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Résultats scolaires et résultats sur le marché du travail des personnes qui ont immigré durant l’enfance selon la catégorie d’admission

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par Feng Hou et Aneta Bonikowska
Division de l’analyse sociale et de la modélisation
Statistique Canada

Date de diffusion : le 25 avril 2016

Résumé

Il est bien établi que les enfants d’immigrants au Canada obtiennent un plus haut niveau de scolarité que leurs pairs dont les parents sont nés au Canada, et que les deux groupes présentent des résultats similaires sur le marché du travail. Cependant, il existe une grande variabilité en fonction de l’appartenance ethnique ou du pays d’origine parmi les enfants d’immigrants. La présente étude examine la mesure dans laquelle la catégorie d’admission (c.-à-d., travailleurs qualifiés, gens d’affaires immigrants, aides familiaux résidants, membres de la catégorie du regroupement familial et réfugiés) influe elle aussi sur les résultats socioéconomiques des immigrants qui sont arrivés pendant l’enfance au Canada, avant l’âge de 18 ans. La présente étude, qui utilise les données de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, couplées avec celles du fichier des immigrants reçus, a révélé d’importantes différences, selon la catégorie d’admission, entre les taux d’obtention d’un diplôme universitaire et les revenus des personnes âgées de 25 à 44 ans qui avaient immigré durant l’enfance. Les enfants des travailleurs qualifiés et des gens d’affaires immigrants ont fait état des taux d’obtention d’un diplôme universitaire et des revenus les plus élevés. Les enfants des aides familiaux résidants et des membres de la catégorie du regroupement familial avaient les taux d’obtention d’un diplôme universitaire les plus faibles, et les enfants des aides familiaux résidants et des réfugiés reçus au Canada avaient les revenus les plus faibles. L’analyse montre que la catégorie d’admission des parents immigrants influe sur les résultats de leurs enfants, en partie en raison des différences entre les groupes en ce qui a trait au niveau de scolarité et à la connaissance des langues officielles des parents, et en partie en raison des circonstances uniques vécues avant et après la migration par chaque catégorie d’admission.

Mots-clés : immigrants durant l’enfance, catégorie d’admission, niveau de scolarité, revenus

Sommaire

Les enfants des immigrants qui sont arrivés au Canada au cours des dernières décennies obtiennent un plus haut niveau de scolarité que leurs pairs dont les parents sont nés au Canada, et les deux groupes présentent des résultats similaires sur le marché du travail. Cependant, il existe une grande variabilité en fonction de l’appartenance ethnique ou du pays d’origine parmi les enfants d’immigrants. Cette hétérogénéité a été interprétée comme étant le résultat de différences en matière de vulnérabilité et de ressources entre les différents groupes d’immigrants, selon les antécédents socioéconomiques des personnes et des familles — tout particulièrement la scolarité et la connaissance des langues officielles — et les caractéristiques culturelles et communautaires des différents groupes. Peu d’études ont cherché à déterminer systématiquement si les catégories d’admission constituent des sources supplémentaires de diversité dans les résultats des enfants d’immigrants. Les immigrants admis dans les différentes catégories diffèrent non seulement en termes de capital humain et de ressources économiques de la famille, mais aussi en matière de motivations, de circonstances prémigratoires, de réceptivité du pays d’accueil et d’expériences postmigratoires. Ces différences peuvent avoir une incidence sur les résultats socioéconomiques des enfants de ces immigrants.

La présente étude examine la mesure dans laquelle la catégorie d’admission des parents immigrants est associée aux résultats scolaires et sur le marché du travail de leurs enfants. Plus spécifiquement, la présente étude examine le niveau de scolarité et les revenus des personnes ayant immigré au Canada durant l’enfance, à l’âge de 17 ans ou moins (la génération 1.5), et dont les parents sont entrés au Canada selon les différentes catégories d’admission (c.-à-d., en tant que travailleurs qualifiés, membres de la catégorie du regroupement familial ou réfugiés). L’étude explore plus en détail certains mécanismes possibles expliquant comment la catégorie d’admission est associée aux résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance, tout particulièrement le niveau de scolarité de leurs parents et leur connaissance des langues officielles, ainsi qu’au rendement des parents sur le marché du travail pendant les années au cours desquelles les enfants immigrants grandissaient au Canada. Enfin, l’analyse tente aussi de déterminer si les différences entre les résultats selon la catégorie d’admission sont moindres pour les immigrants durant l’enfance qui sont arrivés à un plus jeune âge.

La présente étude est fondée sur les données de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, couplées avec celles du Fichier des immigrants reçus (FIR), qui met en correspondance les immigrants ayant répondu à l’ENM qui ont été reçus au Canada depuis 1980 avec les dossiers d’établissement des immigrants. L’analyse porte sur les immigrants durant l’enfance qui sont arrivés au Canada entre 1980 et 2000 et qui étaient âgés de 25 à 44 ans au moment de l’ENM de 2011. L’ENM de 2011 contient 90 601 observations qui satisfont aux critères de sélection de l’échantillon de l’étude.

Les résultats montrent que les personnes ayant immigré durant l’enfance ont atteint des niveaux de scolarité très différents selon leur catégorie d’admission, tout particulièrement pour ce qui est de l’obtention d’un grade universitaire, et ces différences donnent lieu à de grandes variations dans les revenus moyens selon la catégorie d’admission. Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des gens d’affaires et la catégorie des travailleurs qualifiés comportaient les taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires, les taux d’obtention d’un diplôme universitaire et les revenus annuels les plus élevés. Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants avaient un taux d’obtention d’un diplôme universitaire équivalant au tiers environ du taux mesuré dans la catégorie des gens d’affaires, et leurs revenus moyens étaient les plus faibles. Les personnes ayant immigré durant l’enfance membres de la catégorie du regroupement familial avaient eux aussi un faible taux d’obtention d’un diplôme universitaire et de faibles revenus. En outre, les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial avaient des taux d’obtention d’un diplôme universitaire plus faibles que ceux des enfants nés au Canada de parents non immigrants. Les enfants de réfugiés avaient des taux d’obtention d’un diplôme universitaire beaucoup plus faibles que ceux des immigrants dans la catégorie des gens d’affaires et la catégorie des travailleurs qualifiés, mais ils présentent néanmoins un taux supérieur à celui obtenu par les enfants des immigrants dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial.

Les différences selon la catégorie d’admission entre les résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfance étaient moins marquées chez les personnes arrivées à un âge préscolaire que chez celles arrivées à l’adolescence. Cette tendance s’explique principalement par le degré de connaissance des langues officielles par les parents. Alors que la maîtrise des langues officielles par les parents n’importait pas pour les personnes arrivées à un âge préscolaire, son effet était important pour les personnes arrivées à l’adolescence. Cette constatation permet de penser qu’une exposition à la société d’accueil à un plus jeune âge contribue à atténuer les effets négatifs du manque de connaissance des langues officielles par les parents.

Moins de la moitié de l’écart dans les taux d’obtention d’un diplôme universitaire des personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial était associé à leurs caractéristiques démographiques personnelles et aux facteurs du contexte familial auxquels l’étude avait accès, principalement la région d’origine et le niveau de scolarité des parents. Entre la moitié et les deux tiers de l’écart chez les enfants de réfugiés parrainés par le gouvernement et de réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé s’expliquait par les covariables incluses, principalement le niveau de scolarité, la langue et la région d’origine des parents.

Dans l’ensemble, les résultats scolaires et les revenus des personnes ayant immigré durant l’enfance différaient en fonction de la catégorie d’admission des parents. Les effets de la catégorie d’admission des parents s’expliquent en partie par les différences en matière de niveau de scolarité des parents et de leur connaissance des langues officielles. Un autre mécanisme possible repose sur des facteurs qui sont propres aux circonstances prémigratoires et postmigratoires uniques vécues par chaque catégorie d’admission.

1 Introduction

En général, les enfants des immigrants qui sont arrivés au Canada au cours des dernières décennies réussissent mieux que leurs pairs dont les parents sont nés au Canada en matière de niveau de scolarité, et les deux groupes présentent des résultats similaires sur le marché du travail. Cependant, on a observé une grande variabilité selon l’ethnicité ou le pays d’origine chez les enfants d’immigrants (Boyd, 2009; Picot et Hou, 2010, 2011). Par exemple, les enfants des immigrants en provenance des Philippines et des Caraïbes ont tendance à accuser un retard important sur ceux des immigrants en provenance de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud en ce qui a trait à l’obtention d’un diplôme universitaire (Abada, Hou et Ram, 2009). On a interprété cette hétérogénéité comme une manifestation des différents cheminements ou rapidités d’intégration vécus par différents groupes d’immigrants, en fonction de leurs vulnérabilités et ressources spécifiques et des différents contextes socioéconomiques auxquels ils sont confrontés dans leur société d’accueil (Portes et Zhou, 1993; Alba et Nee, 2003).

De nombreuses études antérieures ont examiné la vulnérabilité et les ressources des immigrants en fonction des antécédents socioéconomiques des personnes et des familles — tout particulièrement le niveau de scolarité et la connaissance des langues officielles — et les caractéristiques culturelles et communautaires des différents groupes. Cependant, peu d’études ont cherché à déterminer systématiquement si les catégories d’admission constituent des sources supplémentaires de diversité dans les résultats des enfants d’immigrants (Bean et coll., 2011; Meissner et Vertovec, 2015). Les immigrants admis dans les différentes catégories diffèrent non seulement en termes de capital humain et de ressources économiques de la famille, mais aussi en matière de motivations, de circonstances prémigratoires, de réceptivité du pays d’accueil et d’expériences postmigratoires. Ces différences peuvent avoir une incidence sur les résultats socioéconomiques des enfants de ces immigrants.

