Études analytiques — Méthodes et références
Mesure du capital social au niveau des quartiers : estimations expérimentales du sentiment d’appartenance à la communauté locale au niveau du secteur de recensement
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Résumé
Statistique Canada continue d’utiliser diverses sources de données pour fournir des variables au niveau des quartiers dans un ensemble croissant de domaines, comme les caractéristiques sociodémographiques, le revenu, les services et les commodités, la criminalité et l’environnement. Pourtant, malgré ces progrès, les renseignements sur les aspects sociaux des quartiers ne sont toujours pas disponibles. Dans le présent article, les réponses à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes concernant le sentiment d’appartenance des répondants à leur communauté locale ont été regroupées pour les quatre années d’enquête allant de 2016 à 2019. Les réponses individuelles ont été agrégées au niveau du secteur de recensement (SR). La composante de l’estimation sur petits domaines du Système généralisé d’estimation élaboré à Statistique Canada a ensuite été utilisée pour produire des estimations plus efficaces du sentiment d’appartenance à la communauté moyen au sein des SR que les estimations obtenues uniquement à partir des méthodes normalisées pondérées en fonction de l’enquête. Pour la plupart des domaines, l’estimation sur petits domaines a un coefficient de variation plus petit que l’estimation directe. La différence est particulièrement notable pour les domaines ayant les plus petits échantillons. Les corrélations bivariées et multivariées entre le sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR et sept autres caractéristiques au niveau du SR sont également présentées. Les estimations du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR se sont révélées corrélées, comme prévu, avec d’autres variables au niveau du SR, comme la densité de la population, le roulement de la population, le mode d’occupation et la criminalité.
Introduction
L’élaboration et l’utilisation des renseignements sur les petits domaines demeurent une priorité à Statistique Canada. Les données provenant de diverses sources, comme le recensement, les fichiers administratifs, l’imagerie satellitaire et les sources ouvertes, sont utilisées pour construire des variables au niveau des quartiers dans un ensemble croissant de domaines, comme les caractéristiques sociodémographiques, le revenu, les services et les commodités, la criminalité et l’environnement. Pourtant, malgré ces progrès, les renseignements sur les aspects sociaux des quartiers, comme la communication avec les voisins, la connaissance de ces derniers ainsi que la confiance à l’égard des autres, ne sont toujours pas disponibles. Ce type de renseignements est recueilli dans certaines enquêtes-ménages. Toutefois, ces enquêtes ne comportent généralement pas d’échantillons suffisamment grands pour permettre l’agrégation des réponses individuelles en estimations fiables au niveau des quartiers. Les estimations peuvent être fournies pour des régions géographiques plus vastes, comme les régions métropolitaines de recensement et les régions économiques, mais pas à des niveaux plus détaillés pour les quartiers, qui font l’objet de nombreux travaux de recherche.
Les relations entre le capital social au niveau des quartiers et divers résultats ont été des thèmes importants traités dans les ouvrages de recherche existants. Le capital social au niveau des quartiers est considéré comme un déterminant social de la santé et du bien-être, des études ayant examiné ses corrélations avec des résultats comme l’obésité (Carrillo-Alvarez, Kawachi et Riera-Romani, 2019) l’autoévaluation de la santé (p. ex. Mohnen et coll., 2013; Chola et Alaba, 2013) et la satisfaction à l’égard de la vie en général (Helliwell, Shiplett et Barrington-Leigh, 2018). Le rôle que joue le capital social des quartiers en matière de préparation et d’intervention en cas de catastrophes comme les ouragans est un autre sujet d’enquête (p. ex. Marsh et Buckle, 2001; Kim et Kang, 2009; Zahnow et coll., 2019). Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les données probantes indiquent que les régions géographiques ayant un capital social plus fort se sont davantage conformées aux mesures de confinement et ont affiché des taux de surmortalité plus faibles que les régions ayant un capital social plus faible (Bartscher et coll., 2020). Néanmoins, certains chercheurs font remarquer que les relations entre le capital social des quartiers et les résultats sont souvent mitigés et que ces derniers peuvent être sensibles au modèle de recherche (Carrillo-Alvarez, Kawachi et Riera-Romani, 2019). L’inclusion de mesures des aspects sociaux des quartiers augmenterait la portée de l’analyse empirique de ces questions, particulièrement compte tenu du manque de données canadiennes de ce typeNote 1.
