuil ont diminué au fil du temps (Grekou, Gu et Yan 2020)Note . Elle concorde également avec les constatations d’une étude du Brésil qui a révélé que la baisse de la transmission des revenus de productivité des entreprises aux salaires des employés a contribué à la diminution de l’inégalité des revenus (Alvarez et coll., 2018).
L’équation (4) peut être utilisée pour étudier comment la productivité d’une entreprise influence la dispersion des revenus des travailleurs au sein de cette entreprise. Pour ce faire, on utilise la variance du logarithme des revenus au sein de l’entreprise comme variable dépendante. Les résultats sont présentés dans la colonne du panel C du tableau 3.
D’après les estimations des colonnes 5 et 6, il semble que la variation des revenus au sein des entreprises soit également positivement corrélée avec la productivité de ces entreprises, c.-à-d. que la dispersion des revenus a tendance à augmenter dans les entreprises plus productives. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que les entreprises plus productives sont plus susceptibles d’adopter des politiques de rémunération fondées sur le rendement, lesquelles font croître la variation dans le rendement des travailleurs (Lazear, 2000). La variance des revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise est également corrélée positivement avec la taille de l’entreprise, après prise en compte de la productivité de l’entreprise. Les revenus des travailleurs ont tendance à être plus inégaux dans les grandes entreprises. Cela concorde avec les conclusions de Mueller, Ouimet et Simintzi (2017), qui ont constaté que les grandes entreprises affichaient une plus grande inégalité salariale au Royaume-Uni. Cette corrélation est attribuable non seulement aux écarts salariaux entre les emplois de haut niveau et de niveau inférieur, mais aussi aux écarts salariaux entre les différents emplois de haut niveau, qui augmentent avec la taille des entreprises.
Dispersion de la productivité | Dispersion des revenus | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | Variance | c90-c10 | c90-c50 | c50-c10 | Variance | |
Colonne 1 | Colonne 2 | Colonne 3 | Colonne 4 | Colonne 5 | Colonne 6 | Colonne 7 | Colonne 8 | |
Productivité du travail (c90-c10) | ||||||||
Coefficient | 0,116Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | 0,009 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Productivité du travail (c90-c50) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,088Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,011 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Productivité du travail (c50-c10) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,143Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,035 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Variance (productivité du travail) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,107Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,014 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
PMF (c90-c10) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,035 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,042 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
PMF (c90-c50) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,044 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,029 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
PMF (c50-c10) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,166Tableau 2 Note † | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,100 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Variance (PMF) | ||||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,041 |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,026 |
Effet fixe de l’année | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Effet fixe du secteur | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Nombre d’observations | 1 209 | 1 209 | 1 209 | 1 209 | 1 209 | 1 209 | 1 209 | 1 209 |
R au carré | 0,954 | 0,913 | 0,912 | 0,955 | 0,945 | 0,907 | 0,896 | 0,952 |
... n'ayant pas lieu de figurer
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Variables | Panel A : Revenus moyens des travailleurs des entreprises (effet fixe) | Panel B : Revenus moyens des travailleurs des entreprises (MCO) | Panel C : Variance du logarithme des revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise (effet fixe) | |||
---|---|---|---|---|---|---|
2001 à 2013 | 2001 à 2013 | 2001 | 2013 | 2001 à 2013 | 2001 à 2013 | |
Colonne 1 | Colonne 2 | Colonne 3 | Colonne 4 | Colonne 5 | Colonne 6 | |
ln(LP) | ||||||