La présente étude examine le degré auquel la catégorie d’admission des parents immigrants influe sur les résultats scolaires et sur le marché du travail de leurs enfants. En sachant comment la catégorie d’admission des immigrants adultes influe sur leurs enfants, il sera plus facile d’expliquer comment les enfants d’immigrants s’intègrent avec succès à la société canadienne. Plus précisément, l’étude examine le niveau de scolarité et les revenus des immigrants durant l’enfance qui sont arrivés au Canada à l’âge de 17 ans ou moins (la génération 1.5) et dont les parents sont entrés au Canada via différentes catégories d’admission (p. ex. travailleurs qualifiés, membres de la catégorie du regroupement familial ou réfugiés). L’étude explore plus en détail certains mécanismes possibles expliquant comment la catégorie d’admission est associée aux résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance, tout particulièrement le niveau de scolarité de leurs parents et leur connaissance des langues officielles, ainsi qu’au rendement des parents sur le marché du travail pendant les années au cours desquelles les enfants d’immigrants grandissaient au Canada. Enfin, l’analyse tente de déterminer si les différences entre les résultats selon la catégorie d’admission sont moindres pour les immigrants durant l’enfance qui sont arrivés à un plus jeune âge au Canada. On s’attend à ce qu’une exposition à la société canadienne à un plus jeune âge contribue à atténuer les effets négatifs de la catégorie d’admission pour les enfants d’immigrants.

Le reste de l’article est organisé en quatre sections. La section 2 passe en revue les ouvrages publiés sur les cadres conceptuels et les études empiriques relatifs à l’hétérogénéité chez les enfants d’immigrants. La section 3 présente la source des données, les mesures et les approches analytiques. La section 4 présente les statistiques descriptives et les résultats de l’analyse multivariée. La section 5 présente la conclusion.

2 Contextes de l’arrivée et de l’intégration des enfants d’immigrants

Les niveaux d’immigration continuellement élevés au Canada et dans certains autres pays développés au cours des dernières décennies ont généré beaucoup d’intérêt pour l’intégration socioéconomique des immigrants et de leurs enfants. Plusieurs cadres théoriques majeurs ont donc été élaborés pour expliquer et prédire les processus et les résultats en matière d’intégration des immigrants.

La théorie classique de l’assimilation des immigrants est dérivée de l’expérience des grandes vagues d’immigration aux États-Unis, en provenance de l’Europe du Sud et de l’Europe de l’Est, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle (Farley et Alba, 2002). Alors que bon nombre de ces immigrants étaient des travailleurs manuels, leurs enfants ont fait des études, ont été en mesure de tirer parti des occasions dans une économie en expansion et se sont intégrés parfaitement au courant dominant de la société. Cette mobilité ascendante intergénérationnelle remarquable avait appuyé l’interprétation optimiste voulant que la simple exposition aux États‑Unis suffise pour assurer l’intégration, et que les antécédents ethniques aient peu de conséquences socioéconomiques après une ou deux générations (Alba, 1990; Lieberson et Waters, 1988).

Depuis les années 1960, de nouvelles vagues d’immigrants ont cependant introduit des anomalies dans le modèle linéaire de l’assimilation. On a ainsi observé de grandes variations dans les résultats socioéconomiques selon l’appartenance ethnique, la race ou le pays d’origine chez les enfants d’immigrants (Boyd, 2009; Kao et Thompson, 2003; Portes et Rumbaut, 2001). En prenant en compte les expériences diversifiées de différents groupes d’immigrants, les chercheurs ont intégré une grande variété de facteurs, notamment les ressources socioéconomiques, la race, la culture et le capital social des groupes d’immigrants; les niveaux d’immigration continuellement élevés; et enfin les changements institutionnels et structurels survenus aux États-Unis. Alba et Nee (2003) soutiennent que ces facteurs donnent lieu à différentes rapidités d’intégration pour différents groupes d’immigrants. Malgré les différences en matière de rapidité, ils s’attendent à ce que tous les groupes d’immigrants s’incorporent finalement à l’économie générale et au courant dominant de la société.

Par comparaison, la théorie de l’assimilation segmentée postule que les différents cheminements vers l’incorporation résultent d’interactions complexes entre des facteurs propres à un groupe d’immigrants et différents contextes structurels dans la société d’accueil. Les facteurs propres à un groupe spécifique comprennent le capital financier et humain à l’arrivée, les collectivités ethniques déjà établies ainsi que les normes et valeurs culturelles. Les contextes structurels comprennent la stratification selon la race, les possibilités économiques et l’environnement socioéconomique des communautés locales où les immigrants résident (Portes et Zhou, 1993; Zhou, 1997). Essentiellement, les groupes qui présentent des différences en matière de vulnérabilité et de ressources sont absorbés par différents segments de la société américaine. Ce cadre théorique décrit au moins trois cheminements. Le premier est celui de la mobilité ascendante traditionnelle. Pour certains groupes, une exposition accrue au fil du temps et d’une génération à l’autre mènera à l’intégration économique, socioculturelle et spatiale dans la classe moyenne américaine. Le second cadre théorique est celui de la mobilité descendante, selon lequel certains groupes convergent vers la situation socioéconomique précaire de la classe marginale des exclus. Le troisième cadre est celui de l’amélioration socioéconomique d’une génération à l’autre, avec la préservation délibérée des valeurs et de la solidarité de la communauté des immigrants (Portes, Fernandez-Kelly et Haller, 2005; Zhou et coll., 2008).

Ces cadres théoriques et les études empiriques connexes avaient été élaborés pour la plupart sous une lentille ethnocentrique, en se penchant sur des groupes ethniques ou nationaux précis et sur les contextes structurels spécifiques auxquels ces groupes sont confrontés dans la société d’accueil. Peu d’attention était accordée à la possibilité que les différentes catégories d’admission constituent une source supplémentaire de différenciation pour les enfants d’immigrants.

L’existence de types de migration multiples est essentielle pour le concept de la superdiversité (Vertovec, 2007). La diversification rapide de la migration internationale se manifeste non seulement dans l’évolution de la composition des pays d’origine, des origines ethniques, des caractéristiques démographiques et des facteurs du capital humain, mais aussi dans la différenciation des types de migration, par exemple les flux de migration permanente contre migration temporaire, les travailleurs qualifiés, la réunification des familles, les étudiants étrangers et les réfugiés. Les différents types de migration comportent des différences en matière de motivations, de circonstances prémigratoires, de processus de sélection, de statut juridique et de réceptivité du pays d’accueil. Par conséquent, en étudiant l’incidence des différents types de migration et l’intersection entre ces types et les caractéristiques sociodémographiques des immigrants, il est possible de brosser un portrait plus nuancé des processus complexes qui président à l’intégration des immigrants (Meissner et Vertovec, 2015).

Au Canada, la catégorie d’admission constitue un très important levier stratégique pour le gouvernement, et les politiques en matière de programmes d’immigration ainsi que la composition des différentes catégories d’admission ont été remaniées fréquemment afin de satisfaire aux objectifs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cependant, un objectif clé, avec de nombreuses modifications apportées au cours de la dernière décennie, consistait à améliorer le rendement économique global des nouveaux immigrants. Par conséquent, il est pertinent pour l’élaboration des politiques de pouvoir comprendre non seulement comment les immigrants adultes dans les différentes catégories réussissent, mais aussi comment les avantages ou les inconvénients associés à la catégorie d’admission des parents sont transmis à leurs enfants.

Au Canada, les immigrants sont reçus dans l’une ou l’autre de trois grandes catégories : la catégorie économique, la catégorie du regroupement familial et la catégorie des réfugiés. Ces catégories correspondent aux trois objectifs principaux de la politique canadienne en matière d’immigration : la contribution au développement économique, la réunification des familles et la protection des réfugiés.

Les immigrants économiques sont sélectionnés en fonction de leurs compétences et de leur capacité à contribuer à l’économie et à la compétitivité du Canada. Au cours de la période visée par l’étude, les immigrants économiques se composaient principalement de travailleurs qualifiés, de gens d’affaires immigrants et d’aides familiaux résidants. Les travailleurs qualifiés sont sélectionnés au moyen du système de points, qui attribue des scores aux candidats à l’immigration en fonction de leur niveau de scolarité, de leur maîtrise du français ou de l’anglais, de leur âge, de leur expérience de travail et d’autres indicateurs de leur capacité d’adaptation au marché du travail canadien. Les gens d’affaires immigrants comprennent les immigrants qui investissent au Canada et ceux qui ont l’intention de devenir des entrepreneurs ou des travailleurs autonomes. Les aides familiaux résidants sont reçus dans un premier temps en tant que travailleurs étrangers temporaires pour s’occuper d’enfants, de personnes ayant une incapacité et de personnes âgées, et peuvent demander le statut de résident permanent après une période de 24 mois d’emploi rémunéré.

Les immigrants de la catégorie du regroupement familial sont parrainés par de proches parents ou par des membres de leur famille qui vivent déjà au Canada, ce qui comprend les conjoints et partenaires, les enfants à charge, les parents et les grands-parents.

Les réfugiés comprennent les réfugiés parrainés par le gouvernement, les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé, les réfugiés reçus au Canada ainsi que les personnes à charge de réfugiés reçus au Canada qui résident à l’étranger (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012). Les réfugiés parrainés par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé demandent dans un premier temps une protection de l’extérieur du Canada. À leur arrivée au Canada, ils reçoivent des services immédiats et essentiels ainsi qu’un soutien au revenu de la part d’organismes gouvernementaux, dans le cas du premier groupe, ou de la part de parrains privés (organisations ou regroupements de personnes) dans le cas du second groupe. Les réfugiés reçus au Canada font une demande d’asile au moment de (ou après) leur arrivée au Canada.