Cette initiative a été entreprise pour combler cette lacune. Une question fondamentale posée aux répondants dans le cadre de l’Enquête annuelle sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) consiste à décrire leur sentiment d’appartenance à leur communauté locale. Les réponses à cette question ont été regroupées pour les quatre années de l’ESCC allant de 2016 à 2019, et les réponses individuelles ont été agrégées jusqu’au niveau du SR. La composante de l’estimation sur petits domaines du Système généralisé d’estimation élaboré à Statistique Canada a ensuite été utilisée pour produire des estimations plus efficaces du sentiment d’appartenance moyen à la communauté au sein des SR que les estimations obtenues uniquement à partir des méthodes normalisées pondérées en fonction de l’enquête.
Ce travail et la variable qui en résulte sont décrits ci-dessous. Les sources de données utilisées pour l’initiative sont d’abord présentées, suivies d’une discussion sur le modèle au niveau du domaine utilisé pour produire les estimations sur petits domaines du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR. Des renseignements sur la qualité de ces estimations sont également présentés. Ensuite, les corrélations entre le sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR et un petit ensemble de variables au niveau du SR sont présentées à l’aide des corrélations de Pearson, des tableaux croisés et d’un modèle de régression multivariée. Enfin, on traite des conclusions et des prochaines étapes.
Données
Pour créer une variable au niveau des quartiers qui représente le capital social, il est préférable que les réponses aux questions sous-jacentes de l’enquête soient disponibles pour le plus grand échantillon de répondants possible. À cet égard, les questions des enquêtes annuelles sont intéressantes, car elles peuvent être regroupées au fil des ans pour obtenir les échantillons nécessaires à la production d’estimations géographiques. L’inclusion de questions dans les enquêtes dont le contenu est semblable et qui reposent sur les mêmes processus d’enquête d’une année à l’autre est également un aspect intéressant, car ces caractéristiques améliorent la comparabilité des échantillons regroupés.
La variable relative au sentiment d’appartenance à la communauté incluse dans l’ESCC répond à ces critères. L’enquête est l’une des plus grandes enquêtes-ménages de Statistique Canada et comprend un ensemble de contenu de base, notamment la question sur le sentiment d’appartenance à la communauté. Chaque année, on demande aux répondants :
- Comment décririez-vous votre sentiment d’appartenance à votre communauté locale? Diriez-vous qu’il est...?
- Très fort, plus ou moins fort, plus ou moins faible ou très faible.
Cette question est posée au début de l’enquête, après des questions de base sur l’âge, la composition du ménage, l’activité principale et l’état de santé général des répondants. La plupart des répondants à l’enquête sont en mesure de répondre à la question et sont disposés à le faire, le taux de non-réponse étant d’environ 4 %.
Le sentiment d’appartenance à la communauté est un concept général qui s’explique par un certain nombre de facteurs sous-jacents. Il est fortement corrélé à la connaissance des voisins, aux échanges réciproques et à la confiance envers ces derniers, ce qui souligne l’importance sous-jacente du capital social. Toutefois, les caractéristiques du quartier (p. ex. les perceptions de la criminalité dans le secteur, l’environnement bâti) et l’enracinement (p. ex. la durée de résidence dans un secteur) sont également fortement corrélés à un sentiment d’appartenance à la communauté, indépendamment de la connaissance des voisins, de la confiance envers eux et du sentiment de réciprocité (Schellenberg et coll., 2018).