Coefficient | 0,129Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,435Note ** | 0,358Note ** | 0,039Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Erreur-type | 0,001 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,002 | 0,002 | 0,001 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
ln(MFP) | ||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,109Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,034Note ** |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,001 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,001 |
Taille (logarithme du nombre d’employés) | ||||||
Coefficient | 0,104Note ** | 0,081Note ** | 0,066Note ** | 0,068Note ** | 0,046Note ** | 0,040Note ** |
Erreur-type | 0,001 | 0,001 | 0,001 | 0,001 | 0,000 | 0,001 |
Logarithme des revenus moyens (à l’échelle de l’industrie et de la région | ||||||
Coefficient | 0,105Note ** | 0,116Note ** | 0,251Note ** | 0,174Note ** | 0,020Note ** | 0,025Note ** |
Erreur-type | 0,001 | 0,002 | 0,004 | 0,004 | 0,001 | 0,001 |
Effet fixe de l’année | Oui | Oui | Non | Non | Oui | Oui |
Effet fixe de l’entreprise | Oui | Oui | Non | Non | Oui | Oui |
Effet fixe de l’industrie | Non | Non | Oui | Oui | Non | Non |
Nombre d’observations | 2 476 783 | 2 313 170 | 174 482 | 204 529 | 2 476 783 | 2 313 170 |
R au carré | 0,885 | 0,883 | 0,621 | 0,622 | 0,574 | 0,572 |
... n'ayant pas lieu de figurer
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
7 Conclusion
À l’aide de nouvelles données appariées sur les employeurs et les employés canadiens, la présente étude met de l’avant de nouvelles données sur la dispersion des revenus des travailleurs de 2001 à 2013. Elle montre que la dispersion globale des revenus des travailleurs a légèrement diminué au cours de la période à l’étude. Cette baisse est attribuable à la convergence des revenus dans la moitié inférieure de la distribution, qui est étroitement liée à la hausse du salaire minimum au Canada au cours de cette période. Elle découle également de la convergence des revenus dans les petites et moyennes entreprises (comptant moins de 500 employés), tandis que la dispersion des revenus parmi les travailleurs des grandes entreprises (comptant 500 employés ou plus) a continué d’augmenter.
Le présent document établit également une distinction entre la dispersion des revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise (dispersion intraentreprise) et d’une entreprise à l’autre (dispersion entre les entreprises). Les résultats de cette analyse révèlent que la dispersion globale des revenus a diminué sous l’effet de la baisse de la dispersion des revenus intraentreprise, qui a plus que contrebalancé la légère augmentation de la dispersion entre les entreprises. De plus, l’augmentation de la dispersion des revenus entre les entreprises s’est entièrement produite chez les travailleurs d’une industrie à l’autre plutôt que chez les travailleurs d’une même industrie. Cela pourrait signifier que l’augmentation des primes dans certaines industries canadiennes (p. ex. les secteurs des ressources et du commerce de détail) au cours de la période à l’étude a engendré une pression positive sur l’inégalité (Morissette, Picot et Lu, 2013).
En ce qui concerne la productivité des entreprises, l’étude a révélé une croissance de la dispersion de la productivité du travail et de la productivité multifactorielle au Canada au fil du temps. Ces constatations concordent généralement à celles d’autres pays. Cependant, la dispersion de la productivité au Canada a beaucoup plus augmenté parmi les entreprises plus productives que parmi les entreprises moins productives, contrairement à ce qui a été observé dans d’autres pays membres de l’OCDE, où l’on a constaté le contraire.
Enfin, l’étude a révélé une corrélation positive entre la dispersion de la productivité du travail et la dispersion des revenus entre les entreprises et a révélé que cette corrélation avait tendance à être plus forte dans la moitié inférieure de la distribution. Les résultats des régressions des revenus des travailleurs des entreprises indiquent que, bien que l’augmentation de la dispersion des revenus entre les entreprises entre 2001 et 2013 ait été de faible ampleur, environ 22 % de cette augmentation peut être attribuable à une augmentation de la dispersion de la productivité du travail des entreprises. De plus, les résultats révèlent également que l’élasticité de transmission des revenus de productivité aux salaires a diminué au fil du temps. Cela donne à penser que, bien que les entreprises se soient de plus en plus dispersées sur le plan de la productivité, les revenus de productivité transmis aux salaires des travailleurs ont diminué au fil du temps, ce qui a exercé une pression à la baisse sur la variation des revenus des travailleurs d’une entreprise à l’autre.
