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Mesurer l’économie à la demande au Canada au moyen des données administratives
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Remerciements
Les auteurs remercient David Green, René Morissette et les participants au IZA Labor Statistics Workshop on Contract Work 2019 qui a eu lieu au W.E. Upjohn Institute for Employment Research (Kalamazoo, Michigan) de leurs nombreux commentaires et conseils pertinents.
Résumé
La présente étude vise à distinguer les travailleurs à la demande à partir des caractéristiques de leurs conditions de travail et de la façon dont celles-ci sont déclarées dans les données fiscales. Elle présente une définition des travailleurs à la demande qui est propre à la façon dont les conditions de travail sont déclarées dans le système fiscal canadien et fournit une estimation de la taille de l’économie à la demande au Canada au moyen de données administratives. La part des travailleurs à la demande parmi l’ensemble des travailleurs est passée de 5,5 % en 2005 à 8,2 % en 2016. Une part de cette hausse coïncidait avec l’introduction et la multiplication des plateformes en ligne. L’analyse fait ressortir les différences entre les sexes en ce qui concerne les tendances et les caractéristiques des travailleurs à la demande. En couplant les données administratives aux microdonnées issues du Recensement de 2016, l’étude permet également d’examiner les différences dans la prévalence des travailleurs à la demande sur les plans éducationnel et professionnel.
Mots clés : données administratives, économie à la demande, travail indépendant
Sommaire
L’économie à la demande est un phénomène international qui suscite beaucoup d’intérêt, et les médias grand public comme les médias sociaux continuent de spéculer quant au nombre de travailleurs à la demande au Canada. Les travailleurs à la demande ne sont normalement pas employés à long terme par une entreprise unique; ils signent différents contrats avec des entreprises ou des particuliers (demandeurs de tâches) pour accomplir une tâche particulière ou pour travailler pendant une période donnée, en contrepartie d’une somme négociée. Cela comprend les entrepreneurs indépendants ou les pigistes ayant des qualifications particulières et les travailleurs à la demande embauchés pour occuper des emplois assurés par l’intermédiaire du nombre croissant de plateformes en ligne.
La présente étude offre un cadre méthodologique clairement défini pour distinguer les travailleurs à la demande au Canada à partir de diverses sources administratives canadiennes, y compris les déclarations de revenus des particuliers et des sociétés. Il s’agit de la première étude canadienne à déterminer de manière systématique les travailleurs à la demande au moyen de données administratives et à mesurer la part de travailleurs à la demande parmi l’ensemble des travailleurs canadiens. Lorsqu’on applique la typologie des conditions de travail élaborée dans des études antérieures, les travailleurs à la demande peuvent être considérés comme des travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société (propriétaires uniques) qui déclarent un revenu d’entreprise, de profession libérale ou de commission et dont l’activité commerciale future est incertaine ou devrait être mineure ou occasionnelle.
Selon l’étude, de 2005 à 2016, le pourcentage de travailleurs à la demande au Canada a en général augmenté, pour passer de 5,5 % à 8,2 %. L’augmentation a été observée tant chez les hommes (de 4,8 % en 2005 à 7,2 % en 2016) que chez les femmes (de 6,2 % en 2005 à 9,1 % en 2016), et elle a été dictée par la croissance du pourcentage de travailleurs à la demande n’ayant obtenu aucun salaire ni traitement (revenu figurant sur le feuillet T4) ainsi que par la croissance du pourcentage de travailleurs à la demande qui combinent le travail à la demande à une rémunération ou à un revenu.
Les résultats ont démontré que le revenu annuel d’un travailleur à la demande type est habituellement faible. Le revenu médian net pour le travail à la demande en 2016 était de seulement 4 303 $. Les travailleurs se situant dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition des revenus annuels étaient environ deux fois plus susceptibles de travailler à la demande que les autres travailleurs.
Pour la plupart des travailleurs à la demande, le travail à la demande ne constituait qu’une activité temporaire. Environ la moitié de ceux qui ont commencé un travail à la demande au cours d’une année donnée n’avait aucun revenu de travail à la demande l’année suivante. Cependant, une part non négligeable des personnes ayant commencé un travail à la demande, soit environ le quart, sont demeurées des travailleurs à la demande pendant au moins trois ans.
Les travailleurs dont la profession principale était dans le domaine des arts, des spectacles et des loisirs étaient quatre fois plus susceptibles d’être des travailleurs à la demande que les travailleurs dont la profession principale était dans le domaine de la gestion de sociétés et d’entreprises. Ceux dont la profession principale était dans le domaine de la fabrication et des services d’utilité publique étaient moins susceptibles d’être des travailleurs à la demande.
L’étude a également démontré que le travail à la demande était plus fréquent chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada. En réalité, 10,8 % des travailleurs immigrants masculins qui étaient au Canada depuis moins de cinq ans étaient des travailleurs à la demande en 2016, par rapport à 6,1 % des travailleurs masculins nés au Canada.
1 Introduction
L’économie à la demande est un phénomène mondial qui suscite beaucoup d’intérêt. Bien qu’il n’existe aucune définition largement acceptée de l’économie à la demande, le terme fait généralement référence à des conditions de travail moins structurées et non traditionnelles. Les travailleurs à la demande ne sont normalement pas employés à long terme par une entreprise unique; ils signent différents contrats avec des entreprises ou des particuliers (demandeurs de tâches) pour accomplir une tâche particulière ou pour travailler pendant une période donnée, en contrepartie d’une somme négociée. Cela comprend les entrepreneurs indépendants ou les pigistes ayant des compétences particulières et les travailleurs à la demande embauchés pour occuper des emplois assurés par l’intermédiaire du nombre croissant de plateformes en ligne et de marchés suivant l’approche participative, comme Uber, Lyft, TaskRabbit, Upwork, Guru, Fiverr et Freelancer.
Malgré la spéculation continue des médias grand public et des médias sociaux sur le nombre de travailleurs à la demande au Canada, un récent rapport de l’Université de Toronto, lequel présente un examen de la littérature internationale sur l’économie à la demande, ne fait état d’aucun article examiné par des pairs sur le marché du travail canadien (Bajwa et coll., 2018). Pour répondre en partie au besoin croissant d’estimer la taille de l’économie à la demande au Canada, dans le cadre de l’Enquête sur la population active (EPA) d’octobre 2016, on a cherché à savoir si un répondant avait offert ou utilisé des services de partage comme Uber, Lyft, Airbnb et FlipKey. Selon cette enquête, une proportion relativement fiable d’adultes canadiens ont indiqué avoir offert des services de transport entre particuliers (0,3 %) ou des services de location de logement privé (0,2 %) (Statistique Canada 2017). En revanche, une étude fondée sur l’Enquête sur les attentes des consommateurs pour le Canada de la Banque du Canada a permis d’estimer que jusqu’à 30 % des Canadiens participent à une certaine forme de travail rémunéré informel (Kostyshyna et Luu, 2019). Cependant, les résultats de l’étude sont fondés sur un échantillon relativement petit obtenu au moyen d’un questionnaire en ligne et pourraient ne pas être entièrement représentatifs de la population canadienne. Un petit nombre d’enquêtes externes ont été réalisées afin de mesurer les divers éléments de l’économie à la demande à l’échelle locale. Par exemple, une enquête récente a révélé que 9 % des résidents de la région du Grand Toronto travaillaient à partir de plateformes en ligne (Block et Hennessy, 2017). Cependant, les personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligne ne représentent qu’une part de l’économie à la demande, puisque ce ne sont pas tous les travailleurs à la demande qui fonctionnent ainsi.
La présente étude offre un cadre méthodologique clairement défini pour distinguer les travailleurs à la demande au Canada à partir de diverses sources administratives canadiennes, y compris les déclarations de revenus des particuliers et des sociétés. Il s’agit de la première étude canadienne à déterminer de manière systématique les travailleurs à la demande au moyen de données administratives et à mesurer la part de travailleurs à la demande parmi l’ensemble des travailleurs canadiens. La définition de « travailleur à la demande » dans la présente étude est conforme à la définition d’Abraham et coll. (2018) et repose sur la typologie des conditions de travail présentée dans leur étude. Cela comprend, entre autres, les personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligneNote . À l’instar des travailleurs à la demande des États-Unis, les travailleurs à la demande du Canada sont susceptibles d’être des travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société qui déclarent un revenu d’entreprise, de profession libérale ou de commission dans leur déclaration de revenus. La démarche méthodologique utilisée dans la présente étude permet de distinguer les travailleurs à la demande des employés traditionnels recevant un salaire ou un traitement, des travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société, des propriétaires uniques qui possèdent des entreprises établies et des associés d’une société en nom collectifNote . L’esprit de l’étude est semblable à celui de l’étude américaine de Collins et coll. (2019). Toutefois, la présente étude comporte d’importantes différences en raison des sources de données et des régimes fiscaux américains et canadiens qui sont distincts. En outre, dans la présente étude, on cherche à renforcer la méthodologie utilisée dans les études américaines en s’appuyant sur des renseignements non accessibles aux chercheurs américains, comme les données du recensement.
La présente étude apporte au moins deux autres contributions importantes à la littérature récente sur l’économie à la demande et les conditions de travail non traditionnelles. La compréhension de l’évolution du travail à la demande est importante en soi, mais elle contribue également à mieux saisir les tendances plus générales du travail indépendant au Canada et les enjeux connexes liés à l’évaluation de ces tendances dont il est question dans la littérature récente. Plusieurs études récentes réalisées à l’aide de données administratives (fiscales) pour évaluer l’économie à la demande aux États-Unis étaient stimulées par des estimations divergentes des taux de travail indépendant issues de données administratives et d’enquêtes américaines (Abraham et coll., 2018; Katz et Krueger, 2016 et 2019). L’une des questions importantes examinées dans le cadre de la présente étude consiste à déterminer s’il est possible de dégager au Canada, des modèles de divergence semblables dans les taux estimatifs de travail indépendant entre les données administratives et les données d’enquête. Les données utilisées dans la présente analyse permettent de comparer les tendances au moyen des données administratives et des données d’enquête de 2005 à 2016. Certaines raisons expliquant les différences dans les taux de travail indépendant obtenus de diverses sources sont également présentées.
