D'est en ouest : 140 ans de migration interprovinciale

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Mégatendances canadiennes

La migration entre les provinces et les territoires caractérise la vie de la population canadienne depuis la Confédération, et la proportion de Canadiens qui quittent leur province ou leur territoire d'origine pour s'établir ailleurs au pays s'est accrue au fil du temps. Les mouvements migratoires de ces Canadiens ont été influencés par les cycles économiques et l'activité dans certains secteurs économiques, façonnant ainsi le paysage démographique du pays. Tout au long du XXe siècle, ce phénomène a contribué au déplacement de la population vers l'ouest du pays.

Encore aujourd'hui, bien que les tendances récentes démontrent une baisse de la migration interprovinciale, celle-ci continue à influencer de façon importante la croissance et la structure par âge des provinces et des territoires. De 2006 à 2011, près de 3 % des Canadiens ont changé de province ou de territoire de résidence.

Le peuplement de l'Ouest et l'après-guerre : deux périodes dynamiques sur le plan de la migration interprovinciale

Depuis la Confédération en 1867, le nombre de Canadiens ne résidant pas dans leur province ou leur territoire d'origine — appelés migrants interprovinciaux dans cet article — a augmenté tous les 10 ans.

En 1871, alors que le Canada était formé du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l'Ontario et du Manitoba, 68 060 Canadiens résidaient dans une province autre que celle où ils sont nés. Cela représentait 2,3 % des 2 917 290 Canadiens nés au pays.

En 1905, la Saskatchewan et l'Alberta se sont jointes à la Confédération, et ces deux provinces ont accueilli un afflux de migrants. De 1901 à 1911, le nombre de migrants interprovinciaux au Canada a plus que doublé pour passer de 239 955 à 537 936 personnes, ce qui correspond à 9,6 % de la population née au pays.

Graphique 1 Nombre de Canadiens résidant dans une province ou un territoire autre que leur province ou leur territoire d'origine et proportion par rapport à l'ensemble de la population née au Canada, 1871 à 2011
Description de Graphique 1
Nombre de Canadiens résidant dans une province ou un territoire autre que leur province ou leur territoire d'origine et proportion par rapport à l'ensemble de la population née au Canada, 1871 à 2011
  Nombre de migrants Proportion de migrants interprovinciaux dans la population née au Canada
1871 68 060 2,3
1881 121 671 3,3
1891 188 241 4,6
1901 239 955 5,3
1911 537 936 9,6
1921 684 157 10,0
1931 783 198 9,7
1941 915 726 9,7
1951 1 412 556 11,8
1961 1 892 255 12,3
1971 2 470 280 13,5
1981 3 128 925 15,5
1991 3 416 835 15,3
2001 3 563 260 14,9
2011 3 779 990 14,7

De 1911 à 1941 — période marquée par les deux guerres mondiales et la Crise de 1929 —, la proportion de migrants interprovinciaux est demeurée stable, se situant à environ 10 % de la population née au Canada.

De 1941 à 1951, le nombre de migrants interprovinciaux a crû pour passer de 915 726 à 1 412 556, représentant, en 1951, 11,8 % de la population née au pays. Cette proportion a continué de progresser jusqu'en 1981, atteignant un niveau inégalé de 15,5 %. La forte intensité de la migration interprovinciale observée de 1941 à 1981 a coïncidé avec la reprise économique de l'après-guerre, la croissance de l'activité industrielle au Canada et l'exploitation pétrolière en Alberta, dont la production a augmenté rapidement à la suite du premier choc pétrolier en 1973.

De 1981 à 2011, le nombre de migrants interprovinciaux a continué d'augmenter, mais leur proportion parmi la population née au Canada a baissé peu à peu. Cette période a été marquée par trois récessions, soit au début des années 1980, au début des années 1990 et à la fin des années 2000. En 2011, 3 779 990 Canadiens (14,7 %) résidaient dans une province ou un territoire autre que leur province ou leur territoire d'origine.  

La migration interprovinciale a contribué au peuplement rapide des provinces de l'Ouest

Les provinces de l'Ouest se sont peuplées principalement après la Confédération. Le peuplement de ces provinces s'est par la suite accéléré à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les proportions de Canadiens nés à l'extérieur de ces provinces ayant atteint des niveaux très élevés au cours de cette période.

En 1881, 57,6 % de la population du Manitoba était née à l'extérieur de la province. Cette année-là, la province comptait plus de Canadiens nés en Ontario (18 744) que de Canadiens nés au Manitoba (17 448).