Des variables conçues pour évaluer les aspects sociaux des quartiers sont tirées d’autres enquêtes de Statistique Canada. Par exemple, les cycles de 2013, de 2015 et de 2020 de l’Enquête sociale générale (ESG) comprennent des questions sur la confiance des répondants envers leurs voisins et les interactions avec ceux-ci. Toutefois, les échantillons plus petits de l’ESG et l’inclusion de ces questions moins d’une fois par année les rendent moins propices à la production des estimations au niveau géographique. De même, dans le cadre de l’Enquête canadienne sur le logement (ECL) de 2018, les répondants ont été interrogés sur leur satisfaction à l’égard de leur quartier et sur la mesure dans laquelle ils sentent qu’ils en font partie. Bien que l’échantillon annuel de l’ECL soit assez grand, ’une seule année de données était disponible au moment où cette initiative a été entreprise, ce qui exclut la possibilité de regrouper les données entre les années d’enquête. Étant donné qu’elle compte au moins deux années supplémentaires de données de l’ECL recueillies par Statistique Canada (avec l’appui de la Société canadienne d’hypothèques et de logement), l’enquête offrira bientôt une plus grande portée pour produire des estimations géographiques. Au moment de la rédaction du présent document, la variable relative au sentiment d’appartenance à la communauté dans l’ESCC était la meilleure option disponible.
En ce qui concerne les techniques utilisées pour estimer les caractéristiques au niveau des quartiers, les estimations pondérées normalisées (ou estimations directes) sont habituellement obtenues pour un domaine donné à l’aide de données-échantillons de ce domaine. Les estimations directes sont habituellement fiables si la taille de l’échantillon d’un domaine est grande. Les méthodes d’estimation sur petits domaines tentent de produire des estimations fiables lorsque la taille de l’échantillon d’un domaine est petite. Pour ce faire, on complète les données de l’échantillon (données de l’ESCC) avec des renseignements auxiliaires et on utilise un modèle couplant l’estimation directe aux variables explicatives (auxiliaires) dans tous les domaines.
L’estimation directe dans la présente étude est la valeur moyenne pondérée du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR, définie à l’aide des limites du Recensement de 2016. Encore une fois, on a regroupé les données de l’ESCC pour quatre années afin d’obtenir suffisamment de réponses pour calculer des estimations directes pour de nombreux SR. L’estimation directe de la variance correspondante a été calculée à l’aide de 1 000 poids bootstrap. La taille combinée de l’échantillon pour chaque SR a également été conservée.
Des renseignements auxiliaires ont été tirés du Recensement de 2016. Trois variables au niveau du SR ont été désignées comme étant des variables explicatives possibles pour le sentiment d’appartenance moyen à la communauté. Deux portaient sur la mobilité et une sur l’âge. Plus précisément, les variables auxiliaires étaient les suivantes : 1) le pourcentage de la population du SR présente depuis moins d’un an; 2) le pourcentage de la population du SR présente depuis moins de cinq ans; 3) le pourcentage de la population du SR âgée de 20 à 34 ans. Bien qu’il y ait eu 5 678 SR pour le Recensement de 2016, 5 656 SR comportaient des valeurs pour ces trois variables. Par conséquent, des estimations sur petits domaines ont été produites pour ces 5 656 SR.
Une seule variable, soit le pourcentage de personnes âgées de 20 à 34 ans dans le SR, avait une estimation significative du coefficient de régression et a été conservée. Pour améliorer l’ajustement du modèle, on a mis en œuvre une méthode par régression spline d’ordre 2 à l’aide de cette variable auxiliaire. En bref, il s’agissait de créer d’autres variables auxiliaires en segmentant la variable auxiliaire originale et en l’utilisant dans le modèle au niveau du SR.