L’augmentation de la dispersion des revenus moyens d’une entreprise à l’autre, conjuguée à la diminution de la dispersion des revenus des travailleurs au sein d’une même entreprise, semble appuyer la théorie selon laquelle il y a un processus de tri par lequel les travailleurs ayant des compétences semblables sont regroupés dans les mêmes entreprises sur le marché du travail canadien. De futures études fondées sur des renseignements sur les travailleurs et les entreprises pourraient éclairer davantage les facteurs à l’origine de la dispersion des revenus et de son évolution au fil du temps, qu’il s’agisse des différences entre les travailleurs, des différences entre les entreprises (notamment au chapitre de la productivité) ou du tri des travailleurs parmi les entreprises, qui modifie la composition des travailleurs au sein des entreprises et d’une entreprise à l’autre.
Annexe A : Analyse de sensibilité en fonction de différents seuils de revenus minimums
Tableau de données du graphique A.1
13 semaines de travail | 52 semaines de travail | |
---|---|---|
point log (2001=0) | ||
2001 | 0,000 | 0,000 |
2002 | 0,020 | 0,013 |
2003 | 0,027 | 0,019 |
2004 | 0,042 | 0,039 |
2005 | 0,053 | 0,057 |
2006 | 0,047 | 0,057 |
2007 | 0,038 | 0,061 |
2008 | 0,025 | 0,057 |
2009 | 0,001 | 0,017 |
2010 | -0,002 | 0,014 |
2011 | -0,007 | 0,002 |
2012 | -0,014 | 0,000 |
2013 | -0,009 | 0,002 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Annexe B : Couverture de l’échantillon
Échantillon complet | Échantillon de base | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Employeurs | Travailleurs individuels | Employés | Employeurs | Travailleurs individuels | Employés | |
Colonne 1 | Colonne 2 | Colonne 3 | Colonne 4 | Colonne 5 | Colonne 6 | |
Nombre | ||||||
2001 | 661 500 | 12 455 300 | 9 651 600 | 229 600 | 7 988 400 | 8 357 200 |
2002 | 674 200 | 12 566 600 | 10 082 600 | 232 700 | 8 013 200 | 8 702 100 |
2003 | 692 600 | 12 740 700 | 10 335 100 | 238 300 | 8 189 300 | 8 945 400 |
2004 | 720 800 | 13 097 200 | 10 333 600 | 243 300 | 8 335 300 | 8 902 700 |
2005 | 735 100 | 13 304 300 | 10 545 700 | 245 400 | 8 461 000 | 9 077 200 |
2006 | 765 500 | 13 603 100 | 10 854 300 | 247 900 | 8 554 400 | 9 304 400 |
2007 | 799 300 | 14 255 800 | 11 443 100 | 252 500 | 8 736 000 | 9 602 300 |
2008 | 827 000 | 14 613 200 | 11 888 600 | 254 700 | 8 812 400 | 9 800 400 |
2009 | 838 400 | 14 324 600 | 11 553 100 | 252 700 | 8 503 000 | 9 456 700 |
2010 | 855 000 | 14 220 000 | 11 620 100 | 254 300 | 8 524 800 | 9 528 600 |
2011 | 874 400 | 14 136 000 | 11 521 200 | 254 800 | 8 598 600 | 9 692 900 |
2012 | 896 100 | 14 413 000 | 11 804 800 | 256 000 | 8 749 300 | 9 933 900 |
2013 | 916 900 | 14 617 700 | 12 010 100 | 255 500 | 8 796 200 | 10 035 900 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Annexe C : Estimation de la relation entre le salaire minimum et les revenus dans la moitié inférieure de la distribution
Selon les constatations de Fortin et Lemieux (2015), la régression suivante a été estimée pour évaluer la relation entre la hausse du salaire minimum et les revenus dans la moitié inférieure de la distribution :
où désigne les revenus au centile pour la province au cours de l’année ; désigne les revenus à la médiane; désigne les revenus minimums dans la province selon le salaire minimum correspondant au cours de l’année ; est la tendance temporelle linéaire dans la province, et et sont les effets fixes de la province et de l’année, respectivement. Le côté gauche de l’équation représente les revenus relatifs et le côté droit, les revenus minimaux relatifs.
