Direction des études analytiques : documents de recherche
Frontières technologiques et croissance de la productivité au Canada après l’an 2000
Remerciements
Il s’agit d’une version abrégée d’un document de recherche plus long des mêmes auteurs. Ces derniers aimeraient remercier Christopher O’Donnell, Giuseppe Nicoletti, Danny Leung, Larry Shute et Pierre Therrien pour leurs commentaires et suggestions utiles. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas celles d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, de Statistique Canada ni du gouvernement du Canada.
Résumé
Pour mieux comprendre les variations de la productivité au Canada après l’an 2000, le cadre de frontière stochastique est appliqué, dans la présente étude, pour décomposer la productivité multifactorielle de chaque entreprise en deux composantes : sa frontière technologique et son efficacité technique. La variation de la frontière technologique agrégée fait référence aux améliorations du potentiel de productivité de l’économie ou à la productivité maximale de l’économie si toutes les entreprises étaient pleinement efficaces. L’efficacité technique agrégée rend compte de la capacité de l’économie à atteindre ce potentiel. Les moteurs de ces deux sources de croissance de la productivité étant différents, cette décomposition donne des précisions sur les facteurs à l’origine des variations de la productivité. Les résultats empiriques indiquent que les variations de la productivité depuis 2000 ont été principalement attribuables aux variations de la frontière technologique. Même si une association est observée entre les investissements en recherche‑développement (R‑D) et les variations de la frontière technologique, la R-D ne représente qu’une faible partie de la variation de cette frontière technologique au fil du temps.
Mots clés : efficacité technique, frontière de la productivité, frontière stochastique, ralentissement de la productivité
Sommaire
La productivité multifactorielle (PMF) a diminué au Canada pendant la période allant de 2000 à 2009, puis elle a enregistré une reprise. Les variations de la productivité depuis 2000 ont beaucoup attiré l’attention des chercheurs et des responsables des politiques, puisque la productivité est importante à la fois pour la croissance économique et pour l’amélioration du niveau de vie.
Dans la présente étude, le cadre de frontière stochastique est appliqué afin de décomposer la PMF de chaque entreprise en deux composantes : sa frontière technologique et son efficacité technique. La variation de la frontière technologique agrégée fait référence aux améliorations du potentiel de productivité d’une économie, c’est-à-dire la productivité maximale d’une économie si toutes les entreprises étaient pleinement efficaces. L’efficacité technique agrégée rend compte de la capacité de l’économie à atteindre ce potentiel. Les résultats de cette décomposition peuvent montrer si les variations de la productivité au Canada après l’an 2000 ont surtout été attribuables aux variations de la frontière technologique et du potentiel de productivité ou aux variations de l’efficacité technique.
Dans l’étude, on utilise le Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux, un riche ensemble de données analytiques dérivé de diverses sources administratives. Ce dernier contient les principales variables considérées comme importantes dans le cadre d’une analyse de la productivité. Ces variables comprennent notamment des mesures de la production brute, de l’intrant travail, du capital physique (y compris le capital lié aux technologies de l’information et des communications [TIC]), des immobilisations incorporelles (y compris la recherche-développement [R-D] et le capital organisationnel), de l’utilisation de la capacité et des intrants intermédiaires.
Les résultats indiquent que des variations de la productivité au Canada depuis l’an 2000 ont été surtout attribuables aux variations de la frontière technologique et que ces variations ne peuvent pas complètement s’expliquer par les facteurs les plus couramment associés à un potentiel de productivité plus élevé (p. ex. les investissements en R-D).
Pour mieux comprendre les variations de la frontière technologique, les entreprises ont été divisées en trois groupes : les entreprises qui avaient un niveau de PMF supérieur à la moyenne de 2000 à 2002, les entreprises qui avaient un niveau de PMF inférieur à la moyenne de 2000 à 2002 et les entreprises créées après 2002. Des résultats empiriques indiquent que les variations générales de la frontière technologique étaient principalement associées aux entreprises de la cohorte de 2000 à 2002 qui avaient un niveau de PMF élevé.
1 Introduction
La productivité multifactorielle (PMF) au Canada a commencé à diminuer en 2002; ce repli s’est poursuivi jusqu’en 2009, et une certaine reprise a eu lieu par la suite (graphique 1). Ce repli n’est pas unique au Canada : il s’étend à tous les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, y compris les autres économies du G7. Le ralentissement de la croissance de la productivité a été spectaculaire et a beaucoup attiré l’attention des chercheurs et des responsables des politiques, car il a des répercussions importantes sur la croissance économique et sur la prospérité.
Cependant, malgré des recherches approfondies, les causes de ce recul de la productivité font toujours l’objet d’un débat (Murray, 2017). Divers arguments et contre-arguments touchant à la fois les aspects de l’offre et de la demande ont été avancés. Du côté de l’offre, Gordon (2012) soutient que la décélération de la croissance de la productivité est le résultat d’un ralentissement des innovations importantes et de la réduction du rendement du processus d’innovation. La suggestion que ce recul soit attribuable à la diminution de l’essor de la productivité associé aux technologies de l’information et des communications (TIC), qui a eu lieu au cours de la deuxième moitié des années 1990, est en accord avec l’opinion de Gordon (p. ex. Remes et coll., 2018). Cependant, le point de vue pessimiste de Gordon a été remis en question (Sichel, 2016). Byrne, Oliner et Sichel (2015) ont fourni des preuves que les progrès technologiques associés aux TIC se sont poursuivis à un rythme soutenu depuis l’an 2000. Selon Syverson (2013), rien n’indique que les améliorations de la productivité associées aux TIC se sont épuisées.