L’échantillon combiné de l’ESCC a permis de produire des estimations directes pour 4 863 SR, bien que 237 d’entre eux aient été exclus de l’estimation des paramètres du modèle au niveau du SR. L’un de ces 237 SR a été exclu de la modélisation parce qu’il était considéré comme une valeur aberrante, et les 236 SR restants ont été exclus parce que la variance directe a été estimée à zéro. Cela s’est produit dans les SR dont les échantillons sont extrêmement petits (moins de cinq), ce qui a mis en doute l’exactitude des estimations de la variance directe. Sur ces 236 SR, 201 avaient un échantillon combiné d’une seule taille.
Modèle au niveau du domaine
Le modèle linéaire de Fay-Herriot est le modèle le plus couramment utilisé en pratique pour obtenir des estimations sur petits domaines. Dans ce modèle, les hypothèses sur la relation entre le paramètre de population d’intérêt ( , pour le domaine ) et les renseignements externes — dont la source est indépendante de l’enquête — se situent au niveau du domaine. Dans cette application, le paramètre d’intérêt est le sentiment moyen d’appartenance à la communauté de la population et les domaines sont des SR. Le modèle de Fay-Herriot est souvent représenté par ses deux composantes, soit les modèles d’échantillonnage et de couplage ci-dessous :
Modèle d’échantillonnage :
Modèle de couplage : où indique l’estimation directe (pondérée selon l’ESCC) pour le domaine , et , et où sont des coefficients de régression inconnus. Le terme est appelé erreur d’échantillonnage, tandis que le terme est appelé erreur de modèle de couplage. Le modèle permet de nombreuses variables auxiliaires . En combinant ces deux composantes, on obtient le modèle linéaire de Fay-Herriot :
Modèle de Fay-Herriot :
Le modèle de Fay-Herriot ressemble à un modèle de régression linéaire standard, mais sa structure d’erreur est différente; c’est pourquoi des méthodes spéciales d’estimation sont nécessaires pour estimer ses paramètres inconnus (Rao et Molina, 2015). Les estimations des paramètres du modèle sont désignées par , respectivement. Pour que l’estimation sur petits domaines fonctionne bien, les hypothèses sous-jacentes au modèle de Fay-Herriot doivent être maintenues. Le modèle suppose une relation linéaire et la normalité des erreurs de modèle . Ces aspects doivent être validés. Un modèle valide est particulièrement utile pour les petits domaines et sert à accroître la précision des estimations. Dans le contexte de la présente étude, la validation du modèle a été effectuée en examinant attentivement les diagnostics et les graphiques du modèle et en y apportant des modifications jusqu’à ce qu’un modèle satisfaisant soit trouvé. En particulier, une valeur aberrante a été relevée dans le cadre de ce processus de validation. Cette valeur aberrante a ensuite été exclue pour l’estimation des paramètres du modèle.
L’application du modèle de Fay-Herriot exige de connaître la variance des estimations directes (ou erreur-type carrée). Bien que ces variances aient été estimées à l’aide des poids bootstrap, ces estimations de la variance directe peuvent être assez instables lorsque la taille de l’échantillon du domaine est petite. Dans le cadre de ce projet, cette instabilité a été réduite en modélisant les estimations de la variance directe à l’aide d’un modèle de lissage log-linéaire. Les estimations de la variance obtenue sont appelées estimations de la variance lissée, qui ont été utilisées dans l’application du modèle de Fay-Herriot. De plus amples renseignements sur le modèle de lissage log-linéaire et sa validation figurent dans l’article de Hidiroglou, Beaumont et Yung (2019).