L’étude permet également d’examiner les caractéristiques des travailleurs à la demande ainsi que leurs sources de revenus de manière beaucoup plus détaillée que ne l’ont fait les études antérieures. Plus particulièrement, la portée de l’analyse est élargie grâce au couplage des données administratives aux microdonnées du Recensement de la population de 2016. Les fichiers couplés contiennent des renseignements détaillés sur le niveau de scolarité et le statut d’immigrant (entre autres) pour 25 % de la population canadienne totaleNote . À l’aide des données couplées, il est possible d’étudier les caractéristiques des travailleurs à la demande, de déterminer les professions et les industries présentant une forte ou une faible prévalence de travailleurs à la demande et de faire la lumière sur certaines différences fondamentales entre les données du recensement et les données administratives quant à la façon dont les particuliers déclarent leurs activités de travail indépendant.
2 Un bref survol de la déclaration de revenus provenant d’un travail indépendant au Canada
Les déclarations de revenus au Canada sont produites individuellement (bien que les renseignements sur les conjoints et les autres membres de la famille doivent être fournis) et les taux de déclaration sont très élevés, soit plus de 90 % pour la population adulteNote . Afin de produire leur déclaration de revenus pour une année donnée, les Canadiens présentent une Déclaration de revenus et de prestations T1 remplie à l’Agence du revenu du Canada (ARC) l’année suivante. Les employés canadiens permanents ou temporaires qui sont rémunérés déclarent leurs traitements ou leurs salaires selon les feuillets T4 (État de la rémunération payée) qu’ils reçoivent de leur employeur, lequel peut également transmettre des copies des feuillets T4 à l’ARC. Sur les formulaires de déclaration T1 transmis à l’ARC, les particuliers déclarent leur revenu total T4 figurant sur chacun des feuillets T4 produits pour une année financière donnée en tant que « Revenu d’emploi » pour cette année‑làNote . Le revenu d’emploi autre que les salaires et traitements, comme les pourboires et les gratifications, est déclaré en tant qu’« autre revenu d’emploi ».
Les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société utilisent le formulaire T1 pour déclarer leurs revenus d’un travail indépendant d’entreprise, de profession libérale, de commissions, d’agriculture et de pêcheNote . Les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société qui déclarent des revenus d’entreprise, de profession libérale ou de commission (p. ex. les chauffeurs d’Uber) joignent un formulaire T2125 — État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale à leur formulaire T1. Le formulaire T2125 présente en détail tous les revenus et toutes les dépenses touchant l’exploitation de l’entreprise non constituée en société appartenant au particulier ou touchant l’exercice d’une profession par le particulierNote . Les travailleurs indépendants propriétaires d’entreprises non constituées en société peuvent demander un numéro d’entreprise (NE) pour leur entreprise (ou leurs entreprises) auprès de l’ARC. S’ils ont un NE, ils doivent l’inscrire sur le formulaire T2125. Les sociétés en nom collectif sont visées par des règles particulières sur la création et la dissolution d’entreprises. Contrairement à une entreprise constituée en société, la société en nom collectif n’a pas à produire de déclaration de revenus des sociétés (voir ci‑dessous). La totalité des revenus des sociétés en nom collectif est répartie entre les associés, et chaque associé déclare sa part des revenus de la société en nom collectif sur son formulaire de déclaration de revenus des particuliers T1Note . Selon la structure choisie et les revenus, la société en nom collectif peut être tenue de fournir à ses associés le feuillet T5013 — État des revenus d’une société de personnes.
Les entreprises constituées en société transmettent un formulaire de déclaration de revenus des sociétés T2 à l’ARC. Les principaux types de sociétés au Canada sont les sociétés privées, les sociétés publiques (dont les actions sont cotées en bourse) et les sociétés appartenant à la Couronne. Lorsque les sociétés privées produisent leur déclaration T2, elles doivent joindre une annexe 50 dans laquelle figurent tous les actionnaires dont les actions sont égales ou supérieures à 10 %. Dans la présente étude, toutes les personnes inscrites sur les formulaires de l’annexe 50 sont considérées comme propriétaires d’une entreprise constituée en société ou comme travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société. Les propriétaires d’entreprises constituées en société peuvent aussi se verser eux-mêmes des salaires ou des traitements, auquel cas ils reçoivent des feuillets T4 et déclarent leur revenu d’emploi sur leur formulaire de déclaration de revenus des particuliers T1.
3 Données
La principale source des données administratives pour cette étude est la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE), gérée par Statistique Canada. La BDCDEE n’est pas un ensemble de données unique, mais plutôt un environnement de données constitué de plusieurs blocs de données administratives qui peuvent être couplés au moyen d’identificateurs uniques de particuliers et d’entreprisesNote . Les fichiers annuels de déclaration de revenus des particuliers (T1) figurent parmi les principales composantes de la BDCDEE. Ils contiennent des renseignements détaillés et exhaustifs sur les revenus des particuliers provenant de toutes les sources, les transferts gouvernementaux, les prestations et les impôts. Les fichiers T1 de la BDCDEE portent sur l’ensemble des déclarants Canadiens et s’étendent sur la période allant de 1983 à 2016.
Les fichiers T1 que Statistique Canada reçoit de l’ARC comprennent un fichier contenant des renseignements sur toutes les personnes qui déclarent un revenu brut positif pour au moins un des types de revenus suivants : revenus d’agriculture, de pêche, de profession libérale, d’entreprise, de commission ou de location (Statistique Canada, 2011). Les variables du fichier correspondent aux renseignements recueillis dans les pièces jointes relatives aux six activités, y compris les formulaires T2125 et T5013. En utilisant ce fichier comme source principale, Statistique Canada crée des fichiers de déclarations financières qui sont mieux adaptés à des fins d’analyse. Les fichiers de déclarations financières sont des fichiers annuels pour tous les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société au Canada. Ils sont actuellement disponibles pour les années 2005 à 2016.
En plus des renseignements contenus dans les déclarations de revenus des particuliers, la BDCDEE contient des renseignements tirés des déclarations de revenus des sociétés (formulaires T2). Comme il est mentionné ci-dessus, chaque société privée qui produit une déclaration de revenus des sociétés est également tenue de fournir une annexe 50, dans laquelle figurent tous les actionnaires dont les actions sont égales ou supérieures à 10 %Note . Statistique Canada reçoit les fichiers de l’annexe 50, et ceux-ci font partie de l’environnement de la BDCDEE.
L’échantillon principal de l’analyse comprend tous les travailleurs âgés de 15 ans et plus figurant dans les fichiers de déclaration T1 de 2005 à 2016. On entend par « travailleurs » tous les particuliers qui se trouvent dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
- a) travailleurs qui ont déclaré un revenu d’emploi tiré de feuillets T4 ou d’autres revenus d’emploi, comme des pourboires, des gratifications ou des jetons de présence, sur leur formulaire T1;
- b) travailleurs qui ont déclaré un revenu de travail indépendant dans une entreprise non constituée en société;
- c) travailleurs qui ont été identifiés comme propriétaires d’entreprises constituées en société dans les déclarations de revenus des sociétés.
La taille des fichiers varie de 18 088 542 à 20 419 262 observations. Dans chaque fichier T1 annuel, l’information contenue dans les fichiers de déclarations financières basée sur la définition présentée à la section suivante permet de distinguer les travailleurs à la demande.
Un élément essentiel et nouveau de l’étude est qu’elle exploite les avantages des données administratives couplées aux microdonnées du Recensement de 2016 pour combler plusieurs lacunes importantes dans les données fiscales. En utilisant la concordance récemment établie entre les données administratives individuelles et les identificateurs des données du recensement, les données de la BDCDEE peuvent être couplées aux fichiers de microdonnées du Recensement de la population de 2016 portant sur un échantillon aléatoire composé de 25 % des résidents canadiens. Cela signifie que les données du recensement sont disponibles pour un sous-échantillon aléatoire constitué de 25 % de tous les travailleurs de l’échantillon principal. Les données couplées (fichiers de la BDCDEE avec les données du recensement) permettent d’examiner plus à fond certaines caractéristiques du capital humain des travailleurs à la demande qui ne figurent pas dans les données fiscales, comme le niveau de scolarité le plus élevé, la profession principale et le statut d’immigrant. L’échantillon d’analyse de données couplées du recensement et du fichier T1 comprend 4 781 844 observations, ce qui représente environ 23,4 % de l’échantillon T1 principal en 2016.
Une comparaison entre les tendances du travail indépendant au sein des entreprises non constituées en société observées dans les données d’enquête et les données administratives peut donner des indices sur les changements récents dans la taille de l’économie du travail indépendant au Canada. Une grande partie de l’information concernant le travail indépendant au Canada provient de l’EPA, laquelle consiste en une enquête mensuelle de Statistique Canada menée depuis 1945. L’EPA est la principale source de calcul des divers indicateurs économiques officiels tels que les taux d’emploi et de chômage. Il s’agit d’une enquête obligatoire en vertu de la Loi sur la statistique. Les travailleurs sont classés en plusieurs catégories dans l’EPA : les employés des secteurs privé et public, les travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société avec et sans employés, les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société avec et sans employés et les employés privés travaillant dans des entreprises familiales sans salaire. Dans la présente étude, les estimations des taux de travail indépendant fondées sur l’EPA sont comparées aux taux de travail indépendant fondés sur les données de la BDCDEE.
4 Détermination des travailleurs à la demande au moyen de données administratives
Il y a peu de consensus dans la littérature sur l’économie ou dans les forums publics sur la signification exacte du terme « économie à la demande », et encore moins sur la taille de l’économie à la demande aux États-Unis, au Canada ou dans d’autres pays. La multiplication des plateformes en ligne et des marchés suivant l’approche participative reliant les travailleurs aux employeurs au moyen d’accords de travail très souples et souvent peu contraignants a suscité un regain d’intérêt pour l’aspect « à la demande » de l’économie moderne et a motivé de nouvelles tentatives pour définir et quantifier l’économie à la demande. Cependant, ces mêmes facteurs technologiques ont amplifié la complexité de la mesure de l’économie à la demande et intensifié le besoin de nouvelles approches méthodologiques.