Parallèlement au débat lié à l’offre, le débat relatif à la demande a également fait des adeptes. On a affirmé qu’une faible demande agrégée, une grande incertitude et des perturbations des marchés financiers dues à la crise financière, qui ont mené à la sous-utilisation de la capacité de production et à des investissements moindres dans des activités améliorant la productivité (p. ex. les TIC et la recherche-développement [R-D]), pourraient entraîner une diminution de la productivité (p. ex. Remes et coll., 2018). Toutefois, Fernald (2014) indique qu’il est peu probable que le ralentissement de la productivité après l’an 2000 découle de la demande, puisque ce recul a commencé plusieurs années avant la crise financière. Des chercheurs suggèrent même qu’une causalité inverse puisse être en jeu, c’est-à-dire qu’une baisse anticipée de la productivité et de la croissance économique pourrait entraîner une faible demande (Blanchard, Lorenzoni et L’Huillier, 2017).
La productivité est couramment mesurée comme étant le résidu de Solow. Ce dernier mesure les progrès technologiques, mais reflète également des erreurs de mesure à la fois dans les extrants et dans les intrants et rend compte de tout facteur non mesuré important pour la productivité. Ainsi, certains commentateurs suggèrent que des erreurs de mesure associées à l’économie numérique pourraient jouer un rôle dans cette baisse de la productivité. Il a été suggéré que les estimations actuelles de la production ne permettent pas de cerner entièrement les services fournis par l’intermédiaire des TIC et d’autres technologies connexes. Néanmoins, des travaux de recherche postérieurs ont indiqué que le problème de mesure n’était pas un facteur si important (p. ex. Byrne, Fernald et Reinsdorf, 2016; Ahmad et Schreyer, 2016; Syverson, 2016; Gu, 2018).
Tableau de données du graphique 1
Productivité multifactorielle | |
---|---|
indice (2000 = 100) | |
1990 | 92,92 |
1991 | 90,38 |
1992 | 91,04 |
1993 | 92,01 |
1994 | 94,44 |
1995 | 94,76 |
1996 | 93,81 |
1997 | 95,03 |
1998 | 95,60 |
1999 | 97,85 |
2000 | 100,00 |
2001 | 99,92 |
2002 | 100,97 |
2003 | 100,22 |
2004 | 99,86 |
2005 | 99,87 |
2006 | 99,06 |
2007 | 97,95 |
2008 | 95,70 |
2009 | 93,25 |
2010 | 94,92 |
2011 | 96,34 |
2012 | 95,77 |
2013 | 96,42 |
2014 | 97,81 |
2015 | 96,83 |
2016 | 96,91 |
Source : Statistique Canada, tableau 36-10-0208-01. |
Aucune preuve empirique solide n’a démontré ce qui a entraîné ce ralentissement de la productivité après l’an 2000. Dans la présente étude, on continue à chercher des réponses. Le Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux (FMLCN), un riche ensemble de données analytiques dérivé de diverses sources administratives, a permis d’étudier systématiquement les causes du ralentissement de la productivité au Canada. Les principaux facteurs considérés comme les plus importants en matière de productivité ont été pris en compte simultanément, y compris l’âge de l’entreprise, la propriété étrangère, la structure de l’industrie, l’utilisation de la capacité et les investissements en R-D, en TIC et en immobilisations incorporelles.
Contrairement à la majeure partie de la littérature qui porte directement sur la productivité réelle et suppose implicitement que toutes les entreprises sont efficaces, la présente étude applique le cadre de production de frontière stochastique pour décomposer la productivité en composantes du changement technologique et de l’efficacité technique. Le changement technologique mesure le potentiel de productivité (ou le niveau maximal de la productivité en cas de pleine efficacité), alors que l’efficacité technique reflète l’aptitude et la capacité d’atteindre ce potentiel. Des variations de l’efficacité peuvent se produire du fait de variations de l’utilisation de la capacité au cours du cycle économique ou du fait de différences de pratiques de gestion entre les entreprises influencées par des marchés fragmentaires, des renseignements asymétriques, des systèmes différents de prime de performance de la direction et diverses croyances culturelles, traditions et attentes. De plus, elles peuvent découler de différences d’investissements en technologies favorisant l’efficacité à l’échelle de l’entreprise, comme les TIC.
Cette décomposition facilite surtout une analyse permettant de mieux comprendre les déterminants de la productivité réelle. Les facteurs qui influent sur la frontière technologique diffèrent de ceux qui influencent l’efficacité technique. Cette distinction permet d’associer directement les facteurs à l’une des deux composantes.
Le reste du présent document est structuré comme suit : la deuxième partie décrit le modèle de frontière stochastique, les facteurs importants en matière de changement technologique et d’efficacité technique ainsi que les données. Les résultats empiriques et les répercussions sont abordés dans la troisième partie. La quatrième partie porte sur les tendances de la frontière technologique des entreprises à productivité élevée et à faible productivité de la cohorte de 2000 à 2002 ainsi que celles des entreprises créées après 2002. La conclusion est présentée dans la cinquième partie.