Pour chaque domaine, l’estimation sur petits domaines pour laquelle une estimation directe est disponible est une combinaison pondérée de l’estimation directe et de la prédiction du modèle , aussi appelée estimation synthétique. Cette combinaison pondérée s’appelle l’estimation composite de . Cette estimation composite sur petits domaines s’appuie sur l’estimation directe lorsque cette dernière est précise, habituellement lorsque la taille de l’échantillon d’un domaine i est grande. Toutefois, lorsque l’estimation directe dans un domaine donné n’est pas fiable, l’estimation composite s’appuie sur l’estimation synthétique. L’un des avantages des techniques d’estimation sur petits domaines est qu’il est possible de produire une estimation pour un domaine pour lequel il n’existe aucune donnée-échantillon. Dans ce cas, l’estimation sur petits domaines consiste uniquement en la prédiction à partir du modèle, c’est-à-dire l’estimation synthétique. Le processus d’estimation sur petits domaines produit également une erreur-type des estimations sur petits domaines, ce qui fournit une indication de la qualité de ces estimations.
Des estimations sur petits domaines ont été produites pour l’ensemble des 5 656 SR. Le type d’estimation sur petits domaines comprenait 4 626 estimations composites et 1 030 estimations synthétiques. Les estimations synthétiques comprenaient les 793 SR pour lesquels aucune donnée-échantillon n’était disponible, plus les 237 SR pour lesquels les estimations directes n’ont pas été conservées.
L’analyse porte maintenant sur les diagnostics pour valider les hypothèses de linéarité et de normalité du modèle au niveau du domaine et sur la description de la qualité des estimations du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR.
De nombreux graphiques diagnostiques (non présentés ici) ont été examinés de près et diverses mesures ont été calculées pour évaluer la pertinence des modèles. En résumé, une forte relation linéaire entre le sentiment d’appartenance moyen à la communauté et la valeur prédite du modèle au niveau du domaine est évidente, le coefficient de détermination étant égal à 0,81. L’article de Hidiroglou, Beaumont et Yung (2019) comporte une définition du coefficient de détermination du modèle de Fay-Herriot. Un graphique des valeurs résiduelles normalisées par rapport aux valeurs prédites ne montre aucune preuve de non-linéarité. D’autres preuves, comme un graphique Q-Q des quantiles des résidus normalisés en fonction des quantiles normaux, donnent à penser que l’hypothèse de normalité des erreurs de modèle semble tenir. La pertinence du modèle de lissage de variance pour le logarithme des estimations de la variance directe est tout aussi importante. L’inspection des résidus normalisés du modèle de lissage de variance indique que le modèle log-linéaire est adéquat. De plus, les estimations de la variance lissée sont comparées aux estimations de la variance directe afin d’assurer qu’aucun biais systématique n’est introduit dans les estimations de la variance lissée.
Lorsque les diagnostics du modèle sont suffisamment adéquats, les estimations sur petits domaines sont comparées aux estimations directes. Il semble que les estimations directes soient plus variables que les estimations sur petits domaines. Pour la plupart des domaines, l’estimation sur petits domaines a un coefficient de variation plus petit que l’estimation directe. La différence est particulièrement notable pour les domaines ayant les plus petits échantillons. Cela démontre que les méthodes d’estimation sur petits domaines améliorent habituellement la précision des estimations, parfois de façon importante.
Résultats
Dans l’ensemble des SR, les estimations sur petits domaines du sentiment d’appartenance à la communauté s’établissaient en moyenne à 2,81 sur une échelle de réponse de 1 à 4, l’écart type s’établissant à 0,41. Le sentiment d’appartenance à la communauté variait d’un minimum de 2,67 à un maximum de 3,28 dans l’ensemble des SR, soit un écart de 0,61. Plus de la moitié des SR ont un score estimé du sentiment d’appartenance à la communauté allant de 2,81 à 2,83, ce qui souligne le faible écart de la répartition.