Des études récentes se sont tournées vers les données administratives pour quantifier l’économie du travail indépendant, déterminer la façon dont elle influe sur les tendances plus générales du travail indépendant aux États-Unis et concilier les écarts entre les estimations du travail indépendant fondées sur les sources de données administratives et les bases de données d’enquêtes plus traditionnelles. Abraham et coll. (2018) ont instauré un cadre méthodologique afin de déterminer les travailleurs à la demande à partir des caractéristiques de leurs conditions de travail et de la façon dont celles-ci sont déclarées dans les données fiscales. Cette typologie des conditions de travail est fondée sur plusieurs caractéristiques qui facilitent la distinction entre les divers régimes de travail, y compris le fait de savoir si la personne reçoit un salaire ou un traitement, si la relation de travail peut se poursuivre ou si l’horaire de travail et les gains de la personne sont prévisibles (voir le tableau 1 de l’étude d’Abraham et coll. [2018]). Abraham et coll. (2018) mentionnent également que les travailleurs à la demande ne sont pas des salariés, n’ont pas de contrat à long terme avec un employeur, n’ont pas d’horaire de travail prévisible et n’ont pas de revenus prévisibles. Par conséquent, selon cette typologie, les travailleurs à la demande sont des travailleurs indépendants pigistes au sein d’entreprises non constituées en société, des journaliers ou des personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligne. Dans les données administratives, il est possible de définir (du moins partiellement) les travailleurs à la demande selon la façon dont ils déclarent leurs conditions de travail aux autorités fiscales.
Tableau 1 début
Données de l’Enquête sur la population active |
Données du Recensement de 2016 |
Données administratives : BDCDEE (2016) |
|
---|---|---|---|
parts | |||
Travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société | 7,1 | 4,4 | 9,5 |
Travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société | 9,5 | 7,5 | 14,6 |
pourcentage | |||
Travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société | |||
Avec employés | 12,0 | 26,4 | 3,9 |
Sans employés | 88,0 | 73,6 | 96,1 |
parts | |||
Propriétaires uniques ayant déclaré des revenus sur un formulaire T2125 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 12,9 |
Travailleurs à la demande | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 8,2 |
pourcentage | |||
Travailleurs à la demande | |||
Sans emploi selon le feuillet T4 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 48,6 |
Ayant un seul emploi selon le feuillet T4 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 36,3 |
Ayant plusieurs emplois selon le feuillet T4 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 15,1 |
... n'ayant pas lieu de figurer Note : BDCDEE : Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. Sources : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de l’Enquête sur la population active, des données du Recensement de 2016 et de la BDCDEE de 2016. |
Tableau 1 fin
La méthodologie proposée dans la présente étude pour mesurer la proportion de travailleurs à la demande dans la population active canadienne est conforme à la méthodologie et à la typologie des conditions de travail décrites par Abraham et coll. (2018). L’approche est fondée sur des renseignements combinés provenant de plusieurs sources administratives disponibles dans la BDCDEE, comme les fichiers T1, les fichiers T2 et les fichiers de l’annexe 50 ainsi que les fichiers de déclarations financières qui contiennent des renseignements détaillés sur les activités de travail indépendant et les propriétaires d’entreprises constituées ou non en société. L’accent est mis sur les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société qui produisent les formulaires T2125, lesquels sont requis pour déclarer un revenu d’entreprise, de profession libérale ou de commission à titre de travailleur indépendant. Ces travailleurs sont regroupés en trois catégories : les associés (dans des sociétés en nom collectif) qui déclarent un revenu à l’aide du formulaire T2125, les propriétaires uniques qui déclarent un revenu à l’aide du formulaire T2125 et fournissent un numéro d’entreprise (NE), et les propriétaires uniques qui déclarent un revenu à l’aide du formulaire T2125 et ne fournissent pas de NE. L’accent est mis sur le revenu déclaré à l’aide du formulaire T2125 parce que les travailleurs indépendants pigistes, les personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligne et les journaliers doivent produire un formulaire T2125 pour déclarer leur revenu d’entreprise. Cependant, les travailleurs qui utilisent le formulaire T2125 ne sont pas tous des travailleurs à la demande. Si la typologie des conditions de travail d’Abraham et coll. (2018) est appliquée au contexte canadien, les travailleurs à la demande peuvent être considérés comme des travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société (propriétaires uniques) qui déclarent un revenu d’entreprise, de profession libérale ou de commission dans leur déclaration de revenus T1 et qui joignent au moins un formulaire T2125 sans NE.
Les déclarants au sein d’entreprises non constituées en société qui utilisent le formulaire T2125, qui exploitent une entreprise établie et qui peuvent s’attendre à un certain degré de continuité et de prévisibilité dans leurs conditions de travail, ne font pas partie de la catégorie des travailleurs à la demande. Une ligne sépare les personnes qui n’ont pas de NE parce qu’elles n’ont pas enregistré leur entreprise auprès de l’ARC (travailleurs à la demande) et celles qui en ont. La raison pour laquelle l’accent est mis sur le NE est double. Premièrement, la décision d’obtenir un NE indique que l’on s’attend à une continuité. Bien que le processus d’obtention d’un NE ne soit pas particulièrement coûteux, un particulier doit investir du temps pour remplir les formulaires requis et fournir des renseignements sur son entreprise à l’ARC. Cet effort est moins susceptible d’être fait lorsque l’activité commerciale future est incertaine ou que l’on s’attend à ce qu’elle soit mineure ou occasionnelle. Deuxièmement, les entreprises et les activités qui sont particulièrement peu susceptibles d’être associées au travail à la demande, comme les entreprises qui emploient du personnel ou qui exercent des activités d’importation et d’exportation, sont automatiquement exclues puisqu’elles sont tenues d’avoir un NE. La définition proposée dans la présente étude s’inscrit bien dans la typologie des conditions de travail d’Abraham et coll. (2018), laquelle exclut de la catégorie des travailleurs à la demande les propriétaires uniques d’entreprises non constituées en société qui s’attendent à une certaine continuité et à une certaine prévisibilité des gains.
Un élément important de la stratégie méthodologique consiste à reconnaître qu’une personne peut occuper plusieurs emplois ou participer à plusieurs activités de travail indépendant. Bien que les enquêtes portent habituellement sur les principales activités des répondants sur le marché du travail, les données fiscales contiennent des renseignements sur toutes les sources de revenu d’un particulier, si petites soient-elles. Pour de nombreux travailleurs à la demande, leur activité « à la demande » ne représente qu’une partie de l’ensemble de leurs activités sur le marché du travail. La définition utilisée dans la présente étude reconnaît, par exemple, qu’un travailleur à la demande qui déclare un revenu d’entreprise peut aussi recevoir un salaire ou un traitement (T4) provenant d’un emploi salarié, être propriétaire d’une entreprise constituée en société (inscrite à l’annexe 50) ou posséder une entreprise non constituée en société pour laquelle il déclare un revenu de profession libérale dans un formulaire T2125 distinct. Par conséquent, il est possible de différencier les travailleurs à la demande, dont l’activité à la demande est leur seule source de revenus, de ceux qui utilisent le travail à la demande pour compléter leur revenu.
Comme pour toute tentative de définir une catégorie de travailleurs aussi ambiguë que celle des « travailleurs à la demande », la définition utilisée dans la présente étude a ses avantages et ses inconvénients. L’un des avantages est la clarté conceptuelle de la définition fondée sur des paramètres précis qui sont associés au régime fiscal, ainsi que le fait qu’elle repose sur les caractéristiques du régime fiscal qui ont été stables dans le passé et qui le resteront probablement à l’avenir. Contrairement aux questions d’enquête sur le travail à la demande, une définition du travail à la demande fondée sur des renseignements fiscaux est dénuée d’ambiguïté associée à l’interprétation individuelle du travail à la demande et d’incertitude quant à la signification du terme pour différents répondants. Les données fiscales se prêtent également mieux à l’analyse analytique, car les fichiers de données administratives sont généralement volumineux et portent sur l’ensemble de l’univers des travailleurs et des entreprises. Cependant, les données fiscales en disent peu sur la nature de l’emploi et ne fournissent pas de renseignements sur les heures de travail, les salaires horaires et la durée de l’emploi.
La définition des travailleurs à la demande qui figure dans la présente étude s’accompagne d’une mise en garde importante. Les entreprises canadiennes sont tenues d’avoir un NE pour déclarer les taxes de vente fédérale et provinciales (TPS/TVH) qu’elles perçoivent lorsqu’elles facturent des produits et services à leurs clients. Les entreprises qui fournissent des biens et services exemptés de la taxe de vente (p. ex. des produits alimentaires de base, des services éducatifs, des services d’aide juridique et des leçons de musique) et les petits fournisseurs dont le total des revenus imposables de l’entreprise ne dépasse pas 30 000 $ par année font exception. Cette exigence exclut en grande partie les déclarants T2125 dont les revenus d’entreprise provenant de la catégorie des travailleurs à la demande dépassent 30 000 $. Pour évaluer les répercussions du seuil de 30 000 $ sur les estimations de la présente étude, le noyau de la densité du revenu brut a été estimé pour tous les propriétaires uniques qui ont déclaré des revenus à l’aide du formulaire T2125 dans les données de 2016 et pour les propriétaires uniques qui s’inscrivent dans la définition de « travailleur à la demande » (figure 1). Les deux lignes indiquent une légère concentration, juste au-dessous de 30 000 $. La concentration du revenu en soi est inattendueNote . L’importance relativement faible de la concentration du revenu est en revanche assez rassurante. La figure 1 montre également que le revenu brut d’environ 74 % de tous les propriétaires uniques ayant déclaré un revenu au moyen du formulaire T2125 et de 85 % de ceux qui ont été considérés comme travailleurs à la demande était inférieur à 30 000 $Note . Pour la grande majorité des propriétaires uniques qui déclarent un revenu au moyen du formulaire T2125, le seuil de 30 000 $ ne semble pas contraignant. Néanmoins, certains travailleurs à la demande potentiels parmi ceux qui déclarent un revenu brut (T2125) supérieur à 30 000 $ sont omis dans l’analyse.