Les immigrants dans les différentes catégories d’admission diffèrent en fonction des circonstances prémigratoires et des motifs d’immigration. Les immigrants économiques peuvent avoir un statut économique relativement élevé et de grandes ressources sociales dans leur pays d’origine, et ils ont probablement des attentes et aspirations élevées quant à l’éducation de leurs enfants (Ichou, 2014). Leur motivation à immigrer s’explique par le besoin de rehausser leur qualité de vie et celle de leurs enfants. De nombreux immigrants dans la catégorie du regroupement familial, tout particulièrement des enfants, ont pu vivre plusieurs années de séparation des autres membres de leur famille. De telles situations sont également vécues par les enfants des immigrants aides familiaux résidants. Les réfugiés ont été forcés de quitter leur pays d’origine, et bon nombre d’entre eux ont fait l’objet de persécution, de violence et de préjudice, qui pourront avoir des conséquences néfastes à long terme pour leur santé et leur rendement économique (Beiser, 1999). Enfin, les immigrants des différentes catégories ont tendance à provenir de pays comptant des niveaux différents de développement socioéconomique ainsi que des valeurs culturelles différentes à l’égard de l’éducation. Ces effets exercés par le pays d’origine peuvent être transmis aux enfants d’immigrants par le biais des processus de socialisation au sein des familles immigrantes (Blau et coll., 2013; Fleischmann et Dronkers, 2010).

On constate de plus de grandes variations selon la catégorie d’admission dans les antécédents socioéconomiques familiaux des immigrants. Parce qu’ils sont sélectionnés en fonction de leur potentiel de réussite sur le marché du travail canadien, les travailleurs qualifiés détiennent les niveaux les plus élevés de scolarité et de maîtrise du français ou de l’anglais. Le niveau de scolarité des parents est l’un des plus importants prédicteurs du niveau de scolarité des enfants et de leurs résultats sur le marché du travail (Bonikowska et Hou, 2010; Picot et Hou, 2013). La connaissance des langues officielles par les parents immigrants exerce aussi une forte influence sur la connaissance des langues officielles par leurs enfants et sur leurs résultats scolaires (Bleakley et Chin, 2008). Les gens d’affaires immigrants ne disposent pas des avantages détenus par les travailleurs qualifiés en matière de niveau de scolarité et de connaissance des langues officielles, mais ils possèdent souvent les ressources financières nécessaires pour s’établir dans les collectivités qui comportent les meilleures écoles et pour offrir à leurs enfants des ressources éducatives supplémentaires (Zhou, 1997). L’environnement familial et le capital social familial diffèrent également selon la catégorie d’admission. Tout particulièrement, la séparation des enfants de leurs parents a tendance à être plus répandue parmi les aides familiaux résidants en comparaison des autres catégories.

Les immigrants dans les différentes catégories diffèrent aussi en fonction de leurs expériences postmigratoires, en ce qui concerne la façon dont ils sont perçus et intégrés par la société d’accueil. En moyenne, les travailleurs qualifiés immigrants réussissent mieux sur le marché du travail en comparaison des gens d’affaires immigrants, des immigrants de la catégorie du regroupement familial et des réfugiés (Abbott et Beach, 2012). Les immigrants de la catégorie du regroupement familial tendent à participer davantage au marché du travail et sont moins susceptibles que les réfugiés de vivre dans la pauvreté, probablement parce qu’ils peuvent compter sur le soutien financier et les réseaux sociaux de leurs familles (Hiebert, 2009; Picot, Hou et Coulombe, 2008). Parce qu’ils sont sélectionnés initialement pour fournir des services domestiques, les immigrants aides familiaux résidants ont des taux d’emploi élevés, toutefois ils sont nombreux à éprouver des difficultés à trouver des emplois hautement qualifiés après l’obtention de leur statut de résident permanent, même si certains détiennent des grades universitaires (Atanackovic et Bourgeault, 2014). Le succès sur le marché du travail crée davantage de ressources économiques au niveau de la famille et influe sur le lieu de résidence des familles immigrantes.

Le degré de réception de la société à l’égard des différents types d’immigration peut également varier. Les travailleurs qualifiés immigrants sont habituellement chaleureusement accueillis et sont perçus comme des contributeurs positifs à l’économie et la société canadiennes (Reitz, 2014). Les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé peuvent obtenir un soutien plus individualisé et localisé en comparaison des réfugiés parrainés par le gouvernement (Beiser, 1999), tandis que les réfugiés reçus au Canada peuvent être confrontés au scepticisme de la population à l’égard de leurs demandes d’asile et à du ressentiment (Diop, 2014; Opoku-Dapaah, 1994).

La présente étude comprend différents indicateurs pertinents de mécanismes potentiels à travers lesquels la catégorie d’admission influe sur les résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfance et sur leurs résultats sur le marché du travail. Plus précisément, on utilise la région d’origine et le produit intérieur brut (PIB) par habitant du pays d’origine pour mesurer les caractéristiques prémigratoires. On utilise le niveau de scolarité des parents immigrants et leur connaissance des langues officielles pour mesurer les antécédents socioéconomiques familiaux. On utilise le revenu du marché familial au cours des années suivant immédiatement l’immigration et la croissance des revenus au cours de la première décennie suivant l’immigration pour mesurer les expériences postmigratoires.

La présente étude comprend, en outre, d’importantes caractéristiques des enfants immigrants eux-mêmes, notamment l’âge à l’arrivée, le nombre d’années de résidence au Canada, l’anglais ou le français comme langue maternelle et l’appartenance à un groupe de minorité visible. Il ne s’agit certainement pas d’une liste exhaustive des facteurs possibles qui peuvent expliquer les effets de la catégorie d’admission, cependant il s’agit des indicateurs les plus couramment utilisés pour mesurer la vulnérabilité des immigrants et les ressources dont ils disposent. Il a été démontré que ces indicateurs jouent un rôle majeur dans l’explication des différences entre les groupes selon l’appartenance ethnique ou la région d’origine dans les résultats socioéconomiques des enfants d’immigrants. Si ces facteurs ne permettent pas d’expliquer entièrement les effets de la catégorie d’admission, il faudrait conclure que la catégorie d’admission constitue un facteur de différenciation supplémentaire dans l’intégration des enfants d’immigrants.

3 Données et méthodes

3.1 Données

La présente étude est fondée sur les données de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, couplées avec celles du Fichier des immigrants reçus (FIR), qui met en correspondance les immigrants ayant répondu à l’ENM qui ont été reçus au Canada depuis 1980 avec les dossiers d’établissement des immigrants tenues à jour par Citoyenneté et Immigration CanadaNote 1. Environ 79 % des immigrants qui faisaient partie du champ de l’ENM ont été couplés avec succès à leur dossier d’établissement des immigrants, et le taux de couplage était plus élevé pour les immigrants qui sont arrivés au cours des années 1990 et au début des années 2000. Ce couplage renforce les qualités de l’ENM comme source de données pour les études sur l’immigration grâce à l’ajout de caractéristiques mesurées à l’entrée des immigrants, notamment la catégorie d’admission (c.-à-d., travailleur qualifié, réfugié et membre de la catégorie du regroupement familial), le niveau de scolarité à l’arrivée, la profession envisagée, le lieu d’établissement envisagé et le pays de dernière résidence permanente. Le fichier de couplage permet d’établir selon le statut des immigrants à leur entrée des comparaisons entre leurs résultats socioéconomiques, notamment le niveau de scolarité courant, l’emploi, la profession et la répartition géographique. En plus du fichier de couplage ENM-FIR, on utilise la Base de données longitudinales sur les immigrants (BDIM) afin de dériver des caractéristiques au niveau du groupe pour les parents immigrants; cette procédure est décrite en détail à la section suivante. La BDIM combine les dossiers d’établissement et les dossiers fiscaux annuels des immigrants arrivés au Canada depuis 1980.

L’analyse porte principalement sur les immigrants durant l’enfance qui sont arrivés au Canada à l’âge de 17 ans ou moins et qui étaient âgés de 25 à 44 ans au moment de l’ENM de 2011. La plupart des personnes dans la fourchette d’âge sélectionnée avaient terminé leurs études et étaient en âge d’activité maximale. L’étude restreignait davantage l’échantillon aux seuls immigrants durant l’enfance qui sont arrivés au Canada entre 1980 et 2000. Les dossiers d’établissement n’étaient pas aisément accessibles pour les immigrants arrivés avant 1980. Très peu d’immigrants durant l’enfance qui sont arrivés après 2000 avaient atteint l’âge de 25 ans en 2011, alors que les résultats scolaires et les résultats sur le marché du travail avaient été recueillis dans le cadre de l’ENM.

L’ENM de 2011 contient 90 601 observations qui satisfont aux critères de sélection de l’échantillon de l’étude, représentant environ 460 000 personnes ayant immigré durant l’enfance qui sont arrivées entre 1980 et 2000. Parmi les observations de l’ENM sélectionnées, environ 18 900, ou 21 %, n’étaient pas couplées avec les données du FIR, ce qui empêchait de déterminer leur catégorie d’admission. Ce groupe d’immigrants durant l’enfance non couplés est inclus dans l’analyse dans une « catégorie non identifiée ».