Pour situer le sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR dans un contexte empirique plus vaste, la variable a été intégrée à un ensemble de sept autres variables au niveau du SR tirées du Recensement de 2016, du Fichier des familles T1 de 2016 à 2018 et des statistiques sur la criminalité fondées sur des données administratives. Ces sept variables sont les suivantes :
- La densité de la population dans le SR
- Le pourcentage de la population du SR résidant dans un immeuble à logements multiples
- Le pourcentage de la population du SR résidant dans un logement loué
- Le pourcentage de la population du SR ne résidant pas à la même adresse un an auparavant
- Le revenu familial médian ajusté par équivalent-adulte (AEA) dans le SR
- L’âge moyen de la population du SR
- Le pourcentage de la population résidant dans les 10 % des SR qui affichent les taux les plus élevés de crimes violents
Les corrélations de Pearson entre ces variables sont présentées dans le tableau 1. Avant de tenir compte des corrélations du sentiment d’appartenance à la communauté, il convient de tenir compte des corrélations avec certaines autres variables. Comme le montre la troisième colonne du tableau 1, la densité de la population au niveau du SR est positivement corrélée avec le pourcentage de la population du SR résidant dans un immeuble à logements multiples (corrélation de Pearson = 0,595), le pourcentage de la population du SR résidant dans un logement loué (0,531) et le pourcentage de la population du SR qui ne vivait pas à la même adresse un an plus tôt (0,346). La densité de la population est également négativement corrélée avec le revenu familial médian AEA (-0,278) et l’âge moyen (-0,120) dans le SR. Dans l’ensemble, les quartiers à forte densité ont tendance à être caractérisés par des populations plus jeunes, des familles à faible revenu, une plus grande prévalence d’immeubles à logements multiples et de logements loués, et une durée de résidence plus courte.
On s’attend à ce que certaines des caractéristiques ci-dessus soient corrélées avec le sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR, compte tenu de leurs relations observées au niveau individuel, comme la durée de résidence, le roulement de la population et le type de logement (Schellenberg et coll., 2018). La première colonne du tableau 1 montre une corrélation négative entre le sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR et la densité de la population (-0,440), ainsi que les pourcentages de la population du SR résidant dans un immeuble à logements multiples (-0,594) ou dans un logement loué (-0,594), et dont la durée de résidence est de moins d’un an (-0,678). Le revenu familial médian AEA et l’âge sont positivement corrélés avec le sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR.
EPD de l’appartenance à la communauté | Revenu familial médian AEA | Densité de la population | Pourcentage de la population ne vivant pas à la même adresse un an auparavant | Pourcentage de la population vivant dans un logement loué | Pourcentage de la population vivant dans un immeuble à logements multiples | Pourcentage de la population vivant dans les 10 % des SR où la criminalité est la plus élevée | Âge moyen | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
EPD de l’appartenance à la communauté | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Revenu familial médian AEA | 0,380Note *** | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Densité de la population | -0,440Note *** | -0,278Note *** | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Pourcentage de la population ne vivant pas à la même adresse un an auparavant | -0,678Note *** | -0,345Note *** | 0,346Note *** | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Pourcentage de la population vivant dans un logement loué | -0,594Note *** | -0,621Note *** | 0,531Note *** | 0,646Note *** | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Pourcentage de la population vivant dans un immeuble à logements multiples | -0,526Note *** | -0,526Note *** | 0,595Note *** | 0,552Note *** | 0,814Note *** | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Pourcentage de la population vivant dans les 10 % des SR où la criminalité est la plus élevée | -0,258Note *** | -0,226Note *** | -0,024Tableau 1 Note † | 0,356Note *** | 0,276Note *** | 0,181Note *** | 1,000 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Âge moyen | 0,395Note *** | 0,032Note * | -0,120Note *** | -0,205Note *** | -0,022Tableau 1 Note § | -0,012Tableau 1 Note § | 0,020Tableau 1 Note § | 1,000 |
... n'ayant pas lieu de figurer
Sources : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2016 à 2019; Recensement de 2016; Fichier des familles T1; totalisation du Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. |
Pour mieux comprendre le sentiment d’appartenance à la communauté, les SR ont été triés du niveau le plus élevé d’appartenance à la communauté au plus faible, puis divisés en trois groupes de taille égale. Cela a donné trois terciles d’appartenance à la communauté au niveau du SR entre lesquels les caractéristiques de composition peuvent être comparées. Pour commencer, les estimations relatives au sentiment moyen d’appartenance à la communauté dans les terciles variaient de 2,76 dans les SR du tercile inférieur à 2,84 dans ceux du tercile supérieur. Le faible écart entre les estimations est encore une fois évident.