5 Le travail indépendant au sein d’entreprises non constituées en société et l’économie à la demande
5.1 Estimations sur le travail indépendant dans les données administratives, les données du recensement et les données d’enquête
L’un des éléments clés de la définition du terme « travailleurs à la demande », fondée sur la typologie des caractéristiques des conditions de travail présentée par Abraham et ses collaborateurs (2018), est que les travailleurs à la demande font partie des travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société. Par conséquent, dans la présente étude, on a calculé les taux de travail indépendant et examiné les différences fondamentales entre les données d’enquête et les données de sources administratives en ce qui a trait aux estimations des taux de travail indépendant, avant de se concentrer précisément sur les travailleurs indépendants. L’analyse a commencé par une comparaison des parts estimatives de travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société et de travailleurs indépendants d’entreprises non constituées en société parmi tous les travailleurs en 2016 à l’aide des données d’enquête (EPA), des données administratives (BDCDEE) et des microdonnées du recensement. L’objectif était de comparer les estimations issues de l’EPA et du recensement (les deux sources les plus fréquemment utilisées pour estimer l’étendue des activités de travail indépendant au Canada) avec les estimations issues des données administratives, lesquelles ne sont accessibles que depuis peu, afin de réaliser une analyse exhaustive des divers aspects du travail indépendant, qu’il soit fait au sein d’une entreprise constituée ou non en société. Une estimation directe de l’économie à la demande au Canada a également été fournie à l’aide de données administratives fondées sur la définition présentée à la section précédente.
La comparaison entre les trois sources de données a permis de constater des différences importantes dans les parts estimatives de travailleurs indépendants en 2016 (tableau 1). La part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société dans les données du recensement (4,4 %) représentait moins de la moitié de la part correspondante dans les données de la BDCDEE (9,5 %). La différence peut s’expliquer en partie par le fait que les répondants au recensement ne sont interrogés que sur leur emploi principal, alors que dans les données administratives, toute personne détenant plus de 10 % des actions d’une entreprise constituée en société est considérée comme un travailleur indépendant au sein d’une entreprise constituée en société. En outre, les chiffres du recensement sont fondés sur le travail indépendant du particulier au cours de la semaine de référence. Dans les données administratives, la période de référence utilisée est l’année civile précédente. Contrairement à l’estimation fondée sur le recensement, la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société dans l’EPA est fondée soit sur l’activité principale, soit sur l’activité secondaire. Cette part se situait entre les parts estimatives issues des données du recensement et celles issues des données administratives (7,1 %). De même, la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société selon les données du recensement (7,5 %) représentait un peu plus de la moitié de la part de ces mêmes travailleurs selon les données administratives (14,6 %), tandis que l’estimation issue de l’EPA était plus près de celle issue du recensement (9,5 %)Note . Moins de 4 % des travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société de la BDCDEE avaient des employés, comparativement à 26,4 % dans le cas des données du recensement et à 12 % dans le cas des données de l’EPANote . Ce résultat est conforme à la notion que le travail indépendant est une activité relativement mineure pour bon nombre de particuliers considérés comme travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société et pour lesquels on dispose de données fiscales. Par conséquent, la prévalence des employeurs au sein de ce groupe était beaucoup plus faible que la prévalence des employeurs parmi ceux qui ont déclaré, lors du recensement, que le travail indépendant était leur principale activité sur le marché du travail.
Le tableau 1 montre qu’en 2016, la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société qui s’inscrivaient dans la définition de travailleurs à la demande était d’environ 8,2 %. Comme il est mentionné à la section 4, il manque probablement un petit nombre de travailleurs à la demande potentiels ayant un revenu brut (T2125) supérieur à 30 000 $, de sorte que la part réelle des travailleurs à la demande était légèrement supérieure à 8,2 %Note . L’étude a permis de calculer le revenu annuel net total tiré d’un travail à la demande en 2016 pour chaque travailleur à la demande et d’estimer le noyau de densité du revenu de travail à la demande au moyen d’un estimateur à noyau de la densité (figure 2). La ligne médiane correspond à 4 303 $, ce qui représente un très petit montant. Pour de nombreux travailleurs à la demande, le revenu net total était négatif. Parmi les travailleurs à la demande, 48,6 % n’avaient pas d’emploi rémunéré et n’ont déclaré aucun revenu d’emploi, tandis que 36,3 % d’entre eux avaient un emploi rémunéré et environ 15,1 % avaient plusieurs emplois rémunérés. Par conséquent, les travailleurs à la demande sont répartis presque également entre ceux n’ayant pas d’autres revenus à part leurs revenus provenant du travail à la demande et ceux complétant leurs salaires et traitements par des revenus tirés de leurs activités de travail à la demande.
Pour donner une idée de l’importance relative du travail à la demande parmi ceux qui ont été considérés comme travailleurs à la demande, la part des gains provenant du travail à la demande parmi les gains totaux pour chaque particulier ainsi que divers percentiles de la répartition qui en a découlé ont été calculés. Selon ces calculs, la part médiane du revenu de travail à la demande dans les gains totaux était de 76 %, ce qui signifie que, pour environ la moitié de tous les travailleurs à la demande, les gains issus du travail à la demande représentaient plus des trois quarts de leurs gains annuels totaux. Cependant, la part médiane du revenu de travail à la demande dans le revenu annuel total provenant de toutes les sources était beaucoup plus faible (22 %). Pour plus d’un quart de tous les travailleurs à la demande, leurs gains issus du travail à la demande représentaient la totalité de leurs gains et plus de 89 % de leur revenu total.
5.2 Tendances du travail indépendant et du travail à la demande de 2005 à 2016
Une grande partie de la littérature américaine récente sur le travail à la demande est stimulée par une divergence apparente des tendances du travail indépendant entre les données d’enquête et les données administratives. Par exemple, Katz et Krueger (2019) ont utilisé la Current Population Survey pour démontrer que, même si la proportion de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société a diminué, passant de près de 9 % en 1980 à un peu plus de 6 % en 2017, la part de ceux qui ont produit l’annexe C (déclaration de revenus ou de pertes d’entreprise aux États-Unis) est passée d’environ 9 % à plus de 16 % pendant la même période. Cette tendance divergente devrait se poursuivre. Selon des études menées aux États‑Unis, les tendances divergentes du travail indépendant observées dans les données d’enquête et les données administratives pourraient être en partie attribuables à la croissance de l’économie à la demande, laquelle n’est pas entièrement prise en compte par les mesures traditionnelles du travail indépendant fondées sur des enquêtes.
Le graphique 1 montre les tendances estimatives du travail indépendant au Canada de 2005 à 2016, d’après les données de l’EPA et de la BDCDEE. Malgré certaines preuves de divergence des taux de travail indépendant entre les données de l’enquête canadienne et les données administratives de 2005 à 2016, la tendance divergente semble moins marquée lorsqu’on la compare à une tendance similaire observée aux États-Unis. Comme aux États-Unis, les données administratives permettent de faire ressortir un plus grand nombre de travailleurs indépendants que les données d’enquête, puisque les données administratives prennent en compte toutes les activités de travail indépendant, y compris les activités occasionnelles qui peuvent être ignorées par les répondants. Bien que la prévalence du travail indépendant au sein d’entreprises non constituées en société semble généralement plus élevée au Canada qu’aux États-Unis, les données d’enquête indiquent une baisse légère mais comparable de la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société entre 2005 et 2016 dans les deux pays.
La tendance générale du travail indépendant dans l’EPA est demeurée relativement stable, passant de 16,9 % en 2005 à 17,5 % en 2009, puis diminuant pour s’établir à 16,6 % en 2016. Le taux de travail indépendant au sein d’entreprises non constituées en société a suivi une trajectoire semblable, mais a diminué selon une proportion un peu plus importante, passant de 10,4 % en 2005 à 9,5 % en 2016. Toutefois, la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société a augmenté au cours de la même période, passant de 6,5 % en 2005 à 7,1 % en 2016. Cette hausse s’est traduite par une diminution globale plus faible de la part des travailleurs indépendants. Par contre, la part globale des travailleurs indépendants selon les données de la BDCDEE a augmenté de manière constante, passant de 20,7 % en 2005 à 22,3 % en 2016, malgré une légère baisse de la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société, laquelle est passée de 14,9 % à 14,6 % pendant la même période. L’augmentation des parts globales s’explique principalement par l’augmentation de la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société, qui est passée de 7,7 % en 2005 à 9,5 % en 2016. Le graphique 1 montre également que la baisse de la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société de 2005 à 2016 est principalement attribuable à la diminution du nombre de personnes ayant déclaré un revenu provenant de la pêche et de l’agriculture, puisque la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société ayant un revenu T2125 est demeurée très stable, passant de 12,7 % en 2005 à 12,9 % en 2016, ce qui représente une légère augmentation. Ce résultat semble contraster fortement avec les résultats américains qui montrent une augmentation importante de la part des personnes ayant rempli une annexe C dans les données administratives américaines (Katz et Krueger, 2019). Toutefois, malgré la stabilité globale des taux de travail indépendant au sein d’entreprises non constituées en société au Canada, la part des travailleurs à la demande parmi tous les travailleurs au Canada a augmenté, pour passer de 5,5 % en 2005 à environ 8,2 % en 2016Note .
Un examen plus attentif de la tendance des travailleurs à la demande révèle deux augmentations marquées entre 2005 et 2016 (graphique 2). La première augmentation correspond à la récession de 2008-2009; elle a été un peu plus marquée chez les hommes que chez les femmes. La période où est survenue cette augmentation donne à penser que la croissance de la part de travailleurs à la demande au cours de ces années peut être attribuable, en grande partie, à des facteurs incitatifs comme la baisse des perspectives d’emploi. Alors que la part de travailleuses à la demande a continué d’augmenter immédiatement après la récession (de 2009 à 2012), celle des travailleurs à la demande a légèrement diminué au cours de cette période. La deuxième hausse marquée a été observée vers 2012-2013, mais la raison est moins évidente et pourrait être liée à la multiplication des plateformes en ligne au Canada qui a commencé au cours de ces annéesNote . Après 2012, la croissance de la part de travailleurs à la demande a été plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
La principale caractéristique qui ressort du graphique 2 est que, toutes années confondues, la part de travailleurs à la demande était beaucoup plus élevée chez les femmes que chez les hommes, et cet écart s’est élargi avec le temps. En 2016, la part des travailleuses à la demande était d’environ 9,1 % et celle des travailleurs à la demande était d’environ 7,2 %Note . Ce résultat reflète probablement l’importance des conditions de travail souples pour les femmes qui tentent de concilier travail et famille (Jeon et Ostrovsky, 2019). Comparativement aux hommes, la participation des femmes à l’économie à la demande a été moins touchée par la récession de 2008-2009, ce qui donne à penser que les femmes qui décident de se tourner vers le travail à la demande pourraient être moins influencées par des facteurs incitatifs (incapacité de trouver un emploi traditionnel) et davantage par des facteurs d’attraction, comme la souplesse du travail et la possibilité d’être « son propre patron ».