2 Méthodologie et données
La présente étude vise à décomposer la productivité réelle en changement technologique et en efficacité technique selon le modèle de frontière stochastique lancé par Aigner, Lovell et Schmidt (1977)Note . Le changement technologique fait référence aux améliorations du potentiel de productivité de l’économie, c’est-à-dire la productivité maximale de l’économie si toutes les entreprises étaient pleinement efficaces. Dans le cadre de la frontière stochastique, cette productivité maximale s’appelle la frontière technologique. La frontière technologique dépend principalement de la capacité technologique ou novatrice interne, laquelle est alimentée par des investissements passés et actuels en R-D d’une entreprise (Aghion et Howitt, 1992). Par conséquent, après prise en compte des facteurs externes, la frontière technologique d’une entreprise reflète sa R-D interne passée et actuelle. D’autres variables peuvent également influer sur la frontière technologique d’une entreprise, la première étant la propriété étrangère. En général, les entreprises sous contrôle étranger au Canada sont beaucoup plus productives que les entreprises sous contrôle canadien après la prise en compte d’autres facteurs. L’avantage d’une propriété étrangère sur le plan de la productivité est réel et considérable au Canada. On pense généralement que cet avantage est dû au fait que les entreprises sous contrôle étranger au Canada ont accès aux technologies sophistiquées et aux pratiques de gestion supérieures de leur entreprise mère (Rao, Souare et Wang, 2009; Tang et Rao, 2003). Le deuxième facteur correspond à des variables fictives d’année-industrie. Ces dernières sont introduites pour tenir compte de tous les effets propres à une industrie variant et ne variant pas dans le temps. Elles expriment, par exemple, les bouleversements de la demande propres à une industrie, les effets d’entraînement (comme ceux d’une R-D externe) et les effets découlant de changements du contexte commercial, y compris la concurrence et le dynamisme de l’entreprise (p. ex. la création et la disparition).
L’efficacité technique reflète la capacité de l’économie à atteindre la frontière technologique. L’efficacité technique doit être maintenue ou améliorée par l’adoption de technologies et par des investissements en capital humain, en capital de savoir et en capital d’organisation d’entreprise propres à une entreprise. Des variations du taux d’utilisation des intrants lors de la fluctuation des conditions de la demande peuvent également influer sur l’efficacité technique. Dans le cadre de la présente étude, l’adoption de technologies a été mesurée par les investissements en TIC, y compris en logiciels. L’adoption des TIC permet aux entreprises d’organiser plus efficacement leurs intrants, de gérer leurs stocks et de mener des activités commerciales internationales (Biagi, 2013).
Des investissements en compétences et en meilleures pratiques de gestion sont représentés par des investissements en immobilisations incorporelles, en capital humain, en capital de savoir et en capital d’organisation d’entreprise propres à une entreprise. Les immobilisations incorporelles permettent une exécution efficace des activités (p. ex. Battisti, Belloc et Del Gatto, 2012). Corrado, Hulten et Sichel (2009) ont démontré que ces immobilisations incorporelles jouaient un rôle important dans la croissance économique aux États-Unis. Baldwin, Gu et Macdonald (2012) ont obtenu des résultats similaires pour le Canada. De plus, Ilmakunnas et Piekkola (2014) ont également fait le lien entre les investissements en immobilisations incorporelles et un rendement plus élevé de la productivité en Finlande.
Des compétences propres à l’entreprise et le capital organisationnel peuvent également être améliorés par un apprentissage par la pratique, en particulier pour les jeunes entreprises ou les entreprises en démarrage. Par conséquent, une variable fictive sert à refléter l’éventuel déficit d’efficacité auquel font face les jeunes entreprises. On pense en général que ces dernières sont moins efficaces que les entreprises établies, car il leur faut du temps pour bien comprendre leurs marchés, établir leurs réseaux de fournisseurs et de distribution et produire à grande échelle. Selon Liu et Tang (2017), il faut environ cinq ans aux entreprises entrantes pour devenir aussi productives que les entreprises établies.
L’utilisation de la capacité sert à saisir l’influence des variations des conditions de la demande sur l’efficacité technique. Un changement inattendu des conditions de la demande influe sur l’utilisation de la capacité de production, car les entreprises sont alors incapables d’adapter les machines installées, voire leur main-d’œuvre, à la nouvelle demande. Une demande très inférieure aux prévisions, par exemple, entraîne la sous-utilisation de la capacité de production, ce qui signifie que les travailleurs peuvent ne pas travailler au maximum de leur capacité et que les machines peuvent être moins utilisées qu’auparavant. Cela entraîne une inefficacité. Basu et Kimball (1997) ont montré que des variations de l’utilisation de la capacité pourraient expliquer jusqu’à 60 % de la fluctuation économique à court terme. Baldwin, Gu et Yan (2013) ont montré que le secteur de la fabrication canadien a enregistré une capacité excédentaire après l’an 2000, s’accompagnant d’un recul de l’utilisation de la capacité dans 16 des 20 industries de la fabrication. Cela donne à penser que le développement de la capacité excédentaire était principalement attribuable à l’importante diminution des exportations du fait du changement de l’environnement commercial au cours de cette période.
Le modèle de régression de la frontière stochastique peut être exprimé comme suit :
où est un vecteur de variables tenant compte des effets de facteurs externes sur la frontière technologique, est un terme d’erreurs aléatoire reflétant la nature stochastique de la frontière technologique, est une mesure de l’inefficacité technique ou de la distance jusqu’à la frontière de possibilité de productionNote et est un vecteur des covariables pouvant avoir une incidence sur l’efficacité technique.