Néanmoins, les terciles comportent une importante variation entre les autres variables au niveau du SR. La densité de la population moyenne des SR du tercile inférieur d’appartenance à la communauté était de 5 915 personnes par km2, soit près de trois fois la densité moyenne des SR du tercile supérieur (2 016 par km2). De même, la part moyenne de la population des SR résidant dans un immeuble à logements multiples était de 68 % dans le tercile inférieur et de 29 % dans le tercile supérieur, tandis que les parts de celle résidant dans un logement loué variaient de 48 % à 17 %. Près d’un résident sur cinq (19 %) des SR ayant un faible sentiment d’appartenance à la communauté vivait à son adresse actuelle depuis moins d’un an, soit environ le double des SR où les résidents ont un fort sentiment d’appartenance (10 %). L’âge moyen dans les SR où les résidents ont un faible sentiment appartenance à la communauté était inférieur de 3,6 ans à celui des SR où les résidents ont un fort sentiment d’appartenance à la communauté, et le revenu familial médian AEA était inférieur d’environ 12 500 $. Enfin, 20 % de la population totale du tercile inférieur d’appartenance à la communauté résidait dans les 10 % de SR ayant les taux de crimes violents les plus élevés. Les proportions de la population des terciles intermédiaire et supérieur d’appartenance à la communauté qui résident dans des SR où la criminalité est élevée étaient de 6 % et de 3 %, respectivement.
Tercile inférieur d’appartenance à la communauté au niveau du SR | Tercile intermédiaire d’appartenance à la communauté au niveau du SR | Tercile supérieur d’appartenance à la communauté au niveau du SR | |
---|---|---|---|
nombre | |||
Sentiment d’appartenance moyen à la communauté au niveau du SR (de 1 à 4) | 2,76 | 2,82 | 2,84 |
habitants/km2 | |||
Densité moyenne de la population | 5 915 | 3 162 | 2 016 |
âge | |||
Âge moyen | 38,1 | 39,8 | 41,8 |
pourcentage | |||
Pourcentage moyen de la population vivant dans un immeuble à logements multiples | 68,3 | 45,1 | 28,5 |
Pourcentage moyen de la population vivant dans un logement loué | 48,4 | 27,6 | 16,7 |
Pourcentage moyen de la population ne vivant pas à la même adresse un an auparavant | 19,3 | 11,9 | 9,8 |
Pourcentage du tercile de la population résidant dans les 10 % des SR affichant les taux les plus élevés de crimes violents | 19,9 | 5,7 | 2,8 |
dollars | |||
Revenu familial médian AEA | 35 095 | 39 097 | 47 572 |
Note : SR signifie secteur de recensement; AEA signifie ajusté par équivalent-adulte. Sources : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2016 à 2019; Recensement de 2016; Fichier des familles T1; totalisation du Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. |
Comme dernière étape de cette analyse initiale, on a exécuté un modèle de régression logistique multinomial dans lequel les terciles d’appartenance à la communauté ont fait l’objet d’une régression par rapport aux sept autres variables au niveau du SR. Le deuxième tercile a été utilisé comme groupe de référence. Les coefficients de régression sont présentés au tableau 3. Après la prise en compte d’autres caractéristiques du modèle, une corrélation positive a été constatée entre la densité de la population et les SR se trouvant dans le tercile inférieur d’appartenance à la communauté, et une corrélation négative a été constatée entre la densité de la population et les SR se trouvant dans le tercile supérieur d’appartenance à la communauté. On observe la même tendance en ce qui concerne les parts de populations des SR ayant une courte durée de résidence et celles résidant dans un logement loué. Les corrélations entre les populations des SR résidant dans un immeuble à logements multiples et les terciles d’appartenance à la communauté ne sont pas significatives lorsque d’autres variables sont prises en compte.