Une question importante souvent posée dans les débats sur l’économie à la demande vise à déterminer si les travailleurs à la demande ont des emplois principaux plus stables et ont principalement recours au travail à la demande comme activité secondaire pour compléter leur revenu ou pour explorer les possibilités de travail indépendant, ou encore si le travail à la demande est l’activité principale des travailleurs à la demande et si ces derniers ne reçoivent généralement ni salaire ni traitement. Dans le graphique 3, les tendances de la part de travailleurs à la demande sont présentées séparément pour les travailleurs à la demande avec et sans salaire ou traitement (feuillets T4). Les tendances dans le volet de gauche (travailleurs à la demande sans salaire ni traitement) ont atteint un sommet autour de la récession en 2008-2009, mais sont demeurées relativement stables avant d’atteindre un autre sommet en 2012-2013. Par contre, les parts dans le volet de droite (travailleurs à la demande avec salaire ou traitement) ont augmenté de façon presque linéaire de 2006 à 2016; seules des hausses mineures ont été observées autour de 2008-2009. La tendance linéaire était particulièrement évidente chez les travailleuses à la demande recevant un salaire ou un traitement. Les tendances du graphique 3 semblent indiquer que, même si le travail à la demande est devenu plus répandu de 2005 à 2016, les travailleurs à la demande sans traitement ont réagi plus fortement aux facteurs incitatifs (récession) et d’attraction (multiplication des plateformes en ligne). Dans l’ensemble, toutefois, le graphique 3 indique qu’une proportion croissante de travailleurs font du travail à la demande en plus de leur emploi principal, mais aussi qu’une proportion croissante de travailleurs à la demande ne gagnent aucun salaire ou traitement.
En utilisant la technique de l’étude événementielle, Koustas (2019) a démontré que l’entrée dans le secteur du travail à la demande aux États-Unis est généralement précédée d’une baisse des revenus non liés au travail à la demande. Une tendance semblable a été observée au Canada. Le graphique 4 montre que les gains inscrits sur le feuillet T4 ont chuté considérablement au cours de l’année d’entrée dans le secteur du travail à la demande (année 0), et que cette baisse des gains inscrits sur le feuillet T4 était plus importante chez les hommes que chez les femmes. Les gains inscrits sur le feuillet T4 ont affiché un redressement partiel au cours des années subséquentes, tandis que les gains issus du travail à la demande ont diminué de façon constante. Le graphique 4 montre également que les prestations d’assurance-emploi (AE) ont augmenté avant l’entrée dans le secteur du travail à la demande et ont chuté de façon marquée au cours de l’année 0. Chez les femmes, cette tendance a été observée tant pour les prestations ordinaires que pour les prestations spéciales d’AENote . Koustas (2019) a demandé si la baisse des salaires et traitements avant l’année 0 représentait une stratégie délibérée de « préparation » au travail à la demande, ou si elle était la conséquence de chocs externes tels que des pertes d’emploi ou des réductions de salaire. Compte tenu des règles d’admissibilité à l’AE, l’augmentation des prestations d’AE avant l’entrée dans le secteur du travail à la demande semble indiquer que les chocs externes sont des facteurs importants dans la décision d’entrer dans le secteur du travail à la demandeNote .
Enfin, la présente étude visait à déterminer si l’augmentation de la part de travailleurs à la demande entre 2005 et 2016 était associée à des changements dans les habitudes de déclaration des revenus (T2125) pendant la même période. Compte tenu de la stabilité globale des taux de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société de 2005 à 2016, la part croissante de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société parmi l’ensemble des travailleurs canadiens suppose qu’une proportion croissante de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société produisent au moins un formulaire T2125 sans numéro d’entreprise (NE). Est-ce que le travail à la demande a remplacé ou vient compléter les formes moins précaires de travail indépendant au sein d’entreprises non constituées en société qui sont associées à une entreprise officielle? Il y a au moins deux scénarios possibles. Premièrement, les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société ont continué de produire le même taux de formulaires T2125, mais étaient de moins en moins susceptibles d’avoir présenté un NE. Dans ce scénario, le travail à la demande a remplacé des formes plus stables de travail indépendant qui exigeaient un engagement plus fort et peut-être un investissement initial plus important. Dans le deuxième scénario, les travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société ont produit le même nombre de formulaires T2125 comportant un NE, mais en plus de produire de tels formulaires, ils ont présenté un nombre croissant de formulaires T2125 sans NE. Dans ce scénario, les travailleurs indépendants ont accepté un nombre croissant d’offres de travail à la demande en plus de leur travail indépendant stable qui est demeuré leur principale activitéNote .
L’analyse tient compte des deux scénarios et permet d’examiner les changements dans les parts de propriétaires uniques qui ont produit plusieurs formulaires T2125. Il y a eu une augmentation modeste (1,3 point de pourcentage) du nombre de propriétaires uniques qui ont déclaré un revenu (T2125) provenant de sources multiples en 2016 comparativement à 2005, mais la grande majorité a continué de déclarer un revenu (T2125) provenant d’une seule source (95,9 % en 2016). Cette constatation vient corroborer davantage l’idée que l’augmentation de la part des travailleurs à la demande observée dans le graphique 2 représente à la fois une diminution de la part de travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société ayant une entreprise stable et une augmentation du nombre de travailleurs indépendants qui font du travail à la demande en plus de leur activité commerciale principale.
6 Caractéristiques des travailleurs à la demande
6.1 Données fiscales
Premièrement, l’étude vise à examiner les caractéristiques des travailleurs à la demande qui figurent dans les données fiscales, comme l’âge, l’état matrimonial, la région de résidence et l’industrie dans laquelle le travail à la demande est effectué. Certaines différences clés entre les sexes en ce qui concerne la prévalence et les tendances du travail à la demande ont déjà été mentionnées. Pour cette raison, d’autres caractéristiques des travailleurs du secteur du travail à la demande sont considérées séparément pour les hommes et les femmes. Le tableau 2 (volet supérieur) montre la répartition des travailleurs en 2016 selon plusieurs dimensions. Les deux premières colonnes montrent la répartition des travailleurs à la demande selon différentes catégories à l’intérieur de chaque caractéristique (p. ex. l’âge et l’état matrimonial). Les deux dernières colonnes indiquent la part de travailleurs à la demande parmi tous les travailleurs de chaque catégorie (c.-à-d. la prévalence des travailleurs à la demande dans une catégorie donnée)Note . Les résultats indiquent qu’aucun groupe d’âge ne prédominait dans la répartition selon l’âge des travailleurs à la demande, et que ces derniers étaient répartis plus ou moins uniformément dans l’ensemble du spectre d’âge. Toutefois, la prévalence des travailleurs à la demande était particulièrement élevée dans la catégorie des 65 ans et plus, parce qu’un moins grand nombre de personnes dans cette catégorie d’âge étaient sur le marché du travail et, lorsqu’elles travaillaient, elles étaient plus susceptibles d’être des travailleurs à la demande que les jeunes travailleurs. En 2016, environ 62,4 % de tous les travailleurs à la demande étaient mariés ou vivaient en union libre, tandis qu’environ 28,9 % des hommes et 24,5 % des femmes étaient célibataires (jamais mariés). Toutefois, les hommes (8,6 %) et les femmes (10,7 %) qui étaient divorcés, veufs ou séparés étaient plus susceptibles d’être des travailleurs à la demande que les hommes et les femmes mariés ou célibataires.
Tableau 2 début
Pourcentage de travailleurs à la demande | Prévalence de travailleurs à la demande | |||
---|---|---|---|---|
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
pourcentage | prévalence | |||
Données fiscales | ||||
Âge (en années) | ||||
Moins de 25 ans | 8,5 | 6,9 | 4,5 | 4,5 |
25 à 34 ans | 19,0 | 20,7 | 7,0 | 9,3 |
35 à 44 ans | 19,2 | 22,6 | 7,4 | 10,6 |
45 à 54 ans | 20,0 | 21,8 | 7,3 | 9,5 |
55 à 64 ans | 19,0 | 18,6 | 7,7 | 9,6 |
65 ans et plus | 14,3 | 9,3 | 10,0 | 11,8 |
État matrimonial | ||||
Marié ou conjoint de fait | 62,4 | 61,8 | 7,6 | 10,1 |
Veuf, divorcé ou séparé | 8,7 | 13,7 | 8,6 | 10,7 |
Célibataire | 28,9 | 24,5 | 6,2 | 7,0 |
Région de résidence | ||||
Provinces de l’Atlantique | 3,8 | 4,6 | 4,3 | 6,4 |
Québec | 23,8 | 24,4 | 7,5 | 9,8 |
Ontario | 41,3 | 37,3 | 8,0 | 8,9 |
Prairies | 14,6 | 17,1 | 5,6 | 8,5 |
Colombie-Britannique | 16,2 | 16,3 | 8,7 | 10,7 |
autre | 0,4 | 0,3 | 3,1 | 6,0 |
Revenu total | ||||
Premier quintile (inférieur) | 26,0 | 23,0 | 11,3 | 12,3 |
Deuxième quintile | 23,8 | 22,2 | 10,7 | 14,4 |
Troisième quintile (intermédiaire) | 16,9 | 19,0 | 5,9 | 8,8 |
Quatrième quintile | 15,4 | 16,4 | 4,9 | 6,4 |
Cinquième quintile (supérieur) | 18,0 | 19,4 | 5,4 | 6,9 |
Données fiscales-recensement couplées | ||||
Plus haut niveau de scolarité atteint | ||||
Diplôme d’études secondaires ou niveau de scolarité moins élevé | 32,7 | 27,2 | 5,8 | 7,0 |
Études postsecondaires partielles | 31,2 | 36,8 | 6,4 | 9,7 |
Baccalauréat | 22,1 | 23,1 | 9,0 | 9,4 |
Grade supérieur | 13,9 | 12,9 | 13,7 | 16,5 |
Statut d’immigrant | ||||
Personnes nées au Canada | 64,3 | 71,5 | 6,1 | 8,8 |
Résidents non permanents | 1,5 | 1,0 | 7,5 | 6,7 |
Au Canada depuis moins de 5 ans | 4,6 | 3,2 | 10,8 | 9,5 |
Au Canada depuis 5 à 9 ans | 5,5 | 4,4 | 10,9 | 10,8 |
Au Canada depuis 10 à 19 ans | 9,3 | 7,8 | 10,5 | 10,6 |
Au Canada depuis 20 ans ou plus | 14,8 | 12,1 | 9,5 | 10,1 |
Sources : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE) et des données couplées de la BDCDEE et du recensement calculées pour 2016. |
Tableau 2 fin
Il n’est peut-être pas surprenant de constater que la proportion de travailleurs à la demande parmi l’ensemble des travailleurs était plus élevée là où les possibilités de travail à la demande étaient plus grandes, particulièrement dans les trois régions où se trouvent les grands centres urbains canadiens, soit le Québec (Montréal), l’Ontario (Toronto) et la Colombie-Britannique (Vancouver) (Tableau 2). Toutefois, le graphique 4 montre séparément les tendances des travailleurs à la demande pour Montréal, Toronto et Vancouver et fait état de différences importantes en ce qui a trait à la croissance du travail à la demande dans ces trois centres urbains. À Montréal, le taux de croissance de la part de travailleurs à la demande était semblable à celui de la part globale au Canada jusqu’en 2012, mais il a augmenté plus rapidement par la suite. À Toronto, le taux de croissance de la part de travailleurs à la demande était plus élevé que dans les autres grands centres urbains jusqu’en 2009. Toutefois, les sommets observés dans les parts de travailleurs à la demande (vers 2008 et 2012) ont été suivis de tendances relativement stables, voire à la baisse, même si à Toronto, la part de travailleurs à la demande était nettement supérieure à la part globale enregistrée au Canada en 2016 (graphique 5).