Les données utilisées dans le présent document proviennent du FMLCN. Les données portent sur toutes les industries pour la période allant de 2000 à 2014. Les données de base du FMLCN proviennent des fichiers de données fiscales (fichier T2, Déclaration de revenus des sociétés; fichier T4, État de la rémunération payée; et fichier PD7, Compte de retenues sur la paie), du Registre des entreprises et de l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail. Le formulaire T2 Déclaration de revenus des sociétés peut être utilisé pour dériver la production brute d’une entreprise, le stock de capital physique et les intrants intermédiaires, ainsi que son stock de capital de TIC, les investissements en R-D et les dépenses en immobilisations incorporelles. Les stocks de capital en R-D et d’immobilisations incorporelles sont alors dérivés à l’aide de la méthode de l’inventaire permanent. Les autres données de base fournissent des renseignements sur la paie et les emplois, les indicateurs de propriété étrangère et l’année de création de l’entreprise.
Des variables nominales doivent être déflatées aux fins de comparaison au fil du temps. Du fait du manque de déflateurs au niveau de l’entreprise, des déflateurs détaillés au niveau de l’industrie provenant de la base de données KLEMS ont été utilisésNote . Le déflateur relatif à la R-D est l’indice implicite de prix pour les investissements en R-D dérivé du tableau 36-10-0098-01 de Statistique CanadaNote .
Le stock d’immobilisations corporelles comprend les actifs associés à la machinerie, à l’équipement et aux bâtiments. Il comprend le stock de TIC, mais exclut les stocks d’actifs incorporels et de R-D. Le stock de R-D pour chaque entreprise est établi à partir des investissements réels en R-D, à l’aide de la méthode de l’inventaire permanent, en supposant un taux de dépréciation du capital de 15 %. Les dépenses de R-D sont dérivées des données du Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental, incluses dans la Déclaration de revenus des sociétés T2. Selon Corrado, Hulten et Sichel (2005, 2009), les dépenses en actifs incorporels consistent en des propriétés innovatrices non scientifiques (honoraires d’architecte) et des compétences économiques qui comprennent le capital organisationnel (20 % des salaires des directeurs et de la direction plus les honoraires de consultation), la valeur de la marque (60 % de la publicité) et le capital humain propre à l’entreprise (formation). Ces six éléments découlent directement de l’Index général des renseignements financiers inclus dans la Déclaration de revenus des sociétés T2. Les dépenses nominales en immobilisations incorporelles ont été ajustées à l’aide d’un déflateur implicite de prix au niveau de l’industrie pour les intrants intermédiaires (provenant de la base de données KLEMS). La méthode de l’inventaire permanent a permis d’estimer le stock en immobilisations incorporelles à partir des dépenses réelles en immobilisations incorporelles, en supposant un taux de dépréciation de 15 %. Le stock total en capital est égal à la somme de tous les stocks d’immobilisations incorporelles, de capital corporel et de capital en R-D.
Une variable fictive a été introduite pour déterminer si les jeunes entreprises étaient plus ou moins efficaces que les entreprises établies. Selon Liu et Tang (2017), il faut environ cinq ans aux entreprises entrantes au Canada pour devenir aussi efficaces que les entreprises établies. Par conséquent, la variable fictive était égale à 1 si une entreprise avait moins de six ans et à 0 dans les autres cas. Enfin, l’intensité de l’utilisation du capital a été calculée avec un ajustement de l’effet de substitution de l’intrantNote , à titre d’indicateur de l’utilisation de la capacité.
Pour l’estimation, l’échantillon a été limité pour inclure uniquement les entreprises ayant 10 employés ou plus en moyenne au cours de la période étudiée. Le nombre moyen d’employés par entreprise a été utilisé plutôt que le nombre d’employés chaque année, afin d’éviter des observations tronquées pour les entreprises de l’échantillon. L’échantillon limité représente 88 % et 83 % de la production brute et de l’emploi au Canada, respectivement. Selon cette limitation, on a enregistré près de 1,9 million d’observations pour toute la période étudiée (tableau 1).