En théorie, si le salaire minimum est très bas, il n’est pas contraignant au 10e centile de la distribution des salaires. À mesure que le salaire minimum augmente, et se rapproche du 10e centile, on s’attend à ce que la pente du 10e centile ( dans l’équation [5] pour un cas linéaire) soit positive en raison des effets d’entraînement. Si le salaire minimum est égal au 10e centile, la pente devrait être égale à 1. Comme les salaires horaires ne font pas partie de l’ensemble de données, le salaire minimum a été remplacé par les revenus minimums pour chaque province, lesquels correspondent au salaire minimum de chaque province multiplié par 13 semaines, et la moyenne nationale du nombre habituel d’heures habituellement travaillées par semaine des employés à temps plein. Toutefois, la relation entre les centiles de la distribution des salaires relatifs et le salaire minimum relatif devrait se répercuter sur les revenus.
Le tableau C.1 présente les revenus relatifs au 10e centile obtenus au moyen de spécifications linéaire et quadratique. La moyenne nationale du nombre d’heures habituellement travaillées par semaine a été utilisée pour calculer les revenus minimums, et les effets fixes de l’année ont été inclus dans la régression, de sorte que la variation dans découle principalement de la variation du salaire minimum. Par conséquent, les coefficients traduisent la réponse des revenus au 10e centile au salaire minimum. Pour tous les travailleurs (hommes et femmes), les coefficients estimés selon la spécification linéaire sont positifs et significatifs (colonne 1). Selon la spécification quadratique (colonne 4), la réponse au salaire minimum est convexe, comme prévu, et conjointement significative. Ces résultats concordent avec ceux de Fortin et Lemieux (2015) sur la relation entre le salaire horaire et le salaire minimum. Parmi les travailleurs, cet effet est plus significatif chez les femmes que chez les hommes (colonne 2 comparativement à la colonne 3 et colonne 5 comparativement à la colonne 6). Cela peut s’expliquer en partie par le nombre proportionnellement plus élevé de femmes touchant le salaire minimum ou un salaire inférieur, comparativement aux hommes (Fortin et Lemieux, 2015), ou par la volonté des femmes touchant le salaire minimum à effectuer un plus grand nombre d’heures travail en raison de l’augmentation du salaire minimum.
Spécification linéaire | Spécification quadratique | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Travailleurs de sexe masculin et travailleuses | Travailleurs de sexe masculin seulement | Travailleuses seulement | Travailleurs de sexe masculin et travailleuses | Travailleurs de sexe masculin seulement | Travailleuses seulement | |
Colonne 1 | Colonne 2 | Colonne 3 | Colonne 4 | Colonne 5 | Colonne 6 | |
Revenus minimums relatifs | ||||||
Coefficient | 0,467Note ** | 0,337Note ** | 0,527Note ** | 0,836 | 0,102 | 1,490Note ** |
Erreur-type | 0,054 | 0,063 | 0,071 | 0,729 | 1,074 | -0,470 |
Revenus minimums relatifs au carré | ||||||
Coefficient | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,092 | -0,053 | 0,278Tableau C,1 Note † |
Erreur-type | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,179 | 0,245 | 0,140 |
Effet fixe de la province | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Effet fixe de l’année | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Test conjoint (valeur de p) | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,000 | 0,002 | 0,000 |
... n'ayant pas lieu de figurer
|
Références
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