En Colombie-Britannique, la proportion de migrants interprovinciaux est passée de 7,9 % en 1881 à 49,6 % en 1911. Les proportions de migrants interprovinciaux étaient également très élevées en Saskatchewan (57,9 %) et en Alberta (54,0 %) en 1911, soit six ans après leur entrée dans la Confédération.

De toute évidence, si la contribution importante de l'immigration internationale est souvent soulignée pour expliquer le peuplement rapide de l'Ouest canadien, celle de la migration interprovinciale n'est pas non plus à négliger. À titre d'exemple, en 1911, pour 100 immigrants internationaux, la Saskatchewan comptait 58 migrants interprovinciaux et l'Alberta, 41.

Graphique 2 Proportion de Canadiens résidant dans une province autre que leur province d'origine (entrants interprovinciaux), selon la région de destination, 1971 à 2011
Description de Graphique 2
Proportion de Canadiens résidant dans une province autre que leur province d'origine (entrants interprovinciaux), selon la région de destination, 1971 à 2011
  Canada Provinces de l'Atlantique Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
%
1871 2,3 2,0 0,8 4,0 0,9
1881 3,3 2,9 1,0 3,9 57,6 7,9
1891 4,6 2,9 1,4 4,0 52,8 35,3
1901 5,3 3,1 1,6 3,8 44,2 39,4
1911 9,6 3,1 1,5 3,9 34,4 57,9 54,0 49,6
1921 10,0 4,1 2,1 4,7 24,7 37,0 38,0 40,3
1931 9,7 4,5 3,0 5,5 19,3 26,6 29,4 37,6
1941 9,7 4,9 3,5 7,1 16,4 19,0 22,9 38,5
1951 11,8 6,3 4,2 10,9 16,0 16,3 24,4 43,5
1961 12,3 8,1 4,6 11,8 15,8 14,3 24,5 36,9
1971 13,5 9,7 4,6 13,1 16,1 13,0 25,5 37,4
1981 15,5 11,6 4,1 13,3 16,2 14,5 35,3 39,7
1991 15,3 12,9 4,1 13,3 15,7 13,4 31,7 36,7
2001 14,9 13,6 3,8 11,9 14,9 13,6 32,4 33,6
2011 14,7 15,6 4,0 10,8 14,5 15,6 33,0 31,0
Graphique 3 Proportion de Canadiens ayant quitté leur province d'origine (sortants interprovinciaux), selon la région d'origine, 1871 à 2011
Description de Graphique 3
Proportion de Canadiens ayant quitté leur province d'origine (sortants interprovinciaux), selon la région d'origine, 1871 à 2011
  Canada Provinces de l'Atlantique Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
%
1871 2,3 2,8 3,8 0,7 1,6
1881 3,3 3,8 4,4 2,1 3,8 0,3
1891 4,6 4,5 5,0 4,4 4,2 1,1
1901 5,3 4,8 5,0 6,0 4,7 1,2
1911 9,6 7,8 5,8 13,3 17,9 5,8 6,1 3,9
1921 10 9,5 6,4 13,2 17,1 8,6 8,1 6,1
1931 9,7 11,1 5,7 11,3 19,4 11,9 10,8 5,9
1941 9,7 11,0 5,0 9,2 21,4 20,4 13,5 5,9
1951 11,8 15,1 5,6 8,4 27,0 32,8 18,6 9,3
1961 12,3 18,6 5,5 7,8 28,0 35,5 18,4 9,8
1971 13,5 22,9 6,2 7,5 30,6 40,0 20,4 9,8
1981 15,5 24,8 7,8 10,1 33,8 41,8 20,8 11,6
1991 15,3 26,2 8,0 9,3 32,2 41,1 21,4 11,8
2001 14,9 27,3 7,9 9,3 31,3 40,5 19,6 12,0
2011 14,7 28,9 7,5 9,5 30,5 38,9 19,1 13,2

Au cours du XXe siècle, les provinces de l'Ouest ont toutefois affiché des dynamiques migratoires distinctes.

La Colombie-Britannique est demeurée une destination pour les migrants interprovinciaux, la proportion de ces derniers dans la province étant demeurée supérieure à 30  % lors de chaque recensement réalisé durant le siècle.