Secteur du SCIAN | 2000 | 2005 | 2009 | 2014 | 2000 à 2014 |
---|---|---|---|---|---|
nombre d’observations | |||||
Culture et production animale | 738 | 727 | 716 | 572 | 10 772 |
Foresterie et exploitation forestière | 730 | 714 | 625 | 492 | 9 715 |
Pêche, chasse et piégeage | 61 | 77 | 77 | 68 | 1 096 |
Activités de soutien à l’agriculture et à la foresterie | 358 | 423 | 426 | 406 | 6 148 |
Extraction de pétrole et de gaz | 204 | 226 | 216 | 178 | 3 139 |
Extraction minière et exploitation en carrière (sauf l’extraction de pétrole et de gaz) | 304 | 285 | 279 | 266 | 4 257 |
Activités de soutien à l’extraction minière, pétrolière et gazière | 688 | 786 | 853 | 736 | 11 425 |
Services publics | 147 | 219 | 186 | 182 | 2 840 |
Construction | 11 625 | 12 986 | 13 608 | 13 968 | 197 518 |
Fabrication d’aliments | 2 139 | 2 084 | 1 959 | 1 856 | 30 174 |
Fabrication de boissons et de produits du tabac | 162 | 148 | 145 | 177 | 2 304 |
Usines de textiles et de produits textiles | 583 | 505 | 377 | 314 | 6 653 |
Fabrication de produits en cuir et de produits analogues | 1 217 | 947 | 624 | 411 | 12 071 |
Fabrication de produits en bois | 1 586 | 1 571 | 1 443 | 1 251 | 22 150 |
Fabrication du papier | 448 | 395 | 324 | 262 | 5 351 |
Impression et activités connexes de soutien | 1 180 | 1 135 | 1 011 | 837 | 15 693 |
Fabrication de produits du pétrole et du charbon | 81 | 80 | 51 | 40 | 935 |
Fabrication de produits chimiques | 789 | 734 | 685 | 645 | 10 725 |
Fabrication de produits en plastique et en caoutchouc | 1 202 | 1 176 | 1 074 | 1 026 | 16 783 |
Fabrication de produits minéraux non métalliques | 716 | 741 | 676 | 616 | 10 409 |
Première transformation des métaux | 322 | 318 | 304 | 265 | 4 553 |
Fabrication de produits métalliques | 3 116 | 3 148 | 2 951 | 2 762 | 45 426 |
Fabrication de machines | 1 979 | 2 004 | 1 884 | 1 750 | 28 777 |
Fabrication de produits informatiques et électroniques | 869 | 802 | 745 | 616 | 11 476 |
Fabrication de matériel, d’appareils, et de composants électriques | 461 | 459 | 425 | 385 | 6 561 |
Fabrication de matériel de transport | 930 | 904 | 835 | 721 | 12 704 |
Fabrication de meubles et produits connexes | 1 334 | 1 384 | 1 261 | 1 100 | 19 418 |
Activités diverses de fabrication | 1 022 | 1 117 | 1 033 | 965 | 15 706 |
Commerce de gros | 12 094 | 11 856 | 11 441 | 10 555 | 173 753 |
Commerce de détail | 18 902 | 20 072 | 19 845 | 18 968 | 294 953 |
Transport et entreposage | 5 625 | 5 791 | 5 546 | 5 406 | 84 463 |
Industrie de l’information et industrie culturelle | 1 963 | 1 954 | 1 891 | 1 952 | 29 269 |
Finance, assurances, services immobiliers, de location et de location à bail | 7 206 | 7 257 | 7 323 | 6 777 | 107 248 |
Services professionnels, scientifiques et techniques | 7 475 | 8 227 | 8 215 | 7 592 | 120 297 |
Services administratifs, de soutien, de gestion des déchets et d’assainissement | 5 440 | 6 528 | 7 021 | 6 982 | 99 274 |
Arts, spectacles et loisirs | 2 400 | 2 879 | 2 920 | 2 844 | 42 100 |
Services d’hébergement et de restauration | 17 559 | 20 062 | 21 386 | 22 742 | 310 793 |
Autres services (sauf les administrations publiques) | 5 360 | 6 789 | 7 752 | 8 053 | 106 460 |
Tous les secteurs | 119 015 | 127 510 | 128 133 | 124 738 | 1 893 389 |
Note : SCIAN : Système de classification des industries de l’Amérique du Nord. Source : Statistique Canada, compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux. |
Deux raisons justifient d’exclure les petites entreprises. Tout d’abord, la dérivation des principales variables nécessaires à l’analyse de la productivité suppose l’utilisation de champs non obligatoires dans les données de base. Pour les entreprises plus petites enregistrant une moindre activité économique, ces champs de données sont souvent laissés vides. La deuxième raison est d’ordre technique; utiliser toutes les entreprises pour l’estimation prend du temps, puisqu’il existait plus de 9 millions d’observations avant l’exclusionNote .
Malgré cette exclusion, les estimations de la PMF agrégée fondée sur l’échantillon utilisé pour l’estimation de (1) suivent étroitement les variations des estimations officielles de la PFM pour le secteur des entreprises (graphique 2). La PMF basée sur l’échantillon mesure la PMF agrégée au niveau des entreprises à l’aide de poids Domar. Ces poids Domar ont été calculés comme le ratio de la production brute nominale d’une entreprise à la valeur ajoutée nominale du secteur des entreprises. La PMF au niveau de l’entreprise a été calculée comme étant un résidu de la production brute moins les contributions de l’intrant travail, de l’intrant capital et des intrants intermédiaires. Les élasticités de la production relativement à tous les intrants ont été obtenues à l’aide des moindres carrés ordinaires (MCO), en tenant compte de valeurs fictives d’année‑industrieNote .