Enfin, le tableau 2 montre que 49,8 % des travailleurs à la demande et 45,2 % des travailleuses à la demande faisaient partie des deux quintiles les plus bas de la répartition du revenu total. Que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, la prévalence des travailleurs à la demande dans le quintile de revenu le plus élevé correspondait à environ la moitié de celle des travailleurs à la demande dans le quintile de revenu le plus bas.
Il est possible d’examiner la répartition des travailleurs à la demande par industrie au moyen des codes à deux chiffres du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) (20 industries). Le tableau 3 montre que la plupart des travailleurs à la demande travaillaient dans les services professionnels, scientifiques et techniques (19,0 %), la construction (12,4 %) ainsi que les services administratifs et de soutien, de gestion des déchets et d’assainissement (10,6 %)Note . Les travailleuses à la demande étaient surtout concentrées dans les soins de santé et l’aide sociale (20,2 %) et dans les services professionnels, scientifiques et techniques (17,4 %). Le tableau 3 montre également que la répartition industrielle des travailleurs à la demande selon l’industrie dans laquelle ils exercent leur travail à la demande était très semblable à la répartition industrielle des travailleurs à la demande selon l’industrie dans laquelle ils exercent leur emploi principal, telle qu’elle est enregistrée dans les données du recensement (troisième et quatrième colonnes). Pour ce qui est de la prévalence des travailleurs à la demande parmi l’ensemble des travailleurs (deux dernières colonnes), l’industrie ayant la plus forte proportion de travailleurs à la demande masculins était celle des arts, des spectacles et des loisirs (15,6 %), qui est l’industrie à l’origine du terme « travail à la demandeNote ». On a également observé une forte prévalence de travailleurs à la demande dans les secteurs des soins de santé et de l’aide sociale (13,3 %), des services d’enseignement (11,3 %) ainsi que des services de l’immobilier et des services de la location et location à bail (10,8 %). Chez les femmes, l’industrie ayant la plus forte proportion de travailleuses à la demande était celle des autres services (sauf l’administration publique) (20,1 %), une vaste catégorie qui comprend des fournisseurs de soins personnels, des cuisiniers, des bonnes, des gardiennes et des nourrices.
Tableau 3 début
Code d’industrie à 2 chiffres du SCIAN | Données de la BDCDEE : pourcentage de travailleurs à la demande | Données couplées de la BDCDEE et du recensement (industrie de l’emploi principal) pourcentage de travailleurs à la demande | Données couplées de la BDCDEE et du recensement (industrie de l’emploi principal) : part de l’ensemble des travailleurs | |||
---|---|---|---|---|---|---|
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
pourcentage | pourcentage | part | ||||
Non classé (aucun travail) | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 8,6 | 9,8 | 6,0 | 7,9 |
Agriculture, foresterie, pêche et chasse | 2,2 | 0,9 | 1,9 | 1,1 | 4,3 | 7,5 |
Extraction minière, exploitation en carrière, et extraction de pétrole et de gaz | 0,3 | 0,1 | 0,8 | 0,3 | 2,5 | 5,0 |
Services publics | 0,3 | 0,1 | 0,4 | 0,2 | 2,8 | 3,6 |
Construction | 12,4 | 1,4 | 11,6 | 1,6 | 7,6 | 8,7 |
Fabrication | 2,0 | 1,6 | 5,2 | 2,3 | 3,4 | 4,7 |
Commerce de gros | 1,3 | 1,4 | 2,6 | 1,3 | 4,4 | 5,4 |
Commerce de détail | 4,5 | 10,0 | 6,2 | 6,5 | 4,8 | 5,2 |
Transport et entreposage | 8,3 | 1,3 | 6,4 | 1,5 | 7,4 | 6,2 |
Industrie de l’information et industrie culturelle | 3,3 | 1,9 | 3,2 | 1,9 | 10,3 | 10,2 |
Finance et assurances | 6,6 | 3,8 | 5,7 | 3,7 | 13,1 | 7,2 |
Services immobiliers et services de location et de location à bail | 3,4 | 2,4 | 2,6 | 1,9 | 10,8 | 12,0 |
Services professionnels, scientifiques et techniques | 19,0 | 17,4 | 10,3 | 8,7 | 10,5 | 13,4 |
Gestion de sociétés et d’entreprises | 0,2 | 0,1 | 0,1 | 0,1 | 4,0 | 4,6 |
Services administratifs, services de soutien, services de gestion des déchets et services d’assainissement | 10,6 | 13,4 | 5,7 | 6,3 | 9,5 | 17,2 |
Services d’enseignement | 3,7 | 5,7 | 6,6 | 10,3 | 11,3 | 9,7 |
Soins de santé et assistance sociale | 6,5 | 20,2 | 6,9 | 23,0 | 13,3 | 11,7 |
Arts, spectacles et loisirs | 8,2 | 7,2 | 4,1 | 3,8 | 15,6 | 17,7 |
Services d’hébergement et de restauration | 1,2 | 1,4 | 3,3 | 3,5 | 4,9 | 4,3 |
Autres services (sauf les administrations publiques) | 8,2 | 12,7 | 4,7 | 9,6 | 9,7 | 20,1 |
Administration publique | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 3,3 | 2,8 | 3,9 | 4,4 |
... n'ayant pas lieu de figurer Notes : Le total dépasse 100,0 % pour les colonnes 1 et 2, car certains travailleurs se retrouvent dans deux catégories ou plus. SCIAN : Système de classification des industries de l’Amérique du Nord; BDCDEE : Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. Sources : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la BDCDEE et des données couplées de la BDCDEE et du recensement calculées pour 2016. |
Tableau 3 fin
Selon une étude récente, une grande partie de l’augmentation récente des contrats indépendants aux États-Unis était attribuable à la croissance rapide du secteur des transports qui peut être directement liée à Uber et à des plateformes en ligne similaires (Hall et Krueger, 2018). L’étude visait à mieux comprendre le rôle d’Uber, Lyft et d’autres plateformes en ligne similaires par un examen des tendances récentes relatives au travail à la demande dans les industries du SCIAN auxquelles ils sont très étroitement associés, comme les services de taxi et de limousine (4853). Une augmentation marquée de la part des travailleurs à la demande a été observée dans les services de taxi et de limousine au milieu des années 2010. Pourtant, même en 2016, alors que la part de travailleurs à la demande masculins dans les services de taxi et de limousine a presque doublé par rapport à 2014, cette part ne dépassait pas 3 % de l’ensemble des travailleurs à la demande masculins.
6.2 Données fiscales couplées aux microdonnées du recensement
Du point de vue d’un chercheur, l’un des principaux inconvénients des données fiscales est le manque d’information sur l’éducation et les autres aspects du capital humain des particuliers. Il est important de mesurer l’importance de la corrélation entre la participation à un emploi et la formation scolaire, le statut d’immigrant et la profession principale. Plus d’un tiers de tous les travailleurs à la demande masculins (36,0 %) possédaient un diplôme universitaire, tandis qu’un pourcentage semblable de travailleurs à la demande masculins n’avaient qu’un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé (tableau 2). Cependant, les titulaires d’un diplôme universitaire étaient beaucoup plus susceptibles d’être des travailleurs à la demande que les autres hommes. Il y avait une prévalence particulièrement élevée de travailleurs à la demande chez les hommes (13,7 %) et les femmes (16,5 %) qui possédaient un diplôme d’études supérieures (maîtrise ou grade supérieur). Par contre, seulement 5,8 % des hommes et 7,0 % des femmes ayant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé étaient des travailleurs à la demande. Il est probable que la prolifération des marchés suivant l’approche participative axée sur l’offre, tels que Upwork et Freelancer, a donné aux travailleurs hautement spécialisés et qualifiés (fournisseurs) une meilleure occasion d’entrer en contact avec des employeurs potentiels et de valoriser leur capital humain. Toutefois, malgré la prévalence plus élevée de travailleurs à la demande parmi les titulaires d’un diplôme universitaire, plus d’un tiers de tous les travailleurs à la demande et plus d’un quart de toutes les travailleuses à la demande n’avaient qu’un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé, et un peu plus d’un tiers des travailleurs et des travailleuses à la demande possédaient un diplôme universitaireNote .