En Alberta, la proportion de migrants interprovinciaux a fortement baissé, passant de 54,0 % en 1911 à 22,9 % en 1941. Cependant, cette proportion est en hausse presque constante depuis le début de l'exploitation pétrolière en 1947. Elle se situait à 33,0 % en 2011, un sommet parmi les provinces canadiennes.

Au Manitoba et en Saskatchewan, la proportion de migrants interprovinciaux a rapidement diminué après les sommets enregistrés respectivement en 1881 et en 1911. La proportion de migrants interprovinciaux résidant dans ces provinces s'est stabilisée depuis 1941, oscillant entre 13,0 % et 19,0 % et se rapprochant de la proportion observée dans l'ensemble du pays.

Néanmoins, au milieu du XXe siècle, ces deux provinces ont plutôt été caractérisées par des pertes migratoires interprovinciales. De 1901 à 1981, la proportion de Canadiens nés au Manitoba et résidant dans une autre province ou un autre territoire a crû pour passer de 4,7 % à 33,8 %. En Saskatchewan, cette proportion a augmenté pour passer de 5,8 % en 1911 à 41,8 % en 1981. Depuis 1951, la Saskatchewan est la province canadienne affichant la proportion la plus élevée de migrants vivant dans une autre province ou un autre territoire.

Hausse marquée du nombre de sortants interprovinciaux dans les provinces de l'Atlantique après la période de l'après-guerre

La contribution de la migration interprovinciale à l'accroissement démographique a été considérablement moins marquée dans les provinces de l'Atlantique, en Ontario et au Québec qu'elle ne l'a été dans l'Ouest du pays. De 1871 à 1941, relativement peu de migrants interprovinciaux ont choisi de s'installer dans ces provinces, les proportions de migrants interprovinciaux se chiffrant en dessous de 10 %.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les proportions de migrants internationaux dans les provinces de l'Atlantique et en Ontario ont commencé à croître, se rapprochant de la proportion observée dans l'ensemble du pays. Au Québec, la proportion de migrants interprovinciaux résidant dans la province a toujours été faible, ayant atteint un sommet historique de 4,6 % en 1961 et en 1971.

Dans l'ensemble, une proportion relativement importante de migrants interprovinciaux sont nés dans les provinces de l'Atlantique, de l'Ontario et du Québec. Par exemple, de 1901 à 1911, une grande part des migrants qui se sont déplacés vers l'Ouest provenaient de l'Ontario. Le nombre de migrants nés en Ontario s'est accru de 162 % pour passer de 113 096 à 296 629 au cours de ces 10 années. Autrement dit, 6,0 % des Canadiens nés en Ontario avaient migré en 1901, proportion qui a crû pour s'établir à 13,3 % en 1911.

Par ailleurs, depuis l'après-guerre, les quatre provinces de l'Atlantique ont été marquées par une hausse constante du nombre de sortants interprovinciaux. La proportion de Canadiens nés dans les provinces de l'Atlantique et résidant dans une autre province ou un autre territoire a augmenté pour passer de 11,0 % en 1941 à 28,9 % en 2011, ce qui représente près du double de la proportion à l'échelle nationale. En 2011, les sortants interprovinciaux nés dans les provinces de l'Atlantique résidaient majoritairement en Ontario (40,6 %), dans les provinces de l'Ouest (31,2 %) ou dans une autre province de l'Atlantique (18,5 %).

Note aux lecteurs

Les provinces sont comprises dans l'analyse à partir du recensement tenu après leur intégration à la Confédération. Bien que les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon aient intégré la Confédération en 1870 et en 1898 respectivement, ils sont inclus dans l'analyse à partir de 1911, puisque les frontières des provinces et des territoires ont été considérablement modifiées entre 1871 et 1911.

Définitions

Migration interprovinciale :
La migration interprovinciale représente les déplacements d'une province ou d'un territoire vers un autre, accompagnés d'un changement de lieu habituel de résidence.
Sortant interprovincial :
Toute personne qui élit domicile dans une province ou un territoire autre que sa province ou son territoire d'origine est considérée comme un émigrant interne par rapport à sa province ou son territoire d'origine.
Entrant interprovincial :
Toute personne qui élit domicile dans une province ou un territoire autre que sa province ou son territoire d'origine est considérée comme un immigrant interne par rapport à sa province ou son territoire de destination.

Références

Bibliothèque et Archives Canada

George, M. V. 1970. Internal migration in Canada. Dominion Bureau of Statistics.

Henripin, J. 2003. La métamorphose de la population canadienne. Les Éditions Varia.

Personnes-ressources

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