Tableau de données du graphique 2
Estimations selon l’échantillon | Estimations officielles | |
---|---|---|
indice (2000 = 100) | ||
2000 | 100,00 | 100,00 |
2001 | 103,91 | 99,92 |
2002 | 104,21 | 100,97 |
2003 | 96,26 | 100,22 |
2004 | 97,54 | 99,86 |
2005 | 97,79 | 99,87 |
2006 | 94,45 | 99,06 |
2007 | 93,91 | 97,95 |
2008 | 92,54 | 95,70 |
2009 | 89,27 | 93,25 |
2010 | 93,82 | 94,92 |
2011 | 92,97 | 96,34 |
2012 | 97,04 | 95,77 |
2013 | 100,56 | 96,42 |
2014 | 102,07 | 97,81 |
Sources : Statistique Canada, tableau 36-10-0208-01 pour les estimations officielles et compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux pour les estimations selon l’échantillon. |
Les variations des deux séries étaient généralement cohérentes. La série fondée sur l’échantillon utilisé pour l’estimation était plus volatile que la série officielle; le recul après 2002 et la reprise après 2009 étaient tous deux plus marqués. Cette différence peut être attribuée à plusieurs facteurs. Premièrement, l’élasticité de la production relativement aux intrants utilisés dans le calcul de la PMF pour l’échantillon utilisé dans l’estimation était fondée sur une régression et fixe au cours de la période d’estimation, alors que celle des estimations officielles reposait sur une analyse causale de la croissance et variait avec le temps. Deuxièmement, les petites entreprises étaient exclues de l’échantillon. Troisièmement, le calcul de la PMF pour l’échantillon utilisé dans l’estimation n’était pas ajusté en fonction de la qualité du capital et de la composition de la main‑d’œuvre, alors que les estimations de la PMF officielle l’étaient. Enfin, le calcul de la PMF pour l’échantillon utilisé dans l’estimation faisait l’objet d’une agrégation Domar au niveau de l’entreprise. Les estimations officielles ont fait l’objet d’une agrégation Domar des données au niveau de l’industrie. Ces données au niveau de l’industrie provenaient d’un plus grand nombre de sources de données que celles utilisées dans le FMLCN.
3 Résultats des estimations
Les résultats de l’estimation de la frontière stochastique sont présentés au tableau 2. La première régression porte sur la période d’échantillon entière et sur toutes les entreprises comptant 10 employés ou plus. Pour ce qui est de la frontière technologique, les résultats indiquent que les investissements en R-D et la propriété étrangère sont importants pour expliquer l’augmentation du potentiel de productivité. En ce qui a trait à l’inefficacité, toutes les variables se sont avérées négatives et hautement significatives, ce qui signifie que toutes les entreprises enregistrant plus d’investissements en TIC et en immobilisations incorporelles ainsi que les jeunes entreprises avaient tendance à être plus proches de leur frontière technologiqueNote . De plus, comme l’on s’y attendait, l’utilisation de la capacité est associée positivement à l’efficacité technique.
Fait intéressant à noter, les coefficients estimés de toutes les variables fondées sur le modèle de frontière stochastique (régression [1] du tableau 2) étaient similaires aux résultats de certaines régressions traditionnellesNote . Implicitement, la similarité est une vérification de la robustesse des résultats de l’estimation de la frontière stochastiqueNote .
Les régressions (2) et (3) du tableau 2 correspondent aux sous-périodes allant respectivement de 2009 à 2014 et de 2000 à 2009. L’objectif était de déterminer si l’effet de n’importe lequel de ces facteurs variait significativement au cours de ces deux sous-périodes. Globalement, aucune variation significative n’a été relevée pour la R-D, la propriété étrangère, les TIC et les immobilisations incorporelles. Néanmoins, l’avantage en matière d’efficacité des jeunes entreprises par rapport aux entreprises établies était plus grand après la crise financière. Il s’agit d’un résultat intéressant, qui peut être dû au fait que seules les entreprises productives à efficacité élevée pouvaient entrer sur le marché après la crise financière.
Les régressions (4) et (5) concernent respectivement les entreprises manufacturières et non manufacturières. Ces deux ensembles de résultats sont généralement similaires. Cependant, l’incidence de la R-D et de la propriété étrangère sur les entreprises de fabrication était moins forte que sur les entreprises non manufacturières. La même observation concerne l’effet des TIC sur l’efficacité technique. De plus, l’avantage en matière d’efficacité des jeunes entreprises était supérieur dans le secteur de la fabrication à celui dans le secteur non manufacturier.
Du fait de la cohérence générale entre toutes les colonnes du tableau 2, la discussion et l’analyse qui suivent reposent sur les résultats de l’estimation de la colonne 1 du tableau 2.