3.2 Mesures

Pour les observations couplées ENM-FIR relatives aux personnes ayant immigré durant l’enfance, neuf grandes catégories d’admission ont été définies : 1) la catégorie des travailleurs qualifiés; 2) la catégorie des gens d’affaires, y compris les entrepreneurs, les travailleurs autonomes, les investisseurs et autres; 3) la catégorie des aides familiaux résidants; 4) la catégorie du regroupement familial; 5) les réfugiés parrainés par le gouvernement; 6) les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé; 7) les réfugiés reçus au Canada; 8) les autres réfugiés, y compris les personnes à charge de réfugiés, les cas humanitaires et les dossiers du programme d’élimination de l’arriéré; 9) les autres cas. On notera que les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial constituent un groupe très hétérogène. Il peut s’agir d’enfants d’immigrants qui avaient été admis dans la catégorie du regroupement familial ou d’enfants d’immigrants qui étaient arrivés antérieurement dans une autre catégorie, y compris celles des travailleurs qualifiés et des réfugiésNote 2. De futures améliorations apportées au FIR afin d’inclure des renseignements sur le parrain dans la catégorie du regroupement familial permettront de mieux différencier la catégorie d’admission des parents pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial.

La présente étude prend en compte trois indicateurs des résultats socioéconomiques des personnes ayant immigré durant l’enfance : l’obtention d’un diplôme d’études secondaires, l’obtention d’un diplôme universitaire et les revenus d’emploi annuels. L’obtention d’un diplôme d’études secondaires est définie comme l’obtention d’un diplôme, d’un certificat d’études ou de leur équivalent décerné par une école secondaire. L’obtention d’un diplôme universitaire est définie comme l’obtention d’un certificat, d’un diplôme ou d’un grade au niveau du baccalauréat ou à un niveau supérieur décerné par une université. Les revenus d’emplois (mesurés en dollars constants de 2010) comprennent le revenu total obtenu au cours de 2010 sous la forme de salaires et traitements, ainsi que le revenu net d’un travail autonome. Bien que l’échantillon complet des personnes ayant immigré durant l’enfance ait été utilisé pour examiner les deux résultats scolaires, seules les personnes ayant des revenus d’emploi annuels minimaux de 500 $ et qui avaient déclaré avoir une profession sont incluses dans l’analyse des revenus.

Pour comprendre les sources possibles de toute différence observée dans les résultats selon la catégorie d’admission, quatre ensembles de covariables ont été extraits des données aux fins de modélisation multivariée.

Le premier ensemble de covariables contient les caractéristiques démographiques de base des personnes ayant immigré durant l’enfance, notamment l’âge à l’arrivée, le nombre d’années depuis l’immigration, le sexe, la langue maternelle, l’appartenance à un groupe de minorité visible et l’emplacement géographique de la résidence. L’âge à l’arrivée est divisé en trois groupes, selon que l’immigration a eu lieu au cours de la petite enfance (0 à 5 ans), du milieu de l’enfance (6 à 12 ans) ou de l’adolescence (13 à 17 ans). Certaines études antérieures avaient montré que l’effet de l’âge à l’arrivée sur la maîtrise d’une langue officielle et sur les résultats scolaires n’est pas linéaire, et qu’il existe des écarts notables entre les immigrants qui sont arrivés à l’âge préscolaire, à l’âge du primaire et au cours de l’adolescence (Rumbaut, 2004). La langue maternelle est codée comme « anglais ou français » ou « autre ». L’appartenance à un groupe de minorité visible est codée comme « blanc » ou « minorité visible ». L’emplacement géographique de la résidence est codé comme l’une de sept catégories : les régions métropolitaines de Toronto, Montréal et Vancouver; l’Ontario (à l’exclusion de Toronto); le Québec (à l’exclusion de Montréal); la Colombie-Britannique (à l’exclusion de Vancouver); l’Alberta; le Manitoba et la Saskatchewan; et la région de l’Atlantique. Les provinces peu populeuses sont combinées puisqu’elles hébergent peu de personnes ayant immigré durant l’enfance.

Le second ensemble de covariables mesure certains contextes prémigratoires. Il comprend la région d’origine et le PIB par habitant du pays d’origine des immigrants. Les régions d’origine des immigrants sont classées en 13 groupes : États-Unis, Caraïbes, Amérique centrale et Amérique du Sud, Europe du Nord, Europe de l’Ouest, Europe du Sud, Europe de l’Est, Afrique, Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Asie de l’Est, Asie de l’Ouest, Océanie et autres. Cette variable est incluse afin de distinguer l’effet de la catégorie d’admission de celui de la région d’origine, puisque certaines catégories d’admission sont concentrées dans des régions d’origine spécifiques. Le PIB par habitant du pays d’origineNote 3, exprimé en dollars américains de 2005, est utilisé pour représenter le niveau de vie global du pays d’origine au moment de l’arrivée des immigrants au Canada. Les données annuelles sur le PIB sont appariées à chaque immigrant selon l’année d’arrivée et le pays d’origine.

Le troisième ensemble de covariables mesure les antécédents socioéconomiques familiaux. Il comprend le niveau de scolarité des parents et leur maîtrise du français ou de l’anglais.

Le quatrième ensemble de covariables mesure la réussite économique des parents immigrants au cours des premières années suivant l’immigration. Il comprend le revenu moyen du marché familial au cours des deux premières années complètes suivant l’immigration ainsi que la croissance du revenu du marché familial entre les deux premières années et la 9e année et la 10e annéeNote 4.

Les données de couplage ENM-FIR ne permettent pas d’associer directement la majorité des immigrants durant l’enfance dans l’échantillon à leurs parentsNote 5. Par conséquent, une approche au niveau du groupe est utilisée pour coupler les immigrants durant l’enfance avec le niveau de scolarité de leurs pères et la connaissance des langues officielles par ces derniers, mesurés au moment de l’établissement, et avec le revenu du marché familial au moment de l’entrée ainsi qu’à la croissance de ce revenu. Les parts moyennes des pères détenant un grade universitaire et des pères qui parlent le français ou l’anglais, le revenu du marché familial (mesuré en dollars constants de 2010) au cours des deux premières années complètes suivant l’immigration ainsi que la croissance du revenu familial sont calculés en combinant la catégorie d’admission, l’année d’établissement et la région d’origine (13 groupes, voir ci-dessus) extraites de la BDIM. Les clés utilisées pour coupler les données de groupe avec les immigrants durant l’enfance diffèrent selon la catégorie d’admission. Pour la catégorie des travailleurs qualifiés, la catégorie des gens d’affaires, la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie des réfugiés, les clés utilisées sont la catégorie d’admission, la région d’origine et l’année d’établissement. Pour la catégorie du regroupement familial, la catégorie « autre » et la « catégorie non identifiée », les clés utilisées sont la région d’origine et l’année d’établissement, puisqu’il n’est pas possible de déterminer la catégorie d’admission des parents à partir des données relatives à ces immigrants durant l’enfance.

Dans l’analyse, le niveau de scolarité des pères et leur connaissance des langues officielles sont utilisés plutôt que ceux des mères parce que les pères avaient un niveau de scolarité moyen plus élevé que celui des mères dans toutes les catégories, et parce qu’il y avait une différence plus marquée selon la catégorie entre les niveaux de scolarité des pères et des mèresNote 6. Dans l’échantillon étudié, les mères détentrices d’un grade universitaire avaient tendance à avoir un effet plus prononcé sur les résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfance en comparaison des pères, tandis que les effets de la connaissance des langues officielles étaient similaires pour les mères et les pères (voir le tableau 1 de l’annexe). Néanmoins, les caractéristiques des pères et des mères jouent des rôles similaires dans l’explication des différences selon la catégorie d’admission entre les résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfanceNote 7.

Des études antérieures avaient proposé que l’effet du statut socioéconomique des parents sur la réussite de leurs enfants ait tendance à être plus prononcé lorsqu’il est mesuré au niveau du groupe, plutôt que dans les situations où les données comportent des couplages parent-enfant directs, tout particulièrement lorsqu’on utilise le revenu pour mesurer le statut socioéconomique des parents. Une explication possible est que les données mesurées au niveau du groupe réduisent les erreurs de mesure aléatoires et permettent aussi de mesurer le capital ethnique (Borjas, 1994, 1995). En utilisant le sous-échantillon des personnes ayant immigré durant l’enfance qui peuvent être appariées directement avec leurs pères, la présente étude a permis de constater que l’effet du revenu du marché familial sur le niveau de scolarité des enfants est plus prononcé dans le cas des données appariées au niveau du groupe que dans celui des données appariées directement, toutefois l’effet du niveau de scolarité du père et de sa connaissance des langues officielles est similaire dans les données appariées directement et les données appariées au niveau du groupe (voir le tableau 2 de l’annexe pour plus de détails). Enfin, lorsque l’on tient compte des différences selon la catégorie entre les résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance, on constate que les facteurs des parents appariés directement et appariés au niveau du groupe jouent des rôles similaires.

Dans les modèles de calcul des revenus, deux variables de contrôle supplémentaires sont incluses. La première, le niveau de scolarité des personnes ayant immigré durant l’enfance, est codée en cinq catégories : sans diplôme d’études secondaires, diplôme d’études secondaires, études postsecondaires partielles, baccalauréat, diplôme d’études supérieures. La deuxième variable de contrôle, la profession, est codée en 12 catégories : gestion; finances; administration des affaires; sciences naturelles (professionnel); sciences naturelles (technique); santé; sciences sociales; arts, activités culturelles et récréatives; ventes et services; métiers, transports et machinerie; industrie primaire; fabrication, transformation et manœuvres.