Étant donné la forte prévalence des immigrants au sein de la population active canadienne, la participation des immigrants à l’économie à la demande est une question importante. L’un des avantages de coupler les données administratives aux données du recensement est que les données du recensement permettent de distinguer les travailleurs qui sont immigrants. Le tableau 2 montre que la proportion de travailleurs à la demande était considérablement plus élevée chez les immigrants, en particulier les immigrants récents, par rapport aux travailleurs nés au Canada. Plus d’un tiers de tous les travailleurs à la demande masculins étaient des immigrants. Il s’agit d’une proportion beaucoup plus importante que la proportion d’immigrants dans la population active canadienne (environ 24 % en 2016). Même les immigrants qui étaient au Canada depuis 20 ans ou plus étaient plus susceptibles d’être considérés comme des travailleurs à la demande que les travailleurs nés au Canada. Parmi les immigrants récents, les immigrants étaient plus susceptibles d’être des travailleurs à la demande que les immigrantes, mais l’inverse était vrai pour les immigrants qui étaient au Canada depuis 20 ans ou plus. Nous ne pouvons pas conclure s’il s’agit d’un effet d’assimilation (temps) ou de composition (cohorte). Une question intéressante pour les travaux de recherche à venir consiste à déterminer si le travail à la demande constitue une étape sur le marché du travail pour les immigrants récents, leur permettant d’acquérir une expérience de travail au Canada qui peut être mise à profit dans leur recherche d’un emploi plus traditionnel.
Enfin, deux classifications professionnelles présentées dans les données du Recensement de 2016 ont été prises en compte.
La première classification est fondée sur les grandes catégories tirées de la Classification nationale des professions (CNP) (tableau 4, volet supérieur). Selon cette classification, 19,6 % des travailleurs à la demande masculins étaient des personnes dont les principales professions exercées se situaient dans le domaine des métiers, du transport et de la machinerie et des professions connexesNote . Les travailleuses à la demande dont les occupations étaient concentrées dans les secteurs des ventes et des services (22,1 %) ainsi que de l’éducation, du droit et des services sociaux, communautaires et gouvernementaux (20,3 %) sont les plus nombreuses. Toutefois, la part de travailleurs à la demande parmi l’ensemble des travailleurs était la plus élevée chez les travailleurs exerçant une profession principalement dans le domaine des arts, de la culture, des loisirs et des sports (24,2 % pour les hommes et 26,6 % pour les femmes).
La deuxième classification des professions est fondée sur la CNP, mais correspond davantage au niveau d’agrégation le plus élevé de la Classification internationale type des professions. Il se compose de 10 catégories, dont les 3 premières sont homogènes en ce qui a trait au niveau de compétence; les autres sont axées sur le type de compétence (tableau 4, volet inférieur). Selon cette classification, 24,7 % de tous les travailleurs à la demande masculins étaient des travailleurs dont l’activité principale était un emploi professionnel. Parmi les femmes, cependant, de nombreuses travailleuses à la demande (22,8 %) travaillaient dans les services personnels et d’information à la clientèle. C’est chez les hommes et les femmes occupant des emplois professionnels, techniques et paraprofessionnels que l’on a observé la prévalence la plus élevée de travailleurs à la demande.
Tableau 4 début
Pourcentage de travailleurs à la demande | Part de l’ensemble des travailleurs | |||
---|---|---|---|---|
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
pourcentage | part | |||
CNP 2016 | ||||
Non classé – aucun travail | 8,6 | 9,8 | 6,0 | 7,9 |
0 – Gestion | 10,0 | 5,3 | 6,1 | 6,5 |
1 – Affaires, finances et administration | 10,8 | 17,0 | 9,4 | 7,5 |
2 – Sciences naturelles et appliquées et professions apparentées | 7,5 | 1,8 | 5,7 | 5,8 |
3 – Secteur de la santé | 5,5 | 11,5 | 16,6 | 10,3 |
4 – Enseignement, droit et sciences sociales, services communautaires et gouvernementaux | 8,8 | 20,3 | 9,5 | 12,3 |
5 – Arts, culture, sports et loisirs | 8,1 | 9,1 | 24,2 | 26,6 |
6 – Vente et services | 16,2 | 22,1 | 6,7 | 8,3 |
7 – Métiers, transport, machinerie et professions apparentées | 19,6 | 1,3 | 6,0 | 7,3 |
8 – Ressources naturelles, agriculture et production connexe | 2,5 | 0,7 | 5,6 | 8,1 |
9 – Fabrication et services d’utilité publique | 2,4 | 1,0 | 3,1 | 3,7 |
Classification de Statistique Canada (lié à la CITP) | ||||
Non classé (aucun travail) | 8,6 | 9,8 | 6,0 | 7,9 |
Gestion | 10,0 | 5,3 | 6,1 | 6,5 |
Profession libérale | 24,7 | 24,4 | 12,2 | 12,0 |
Personnel technique et paraprofessionnel | 10,2 | 14,8 | 8,8 | 13,3 |
Personnel de soutien à l’administration et de soutien administratif | 5,0 | 13,3 | 6,6 | 7,1 |
Ventes | 7,3 | 6,5 | 7,1 | 5,9 |
Services personnels et services à la clientèle | 9,7 | 22,8 | 6,4 | 10,3 |
Métiers des industries, de la construction et d’opération d’équipement | 10,2 | 0,5 | 5,7 | 8,9 |
Travailleurs et ouvriers | 9,4 | 0,8 | 6,4 | 6,6 |
Ressources naturelles, agriculture, etc. | 2,5 | 0,7 | 5,6 | 8,1 |
Fabrication et services d’utilité publique | 2,4 | 1,0 | 3,1 | 3,7 |
Note : CNP : Classification nationale des professions; CITP : Classification internationale type des professions. Sources : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE) et des données couplées de la BDCDEE et du recensement calculées pour 2016. |
Tableau 4 fin
7 Conclusions
La présente étude a permis de constater que de 2005 à 2016, le pourcentage de travailleurs à la demande au Canada a en général augmenté, pour passer de 5,5 % à 8,2 %. L’augmentation a été observée tant chez les hommes (de 4,8 % à 7,2 %) que chez les femmes (de 6,2 % à 9,1 %). Cette augmentation est attribuable à la croissance du pourcentage de travailleurs à la demande qui n’ont gagné aucun salaire ou traitement (revenu figurant sur le feuillet T4) et du pourcentage de travailleurs à la demande qui ont combiné le travail à la demande avec un salaire ou un traitement.
Les résultats indiquent que le revenu annuel d’un travailleur à la demande type est habituellement faible : le revenu net médian du travail à la demande n’était que de 4 303 $ en 2016. Les travailleurs se situant dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition des revenus annuels étaient environ deux fois plus susceptibles de travailler à la demande que les autres travailleurs. Pour la plupart des travailleurs à la demande, le travail à la demande ne constituait qu’une activité temporaire. Environ la moitié de ceux qui ont commencé un travail à la demande au cours d’une année donnée n’ont aucun revenu de travail à la demande l’année suivante. Cependant, une part non négligeable des personnes ayant commencé un travail à la demande, soit environ le quart, sont demeurées des travailleurs à la demande pendant au moins trois ans.
Les travailleurs dont la profession principale est dans le domaine des arts, des spectacles et des loisirs étaient quatre fois plus susceptibles d’être des travailleurs à la demande que les travailleurs dont la profession principale est dans le domaine de la gestion de sociétés et d’entreprises. Ceux dont la profession principale est dans le domaine de la fabrication et des services d’utilité publique étaient moins susceptibles d’être des travailleurs à la demande. L’étude a également démontré que le travail à la demande était plus fréquent chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada. En réalité, 10,8 % des travailleurs immigrants masculins qui étaient au Canada depuis moins de cinq ans étaient des travailleurs à la demande en 2016, par rapport à 6,1 % des travailleurs masculins nés au Canada.
Le principal avantage méthodologique de l’étude est qu’elle repose sur un cadre conceptuel clair qui s’applique particulièrement aux données fiscales. Cependant, l’approche méthodologique adoptée dans l’étude n’est pas sans limites. Certes, il est peu probable que cette approche englobe des activités comme le gardiennage occasionnel, la promenade des chiens, la tonte de la pelouse ou d’autres activités informelles semblables qui se déroulent habituellement entre membres de la famille, amis et voisinsNote . Ces activités ont toujours fait partie de la vie quotidienne, mais ne sont généralement pas considérées comme des activités sur le marché du travail et sont donc moins prioritaires pour les chercheurs intéressés par la dynamique du marché du travail.
Enfin, la détermination des travailleurs à la demande au moyen de données administratives présente l’avantage supplémentaire que les sources de données utilisées dans la présente étude, comme les données sur l’impôt des particuliers et des sociétés, demeureront accessibles à intervalles réguliers à l’avenir, ce qui permettra de mesurer l’économie à la demande de façon uniforme au Canada au fil du temps. L’uniformité est essentielle pour offrir une vision exacte de l’évolution de l’économie à la demande au Canada. Les travaux de recherche futurs seront probablement axés sur la façon dont le travail à la demande est lié aux cheminements de carrière des particuliers, à leurs efforts pour concilier travail et famille et à la transition des travailleurs âgés vers la retraite.
Annexe
Figures
Figure 1 début
Description de la figure 1
Le titre de la figure 1 est « Estimation du noyau de la densité du revenu brut (T2125) des propriétaires uniques, 2016 »
La figure illustre la fonction de densité du revenu brut (T2125) déclaré par l’ensemble des propriétaires unique et la fonction de la densité du revenu brut (T2125) déclaré par les propriétaires uniques sans numéro d’entreprise (NE).
L’axe des X indique le revenu brut (T2125) (en dollars)
L’axe des Y indique la densité
La figure montre deux lignes formant une sorte de cloche correspondant aux deux densités tracées pour les revenus variant de 0 $ à 150 000 $ sur l’axe horizontal. La ligne pointillée représente la densité du revenu estimée pour l’ensemble des propriétaires uniques ayant déclaré un revenu T2125 L’extrémité gauche de la ligne est très courte; elle commence à un point qui correspond au revenu zéro sur l’axe horizontal et à environ 0,00006 sur l’axe vertical.
Le pic net de densité correspond à un point situé tout juste à droite du revenu zéro sur l’axe horizontal et à environ 0,00007 sur l’axe vertical.