Régression 1 | Régression 2 | Régression 3 | Régression 4 | Régression 5 | |
---|---|---|---|---|---|
Toutes les entreprises 2000 à 2014 |
Toutes les entreprises 2009 à 2014 |
Toutes les entreprises 2000 à 2009 |
Entreprises de fabrication 2000 à 2014 |
Entreprises non manufacturières 2000 à 2014 |
|
Frontière technologique | |||||
Travail (en log) | |||||
Coefficient | 0,2780Note ** | 0,2921Note ** | 0,2699Note ** | 0,2367Note ** | 0,2821Note ** |
Erreur-type | 0,0003 | 0,0005 | 0,0004 | 0,0007 | 0,0003 |
Immobilisations corporelles (en log) | |||||
Coefficient | 0,0647Note ** | 0,0623Note ** | 0,0664Note ** | 0,0716Note ** | 0,0643Note ** |
Erreur-type | 0,0002 | 0,0003 | 0,0002 | 0,0005 | 0,0002 |
Intrants intermédiaires (en log) | |||||
Coefficient | 0,6455Note ** | 0,6361Note ** | 0,6500Note ** | 0,6814Note ** | 0,6410Note ** |
Erreur-type | 0,0002 | 0,0004 | 0,0003 | 0,0005 | 0,0003 |
Stock de R-D (en log) | |||||
Coefficient | 0,0049Note ** | 0,0044Note ** | 0,0053Note ** | 0,0013Note ** | 0,0068Note ** |
Erreur-type | 0,0001 | 0,0001 | 0,0001 | 0,0001 | 0,0001 |
Propriété étrangère | |||||
Coefficient | 0,2025Note ** | 0,2140Note ** | 0,1960Note ** | 0,1106Note ** | 0,2279Note ** |
Erreur-type | 0,0015 | 0,0021 | 0,0020 | 0,0021 | 0,0018 |
Variables fictives du secteur | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Variables fictives d’année | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Variables fictives d’année par secteur | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Inefficacité | |||||
Ratio des TIC au stock de capital total | |||||
Coefficient | -0,2600Note ** | -0,2564Note ** | -0,2635Note ** | -0,1418Note ** | -0,2663Note ** |
Erreur-type | 0,0018 | 0,0030 | 0,0022 | 0,0064 | 0,0019 |
Ratio des immobilisations incorporelles au stock de capital total | |||||
Coefficient | -0,2242Note ** | -0,2279Note ** | -0,2235Note ** | -0,1974Note ** | -0,2271Note ** |
Erreur-type | 0,0013 | 0,0021 | 0,0016 | 0,0033 | 0,0014 |
Jeunes entreprises | |||||
Coefficient | -0,0087Note ** | -0,0183Note ** | -0,0039Note ** | -0,0291Note ** | -0,0056Note ** |
Erreur-type | 0,0006 | 0,0011 | 0,0007 | 0,0013 | 0,0007 |
Utilisation de la capacité | |||||
Coefficient | -0,0408Note ** | -0,0450Note ** | -0,0385Note ** | -0,0413Note ** | -0,0410Note ** |
Erreur-type | 0,0004 | 0,0008 | 0,0005 | 0,0008 | 0,0005 |
Constante | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Nombre d’observations | 1 893 389 | 764 016 | 1 257 506 | 277 869 | 1 615 520 |
Source : Statistique Canada, compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux. |
Les élasticités du changement technologique ou de l’efficacité technique relativement à chaque facteur ont été estimées pour déterminer leur sensibilité par rapport aux facteurs témoins. Le tableau 3 présente les élasticités estimées. Les résultats indiquent que doubler la R-D, par exemple, entraînerait une hausse de 0,5 % de la frontière technologique. De plus, les entreprises étrangères sont, en moyenne, 20,3 % plus productives qu’une entreprise nationale. Pour ce qui est de l’efficacité technique, si le ratio des TIC au capital total et le ratio des immobilisations incorporelles au capital total doublaient, l’efficacité augmenterait de 1,8 % et de 2,7 %, respectivement. En outre, les jeunes entreprises ont un avantage en matière d’efficacité de 0,9 % sur les entreprises établies, et une baisse de 10 % de l’utilisation de la capacité augmenterait l’efficacité de 0,4 %. Du fait de ces élasticités, même lorsque toutes les entreprises ont doublé leur stock de capital en R-D, de TIC et d’immobilisations incorporelles de 2002 à 2009, le recul de la PMF au cours de cette période peut uniquement être diminué de 5 points de pourcentage, ce qui laisse une grande portion de la baisse inexpliquée.
Facteur | Élasticité |
---|---|
coefficient | |
Changement technologique par rapport à ses facteurs | |
Recherche-développement | 0,0049 |
Entreprises sous contrôle étranger | 0,2025 |
Efficacité technique par rapport à ses facteurs | |
Ratio des technologies de l’information et des communications au capital total | 0,0181 |
Ratio des immobilisations incorporelles au capital total | 0,0272 |
Jeunes entreprises | 0,8698 |
Utilisation de la capacité | 0,0408 |
Source : Statistique Canada, compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux. |
Les variations de la PMF, de la frontière technologique et de l’efficacité technique au niveau de l’entreprise ont été agrégées à l’aide de poids Domar. Les indices de la PMF, de la frontière technologique et de l’efficacité technique dans le secteur des entreprises sont présentés dans le graphique 3, qui indique que la variation de la PMF était largement attribuable à la variation de la frontière technologique, alors que l’efficacité technique a été relativement stable tout au long de la période.
Tableau de données du graphique 3
Productivité multifactorielle | Efficacité technique | Changement technologique | |
---|---|---|---|
indice (2000 = 100) | |||
2000 | 100,00 | 100,00 | 100,00 |
2001 | 103,29 | 97,45 | 105,99 |
2002 | 103,10 | 97,42 | 105,83 |
2003 | 95,37 | 97,83 | 97,49 |
2004 | 97,27 | 97,58 | 99,69 |
2005 | 97,32 | 96,88 | 100,46 |
2006 | 94,15 | 97,27 | 96,79 |
2007 | 93,22 | 97,97 | 95,15 |
2008 | 91,39 | 98,22 | 93,04 |
2009 | 87,11 | 95,78 | 90,95 |
2010 | 92,43 | 97,56 | 94,75 |
2011 | 91,32 | 96,74 | 94,39 |
2012 | 95,16 | 96,86 | 98,24 |
2013 | 98,66 | 97,87 | 100,81 |
2014 | 100,18 | 98,25 | 101,96 |
Source : Statistique Canada, compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux. |
4 Variation des cohortes à productivité élevée et à faible productivité
Pour tenter d’expliquer davantage le ralentissement de la productivité, les entreprises de la cohorte de 2000 à 2002 ont été divisées en deux groupesNote . Le groupe à productivité élevée comprenait les entreprises dont les niveaux de PMF étaient supérieurs aux moyennes de l’industrie correspondantes au cours de la période allant de 2000 à 2002, et toutes les autres entreprises de la cohorte constituaient le groupe à faible productivité. Toutes les entreprises qui sont apparues après 2002 étaient considérées comme de nouvelles entreprises.