3.3 Méthodes

Dans l’analyse multivariée, on estime des modèles probit pour l’obtention d’un diplôme d’études secondaires et universitaires, puisque les deux sont des variables dichotomiques. Pour les revenus, on utilise plutôt des modèles de régression par les moindres carrés ordinaires (MCO). Pour chaque résultat, deux modèles sont estimés. Le modèle 1 comporte uniquement une série de variables nominales représentant la catégorie d’admission, les travailleurs qualifiés constituant le groupe de référence commun. Ce modèle présente les différences observées selon la catégorie d’admission entre les résultats et précise la signification statistique de ces différences. Le modèle 2 ajoute toutes les covariables. Pour la modélisation des revenus, les niveaux de scolarité et les professions des personnes ayant immigré durant l’enfance sont aussi inclus. Les variations des coefficients des variables nominales selon la catégorie d’admission du modèle 1 au modèle 2 dans la régression par les MCO, ou dans les effets marginaux de la régression probit, indiquent la portion des différences observées entre les résultats selon la catégorie d’admission qui est prise en compte ou « expliquée » par les différences entre les catégories dans les covariables. La portion expliquée est encore décomposée en contribution de chaque covariable au moyen d’une forme généralisée de la technique de décomposition d’Oaxaca (Hou, 2014).

Le poids d’échantillonnage de l’ENM a été utilisé dans toutes les analyses. Dans le modèle incluant les variables au niveau du groupe, des erreurs types robustes aux fins de correction des grappes ont été calculées de manière à tenir compte des dépendances des observations au sein d’une grappe donnée. Les grappes sont identifiées en combinant la catégorie d’admission, l’année d’immigration et la région d’origine.

4 Résultats

4.1 Différences en matière d’antécédents et de résultats selon la catégorie d’admission

Le tableau 1 présente la taille de l’échantillon et certaines caractéristiques démographiques clés des immigrants durant l’enfance en fonction de la catégorie d’admission. Parmi les personnes qui ont immigré durant l’enfance dans l’échantillon étudié dont la catégorie d’admission a été déterminée au moyen du couplage des données l’ENM de 2011 et de celles du FIR, 49 % étaient des enfants d’immigrants économiques, y compris les travailleurs qualifiés (36 %), les gens d’affaires immigrants (12 %) et les aides familiaux résidants (1 %). Les réfugiés représentaient 23 % des personnes ayant immigré durant l’enfance, y compris les réfugiés parrainés par le gouvernement (9 %), les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé (6 %), les réfugiés reçus au Canada (3 %), et les autres réfugiés et la catégorie des personnes admises pour des raisons humanitaires (5 %). Environ 28 % des personnes ayant immigré pendant l’enfance appartenaient à la catégorie du regroupement familial. Cependant, comme on l’a mentionné précédemment, il est possible qu’une forte proportion d’entre eux avaient été initialement laissés dans leur pays d’origine et soient seulement venus plus tard rejoindre leurs parents qui étaient des immigrants économiques ou des réfugiés.

Les caractéristiques démographiques des personnes ayant immigré durant l’enfance différaient selon la catégorie d’admission (tableau 1). Les enfants des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé sont arrivés au Canada à un âge moyen de 9 ans, en comparaison d’un âge à l’arrivée moyen de 13 ans pour les enfants des aides familiaux résidants. Pour les autres catégories d’admission, l’âge à l’arrivée moyen variait de 10 à 12 ans. De même, les enfants des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé avaient résidé le plus longtemps au Canada, environ six ans de plus que les enfants des aides familiaux résidants.

La majorité des personnes ayant immigré durant l’enfance étaient membres d’un groupe de minorité visible, ce qui reflète le fait que davantage d’immigrants au Canada au cours des années 1980 et 1990 provenaient de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine plutôt que de l’Europe et des États-Unis. La proportion des membres d’un groupe de minorité visible était la plus élevée chez les enfants des aides familiaux résidants et la plus faible pour les enfants de travailleurs qualifiés et de réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé (tableau 1). La majorité des aides familiaux résidants provenaient des Philippines, tandis que la composition de la région d’origine était plus diversifiée pour les travailleurs qualifiés. De nombreux réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé provenaient de l’Europe de l’Est.

Toujours dans le contexte de la composition selon la région d’origine et des critères d’admission, une grande variation a été constatée selon la catégorie d’admission dans la proportion des immigrants qui parlaient l’anglais ou le français comme langue maternelle. Les enfants des travailleurs qualifiés et des immigrants dans la catégorie du regroupement familial étaient les plus susceptibles de parler l’anglais ou le français comme langue maternelle, tandis que les réfugiés parrainés par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé étaient les moins susceptibles à cet égard.

Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans les différentes catégories diffèrent également en matière de caractéristiques prémigratoires et postmigratoires de leurs familles. Les travailleurs qualifiés et les gens d’affaires immigrants provenaient en général de pays comportant un PIB par habitant plus élevé en comparaison des immigrants dans les autres catégories (tableau 2). Les pères immigrants dans la catégorie des travailleurs qualifiés étaient les plus scolarisés, 46 % d’entre eux détenant un grade universitaire. Les pères réfugiés parrainés par le gouvernement et les pères réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé étaient les moins scolarisés, seulement 15 % d’entre eux détenant un grade universitaire. Les trois quarts environ des pères réfugiés parrainés par le gouvernement et des pères réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé ne parlaient ni l’anglais ni le français au moment de leur établissement, en comparaison de moins du cinquième des pères immigrants dans la catégorie des travailleurs qualifiés ou la catégorie des aides familiaux résidants (tableau 2).

En outre, le rendement économique après l’immigration variait considérablement selon la catégorie d’admission chez les parents de personnes ayant immigré durant l’enfance. Les familles immigrantes dans la catégorie des travailleurs qualifiés avaient le revenu du marché réel le plus élevé au cours des deux premières années suivant l’immigration, suivies par les familles dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial (tableau 2). Les familles des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés reçus au Canada avaient le revenu du marché familial initial le plus faible, mais présentaient la plus forte croissance du revenu au cours de la première décennie suivant l’immigration. Les familles des gens d’affaires immigrants présentaient quant à elles un faible revenu du marché familial initial et une faible croissance du revenu.

Enfin, les personnes ayant immigré durant l’enfance dans les différentes catégories avaient aussi des résultats différents au chapitre de la scolarité et des revenus (tableau 3). Pour ce qui est des taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires, les personnes ayant immigré durant l’enfance obtiennent en général de meilleurs résultats que ceux de la troisième génération ou des générations ultérieures, qui se composent d’enfants de deux parents nés au Canada. Cependant, ils obtiennent de moins bons résultats que ceux de la deuxième génération (les enfants nés au Canada de deux parents immigrants) et ceux de la génération 2.5 (les enfants nés au Canada d’un parent né au Canada et d’un parent immigrant). Parmi l’ensemble des personnes ayant immigré durant l’enfance, ceux dans la catégorie des gens d’affaires et la catégorie des travailleurs qualifiés avaient les taux les plus élevés, qui étaient d’environ 8 à 9 points de pourcentage plus élevés en comparaison des taux dans la catégorie du regroupement familial.

La différence entre les groupes était encore plus prononcée pour ce qui est des taux d’obtention d’un diplôme universitaire (tableau 3). En moyenne, environ 35,9 % des personnes ayant immigré durant l’enfance âgées de 25 à 44 ans détenaient un grade universitaire, un taux supérieur à celui de 33,8 % mesuré pour la génération 2.5 et de 24,4 % mesuré pour la troisième génération ou les générations ultérieures, mais inférieur au taux de 40,6 % mesuré pour la deuxième génération. Pour les personnes ayant immigré durant l’enfance, le taux d’obtention d’un diplôme universitaire pouvait atteindre 58,9 % dans la catégorie des gens d’affaires et 49,7 % dans la catégorie des travailleurs qualifiés. En comparaison, seulement un immigrant durant l’enfance sur cinq environ dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial avait achevé des études universitaires.

Il existait également de grandes différences selon la catégorie d’admission pour ce qui est des revenus annuels des personnes ayant immigré durant l’enfance comptant des revenus annuels non négligeables (c.-à-d., ceux qui gagnaient plus de 500 $)Note 8. Au sommet de la répartition, les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des gens d’affaires et la catégorie des travailleurs qualifiés gagnaient en moyenne 46 700 $ et 46 400 $ en 2010, respectivement (tableau 3). À l’extrémité la plus basse, les enfants des aides familiaux résidants et des réfugiés reçus au Canada gagnaient 33 500 $ et 35 400 $ en 2010, respectivement, soit des revenus inférieurs de 28 % et 24 % à ceux des enfants des travailleurs qualifiés. Dans la fourchette intermédiaire, les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial gagnaient un peu moins que les enfants des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé.

Certaines des différences observées selon les groupes en matière de niveau de scolarité et de revenus sont vraisemblablement liées aux différences selon les groupes entre les caractéristiques démographiques des immigrants durant l’enfance, et entre les ressources prémigratoires et postmigratoires de leurs familles. Cette relation est examinée plus en détail dans la section suivante au moyen d’une modélisation multivariée.

4.2 Prise en compte des différences entre les résultats en fonction de la catégorie d’admission

Les deux colonnes à l’extrême gauche du tableau 4 présentent les effets marginaux estimatifs des modèles probit pour ce qui est de l’obtention d’un diplôme d’études secondaires. L’effet marginal pour une variable catégorique est la différence entre les taux moyens prédits d’obtention d’un diplôme d’études secondaires entre la catégorie donnée et le groupe de référenceNote 9. Par exemple, dans le modèle 2, l’effet marginal associé à la catégorie du regroupement familial permet de penser que le taux prédit d’obtention d’un diplôme d’études secondaires pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial est de 0,058, ou 5,8 points de pourcentage, un taux inférieur à celui prédit pour la catégorie des travailleurs qualifiés lorsque l’on tient compte des différences entre les groupes dans les covariables sélectionnées. Dans le cas des variables continues, l’effet marginal reflète les variations dans les taux moyens prédits d’obtention d’un diplôme d’études secondaires associés à une variation d’une unité dans la variable explicative.