Conformément aux résultats bivariés ci-dessus, l’âge moyen est positivement corrélé avec les SR se trouvant dans le tercile inférieur d’appartenance à la communauté et négativement corrélé avec ceux se trouvant dans le tercile supérieur, après déduction des autres variables du modèle. On observe de nouveau une forte relation avec la criminalité, puisque les SR dont les taux de crimes avec violence étaient de 10 % supérieur étaient beaucoup plus susceptibles de se situer dans le tercile inférieur d’appartenance à la communauté et beaucoup moins susceptibles de se situer dans le tercile supérieur que les autres SR. La corrélation entre le revenu familial médian AEA du SR et le sentiment d’appartenance à la communauté est moins simple, des corrélations négatives étant observées avec la probabilité de se situer dans les terciles inférieur ou supérieur d’appartenance à la communauté.
Tercile inférieur d’appartenance à la communauté au niveau du SR | Tercile intermédiaire d’appartenance à la collectivité au niveau du SR | Tercile supérieur d’appartenance à la communauté au niveau du SR | |
---|---|---|---|
coefficient | |||
Logarithme de la densité de la population | 0,337Note *** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,233Note *** |
Pourcentage de la population du SR vivant dans un immeuble à logements multiples | 0,001 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,003 |
Pourcentage de la population du SR ne vivant pas à la même adresse un an auparavant | 0,269Note *** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,076Note *** |
Pourcentage de la population du SR vivant dans un logement loué | 0,011Note *** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,032Note *** |
Logarithme du revenu familial AEA | -0,157Note ** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -0,137Note *** |
Âge moyen | -0,158Note *** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,147Note *** |
SR dans la tranche supérieure de 10 % des SR en ce qui concerne le taux de crimes violents | 0,602Note *** | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | -1,211Note *** |
... n'ayant pas lieu de figurer
Sources : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2016 à 2019; Recensement de 2016; Fichier des familles T1; totalisation du Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. |
Discussion
Dans l’ensemble, l’application de techniques d’estimation sur petits domaines aux données regroupées au cours des années successives de l’ESCC produit des estimations améliorées du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR. Cela ajoute une mesure grandement nécessaire des liens sociaux et de l’attachement à un lieu au stock croissant de renseignements au niveau des quartiers disponibles auprès de Statistique Canada. Même si les données regroupées de l’ESCC couvraient quatre années, la taille des échantillons était encore petite dans de nombreux SR, ce qui permettait de renforcer davantage les estimations au niveau du SR. L’ajout de l’ESCC de 2020 à l’échantillon regroupé et la nouvelle estimation du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR à l’aide de techniques d’estimation sur petits domaines constituent une voie à suivre.
Les corrélations bivariées et multivariées ci-dessus ne soulignent que quelques-uns des facteurs qui contribuent au sentiment d’appartenance à la communauté dans les quartiers ou qui y nuisent. Les estimations de la densité de la population, de la durée de résidence, du mode d’occupation du logement, du revenu, de l’âge et de la criminalité au niveau du SR sont fortement corrélées et toutes, à l’exception du revenu, suivent la direction prévue.
D’autres caractéristiques du quartier peuvent nuire davantage au sentiment d’appartenance à la communauté dans les quartiers ou y contribuer. Par exemple, on pourrait s’attendre à ce que les parcs et les espaces verts améliorent le sentiment d’appartenance à la communauté en offrant des possibilités d’interactions sociales ou de proximité avec la nature. La disponibilité des estimations du sentiment d’appartenance à la communauté au niveau du SR offre de nouvelles occasions d’évaluer de tels facteurs. Elle présente également l’occasion d’améliorer l’analyse des relations entre les caractéristiques des quartiers et les résultats des expériences vécues par les personnes, comme ceux liés à la santé et au bien-être.
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