Le graphique 4 présente les tendances des frontières technologiques des trois groupes d’entreprises. La frontière technologique a augmenté pour tout l’échantillon de la cohorte à faible productivité, mais a reculé pour les deux autres groupes jusqu’en 2009, ce qui signifie que le recul de la frontière technologique était principalement attribuable à la cohorte à productivité élevée et aux nouvelles entreprises. Le tableau 4 montre que la frontière technologique agrégée a diminué de 7,0 % de 2003 à 2009. Les contributions de la cohorte à productivité élevée, de la cohorte à faible productivité et des nouvelles entreprises ont été respectivement de -8,4, 4,9 et ‑3,5 points de pourcentage. La frontière technologique a enregistré une reprise complète après 2009 et les contributions correspondantes ont été de 7,0 points, 4,2 points et 0,7 point de pourcentage. Ces résultats donnent à penser que le recul de la frontière technologique était principalement attribuable aux entreprises à productivité élevée de la cohorte de 2000 à 2002.
2003 à 2009 | 2009 à 2014 | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Variation de la frontière technologique | -7,0 | 11,9 |
points de pourcentage | ||
Contribution | ||
Cohorte à productivité élevée | -8,4 | 7,0 |
Cohorte à faible productivité | 4,9 | 4,2 |
Entreprises qui sont apparues après 2002 | -3,5 | 0,7 |
Source : Statistique Canada, compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux. |
Tableau de données du graphique 4
Cohorte à productivité élevée | Cohorte à faible productivité | Nouvelles entreprises | |
---|---|---|---|
indice (2003 = 100) | |||
2000 | 108,54 | 95,44 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
2001 | 116,64 | 99,34 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
2002 | 115,65 | 100,11 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
2003 | 100,00 | 100,00 | 100,00 |
2004 | 99,87 | 105,76 | 91,93 |
2005 | 99,15 | 109,78 | 84,55 |
2006 | 92,23 | 111,93 | 76,17 |
2007 | 94,33 | 107,19 | 69,07 |
2008 | 92,98 | 104,54 | 66,01 |
2009 | 83,73 | 113,35 | 64,35 |
2010 | 90,80 | 114,61 | 64,51 |
2011 | 88,18 | 115,52 | 66,58 |
2012 | 95,47 | 117,30 | 66,55 |
2013 | 98,67 | 119,97 | 67,50 |
2014 | 97,50 | 126,61 | 66,56 |
... n'ayant pas lieu de figurer Note : Nouvelles entreprises entrant dans le secteur des entreprises en 2003. Source : Statistique Canada, compilation des auteurs à partir des données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux. |
5 Conclusion
En décomposant la productivité réelle en frontière technologique (ou potentiel de productivité relatif à la technologie) et en efficacité technique, les résultats empiriques de la présente étude indiquent que la diminution de la productivité canadienne de 2000 à 2009 et la reprise ultérieure étaient largement associées aux variations de la frontière technologique.
La présente étude fait état de ce qui suit : 1) les investissements en R-D et les entreprises étrangères en particulier ont joué des rôles importants pour soutenir la frontière technologique, alors que la structure industrielle a joué un rôle négatif mineur; 2) les TIC et les immobilisations incorporelles ont joué un rôle positif en soutenant l’efficacité technique.
L’étude démontre, en outre, que les variations de la productivité au Canada après l’an 2000 étaient largement associées aux entreprises à productivité élevée de la cohorte de 2000 à 2002. Ces faits corroborent les constatations de la littérature pour le secteur de la fabrication canadien. La diminution de la productivité après l’an 2000 dans le secteur de la fabrication canadien a principalement découlé d’un recul de la productivité des grandes entreprises (Tang, 2017) ou des exportateurs (Baldwin, Gu et Yan, 2013). Cependant, Baldwin, Gu et Yan (2013) ont également soutenu qu’au moins la moitié de la baisse de la productivité était attribuable à la nature procyclique de la croissance de la productivité découlant de l’utilisation de la capacité, mais cela n’a pas été le cas dans la présente étude. Une étude ultérieure sur les causes du faible rendement de la productivité des grandes entreprises et des entreprises exportatrices pourrait aider à mieux expliquer le ralentissement de la productivité au Canada.
Il est important de mentionner que la frontière technologique et l’entreprise au seuil de la productivité sont deux concepts différents. Le premier concept fait référence au potentiel technologique de chaque entreprise, alors que le deuxième désigne les entreprises à productivité élevée et est souvent utilisé pour examiner la dispersion de la productivité entre les entreprises au seuil de la productivité et celles sous le seuil de la productivitéNote . Gu, Yan et Ratté (2018) ont constaté que le niveau relatif de la productivité du travail des entreprises au seuil de la productivité et de celles sous le seuil de la productivité dans le secteur de la fabrication canadien avait diminué de 2000 à 2005 et augmenté par la suite, ce qui indique que la croissance agrégée de la productivité était principalement attribuable aux entreprises au seuil de la productivité. Cette observation est conforme à celles de la présente étude.
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