Le modèle 1 dans la colonne à l’extrême gauche du tableau 4 montre que les différences observées en matière de taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires entre les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des travailleurs qualifiés (le groupe de référence) et les personnes ayant immigré durant l’enfance dans les autres catégories sont toutes statistiquement significatives. Dans le modèle 2, les effets marginaux associés aux aides familiaux résidants et aux réfugiés parrainés par le gouvernement et réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé deviennent non significatifs ou très faibles. Ceci permet de penser que les écarts entre les personnes ayant immigré durant l’enfance dans ces catégories et ceux dans la catégorie des travailleurs qualifiés s’expliquent principalement par des variables sociodémographiques individuelles et des facteurs au niveau du groupe.

Une analyse par décomposition supplémentaire, présentée au tableau 6, montre que le niveau de scolarité plus faible des parents et la concentration géographique selon la région d’origine jouent un rôle très important dans l’écart constaté pour les enfants des aides familiaux résidants. En outre, le niveau de scolarité plus faible des parents et la proportion plus élevée des parents qui ne parlent ni l’anglais ni le français étaient les deux principaux facteurs expliquant l’écart constaté pour les enfants des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé. En comparaison, l’écart constaté pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial variait très faiblement après correction pour tenir compte des variables sociodémographiques individuelles et des covariables au niveau du groupe. Ces constatations reflètent probablement le fait que de nombreux immigrants durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial n’étaient pas appariés correctement avec les caractéristiques de leurs parents en raison de certaines limites associées aux données, comme il en a été question dans la section sur les mesures ci-dessus.

Des analyses distinctes en fonction du sexe, comme indiqué au tableau 3 de l’annexe, montrent que les différences en matière d’obtention d’un diplôme d’études secondaires en fonction de la catégorie d’admission concordaient généralement pour les hommes et pour les femmes, sauf pour la catégorie des aides familiaux résidants et pour les réfugiés reçus au Canada. Dans ces deux cas, les personnes ayant immigré durant l’enfance de sexe principalement masculin présentaient des écarts importants en matière d’obtention d’un diplôme d’études secondaires.

Les effets marginaux estimatifs des modèles probit pour l’obtention du diplôme universitaire sont présentés dans les deux colonnes à l’extrême droite du tableau 4. En comparaison des tendances observées pour l’obtention d’un diplôme d’études secondaires, les différences entre les groupes en matière de l’obtention du diplôme universitaire étaient très élevées. Les écarts étaient particulièrement importants pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial. Certaines, mais pas la totalité, des différences entre les groupes en matière de l’obtention du diplôme universitaire étaient associées aux caractéristiques sociodémographiques individuelles et aux facteurs socioéconomiques des parents. Les covariables incluses expliquaient entre plus de la moitié et les deux tiers de l’écart entre les taux d’obtention d’un diplôme universitaire des enfants des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé, mais seulement le tiers environ de l’écart pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial et 45 % de l’écart dans la catégorie des aides familiaux résidants (tableau 6).

Les résultats détaillés de l’analyse par décomposition, tels que présentés au tableau 6, montrent que pour les réfugiés parrainés par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé, le niveau de scolarité des parents et leur connaissance des langues officielles ont joué un rôle très important dans les écarts constatés en matière de l’obtention du diplôme universitaire des enfants. Pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial et la catégorie des aides familiaux résidants, la région d’origine et le niveau de scolarité des parents expliquaient en majeure partie les écarts en matière de l’obtention du diplôme universitaire des enfants. La majorité des aides familiaux résidants provenaient des Philippines; en comparaison des travailleurs qualifiés, une proportion beaucoup plus importante des immigrants de la catégorie du regroupement familial provenaient des Caraïbes, de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud et de l’Asie du Sud-Est. On a constaté des taux d’obtention d’un diplôme universitaire relativement faibles chez les enfants d’immigrants en provenance de ces régions (voir Abada, Hou et Ram, 2009; voir aussi les effets marginaux associés aux variables fictives pour les régions d’origine dans le tableau 4).

Des analyses distinctes pour les hommes et les femmes montrent que les différences au chapitre de l’obtention du diplôme universitaire concordaient généralement pour les hommes et pour les femmes, bien que les effets de certaines covariables étaient différents (tableau 3 de l’annexe). Bien que l’âge à l’arrivée plus jeune était associé à un taux d’obtention d’un diplôme universitaire beaucoup plus élevé pour les personnes ayant immigré durant l’enfance de sexe féminin en comparaison des personnes ayant immigré durant l’enfance de sexe masculin, le nombre d’années depuis l’immigration avait un effet plus prononcé sur les hommes que sur les femmes. Le revenu du marché familial et la croissance du revenu après l’immigration avaient des effets plus prononcés sur les personnes ayant immigré durant l’enfance de sexe féminin que sur les personnes ayant immigré durant l’enfance de sexe masculin.

Le tableau 5 présente les estimations des régressions par les moindres carrés ordinaires, le logarithme des revenus constituant la variable dépendante pour les personnes ayant immigré durant l’enfance avec des revenus positifs. Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants ou qui étaient des réfugiés reçus au Canada présentaient les écarts les plus importants en matière de revenus en comparaison des personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Après correction pour tenir compte des caractéristiques individuelles et des antécédents familiaux, les importantes différences observées en fonction des groupes en matière de revenus n’étaient plus statistiquement significatives ou étaient beaucoup plus petites.

Une analyse par décomposition montre que le niveau de scolarité et l’occupation des personnes ayant immigré durant l’enfance étaient les deux principaux facteurs qui expliquaient les différences en matière de revenus, selon la catégorie (tableau 6). Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des travailleurs qualifiés et la catégorie des gens d’affaires étaient surreprésentés dans les professions hautement rémunérées, notamment les professions en gestion, en finances, en sciences naturelles (professionnel) et en sciences sociales, tandis que les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants ou qui étaient des réfugiés reçus au Canada étaient surreprésentés dans les professions faiblement rémunérées, notamment dans les secteurs des ventes et des services. Le statut socioéconomique des parents immigrants ne jouait pas un rôle direct important dans l’explication des différences en matière de revenus en fonction de la catégorie d’admission. Puisque les antécédents familiaux, tout particulièrement le niveau de scolarité et la connaissance des langues officielles des parents, influent sur le niveau de scolarité des personnes ayant immigré durant l’enfance, leur influence sur les revenus des personnes ayant immigré durant l’enfance s’exerce principalement via le niveau de scolarité des enfants.

Des analyses distinctes en fonction du sexe montrent que les différences en matière de revenus selon la catégorie étaient généralement plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Plus particulièrement, en ce qui concerne la catégorie des travailleurs qualifiés, les écarts constatés pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial, des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé étaient deux fois plus importants pour les femmes que pour les hommes (tableau 4 de l’annexe). Cependant, après correction, les différences en fonction de la catégorie étaient largement similaires pour les femmes et pour les hommes.

4.3 Âge à l’arrivée et différences en matière de résultats selon la catégorie d’admission

Le tableau 7 présente les effets marginaux des modèles probit sur l’obtention d’un diplôme d’études secondaires, estimés séparément pour les immigrants qui étaient arrivés au cours de la petite enfance (0 à 5 ans), au cours du milieu de l’enfance (6 à 12 ans) et au cours de l’adolescence (13 à 17 ans). Les différences observées selon la catégorie étaient plus petites chez les immigrants arrivés au cours de la petite enfance et du milieu de l’enfance, en comparaison de ceux arrivés au cours de l’adolescence. Par ailleurs, les différences corrigées étaient généralement similaires pour tous les groupes en fonction de l’âge au moment de l’établissement. Ceci s’explique par le fait que les covariables incluses expliquent très peu les différences observées en fonction des catégories en matière de taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires dans le cas des immigrants arrivés au cours de la petite enfance et du milieu de l’enfance, mais expliquaient une grande proportion des écarts observés pour plusieurs groupes des immigrants arrivés au cours de l’adolescence. Tout particulièrement, la connaissance des langues officielles par les pères n’était pas significativement associée à l’obtention d’un diplôme d’études secondaires par les enfants dans les deux groupes d’âge les plus jeunes, toutefois son effet était significatif pour les enfants arrivés au cours de l’adolescence. En outre, les effets du niveau de scolarité des pères et de la croissance du revenu familial étaient plus prononcés chez les enfants arrivés au cours de l’adolescence, en comparaison des enfants arrivés à un plus jeune âge.

De même, les différences observées selon la catégorie en matière de taux d’obtention d’un diplôme universitaire étaient plus importantes chez les enfants arrivés à un âge plus avancé, à l’exception des enfants des aides familiaux résidants (tableau 8). Par exemple, l’écart observé dans les taux d’obtention d’un diplôme universitaire entre les enfants de réfugiés parrainés par le gouvernement et ceux de travailleurs qualifiés était de 19,8 points de pourcentage pour les enfants arrivés au cours de la petite enfance, en comparaison de 25,4 points de pourcentage pour ceux arrivés au cours de l’adolescence. Les écarts correspondants pour les enfants de réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé étaient de 10,7 points de pourcentage pour les enfants arrivés au cours de la petite enfance et de 27,0 points de pourcentage pour ceux arrivés au cours de l’adolescence. Cependant, les différences corrigées concordaient généralement pour les trois groupes d’âge. Les covariables incluses expliquaient dans une plus forte mesure les différences observées pour les enfants arrivés au cours de l’adolescence que pour ceux arrivés à un plus jeune âge. Plus particulièrement, l’incapacité par les pères de parler une langue officielle n’avait aucun effet négatif sur le taux d’obtention d’un diplôme universitaire par les enfants arrivés au cours de la petite enfance, mais l’effet était substantiel pour les enfants arrivés à l’âge du primaire. Il semble qu’une exposition précoce à la société canadienne (très probablement le système d’éducation) atténue l’effet négatif de l’incapacité par les parents de parler une langue officielle sur les résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfance. À l’inverse, les effets du niveau de scolarité des pères et du revenu familial concordaient pour tous les groupes en fonction de l’âge à l’arrivée.