L’extrémité droite de la ligne est très longue, s’étendant du pic jusqu’à la marque du revenu de 150 000 $. On observe aussi « bosse » clairement visible, bien que légère, tout juste avant la marque du revenu de 30 000 $.
La ligne pleine représente la densité du revenu estimée pour l’ensemble des propriétaires uniques ayant déclaré un revenu T2125, mais n’ayant pas de NE. L’extrémité de cette ligne est également très courte; elle commence à la marque du revenu de 0 $, mais au-dessus de la ligne pointillée, environ à la marque 0,00008 sur l’axe vertical.
Le pic de la ligne pleine correspond environ au même revenu que le pic de la ligne pointillée, mais se situe bien au-delà de la marque 0,0001 sur l’axe vertical.
L’extrémité droite de la ligne pleine n’est pas aussi longue que l’extrémité droite de la ligne pointillée; elle se termine environ à la marque du revenu de 75 000 $. La bosse qui se trouve tout juste devant la marque du revenu de 30 000 $ sur la ligne pleine est également petite, mais clairement visible.
On observe aussi deux lignes verticales sur le graphique, lesquelles correspondant aux deux revenus médians dans la plage de 10 000 $ à 12 000 $ : une ligne verticale pointillée correspondant à la ligne de densité pointillée et une ligne verticale pleine correspondant à la ligne de densité pleine. Le revenu médian représenté par la ligne verticale pointillée est supérieur au revenu médian représenté par la ligne verticale pleine.
La note et la source sous le graphique sont les suivantes :
Note : Les lignes verticales correspondent aux revenus médians. Pour éviter les longues extrémités de ligne, le graphique ne présente que la répartition des revenus entre les 5e et 95e percentiles.
Source : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés.
Figure 1 fin
Figure 2 début
Description de la figure 2
Le titre de la figure 2 est « Estimation du noyau de la densité du revenu net provenant du travail à la demande, 2016 »
La figure illustre la fonction de la densité du revenu net provenant du travail à la demande.
L’axe des X indique le revenu net provenant du travail à la demande (en dollars)
L’axe des Y indique la densité
La ligne du noyau de la densité estimée forme une sorte de cloche. Son extrémité est courte, et commence environ à la marque du revenu de 4 000 $. Elle atteint un tout juste à droite du revenu zéro sur l’axe horizontal et à environ 0,00013 sur l’axe vertical.
La ligne de densité présente une longue extrémité à droite, s’étendant à la marque du revenu de 45 000 $.
La ligne verticale sur le graphique correspond au revenu médian net provenant du travail à la demande, soit 4 303 $.
La note et la source sous le graphique sont les suivantes :
Note : La ligne verticale correspond au revenu médian net provenant du travail à la demande (4 303 $). Pour éviter les longues extrémités de ligne, le graphique ne présente que la répartition des revenus entre les 5e et 95e percentiles.
Source : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés.
Figure 2 fin
Graphiques
Graphique 1 début
Tableau de données du graphique 1
Enquête sur la population active | Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Uniquement des travailleurs indépendants | Travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société | Travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société | Uniquement des travailleurs indépendants | Travailleurs indépendants au sein d’entreprises constituées en société | Travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société | Travailleurs indépendants au sein d’entreprises non constituées en société, à l’exception des travailleurs des pêches et de l’agriculture | Travailleurs à la demande | |
part de l’ensemble des travailleurs (en pourcentage) | ||||||||
2005 | 16,9 | 6,5 | 10,4 | 20,7 | 7,7 | 14,9 | 12,7 | 5,5 |
2006 | 16,6 | 6,4 | 10,2 | 21,1 | 8,0 | 15,0 | 12,9 | 5,7 |
2007 | 16,8 | 6,5 | 10,3 | 21,1 | 8,2 | 14,9 | 12,9 | 5,8 |
2008 | 16,9 | 6,7 | 10,2 | 21,2 | 8,4 | 14,7 | 12,8 | 6,0 |
2009 | 17,5 | 6,9 | 10,6 | 21,4 | 8,6 | 14,7 | 12,9 | 6,8 |
2010 | 17,3 | 6,9 | 10,4 | 21,7 | 8,8 | 14,8 | 13,0 | 6,8 |
2011 | 16,8 | 6,8 | 10,0 | 21,9 | 8,9 | 14,8 | 13,1 | 6,9 |
2012 | 16,7 | 6,8 | 9,9 | 21,9 | 9,0 | 14,7 | 13,0 | 6,9 |
2013 | 16,8 | 7,0 | 9,9 | 21,9 | 9,2 | 14,5 | 12,9 | 7,6 |
2014 | 16,6 | 6,9 | 9,7 | 21,9 | 9,3 | 14,5 | 12,9 | 7,9 |
2015 | 16,7 | 7,1 | 9,6 | 22,1 | 9,4 | 14,5 | 12,9 | 8,1 |
2016 | 16,6 | 7,1 | 9,5 | 22,3 | 9,5 | 14,6 | 13,1 | 8,2 |
Sources : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de l’Enquête sur la population active et de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Graphique 1 fin
Graphique 2 début
Tableau de données du graphique 2
Tous | Hommes | Femmes | |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
2005 | 5,5 | 4,8 | 6,2 |
2006 | 5,7 | 4,9 | 6,4 |
2007 | 5,8 | 5,0 | 6,6 |
2008 | 6,0 | 5,2 | 6,8 |
2009 | 6,8 | 6,2 | 7,4 |
2010 | 6,8 | 6,2 | 7,5 |
2011 | 6,9 | 6,1 | 7,6 |
2012 | 6,9 | 6,1 | 7,8 |
2013 | 7,5 | 6,8 | 8,4 |
2014 | 7,9 | 7,1 | 8,7 |
2015 | 8,1 | 7,2 | 9,0 |
2016 | 8,2 | 7,2 | 9,1 |
Source : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Graphique 2 fin
Graphique 3 début
Tableau de données du graphique 3
Travailleurs à la demande sans T4 | Travailleurs à la demande avec T4 | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Tous | Hommes | Femmes | Tous | Hommes | Femmes | |
pourcentage | ||||||
2005 | 2,6 | 2,2 | 3,1 | 2,9 | 2,6 | 3,1 |
2006 | 2,7 | 2,3 | 3,1 | 3,0 | 2,7 | 3,3 |
2007 | 2,7 | 2,3 | 3,2 | 3,1 | 2,7 | 3,4 |
2008 | 2,9 | 2,4 | 3,3 | 3,2 | 2,8 | 3,5 |
2009 | 3,4 | 3,0 | 3,7 | 3,4 | 3,1 | 3,7 |
2010 | 3,4 | 3,1 | 3,8 | 3,4 | 3,1 | 3,7 |
2011 | 3,3 | 3,0 | 3,7 | 3,5 | 3,1 | 3,9 |
2012 | 3,3 | 2,9 | 3,8 | 3,6 | 3,2 | 4,0 |
2013 | 3,7 | 3,3 | 4,1 | 3,8 | 3,4 | 4,2 |
2014 | 3,9 | 3,5 | 4,3 | 4,0 | 3,6 | 4,4 |
2015 | 4,0 | 3,6 | 4,4 | 4,1 | 3,7 | 4,6 |
2016 | 4,0 | 3,5 | 4,4 | 4,2 | 3,7 | 4,7 |
Source : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Graphique 3 fin
Graphique 4 début
Tableau de données du graphique 4
Nombre d’années depuis l’année de début du travail à la demande | Hommes | Femmes | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Revenus inscrits sur le feuillet T4 | Revenu net provenant du travail à la demande | AE – Prestations ordinaires | AE – Prestations spéciales | Revenus inscrits sur le feuillet T4 | Revenu net provenant du travail à la demande | AE – Prestations ordinaires | AE – Prestations spéciales | |
en dollars de 2016 |
pourcentage | en dollars de 2016 |
pourcentage | |||||
-5 | 39 717 | 0 | 8,8 | 2,4 | 24 966 | 0 | 6,6 | 7,2 |
-4 | 39 390 | 0 | 8,9 | 2,5 | 24 786 | 0 | 6,6 | 7,5 |
-3 | 38 991 | 0 | 9,0 | 2,5 | 24 527 | 0 | 6,7 | 7,8 |
-2 | 38 307 | 0 | 9,6 | 2,7 | 24 260 | 0 | 7,1 | 8,1 |
-1 | 35 227 | 0 | 10,7 | 2,9 | 22 484 | 0 | 8,1 | 9,0 |
0 | 25 757 | 9 753 | 8,5 | 2,2 | 18 377 | 5 891 | 6,9 | 6,2 |
1 | 28 588 | 7 623 | 6,2 | 2,0 | 19 695 | 5 524 | 4,8 | 4,5 |
2 | 31 329 | 6 128 | 7,0 | 2,3 | 21 205 | 4 641 | 5,2 | 5,7 |
3 | 33 265 | 5 181 | 7,7 | 2,4 | 22 323 | 4 028 | 5,6 | 6,1 |
4 | 34 848 | 4 880 | 7,5 | 2,5 | 23 153 | 3 730 | 5,7 | 6,2 |
5 | 36 469 | 3 744 | 7,3 | 2,5 | 23 729 | 3 283 | 5,6 | 6,1 |
Note : AE : assurance-emploi. Source : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés |
Graphique 4 fin
Graphique 5 début
Tableau de données du graphique 5
Canada | Montréal | Toronto | Vancouver | |
---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||
2005 | 5,5 | 5,4 | 7,0 | 6,8 |
2006 | 5,7 | 5,6 | 7,3 | 7,1 |
2007 | 5,8 | 5,7 | 7,8 | 7,3 |
2008 | 6,0 | 6,0 | 8,2 | 7,5 |
2009 | 6,8 | 6,8 | 9,3 | 8,4 |
2010 | 6,8 | 7,0 | 9,4 | 8,4 |
2011 | 6,9 | 7,2 | 9,4 | 8,6 |
2012 | 6,9 | 7,4 | 9,2 | 8,8 |
2013 | 7,5 | 8,2 | 9,8 | 9,7 |
2014 | 7,9 | 8,8 | 10,0 | 10,1 |
2015 | 8,1 | 9,1 | 10,1 | 10,4 |
2016 | 8,2 | 9,2 | 9,9 | 10,4 |
Source : Statistique Canada, calculs des auteurs à partir des données de la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés. |
Graphique 5 fin
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