Pour ce qui est des revenus, il existait une tendance marquée à un écart croissant quant à l’âge à l’arrivée des enfants des aides familiaux résidants (tableau 9). L’écart en matière de revenus entre les enfants des aides familiaux résidants et les enfants des travailleurs qualifiés était de −0,099 points log (les revenus du premier groupe étaient inférieurs d’environ 9,4 % à ceux du second groupe) pour les enfants arrivés au cours de la petite enfance. L’écart augmentait à −0,339 points log (ou environ 28,8 %) pour les enfants arrivés à l’adolescence. À un degré moindre, on a observé des tendances similaires pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial et la catégorie des réfugiés parrainés par le gouvernement. Cependant, les différences corrigées en matière de revenus étaient généralement faibles, et il n’y avait pas de tendance systématique en fonction de l’âge à l’arrivée. Les effets de certaines covariables étaient plus prononcés chez les enfants arrivés à l’adolescence en comparaison de ceux arrivés à un âge plus jeune. L’effet négatif de l’incapacité par les parents de parler une langue officielle était important dans le cas des enfants arrivés à l’adolescence, mais il n’était pas significatif pour les enfants arrivés à un âge plus jeune. La croissance du revenu familial au cours de la première décennie suivant l’immigration avait une incidence significative sur les enfants arrivés à l’adolescence, mais non pas sur ceux arrivés à un âge plus jeune. En outre, le rendement des études au chapitre des revenus chez les personnes ayant immigré durant l’enfance était plus prononcé pour les enfants arrivés à un âge plus avancé. Autrement dit, la pénalité en matière de revenus attribuable à de faibles niveaux de scolarité était plus prononcée chez les enfants arrivés à un âge plus avancé.

4.4 Variations en fonction de la région d’origine entre les principales catégories d’admission

Les analyses décrites dans les sections précédentes montrent que la région d’origine constituait un très important facteur explicatif des différences constatées selon la catégorie d’admission pour ce qui est des résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfance, et qu’il existait de grandes variations dans les résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance en fonction des régions d’origine lorsque l’on prenait en compte la catégorie d’admission. Ces résultats permettent de penser que la catégorie d’admission et la région d’origine des immigrants sont interdépendantes, cependant chacune exerce des effets indépendants sur les résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance.

La présente section examine plus en détail le degré auquel les résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance varient en fonction de la région d’origine pour chacune des grandes catégories d’admission. Pour éviter les échantillons de petite taille, les catégories d’admission détaillées ont été regroupées en trois catégories générales : la catégorie économique, y compris les travailleurs qualifiés et les gens d’affaires immigrants; la catégorie du regroupement familial; et les réfugiés, y compris les quatre catégories de réfugiés. Les aides familiaux résidants sont exclus de la présente section puisqu’ils sont fortement concentrés dans un seul pays d’origine — plus de 80 % d’entre eux proviennent des Philippines.

Le tableau 10 présente pour chaque catégorie la distribution des fréquences pour les personnes ayant immigré durant l’enfance, leur niveau de scolarité et leurs revenus en fonction de la région d’origine. Dans la catégorie économique (dans le premier tiers du tableau 10), 59,2 % des personnes ayant immigré durant l’enfance venaient de l’Asie, en majorité de l’Asie de l’Est (29,1 %). Pour ce qui est des taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires, les différences en fonction de la région d’origine étaient généralement faibles. Les taux moyens d’obtention d’un diplôme d’études secondaires variaient de 93,4 % à 98,0 %, sauf pour les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe du Sud, dont le taux moyen s’établissait à 85,8 %. Les différences en fonction du groupe étaient extrêmement prononcées pour ce qui est des taux d’obtention d’un diplôme universitaire. Les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Asie de l’Est avaient le taux le plus élevé (65,2 %), suivis par ceux en provenance de l’Asie du Sud (57,2 %) et de l’Asie de l’Ouest (55,4 %). Les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe du Sud avaient le taux d’obtention d’un diplôme universitaire le plus faible (28,1 %). Il y avait aussi des différences marquées en matière de revenus moyens selon la région d’origine; les immigrants en provenance de l’Europe du Nord avaient les revenus moyens les plus élevés (52 100 $), tandis que ceux en provenance de l’Europe du Sud avaient les revenus moyens les plus faibles (41 300 $).

La répartition selon la région d’origine des personnes ayant immigré durant l’enfance de la catégorie du regroupement familial (voir le tiers central du tableau 10) était fort différente de celle des personnes ayant immigré durant l’enfance de la catégorie économique. L’Asie du Sud, l’Asie du Sud-Est et les Caraïbes étaient les trois principales régions d’origine, chacune représentant de 17,9 % à 18,8 % des enfants immigrants, tandis que l’Asie de l’Est représentait seulement 5,8 % d’entre eux dans la catégorie du regroupement familial. La différence entre les taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires selon la région d’origine était plus marquée pour la catégorie du regroupement familial en comparaison de la catégorie économique. Alors que seulement 68,0 % des personnes ayant immigré durant l’enfance de la catégorie du regroupement familial en provenance de l’Europe du Sud ont obtenu un diplôme d’études secondaires, 95,0 % de celles en provenance de l’Europe de l’Est l’ont obtenu. La tendance des différences selon la région d’origine entre les taux d’obtention d’un diplôme universitaire dans la catégorie du regroupement familial était similaire à celle observée pour la catégorie économique. Les immigrants de la catégorie du regroupement familial en provenance de l’Asie de l’Est avaient le taux d’obtention d’un diplôme universitaire le plus élevé (38,1 %), tandis que de faibles taux étaient observés pour les immigrants en provenance de l’Océanie (8,5 %), de l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud (13,7 %) et des Caraïbes (14,0 %). Pour ce qui est des revenus, les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial en provenance de l’Europe détenaient en général un avantage en comparaison de celles en provenance de l’Asie, de l’Afrique, des Caraïbes et de l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.

La plupart des personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des réfugiés provenaient de l’Asie du Sud-Est, de l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud et de l’Europe de l’Est (voir le dernier tiers du tableau 10). Au sein de la catégorie des réfugiés, les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe de l’Est avaient les taux les plus élevés d’obtention d’un diplôme d’études secondaires et universitaires, ainsi que les revenus annuels moyens les plus élevés. Les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud et des Caraïbes avaient à la fois de faibles taux d’obtention d’un diplôme universitaire et de faibles revenus annuels.

Le tableau 11 présente les effets marginaux estimatifs des modèles probit lorsque l’obtention d’un diplôme d’études secondaires est la variable dépendante. Ce tableau indique à quel degré les variables explicatives sélectionnées peuvent expliquer les différences observées en fonction de la région d’origine en matière de résultats. Les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe de l’Est comme groupe de référence pour l’ensemble des variables fictives représentant la région d’origine ont été utilisées parce qu’elles constituaient un groupe de grande taille dans chacune des grandes catégories d’admission. En règle générale, les différences corrigées selon la région d’origine étaient similaires aux différences observées, avec quelques exceptions : 1) les covariables incluses expliquaient environ 40 % des écarts pour les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe du Sud dans la catégorie économique; 2) les écarts pour les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance des États-Unis, de l’Europe du Nord et des Caraïbes dans la catégorie du regroupement familial auraient été encore plus prononcés si ces enfants n’avaient pas bénéficié de la connaissance d’une des langues officielles par leurs pères. Pour ce qui est des effets des covariables, l’inconvénient associé à l’arrivée à un âge plus avancé était beaucoup plus prononcé pour les immigrants réfugiés que pour les immigrants de la catégorie économique.

De même, les covariables incluses expliquaient très peu les différences observées selon la région d’origine entre les taux d’obtention d’un diplôme universitaire dans chacune des grandes catégories d’admission (tableau 12). Les écarts constatés pour certains groupes, comme les personnes ayant immigré durant l’enfance de la catégorie économique en provenance des Caraïbes et de l’Asie du Sud-Est, sont devenus plus prononcés après la prise en compte des covariables. L’effet de l’âge au moment de l’établissement sur les taux d’obtention d’un diplôme universitaire était plus prononcé pour les réfugiés que pour les immigrants de la catégorie économique.

Il existait de grands écarts entre les différences observées et les différences corrigées pour ce qui est des revenus en fonction de la région d’origine (tableau 13). Dans la catégorie économique, les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de plusieurs régions d’origine avaient des revenus moyens nettement plus élevés que les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe de l’Est — le groupe de référence — avant correction pour tenir compte des covariables. Cependant, après correction pour tenir compte des covariables, ces différences n’étaient plus significatives ou changeaient de signe. Ceci s’explique par le fait que les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe de l’Est ont passé moins d’années au Canada (et étaient donc plus jeunes lorsque l’âge au moment de l’établissement est maintenu constant) en comparaison de la plupart des autres groupes. La durée moyenne du séjour au Canada était de 17 ans pour les personnes ayant immigré durant l’enfance en provenance de l’Europe de l’Est, contre 23 ans pour celles en provenance des États‑Unis ou de l’Europe de l’Ouest, et 25 ans pour celles en provenance de l’Europe du Nord. Dans la catégorie du regroupement familial et la catégorie des réfugiés, les écarts entre les différences observées selon la région d’origine et les différences corrigées étaient principalement attribuables aux différences entre les niveaux de scolarité des personnes ayant immigré durant l’enfance et entre leurs répartitions par profession.

5 Conclusion et discussion

La présente étude visait à déterminer si la catégorie d’admission des immigrants — la voie par laquelle ils sont admis au Canada — constitue un facteur prépondérant dans la différenciation des niveaux de scolarité et des revenus chez les enfants d’immigrants, et dans l’affirmative, quels pourraient être les mécanismes de différenciation possibles.

Les résultats de l’analyse confirment que les personnes ayant immigré durant l’enfance en fonction de différentes catégories d’admission atteignent des niveaux de scolarité très différents, tout particulièrement pour ce qui est de l’obtention d’un grade universitaire, et ces différences donnent lieu à de grandes variations dans les revenus moyens selon la catégorie d’admission.

Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des gens d’affaires et la catégorie des travailleurs qualifiés avaient les taux les plus élevés d’obtention d’un diplôme d’études secondaires et universitaires et les revenus annuels les plus élevés. Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants avaient un taux d’obtention d’un diplôme universitaire équivalant au tiers environ du taux mesuré pour la catégorie des gens d’affaires, et leurs revenus moyens étaient les plus faibles. Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial avaient elles aussi un faible taux d’obtention d’un diplôme universitaire et de faibles revenus. En outre, les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial avaient des taux d’obtention d’un diplôme universitaire plus faibles que ceux des enfants nés au Canada de parents non immigrants. Il est clair que l’observation générale voulant que les enfants d’immigrants réussissent mieux que les enfants des non-immigrants ne s’applique pas aux enfants d’immigrants dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial. Les enfants de réfugiés avaient des taux d’obtention d’un diplôme universitaire nettement plus faibles que les enfants d’immigrants dans la catégorie des gens d’affaires et la catégorie des travailleurs qualifiés, mais ils présentent néanmoins un taux supérieur à celui obtenu par les immigrants dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial.

Moins de la moitié de l’écart dans les taux d’obtention d’un diplôme universitaire des personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants et la catégorie du regroupement familial était associé à leurs caractéristiques démographiques personnelles et aux facteurs du contexte familial auxquels l’étude avait accès, principalement la région d’origine et le niveau de scolarité des parents. Entre la moitié et les deux tiers de l’écart chez les enfants de réfugiés parrainés par le gouvernement et de réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé s’expliquait par les covariables incluses, principalement le niveau de scolarité, la langue et la région d’origine des parents. Sans aucun doute, d’autres facteurs qui n’ont pu être inclus dans l’étude peuvent aussi avoir contribué aux différences observées en fonction des catégories, et il est possible que ces facteurs soient propres à chaque catégorie d’admission.

Pour les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie des aides familiaux résidants, la séparation de leurs mères constitue un très important facteur (Kelly, 2014). Dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants, les parents ne peuvent pas être accompagnés des membres de leur famille immédiate. Ils doivent travailler au pays pendant au moins deux ans avant de pouvoir faire une demande de résidence permanente, après quoi ils peuvent faire venir leurs enfants au Canada. Dans la réalité, obtenir le statut de résident permanent et par la suite faire venir les membres de sa famille nécessiteront un délai bien supérieur à deux ans. Enfin, la concentration élevée de ces immigrants dans les professions peu qualifiées (principalement la fourniture de services domestiques) pourrait également être un facteur contributif.

Les personnes ayant immigré durant l’enfance dans la catégorie du regroupement familial peuvent eux aussi vivre une séparation s’ils avaient été initialement laissés dans leur pays d’origine par leurs parents qui étaient arrivés au pays en tant qu’immigrants économiques ou réfugiés.

Contrairement à la tendance observée pour les membres de la catégorie du regroupement familial et des aides familiaux résidants, le niveau de scolarité des parents, leur langue et leur région d’origine expliquaient la majorité de l’écart entre les niveaux de scolarité des enfants des réfugiés parrainés par le gouvernement et des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé. Ces résultats, et le fait qu’en moyenne, les enfants de réfugiés avaient des taux d’obtention d’un diplôme universitaire plus élevés en comparaison des enfants de la troisième génération ou des générations ultérieures, permettent de penser que les enfants de réfugiés constituent un groupe résilient, et que la majorité d’entre eux sont bien intégrés à la société canadienne. Cette constatation est soutenue par les éléments probants extraits d’études précédentes (Beiser, 1999; Wilkinson, 2002). Le reste de l’écart qui n’était pas attribuable aux antécédents socioéconomiques familiaux est probablement lié aux effets de leur expérience de réfugiés, y compris l’exposition aux persécutions, à la violence et à un milieu de vie dangereux, avant leur arrivée au Canada (Beiser, 1999; Kapreilian-Churchill, 1996; Wilkinson, 2002).

Les résultats de l’étude montrent que le niveau de scolarité des parents et leur connaissance des langues officielles jouaient un rôle très important dans l’explication des différences entre les résultats scolaires; cependant, le revenu des parents après l’immigration contribuait très peu aux différences constatées. Cette constatation est cohérente avec celles de certaines études précédentes (Picot et Hou, 2013; Finnie, 2012). Néanmoins, les meilleurs résultats obtenus par les enfants de gens d’affaires immigrants peuvent donner à penser que l’effet du patrimoine familial n’est pas bien compris. En comparaison des autres catégories, les parents gens d’affaires immigrants n’avaient pas des niveaux de scolarité particulièrement élevés ni une connaissance des langues officielles particulièrement solide, et leurs revenus postmigratoires au Canada étaient faibles. Cependant, leurs enfants ont obtenu de meilleurs résultats en comparaison des enfants dans les autres catégories. Il est possible que le patrimoine familial, plutôt que le revenu suivant l’immigration, soit davantage représentatif des ressources économiques globales dont dispose une famille pour s’établir dans des communautés locales plus riches, inscrire leurs enfants dans les meilleures écoles et aux meilleures activités parascolaires, et obtenir un soutien pédagogique supplémentaire le cas échéant.

Une autre constatation importante de l’étude est que les différences selon la catégorie d’admission entre les résultats scolaires des personnes ayant immigré durant l’enfance étaient plus faibles pour les enfants arrivés à l’âge préscolaire que pour ceux étant arrivés au cours de l’adolescence. Cette tendance découle principalement de l’effet variable de la maîtrise d’une langue officielle par les parents. Alors que la maîtrise des langues officielles par les parents n’avait aucune incidence sur les enfants arrivés à l’âge préscolaire, son effet était très important pour ceux arrivés au cours de l’adolescence. Ceci permet de penser qu’une exposition précoce à la société d’accueil atténue l’effet négatif de l’incapacité par les parents de parler une langue officielle, puisque les jeunes enfants peuvent aisément maîtriser une langue officielle sans l’aide de leurs parents, grâce au système d’éducation et aux interactions avec leurs pairs. Cependant, l’incidence du niveau de scolarité des parents était forte et cohérente pour l’ensemble des groupes en fonction de l’âge à l’arrivée. Ceci s’explique probablement par le fait que cet effet sur les résultats des enfants s’exerce via les aspirations, les attentes et les modèles de comportement des parents; ces mécanismes intermédiaires sont moins susceptibles de varier en fonction de l’âge des enfants à l’arrivée.

L’étude a également constaté que le pays d’origine est un facteur très important dans l’explication des différences selon la catégorie d’admission en matière de résultats scolaires. En outre, il existe des variations considérables en fonction de la région d’origine dans les résultats des personnes ayant immigré durant l’enfance au sein de chaque catégorie d’admission. Il faudra mener des études additionnelles pour démêler l’effet du pays d’origine et examiner le degré auquel les valeurs culturelles et les caractéristiques socioéconomiques du pays d’origine sont transférées aux personnes ayant immigré durant l’enfance et à la deuxième génération.

Le fait que le niveau de scolarité et la répartition professionnelle des personnes ayant immigré durant l’enfance expliquaient presque entièrement les grandes variations en matière de revenus entre les personnes ayant immigré durant l’enfance dans les différentes catégories d’admission démontre clairement que les niveaux de scolarité et les champs d’études jouent un rôle très important dans l’influence du statut socioéconomique des parents sur les résultats des enfants sur le marché du travail. Cette constatation permet aussi de penser que l’amélioration du niveau de scolarité des enfants d’immigrants ayant des antécédents socioéconomiques défavorables est essentielle pour s’assurer que tous les enfants d’immigrants aient des chances égales d’obtenir le succès économique.

Les études futures devront accorder plus d’attention à la façon dont les expériences postmigratoires influent sur les résultats des enfants d’immigrants, tout particulièrement la communauté ethnique, le quartier de résidence et le contexte scolaire. Des études théoriques et empiriques principalement menées aux États-Unis permettent de penser que les communautés locales où résident les immigrants influent sur les interactions sociales de leurs enfants, et ceci en retour influe sur l’identité, les normes sociales et les motivations de leurs enfants. Il faudra examiner en détail la possibilité que ce constat existe aussi au Canada.

En conclusion, la présente étude montre que la catégorie d’admission des parents est importante pour les résultats de leurs enfants au chapitre de la scolarité et des revenus. Les effets de la catégorie d’admission des parents s’exercent en partie via les différences entre les niveaux de scolarité des parents et leur connaissance des langues officielles. Les autres mécanismes possibles comprennent les facteurs propres aux circonstances prémigratoires et postmigratoires uniques vécues par les immigrants dans chaque catégorie d’admission.

6 Annexe

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